Un lit. Un bien grand lit pour une si petite chose, édentée et chauve, recroquevillée sur son funeste sort dans d’imperceptibles soubresauts. A côté, étendue sur la table, l’immensité de la médecine impuissante en seringues inutiles et fioles dérisoires. Et devant ce triste bordel deux blouses blanches, circonspectes, aux tempes grises et à la mine abattue. Je me revois encore, perplexe, écouter la longue litanie monocorde de circonstance tout en tripatouillant discrètement mon petit secret de verre.
– Et vous avez pensé à essayer la petite poudre, à un moment ? Parce que là, franchement…
– Oui, bien sûr. On la dit bien efficace, cette poudre. Personnellement, je ne l’ai jamais utilisée. Ce serait pas mal, mais apparemment il est assez difficile de s’en procurer. Nous avons passé commande auprès de la pharmacie, nous en disposerons d’ici à une semaine.
Une semaine de plus ? Je te jure.
– Tenez, la voilà, dis-je à l’infirmière qui se ranime d’un coup à la vue du sésame ancestral.
– Enfin les choses sérieuses ! Qu’elle ajoute en filant préparer la potion avec cette voix de rogomme qu’ont ces vieilles rombières séculaires au cuir si épais.
Je suis gêné. Je le connais à peine, ce médecin.
– Vous êtes bien certains de vouloir tenter le coup ? Parce qu’il va y avoir une apnée transitoire. Qui peut être longue. Et qu’il faudra probablement respecter, à mon sens.
– ... Longue, vraiment ?
– Assez. Suffisamment. Êtes-vous prêts, vraiment ?
– … On n’a plus tellement le choix. Vas-y.
J’ai traîné mon dégoût quelques jours puis j’ai recroisé mon comparse d’un jour, à l’internat. Entre la poire et le dessert. Entourés de spectateurs dubitatifs et de commentateurs distants. On a causé. De ce moment, de ma tourmente. De son malaise. Du mien. De comment les gens autour ont perçu les choses. De nos vues du problème, de nos façons de faire. Sans pour autant être d’accord, nous avons pourtant convenu qu’on rejouerais la pièce différemment, si c’était à refaire.
Quand ce sera à refaire.
On cause beaucoup de ces choses-là, partout, tout le temps. Tout le monde. Sans vraiment savoir, en fait. Bientôt, il y aura peut-être bien de nouvelles lois pour ça. Pour éviter le pire. Pour cadrer l’humanité.