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  • Réforme des retraites : les risques d’une radicalisation
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/21/retraites-les-risques-d-une-radicalisation_6026684_3232.html


    Manifestation contre la réforme des retraites, à Versailles, le 20 janvier, où Emmanuel Macron recevait par ailleurs de grands patrons.
    PHILIPPE LOPEZ / AFP

    Editorial. De nombreux actes violents ont été commis ces derniers jours en marge de la mobilisation contre la réforme. Pour éviter le point de rupture, Emmanuel Macron doit mieux expliquer sa politique et traiter sans transiger les violences policières.

    Editorial du « Monde ». Journée presque ordinaire en France : lundi 20 janvier, tandis qu’Emmanuel Macron accueille à Versailles deux cents grands patrons étrangers dans le cadre de l’opération « Choose France », de deux cents à trois cents personnes manifestent dans la ville, munies de pancartes : « Macron dégage ». Le conflit autour de la réforme des retraites a beau perdre en puissance, trains et métros ont beau circuler presque normalement, l’atmosphère s’alourdit. Après plusieurs semaines d’un mouvement social qui s’est caractérisé, il faut le saluer, par le nombre réduit d’incidents de la part des grévistes, le risque d’une radicalisation s’accentue.

    La cible, c’est évidemment Emmanuel Macron et son gouvernement, qui veulent présenter la réforme des retraites, vendredi, en conseil des ministres, puis la soumettre au Parlement. En réponse, des petits groupes s’organisent pour perturber leurs sorties publiques et privées : vendredi soir, plusieurs dizaines d’opposants se sont rassemblés devant le Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, où le chef de l’Etat passait la soirée. La veille, la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa avait été vivement prise à partie par des militants lors d’une réunion publique à Paris. Lundi, le ministre de la culture, Franck Riester, a renoncé à présenter ses vœux pour éviter de voir la cérémonie perturbée.

    Les crispations s’accentuent
    Des députés de la majorité sont également menacés, mais la cible, c’est aussi la CFDT, qui a accepté, le 11 janvier, avec la CFTC et l’UNSA, de conclure un compromis avec le gouvernement en échange du retrait d’un âge pivot applicable dès 2022, ouvrant la voie à l’instauration d’un système universel par points. Pour la seconde fois en quatre jours, le siège parisien du syndicat a été investi, cette fois-ci par une quinzaine d’hommes cagoulés qui ont brièvement coupé l’électricité, en dénonçant « une collaboration de classe ». Revendiquée par la CGT-Energie, l’action a été condamnée « à titre personnel » par Philippe Martinez, le secrétaire général de la confédération, qui se montre néanmoins impuissant à contenir les débordements d’une fraction de ses militants.

    La multiplication de ces actions est inquiétante, car elle revient à fouler les principes qui fondent la démocratie : discussion, quête du compromis et acceptation de celui-ci. La dérive est suffisamment forte pour que tous ceux qui sont attachés à la démocratie s’en soucient et la dénoncent. S’il est vrai que le gouvernement a mal expliqué sa réforme, on ne peut lui reprocher d’avoir fait la sourde oreille : les syndicats ont été reçus à maintes reprises ; semaine après semaine, ils ont obtenu que la copie soit amendée et améliorée. De plus, le texte n’est pas figé, dans la mesure où les conclusions de la conférence sur le financement à laquelle ils participent ont vocation à être intégrées au projet de loi au printemps.

    Emmanuel Macron n’est pas le premier président exposé à la radicalité. Portraits brûlés, effigies pendues, insultes lors des déplacements, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont, eux aussi, connu leur lot d’épisodes violents. Mais, depuis deux ans et demi, les crispations s’accentuent. La personnalité du chef de l’Etat et le poids des réseaux sociaux ont exacerbé les tensions. Pour éviter le point de rupture, Emmanuel Macron doit redoubler d’efforts pour tenter d’expliquer sa politique, qui reste largement incomprise. Il doit aussi traiter sans transiger les violences policières, qui contribuent elles aussi à cette dangereuse surenchère.