• « Faut-il débrancher WhatsApp ? »

    L’impératif de communiquer éradique toute vie intérieure, par David Le Breton, dans Libération

    Dans cette communication, il est impossible de se taire, d’écouter le silence ou de rêver un instant les autres.

    Ils sont dans la société mais plus dans le lien. Ils cheminent en zombies postmodernes, prosternés. Difficile de ne pas songer à ce qu’écrivait Walter Benjamin sur la perte d’aura de l’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction industrielle. Cette communication profuse perd sa dimension de sacralité, elle se profane dans sa répétition sans fin, son impossibilité de se taire, d’écouter le silence ou de rêver un instant les autres. Il ne restera rien de ces nombreux échanges journaliers.

    Autrefois, s’interrogeant sur la pertinence du câble transatlantique ou du télégraphe, le philosophe Henry David Thoreau commentait : « Très bien cela, mais si les gens n’ont rien à se dire. » Quelques décennies plus tard, Georg Simmel relayait le propos : « L’ivresse dans laquelle les triomphes du télégraphe et du #téléphone ont littéralement plongé les hommes les empêche souvent de voir que l’important, c’est la valeur de ce que l’on a à communiquer et que face à cela la rapidité ou la lenteur du mode d’acheminement est souvent une affaire n’ayant acquis que par usurpation le rang qu’elle occupe actuellement. » La valeur de la #parole tient, en effet, à sa limite. Seul a de prix ce qui risque de manquer, ce qui n’est plus le cas de la communication qui engloutit aujourd’hui la conversation.

    L’impératif de communiquer, au sens moderne du terme, est une mise en accusation du silence, comme il est une éradication de toute intériorité. Il ne laisse pas le temps de la #réflexion ou de la #flânerie car l’exigence de réactivité l’emporte. Il faut rester connecté, éternellement disponible, en état d’alerte. Si la pensée ou le simple fait de vivre exige la #patience, la #délibération, la flânerie, à l’inverse la communication s’effectue toujours dans la vitesse et l’utilitarisme. Elle transforme l’individu en interface ou le destitue des attributs qui ne concernent pas d’emblée ses exigences. […]

    Etre seul devient désormais un souci, la confrontation à une intolérable intériorité qui amène à se précipiter sur son portable au feu rouge, à un stop, dans une file d’attente ou même en marchant dans les rues. […]

    Plus la communication s’étend et plus elle engendre l’aspiration à se taire, au moins un instant, afin d’entendre le frémissement des choses. Cette ébriété de #messages et de téléchargements rend enviable le repos, la jouissance de penser enfin l’événement et d’en parler en prenant le temps dans un rythme qui avance de son pas tranquille afin que soit pleinement restaurée la valeur de la parole.

    #communication #dépendance #addiction #abrutissement #silence #intériorité #attention #concentration #whatsapp #SMS

    • Jusqu’aux chambres qui auront leurs lampes électriques avec un abat-jour qui tamisera la lumière. C’est évidemment un luxe charmant. D’ailleurs nos contemporaines veulent absolument du nouveau, n’en fût-il plus au monde. Il y a la belle-sœur d’une de mes amies qui a le téléphone posé chez elle ! Elle peut faire une commande à un fournisseur sans sortir de son appartement ! J’avoue que j’ai platement intrigué pour avoir la permission de venir un jour pour parler devant l’appareil. Cela me tente beaucoup, mais plutôt chez une amie que chez moi. Il me semble que je n’aimerais pas avoir le téléphone à domicile. Le premier amusement passé, cela doit être un vrai casse-tête.

      Marcel Proust. À l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 219 (Folio)

  • La rêverie à Paris
    https://topophile.net/savoir/la-reverie-a-paris

    Venez-vous de passer deux mois confiné·e sans pouvoir flâner dans les allées de votre chère ville, sans pouvoir respirer le parfum des arbres florissant ? À quelques jours de la fin de ce calvaire, Georges Sand vous invite en promenade dans ses souvenirs du Paris de 1867… Il y a plus de 150 ans, déjà, on se plaignait de la circulation et des poussières, du faux-semblant de nature en ville. Mais qu’importe ? La végétation et l’eau dans Paris ont tant à nous apprendre, pour que l’on veuille bien s’adonner à la flânerie. Le retour de la vie urbaine en est bien l’occasion ! D’ici là, embarquez pour un voyage lyrique, critique et (...)

  • It’s on YouTube, Kid by Charles Simic | NYRblog | The New York Review of Books
    http://www.nybooks.com/blogs/nyrblog/2013/dec/17/its-on-youtube

    Reliving one’s past with the help of YouTube tends to be addictive. Once one starts, it’s hard to stop, because any name dug up from memory inevitably suggests another, and hours pass, and before one knows it, it’s close to midnight and time for one last song, or movie clip, before slipping under the heavy down covers. But it can’t be just any old thing. It has to be something extra special to mull over and savor

    #Youtube #flânerie #mémoire