• – Tout ce qui peut permettre d’entamer le système du silence, à l’échelle des individus, des familles et de la société, doit être encouragé.

      Premier axe à mettre en œuvre par les pouvoirs publics : il faut réfléchir à un moyen d’informer les enfants incesteurs et les adultes incesteurs sur le fait que la sexualité avec quiconque est âgé de moins de quinze ans (la majorité sexuelle) est une infraction grave. Dans toutes les familles où il y a de l’inceste, les incesteurs savent très bien que l’inceste est interdit, que le viol est interdit, qu’abuser de son enfant est interdit. Les incesteurs contournent l’interdit, et contournent la mésestime d’eux-mêmes, en utilisant d’autres mots (« les bêtises », « ça », « faire l’amour »), ou aucun mot, pour définir ce qu’ils font avec l’enfant. En entreprise, dans l’espace public par voie d’affichage, à la télévision, il faut informer les adultes et les enfants, en évitant les périphrases et en communiquant sur l’idée qu’une situation ou un geste avec un mineur qui provoque une excitation sexuelle chez l’adulte, est interdit.

      Deuxième axe : il faut responsabiliser davantage tous les adultes, et pas seulement dans les familles où il y a de l’inceste. Nous avons tous – c’est statistiquement inévitable – connu des gens, collègues, amis, compagne ou compagnon, qui nous ont fait part d’une histoire d’inceste, qui les a concernée directement ou qui a concerné des proches. Si nous arrivions à dépasser notre gêne (légitime) pour en reparler, poser des questions, amener la personne qui nous en parle à aller questionner sa famille et révéler l’inceste, nous aiderions à faire circuler la parole sur l’inceste, et peut-être nous permettrions de prévenir d’autres incestes. Les révélations d’inceste sont souvent faites incidemment, sans qu’on réalise vraiment qu’on vient de nous révéler une situation d’inceste. Les personnes qui révèlent l’inceste à leur entourage, que ce soit au fil d’une conversation qui n’a rien à voir, ou quand elles racontent une période de leur vie, parviennent à le dire mais à étouffer la révélation dans l’œuf. Et nous ne les accompagnons pas dans la révélation, parce que nous sommes gênés. Nous devrions tous être responsabilisés davantage.

      Troisième axe : favoriser la circulation de la révélation d’inceste dans la famille incestueuse, pour prévenir d’autres incestes dans la famille. De nombreuses études menées au Québec et en Amérique du nord montrent l’efficacité de la parole pour prévenir les récidives d’inceste et de violence domestique. Je schématise mais grosso-modo, on sait que si on rassemble les membres de la famille et qu’on dit, publiquement, devant tout le monde : untel a incesté untel, ou bien, untel bat sa compagne, ses enfants, alors les violences ne sont pas reconduites car on est sorti du système silence. Ce qui, au passage, bat en brèche la notion de pulsion, qui peut être totalement inhibée dès lors que les infractions sont étalées au grand jour.

  • La société de vigilance - Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires - Vanessa Codaccioni
    https://www.editionstextuel.com/livre/la_-societe_dvigilance

    Injonctions sécuritaires et obéissance citoyenne Partout dans le monde, les populations sont incitées à se mobiliser pour assurer leur propre sécurité et celle de leur pays. Partout, les appels à la vigilance et à la responsabilité individuelle se multiplient, tandis que les États s’appuient de plus en plus sur les citoyennes et les citoyens pour surveiller, réprimer et punir. Au travail, sur internet, dans la rue, à l’école, au sein de la famille.

    Prolongeant ses travaux sur la répression, Vanessa (...)

    #famille #délation #enseignement #surveillance #travail

  • Duhamel Kouchner : Merci à celles qui brisent l’omerta
    https://sandrine70.wordpress.com/2021/01/05/duhamel-kouchner-merci-a-celles-qui-brisent-lomerta

    Je voudrais surtout ici réagir à un tweet mal intentionné qui reproche à Camille Kouchner d’être la compagne de Louis Dreyfus, président du directoire du Monde qui le premier sort l’affaire (mais 3 jours avant la parution du livre au Seuil donc s’il fallait lui reprocher qqch, ce serait de privilégier le média de son conjoint, et alors ?), avec L’Obs, dont il est aussi le patron. Alors non, ça ne me choque pas. Mais m’inspire deux réflexions.

    La première, pas nouvelle, c’est qu’il faut ça pour qu’une femme puisse parler. Etre Adèle Haenel, actrice reconnue, ou Vanessa Springora, éditrice reconnue, ou enfin Camille Kouchner, avocate et proche d’un grand patron de presse. On imagine combien c’est difficile pour celles qui n’ont pas ces soutiens de le faire, et on les remercie de le faire aussi pour elles. Pensons aussi à toutes les autres pour qui être entendues (parce qu’elles parlent) est encore plus difficile

    Deuxièmement, c’est une bonne nouvelle, qu’aujourd’hui des médias, des réseaux d’influence puissent servir la dénonciation des crimes et non plus la protection des criminel·les Et quand c’est Le Monde, on sait en plus qu’ils ne le font pas à la légère mais avec sérieux. Depuis quelques mois, avec les unes sur les féminicides, avec la une contre l’inceste, on voit que le plus réputé des quotidiens français a évolué.
    Et si c’est parce qu’un homme puissant a su écouter la parole des victimes, qu’il ne s’agit évidemment pas de vengeance mais de justice et de vérité, alors je dirais juste, TANT MIEUX !

    #inceste #violences_sexuelles #viol #culture_du_viol #domination_masculine #domination_adulte #famille #omerta

  • L’inceste, un phénomène tabou à l’ampleur méconnue
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/05/l-inceste-un-phenomene-tabou-a-l-ampleur-meconnue_6065232_3224.html

    Massif, dévastateur et encore bien souvent tabou. Tel est l’inceste, aujourd’hui encore, dans notre société. Massif ? Bien qu’encore trop rares, les études sur le sujet montrent qu’entre 5 % et 10 % des Français ont été victimes de violences sexuelles durant leur enfance, qui se déroulent, dans 80 % des cas, au sein de la sphère familiale. Dans un sondage Ipsos réalisé en novembre 2020 pour l’association Face à l’inceste, un Français sur dix affirme en avoir été victime.

    Des garçons et surtout des filles de tous les milieux sociaux sont concernés. La première agression survient, en moyenne, à l’âge de 9 ans. Dans l’immense majorité des cas, les auteurs sont des hommes, ce que confirme une note de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales publiée en décembre 2020, qui s’appuie sur les chiffres des services de police et les unités de gendarmerie. Sur 6 737 personnes mises en cause pour des violences sexuelles incestueuses entre 2016 et 2018, 95 % sont de sexe masculin. Parmi les 4 341 victimes de violences sexuelles incestueuses (dont 77 % de filles) enregistrées pendant ces trois ans, la moitié avait moins de 4 ans, indique par ailleurs l’étude.

    Isabelle Aubry, présidente fondatrice de l’association Face à l’inceste, a d’autres mots pour décrire la prévalence de ce fléau : « Un Français sur trois connaît une victime d’inceste », assure la militante. La formule a l’avantage de montrer l’ampleur du phénomène, qui impacte la société dans son ensemble, au-delà des seules victimes qui apparaissent dans les statistiques officielles.

    Ceci nous amène à la dimension dévastatrice de l’inceste. Pour Catherine Milard, directrice de l’association SOS Inceste & Violences sexuelles, qui accompagne des victimes, l’inceste s’apparente à « une destruction totale de l’individu, de l’identité psychique et corporelle de l’enfant ». L’une de ses particularités réside dans la difficulté pour l’enfant qui le subit d’en saisir la gravité. Le terrible conflit de loyauté qu’il provoque, lié à la relation de proximité entre l’agresseur et la victime, a de fortes répercussions sur sa construction. Le tout aggravé, bien souvent, par la répétition des faits.

    #famille #inceste #déni #paywall #indifférence

  • Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence, Ariane Chemin
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/04/olivier-duhamel-l-inceste-et-les-enfants-du-silence_6065166_3224.html

    ENQUÊTE
    Dans « La Familia grande », publié au Seuil jeudi 7 janvier, la juriste Camille Kouchner accuse son beau-père d’avoir abusé de son frère jumeau quand ils étaient adolescents. Le célèbre constitutionnaliste vient de démissionner de la Fondation nationale des sciences politiques.

    Les affaires d’inceste sont des histoires de mutisme et d’omerta. Celle-ci est une suite de silences emboîtés. Nous sommes à la fin des années 1980. Dans une famille d’intellectuels parisiens, un garçon de 13 ans voit son beau-père, universitaire de renom, s’inviter le soir dans sa chambre. Il confie ce secret à sa sœur jumelle, Camille, mais lui demande de se taire. L’inceste, un crime sur lequel ces adolescents ne posent pas encore de nom, dure deux ans au moins. Vingt années plus tard, alors qu’ils ont chacun atteint la trentaine, la jeune femme pousse son frère à confier enfin cette souffrance enfouie à leur mère. Mais celle-ci décide de protéger son mari et reste muette, elle aussi, comme les amis du couple, des personnalités en vue soucieuses d’éviter tout scandale.

    Ce beau-père si longtemps secouru, c’est le politiste Olivier Duhamel. Son épouse ? Evelyne Pisier, une spécialiste de l’histoire des idées politiques, décédée en 2017. Sa fille Camille, née comme ses frères d’un premier mariage avec l’un des pionniers de la médecine humanitaire, l’ancien ministre Bernard Kouchner, dévoile cette histoire édifiante dans un récit intitulé La Familia grande , qui doit être publié jeudi 7 janvier aux éditions du Seuil. Juriste et spécialiste du droit du travail, Camille Kouchner a voulu, même si les faits en question sont frappés de prescription, rendre compte de l’emprise exercée, selon elle, par cet homme qui l’a en partie élevée, elle et ses frères. « Pourquoi aurait-il le droit de vivre hors de cette réalité quand, moi, elle me hante ? »

    Olivier Duhamel est un homme doté d’une surface sociale comme Paris sait si bien en faire émerger. A 70 ans, le constitutionnaliste règne sur la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), qui finance Sciences Po et dont le conseil d’administration est l’un des lieux d’influence les plus verrouillés du monde universitaire. Ni vraiment militant ni pur mandarin, il est l’auteur d’un ouvrage potassé par des milliers d’étudiants en droit « constit », La Gauche et la Ve République (son sujet de thèse, publié aux PUF en 1980), et préside Le Siècle, ce club prestigieux – et très masculin – où se retrouve l’élite française.

    Il coanime aussi chaque samedi sur Europe 1 l’émission « Mediapolis » et commente l’actualité politique sur les plateaux de la chaîne LCI. Enfin, il est membre du comité de pilotage de la Fondation Culture et diversité, de son ami l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière. Olivier Duhamel, ancien compagnon de route du Parti socialiste et député européen de 1997 à 2004, n’a jamais quitté la scène du pouvoir. Le 23 avril 2017, il faisait partie des happy few réunis à la brasserie parisienne La Rotonde pour fêter la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle.

    Dans son livre, Camille Kouchner baptise son frère « Victor », pour tenter de le soustraire à la curiosité des médias. L’inceste puis les conflits de loyauté qu’il a induit ont ravagé sa famille dans sa chair. « Victor » a toujours refusé d’aborder publiquement le sujet, mais il a laissé sa jumelle l’aborder à travers ce texte qu’il a relu à deux reprises. « Je vous confirme que ce que ma sœur a écrit à propos des agissements d’Olivier Duhamel à mon égard est exact », atteste-t-il au Monde.

    Le secret d’une « grande famille »

    « Je ne révèle rien dans ce livre. Tout le monde sait », lâche Camille Kouchner. « Tout le monde », non. Mais un bon nombre d’amis du couple, figures de la bourgeoisie intellectuelle parisienne. Beaucoup avaient 20 ans en 1968 et ont fini par composer une sorte de famille élargie, la « familia grande », s’amusait Olivier Duhamel, comme si le romantisme des révolutions sud-américaines avait irrigué ce réseau amical. Voici, tel que Le Monde a pu le reconstituer, ce que cette « grande famille » a appris depuis 2008 et préservé sans souffler mot. « Une véritable omerta », confirme un proche ami du couple, qui s’est éloigné quand il a su.

    C’est au tout début des années 1980, à quelques mois de l’élection de François Mitterrand, qu’Evelyne Pisier rencontre un jeune enseignant de presque dix ans son cadet. Avec Bernard Kouchner, dont elle a divorcé, elle a eu trois enfants : un fils aîné, Julien, aujourd’hui éditeur de presse et âgé de 50 ans, puis, cinq ans plus tard, des jumeaux, Camille et « Victor ».

    Evelyne Pisier est alors l’une des premières agrégées de droit public et de science politique, féministe pratiquante et résolument de gauche. Partie à Cuba en 1964, elle a vécu une idylle de quatre ans avec Fidel Castro. Sa cadette, l’actrice Marie-France Pisier, est pour sa part devenue la belle intello chère à Truffaut, Rivette et Téchiné. Pour la gauche intellectuelle française, les deux sœurs sont des icônes.

    Boucles brunes et cols roulés, bottes camarguaises, charmant et curieux, Olivier Duhamel se fond vite dans la bande d’« Evelyne ». En 1983, il a 33 ans ; le couple emménage au bord du jardin du Luxembourg, à Paris. L’amour qu’il voue à cette femme, « leur connivence intellectuelle, la tendresse infinie de son regard sur elle », dit Camille Kouchner, comme l’attention portée à sa petite famille séduisent le trio de gamins. « Vous êtes mes enfants, et mieux encore », répète le beau-père. Les jumeaux n’ont que 8 ans et compensent les absences de leur père par la présence de ce nouveau venu, complice et déconneur.

    La fin d’une époque bénie

    Tout est assez « olé olé » chez les Pisier-Duhamel. Le maître mot d’Evelyne, c’est « liberté ». Liberté pour une femme de quitter son compagnon si elle ne l’aime plus, liberté pour les enfants de se coucher à l’heure rêvée, liberté pour les parents de se baigner nus, l’été, dans la piscine de Sanary-sur-Mer, dans le Var. Olivier Duhamel a en effet hérité de la propriété de ses parents : son père, Jacques, grande figure centriste, deux fois ministre sous Pompidou, et sa mère, Colette, éditrice, devenue par la suite l’épouse de Claude Gallimard, patron de la fameuse maison d’édition.

    A Sanary, on rit, on bronze, on débat, on peint le monde en rose. Gaité et intelligence. Les enfants vivent comme les adultes et appellent leurs parents par leurs prénoms. Dans ce phalanstère foutraque défile la gauche culturelle : le philosophe Luc Ferry (les premières années), la productrice Fabienne Servan-Schreiber, le documentariste et historien Patrick Rotman et son frère Michel, le professeur Mario Bettati, théoricien du droit d’ingérence humanitaire, Janine Mossuz-Lavau, pilier de Sciences Po, mais aussi l’avocat pénaliste Jean Veil (dont Olivier Duhamel est désormais l’associé, au sein de son cabinet) et l’ex-ministre socialiste de la justice Elisabeth Guigou – future présidente de la commission sur les violences sexuelles commises contre les enfants, créée en 2020.

    Lire aussi « Evelyne Pisier, un être moral » : l’hommage de Luc Ferry

    Le 24 octobre 1987, toute la bande escorte Evelyne, 46 ans, et Olivier, 37 ans, dans les Yvelines jusqu’à l’hôtel de ville de Conflans-Sainte-Honorine, où les attend le maire socialiste, Michel Rocard : le couple rêve d’adopter deux enfants au Chili et ce mariage en bonne et due forme doit donner du poids à leur dossier. Dernière période bénie. L’année suivante, tout commence en effet à vriller. Au printemps 1988, Paula Caucanas-Pisier, la mère d’Evelyne et de Marie-France, pilier du Planning familial et secrétaire générale de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, se suicide à l’âge de 66 ans, deux ans après son mari. Evelyne est terrassée. Pour conjurer le chagrin, le soir, elle s’oublie dans le vin.

    A la tête de la direction du livre, au ministère de la culture, où Jack Lang l’a nommée, elle s’active pour protéger des menaces de fatwa le romancier britannique d’origine indienne Salman Rushdie et ses Versets sataniques, surveille le projet de la nouvelle bibliothèque de France à Paris, mais le cœur n’y est pas. « En 1988, ma mère sombre dans l’alcoolisme », résume Julien Kouchner. Cette même année, son premier mari, Bernard Kouchner, est nommé secrétaire d’Etat chargé de l’insertion sociale dans le premier gouvernement Rocard. Ce n’est plus le Vietnam ou l’Afrique qui éloignent le « French doctor » de ses enfants, mais ses charges ministérielles.

    « Quel salaud »

    D’après Camille Kouchner, l’inceste commence cette année-là. « Je pense qu’on avait 13 ans et que mon frère me le raconte quand on en a 14. » Elle dit entendre encore les pas de son beau-père dans le couloir, le soir, et la porte de la chambre de son jumeau qui se ferme. « Tout le monde fait ça », assure Olivier Duhamel à son beau-fils, d’après le récit de Camille Kouchner. Pourtant, il faut se taire. A sa sœur, « Victor » confie : « Il dit que maman est trop fatiguée, qu’on lui dira après. » Quand le beau-père quitte la chambre, il passe dire bonsoir à sa « Camouche », comme il la surnomme, et la rassure : « Tu sais, pour ta mère, chaque jour est une victoire. Chaque jour est un jour de gagné. Laissez-moi faire. On va y arriver. » Un pacte tacite se noue alors : motus sur l’anormal contre la promesse d’un retour à la normale.

    L’adolescente aime Olivier Duhamel « comme un père ». S’il agit ainsi avec « Victor », se persuade-t-elle, c’est que ce n’est ni grave ni mal. « Ça s’appelle l’emprise, analyse-t-elle trente-deux ans après. Pendant toutes ces années, plus que de me taire, j’ai protégé mon beau-père. Face à l’alcoolisme de ma mère, il organisait nos vacances, nous emmenait au ciné, m’initiait au droit… » Et puis, « Victor » lui-même exige que sa jumelle n’en dise rien. « Fais-le pour Evelyne, insiste-t-il, sinon, il va se suicider et elle ne va pas le supporter. »

    Vingt ans passent. Les jumeaux cachent tout. Jusqu’à ce qu’un jour de 2008 ou 2009 leur frère aîné Julien annonce son intention d’envoyer ses propres enfants à Sanary passer l’été chez « Olivier » et leur grand-mère. Camille presse « Victor » : il faut confier le secret à Julien et s’ouvrir aussi à leur mère, Evelyne. « Je hais ce con et je ne veux plus entendre parler de rien », rétorque « Victor ». Camille prévient : « Si tu ne le fais pas, c’est moi qui le ferai. »

    Julien Kouchner revoit la scène, plus qu’il ne se souvient des mots : « C’était juste avant l’été. Mon petit frère vient jusqu’à mon appartement. Il s’est posé sur le bord de la fenêtre. J’écoute, sidéré. Je revisite d’un coup son attitude, ses énervements et sa manière de fuir à chaque discussion familiale. Je comprends enfin. Il me parle de prescription. Je pense à mon beau-père et je me dis : “Quel salaud, ça relève du pénal !” Ensuite, un rideau tombe devant moi, comme au théâtre. Je comprends que les vingt-cinq ans de souvenirs familiaux que je me suis forgés sont tous faux. Cette idée me ronge et ne me quitte plus. Depuis ce jour, ma vie est abîmée. »

    Ambiance mortifère

    L’été passe. Julien ne se rend pas à Sanary. En septembre, « Victor » finit par aller livrer son secret à sa mère. Un tsunami. Selon les enfants Kouchner, Olivier Duhamel ne nie les faits que durant 48 heures. Evelyne se réfugie chez sa sœur Marie-France, qui n’a jamais habité très loin d’elle. « J’étais à la maison, chez mes parents, à Paris, témoigne la comédienne Iris Funck-Brentano, 34 ans, fille de l’actrice et de l’homme d’affaires Thierry Funck-Brentano – lui-même cousin d’Olivier Duhamel. Evelyne est arrivée en larmes, puis mon père a débarqué. Ils ont fermé la porte. J’ai demandé : “Qui est mort ?” Ils m’ont répondu : “Personne, mais pour l’instant on ne peut rien te dire.” C’était bizarre, car je me disais qu’il n’y a pas pire que la mort, et pourtant ce n’était pas elle. »

    Au fil des jours, comme dans tant d’histoires d’inceste, Evelyne Pisier choisit de protéger son mari. Tous les arguments sont bons. Successivement, on l’entend dire : « Il regrette, tu sais. Il n’arrête pas de se torturer. » « Olivier a réfléchi, (...) tu devais déjà avoir plus de 15 ans… » « Ton frère n’a jamais été forcé. » Elle va jusqu’à accuser Camille (« Si tu avais parlé plus tôt… »). « Evelyne était faible, elle ne pouvait pas accuser son premier soutien : son mari. Il fallait un coupable, ça a été sa fille », confirme une amie de toujours d’Evelyne Pisier. L’universitaire estime aussi que puisqu’il n’y a pas eu sodomie, mais « seulement » fellations, il n’y a pas viol. « Après plusieurs semaines, Evelyne se met même à expliquer que la vraie victime, c’est elle, poursuit Julien Kouchner. C’est là que nous, les enfants, avons perdu notre mère. »

    Lire aussi L’inceste, ce crime encore trop banal perpétré à 96 % par des hommes

    Marie-France et Evelyne Pisier étaient plus que des sœurs, des confidentes inséparables. Pour la première fois, elles ne se comprennent plus. « Dès qu’elle a su pour Olivier, Marie-France a parlé à tout le monde. Elle voulait lui faire la peau », poursuit Camille Kouchner. Aussitôt, elle propose d’héberger Evelyne. « Pars ! Parle ! » En vain. « Ma mère était très choquée que sa sœur ne protège pas d’abord ses enfants et que personne ne réagisse, ajoute Iris Funck-Brentano. Elles se sont brouillées. Je me souviens de tas de tentatives de réconciliation, toutes se soldaient par des échecs. » Evelyne Pisier s’entoure de nouvelles connaissances, prend sous son aile de jeunes élèves, puis une éditrice, reproche à sa sœur de lui « voler [sa] vie ».

    Quand, aux premiers jours du printemps 2011, Marie-France Pisier est retrouvée au fond de la piscine de sa maison de vacances de Saint-Cyr-sur-Mer, à vingt minutes de Sanary, le corps coincé par une lourde chaise en fer forgée, la presse déploie ses gros titres, mais ne devine rien du drame familial qui se joue en coulisses. Accident, vraiment ? « On a compris qu’Evelyne pensait que Marie-France s’était plutôt suicidée », affirme aujourd’hui Camille Kouchner. Son frère Julien est terrorisé. Dans le cercle des intimes, l’ambiance est mortifère. Une enquête est ouverte, puis fermée sans conclusion précise. Une amie de Marie-France Pisier témoigne auprès des enquêteurs que les raisons de brouille de la défunte avec sa sœur sont à chercher du côté d’Olivier Duhamel.

    Solide cordon sanitaire

    « Victor » est alors convoqué par la brigade des mineurs. Il dépose sur procès-verbal les éternels réflexes de culpabilité des victimes d’inceste et refuse de porter plainte. « Ils ne vont quand même pas foutre en l’air ce que j’ai construit au boulot, avec mes enfants, ma vie ! », lâche-t-il à ses frère et sœur. Dans leurs conversations, ils évitent le sujet. Sauf une fois. « C’était quelques mois plus tard, en avril 2012, au cœur de l’affaire du Carlton de Lille », raconte Julien Kouchner. Olivier Duhamel avait signé dans Libération une tribune où il s’en prenait à ces « chiens » de journalistes, ces « procureurs des mœurs » qui s’acharnaient sur Dominique Strauss-Kahn, impliqué dans cette affaire de prostitution. « Il saluait le courage d’Anne Sinclair, restée silencieuse aux côtés de son mari “pour le meilleur et pour le pire”. Ma mère avait sans doute relu le texte. Mon frère a pris son téléphone et m’a dit : “Comment il ose !” »

    Lire aussi Inceste : l’aveuglement de la société, le silence des victimes

    Craignant que la mort de Marie-France Pisier ne mette la presse sur la piste de la brouille, donc de l’inceste, « Victor » décide un peu plus tard de confier son secret à son père. Alors que Bernard Kouchner compte aller « péter la gueule » à Duhamel, Camille insiste : « “Victor” ne veut pas en parler. Il faut avancer. » L’ancien ministre s’incline. La « familia grande », elle, reste dans son entre-soi. Une fois informés, seuls quelques habitués de la maison de Sanary rompent avec le couple Duhamel ; rares sont ceux qui, comme Fabienne Servan-Schreiber par exemple, viennent réconforter les enfants d’Evelyne. Le cordon sanitaire est solide.

    Au fond, seule la génération des « fils et filles de Sanary » se torture vraiment. Aux enfants Kouchner, ils rapportent, choqués, les conversations de leurs parents. Certains « anciens » accordent foi à l’histoire d’amour « vendue » par Olivier Duhamel et sa femme – et parlent même de « consentement », confie l’un des rares parents lucides. « Qui sommes-nous pour juger ? », entend-on chez les uns. « Ils sont cruels, ils la privent de ses petits-enfants », se désolent d’autres. Et encore : « L’inceste, il ne faut pas. Mais crier avec la meute... » Camille Kouchner bondit. « La meute ? Mais quelle meute ?, s’indigne-t-elle. De quoi parle-t-on ? La seule meute, c’est celle qui fait taire les victimes ! »

    Un écrit libérateur

    « J’ai aussi entendu : “C’était l’époque.” Alors ça, ça me rend dingue, réagit encore la juriste. C’est une manière de dire : “Ferme-la.” Il y avait de la déviance dans tout ça, point. Leurs copains se sont terrés. Ils nous avaient quasiment élevés, et ils ne sont pas venus (...) nous réconforter. » Gêne, lâcheté… « C’est comme si on était radioactifs. On n’existait plus. Surtout, ils auraient pu aller trouver notre mère pour lui dire : “Non mais, ça va pas la tête, Evelyne ?” Ils avaient peur de quoi ? De perdre Duhamel ? »

    Dans les affaires d’inceste, il faut souvent que l’un des parents disparaisse pour que la parole affleure. Evelyne Pisier meurt cinq ans après sa sœur, en février 2017, à la suite d’une opération qui a mal tourné. Ses enfants ne sont prévenus qu’après son décès. Quinze jours avant son hospitalisation, ils s’étaient croisés quelques instants – des moments devenus rares. Evelyne avait regardé sa fille dans les yeux : « Je sais très bien que vous vous en prendrez à Olivier quand je ne serai plus là. » Le ton était agressif. « Etait-ce un reproche ? Ou, qui sait, peut-être un feu vert libérateur ? », s’interroge encore Camille Kouchner.

    Lire aussi Olivier Duhamel, fils de plein droit

    De ce jour-là, en tout cas, le livre commence à mûrir. Dix ans de psychanalyse et la lecture des travaux d’une psychiatre spécialisée dans les traumatismes de victimes font le reste : « Muriel Salmona explique que les violences ne concernent pas seulement les victimes directes, même si les autres n’ont pas de statut en droit, précise Camille Kouchner. Le mot “victime” lui-même me dérange, d’ailleurs. Il emprisonne et condamne à nouveau mon frère. Je cherche, mais je n’arrive pas à trouver le juste terme. Je dirais que mon frère est un rescapé, et moi, j’aimerais ressembler à une affranchie. Adios ! Je veux m’évader de cette mafia qu’a été “la familia grande”. » Sa cousine Iris applaudit : « La peur doit changer de camp. Vous n’imaginez pas ma fierté que Camille ait osé écrire. » Julien Kouchner, le frère aîné, abonde : « Ma sœur est très courageuse. »

    Jusqu’au dimanche 3 janvier, Olivier Duhamel n’était pas au courant de la publication du manuscrit. Sollicité par Le Monde, il n’a pas voulu commenter les accusations portées contre lui : « Je n’ai rien à dire là-dessus. » Lundi après-midi, il a fait savoir sur Twitter qu’« étant l’objet d’attaques personnelles, et désireux de préserver les institutions dans lesquelles je travaille, j’y mets fin à mes fonctions ».

    Étant l’objet d’attaques personnelles, et désireux de préserver les institutions dans lesquelles je travaille, j’y mets fin à mes fonctions.
    -- o_duhamel (@ Olivier Duhamel)

    La FNSP a pris acte de sa démission « pour raisons personnelles », selon un message interne consulté par l’AFP. Son directeur, Frédéric Mion s’est dit « sous le choc » à la lecture de ces révélations. Se référant au tweet publié par Olivier Duhamel, la chaîne d’information LCI a indiqué à l’AFP que le politologue ne serait plus sur son antenne.

    La confidentialité du texte a été préservée jusque début janvier par Camille Kouchner et Mireille Paolini, son éditrice au Seuil. Une maison d’édition où M. Duhamel a été auteur et éditeur de divers textes, à commencer par la fameuse revue de la FNSP qu’il a fondée en 1977 : Pouvoirs.

    « La Familia grande », autopsie d’un inceste, Ariane Chemin
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/04/la-familia-grande-autopsie-d-un-inceste_6065168_3224.html

    « Le Monde » a pu lire l’ouvrage de la juriste Camille Kouchner qui paraît au Seuil le 7 janvier, où elle décortique les mécanismes du silence qui entoure ce crime. Elle accuse son beau-père, le politiste Olivier Duhamel, d’avoir infligé des violences sexuelles à son frère jumeau quand il avait 14 ans.

    « J’avais 14 ans et j’ai laissé faire (…). J’avais 14 ans, je savais et je n’ai rien dit. » Camille Kouchner est maîtresse de conférences en droit et n’a publié que des articles et des ouvrages juridiques. A 45 ans, elle a éprouvé le besoin de raconter la mécanique de ce crime trop banal et encore si tabou : l’inceste. Son frère jumeau l’a subi, et celui qu’elle désigne comme le responsable de ces violences sexuelles – le second mari de leur mère, le politiste Olivier Duhamel – est aussi coupable, selon elle, de l’en avoir rendue complice.

    Dire l’inceste, c’est donner un grand coup de pied dans la fourmilière familiale, briser le pacte social et passer pour un traître, même s’il y a prescription d’un point de vue juridique. Camille Kouchner endosse tous ces risques, quitte à tordre un peu le bras de son frère, soucieux qu’on le laisse tranquille. « Pour m’avoir laissée écrire ce livre alors qu’il ne souhaite que le calme, je [le] remercie », écrit-elle.

    « Maman, nous étions tes enfants »

    Pendant vingt ans, la fille de l’universitaire Evelyne Pisier et de l’ancien ministre Bernard Kouchner a tenu sa promesse et gardé le secret de son jumeau. A la fin des années 2000, elle le convainc tout de même de le révéler à leur mère. Nouveau cauchemar : « Evelyne » reproche à sa fille d’avoir tardé à la prévenir. « J’aurais pu quitter [ton beau-père]. Maintenant il est trop tard », accuse l’universitaire. Cette femme non conventionnelle, si généreuse et féministe – à la façon de Mai 1968 –, prend le parti de son mari, Olivier Duhamel. Jusqu’à la mort d’« Evelyne », en 2017, mère et fille ne se croiseront plus que de loin. « Maman, nous étions tes enfants », pleure Camille Kouchner.

    L’inceste ne prospère que sur la confiance et les huis clos. Camille Kouchner procède comme les psychotraumatologues à l’écoute des mécanismes de prédation sexuelle : elle ausculte l’environnement amical et parental, plante son décor (les années post-68, les septennats Mitterrand), recense les habitudes. Chaque été, dans sa maison varoise de Sanary, le beau-père des jumeaux réunit ses meilleurs amis. Une « sacrée bande », sorte d’amicale intello et bourgeoise qui porte « la gauche en étendard » et à laquelle le célèbre constitutionnaliste distribue dès le printemps chambres et semaines de vacances. La grande famille.

    Signaux faibles

    Parties de Scrabble et de poker, débats de haute voltige autour de clopes et de rosé, slows incandescents sur la terrasse avant de plonger à minuit dans la piscine… La Familia grande, titre du livre, pourrait être celui d’une comédie espagnole tendre et colorée, adultes et enfants joyeusement mélangés. Happé par le sens aigu du détail et les anecdotes (souvent cruelles) de l’autrice, le lecteur ne prête pas immédiatement attention aux signaux faibles. Par exemple, ces photos des « culs et [des] seins » de Camille ou de femmes plus âgées prises par l’hôte des lieux et accrochées aux murs.

    « Ni [mon frère jumeau] ni [moi] ne pouvons dire avec certitude l’âge que nous avions (…), 14 ans, je crois. » Tout à coup, on ne se marre plus du tout. Autour de 1988, le livre bascule. Tant pis si les souvenirs d’adolescente sont flous : Camille Kouchner a fini par accepter que ces trous de mémoire ne soient qu’une pathologie typique de ce type de traumatisme, qui « noie la mémoire [et] efface les dates pour laisser sa proie dans le noir ».

    Dans le secret d’une chambre se produit l’innommable. « Deux ou trois » années durant, le beau-père ira s’attarder le soir chez le jumeau de Camille. Ces jours-là, comme si de rien n’était, il s’arrête ensuite papoter dans la chambre de sa jumelle. Une visite dans « la chambre-péage », qu’elle vit comme une vraie prise d’otage. « Par sa tendresse et notre intimité, par la confiance que j’avais en lui, tout doucement, sans violence, en moi, [il] enracinait le mal. »

    Ses mots sifflent comme des balles

    Les affaires d’inceste cancérisent tout. Dans une tension dramatique très maîtrisée, la maison du bonheur se transforme en maison de l’horreur, puis la « familia grande » en statue de pierre, quand, vingt ans plus tard, elle finit par apprendre. « Je ne les ai pas vus se demander si eux aussi n’avaient pas un peu merdé », regrette l’autrice. Ça aussi, les spécialistes de l’inceste le savent : quand la vérité explose, souvent une fausse famille se lève et fait corps pour remplacer la vraie.

    Camille Kouchner ne se met pas à la place de son jumeau. Elle ne veut qu’émettre une voix parallèle. Traduction littéraire des violences subies ? Ses mots sifflent comme des balles, les phrases se hachent en rimes intérieures. Au fil des pages, le « beau-père adoré » devient « l’autre », puis ce « mari dérangé » auquel Camille tente d’arracher « Evelyne ». « Je t’aime malgré tout, maman », conclut Camille Kouchner. Il y a trois ans, elle posait un brin de mimosa sur le cercueil de sa mère. Dans le caveau des Duhamel où on l’a inhumée, elle jette aujourd’hui ce livre – cette catharsis, cette bombe.

    [Camille Kouchner est aujourd’hui la compagne de Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde]

    Camille Kouchner à Olivier Duhamel : « Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ? »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/04/camille-kouchner-a-olivier-duhamel-tu-les-vois-les-angoisses-qui-nous-hanten

    Dans un livre qui paraît le 7 janvier aux éditions du Seuil, « La Familia grande », la juriste Camille Kouchner accuse son beau-père, le célèbre politiste, d’avoir agressé sexuellement son frère jumeau quand il avait 14 ans. Nous en publions ici des extraits.

    Dans son livre La Familia Grande, à paraître jeudi 7 janvier aux éditions du Seuil, l’avocate Camille Kouchner, 45 ans, s’adresse au célèbre politiste Olivier Duhamel, le beau-père auprès duquel elle a grandi avec ses deux frères, dans les années 1980-1990, quand il était le mari de leur mère, Evelyne Pisier (1941-2017). Camille Kouchner – née, comme ses frères, du premier mariage d’Evelyne Pisier avec l’ancien ministre Bernard Kouchner – accuse Olivier Duhamel d’avoir abusé à plusieurs reprises du plus jeune des garçons, alors âgé de 13-14 ans, son frère jumeau. Selon l’autrice, ces violences sexuelles ont, par la suite, été portées à la connaissance d’Evelyne Pisier et d’une partie de l’entourage familial, mais le silence a prévalu jusqu’à aujourd’hui. Nous publions ici quelques extraits de son livre.

    Extraits.

    « Petit, mon frère m’avait prévenue : “Tu verras, ils me croiront, mais ils s’en foutront complètement.” Merde. Il avait raison.
    Bon, ben s’ils ne comprennent pas, on va leur expliquer.
    Je vais t’expliquer, à toi qui professes sur les ondes, toi qui fais don de tes analyses aux étudiants et pavanes sur les plateaux télés.
    Je vais t’expliquer que tu aurais pu, au moins, t’excuser. Prendre conscience et t’inquiéter.

    Je vais te rappeler que, au lieu de ça, tu m’as menacée. Message sur mon répondeur : “Je vais me suicider.”
    Je vais t’expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l’élève, c’est de l’inceste. Il dit oui au moment de son désir naissant. Il dit oui parce qu’il a confiance en toi et en ton apprentissage à la con. Et la violence, ça consiste à décider d’en profiter, tu comprends ? Parce que, en réalité, à ce moment-là, le jeune garçon ne saura pas te dire non. Il aura trop envie de te faire plaisir et de tout découvrir, sûrement.

    Je vais t’expliquer que, à force, ensuite, le jeune garçon va dire oui pour nier l’horreur de la situation. Ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c’est sa faute, qu’il l’a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper. (…)
    Je n’oublie pas le couple que vous formiez. Sartre et Beauvoir ? Il n’y a que la familia grande pour y croire. A l’unisson, vous avez forcé nos leçons : Foucault et la peine. Ne jamais dénoncer, ne jamais condamner dans cette société où l’on n’attend que punition. Savoir évoluer, se faire souple et espérer la réhabilitation. Se méfier du droit.

    Mes cours de droit, justement : le viol consiste en tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par violence, contrainte, menace ou surprise. Ça, pour une surprise !
    Et la contrainte, alors ? Comme une putain de contrainte morale ! Comme le fait qu’on t’ait tellement aimé, tu vois ? (…) Comme le fait qu’on n’a même pas pu t’envoyer en taule tellement on avait peur pour toi. (…)
    Toi qui as agressé mon frère pendant des mois, tu le vois, le problème ? Quasiment devant moi, en t’en foutant complètement, faisant de moi la complice de tes dérangements. Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ?

    Soyons précis :
    Article 222-24 du code pénal : le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle (…) lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
    Article 222-31-1 du code pénal : les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par (…) le conjoint [d’un ascendant] (…) s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

    Mais toi aussi t’es prof de droit. T’es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t’en sortiras. Tout va bien pour toi.
    Vingt ans. Sinon c’était vingt ans. »

    #inceste #famille #viol #témoignage

    • « Il est temps d’ouvrir la saison de la chasse aux prédateurs.

      Courage aux survivants et aux survivantes. Qu’ils n’aient plus peur de parler. »

      Alexandre Kouchner

      J’aime mes frères et ma soeur.
      Je salue leur courage et soutiens leur choix de briser le silence.
      Il faut toujours écouter, entendre et protéger celles et ceux qui ont souffert et souffrent.
      Pour tout le reste, je vous renvoie au livre.
      Que tous les bourreaux tremblent.

      « #Duhamel : c’est encore un pan de Saint-Germain qui tombe, un système qui se tient. Réel problème d’omerta : pendant des années la parole des victimes a été discrédite par des gens de pouvoir »

    • Ré-ouverture d’un dossier classé sans suite en 2011, le procureur de Paris annonce ouvrir une une enquête « des chefs de viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur un mineur de 15 ans et viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité »

      Camille Kouchner, née, comme son frère jumeau, en 1975, évoque la prescription alors que le délai a été porté en 2018 à 30 ans après la majorité de la victime (dans ce cas, 2023), comme si le texte adressé à son ex beau père était antérieur à cette modification.

    • « La dénonciation de l’inceste jette l’opprobre sur la famille, considérée comme le pivot de l’ordre social »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/23/la-denonciation-de-l-inceste-jette-l-opprobre-sur-la-famille-consideree-comm

      Anne-Claude Ambroise-Rendu, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, revient sur l’évolution du regard sur l’inceste.
      Propos recueillis par Solène Cordier, Publié le 23 novembre 2020

      Anne-Claude Ambroise-Rendu rappelle qu’il a fallu attendre la fin des années 1980 pour que les victimes d’inceste commencent à parler et que la société n’ignore plus ce crime.

      Quelles évolutions sociales et culturelles récentes expliquent que l’inceste et les violences sexuelles sur mineurs soient désormais considérés comme le symbole du mal absolu ?

      Après-guerre et dans les années 1960, le développement de la psychanalyse de l’enfant, incarnée par Françoise Dolto, a probablement joué un rôle très important. A partir de là, une plus grande attention a été portée à la parole de l’enfant, à ses dessins. Cela a ouvert la voie à la possibilité d’accueillir la révélation des abus sexuels – même si on n’utilise pas ce terme avant les années 1990.

      Arrivent ensuite Mai 68 et les années 1970. Certains intellectuels affichent leur défense des relations sexuelles entre mineurs et majeurs. Ils le font notamment au nom de l’exogamie, en disant « nous initions les enfants à la sexualité en dehors de la famille. Et ce faisant nous leur permettons d’échapper à leur sujétion, nous les libérons du carcan parental ». Ce discours nouveau attire l’attention sur la réalité des relations sexuelles entre mineurs et majeurs et secondairement sur l’inceste. On découvre que les pratiques incestueuses ne sont pas si rares. Mais c’est vraiment à la fin des années 1980 que cela bascule, à la suite de la diffusion en 1986 du témoignage d’Eva Thomas, qui révèle avoir été victime d’inceste à visage découvert. A partir de là, les victimes ont commencé à parler.

      C’est à partir de cette date que le regard collectif sur l’inceste a changé ?

      Oui, ce fut une montée en visibilité assez brutale. L’intensité de la réprobation sociale à l’égard de l’inceste résulte de deux phénomènes convergents : une prise en compte de la gravité des faits et une large médiatisation des affaires de violences sexuelles et d’inceste.
      Avant ces années-là, on a longtemps considéré les viols et les attentats à la pudeur avec une certaine désinvolture, voire une négligence coupable. Pour l’inceste c’est autre chose, on préfère l’ignorer. Mais il a toujours été réprouvé, silencieusement. Ce n’était pas un sujet de société et on ne se le représentait pas comme quelque chose ayant des conséquences durables.

      Depuis quand l’inceste est-il sanctionné par le droit ?

      Les comportements incestueux étaient déjà condamnés par le droit pénal de l’Ancien Régime, mais plutôt au titre du péché. Au Moyen-Age, on sait que quand la justice était saisie, les deux protagonistes, l’enfant et le père, étaient punis. Après la Révolution française et la sécularisation du droit, toutes les notions de péché et de blasphème ont disparu du droit. En 1791 puis en 1810, le code pénal sanctionne l’attentat à la pudeur et le viol d’un mineur comme un crime.

      A partir de 1832, une nouvelle qualification apparaît ; celle de l’attentat à la pudeur sans violence, qui sanctionne comme un crime les relations sexuelles avec un enfant de moins de 11 ans, sans besoin qu’il y ait de violence. Quand l’auteur est un ascendant, c’est une circonstance aggravante. Si le terme d’inceste ne figure pas nommément dans le code pénal, toutes les données permettant de le sanctionner s’y trouvent. D’ailleurs la plupart des crimes sur mineurs sont jugés à la fin du XIXe siècle devant des tribunaux correctionnels, pour des raisons liés à l’encombrement de la justice, à l’exception de l’inceste qui continue d’être traité par les cours d’assises.
      Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’inceste, ce crime encore trop banal perpétré à 96 % par des hommes

      Toutefois, la médiatisation des violences sexuelles s’est plutôt focalisée sur la figure du prédateur extérieur, du violeur d’enfant monstrueux. Est-ce que la prochaine étape est la reconnaissance et la prise en compte du caractère massif et en somme ordinaire de l’inceste ?

      Depuis le début des années 2000, on sait que la majorité des violences sexuelles ont lieu au sein de la famille. On sait aussi que cela concerne des milliers d’enfants, que c’est une réalité massive. Mais force est de constater que chaque nouvelle affirmation de ce type est réoubliée quasi instantanément, ce qui témoigne d’une vraie résistance.

      En 1830, le philosophe Jeremy Bentham écrivait dans son Traité des preuves judiciaires : « Il est certaines transgressions (…) dont le mal est uniquement ou principalement produit par la révélation. » C’est le cas de l’inceste. Sa dénonciation jette l’opprobre sur la famille, qui est quand même censée être le pivot de l’ordre social. Il faudrait pouvoir se demander en quoi elle peut constituer un lieu d’oppression et de domination qui permet la pratique massive de l’inceste. Mais poser cette question, c’est ouvrir un champ quasi vertigineux, faire de la famille un enjeu social et politique considérable.

    • « Comment est-ce possible dans une famille apparemment heureuse ? »

      Élisabeth Guigou, ex garde des sceaux, préside une « commission indépendante sur l’inceste et toutes violences sexuelles faites aux enfants », créée par le gouvernement en août dernier https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/08/02/le-gouvernement-va-creer-une-commission-sur-les-violences-sexuelles-faites-a

      Proche de Duhamel, elle avait aussi déclaré « Pourquoi (DSK) aurait-il besoin de le faire (de violer, NDLR) ? », « c’est un homme charmant, brillant, intelligent, il peut être drôle par moments. »

    • Cette enquête est-elle vouée à la prescription ?
      https://www.leparisien.fr/faits-divers/affaire-olivier-duhamel-quatre-questions-de-droit-sur-un-dossier-complexe

      Au moment où ont été commises les agressions que « Victor » dit avoir subies à la fin des années 1980, la loi prévoyait qu’une victime mineure pouvait porter plainte pour « viol par ascendant » pendant dix ans à compter de sa majorité. Depuis, deux lois ont allongé ce délai de #prescription, une première fois à vingt ans en 2004, puis à trente ans en 2018, mais elles ne sont pas applicables aux faits déjà prescrits.

      Dans le cas de « Victor », il est possible que les faits aient été prescrits dans sa 28e année, soit en 2003, selon des juristes. « La #prescription est plus que probable. Il ne disposait que de dix ans après sa majorité pour porter plainte sauf à ce qu’on vienne à découvrir de nouveaux éléments » abonde Me Costantino. « On a en plus tendance à penser, au vu de la sortie du livre et du battage médiatique, que la famille s’est renseignée avant de rendre publique la chose », analyse encore le pénaliste.

      La nouvelle enquête ouverte mardi, confiée à la Brigade de protection des mineurs (BPM), « s’attachera à faire la lumière sur ces faits, à identifier toute autre victime potentielle et à vérifier l’éventuelle prescription de l’action publique », a sans surprise ajouté le procureur.

      « On a pris l’habitude ces derniers mois de voir le parquet convulser dès que la victime a un nom célèbre, ou si elle n’en a pas, son abuseur en a un », ironise l’avocat qui a notamment défendu l’association « Enfance et partage ». « Ces affaires-là ont le mérite, quand elles sont portées au grand public, d’offrir une prise de conscience collective de la réalité de l’inceste. Mais cette réalité n’est pas le gros du bataillon des affaires de tous les jours », s’émeut Rodolphe Costantino.

      « La maison justice se noie devant la réalité de ces affaires, tout est bon pour classer sans suites quand elles ne sont pas correctionnalisées », dénonce l’avocat, convaincu que le cas Duhamel est « l’arbre qui cache la forêt » des viols intrafamiliaux dans l’hexagone. « Dans cette affaire, il y avait plein de gens qui étaient au courant, des choses si graves... Alors, pour moi, le vrai débat est sur la prescription du délit de non-dénonciation, actuellement de seulement 6 ans et qu’il faut aligner sur les 30 ans du viol », avance-t-il. « Personne ne vit en France avec l’idée qu’il doit dénoncer des faits criminels commis sur un enfant s’il en a connaissance, et c’est grave » conclut-il.

      Pourquoi l’enquête ouverte en 2011 a-t-elle été classée sans suite ?

      En 2011, une « précédente procédure » sur ces faits graves avait déjà été ouverte après le décès de l’actrice Marie-France Pisier, a précisé le procureur de la République de Paris Rémy Heitz. Selon le récit de Camille Kouchner, son frère aurait alors été entendu par les enquêteurs. Après leur avoir raconté « dans les détails » les agressions sexuelles que lui aurait imposées son beau-père, « Victor » aurait toutefois refusé de déposer plainte. « Non. Je ne souhaite pas porter plainte. Cette histoire ne vous regarde pas », confie-t-il aux enquêteurs, selon sa sœur. L’enquête a été « classée sans suite », a précisé le procureur de Paris, sans donner les raisons exactes de l’abandon de la procédure.

      A l’époque des faits, sans plainte et au regard de la difficulté de trouver des preuves, les enquêteurs ont renoncé. Pourtant, la découverte de mails échangés entre Evelyne Pisier et sa sœur Marie-France avait éveillé leurs soupçons. Dans ces courriers, elles s’opposaient sur la manière de réagir après la révélation des faits par Camille et « Victor » à leur mère, vers 2008 ou 2009, Evelyne Pisier faisant le choix de ne pas « lâcher » son mari. Olivier Duhamel n’avait pas été entendu par les policiers et l’affaire avait été classée... Les faits étaient de toute façon prescrits puisque la première loi qui a allongé les délais de prescription n’était pas encore passée (elle date de 2004).

    • Affaire Duhamel : le directeur de Sciences Po reconnaît avoir été alerté sur les accusations d’inceste depuis 2019
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/06/affaire-duhamel-le-directeur-de-sciences-po-reconnait-avoir-ete-alerte-sur-l

      Frédéric Mion avait publié, mardi, un communiqué pour faire part de sa « stupeur » face aux accusations d’inceste contre Olivier Duhamel, alors qu’il avait été prévenu par l’ancienne ministre Aurélie Filippetti.

      (...) Lundi 4 janvier, quelques minutes après la publication de l’enquête du Monde consacrée aux faits d’inceste reprochés au politologue Olivier Duhamel, la panique s’empare de l’état-major de Sciences Po. Mot d’ordre : personne ne savait.

      (...) D’après les informations du Monde, il avait, en réalité, été alerté sur les accusations d’inceste il y a déjà deux ans. C’était en 2019. L’ancienne ministre de la culture, Aurélie Filippetti, enseignante à Sciences Po Paris depuis la rentrée 2017, apprend par deux proches d’Olivier Duhamel les abus dont le patron de la Fondation nationale des sciences politiques s’est rendu coupable sur son beau-fils, à la fin des années 1980.
      La mort d’Evelyne Pisier, l’épouse du politologue, en 2017, a libéré la parole du cercle des universitaires proches du couple. L’ancienne ministre de la culture va trouver un avocat pénaliste et se fait confirmer qu’il y a prescription. Elle décide alors d’informer le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion. Devant elle, celui-ci tombe des nues. Il convient qu’il ne « peut pas ne pas en faire quelque chose ». Il va trouver l’avocat Jean Veil, dont Olivier Duhamel est l’associé. « Il m’assure qu’il ne s’agit que de rumeurs, affirme M. Mion. Je me suis laissé berner. » Contacté par Le Monde, Jean Veil a refusé de répondre en des termes peu amènes.

      « Je n’ai pas percuté »

      Les mois défilent et rien ne se passe. Lors de la rentrée de 2020, Frédéric Mion choisit Olivier Duhamel pour délivrer la leçon inaugurale à l’ensemble des campus de Sciences Po. Une conférence de rentrée historique pour cette école du pouvoir : l’intervention du politiste s’adresse à tous les étudiants du collège universitaire, mais aussi à un large public grâce à une diffusion en direct sur YouTube. « Vous êtes en de très bonnes mains, celles du professeur Olivier Duhamel que je m’honore à considérer comme un maître mais surtout comme un ami », lâche M. Mion au micro, le 9 septembre 2020.

      Contacté par Le Monde mercredi soir, Frédéric Mion reconnaît qu’il avait été mis en garde. « C’est vrai, je n’ai pas réagi après avoir été contacté par cette enseignante. Je n’ai pas percuté. Je n’ai pas entendu ce que cette personne cherchait à me dire. J’aurais dû aller trouver Olivier Duhamel. C’était un devoir élémentaire. Je prends toute la responsabilité de ce manque de prudence, mais la faute s’arrête à moi. J’ai été inconséquent : je suis prêt à l’entendre et à en subir les conséquences. »

    • Affaire Olivier Duhamel : Elisabeth Guigou renonce à présider la commission indépendante sur l’inceste
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/13/affaire-olivier-duhamel-elisabeth-guigou-renonce-a-presider-la-commission-in

      « Le climat actuel ne me permet pas de conduire cette mission avec la sérénité nécessaire. J’ai donc pris la décision de passer le relais et de renoncer à présider cette commission »

      #dominos

    • Le préfet Marc Guillaume, qui se dit « trahi », quitte toutes les fonctions où il a travaillé avec Olivier Duhamel (et pas la pref’)
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/13/affaire-duhamel-le-prefet-marc-guillaume-quitte-ses-fonctions-a-sciences-po-

      Le conseiller d’Etat Marc Guillaume, ancien secrétaire général du gouvernement et actuel préfet d’Ile-de-France, a annoncé, mercredi 13 janvier, sa démission de tous les conseils d’administration où il siégeait avec Olivier Duhamel : la Fondation nationale des sciences politiques (#FNSP), la revue #_Pouvoirs_, qu’il a longtemps codirigée avec le politologue, et le club #Le_Siècle.

      « ... je me sens trahi et condamne absolument ces actes »

      [...]

      [ancien secrétaire général du gouvernement, congédié le 15 juillet 2020 par Macron et Castex] « Imperator », « Léviathan », « premier ministre bis », « M. Non », « grand chambellan »… C’est ainsi que l’on surnommait Marc Guillaume. Grand connaisseur des arcanes de l’Etat, présidant pendant des années les comités de sélection des directeurs d’administration, cet inconnu du grand public faisait figure de parrain de la haute fonction publique, à la fois « faiseur de rois » et « coupeur de têtes », comme le racontait Le Monde.

      Lire le portrait de 2020 : Marc Guillaume, la disgrâce du « grand chambellan »

      Détesté pour son arrogance et sa brutalité, il était respecté pour sa science du droit, mais aussi redouté. Censé contrôler la validité juridique des réformes du gouvernement, on lui reprochait de juger trop souvent de leur opportunité politique et de freiner le changement.

      Le 6 août 2020, Marc Guillaume avait été placé une première fois sous le feu des projecteurs. Le Monde avait révélé que, deux ans plus tôt, dans une omerta totale, les conseillères de l’Elysée au grand complet avaient dénoncé dans une note de deux pages « les comportements sexistes au plus haut niveau de l’Etat », dans laquelle il était visé au premier chef. Blagues misogynes, mise à l’écart des femmes, humiliations publiques, les exemples étaient si nombreux que le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, et son adjointe, Anne de Bayser, avaient été obligés de faire état de la protestation des « conseillères » à Matignon.

      En juillet 2020, au moment de changer de premier ministre, plusieurs visiteurs du soir vinrent expliquer à Emmanuel Macron que Matignon comptait en vérité « trois têtes » : Edouard Philippe, mais aussi son directeur de cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas, et le secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume. Autrement dit, qu’il fallait « les couper ensemble ».

      Fait rare sous la Ve République, Marc Guillaume a quitté ses fonctions avec Edouard Philippe. Il a été nommé, en juillet 2020, préfet d’Ile-de-France et de Paris, son poste actuel, où il continue de distiller en haut lieu sa fine connaissance des rouages de l’Etat et où il continue de rêver à son Graal : la vice-présidence du Conseil d’Etat.

  • Accusé d’inceste sur son beau-fils, Olivier Duhamel démissionne de ses fonctions
    https://www.lefigaro.fr/flash-actu/accuse-d-inceste-sur-son-beau-fils-le-politologue-olivier-duhamel-demission

    Accusé d’inceste sur un des ses beaux-fils dans un livre à paraître jeudi, le politologue Olivier Duhamel a annoncé lundi mettre fin à l’ensemble de ses fonctions, dont celle de président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). « Étant l’objet d’attaques personnelles, et désireux de préserver les institutions dans lesquelles je travaille, j’y mets fin à mes fonctions », écrit sur Twitter le politologue, qui anime par ailleurs une émission sur Europe 1 et est chroniqueur sur LCI.

    Le Monde et L’Obs dévoilent lundi les bonnes feuilles de l’ouvrage de la juriste Camille Kouchner, « la Familia grande » (Ed. Seuil), dans lequel elle accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d’avoir agressé sexuellement son frère jumeau quand il avait 14 ans. « J’avais 14 ans et j’ai laissé faire (...). J’avais 14 ans, je savais et je n’ai rien dit », écrit Camille Kouchner, maîtresse de conférences en droit de 45 ans, selon des extraits du livre. Elle et son frère sont les enfants de l’ex-ministre Bernard Kouchner et de la professeure de droit Evelyne Pisier (morte en 2017), qui avait ensuite épousé le politologue Olivier Duhamel. . . . . .

  • The pandemic stranded this couple 4,780 miles apart. That’s when they knew they had to be together for good. - The Washington Post
    https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/01/04/long-distance-relationship-pandemic

    “That was the hard part. If you know it’s going to be six months, you can mentally prepare,” Sam chimed in from beside her on their couch. Researchers suspect that long-distance relationships are more common nowadays than they were 20 years ago, as remote communication is cheaper and more efficient. But even with the help of texts, emails, FaceTimes and Skype calls, long-distance relationships like Sam and Shifra’s faced a new obstacle in 2020: Pandemic-related travel restrictions around the world wiped out months’ worth of plans and decimated morale.
    Some couples saw relations deteriorate and eventually break down under the strain. Others simply canceled reservations, postponed plans and did their best to cope with the disappointment. Sam and Shifra, though, found that the time apart made them more certain than ever that it was time to commit to each other — and to being in the same place — forever.
    It started simply enough, at a bar in Manhattan’s Alphabet City. Sam and Shifra exchanged what they think was probably Snapchat handles (it was, after all, 2015). She invited him to a work event. He invited her to a Super Bowl party. Shifra, who is from India, was living in the United States on a student visa, and by the time it expired a year later, they were inseparable.
    Separate they did, though: Shifra returned to her family’s home in Bangalore while she applied to American graduate schools, and Sam packed up his New York apartment and moved west for a job in Los Angeles. In the summer of 2016, Sam was visiting Shifra’s family when she received her acceptance letter from Virginia Commonwealth University, and they spent the next two years visiting each other on opposite coasts.After graduating in 2018, Shifra moved into her own place in Sam’s neighborhood. But their brief, blissfully convenient year as a short-distance couple came to an end on June 4, 2019. Shifra got an email saying her company could no longer support her work in the United States. Her H-1B visa application to stay in the country was being rejected.Devastated, Shifra spent that afternoon dodging Sam’s phone calls. “I thought this would break us,” Shifra remembered. “I thought I would have to go back to India, so I [was] like, ‘I’m not going to ask him to, like, move to India.’ ”
    Shifra called her father, though; then her father called her sister, and her sister called Sam. Sam kept on dialing Shifra’s number, and when she finally picked up, through tears, she told him she didn’t know what the news meant for their future.Sam didn’t miss a beat. “He was like, ‘I’ll just move with you,’ ” Shifra said. “Like, without a hesitation.” Sixty days later, the two had given away or sold most of what they owned. They moved to Singapore, where Shifra transferred into one of her employer’s overseas offices.
    At the time, “people asked us, ‘You’ve already been together for so long. Why don’t you just get married to stay in the U.S.?’ ” Shifra remembered. “But it felt like a cop-out. That would have been a decision based out of fear of leaving versus, like, a decision out of love for each other.”In early 2020, after finding Singapore was not quite their style, Sam and Shifra decided to try another city they had been eyeing: Amsterdam. They made what they thought would be a quick stop in Bangalore before their planned arrivals in Amsterdam: He would arrive in March. She would follow in April.

    #Covid-19#migrant#migration#sante#couple#familletransnationale#santementale

  • « C’est désormais dans l’intime que les femmes cherchent leur dignité », Eva Illouz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/01/c-est-desormais-dans-l-intime-que-les-femmes-cherchent-leur-dignite_6064989_

    Eva Illouz analyse, dans un entretien au « Monde », l’émergence progressive d’une sphère de l’intime, aujourd’hui devenue, selon elle, l’endroit où se concentrent « une grande partie des problèmes sociaux », et donc un enjeu politique.

    Directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Eva Illouz est une sociologue des émotions, qui a notamment publié Les Sentiments du capitalisme (Seuil, 2006) et La Fin de l’amour : enquête sur un désarroi contemporain (Seuil, 416 pages, 22,90 euros). Intellectuelle engagée dans les combats sociaux et politiques de son temps, elle analyse comment l’intime est devenu une question politique.

    Qu’est-ce que l’intime ?

    Pour bien comprendre ce qu’est l’intime, il faut le replacer dans le contexte de l’évolution du mariage. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, un mariage paysan ou bourgeois est une union dans laquelle on n’exprime ni son moi individuel ni ses émotions comme expression de sa singularité.

    Le mariage n’est pas non plus le lieu de l’épanouissement des individus, c’est plutôt une institution sociale qui a pour vocation de mettre en œuvre les normes, les codes, les valeurs et les attentes de la société. Il peut y avoir de l’affection, mais dans ce type de mariage, les hommes et les femmes exécutent des rôles, sont différenciés, chacun cantonné dans sa sphère d’action – même si, dans les ménages paysans, les hommes et les femmes peuvent travailler ensemble.

    Chacun connaît sa place et sait y rester. Le mariage est le miroir des hiérarchies sociales, il est même fondé sur une sorte d’apartheid domestique : en se mariant, les femmes sont dépossédées de leurs droits. En Angleterre par exemple, la femme vit sous le régime de la coverture, une doctrine juridique selon laquelle le couple marié ne forme qu’une seule entité : la personnalité juridique de la femme est suspendue et déléguée à son mari.

    A cette époque, la vocation de l’homme marié consiste principalement à créer de la valeur économique et celle de la femme à assurer la reproduction biologique et sociale de la famille. Le mariage est moins fait pour les individus que pour la société. C’est pour cette raison que dans certains Etats américains, au XIXe siècle, les célibataires doivent demander une dérogation spéciale pour habiter dans des villages ou des petites villes.

    L’apparition du mariage d’amour et les grandes transformations politiques et culturelles du XXe siècle ne vont-elles pas changer notre rapport à l’intimité ?

    Au XXe siècle, le mariage commence à assumer une vocation émotionnelle, il devient l’expression de l’individualité unique et irréductible de deux personnes entrant dans une union qui va reposer sur un contrat implicite : elle ne perdurera qu’autant qu’elle satisfera les besoins émotionnels des deux parties.

    La catégorie de l’intime émerge quand on autonomise les sentiments, quand on leur donne une vie propre et quand on en fait la justification ultime des liens. Ceci est rendu possible par l’émergence du freudisme (qui met en avant l’intériorité comme moteur de l’action) et par la transformation de la famille qui devient ce que l’historien John Demos appelle une « serre émotionnelle », une famille de taille beaucoup plus petite, dont les membres expriment avec intensité les émotions qui les attachent.

    L’intime se développe alors comme un nouvel idéal conjugal, mais va progressivement se détacher de l’institution. Pour les mariés, il ne s’agit plus de jouer des rôles dont la partition est connue à l’avance, d’obéir à des normes sociales, mais plutôt de construire ensemble et de façon égalitaire un monde commun, fait du face-à-face continu entre deux subjectivités. L’intime a donc trois caractéristiques : il est égalitaire, puisqu’il n’est pas fondé sur l’institution mais sur la subjectivité ; il est attribué au domaine du féminin, puisqu’il est domestique ; et il est le lieu où l’on peut exprimer son moi profond et authentique.

    L’idéal moderne de l’authenticité est inséparable de l’émergence de l’intime comme nouvelle sphère d’interaction sociale. Créer un lien stable à partir de la subjectivité émotionnelle de deux individus est sociologiquement très complexe. L’intime devient un lieu paradoxal où les impératifs contradictoires de l’autonomie et de l’attachement doivent se conjuguer harmonieusement au travers de négociations incessantes. C’est pour cela qu’à partir des années 1970, la communication devient aussi centrale dans le couple.

    Dans ce sens, je dirais que l’intime est une des façons les plus intéressantes de poser l’une des questions centrales de la sociologie, à savoir : qu’est-ce que la modernité, qu’est-ce qu’un individu moderne ?

    Comment la crise due au Covid-19 a-t-elle mis notre intimité à l’épreuve ?

    La crise sanitaire nous a assignés à la sphère du domestique, nous forçant à vivre de façon continue avec les membres de notre famille. Or, la première chose dont on s’est très vite aperçu, c’est que la plupart des appartements conçus par les planificateurs urbains, depuis les années 1960, n’étaient pas aménagés pour faire coexister les familles pendant des périodes prolongées.

    Nous sommes de plus en plus individualisés et singularisés, mais l’architecture moderne et l’inflation immobilière ne nous permettent pas d’avoir des espaces individualisés puisqu’on vit, dans la plupart des appartements, dans une proximité constante des corps : salle de bains, cuisine et salon y sont partagés.

    Cette intimité n’est supportable que si elle alterne avec la sphère publique, c’est-à-dire avec la possibilité de sortir de l’intime. Les femmes en savent quelque chose : pendant les périodes des fêtes, les violences conjugales augmentent. L’intimité intensifie les relations de pouvoir et n’est pas, pour beaucoup de femmes, un refuge doux et chaleureux, mais au contraire un espace social dangereux car coupé des autres. A Hubei [en Chine], il y a eu un nombre record de divorces après le premier confinement. Cela révèle que la proximité continue n’est pas viable dans l’intime.

    La littérature abonde d’exemples de cette implosion de l’intimité : dès qu’ils se retrouvent en face-à-face, le couple formé par Anna Karenine et Alexis Vronski [dans le roman de Tolstoï], ou Solal et Ariane [dans Belle du Seigneur, d’Albert Cohen], se décomposent. Avec le confinement, l’intimité est devenue un huis clos. Et la pièce de Sartre, précisément appelée Huis clos, est aussi une façon de montrer que des gens condamnés à vivre dans l’intimité constante de leurs désirs entrent dans un système de torture mutuelle. L’intime n’est vivable que lorsqu’il est sous-tendu par la sociabilité et la sphère publique, ce que Hannah Arendt appelait le « monde des apparences ».

    En quoi l’amour est-il devenu une question politique ?

    Il n’a jamais cessé d’être une question politique. L’amour courtois, par exemple, est un copier-coller de la relation que le vassal entretient avec le suzerain : l’amant qui s’agenouille devant sa dame imite l’hommage qu’il a par ailleurs rendu au seigneur. L’amour est toujours pris dans des relations de pouvoir et seule une mythologie puissante nous permet d’être aveugles à ses significations politiques et sociales.

    Aujourd’hui, l’intimité devrait être un sujet brûlant pour l’Etat, parce qu’une grande partie des problèmes sociaux viennent de cette sphère chaotique, traversée de violence, de conflits et de contradictions.

    L’autre raison est démographique : les naissances – qui sont fondamentales à l’économie – restent tributaires de ce que j’appellerais l’intimité organisée (notamment par le couple). Or, celles-ci tendent à diminuer en Occident, même s’il est plus facile de faire des enfants seul que par le passé. Quand l’intime est désorganisé – ce qui est le cas aujourd’hui –, la reproduction de la société est remise en cause. L’intime est donc la cellule élémentaire de l’organisme social.

    Comment les femmes se sont-elles saisies de l’intime ?

    Elles en ont fait une catégorie politique, car c’est désormais dans l’intime que les femmes cherchent leur dignité. L’accent mis sur le consentement, par exemple, est une façon de s’assurer que le libre arbitre de la femme est respecté à tout instant, parce qu’un être qui n’est pas libre perd sa dignité. C’est le troisième âge de la révolution féministe qui est encore très mal compris parce que, pour beaucoup, il semble exiger des comportements plus policés.

    Or, à chaque fois qu’un groupe a acquis des droits et a été investi d’une dignité nouvelle, le comportement de ceux qui avaient du pouvoir sur lui s’en est trouvé contraint. Seul le féminisme peut réaliser la vraie promesse de bonheur contenue dans l’utopie de l’intime, qui repose sur le dépassement du pouvoir d’un sujet sur un autre. Et cela fait un siècle que les femmes invitent les hommes à se joindre à cette grande utopie.

    #Intime #relations_de_pouvoir #famille #freudisme #authenticité #femmes #féminisme #Eva_Illouz

    • « Les femmes exigent une profonde transformation “par le bas”, fait sans précédent dans l’histoire », Eva Illouz, 16 octobre 2020

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/16/eva-illouz-les-femmes-exigent-une-profonde-transformation-par-le-bas-fait-sa
      TRIBUNE

      Eva Illouz fait un parallèle entre christianisme et féminisme, deux concepts qui portent l’ambition de changer radicalement les comportements, croyances et liens de domination dans les sociétés.

      Tribune. Signe de sa force croissante ou du rejet d’une nouvelle greffe par le corps social, le néoféminisme est de plus en plus attaqué. Passés les premiers moments de stupeur après les révélations des viols et pratiques d’intimidation et de harcèlement par Harvey Weinstein et Jeffrey Epstein, les représentants de l’ordre reprennent leur place. De quoi donc est accusé le « néoféminisme » – mal nommé, puisqu’il s’appuie sur des apports théoriques vieux d’au moins quarante ans ?

      Les accusations sont diverses mais peuvent se résumer ainsi : un mouvement qui avait commencé comme un combat pour la justice est désormais dominé par le ressentiment ; il foule aux pieds l’universalisme de la première heure et se réfugie dans une conception identitaire et victimaire du féminisme ; il incarne une nouvelle morale puritaine qui détruit le caractère ludique et spontané de la sexualité et donne au féminisme un caractère punitif, moralisateur et disciplinaire ; il réintroduit de la violence dans les relations hétérosexuelles et promeut le misandrisme. Plus récemment dans ces pages, ce nouveau féminisme a été mis au ban pour être devenu ennuyeux et prévisible [référence à une tribune de Mazarine Pingeot, publiée le 28 juillet] . Une critique trop paresseuse et condescendante pour qu’on s’y attarde.

      Il y a sans doute beaucoup à blâmer dans un mouvement aussi vaste et profond que le féminisme, mais le néoféminisme, loin de trahir le féminisme originel et ses vaillantes pionnières, continue à en porter le flambeau.

      Le féminisme est souvent compris comme un « mouvement social » ou un « mouvement de revendication ». Il s’agit là d’une erreur majeure. Le féminisme n’est pas un « mouvement », mais rien de moins que la deuxième grande étape du processus de démocratisation des sociétés européennes, qui commença au XVIIIe siècle. Aussi longtemps que les femmes en étaient exclues, la démocratie était restée un projet inachevé, incohérent et tronqué, crée par des hommes pour des hommes qui ne s’étaient même pas aperçus qu’ils en avaient écarté la moitié de l’humanité.

      Processus historique

      En 1776, John Adams, un des leaders de la révolution américaine – qui donnerait au monde une de ses plus grandes démocraties – et futur deuxième président des Etats-Unis (1797-1801), répondit à sa femme, Abigail, qui le suppliait de « se souvenir des femmes » que sa requête l’avait « fait bien rire » : « Tu peux être sûre que nous saurons faire mieux que détruire nos systèmes Masculins. » John Adams avait raison. Le système masculin tint bon, autant qu’il le put, et les revendications d’égalité des femmes firent longtemps rire beaucoup d’hommes.
      Le mouvement des suffragettes, pour le droit de vote des femmes en Angleterre, n’obtint gain de cause qu’après que les femmes eurent recours au terrorisme à compter de 1912 (en utilisant des bombes et démarrant des incendies pour se faire entendre). Le féminisme est donc bien plus qu’un simple mouvement social. Il constitue la deuxième grande étape du processus historique de démocratisation, étape pendant laquelle les femmes durent se battre contre l’ensemble de la société, dans ce qu’elle avait de plus puissant et de plus intime.

      Or, une fois le droit de vote gagné et les droits civils acquis (processus qui prit jusqu’aux années 1980 dans plusieurs pays Occidentaux), les femmes ont été forcées de constater qu’elles continuaient à faire ce qu’elles avaient toujours fait : être responsable des travaux ménagers et des enfants, se définir par leurs qualités domestiques et leur élégance vestimentaire, être exclues de la sphère publique, jouer un rôle subalterne dans la production des richesses, être l’objet de prédations sexuelles et de violence. Malgré leur accès aux droits civils, les femmes restèrent fondamentalement dévalorisées dans leur existence sociale (invisibilisées ; exclues de la direction des affaires économiques et publiques ; reléguées a des tâches inférieures ; réduites à leur apparence sexuelle ; moquées ou adulées pour leur corps, violentées, etc.).

      Mouvement d’émancipation démocratique

      Si la dévalorisation demeurait l’expérience centrale de la femme, cela voulait dire qu’un mécanisme plus puissant que le droit formel était à l’œuvre dans les inégalités entre les sexes : pour que les femmes réalisent pleinement leurs droits, il fallait une réforme de l’inconscient culturel qui garantissait leur exclusion. La famille – lieu mythique et idyllique des sociétés bourgeoises – s’avéra être le lieu privilégié de la production et du maintien de la domination masculine. L’amour, la famille, le corps, la sexualité, la galanterie, toutes ces interactions qui faisaient des rapports hétérosexuels une source de plaisir, se révélaient être les courroies de transmission de l’exclusion de la femme de la sphère publique.

      Le féminisme se mit donc dans une position qui n’a presque aucun antécédent historique : celui de changer les agissements, dogmes et habitudes ancestrales du groupe qui les dominait. Seule la chrétienté avait tenté un changement aussi total et radical des comportements, des croyances, des formes du désir et du rapport au corps. Mais la chrétienté, du moins à partir du IVe siècle, pouvait le faire « par le haut », en créant l’Eglise, en mobilisant la puissance de l’Etat et ses armées. Les femmes exigent, elles, une transformation non moins profonde mais « par le bas », fait sans précédent dans l’histoire.

      Reformer le langage, les contenus, les images, les gestes, les intentions, les désirs constituent les objectifs du projet de démocratisation féministe. Nous n’avons aucun exemple historique d’une transformation d’une telle ampleur qui se soit faite par un groupe qui ne contrôle aucune des grandes institutions politiques, culturelles, et économiques. C’est sans doute la raison essentielle pour laquelle le féminisme, mouvement d’émancipation démocratique par excellence, est décrié : précisément à cause du décalage entre la profondeur des changements qu’il exige de la classe qui le domine et la faiblesse de ses moyens et de l’appareil institutionnel qui le soutient.

      C’est là que les réseaux sociaux entrent en scène et représentent une aubaine inespérée pour les femmes, qui s’étaient habituées à l’indifférence généralisée de la police, des médias, des tribunaux et des parlements devant leurs problèmes – le viol, le harcèlement, la violence conjugale. Si les voies traditionnelles de la justice leur étaient fermées, n’était-il pas naturel qu’elles empruntent le chemin – certes moins réglementé, mais plus efficace – des réseaux sociaux ?

      Néoféminisme et religion

      Ce pari réussit de façon éclatante. Il va sans dire que les réseaux sociaux mènent parfois à des dérives graves (délation, lynchage, bafouage de la présomption d’innocence), mais, grâce à leur utilisation, pour la première fois, des hommes puissants ont été contraints de restreindre leur accès direct au corps des femmes. C’est la capacité de l’homme à « se servir » quand cela lui chante et à le faire impunément que le néoféminisme est en train de transformer. S’il prend parfois l’aspect de croisades puristes et de justice sommaire, c’est à cause de la faiblesse des moyens institutionnels dont disposent les femmes pour transformer les comportements au cœur de la domination.

      Le néoféminisme a des aspects éminemment critiquables, notamment sa tendance au purisme, à confondre le trivial et le criminel. Plus problématique encore est son indécision sur la question de l’universalisme. En tant que franco-israelienne, je ne peux ne pas témoigner des tentatives, toujours plus réussies, de la part des partis politiques ultraorthodoxes israéliens d’interdire et de régimenter l’existence des femmes dans la sphère publique. Selon ces partis ou organisations ultraorthodoxes, des photos de femmes, même habillées de pied en cap, ne peuvent être publiées sur des journaux religieux (ils avaient par exemple effacé Angela Merkel de la photo des leaders du monde défilant après les attentats de 2015 contre Charlie Hebdo). Aucun parti religieux ne compte de femme ; elles n’ont pas le droit de parler dans une assemblée publique ou à la radio et, plus prosaïquement, ne peuvent s’asseoir à côté d’un homme dans une cérémonie officielle.

      Une telle religion (et elle est loin d’être la seule) est incompatible avec le principe démocratique d’égalité entre les hommes et les femmes. Prétendre l’inverse au nom d’une soi-disant tolérance pour les minorités religieuses, c’est faire preuve d’une compromission veule à l’égard des femmes, toujours les premières à être sacrifiées à d’autres causes. Le néoféminisme n’a donc pas réglé son problème avec la religion, mais c’est parce que cette question est restée elle-même en suspens et non résolue dans l’ensemble de la démocratie.

      L’universalisme – à condition qu’il ne soit ni naïf, ni arrogant, ni conquérant – a été et demeure le socle sur lequel s’est bâti le féminisme en tant que mouvement qui parachève et approfondit la révolution démocratique.

      Je terminerai avec une très belle citation de la féministe Shane Phelan : « Si nous transformons [la politique d’identité] en une exigence de pureté à chaque niveau de notre vie, nous nions les vies pour lesquelles nous avons commencé notre lutte. Si nous devons être libres, il nous faut apprendre à embrasser le paradoxe et l’incertitude ; en bref, il nous faut embrasser la politique. La politique d’identité doit être fondée, non pas seulement sur l’identité, mais sur un goût pour la politique comme art du vivre-ensemble. La politique qui ignore nos identités, qui en fait des choses “privées”, est inutile ; mais des identités non négociables nous asserviront, qu’elles nous soient imposées de l’intérieur ou de l’extérieur. » La politique comme l’art du vivre ensemble entre hommes et femmes sera la troisième grande étape de la démocratisation de nos sociétés. Pour cela, il faudra que les hommes partagent leur immense pouvoir avec les femmes.

      #égalité

  • La crise sanitaire aggrave les troubles psy des jeunes migrants

    Les « migrants » sont une population composite recouvrant des #statuts_administratifs (demandeurs d’asile, réfugiés, primo-arrivants…) et des situations sociales disparates. Certains appartiennent à des milieux sociaux plutôt aisés et éduqués avec des carrières professionnelles déjà bien entamées, d’autres, issus de milieux sociaux défavorisés ou de minorités persécutées, n’ont pas eu accès à l’éducation dans leur pays d’origine.

    Et pourtant, une caractéristique traverse ce groupe : sa #jeunesse.

    Ainsi, selon les chiffres d’Eurostat, au premier janvier 2019, la moitié des personnes migrantes en Europe avait moins de 29 ans ; l’âge médian de cette population se situant à 29,2 ans, contre 43,7 pour l’ensemble de la population européenne. Cette particularité est essentielle pour comprendre l’état de santé de cette population.

    En effet, on constate que, du fait de sa jeunesse, la population migrante en Europe est globalement en #bonne_santé physique et parfois même en meilleure #santé que la population du pays d’accueil. En revanche, sa santé mentale pose souvent problème.

    Des #troubles graves liés aux #parcours_migratoires

    Beaucoup de jeunes migrants – 38 % de la population totale des migrants selon une recherche récente – souffrent de #troubles_psychiques (#psycho-traumatismes, #dépressions, #idées_suicidaires, #perte_de_mémoire, #syndrome_d’Ulysse désignant le #stress de ceux qui vont vivre ailleurs que là où ils sont nés), alors que la #psychiatrie nous apprend que le fait migratoire ne génère pas de #pathologie spécifique.

    Les troubles dont souffrent les jeunes migrants peuvent résulter des #conditions_de_vie dans les pays d’origine (pauvreté, conflits armés, persécution…) ou des #conditions_du_voyage migratoire (durée, insécurité, absence de suivi médical, en particulier pour les migrants illégaux, parfois torture et violences) ; ils peuvent également être liés aux #conditions_d’accueil dans le pays d’arrivée.

    De multiples facteurs peuvent renforcer une situation de santé mentale déjà précaire ou engendrer de nouveaux troubles : les incertitudes liées au #statut_administratif des personnes, les difficultés d’#accès_aux_droits (#logement, #éducation ou #travail), les #violences_institutionnelles (la #répression_policière ou les #discriminations) sont autant d’éléments qui provoquent un important sentiment d’#insécurité et du #stress chez les jeunes migrants.

    Ceci est d’autant plus vrai pour les #jeunes_hommes qui sont jugés comme peu prioritaires, notamment dans leurs démarches d’accès au logement, contrairement aux #familles avec enfants ou aux #jeunes_femmes.

    Il en résulte des périodes d’#errance, de #dénuement, d’#isolement qui détériorent notablement les conditions de santé psychique.

    De nombreuses difficultés de #prise_en_charge

    Or, ainsi que le soulignent Joséphine Vuillard et ses collègues, malgré l’engagement de nombreux professionnels de santé, les difficultés de prise en charge des troubles psychiques des jeunes migrants sont nombreuses et réelles, qu’il s’agisse du secteur hospitalier ou de la médecine ambulatoire.

    Parmi ces dernières on note l’insuffisance des capacités d’accueil dans les #permanences_d’accès_aux_soins_de_santé (#PASS), l’incompréhension des #procédures_administratives, le besoin d’#interprétariat, des syndromes psychotraumatiques auxquels les professionnels de santé n’ont pas toujours été formés.

    Les jeunes migrants sont par ailleurs habituellement très peu informés des possibilités de prise en charge et ne recourent pas aux soins, tandis que les dispositifs alternatifs pour « aller vers eux » (comme les #maraudes) reposent essentiellement sur le #bénévolat.
    https://www.youtube.com/watch?v=Pn29oSxVMxQ&feature=emb_logo

    Dans ce contexte, le secteur associatif (subventionné ou non) tente de répondre spécifiquement aux problèmes de santé mentale des jeunes migrants, souvent dans le cadre d’un accompagnement global : soutien aux démarches administratives, logement solidaire, apprentissage du français, accès à la culture.

    Organisateurs de solidarités, les acteurs associatifs apportent un peu de #stabilité et luttent contre l’isolement des personnes, sans nécessairement avoir pour mission institutionnelle la prise en charge de leur santé mentale.

    Ces #associations s’organisent parfois en collectifs inter-associatifs pour bénéficier des expertises réciproques. Malgré leur implantation inégale dans les territoires, ces initiatives pallient pour partie les insuffisances de la prise en charge institutionnelle.

    Des situations dramatiques dans les #CRA

    Dans un contexte aussi fragile, la #crise_sanitaire liée à la #Covid-19 a révélé au grand jour les carences du système : si, à la suite de la fermeture de nombreux #squats et #foyers, beaucoup de jeunes migrants ont été logés dans des #hôtels ou des #auberges_de_jeunesse à l’occasion des #confinements, nombreux sont ceux qui ont été livrés à eux-mêmes.

    Leur prise en charge sociale et sanitaire n’a pas été pensée dans ces lieux d’accueil précaires et beaucoup ont vu leur situation de santé mentale se détériorer encore depuis mars 2020.

    Les situations les plus critiques en matière de santé mentale sont sans doute dans les #Centres_de_rétention_administrative (CRA). Selon le rapport 2019 de l’ONG Terre d’Asile, sont enfermés dans ces lieux de confinement, en vue d’une #expulsion du sol national, des dizaines de milliers de migrants (54 000 en 2019, dont 29 000 en outremer), y compris de nombreux jeunes non reconnus comme mineurs, parfois en cours de #scolarisation.

    La difficulté d’accès aux soins, notamment psychiatriques, dans les CRA a été dénoncée avec véhémence dans un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en février 2019, suivi, à quelques mois d’écart, d’un rapport tout aussi alarmant du Défenseur des droits.

    La #rupture de la #continuité des #soins au cours de leur rétention administrative est particulièrement délétère pour les jeunes migrants souffrant de pathologies mentales graves. Pour les autres, non seulement la prise en charge médicale est quasi-inexistante mais la pratique de l’isolement à des fins répressives aggrave souvent un état déjà à risque.

    La déclaration d’#état_d’urgence n’a pas amélioré le sort des jeunes migrants en rétention. En effet, les CRA ont été maintenus ouverts pendant les périodes de #confinement et sont devenus de facto le lieu de placement d’un grand nombre d’étrangers en situation irrégulière sortant de prison, alors que la fermeture des frontières rendait improbables la reconduite et les expulsions.

    Un tel choix a eu pour conséquence l’augmentation de la pression démographique (+23 % en un an) sur ces lieux qui ne n’ont pas été conçus pour accueillir des personnes psychologiquement aussi vulnérables et pour des périodes aussi prolongées.

    Des espaces anxiogènes

    De par leur nature de lieu de #privation_de_liberté et leur vocation de transition vers la reconduction aux frontières, les CRA sont de toute évidence des #espaces_anxiogènes où il n’est pas simple de distinguer les logiques de #soins de celles de #contrôle et de #répression, et où la consultation psychiatrique revêt bien d’autres enjeux que des enjeux thérapeutiques. Car le médecin qui apporte un soin et prend en charge psychologiquement peut aussi, en rédigeant un #certificat_médical circonstancié, contribuer à engager une levée de rétention, en cas de #péril_imminent.

    Les placements en CRA de personnes atteintes de pathologies psychologiques et/ou psychiatriques sont en constante hausse, tout comme les actes de #détresse (#automutilations et tentatives de #suicide) qui ont conduit, depuis 2017, cinq personnes à la mort en rétention.

    La prise en charge effective de la santé mentale des jeunes migrants se heurte aujourd’hui en France aux contradictions internes au système. Si les dispositifs sanitaires existent et sont en théorie ouverts à tous, sans condition de nationalité ni de régularité administrative, l’état d’incertitude et de #précarité des jeunes migrants, en situation irrégulière ou non, en fait un population spécialement vulnérable et exposée.

    Sans doute une plus forte articulation entre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté et des actions ciblées visant à favoriser l’intégration et la stabilité via le logement, l’éducation et l’emploi serait-elle à même de créer les conditions pour une véritable prévention des risques psychologiques et une meilleure santé mentale.

    https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-aggrave-les-troubles-psy-des-jeunes-migrants-152

    #crise_sanitaire #asile #migrations #réfugiés #jeunes_migrants #santé_mentale #troubles_psychologiques #genre #vulnérabilité #bénévolat #rétention #détention_administrative #sans-papiers

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  • Mes parents, ces complotistes
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/mes-parents-ces-complotistes


    Leurs parents sont #complotistes. Camille et Emma ne le sont pas ou, libérés de leur emprise, ne le sont plus. Ils témoignent des mécanismes qui les ont éloigné de leurs parents et de dialogues presque impossibles avec, au centre, le coronavirus qui a mis en lumière un certain nombre de théories.

    #extrême_droite #famille

  • Entre le Canada et les Etats-Unis, une frontière aussi interminable que l’attente de sa réouverture
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/16/entre-le-canada-et-les-etats-unis-une-frontiere-aussi-interminable-que-l-att

    Mais en raison d’un virus dépourvu de la plus élémentaire connaissance administrative, qui impose communément de ne pas quitter un territoire sans autorisation, cette interminable frontière a été fermée le 18 mars, une première historique. Depuis, pour tenter d’endiguer la pandémie de Covid-19, particulièrement virulente aux Etats-Unis, les autorités politiques des deux pays reconduisent mois après mois son verrouillage. Pour les habitants de Stanstead, une petite ville de 2 800 âmes à cheval sur le Québec (Canada) et le Vermont (Etats-Unis), cette fermeture change tout. La frontière, symbolisée par une ligne noire peinte au sol, traverse la bibliothèque municipale Haskell : les livres côté américain, les sièges côté canadien, et des lecteurs des deux pays pour en profiter. Depuis toujours, les Canadiens de Stanstead mènent une double vie, profitant d’un boulot plus rémunérateur en dollars américains de l’autre côté de la ligne, et de maisons moins onéreuses côté québécois, avec des restaurants cosy comme
    Les attentats du 11 septembre 2001 poussèrent les autorités américaines à renforcer les mesures de sécurité et exiger un passeport pour traverser la rue Canusa (pour Canada et USA) qui partage la localité en deux, mais désormais, la vigilance commandée par la peur sanitaire est surtout canadienne : des officiers de la Gendarmerie royale du Canada, aux aguets dans leurs gros SUV noirs stationnés dans la localité, appréhendent systématiquement – quoique fort courtoisement – tout imprudent touriste qui s’approche un peu trop de la ligne fatidique, et empêchent les résidents de Stanstead d’effectuer leurs traversées quotidiennes.Quelques rares et rutilants camions de marchandises poursuivent leur va-et-vient au poste frontière, afin d’assurer la survie de l’économie nationale. Le Canada a exporté en 2019 pour 447 milliards de dollars canadiens (environ 290 millions d’euros) de marchandises vers son grand voisin du sud et importé 300 milliards de dollars de produits en provenance des Etats-Unis.
    A un millier de kilomètres à l’est de Stanstead, et en raison de ces allers-retours incessants, autorisés pour les seules marchandises et travailleurs essentiels, le pont Ambassadeur, qui relie Windsor en Ontario à Detroit au Michigan, n’est pas loin de gagner le surnom du « pont de la mort ». Car le « feu Covid » embrase cet Etat américain limitrophe (472 780 cas à lui seul au 15 décembre, autant que le Canada tout entier avec 472 820 cas recensés), et la province canadienne ne sait comment circonscrire l’incendie. Chaque jour, 1 500 Ontariens enjambent la rivière pour aller travailler dans les services de santé du Michigan, débordés. Comment empêcher que le virus rentre avec eux le soir ? Mais la crainte du virus est parfois moins forte que le désir d’échapper au grand froid canadien. Des « snowbirds », ces retraités québécois avides de chaleur et de soleil qui opèrent une migration annuelle vers la Floride à l’approche de l’hiver, ont choisi de profiter d’une incongruité pour échapper à leur sédentarité imposée : si la frontière terrestre entre les deux pays est bien fermée, il reste autorisé de se rendre aux Etats-Unis… par les airs ! Quelques-uns de ces « oiseaux des neiges » ont donc choisi de s’envoler vers Miami ou Orlando en empruntant les lignes aériennes régulières. Une entreprise de transport de la région de Montréal a même mis sur pied un ingénieux système qui leur permet de récupérer leurs « véhicules récréatifs » – « camping-car » comme on ne dit pas en bon québécois – de l’autre côté de la frontière : munis d’un permis de transport commercial en bonne et due forme, des chauffeurs routiers convoient ces « home sweet home » sur roues, moyennant la somme d’un millier de dollars. Une facilité réservée aux seuls plus aisés, quand tous au Canada, amoureux séparés, familles éclatées, travailleurs et simples voyageurs, rêvent de retrouver la porosité habituelle de leur immense frontière. Celle dont ils avaient presque oublié l’existence, en vivant jour après jour, un pied d’un côté, un pied de l’autre.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#canada#sante#frontiere#circulation#snowbird#famille#circulationtransfrontaliere

  • Face à la haine et aux amalgames : « Redonner ses lettres de noblesse à la solidarité et à l’#hospitalité française »

    Elle appelle cela « l’#hospitalité_citoyenne ». #Julia_Montfort, journaliste et réalisatrice, a accueilli, comme beaucoup d’autres Français, un « migrant », Abdelhaq, originaire du Tchad. Elle raconte cette rencontre à Basta !, rencontre dont elle a tiré une web-série, #Carnets_de_solidarité. Son histoire nous rappelle que, loin des scènes indignes de harcèlement policier ou de commentaires racistes, des dizaines de milliers de citoyens font preuve de solidarité.

    Julia Montfort appelle cela « l’hospitalité citoyenne ». Comme beaucoup d’autres personnes en France, elle a ouvert sa porte pour accueillir un « migrant », Abdelhaq. Il avait alors 21 ans et ne devait rester que quelques jours. Il aura finalement vécu un an et demi chez Julia et Cédric, son mari. De cette expérience personnelle est alors née l’envie de raconter ce mouvement de #solidarité qui a gagné de nombreux foyers français – une réalité trop souvent invisibilisée – pendant que les politiques en œuvre choisissent trop souvent de harceler, humilier, reléguer dans la rue les exilés en quête d’accueil, ne serait-ce que temporaire. Réalisatrice, elle en a tiré une web-série passionnante, Carnets de Solidarité, qui offre la meilleure des réponses, en actes, à tous les préjugés, tous les cynismes ou toutes les haines qui s’accumulent sur ce sujet.

    Basta ! : Le point de départ de votre travail, c’est le #récit_intime de l’accueil d’Abdelhaq, chez vous, dans votre appartement. Avec le recul, qu’avez-vous appris de cette expérience d’hospitalité ?

    Julia Montfort [1] : Beaucoup de choses. Nous n’avons pas accueilli un citoyen français avec des références culturelles partagées : Abdelhaq est le fils d’un berger nomade, dans le sud du Tchad, qui parle un dialecte dérivé de l’arabe – le kebet – dont la vie consistait à garder les chèvres de son père ou à aller récolter du miel, autant dire une vie diamétralement opposée à la mienne. Tout nous séparait, et nous avons appris à trouver des #liens, à construire des ponts entre nos deux cultures.

    J’ai réalisé la portée de ce geste dès que j’ai ouvert ma porte devant ce grand gaillard de plus d’1 m 90, et que j’ai compris que le #langage ne nous permettrait pas de communiquer. Il apprenait les rudiments du français, mais il ne faisait pas de phrases, je ne parvenais même pas à savoir s’il aimait les pâtes. De fait, ce genre de situation permet aussi d’en apprendre beaucoup sur soi-même et sur notre rapport à l’autre. Cela m’offre aujourd’hui un ancrage très différent dans le présent.

    Il y a cette anecdote significative, lorsque vous racontez que vous hésitez plusieurs jours avant de lui signaler qu’il ne priait pas dans la bonne direction…

    Il se tournait exactement à l’opposé de la Mecque, nous ne savions pas comment lui annoncer, cela nous pesait, alors qu’au final, Abdelhaq a juste explosé de rire lorsque nous lui avons montré la boussole ! Une partie de notre complicité est née ce jour-là… Abdelhaq a une pratique très ouverte de sa religion, c’est notamment une façon de maintenir un lien avec son pays. Quand il est arrivé à Paris, son premier réflexe a été d’aller dans une mosquée, où il a pu être hébergé. C’est un peu son repère, son cadre. Mais depuis, on a constaté qu’il s’intéressait beaucoup aux autres religions.
    De notre côté, nous sommes parfaitement athées, et c’est probablement la première fois que j’ai côtoyé quelqu’un de religieux aussi longtemps, et aussi intimement. La probabilité que je puisse, à Paris, me retrouver directement confrontée à la réalité de la vie d’Abdelhaq était tout de même très faible, jusqu’à présent. Cela cultive une certaine #ouverture_d’esprit, et cela a généré aussi beaucoup de #respect entre nous.

    Pour autant, vous ne faites pas l’impasse sur les difficultés qui se présentent, aussi, à travers cette expérience. « L’hospitalité n’est pas un geste naturel, c’est une #épreuve », dites-vous.

    Il ne faut pas enjoliver cette expérience par principe, cela n’a rien de simple d’accueillir un étranger chez soi. Il faut s’ouvrir à lui, accepter qu’il entre dans notre #intimité, c’est une relation qui demande beaucoup d’énergie. Faire entrer l’exil à la maison, c’est aussi faire entrer des vies brisées et tous les problèmes qui accompagnent ces parcours du combattant… Et c’est compliqué quand, au petit-déjeuner, vous devez affronter son regard dans le vide, que vous voyez qu’il n’est pas bien. Tout paraît assez futile. J’ai parfois eu l’impression de plonger avec Abdelhaq. C’est le principe même de l’empathie, partager l’#émotion de l’autre. Mais quand c’est sous votre toit, il n’y a pas d’échappatoire, c’est au quotidien face à vous.

    Dans votre récit, vous utilisez très souvent les termes de « #générosité », de « #bienveillance », d’ « #humanité », comme si vous cherchiez à leur redonner une importance qu’ils ne semblent plus vraiment avoir, dans la société. Faut-il travailler à repolitiser ces valeurs, selon vous ?

    On pense toujours que la solidarité, l’#altruisme, l’#entraide, tout ça n’est que l’apanage des faibles. Ce seraient des vertus désuètes, bonnes pour les « bisounours ». Il a en effet fallu que j’assume, à l’écriture, de redonner des lettres de noblesse à ces mots-là. Car on a bien vu que tous ces petits #gestes, cette empathie, ces regards, ce n’était pas anodin pour Abdelhaq. On a vu comment cette solidarité qui s’est organisée avec les voisins l’a porté, lui a permis de se regarder autrement, de retrouver des prises sur le réel. Petit à petit, on l’a vu changer, reprendre pied. Et ça, c’est considérable.
    Et partant de là, on peut aussi se demander ce qui nous empêche d’appliquer cela à toutes nos relations – personnellement, j’essaye désormais d’être plus attentive à cette forme de #bienveillance dans mes échanges avec mes voisins ou mes amis, au travail. Cela semble toujours une évidence un peu simple à rappeler, mais c’est vertueux. C’est même l’un des principaux enseignements que nous avons tiré de notre expérience, à notre échelle : au-delà des difficultés, cela fait du bien de faire du bien. Diverses études documentent les bienfaits pour la santé de ces #émotions positives ressenties, cela porte même un nom – le « #helper’s_high », l’euphorie de celui qui aide. Donc oui, la solidarité fait du bien, et il faut en parler.

    De fait, votre initiative a rapidement fait la preuve de son effet multiplicateur auprès du voisinage, c’est ce que vous appelez la « #contagion_solidaire ».

    C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à raconter de cette expérience personnelle. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le discours sur « l’invasion » battait son plein. En 2017-2018, on est en plein dans la séquence où l’on entend partout que les migrants sont trop nombreux, qu’ils sont dangereux, qu’ils vont nous voler notre pain, notre travail et notre identité. Or à mon échelle, à Bagnolet, au contact de différentes classes sociales, j’ai vu le regard des gens changer et ce mouvement de solidarité se mettre en place, autour de nous. Et c’était d’autant plus significatif que nous étions officiellement devenus « hors-la-loi » puisque nous n’avions pas le droit d’héberger un sans-papier… De fait, lorsqu’on a reçu une enveloppe avec de l’argent pour payer le pass Navigo d’Abdelhaq, nous avons compris que nous étions plusieurs à accepter de transgresser cette règle absurde. Et à entrer ensemble dans l’absurdité du « #délit_de_solidarité ».

    « La chronique des actions en faveur de l’accueil des migrants montre une évolution au sein des sociétés européennes. Par leur ampleur et l’engagement qui les sous-tend, les formes de solidarité et d’hospitalité que l’on y observe s’apparentent de plus en plus à un mouvement social » affirme l’anthropologue Michel Agier, que vous citez dans votre livre. De fait, à l’échelle de la France, votre enquête tend à montrer que les démarches d’#accueil sont bien plus nombreuses et conséquentes qu’on ne le laisse souvent croire, vous parlez même d’une « #révolution_silencieuse ». Peut-on dresser une sociologie de ce mouvement social émergent ?

    C’est encore un peu tôt, on n’a pas assez de recul, on manque de chiffres. De nombreux chercheurs travaillent là-dessus, mais c’est un mouvement encore difficile à évaluer et à analyser. La plupart des gens restent discrets, par crainte de l’illégalité mais aussi par humilité, souvent. Mais lorsque j’ai présenté la bande-annonce avec l’objet de mon travail, j’ai été submergé de messages en retour, sur internet. Et de toute la France. J’ai réalisé qu’il y avait un défaut de #narration, et un défaut de connexion les uns avec les autres. La plupart agisse, chacun de leur côté, sans s’organiser de manière collective. Des mouvements et des plateformes se sont créés, sur internet, mais cette solidarité reste encore très « électron libre ». Il n’y a pas véritablement de #réseau_citoyen, par exemple.

    Pour ma part, ce que j’ai vu, c’est une France particulièrement bigarrée. J’ai vu des gens de tous les milieux, pas nécessairement militants, et beaucoup de #familles. En général, ils racontent avoir eu un déclic fort, comme par exemple avec la photo du petit #Aylan. Ce sont des gens qui ressentent une #urgence de faire quelque chose, qui se disent qu’ils « ne-peuvent-pas-ne-rien-faire ». La certitude, c’est qu’il y a énormément de #femmes. L’impulsion est souvent féminine, ce sont souvent elles qui tendent en premier la main.

    Ce #mouvement_citoyen est aussi, malheureusement, le reflet de l’#inaction_politique sur le sujet. Cette dynamique peut-elle continuer longtemps à se substituer aux institutions ?

    Il y a un #burn-out qui guette, et qui est largement sous-estimé, chez ces citoyens accueillants. Ils s’épuisent à « l’attache ». À l’origine, cette solidarité a vraiment été bricolé, avec les moyens du bord, et dans la précipitation. Et même si elle remplit un rôle fondamental, ça reste du #bricolage. Or ce n’est pas aux citoyens de pallier à ce point les défaillances de l’#État, ce n’est pas normal que nous ayons à héberger un demandeur d’asile qui se retrouve à la rue… La réalité, c’est qu’aujourd’hui, très régulièrement en France, on ne notifie pas leurs droits aux gens qui arrivent. Or toute personne qui pose le pied en France a le droit de demander l’asile, c’est une liberté fondamentale. Commençons donc, déjà, par respecter le #droit_d’asile !

    Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de ce qui se passe, parce que cela se joue dans des zones de frontières, loin de Paris, donc cela reste assez discret. Mais on est face à quelque chose d’assez considérable en termes de violations de #droits_humains, en France, actuellement : à la fois dans le fait de bafouer ces droits fondamentaux, mais aussi dans le fait de criminaliser les personnes qui leur viennent en aide… Et pendant ce temps-là, on remet la légion d’honneur à Nathalie Bouchart, la maire de Calais, qui avait interdit les distributions d’eau pour les exilés ? Il y a quand même quelque chose qui cloche, dans ce pays.

    Cela n’a pas toujours été comme ça, rappelez-vous, en évoquant notamment l’exemple des « #Boat_People » (en 1979, l’accueil de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens avaient obtenu un large consensus national, ndlr). Qu’est-il arrivé à cette grande « tradition française d’hospitalité », depuis ?

    Le contexte est très différent, par rapport aux Boat people. À l’époque, cela semblait sûrement circonscrit, tant dans le nombre que dans le temps. Aujourd’hui, la multiplication des conflits, un peu partout dans le monde, alimente cette idée que c’est un puits sans fond, qu’on va être submergé si on commence à accueillir trop largement… Plus fondamentalement, on le sait bien, une certaine #rhétorique s’est imposée dans les discours, sur ces questions : on parle de « flux », de « pompe aspirante », et tout ce vocable n’est plus l’apanage de l’extrême droite, on le retrouve dans la bouche des gouvernants. Tout ça insinue et conforte l’horrible mythe de « l’#appel_d’air ». Je crois qu’on oublie parfois combien les #discours_politiques contribuent à forger un cadre de pensée. Et en face, il y a un véritable défaut de pédagogie, on ne traite jamais de ces sujets à l’école, on ne produit pas de #contre-discours. Donc effectivement, c’est important de le rappeler : on a su accueillir, en France.

    Après l’assassinat terroriste du professeur Samuel Paty, vendredi 16 octobre, le débat public a pris des airs de course aux amalgames, avec une tendance à peine cachée à essentialiser toute une catégorie de population (demandeur d’asile, mineurs isolés...) comme de potentiels terroristes. Qu’est-ce que cela vous inspire, en tant qu’accueillante ?

    La #peur légitime et le #danger, bien réel, du #terrorisme ne doivent pas nous faire plonger dans une grande #confusion, en bonne partie entretenue par ma propre profession. Les journalistes ont une part de #responsabilité en entretenant ce lien dangereux, insufflé par nos gouvernants, qui envisagent la migration sous le spectre uniquement sécuritaire depuis les attentats terroristes de 2015. Nous avons besoin de #recul, et de #nuances, pour ne pas tomber dans la #stigmatisation à tout-va de tout un pan de la population, et éviter les #amalgames simplistes du type "immigration = terrorisme". Ce pur discours d’extrême droite n’est basé sur aucune étude formelle, et pourtant il s’est installé dans les esprits au point que ces femmes et ces hommes sont victimes d’un changement de perception. Hier considérés comme des personnes en détresse, ils sont désormais vus dans leur ensemble comme de potentiels terroristes car un assassin – ayant commis un acte effroyable – a préalablement été demandeur d’asile et a obtenu son statut de réfugié... Il s’agit d’un itinéraire meurtrier individuel. Les demandeurs d’asile, les mineurs isolés, les réfugiés sont les premiers à pâtir de ces amalgames. Les entend-on ? Très rarement. Leur #parole est souvent confisquée, ou bien nous parlons à leur place.

    Alors, il faut le rappeler : ces personnes exilées et arrivées en France aspirent simplement à s’intégrer et à mener une vie « normale », si tant est qu’elle puisse vraiment l’être après tout ce qu’elles ont traversé, et avec la douleur du #déracinement. Et ces étrangers, nous les côtoyons au quotidien sans même le savoir : ils livrent nos repas à domicile, se forment à des métiers dans des secteurs en tension où la main d’œuvre manque, ils changent les draps dans les hôtels. Nombre de médecins réfugiés furent en première ligne pendant le confinement... Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est justement de ramener de la mesure dans ce débat toxique et dangereux en humanisant ces destins individuels.

    https://www.bastamag.net/Redonner-ses-lettres-de-noblesse-a-la-solidarite-et-a-l-hospitalite-franca

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  • Potins de la macronie : Le général Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon ou la tentation d’une percée en politique
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/12/06/rechercher-un-homme-providentiel-c-est-dans-l-air-du-temps-le-general-pierre

    Depuis sa démission fracassante, en juillet 2017, l’ancien chef d’état-major des armées écrit des livres à succès et murmure à l’oreille des grands patrons.

    La petite assemblée a pris place sous les lustres du salon Cristal de l’hôtel Lutetia. Comme tous les ans, les auteurs des best-sellers de l’année précédente se retrouvent dans ce palace parisien pour un déjeuner organisé par L’Express et RTL. Ce 30 janvier 2019, François Hollande, pour Les Leçons du pouvoir (Stock, 2018), a été placé à la même table que son ancien chef d’état-major, le général Pierre de Villiers, auteur de Qu’est-ce qu’un chef ? (Fayard, 2018), connu pour avoir brutalement démissionné, en juillet 2017, après s’être opposé à Emmanuel Macron sur le budget des armées.

    Devant un saumon fumé aux baies roses, ces deux grands brûlés du macronisme échangent avec gourmandise sur les interminables séances de signature qui, de librairies en salons, leur permettent de sentir l’humeur du pays. Villiers observe combien les propos se sont peu à peu durcis contre le jeune président, devenu la cible des « gilets jaunes ». Hollande, ravi, s’enhardit : « “S’il était devant moi, je l’étranglerais !”, m’a confié une paisible retraitée. » Regard noir de l’ancienne ministre de la culture, Françoise Nyssen, assise à la même table. Le général sourit à Hollande : « Ah, si on nous avait dit, il y a deux ans, quand nous préparions des opérations, qu’on se retrouverait tous les deux ici, on aurait éclaté de rire ! »

    En croisant dans les couloirs du siège de l’état-major des armées, à Balard, la mince silhouette de ce général aimable et discret, peu de hauts gradés auraient en effet imaginé qu’il deviendrait cette figure courtisée et un auteur à succès. Son premier ouvrage, Servir (Fayard, 2017), s’est écoulé en France à 130 783 exemplaires, selon le panel GFK, le deuxième, Qu’est-ce qu’un chef ?, à 141 189 exemplaires. Le dernier en date, L’équilibre est un courage (Fayard, 320 pages, 22,50 euros), en librairie depuis le 14 octobre, a connu un joli démarrage, 30 000 exemplaires, avant le confinement.

    A chaque livre, les séances de dédicace s’éternisent, ferventes. On remercie le général pour son « courage », sa « droiture », pour « avoir rendu leur dignité aux soldats » et « dit non à Macron ». A la librairie Mollat de Bordeaux, le 28 octobre, des lecteurs ont pleuré en l’écoutant. « Ils pleurent sur la France, juge Pierre de Villiers. Ils disent : “Mon général, on marche sur la tête, tout fout le camp, on n’y comprend plus rien, où va-t-on ?” » Le député (Les Républicains, LR) de Haute-Marne François Cornut-Gentille se souvient de l’avoir accueilli dans sa circonscription, en février 2019 : « Il y avait des gens que je n’arrivais pas à situer politiquement et dont c’était la première réunion publique. Ils buvaient du petit-lait. J’ai compris alors qu’il se passait quelque chose autour de lui… Une attente… C’était palpable… »

    Cette attente a été mesurée par l’IFOP pour l’hebdomadaire Valeurs actuelles, le 19 novembre. Vingt pour-cent des Français seraient prêts à voter en sa faveur s’il était candidat à la présidentielle. Un score non négligeable, même s’il ne s’agit pas d’intentions de vote, seulement d’un « potentiel électoral », qui évalue l’intérêt que suscite une personnalité, précise Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’institut de sondage. A titre de comparaison, l’humoriste Jean-Marie Bigard avait obtenu 13 % avant l’été, le philosophe Michel Onfray, 9 %. Un bémol, tout de même : 42 % des personnes interrogées disent ne pas connaître l’ancien chef d’état-major, en dépit de sa spectaculaire démission, il y a trois ans.

    Plan médias

    Ce 13 juillet 2017, le général ne se doutait de rien. Il sortait d’une réunion avec Emmanuel Macron et s’apprêtait à écouter sagement son discours, le premier depuis son élection, devant tout le gratin militaire, dans les jardins de l’hôtel de Brienne. Il sursaute en l’entendant dire, à propos des arbitrages budgétaires : « Il n’est pas digne d’étaler ces débats sur la place publique », et rappeler sèchement qui est « le #chef ». Humilié devant ses pairs, Villiers prend l’attaque en plein cœur. La veille, il avait quitté un conseil de défense houleux à l’Elysée et s’était plaint en termes fleuris, devant une commission de l’Assemblée nationale à huis clos, de la faiblesse du budget militaire. Malgré tout, il lui a bien fallu assister, le 14 juillet, debout et crispé aux côtés du président, au défilé sur les Champs-Elysées. Avant de démissionner, cinq jours plus tard. Deux cents militaires lui ont fait une haie d’honneur. Le général a attendu d’être dans sa voiture pour pleurer.

    A l’époque, l’affaire fait des vagues. Jamais un chef d’état-major n’a claqué la porte ainsi. Pierre de Villiers devient celui qui a dit « non » à Macron. Ce dernier comprend trop tard qu’il vient de faire d’un officier inconnu des Français le symbole d’une certaine conception du pays et de la fidélité à ses idéaux. « Il va nous faire chier maintenant, il va faire de la politique », soupirent alors plusieurs généraux.

    Pierre de Villiers, qui n’a plus aucun contact avec le chef de l’Etat, a beau nier tout esprit de revanche, ce 14 juillet 2017 reste une blessure. « Il n’est pas animé par la vengeance mais veut restaurer son honneur bafoué », juge l’ancien coordinateur du renseignement à l’Elysée, Didier Le Bret. De là à penser qu’il veut battre Macron sur son terrain, il n’y a qu’un pas. A dix-huit mois de la présidentielle, alors que le contexte politique n’a jamais été aussi volatil, l’intense plan médias du général a de quoi intriguer. D’autant que l’intéressé, et c’est la nouveauté du moment, se plaît à cultiver l’ambiguïté. Tranchée il y a un an, sa réponse ne l’est plus autant. « Je suis un officier, la politique n’est pas ma vocation, répète-t-il au Monde. Mais je ne peux plus dire avec fermeté que je ne fais pas de politique, parce que je ne peux nier que mon dernier livre est politique. » S’il assure qu’il ne s’agit pas pour autant d’un « marchepied pour une élection », Pierre de Villiers concède que la pression du public s’est accrue. « Pour les deux livres précédents, c’était : “Merci pour votre exemple, on a besoin d’une voix comme la vôtre.” Là, les gens disent : “Présentez-vous en 2022, ne nous abandonnez pas !” »

    Dans l’armée, beaucoup estiment toutefois qu’il n’est ni un homme de pouvoir ni un politique. Trop « boy-scout », pas assez florentin. Qu’avant de se faire humilier par Emmanuel Macron, il s’était fait « duper » par Hollande. « C’est un homme loyal et sincère, mais il a une confiance excessive dans la parole donnée », confirme un ancien du cabinet Le Drian à la défense. Didier Le Bret, qui l’a observé pendant les conseils de défense, décrit, à l’inverse, un homme « courageux », capable d’oser « dire la vérité », « le contraire d’un courtisan » mais « certainement pas un perdreau de l’année ».

    « Je suis un serviteur »

    Le général assume « ne pas être un homme de pouvoir », tout en revendiquant une « connaissance parfaite » de l’Etat. Il est vrai que, en dehors d’un commandement de quatre mois, en 2006-2007, pour l’OTAN en Afghanistan et d’un séjour de cinq mois au Kosovo, en 1999, il a passé l’essentiel de sa carrière dans les bureaux, à Paris. Douze ans à l’état-major de l’armée de terre, puis à la direction des affaires financières du ministère, où il a côtoyé plusieurs premiers ministres, « une année avec M. Raffarin, une année avec M. Villepin et presque deux avec M. Fillon », comme chef de son cabinet militaire à Matignon en 2008. « Le pouvoir, je l’ai connu. Je sais réfléchir à autre chose que la poudre à canon ! Mais je suis un serviteur, pas un billard à quatre bandes. »

    Sur le fond, Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon – son nom complet – est un militaire trempé très tôt dans le catholicisme social [sic] . Il croit aux vertus de l’exemple et veut réconcilier la France dans l’amour du prochain. Pour lui, l’armée est un laboratoire et un modèle d’intégration sociale. Si Macron rêve d’une France de start-up, lui la voit plutôt comme un bataillon, où l’on obéit « par amitié ». « La vraie richesse, c’est les autres, plaide-t-il, ce n’est pas un hasard si le chapitre de mon livre le plus important s’appelle comme ça. » Du coup, le général a assez peu goûté la « une » de Charlie Hebdo, le 25 novembre. Sous le titre « Villiers président », le dessinateur Salch le croquait avec « les oreilles du Général », « le képi du Maréchal » et « le programme de la 7e compagnie ».

    Son dernier livre dresse en effet une série de constats de « bon sens » – le mot revient souvent. L’auteur a des campagnes une image charmante, regrette « le bon sens paysan », le temps des lampes à huile et de la marine à la voile. Pour lui, « il y a dans notre société une culture du #travail minimal » ; la #famille « reste, de loin, la valeur sacrée dans la débâcle générale de nos croyances » ; la #patrie est « une notion jugée non comestible dans l’empire du politiquement correct ». Sur la boîte de son casoar, qu’il conserve pieusement, son binôme de Saint-Cyr a inscrit : « Mon âme à Dieu, mon corps à la patrie, mon cœur à la famille. » Il assume sans ciller Renaud Camus et sa peur du #grand_remplacement, sans même y mettre un guillemet.

    Politiquement, le général refuse de se situer, comme souvent à droite. « Moi, je suis différent, dit-il. Je ne me sens pas dans un parti. J’ai servi la gauche et la droite, c’est comme ça. Ma ligne de conduite, ma colonne vertébrale, c’est l’unité. » Tout en admettant être issu d’une famille de droite, il ne comprend pas les clivages politiques : « Pour moi, il n’y a qu’une réconciliation. » Ainsi reste-t-il très ami avec le général Bertrand de la Chesnais, candidat (malheureux) à Carpentras et soutenu par le Rassemblement national. Mais il entretient aussi d’excellentes relations avec François Hollande, Jean-Yves Le Drian ou Jean-Louis Borloo, qui « l’aime bien » et échange avec lui sur l’état du pays. « Il se voit comme quelqu’un qui va essayer de retisser le lien social, analyse l’eurodéputé (LR) Arnaud Danjean. Il est consensuel, très intégrateur. Ceux de droite et d’extrême droite qui seraient exclusivement tentés par son côté “mili” seraient déçus par sa modération. »

    Depuis son départ, l’ancien chef d’état-major des armées est devenu un objet de fantasme. En 2019, des « gilets jaunes » ont voulu voir en lui un recours : l’un des porte-parole du mouvement, Christophe Chalençon, l’aurait bien vu à Matignon. A gauche, Ségolène Royal lui a proposé − en vain − un livre de dialogue entre « un homme de droite et une femme de gauche » attachés à « l’ordre juste ». « J’aime ce que vous incarnez », lui a-t-elle glissé au téléphone.

    Mais c’est sans surprise à droite que ses courtisans sont les plus nombreux. Dans un parti divisé, sans leader, les élus LR sentent bien qu’il répond à un besoin d’autorité puissant dans la société. Arnaud Danjean reçoit des SMS de ses militants sur le thème, « Tu en penses quoi du général de Villiers ? » A Nice, le député (LR) des Alpes-Maritimes Eric Ciotti avoue, lui aussi, qu’on lui parle du général. Il a demandé à le rencontrer, comme de nombreux élus des Républicains, de Geoffroy Didier à Damien Abad en passant par Valérie Pécresse. Quelques mois avant les européennes de 2019, il a été approché par l’ex-numéro deux de LR, Virginie Calmels, qui venait de quitter le parti de Laurent Wauquiez. L’élue de Bordeaux lui a proposé un « ticket » à la tête d’une liste hors parti : à lui le régalien, à elle l’économie. Le général a demandé à réfléchir avant de décliner, invoquant notamment les réticences de son épouse, Sabine, très réservée sur un engagement politique.

    Rivalité fraternelle

    A la droite de la droite, où l’on ne nourrit aucune sympathie pour le général, son succès commence vaguement à inquiéter. Pas tant Marine Le Pen, même si 29 % de ses électeurs ont dit, dans le sondage IFOP, être tentés de voter pour lui. Le très catholique Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate et candidat à la présidentielle, a plus de raisons d’être attentif, mais il est convaincu que le général ne se présentera pas. « Villiers veut seulement participer au débat public », dit-il. Moins amène, le polémiste Eric Zemmour l’a exécuté en dix minutes sur CNews, le 6 octobre : « Il y a une double demande d’autorité et de patriotisme, et en France quand la patrie est en danger, on va chercher un général. Mais j’ai été frappé par le décalage entre l’attente d’un homme à poigne et de Villiers. C’est un homme de paix, une espèce de lieu commun consensuel assez étonnant. Ce n’est pas vraiment un Bonaparte, plutôt un dalaï-lama. »

    Un autre surveille son ascension médiatique : son frère Philippe. L’homme du Puy du Fou ne voit pas d’un très bon œil cette incursion sur son terrain, la politique. Officiellement, il affiche son « affection » pour son cadet et refuse de parler de compétition, quand Pierre vend trois fois plus de livres que lui. « Mon frère a une expérience personnelle riche et il voit le pays qui se délite, au bord de l’abîme, indique Philippe de Villiers. Finalement, on fait le même constat, lui et moi. »

    Dans la fratrie, quatre frères et une sœur décédée, la relation entre Philippe, 71 ans, et Pierre, 64 ans et père de six enfants, a toujours été complexe. Flamboyant, séducteur et bretteur, le premier a longtemps été une ombre encombrante pour le second. Même si cela n’a pas gêné sa carrière militaire, il a souffert d’être constamment associé à cet aîné aux idées si tranchées. « On me regarde de travers car je suis le frère de Philippe de Villiers ? Mais j’ai le droit d’exister, d’être moi-même ! », s’agace-t-il encore. Politiquement, tous deux partagent la même éducation, traditionnelle et catholique – « à la paysanne », résume Philippe –, un conservatisme certain et la passion du football. Mais Pierre, qui a préféré travailler avec Hollande qu’avec Sarkozy, est « plus tolérant, plus ouvert », juge l’un de ses amis. Avec un brin de perversité, Emmanuel Macron n’a rien arrangé en cajolant ostensiblement Philippe, alors qu’il avait humilié Pierre.

    A l’Elysée, où l’on redoute l’émergence d’un candidat « hors système » prêt à venir troubler le jeu présidentiel, le phénomène Villiers est suivi de près. « Ça fout la trouille », confiait un conseiller de Macron avant l’été, alors que les crises sanitaire et sécuritaire alimentent la défiance envers le pouvoir. Un stratège de l’exécutif croit d’ailleurs savoir que le général « se prépare ».

    De fait, la rumeur agite le microcosme, sans que rien ne vienne, à ce stade, l’étayer. L’intéressé, qui cloisonne avec une redoutable efficacité, jure qu’il ne rassemble pas une équipe, et concède seulement recevoir des « offres de services ». Une poignée de jeunes gens brillants et bien nés, orphelins de candidat, se plaisent en effet à lui délivrer quelques conseils. L’avocat et chroniqueur Charles Consigny, séduit par son côté gaullien, lui a fait passer une note. Il l’avait interrogé sur le plateau de l’émission télévisée de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché », en novembre 2018. « Villiers avait même retourné Christine Angot ! », se souvient le chroniqueur.

    En société unipersonnelle

    Le général en est le premier surpris. Au lendemain de sa démission, il se demandait bien ce qu’il allait faire de sa vie. « Je n’ai jamais été seul, convient-il. C’était la première fois. » Il déménage de son bel appartement de fonction, aux Invalides, et cherche des revenus. Comme chef d’état-major des armées, il gagnait 10 000 euros net – de l’argent de poche pour un militaire nourri, logé, véhiculé –, mais il n’en touche, à la retraite, que la moitié. Il a heureusement quelques précieux contacts, dont Augustin de Romanet, le PDG du Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), rencontré au cabinet de Jean-Pierre Raffarin, qui lui donne des conseils pour se reconvertir.

    Dès le 3 août 2017, le général fonde la société unipersonnelle « Pierre de Villiers », chez lui, dans sa ferme vendéenne, avec un capital de 1 000 euros, un objet social très large de conseil en stratégie, et s’attelle à l’écriture de Servir. Une quinzaine d’éditeurs l’avaient appelé après sa démission. Il choisit Fayard. Et réécrit un peu l’histoire. « Ça s’est passé par hasard, au sens où Sophie de Closets [la directrice de Fayard], la plus futée, m’a dit : “Je publierai le livre que vous voulez écrire.” Moi, je n’aime pas qu’on m’impose des choses. » En réalité, c’est Philippe de Villiers qui a négocié l’arrivée de son petit frère, en expliquant franchement qu’il avait besoin d’argent. D’où un premier à-valoir, quasi historique en France, de 400 000 euros.

    Chez Fayard, Villiers est édité par Nicolas Diat, un personnage, une sorte de Mazarin de l’édition. Ex-conseiller spécial de Laurent Wauquiez, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il a fait glisser son talent et son influence dans le monde de l’édition. C’est notamment lui qui a réussi à débaucher d’Albin Michel, en 2019, Philippe de Villiers, auteur prolifique de quelque 29 livres. Nicolas Diat est un homme discret, fin connaisseur de la droite catholique : il a ses entrées au Vatican, écrit de pieux ouvrages et a publié notamment celui du très conservateur et polémique cardinal Robert Sarah.

    Quand Servir sort, en novembre 2017, « j’avais eu zéro client, zéro contact », poursuit le général. Grâce au succès du livre, il entre en relation avec l’Association progrès du management et passe quelques demi-journées avec de petits entrepreneurs. « Vous faites une intervention sur un thème, ils vous posent des questions, c’est très sympa », se félicite Villiers. C’est alors que François Dalens, le patron de la branche française du Boston Consulting Group (BCG), le sollicite. Le BCG est l’un des trois leaders mondiaux du conseil en stratégie ; son bureau parisien conseille 60 % des entreprises du CAC 40. « Je voyais bien la richesse qu’il y avait à croiser les approches entre pensées militaire et civile, témoigne M. Dalens. Il m’a dit qu’il ne connaissait rien au monde de l’entreprise, je lui ai répondu que les problèmes des chefs sont souvent les mêmes. »

    Le général, devenu « senior advisor » du BCG, passe devant une commission de déontologie et prend l’engagement de ne toucher en rien au secteur de la défense. Il intervient un jour par semaine ou par mois, à son gré, auprès des clients du BCG ou en interne. Mais la nouvelle passe mal chez les militaires : le général de Villiers, apôtre de la souveraineté nationale, s’est vendu aux Américains ! Pas du tout, assure François Dalens, le bureau de Paris appartient à ses 70 directeurs français, qui travaillent avec des entreprises françaises, de Danone à L’Oréal.

    Le général a aussi confié ses intérêts à la communicante Claudine Pons, directrice à poigne de l’agence Les Rois mages et proche du criminologue et consultant en sécurité Alain Bauer. Elle organise ses conférences, lui prépare des « media trainings », qu’elle mène aux côtés de l’indispensable Nicolas Diat, et gère son agenda. En trois ans, Villiers a donné près de 110 conférences, dont 55 à titre gracieux, aux associations, aux grandes écoles, et 35 payantes, à de grandes entreprises – sans compter ses cours à Sciences Po. « Je suis complètement débordé, déclare-t-il, en souriant, je croule sous les propositions ! Les Rois mages m’aident, ils font office de cabinet. »

    « Formidable marketing »

    Le général en convient : « J’ai une vie qui est beaucoup plus confortable que celle que j’avais quand j’étais dans l’armée. Mais je n’ai pas envie du tout de faire fortune. Moi, je mène une vie normale, je prends le métro. L’argent est un mauvais maître. » Pierre de Villiers dit être resté simple, mais facture ses conférences 5 000 euros ; c’est aussi ce qu’il gagne au BCG par demi-journée. Il a obtenu de Fayard 150 000 euros d’à-valoir pour son second livre, 250 000 pour le troisième. Depuis octobre 2019, il est également administrateur du groupe Adeo (Leroy Merlin). « Mais je fais des dons importants, c’est aussi une façon de redistribuer ce que l’armée me donne, parce qu’une partie de mon succès est due à l’institution que je porte. » Il est effectivement membre de l’Association pour le développement des œuvres d’entraide dans l’armée (ADO) et lui verse, depuis ses succès éditoriaux, des dons « très significatifs ». « Je passe le voir tous les ans à la fin de l’année, rigole le général Robert Hérubel, délégué général de l’ADO, en lui souhaitant de faire un nouveau livre l’an prochain. »

    Le général mène ainsi gaillardement sa petite entreprise, entre Nicolas Diat et Claudine Pons, qui ne sont pas toujours d’accord. Le premier veut vendre des livres, et c’est plutôt réussi, mais, comme le confie un proche du général, « il est démangé par la politique et se veut un peu conseiller de l’ombre. D’ailleurs, il n’est pas mauvais. Il est drôle, intelligent, flatteur… » C’est Diat qui a trouvé le titre de L’équilibre est un courage, une citation obscure d’Albert Camus, et fait ajouter le bandeau « Réparer la France », qui colore sensiblement la démarche. Claudine Pons, pour sa part, préférait Halte au feu !, le titre du premier chapitre et le mot de la fin. D’après elle, « plus ils vont le tirer vers la politique, moins il va vendre de livres. C’est un mauvais calcul ». Chez les militaires, pareille réussite éditoriale stupéfie. « Il n’y a rien dans ses livres qui justifie des tirages comme ça, s’étonne un haut gradé. Formidable marketing de Fayard, qui active le vieux mythe français de l’homme providentiel. »

    Pierre de Villiers joue le jeu. Il sait à merveille répondre à côté, a bien compris qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment et pratique avec brio l’art de la digression. Mais il s’agace des pressions et reste soucieux de sa liberté, comme s’il redoutait que le phénomène lui échappe. « Personne ne me dictera quoi que ce soit, se cabre-t-il. On veut me fabriquer un personnage, je suis comme je suis. J’ai 64 ans, l’essentiel de ma vie est derrière moi, qu’on me foute la paix. » Mi-novembre, il a annulé « Le Grand Rendez-vous politique », d’Europe 1, au grand dam de son éditeur, et s’est réfugié dix jours en Vendée, pour souffler, aux côtés de son épouse, qui « l’empêche de prendre la grosse tête », selon les intimes du couple.

    Un signe de plus pour ceux qui doutent que le général, qui « déteste les diviseurs », soit prêt à descendre dans l’arène, en renonçant à sa popularité et à sa position en surplomb. En privé, Pierre de Villiers ne tait pas ses critiques envers Emmanuel Macron, ni ses inquiétudes pour le pays, mais se dévoile le moins possible. « Tout cela se jouera très tard », glisse-t-il. Mais le député LR Julien Aubert, qui l’a invité à prendre un café à l’Assemblée, a senti un homme peu à l’aise avec les codes politiques et n’aimant ni le conflit ni la compétition. « La politique a trop fait souffrir ma famille », répète le général. Il a d’ailleurs décliné l’invitation du député à venir débattre lors de l’université d’été de LR. « Je pense que c’est le genre de type qui se dit : “Si c’est la guerre civile, si le pays s’écroule, je suis là”, résume Aubert. Au fond, Villiers, c’est davantage Cincinnatus que Jules César : “J’ai le glaive mais je ne marcherai sur Rome que si Rome est menacée.” » Lui assure, agacé, qu’il « n’est pas le général Boulanger », le ministre de la guerre de 1886 qui, porté par l’émotion populaire, avait ébranlé la IIIe République – avant de se suicider.

    Son frère Bertrand, le propriétaire de la radio vendéenne Alouette FM, n’a aucun doute. « Son engagement est celui d’un citoyen, il n’a pas du tout l’intention d’entrer en politique, ce n’est pas sa nature profonde, et je le connais depuis soixante-quatre ans », sourit le troisième enfant de la fratrie. « Comme Philippe », Bertrand se dit surpris par « l’emballement » autour de Pierre, certes « quelqu’un de bien, d’intègre, et les gens le sentent ». Mais il y voit le signe d’un vide politique, d’un désarroi. Lui qui a préparé deux élections présidentielles pour son frère Philippe, en 1995 et 2007, sait les difficultés de l’entreprise. « Les sondages, c’est de l’écume, conclut-il. Le général de Villiers, c’est combien de divisions ? Rechercher un homme providentiel, c’est dans l’air du temps. De là à confier à Pierre les pleins pouvoirs… Ce n’est pas dans la tradition familiale. Nous, on est plutôt dans la résistance. »

    #encasdeguerrecivile #édition

  • Le célibat une histoire et une actualité
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-lhistoire/le-celibat-une-histoire-et-une-actualite


    Dans notre société où tout est focalisé sur la sacro-sainte #famille, peu de place est faite à la réflexion du statut des #célibataires. Pourtant, il sont nombreux, de plus en plus, et fragiles aussi. Il serait peut-être temps de leur rendre justice.

    #célibat

  • Mort·e·s et disparu·e·s aux frontières européennes : les États irresponsables désignent de nouveaux coupables, les parents !

    Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2020, un jeune père iranien assistait impuissant à la mort de son fils de 6 ans au cours de leur traversée en #mer pour rejoindre la #Grèce. Le lendemain, les autorités grecques décidaient de le poursuivre en justice pour « #mise_en danger_de_la_vie_d’autrui ». Il risque 10 ans de prison.

    Trois jours plus tard au #Sénégal, les autorités décidaient de poursuivre plusieurs personnes dont le père d’un jeune garçon de 14 ans décédé lors d’une traversée vers les #Canaries mi-octobre. En payant le passage de son fils, celui-ci serait coupable aux yeux des autorités « d’#homicide_involontaire et de #complicité_de_trafic_de_migrants ». Son procès s’ouvre mardi 1er décembre. Au Sénégal, deux autres pères sont également poursuivis pour « mise en danger de la vie d’autrui et #complicité_d’émigration_clandestine ».

    A la connaissance de nos organisations, c’est la première fois que des autorités publiques s’attaquent aux parents pour criminaliser l’aide à la migration « irrégulière », faisant ainsi sauter le verrou protecteur de la #famille. Il s’agit d’une forme de #répression supplémentaire dans la stratégie déployée depuis des années pour tenter d’empêcher toute arrivée sur le territoire européen, qui révèle jusqu’où peut aller le #cynisme quand il s’agit de stopper les migrations vers l’Union européenne (UE).

    Tandis que les routes migratoires deviennent toujours plus dangereuses en raison de la multiplicité des entraves et des mesures de contrôles le long des parcours, l’UE, ses États et les États coopérant avec elle ne cessent de se dérober de leur #responsabilité en invoquant celles des autres.

    Tout d’abord celle des « #passeurs », terme non-défini et utilisé pour désigner toute une série d’acteurs et d’actrices intervenant sur les routes migratoires jusqu’à s’appliquer à toute personne ayant un lien avec une personne en migration. Ainsi, le « passeur » peut prendre une multitude de visages : celui du trafiquant exploitant la misère à celui du citoyen·ne solidaire poursuivi·e pour avoir hébergé une personne migrante en passant par les personnes migrantes elles-mêmes. Dans leur diversité, l’existence même de ces acteurs et actrices qui viennent en aide aux personnes migrantes dans le passage des frontières est une conséquence directe des politiques restrictives des États, qui rendent leur aide ou leurs services nécessaires.

    Les « passeurs », pointés du doigt et coupables tout désignés des drames aux frontières, ont ainsi constitué un bon #alibi pour les États dans le #déni de leurs responsabilités. Les actions de lutte contre « les passeurs » ont été présentées comme le meilleur moyen pour « sauver des vies » dès 2015, comme en atteste l’opération maritime militaire européenne, #EUNAVfor_Med, visant à l’identification, la saisie et la destruction des embarcations utilisées par les « passeurs ». Loin de « #sauver_des_vies », cette opération a contribué à un changement de pratique des personnes organisant les traversées en Méditerranée : aux gros bateaux en bois (risquant d’être saisis et détruits) ont été préférés des bateaux pneumatiques peu sûrs et moins fiables, mettant encore plus en danger les personnes migrantes et compliquant les opérations de sauvetage. Bien que ces conséquences désastreuses aient été relevées par de nombreux·ses observateur·ice·s, la stratégie de l’UE et de ses États membres n’a nullement été remise en cause [1].

    Autres « #coupables » désignés par les États comme responsables des arrivées sur le sol européen et des drames en Méditerranée : les ONGs de #sauvetage. Tandis que ces dernières tentent de pallier depuis 2015 le manque d’intervention des États en matière de sauvetage en mer, elles subissent depuis 2017 des pressions et des poursuites judiciaires pour les dissuader d’intervenir : refus d’accès aux ports européens pour débarquer les personnes sauvées, saisies des navires, poursuites des capitaines et équipages pour « aide à l’immigration irrégulière » et même « collusion avec les passeurs », etc. Au mépris de l’obligation internationale du secours en mer des navires en détresse, les États membres criminalisent le sauvetage en Méditerranée lorsque celui-ci concerne des personnes en migration.

    Aujourd’hui, pour contourner les mesures de #blocage des personnes migrantes, les routes migratoires se déplacent à nouveau loin des côtes méditerranéennes et les naufrages se multiplient au large des îles Canaries, comme c’était le cas en 2006. Pourtant, l’Union européenne, ses États membres et les États de départ avec qui elle collabore n’interrogent toujours pas les conséquences désastreuses des politiques qu’ils mettent en œuvre.

    Cette logique de #déresponsabilisation des États pour le sort des personnes migrantes et de #criminalisation de celles et ceux qui leurs viennent en aide est aujourd’hui poussée à son comble puisque désormais ce sont des parents, déjà accablés par la perte de leur enfant, qui sont poursuivis et pointés du doigt comme responsable de ces drames. Tandis qu’à l’inverse, les acteurs étatiques et paramilitaires intervenant dans le contrôle des frontières, en particulier l’agence européenne #Frontex, jouissent d’une parfaite #impunité.

    Cette évolution alarmante de la criminalisation des personnes exilées, de leur famille et des solidarités qui se mobilisent autour d’elles cachent en réalité très mal les responsabilités des États dans les drames sur les routes migratoires. Les disparitions et décès aux frontières ne sauraient être uniquement attribués à des « passeurs sans scrupule », des « ONG irresponsables » et des « parents inconscients des risques ». L’Union européenne et les États doivent prendre la mesure des conséquences des politiques migratoires à l’œuvre. C’est bien le durcissement de la règlementation, la sophistication des contrôles aux frontières ainsi que la multiplication des instruments de coopération dans le domaine des migrations rendant le franchissement des frontières toujours plus difficile, qui est à l’origine du développement d’un « business » du passage et des décès et disparitions qui en découlent.

    http://www.migreurop.org/article3011.html

    #parents #père #criminalisation_de_la_migration #décès #mort #mourir_aux_frontières #migrations #asile #réfugiés #frontières #culpabilité

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    Sur l’incrimination du père iranien pour les événements en #mer_Egée :
    https://seenthis.net/messages/885779

    ping @isskein @karine4 @_kg_ @reka

    • Le procès de trois pères ayant aidé leurs enfants à émigrer divise le Sénégal

      Trois pères de famille sont poursuivis au Sénégal pour avoir fait embarquer leurs enfants sur des pirogues à destination de l’Europe. L’un de ces jeunes, mineur, est décédé en mer fin octobre : il s’appelait Doudou et rêvait de devenir footballeur. Le jugement est attendu ce mardi à Mbour, à une centaine de kilomètres au sud de Dakar. Le procureur a requis 2 ans de prison.

      Des pères de famille sur le banc des accusés. Ils sont jugés pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « complicité de trafic de migrants ». Depuis quelques mois, les départs reprennent de plus belle, depuis les plages de Mbour, Dakar ou encore Saint-Louis. Des dizaines de candidats au voyage entassés sur des pirogues surchargées qui tentent de rejoindre l’Espagne en dépit de conditions météo difficiles dans l’Atlantique en cette période de l’année. Des embarcations qui prennent l’eau. Des moteurs en surchauffe. Les pêcheurs ramènent des corps. Les récits dramatiques se succèdent dans les journaux.

      Pour le procureur, ceux qui ont laissé partir leurs enfants dans ces conditions ont fait preuve de grave négligence en organisant leur voyage. Le jeune Doudou Faye a trouvé la mort en mer. Son père avait payé un passeur 250 000 FCFA (un peu moins de 400 euros). Il n’a pas parlé de ce projet à la mère de l’adolescent. Une affaire qui a suscité émotion et indignation au Sénégal, et à l’étranger.
      Naufrages

      Des jeunes, mineurs, qui embarquent à destination de l’Europe avec des rêves plein la tête, Moustapha Diouf en a connu beaucoup. Président de l’AJRAP, l’association des jeunes rapatriés de Thiaroye sur Mer près de Dakar, il a lui-même fait la traversée en pirogue en 2006, vers les îles Canaries. « Depuis une quinzaine d’années maintenant, il y a des parents qui poussent leurs enfants à partir » explique-t-il.

      Moustapha Diouf est lui-même père de famille. Quand il évoque le cas de Doudou, il ne peut s’empêcher de penser à son fils de 14 ans. « La tempête, le froid, le manque d’eau, c’est insoutenable », se souvient-il avant d’ajouter : « Vous voyez ce qui se passe ici ? On ne peut pas retenir les gens… Il y a beaucoup de lassitude. On est fatigué. On nous parle de l’émergence au Sénégal, mais nous, nous ne sommes pas parvenus à émerger ». Lors de son procès, le père de Doudou Faye a dit « regretter » son acte. Ses avocats affirment que ce père « avait l’espoir d’un avenir meilleur pour son enfant, et qu’il puisse aussi aider sa famille ». Pour la défense, ces pères ne sont « pas des coupables, mais bien des victimes ». Des avocats qui disent « ne pas comprendre la nouvelle stratégie du parquet »
      Un procès pour dissuader ?

      Jusqu’à présent, les autorités sénégalaises s’employaient surtout à démanteler les réseaux de passeurs, et à interpeller de temps à autre les migrants qui voulaient monter à bord, ou ceux qui organisaient les départs à terre. Pour le sociologue Aly Tandian, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis et directeur de l’Observatoire sénégalais des migrations, « viser » directement les familles des candidats à l’immigration est une première.

      « Le Sénégal s’est engagé dans une politique répressive, ce procès est destiné à alerter et clarifier la position du Sénégal. On a pu entendre des critiques dénonçant la quasi absence des autorités et leur incapacité à résoudre le problème, donc ce procès est une réponse forte apportée par l’État » conclut-il.
      L’État rejette toute responsabilité

      Interpellée lors d’une conférence de presse fin novembre, la ministre de la Jeunesse préfère pointer du doigt la « pression sociale ». Pour Néné Fatoumata Tall, les exigences sont fortes vis-à-vis de la jeunesse « dans leurs quartiers, dans leurs maisons ». Elle en appelle au sens de la responsabilité. Selon elle, il faut que les familles arrêtent de dire tous les jours à leurs enfants « que telle personne (partie à l’étranger) a réussi à construire un immeuble pour ses parents, alors qu’il n’est pas mieux élevé que toi (resté au pays). Ces mots reviennent souvent dans les foyers et c’est une pression insupportable », affirme la ministre.

      Pour le sociologue Aly Tandian, mettre en cause les familles ne conduira pas à enrayer le phénomène : « Faut-il s’engager dans cette logique d’épicier ? Ce n’est pas faire un procès aux parents qui va sensibiliser les populations. Il faudrait plutôt essayer de comprendre les causes profondes, et apporter une réponse ». Selon lui, « la logique sécuritaire a déjà suffisamment montré ses limites ». Les pères des jeunes migrants risquent donc deux ans de prison ferme. Mais pour le directeur de l’Observatoire sénégalais des migrations, ils ont de toute façon « déjà été condamnés aux yeux de la communauté ».

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201207-le-proc%C3%A8s-de-trois-p%C3%A8res-ayant-aid%C3%A9-leurs-enfants-%C3%A0

    • Immigration : les pères de migrants sénégalais condamnés à une peine inédite

      Trois pères de famille ont été jugés, mardi 8 décembre, au Sénégal pour avoir facilité et payé le trajet illégal de leurs fils en pirogue à destination des Canaries. Un procès qui illustre la nouvelle stratégie du gouvernement sénégalais pour tenter d’enrayer les départs illégaux vers l’Europe.

      C’est une première au Sénégal. Trois pères de famille ont été condamnés à une peine de prison d’un mois ferme et de deux ans avec sursis pour avoir payé un passeur pour que leur fils parte en pirogue aux îles Canaries. Reconnus « coupables pour mise en danger de la vie d’autrui », ils ont cependant été relaxés pour le « délit de complicité de trafic de migrants » par le tribunal de grande instance de Mbour, au sud de Dakar.

      « Depuis 2005, il existe une loi qui punit de cinq à dix ans d’emprisonnement et prévoit une amende de 1 à 5 millions de F CFA (de 1 520 € et 7 600 €) toute personne participant à la migration illégale. Mais jusqu’à présent, il était surtout question de punir les passeurs et les facilitateurs. C’est la première fois que les parents des candidats au voyage sont poursuivis et condamnés en justice », souligne Aly Tandian, sociologue et directeur de l’Observatoire sénégalais des migrations.

      Parmi les condamnés, Mamadou Lamine Faye. Il a versé 250 000 F CFA (environ 400 €) pour que son fils, Doudo, âgé de 14 ans, puisse partir aux Canaries. La mort de l’adolescent, plus jeune passager de l’embarcation qui a fait naufrage le 26 octobre dernier, a ému la population sénégalaise. « J’ai vraiment été choqué par cet acte irresponsable. Les conditions de vie peuvent être très difficiles ici, mais elles ne doivent pas servir d’excuse pour envoyer un innocent à la mort. Ce n’est pas à l’enfant de ramener de l’argent pour sa famille ! », s’emporte Simal, père de trois enfants.

      Ces dernières semaines, les naufrages de pirogues se sont succédé, ainsi que le nombre de disparus et de décès en mer, suscitant une vive émotion dans la population. En réponse à ces drames, une nouvelle stratégie, plus répressive, a été adoptée par le gouvernement sénégalais pour tenter de stopper le flux de départs vers l’Europe.

      Une orientation qui divise la population. « Les familles participent au départ des jeunes : certaines mamans vendent leurs bijoux pour réunir la somme à payer et les parents poussent leur enfant à partir. S’ils savent qu’ils risquent la prison, peut-être que ça les fera réfléchir, surtout en région où la pression est immense », rapporte Souleymane, jeune Dakarois qui a lui-même fait la traversée illégalement en 2006, sans que sa famille ne le sache et qui a été intercepté par les garde-côtes espagnols.

      À Mbour, ville de pêcheurs particulièrement touchée et qui a vu plusieurs de ses jeunes mourir en mer ces derniers temps, Ousmane Wade Diop, un militant de la société civile, pense que cette décision de justice va calmer les gens un temps seulement : « Ils auront peur des conséquences, mais cela ne les empêchera pas de continuer… en cachette. Il y a un sentiment de désespoir trop profond, une trop grande frustration », regrette-t-il.

      Cette gestion sécuritaire de la migration est décriée par le sociologue Aly Tandian. Il la juge trop répressive. Et il y voit surtout un moyen pour l’État de réaffirmer son engagement dans le dossier migratoire, alors qu’il était accusé par la population d’un certain immobilisme.

      Si les avis divergent sur le procès, tous soulignent la nécessité de résoudre les causes des départs. Les racines du mal que sont le chômage et la pauvreté sont pointées du doigt. « La pêche et le tourisme sont les deux mamelles de la région de Mbour mais actuellement, ces secteurs ne fonctionnent plus à cause du Covid-19 tandis que les accords de pêche conclus avec l’Union européenne privent les pêcheurs de leur travail », insiste Wade Diop.

      Aussi, de nombreux Sénégalais doutent de l’impact du procès sur des populations aux prises avec d’autres préoccupations du quotidien, comme le juge Aly Tandian : « La migration n’est pas un phénomène, c’est un fait social, explique-t-il. Les départs n’ont jamais cessé, c’est la médiatisation qui avait diminué. La population est tout à fait consciente des risques, elle est même surinformée ! Mais tant que ses attentes, c’est-à-dire de l’emploi, ne seront pas remplies, les départs continueront. »

      https://www.la-croix.com/Monde/Immigration-peres-migrants-senegalais-condamnes-peine-inedite-2020-12-09-1

  • Tada ! Une étoile familifilante ! Chaque branche est à la couleur choisie par chaque foyer de la famille au début du confinement... And I think it’s beautiful 🌟❄⭐💥
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    ValK. a posté une photo :

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  • Covid-19 : l’amère expérience du Thanksgiving canadien
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/26/covid-19-l-amere-experience-du-thanksgiving-canadien_6061247_3210.html

    « Cette hausse subite est multifactorielle, explique Santiago Perez, infectiologue à l’hôpital général de Kingston (Ontario), mais l’incidence des rassemblements familiaux le jour de l’Action de grâce est une réalité : de ce jour, nous avons perdu le contrôle de l’expansion de la pandémie ». Le 27 octobre, l’adjoint à la Santé publique du Canada, Howard Njoo, en convient, « dans certaines régions, nous apprenons que les rassemblements pendant le week-end du Thanskgiving ont contribué à l’augmentation du nombre de cas que nous constatons aujourd’hui ». Le jour même, l’Ontario, la Colombie-britannique et l’Alberta battaient leurs records de cas quotidiens de contamination, et le Canada franchissait la barre des 10 000 décès survenus depuis le début de la pandémie. Des étudiants, de retour pour la première fois depuis la rentrée chez leurs parents, passant parfois d’une province à l’autre, des grands-parents goûtant au plaisir de recevoir de nouveau leurs enfants, ont bravé et rendu inefficaces les nouvelles mesures de restrictions imposées par plusieurs provinces en tout début d’automne, comme l’interdiction de voir des proches ou la fermeture des bars et des restaurants.Les autorités politiques et sanitaires avaient pourtant multiplié les mises en garde à l’approche du jour fatidique : François Legault, le premier ministre du Québec, appelait ses concitoyens à « résister à la tentation » de voir du monde, son homologue de l’Ontario, Doug Ford, après s’être réjoui de prévoir un « dîner familial avec dix personnes », avait dû publiquement se raviser pour se conformer aux recommandations de son propre gouvernement et s’en tenir à fêter Thanksgiving avec les seuls membres de sa famille vivant sous son toit. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait suggéré à tous d’annuler tout rassemblement, « afin de se laisser une chance pour Noël ». L’approche des fêtes de fin d’année fait craindre au Canada une répétition de l’amère expérience du dernier Thanksgiving. Avec un nombre total de 347 466 cas recensés mercredi 25 novembre, et un accroissement de quelque 5 193 contaminations quotidiennes sur la dernière semaine, avec des pics inquiétants dans certaines provinces comme l’Ontario ou l’Alberta, les pouvoirs publics tentent de faire passer le message qu’il ne saurait être question de célébrer un « Noël normal ».

    #Covid-19#migrant#migration#canada#sante#mobilite#epidemie#restrictionsanitaire#famille#fete#religion

  • « On n’a jamais vu ça » : à la Cité universitaire, des étudiants étrangers sur le fil de la précarité
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/08/on-n-a-jamais-vu-ca-a-la-cite-universitaire-des-etudiants-etrangers-sur-le-f

    Comme Danielle, ils sont des centaines d’étudiants étrangers à se retrouver en grande difficulté dans la seule Cité internationale. Depuis mars, 600 résidents qui n’étaient pas connus des services sociaux de la cité ont entamé des démarches pour obtenir un soutien, quatre fois plus qu’en temps normal. « Depuis la rentrée, la demande d’accompagnement social a bondi de 154 % par rapport à l’année dernière. On n’a jamais vu ça », s’alarme Laurence Marion, déléguée générale de la Cité. Le constat est similaire pour l’épicerie solidaire Agoraé Paris, qui, dans le même temps, a vu le nombre de demandes multiplié par trois.
    La dégringolade a commencé avec le premier confinement. Amna, 29 ans, Tunisienne et ingénieure en génie civil, est arrivée à la Cité internationale en septembre 2019 pour une année en master spécialisé au Centre des hautes études de la construction. Sa formation est couplée à un stage en entreprise qui lui assure également les revenus nécessaires pour vivre. « Mais tous les chantiers ont été mis en attente », déplore-t-elle. Les petits boulots également se tarissent. Sans stage, ni job, les étudiants étrangers sont particulièrement fragilisés. Bien que le gouvernement ait abondé d’une dizaine de millions d’euros son fonds d’aides spécifiques, qui sert à répondre aux besoins d’urgence et qui se monte à 49 millions d’euros, « les prestations sociales des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires de Paris (Crous) sont prioritairement distribuées aux étudiants français, européens ou réfugiés », rappelle Daphné Aouizerate. « Il existe des bourses pour les étrangers, mais l’accès est très restrictif », poursuit Laurence Marion. Quant aux charges des étudiants, elles demeurent. Tous doivent s’acquitter d’un loyer qui varie entre 495 et 580 euros, auquel il faut ajouter les transports, la télécommunication, les produits essentiels du quotidien.
    Bérangère Poncet, étudiante en orthophonie et présidente de l’Association générale des étudiants de Paris chargé des épiceries solidaires Agoraé, a pu calculer la détresse de ses usagers. Pour permettre aux plus précaires l’accès aux denrées, il est calculé le « reste à vivre » de chaque étudiant, une fois les dépenses mensuelles soustraites aux revenus. « De nombreux étudiants étrangers qui viennent nous voir ont un euro ou moins de reste à vivre par jour. Ils sont en situation d’extrême précarité », constate-t-elle.
    Aux difficultés que ces étudiants rencontrent en France s’ajoutent celles de leurs familles dans leur pays d’origine. « Beaucoup subissent une interruption ou une diminution du soutien financier familial », observe Laurence Marion. A Beyrouth, la famille de Danielle reconstruit sa maison soufflée par l’explosion du 4 août « et les banques libanaises ont bloqué nos avoirs », explique la jeune femme. Impossible de transférer de l’argent vers la France.Amna a souscrit un prêt de 7 000 euros auprès d’une banque tunisienne pour financer son année d’études. Si elle doit bien rembourser son prêt, elle ne peut plus, elle non plus, bénéficier d’un transfert d’argent vers la France. Les frontières se ferment, laissant ceux qui sont partis démunis. « Ma famille n’a pas les moyens de m’aider », est un leitmotiv de tous les étudiants étrangers en situation d’extrême précarité.
    Pour subvenir aux besoins les plus urgents, la Cité universitaire a mis en place un fonds d’aide exceptionnel. Ainsi, 189 résidents ont reçu en moyenne 120 euros, qui s’ajoutent, pour certains, à une aide financière du Crous et aux aides alimentaires, notamment de Restos du cœur. Tous très diplômés, ces étudiants supportent mal l’image d’eux-mêmes que leur a façonnée la crise sanitaire. « L’image de la clocharde qui tend la main, il n’en est pas question pour moi », prévient Kira.
    Durant le confinement, Amna, l’ingénieure en génie civil, a trouvé un emploi de caissière dans une grande surface avant de décrocher un stage dans une société de transport. Cela pourrait lui permettre de terminer son année d’études. Quant à Oscar, 22 ans, arrivé du Venezuela en septembre pour suivre un master de génie mécanique à l’école d’Arts et métiers, il fait la plonge, de nuit, dans un fast-food de la banlieue parisienne qui fait de la vente à emporter… et il étudie derrière son écran le jour. Pour tous demeure une inquiétude forte : que le nouveau confinement, comme le premier, les prive de leurs minces revenus, indispensables pour ne pas sombrer. « Le plus inquiétant, c’est l’absence de visibilité sur les contraintes qu’on leur impose, cette succession de mauvaises nouvelles sans avoir un point de sortie », alerte la déléguée générale de la Cité. Pour Kira, lasse, le reconfinement, c’est aussi ajouter de « la solitude » à la précarité

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#etudiant#frontiere#confinement#economie#santementale#famille

  • « On n’a jamais vu ça » : à la Cité universitaire, des étudiants étrangers sur le fil de la précarité

    Il y a un petit air d’Halloween en cette soirée de novembre dans la Cité internationale universitaire de Paris. La nuit et le froid sont tombés, les étudiants ont quitté les pelouses pour rejoindre les cocons des 40 résidences dispersées sur le site et des lumières illuminent les fenêtres des 7 000 étudiants qui y logent. D’autres s’éteignent, des ombres masquées quittent furtivement les maisons du Liban, de la Tunisie, du Brésil… Elles convergent par dizaines vers la cour d’honneur de la Maison internationale et bifurquent vers le relais social de la cité. Les Restos du cœur y assurent, chaque mercredi soir, une distribution de denrées de première nécessité. Privés de job, de #stage, sans #aide_familiale du fait de la #crise_sanitaire internationale, ils sont des centaines d’étudiants étrangers, très diplômés, à avoir recours à l’#aide_alimentaire pour se nourrir.

    Tendre la main pour prendre un #colis_alimentaire écorche l’âme de Danielle Monsef Abboud. « Je ne veux pas qu’on me voie comme une personne en détresse », s’inquiète l’étudiante. A 25 ans, la jeune Libanaise est venue en France, en 2019, afin de terminer un cycle d’ingénieure en agronomie à Agroparistech. Pour cette élève brillante, l’année 2020 s’annonçait sous les meilleurs auspices. « J’ai étudié et travaillé dur pour n’être jamais dans le besoin », confie-t-elle.

    A la sortie de l’école, une ingénieure agronome peut tabler sur un salaire annuel d’au moins 30 000 euros. En mars, une grande entreprise française de la gestion de l’eau lui a proposé un contrat. Elle a travaillé notamment pour une fondation qui vient en aide aux Restos du cœur. Puis, la crise sanitaire est arrivée et son contrat n’a pas été renouvelé . « En trois mois je me suis retrouvée de l’autre côté de la barrière », constate-t-elle, abasourdie.

    Explosion de la demande d’#aide_sociale

    Comme Danielle, ils sont des centaines d’étudiants étrangers à se retrouver en grande difficulté dans la seule Cité internationale. Depuis mars, 600 résidents qui n’étaient pas connus des services sociaux de la cité ont entamé des démarches pour obtenir un soutien, quatre fois plus qu’en temps normal. « Depuis la rentrée, la demande d’accompagnement social a bondi de 154 % par rapport à l’année dernière. On n’a jamais vu ça », s’alarme Laurence Marion, déléguée générale de la Cité. Le constat est similaire pour l’épicerie solidaire Agoraé Paris, qui, dans le même temps, a vu le nombre de demandes multiplié par trois.

    La dégringolade a commencé avec le premier #confinement. Amna Saidi, 29 ans, Tunisienne et ingénieure en génie civil, est arrivée à la Cité internationale en septembre 2019 pour une année en master spécialisé au Centre des hautes études de la construction. Sa formation est couplée à un stage en entreprise qui lui assure également les revenus nécessaires pour vivre. « Mais tous les chantiers ont été mis en attente », déplore-t-elle. Les petits boulots également se tarissent. Kira Novikova, 32 ans, en master 2 de traduction à Paris, a monté son entreprise d’événementiel et de traduction pour financer ses études. « Ça marchait bien, mais du jour au lendemain il n’y a plus eu de tourisme, de salons ni de revenus », raconte-t-elle. « Ils ont tout perdu », résume Daphné Aouizerate, assistante sociale à la Cité universitaire.

    Après avoir payé leur loyer, les transports et leur forfait de communication, « de nombreux étudiants étrangers ont un euro ou moins de reste à vivre par jour », affirme Bérengère Pontet, présidente de l’Association générale des étudiants de Paris

    Sans stage, ni job, les étudiants étrangers sont particulièrement fragilisés. Bien que le gouvernement ait abondé d’une dizaine de millions d’euros son fonds d’aides spécifiques, qui sert à répondre aux besoins d’urgence et qui se monte à 49 millions d’euros, « les prestations sociales des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires de Paris (Crous) sont prioritairement distribuées aux étudiants français, européens ou réfugiés », rappelle Daphné Aouizerate. « Il existe des bourses pour les étrangers, mais l’accès est très restrictif », poursuit Laurence Marion. Quant aux charges des étudiants, elles demeurent. Tous doivent s’acquitter d’un loyer qui varie entre 495 et 580 euros, auquel il faut ajouter les transports, la télécommunication, les produits essentiels du quotidien.

    Boucler son budget est impossible pour la plupart d’entre eux. Bérengère Pontet, étudiante en orthophonie et présidente de l’Association générale des étudiants de Paris chargé des épiceries solidaires Agoaré, a pu calculer la #détresse de ses usagers. Pour permettre aux plus précaires l’accès aux denrées, il est calculé le « reste à vivre » de chaque étudiant, une fois les dépenses mensuelles soustraites aux revenus. « De nombreux étudiants étrangers qui viennent nous voir ont un euro ou moins de reste à vivre par jour. Ils sont en situation d’extrême précarité », constate-t-elle.

    De nombreux pays ont bloqué les #transferts_d'argent, empêchant les étudiants de recevoir de l’aide de leur famille… Dont certaines sont aussi en difficulté

    Aux difficultés que ces étudiants rencontrent en France s’ajoutent celles de leurs familles dans leur pays d’origine. « Beaucoup subissent une interruption ou une diminution du soutien financier familial », observe Laurence Marion. A Beyrouth, la famille de Danielle reconstruit sa maison soufflée par l’explosion du 4 août « et les banques libanaises ont bloqué nos avoirs », explique la jeune femme. Impossible de transférer de l’argent vers la France.

    Amna a souscrit un #prêt de 7 000 euros auprès d’une banque tunisienne pour financer son année d’études. Si elle doit bien rembourser son prêt, elle ne peut plus, elle non plus, bénéficier d’un transfert d’argent vers la France. Les frontières se ferment, laissant ceux qui sont partis démunis . « Ma #famille n’a pas les moyens de m’aider », est un leitmotiv de tous les étudiants étrangers en situation d’extrême précarité.

    Pour subvenir aux besoins les plus urgents, la Cité universitaire a mis en place un fonds d’aide exceptionnel. Ainsi, 189 résidents ont reçu en moyenne 120 euros, qui s’ajoutent, pour certains, à une aide financière du Crous et aux #aides_alimentaires, notamment de #Restos_du_cœur. Tous très diplômés, ces étudiants supportent mal l’image d’eux-mêmes que leur a façonnée la crise sanitaire. « L’image de la clocharde qui tend la main, il n’en est pas question pour moi », prévient Kira Novikova. A la rentrée, la jeune traductrice a pu, à la rentrée, obtenir un poste d’assistante, sous statut autoentrepreneur.

    Durant le confinement, Amna, l’ingénieure en génie civil, a trouvé un emploi de caissière dans une grande surface avant de décrocher un stage dans une société de transport. Cela pourrait lui permettre de terminer son année d’études. Quant à Oscar Fiallo, 22 ans, arrivé du Venezuela en septembre pour suivre un master de génie mécanique à l’école d’Arts et métiers, il fait la plonge, de nuit, dans un fast-food de la banlieue parisienne qui fait de la vente à emporter… et il étudie derrière son écran le jour.

    Pour tous demeure une inquiétude forte : que le nouveau confinement, comme le premier, les prive de leurs minces revenus, indispensables pour ne pas sombrer. « Le plus inquiétant, c’est l’absence de visibilité sur les contraintes qu’on leur impose, cette succession de mauvaises nouvelles sans avoir un point de sortie », alerte la déléguée générale de la Cité. Pour Kira, lasse, le reconfinement, c’est aussi ajouter de « la solitude » à la précarité.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/08/on-n-a-jamais-vu-ca-a-la-cite-universitaire-des-etudiants-etrangers-sur-le-f

    #étudiants_étrangers #précarité #pauvreté #université #France

  • Une mascarade à heure de grande écoute : regard sur la quatrième saison de Dix Pour Cent
    https://lesbiapart.squarespace.com/home/regard-quatrieme-saison-dixpourcent

    Depuis 2015, #Dix_Pour_Cent s’est imposée dans le paysage audiovisuel français comme une série atypique et innovante, que ce soit par son concept même ou du fait de son choix de notamment porter à l’écran le récit d’un #personnage ouvertement lesbien et charismatique. #DixPourCent touche à sa fin – du moins dans la forme qu’on lui connaît – avec une quatrième saison qui se démarque des précédentes par son ton, moins léger que par le passé, par son intrigue qui se détache du concept original et se concentre davantage sur les tentatives des personnages principaux pour sauver leur agence que sur leur travail d’agent en lui-même, et par les personnes œuvrant derrière la caméra, puisque la showrunneuse originelle, #Fanny_Herrero, a quitté la production de la série au terme de la troisième saison. Cependant, cette saison voit également son #scénario se doubler d’un traitement pour le moins cynique de ses lignes scénaristiques les plus progressives, en rupture complète avec la façon dont les enjeux contemporains avaient été traités jusqu’ici, de façon plus ou moins réussie : cela passe notamment par l’introduction de dynamiques nouvelles entre les personnages et dans leur façon d’agir et de réagir qui s’approprie un discours #féministe afin de le moquer et d’introduire des tropes relevant du cliché à plusieurs reprises. En cela, le message politique de cette quatrième saison de Dix Pour Cent interroge.

    #famille #lesbienne #gentil #patriarcale

  • Interview for Woman’s Own ("no such thing as society") | Margaret Thatcher Foundation
    https://www.margaretthatcher.org/document/106689

    Je constate que la vielle sorcière voulait nous faire comprendre que la raison ultime de tous nos problèmes est la nature humaine. D’après elle les spécimens humains trop méchants où bêtes par nature, par naissance, pour bien s’occuper de leurs enfants sont la raison véritable pour les problèmes de violence, d’échec scolaire et en fin de compte pour tous les autres problèmes humains.

    Vu comme ca la société n’a effectivement rien à faire dans les affaires sociales et culturelles. Elle et les systèmes de sécurité sociale ne constituent qu’une invention de gens qui essayent de corrompre les pauvres afin de se faire porter au pouvoir et d’éliminer ceux qui par naissance et bienveillance de leurs parents sont le mieux qualifiés pour diriger les affaires d’état et de la société bourgeoise.

    On entend souvent de la bouche de conservateurs que ses mots There is no such thing as society ne signifient pas qu’elle était une méchante dame qui déteste le pauvres. Lue dans le contexte on devrait comprendre que Margret Thatcher voulait simplement insister sur l’importance de la famille et de l’attitude éthique des parents.

    Pourtant quand on considère le contexte de la célèbre phrase on découvre qu’elle est encore plus infâme : Pour Thatcher les pauvres, ceux qui ne fonctionnent et n’obéissent pas, ceux qui refusent l’éducation religieuse à l’école, ceux qui ne réusissent pas, ce sont des gens qui ne comptent simplement pas. Tout ce qui leur arrive est de leur propre faute et celle de leurs parents et familles. Il ne faut pas faire attention à eux. Qu’ils crèvent.

    Il faudrait s’en souvenir à chaque fois quand on conservateur lâche un discours sur la responsabilité et les valeurs familiale.

    What is wrong with the deterioration? [mistranscription?] I think we have gone through a period when too many children and people have been given to understand “I have a problem, it is the Government’s job to cope with it!” or “I have a problem, I will go and get a grant to cope with it!” “I am homeless, the Government must house me!” and so they are casting their problems on society and who is society? There is no such thing! There are individual men and women and there are families and no government can do anything except through people and people look to themselves first. It is our duty to look after ourselves and then also to help look after our neighbour and life is a reciprocal business and people have got the entitlements too much in mind without the obligations, because there is no such thing as an entitlement unless someone has first met an obligation and it is, I think, one of the tragedies in which many of the benefits we give, which were meant to reassure people that if they were sick or ill there was a safety net and there was help, that many of the benefits which were meant to help people who were unfortunate—“It is all right. We joined together and we have these insurance schemes to look after it”. That was the objective, but somehow there are some people who have been manipulating the system and so some of those help and benefits that were meant to say to people: “All right, if you cannot get a job, you shall have a basic standard of living!” but when people come and say: “But what is the point of working? I can get as much on the dole!” You say: “Look! It is not from the dole. It is your neighbour who is supplying it and if you can earn your own living then really you have a duty to do it and you will feel very much better!”

    There is also something else I should say to them: “If that does not give you a basic standard, you know, there are ways in which we top up the standard. You can get your housing benefit.”

    But it went too far. If children have a problem, it is society that is at fault. There is no such thing as society. There is living tapestry of men and women and people and the beauty of that tapestry and the quality of our lives will depend upon how much each of us is prepared to take responsibility for ourselves and each of us prepared to turn round and help by our own efforts those who are unfortunate. And the worst things we have in life, in my view, are where children who are a great privilege and a trust—they are the fundamental great trust, but they do not ask to come into the world, we bring them into the world, they are a miracle, there is nothing like the miracle of life—we have these little innocents and the worst crime in life is when those children, who would naturally have the right to look to their parents for help, for comfort, not only just for the food and shelter but for the time, for the understanding, turn round and not only is that help not forthcoming, but they get either neglect or worse than that, cruelty.

    How do you set about teaching a child religion at school, God is like a father, and she thinks “like someone who has been cruel to them?” It is those children you cannot … you just have to try to say they can only learn from school or we as their neighbour have to try in some way to compensate.

    This is why my foremost charity has always been the National Society for the Prevention of Cruelty to Children, because over a century ago when it was started, it was hoped that the need for it would dwindle to nothing and over a hundred years later the need for it is greater, because we now realise that the great problems in life are not those of housing and food and standard of living.

    When we have got all of those, when we have got reasonable housing when you compare us with other countries, when you have got a reasonable standard of living and you have got no-one who is hungry or need be hungry, when you have got an education system that teaches everyone—not as good as we would wish—you are left with what?

    You are left with the problems of human nature, and a child who has not had what we and many of your readers would regard as their birthright—a good home—it is those that we have to get out and help, and you know, it is not only a question of money as everyone will tell you; not your background in society. It is a question of human nature and for those children it is difficult to say: “You are responsible for your behaviour!” because they just have not had a chance and so I think that is one of the biggest problems and I think it is the greatest sin.

    #idéologie #famille #libéralisme

  • "˜Big Brother’ ? No, It’s Parents
    http://www.nytimes.com/2012/06/26/technology/software-helps-parents-monitor-their-children-online.html?partner=rss&emc=r

    When her children were ready to have laptops of their own, Jill Ross bought software that would keep an eye on where they went online. One day it offered her a real surprise. She discovered that her 16-year-old daughter had set up her own video channel. Using the camera on her laptop, sometimes in her bedroom, she and a friend were recording mundane teenage banter and broadcasting it on YouTube for the whole world to see. For Ms. Ross, who lives outside Denver, it was a window into her (...)

    #Facebook #YouTube #Apple #iPhone #smartphone #iPad #famille #tablette #jeunesse (...)

    ##UKnowKids

  • Idrissa Seck sur l’impact de la Covid-19 : « Les transferts de fonds de la Diaspora en direction de notre pays ont connu une chute considérable »
    https://www.dakaractu.com/Idrissa-Seck-sur-l-impact-de-la-Covid-19-Les-transferts-de-fonds-de-la-Di

    Idrissa Seck sur l’impact de la Covid-19 : « Les transferts de fonds de la Diaspora en direction de notre pays ont connu une chute considérable »
    Le Sénégal est l’un des pays francophones d’Afrique bénéficiant le plus des fonds envoyés par ses expatriés. Mais, selon Idrissa Seck, la Covid-19 a causé une chute des transferts de fonds de la Diaspora en direction de notre pays. « Le premier impact pour nous c’est que les transferts de fonds de la Diaspora en direction de notre pays ont connu une chute considérable », a dit le nouveau président du Conseil économique social et environnemental (Cese), qui faisait face à la presse, ce dimanche. Dans notre pays, a-t-il rappelé, la solidarité migratoire est une source de revenus cruciale pour une majorité de sénégalais.

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#diaspora#transfert#sante#revenu#economie#famille

  • The engines of SARS-CoV-2 spread | Science
    https://science.sciencemag.org/content/370/6515/406.full

    Severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) has spread rapidly across the globe, causing epidemics that range from quickly controlled local outbreaks (such as New Zealand) to large ongoing epidemics infecting millions (such as the United States). A tremendous volume of scientific literature has followed, as has vigorous debate about poorly understood facets of the disease, including the relative importance of various routes of transmission, the roles of asymptomatic and presymptomatic infections, and the susceptibility and transmissibility of specific age groups. This discussion may create the impression that our understanding of transmission is frequently overturned. Although our knowledge of SARS-CoV-2 transmission is constantly deepening in important ways, the fundamental engines that drive the pandemic are well established and provide a framework for interpreting this new information.

    The majority of SARS-CoV-2 infections likely occur within households and other residential settings (such as nursing homes). This is because most individuals live with other people, and household contacts include many forms of close, high-intensity, and long-duration interaction. Both early contact tracing studies and a large study of more than 59,000 case contacts in South Korea found household contacts to be greater than six times more likely to be infected with SARS-CoV-2 than other close contacts (1, 2). Household contacts accounted for 57% of identified secondary infections in the South Korean study, despite exhaustive tracking of community contacts. Globally, the proportion of cases attributable to household transmission will vary because of multiple factors, including household size. Contact studies suggest that 17 to 38% of contacts occur in households, implying that 46 to 66% of transmission is household-based (using the standard formula for attributable fraction) (3). This is consistent with household contact being a key driver of transmission for other respiratory viruses.

    Even among close contacts within households, there are considerable heterogeneities in transmission risk. Spouses of index cases are more than twice as likely to be infected as other adult household members, and symptomatic index cases may be more likely to transmit the virus (4). Moreover, older age is associated with increased susceptibility to infection, increased transmissibility, and severe disease (4). Older members may face extra risk in multigenerational households if younger members have unavoidable work or school obligations, although young children may be less susceptible to infection and transmit the virus less readily (4).

    #covid-19 #transmission #contamination #famille #travail #école

    • Sur le phénomène de surdispersion : « une minorité d’individus infectés serait responsable d’un pourcentage de transmission (étonnamment) élevé », Thibault Fiolet, épidémiologiste
      https://threadreaderapp.com/thread/1319536501923917824.html

      En Nouvelle Zélande, la plupart des cas ne se sont transmises qu’à une personne ou personne. De cette manière, la surdispersion peut ralentir la propagation du virus vers de nouveaux endroits, car la plupart des introductions ne parviennent pas à déclencher une épidémie

      Lorsque la transmission décolle, elle peut le faire de manière explosive comme en Corée. La réponse du Japon à la pandémie a été une technique basé sur les enquêtes par clusters : une personne infectés d’un cluster est + facilement détectable que lors d’une transmission 1 par 1
      [..]
      Les lieu où l’éloignement physique n’est pas possible sont des endroits potentiels de super-contamination (rare) : espaces fermés mal ventilés, camps de réfugiés, zones urbaines densément peuplées, milieux fermés - établissements de soins de longue durée, prisons, gymnases

      La plupart du temps, ce sont plutôt de petits clusters de 10-15 cas provoqués par transmission domestique ou petits rassemblements qui surviennent. Ces petits clusters sont moins bien détectés et ciblables pour des interventions

      La difficulté avec le SRAS-CoV-2 est qu’on suspecte que l’infectiosité soit surtout élevée lors de l’apparition des symptômes et un peu avant. Ces graphiques représentent la distribution du nombre de jours entre l’infection et survenue des symptômes ➡️ rôle des pré-symptômatiques
      [...]
      Le SRAS-CoV-2 est probablement principalement transmis au sein des ménages et dans des environnements de type familial. La proportion des événements de transmission décroît quand les échelles spatiales augmentent

      #superdispersion #SuperSpreader #covid-19 #enquêtes_par_clusters