Entretien de mars 2015 avec C.Lapavitsas, député et économiste de l’ex-Plateforme-de-gauche de Syriza, désormais fondatrice du mouvement d’Unité Populaire en vue des prochaines élections.
Je pense qu’en tant que marxistes nous devons d’abord analyser la politique économique de la situation et non pas les rapports de force. Malheureusement, la gauche grecque et une grande partie de la gauche européenne procède en sens inverse.
– Elle débute avec la géopolitique plutôt que l’économie politique ?
La géopolitique et la politique locale. L’équilibre des forces politiques, car c’est à cela que le marxisme a malheureusement été réduit. Et lorsque vous faites cela, lorsque vous commencez par la politique – l’équilibre des forces internationalement et localement – il est facile de se nourrir de chimères. Il est aisé de commencer à penser que, à la fin, tout est politique et que l’on peut donc changer l’équilibre des forces politiques, que tout est réalisable.
Je suis désolé : ce n’est pas le cas. Cela n’est pas du marxisme. En tant que marxistes nous sommes convaincus que la politique découle, en dernière instance, de la réalité matérielle économique et des rapports de classes. Il s’agit d’une affirmation très profonde de Karl Marx pour autant qu’elle soit bien comprise et que l’on n’en tire pas une compréhension mécanique. L’essentiel dans cette affirmation est que tout n’est pas possible au travers de la politique.
Et c’est exactement ce à quoi nous venons d’assister. Pourquoi ? Parce que l’économie politique de l’union monétaire est fondamentale. Que nous le voulions ou non, l’Europe et la Grèce sont désormais insérées dans les limites de l’union monétaire.
Malheureusement, une bonne partie de la gauche marxiste a prétendu que ce n’était pas le cas ou a mal compris l’importance de la monnaie dans ce cas. Cela n’a rien de surprenant : la gauche européenne ne comprend simplement rien en matière de monnaie et de finances. Elle le prétend, mais il n’en est rien.
Je le répète : ce qui est réalisable ou ne l’est pas est déterminé au final par l’économie politique de l’union monétaire. Au sein des limites du capitalisme européen, bien sûr : le capitalisme est la caractéristique déterminante. Syriza vient de découvrir cela. Il est temps qu’elle reconsidère les choses et commence à envisager la manière de forger une politique et comment façonner son approche politique dans ces limites.
Si elle souhaite atteindre politiquement autre chose, elle doit modifier le cadre institutionnel. Ce n’est pas possible autrement. Pour modifier ce cadre, il est nécessaire d’aller à la rupture. Vous devez rompre. On ne peut réformer le système de l’euro. Il n’est pas possible de réformer l’union monétaire. C’est ce qui est devenu très clair.