Affaire abbé Pierre : comment la société et les médias fabriquent des icônes
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L’étrangeté sympathique de ce prêtre sans soutane
Pendant toutes ces années où il incarnait la charité à la une des journaux, en librairie et sur les écrans, l’abbé Pierre agressait des femmes. Depuis la révélation de vingt-quatre témoignages accusant le prêtre d’agressions sexuelles, l’icône se désagrège et Denis Lefèvre se questionne : pourquoi lui et tant d’autres journalistes n’ont-ils pas sondé davantage les zones d’ombre de l’abbé ? Dans cette mystification collective, la fabrique médiatique si friande de héros populaires porte évidemment une part de responsabilité. Pendant que des cadres d’Emmaüs et des évêques manœuvraient secrètement pour éviter le scandale, des médias édifiaient une figure semblant si bien incarner la bonté qu’il devenait sacrilège d’interroger ses facettes plus obscures.
L’abbé Pierre était une icône médiatique. La célébrité du capucin élu député s’envole au cœur de l’hiver 1954, quand il lance son appel à la solidarité avec les sans-abri sur Radio Luxembourg. Dès le lendemain, pour la presse et pour tout le pays, il incarne « l’insurrection de la bonté ». La verve rebelle et persuasive, le pseudonyme hérité de la Résistance, la barbe, la cape qu’il ne quittera bientôt plus, l’étrangeté sympathique de ce prêtre sans soutane au service des pauvres : tout est réuni pour en faire le parfait « bon client » d’une presse en quête de voix fortes et de visages identifiés par le grand public.
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