« Donald Trump a besoin d’#eau. Et il le sait. »
Longtemps tenue pour acquise, l’eau pourrait se trouver au cœur des négociations à venir entre le #Canada et les États-Unis. La Maison-Blanche convoite à voix haute l’or bleu de son voisin du Nord et menace en privé de déchirer les accords qui encadrent depuis des décennies le partage de la ressource entre les deux pays. Portrait d’un Canada en eaux troubles depuis le retour aux affaires de #Donald_Trump.
« [Les Américains] veulent nos ressources, ils veulent notre eau, ils veulent notre terre, ils veulent notre pays. » Plusieurs experts expriment aujourd’hui des craintes qui font écho à cet avertissement seriné tel un leitmotiv par le premier ministre Mark Carney au cours de la dernière campagne électorale.
« Chez nos voisins du Sud, surtout au sein de l’allégeance républicaine, l’eau est une marchandise comme une autre, explique au Devoir Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration et vice-recteur adjoint aux affaires internationales et à la Francophonie de l’Université Laval. Je suis de ceux qui croient que l’eau sera un enjeu dans le renouvellement de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. »
Le président américain ne fait rien pour calmer cette croyance. Au moment où un brasier dévorait Los Angeles à l’automne 2024, le candidat Donald Trump évoquait tout haut le fantasme d’ouvrir un « immense robinet » sur le #fleuve_Columbia pour abreuver le Sud-Ouest états-unien.
Revenu à la Maison-Blanche en janvier, il a aussitôt suspendu, dans le cadre d’une « vaste révision de ses engagements internationaux », des discussions entamées sept ans plus tôt pour renouveler le #traité qui régit le partage du cours d’eau entre les États-Unis et le Canada depuis 1964. Cette mise sur pause, ajoutée aux fanfaronnades sur le 51e État et sur la frontière « tracée à la règle » entre les deux pays, augure de bien mauvais jours pour l’eau canadienne.
« Historiquement, la question de l’eau dans la relation canado-américaine était gérée de façon bilatérale, en toute bonne entente et par des gens qui n’étaient pas des élus, donc qui n’étaient pas politisés, explique Yan Cimon. Avec l’administration actuelle, la posture est très différente : elle essaie de tirer la couverture le plus possible de son côté. »
L’or bleu canadien suscite la convoitise dans un monde confronté à une crise de l’eau sans précédent, où 4 milliards d’êtres humains manquent chroniquement d’eau et où la demande excédera de 40 % les capacités d’approvisionnement à l’horizon 2030, selon l’Organisation des Nations unies.
Les États-Unis n’échappent pas à cette #sécheresse. Ses fleuves faiblissent, ses réservoirs s’assèchent : la superpuissance assoiffée lorgne du côté canadien, un territoire où se concentre 20 % de l’eau douce à la surface de la Terre, habité par à peine 0,4 % de la population mondiale.
Dans ce contexte, les Canadiens ne doivent plus tenir leur eau pour acquise, croit la militante et autrice Maude Barlow, cofondatrice du Conseil des Canadiens et ancienne conseillère principale en matière d’eau auprès du président de l’Assemblée générale des Nations unies. D’autant plus que son abondance relève du mythe quand 60 % de cette eau court au nord de la baie d’Hudson et en Arctique, inaccessible à 80 % de la population.
« Les États-Unis avaient de l’eau en abondance, mais ils l’ont gaspillée et ils ne montrent aucun signe de vouloir en prendre soin avec la guerre totale lancée contre la nature par cette administration, indique Mme Barlow. Le président regarde donc au Nord et croit faussement que le Canada en a à donner. Quand Donald Trump répète que son pays n’a pas besoin du Canada, il énumère les voitures, le bois, l’acier et l’aluminium canadiens, mais il ne mentionne jamais l’eau. Je suis convaincue que cette dernière sera une des monnaies d’échange exigées par Washington, parce que pour réaliser la renaissance industrielle qu’il a promise aux Américains, Donald Trump a besoin d’eau. Et il le sait. »
« Le Canada a une cible dans le dos »
Le Canada et les États-Unis se partagent 13 cours et étendues d’eau, dont les lacs Huron, Supérieur, Érié et Ontario qui concentrent, avec le lac Michigan, 84 % de l’eau douce de surface en Amérique du Nord. Trente millions de personnes vivent dans leur bassin, dont 30 % de la population canadienne. Plusieurs traités encadrent leur usage, notamment un pacte conclu en 2005 par l’Ontario, le Québec et les huit États américains limitrophes des Grands Lacs pour assurer leur gestion durable.
L’entente paraît aujourd’hui en péril. Le New York Times rapportait en mars que Donald Trump a annoncé, au cours de sa dernière conversation avec l’ancien premier ministre Justin Trudeau, son intention de « déchirer les accords et les conventions » qui encadrent les #Grands_Lacs.
« C’est là que réside la menace la plus sérieuse, estime Maude Barlow. Trump n’honore aucun #accord et il voit déjà l’eau des Grands Lacs comme la sienne. Il n’a qu’un décret à signer pour que le pacte de 2005 parte en fumée. Il pourrait aussi invoquer l’#état_d’urgence et déployer le corps des ingénieurs de l’armée — ou tout simplement pomper l’eau des Grands Lacs sans demander la permission. »
Le Canada défendrait ses eaux en ordre dispersé en raison d’un complexe partage des compétences. Chaque province est propriétaire de l’eau sur son territoire en vertu de la loi constitutionnelle de 1867, mais la ressource tombe aussi sous la responsabilité des gouvernements autochtones et de « plus de 20 ministères et organismes » au fédéral.
« Ça rend la tâche de combattre les menaces américaines très difficile, que ces menaces soient rhétoriques ou non », estime Tricia Stadnyk, spécialiste en modélisation hydrologique à l’École d’ingénierie Schulich de l’Université de Calgary.
« Le Canada a une cible dans le dos, avertit la professeure dans un entretien publié en mai dans le magazine National, la revue de l’Association du Barreau canadien. Ce n’est pas une lutte équitable à l’heure actuelle. C’est plutôt un combat entre David et Goliath. »
Se préparer au pire
Même si le Canada interdit l’exportation de son eau, comment arrêter une administration américaine décidée à la puiser quand l’économie canadienne est à la merci de Washington ? s’interroge Maude Barlow.
« Les lois et les accords peuvent ployer sous le poids de pressions politiques, rappelle-t-elle. Donald Trump peut arriver à la table des négociations et menacer d’imposer des tarifs de 100 % sur toutes les marchandises canadiennes, tant et aussi longtemps que nous ne lui livrons pas notre eau. Combien d’emplois serons-nous prêts à sacrifier pour lui tenir tête ? »
Le Canada ne se défendrait pas seul, pense toutefois Yan Cimon. « Sur les enjeux canado-américains, il y a moins d’unanimité que nous le pensons chez les républicains. Dans les États limitrophes, les gens ont aussi l’habitude des relations bilatérales, ils comprennent la dynamique entre nos deux pays et ils savent que s’ils utilisent mal l’eau ou s’ils en abusent, ils font mal au Canada, mais aussi à eux-mêmes. »
Face à une Maison-Blanche intempestive, le Canada devrait donc se préparer au pire tout en espérant le mieux, conclut le professeur de l’Université Laval. « Nous avons vu avec quelle rapidité Donald Trump peut procéder quand il décide de détruire un consensus. Le président peut se lever un matin, décider que l’eau est sa nouvelle priorité et se retirer des instances bilatérales qui encadrent son partage entre les deux pays. Ces instances n’étaient pas parfaites, mais elles offraient une façon de discuter des sujets qui fâchent. Malheureusement, conclut-il, nous ne sommes plus dans un univers qui nous permet d’espérer ça. »
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