• #Propriété_collective des #terres : « Des espaces de résistance face à l’agriculture industrielle et capitaliste »

    basta ! : Dans le secteur agricole, on compte seulement une installation pour deux à trois cessations d’activité, alors qu’un agriculteur sur quatre doit partir à la retraite d’ici 2030. L’accès à la terre est-il le frein principal à l’activité agricole en France ?

    Tanguy Martin : L’accès à la terre est clairement un frein, économique d’abord. La terre, selon les régions, peut coûter assez cher. S’y ajoutent les coûts des bâtiments, du cheptel, des machines, dans un contexte où les fermes n’ont cessé de grandir en taille depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    Il y a aussi un principe de défiance : c’est plus facile de vendre ses terres, ou de les louer à son voisin qu’on connaît depuis très longtemps, qu’à quelqu’un qu’on ne connaît pas, qui peut vouloir faire différemment, non issu du territoire... Or, 60 % des gens qui veulent s’installer aujourd’hui ne sont pas issus du milieu agricole. Les freins administratifs se combinent à ce parcours du combattant.

    Aujourd’hui l’accès à la terre se fait par le marché : les terres sont allouées aux gens capables de rentabiliser une ressource, et pas forcément aux gens capables de nourrir un territoire ou de préserver un environnement.

    À partir de quel moment la terre agricole est-elle devenue une marchandise ?

    Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la terre est restée un bien de prestige et de pouvoir à travers lequel on maîtrise la subsistance de la population. Mais après 1945, l’agriculture est entrée dans le capitalisme : on commence à faire plus de profit avec la terre et la production de nourriture, voire à spéculer sur le prix de la terre.

    La terre est même depuis devenue un actif financier. Aujourd’hui, les sociétés dites à capitaux ouverts (financiarisées), dont le contrôle peut être pris par des non-agriculteurs, ont fait main basse sur 14 % de la surface agricole utile française. C’est plus d’une ferme sur dix en France [1]. Le phénomène a doublé en 20 ans !

    Peut-on vraiment parler de spéculation sur les terres en France alors même que le prix stagne en moyenne à 6000 euros par hectare depuis plusieurs années ? Il est quand même de 90 000 euros par hectare aux Pays-Bas !

    Depuis quelques années, le prix de la terre stagne et on pourrait en conclure qu’il n’y a pas de spéculation. En réalité, le prix de la terre a globalement augmenté en France sur les 20 dernières années.

    Actuellement, ce prix augmente dans certaines régions et baisse dans d’autres. Les endroits où l’on peut spéculer sur la terre sont globalement ceux où l’agriculture s’est industrialisée : les zones céréalières dans le centre de la France, de betteraves en Picardie, de maïs dans le Sud-Ouest... Là, le prix de la terre continue à augmenter.

    En revanche, il y a des endroits en déprise, notamment les zones d’élevage comme le Limousin, où le prix de la terre peut baisser. Les prix augmentent aussi à proximité des villes et des zones touristiques, où la terre risque de devenir constructible.

    En France, ce sont les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) qui sont en charge de réguler le marché des ventes des terres agricoles. Elles sont très critiquées. Que faut-il faire de ces organisations ?

    Les Safer ont participé à limiter les inégalités d’accès à la terre et un prix de la terre relativement bas en France. C’est vrai, même s’il y a d’autres explications aussi, comme la plus faible valeur ajoutée produite par hectare en France.

    Pour autant, les Safer doivent encore évoluer pour pouvoir répondre aux enjeux alimentaires et agricoles du 21e siècle, il faut arriver à démocratiser leur gouvernance. Celles-ci restent aujourd’hui très liées aux décisions du syndicalisme majoritaire (de la FNSEA, ndlr). Les Safer doivent aussi devenir plus transparentes. Actuellement, les réunions de décision se tiennent à huis clos : c’est censé protéger les gens qui prennent les décisions pour qu’ils soient éloignés de certaines pressions, mais cela crée une opacité très délétère pour l’institution.

    Un autre élément à revoir, c’est la façon dont on fixe les objectifs politiques des Safer. Ces dernières, quand elles achètent une terre, doivent la revendre à la personne qui répond aux objectifs politiques qui sont notamment fixés dans des documents nommés « schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles ».

    Ces documents, écrits par l’État et validés par arrêté préfectoral, décrivent quel type d’agriculture vont viser les Safer et d’autres instances de régulation foncière. Or, ces documents, du fait que le syndicat majoritaire est largement consulté, défendent plutôt la prolongation de l’agriculture vers son industrialisation. Il y a donc un enjeu à ce que ces documents soient écrits pour défendre une agriculture du 21e siècle qui défend l’agroécologie, et des paysannes et paysans nombreux sur les territoires. À ces conditions-là, il n’y a pas de raison de vouloir se passer des Safer.

    Le fait que nous ayons un système qui alloue la terre, non pas en fonction de l’offre et de la demande, mais en vertu d’un projet politique censé répondre à l’intérêt général, est un trésor inestimable en France qu’il faut absolument garder.

    En creux de votre ouvrage se pose la question du rapport à la propriété. Est-il possible de dépasser le modèle du paysan propriétaire ?

    Sur le principe, rien ne justifie le fait qu’à un moment, une personne ait pu dire « cette terre m’appartient ». La terre étant à la fois un lieu d’accueil du vivant et le lieu où l’on produit la nourriture, on peut estimer que la propriété de la terre doit être abolie. Sauf que, dans une société très attachée à la propriété privée, cela paraît utopique.

    Prenons donc le problème d’une autre façon, et voyons ce qu’on peut déjà faire à court terme. Il faut avoir en tête que les agriculteurs ne sont pas majoritairement propriétaires des terres qu’ils travaillent : 60 % de cette surface est louée dans le cadre du fermage. Il y a même des paysan·nes qui décident parfois de ne pas acheter la terre et préfèrent la louer pour éviter de s’endetter.

    D’autre part, on dispose d’une régulation foncière selon laquelle la terre n’est pas une marchandise comme les autres et ne doit pas être uniquement dirigée par le marché. Ces mécanismes juridiques permettent à l’État, aux collectivités locales et aux syndicats agricoles, de définir ensemble qui va accéder à la terre indépendamment du fait que ces personnes soient riches ou pas.

    On a là un embryon qui pourrait faire imaginer un droit de l’accès à la terre en France institué en commun. Il faut renforcer et orienter ces mécanismes – qui ont plein d’écueils ! – vers des enjeux d’alimentation, d’emploi, d’environnement... Chercher à démocratiser la question de l’accès à la terre et « le gouvernement des terres », c’est à la fois une capacité à se prémunir des effets mortifères du capitalisme, et cela permet de penser comment on pourrait gérer les terres autrement.

    Le capitalisme n’est pas une fatalité : il y a d’autres manières d’être au monde, de produire de l’alimentation, de vivre, de sortir d’un monde où le but n’est que la recherche du profit. C’est comme quand on milite pour la sécurité sociale de l’alimentation : la Sécurité sociale en 1946 n’a pas renversé le capitalisme, mais elle a créé des espaces de répits face au capitalisme, extrêmement importants pour que les gens vivent bien et envisagent de transformer la société.

    Le livre dresse un panorama des organisations qui travaillent au rachat des terres pour les mettre à disposition de paysan·nes répondant à des critères socio-environnementaux, avec des règles transparentes d’attribution de l’accès au foncier. Les surfaces acquises restent toutefois modestes. Peut-on uniquement compter sur ce type d’initiatives ?

    Les gens qui s’intéressent à la terre aujourd’hui ont bien compris qu’on n’allait pas abolir la propriété privée demain. Ils ont aussi compris que s’ils voulaient expérimenter d’autres manières de faire de l’agriculture et de l’alimentation, il fallait accéder à la propriété des terres.

    L’idée de la propriété collective, ce n’est pas l’abolition de la propriété privée, mais que des gens se mettent ensemble pour acheter de la terre. C’est ce que fait Terre de Liens en louant ensuite la terre à des paysan·nes qui mettent en œuvre des projets répondant aux enjeux de société, d’emploi, d’environnement, d’entretien du territoire... Mais c’est aussi ce que font d’autres structures de propriété foncière – la Société civile des terres du Larzac, la Terre en commun sur la Zad de Notre-Dame des Landes, Lurzaindia dans le Pays basque, la foncière Antidote, et bien d’autres.

    Tout un tas de gens essaient d’acheter des terres pour en faire des espaces de résistance face à l’agriculture industrielle et capitaliste. Cela permet d’imaginer d’autres rapports à la propriété. Ce sont des lieux d’expérimentation très importants pour susciter de nouveaux imaginaires, apprendre à faire autrement, créer de nouvelles manières d’être au monde.

    Le problème de ces lieux-là, c’est qu’ils ne peuvent pas permettre un changement d’échelle. Cela ne peut pas être la solution de sortie des terres du capitalisme. Comme elles n’abolissent pas la propriété, s’il fallait racheter toutes les terres, cela coûterait des centaines de milliards d’euros.

    Par ailleurs, ces terres ne sont pas à vendre à court terme – une terre se vend en moyenne tous les 75 ans. D’où la nécessité de faire à la fois des expérimentations de propriété collective, tout en ravivant la question de la régulation foncière pour sortir l’agriculture du capitalisme.

    En quoi la lutte de Notre-Dame des Landes, victorieuse en 2018, a reconfiguré les luttes, notamment anticapitalistes, autour des terres ?

    La question agricole et foncière, en France et même en Europe, était très peu investie par les milieux anticapitalistes. L’activisme des gens qui vont s’installer dans la Zad, les coopérations menées avec des syndicats agricoles comme la Confédération paysanne, ont – non sans débats houleux et conflits internes – mené à une lutte assez exemplaire sur un territoire.

    La répression peut être énorme, mais la capacité de résistance aussi. Cette lutte a produit des façons de faire sur le territoire – en termes d’habitat, d’agriculture collective, de vivre ensemble – inspirantes pour toute une génération militant contre le néolibéralisme et le capitalisme. Beaucoup de milieux politiques aujourd’hui parlent de subsistance, d’alimentation, de terres.

    Notre-Dame des Landes marque aussi le fait qu’avec de moins en moins d’agriculteurs dans la société (2,5 % des gens sont des travailleurs de la terre dont 1,9 % sont des agriculteurs au sens légal), les enjeux agricoles ne peuvent être uniquement du ressort des luttes paysannes. La centralité de ces luttes doit être partagée avec d’autres types d’acteurs politiques, notamment des gens qui habitent le territoire sans être forcément paysans.

    La dynamique des Soulèvements de la Terre est-elle un prolongement de Notre-Dame des Landes ?

    En effet, il me semble que Notre-Dame-des-Landes est une inspiration forte de la pensée qui s’agrège autour des Soulèvements, mouvement riche de sa pluralité. Les Soulèvements montrent que les espoirs nés de l’expérimentation à Notre-Dame-des-Landes sont possibles partout et qu’il va falloir faire différemment dans tous les territoires – chaque endroit ayant ses spécificités.

    Les questions de rapport à la terre ont aussi émergé dans l’espace politique des années 1990, avec les luttes au Chiapas, au Mexique, qui continuent d’inspirer les milieux politiques en Europe et en France. Cette circulation des imaginaires de luttes permet de penser des mondes différemment. Les Soulèvements arrivent à fédérer de manière assez importante et repolitisent très clairement ces questions de la terre. Ils portent ces questions sur tous les territoires qui ont envie de s’en emparer en disant : « C’est possible aussi chez vous ».

    Peut-on sortir l’agriculture du capitalisme ? Pour Tanguy Martin, auteur de Cultiver les communs, il faut combiner les expérimentations de propriété collective tout en s’attachant à la régulation foncière.

    https://basta.media/Propriete-collective-des-terres-des-espaces-de-resistance-face-a-l-agricult
    #agriculture #résistance #capitalisme #accès_à_la_terre #terre #financiarisation #spéculation #Sociétés_d’aménagement_foncier_et-d’établissement_rural (#Safer)

  • À Romainville, le squat de la Halle Benfleet en sursis | Citoyens.com
    https://94.citoyens.com/2023/a-romainville-le-squat-de-la-halle-benfleet-en-sursis,14-06-2023.html

    Plasticien, musicien, informaticien… Depuis mai 2022, ils sont une quinzaine à squatter l’ancienne usine de pièces automobiles de la rue Benfleet, à Romainville, actuellement propriété de l’Établissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif). À quelques semaines d’une probable expulsion, ils défendent le bien fondé d’avoir occupé ce lieu vide pour encore un moment. Le maire dénonce, lui, un mauvais procès à la ville et l’occupation d’un ancien hébergement d’urgence. Reportage.

    “Ça fait des années que l’on passait devant et que l’on voyait que c’était vide. Sauf pour des raisons ponctuelles, il ne se passait quasiment rien. Plusieurs associations ont longtemps demandé sans succès à pouvoir utiliser ce lieu à l’Epfif et à la mairie. Alors, on l’a investi“, explique Magalie, une des squatteuses de la Halle Benfleet, située au 22-26 de la rue du même nom, au sud de Romainville.
    [...]
    Le collectif a rapidement ouvert une quinzaine de places pour l’hébergement d’urgence. Il accueille des personnes sans solution de logement et a ouvert ses portes aux associations Timmy, qui accompagne des mineurs isolés étrangers, et Acceptess, qui oriente des personnes transgenres. Il distribue aussi des paniers de fruits et légumes gratuitement. 30 à 35 familles en bénéficient chaque vendredi. “Tous les matins, on récupère les invendus à Rungis. On en donne la moitié aux Lez’arts, une association de Montreuil, et on en garde une partie pour nous nous nourrir“, précise Magalie. “Ça fait des années qu’on fait ça. On est dans un quartier populaire et il y a un besoin d’aider parce qu’il n’y a pas d’épicerie solidaire aux alentours.”
    [...]
    Des arguments que balaye François Dechy, le maire (DVG) de Romainville. “On est face à une occupation totalement illégale d’un site. C’est une propriété de l’Epfif qui travaille pour l’intérêt général. Les locaux ne sont pas du tout adaptés pour accueillir du public et leur remise aux normes nécessiterait plusieurs centaines de milliers d’euros d’investissement. Le pire est que la mairie a perdu dans cette affaire l’usage d’un appartement dont les services sociaux de la ville se servait pour de l’hébergement temporaire d’urgence“, s’insurge l’édile qui précise que “la réflexion sur le devenir du site sera engagée une fois la maitrise foncière achevée.”
    [...]
    Le squat relève, en effet, d’un mode de vie qui tient autant du militantisme que de la recherche d’une forme d’entraide. “Avant d’être en squat, j’ai vécu les cinq ans que j’ai passés à essayer de devenir un réalisateur comme une grande solitude. Quand j’ai monté mon film, tout le reste de ma vie était vide“, relate Tristan. Pour Antonin, le squat s’est apparenté à une sorte de bulle. “J’ai fait ma deuxième année de formation en céramique en installant mon atelier ici, ce qui m’a permis de prendre du temps dans la production, sans chercher à vendre tout de suite. Mais surtout, j’ai appris énormément de choses et à vivre collectivement.“

    “C’est la précarité, et finalement la solidarité, qui nous rassemblent en tant que collectif. Il y a en qui sont artistes ou artisans, d’autres qui terminent leurs études, qui ont une situation familiale ou de vie compliquée parce qu’il nous est impossible de payer un loyer que ce soit pour se loger à Paris et dans la proche banlieue,Le squat relève, en effet, d’un mode de vie qui tient autant du militantisme que de la recherche d’une forme d’entraide. “Avant d’être en squat, j’ai vécu les cinq ans que j’ai passés à essayer de devenir un réalisateur comme une grande solitude. Quand j’ai monté mon film, tout le reste de ma vie Le squat relève, en effet, d’un mode de vie qui tient autant du militantisme que de la recherche d’une forme d’entraide. “Avant d’être en squat, j’ai vécu les cinq ans que j’ai passés à essayer de devenir un réalisateur comme une grande solitude. Quand j’ai monté mon film, tout le reste de ma vie était vide“, relate Tristan. Pour Antonin, le squat s’est apparenté à une sorte de bulle. “J’ai fait ma deuxième année de formation en céramique en installant mon atelier ici, ce qui m’a permis de prendre du temps dans la production, sans chercher à vendre tout de suite. Mais surtout, j’ai appris énormément de choses et à vivre collectivement.“

    “C’est la précarité, et finalement la solidarité, qui nous rassemblent en tant que collectif. Il y a en qui sont artistes ou artisans, d’autres qui terminent leurs études, qui ont une situation familiale ou de vie compliquée parce qu’il nous est impossible de payer un loyer que ce soit pour se loger à Paris et dans la proche banlieue, ou pour installer un atelier“, résume Magalie.était vide“, relate Tristan. Pour Antonin, le squat s’est apparenté à une sorte de bulle. “J’ai fait ma deuxième année de formation en céramique en installant mon atelier ici, ce qui m’a permis de prendre du temps dans la production, sans chercher à vendre tout de suite. Mais surtout, j’ai appris énormément de choses et à vivre collectivement.“

    “C’est la précarité, et finalement la solidarité, qui nous rassemblent en tant que collectif. Il y a en qui sont artistes ou artisans, d’autres qui terminent leurs études, qui ont une situation familiale ou de vie compliquée parce qu’il nous est impossible de payer un loyer que ce soit pour se loger à Paris et dans la proche banlieue, ou pour installer un atelier“, résume Magalie. ou pour installer un atelier“, résume Magalie.

    #squat #la_caboteuse #Halle Benfleet #Romainville #foncier

    • Reçu ce matin sur boucle militante :

      Cher.e.s camarades,

      Le squat autogéré, artistique et solidaire La Caboteuse (rue de benfleet, romainville) vient d’être notifié pour expulsion. Le délai est de trois semaines (8 octobre).

      Ce squat est :
      – une résidence d’artistes
      – un accueil pour les personnes en précarité économique, en détresse familiale, pour tous ceux qui en ont besoin et qui expriment des valeurs de solidarité et d’humanité
      – un potager expérimental
      – un lieu de répétition
      – un lieu de cuisine solidaire et de distribution de nourriture
      – un lieu de d’accueil et de soutien de l’AntiRep
      – et sûrement encore beaucoup d’autres choses disparates, joyeuses et libres

      Bref, un joyaux.

      L’EPFIF a décidé qu’il n’était pas possible d’inventer un autre monde, plus humain, sans subvention, sans appel à projet et sans laisse capitaliste.

      Soutien à La Caboteuse !

    • La suite :

      Droit à la ville - manière d’habiter
      Rencontres Échanges Défenses
      Dimanche 01 Octobre

      La Caboteuse propose une après-midi de rencontres et d’échanges ouverte à tout le monde.

      Sur tout le plateau de Romainville, avec l’arrivée du tramway et le prolongement de la ligne 11 les nouvelles constructions et les chantiers de réaménagement se multiplient. Malgré les discours sur la concertation les habitantes et habitants du plateau sont très peu informés et on leur demande encore plus rarement leur avis. Pire : les immeubles poussent partout mais il y a de moins en moins de logements abordables, les loyers et les charges explosent et de plus en plus de personnes menacées d’être à la rue !
      Classes populaires, précaires, personnes en difficulté, acteurs sportifs, artistes sans le sou ou simples citoyen.ne.s : à Romainville et sur le plateau, avons-nous encore droit de cité ?

      Dimanche 1er octobre à partir de 15h à la Caboteuse 22, rue de Benfleet (Romainville)

      Discussions sur les luttes locales et sur l’avenir du lieu
      Cafet’ et cantine solidaire de soutien

      avec la participation (sous réserve) du Droit au logement, du Football Club de Romainville, du collectif des Sentes (Les lilas), d’agents municipaux en situation de précarité locative, de la Timmy (hébergement des mineurs isolés), de l’association des locataires de la Boissière (Montreuil), des habitant.e.s de la Caboteuse et de différents acteurs associatifs et politiques de Romainville.

      Retrouvons-nous pour échanger, se connaître et voir ensemble comment lutter !

  • Quelques heures avec un participant à l’Atelier Paysan, éleveur agriculteur paysan boulanger, et qui construit des trucs low tech en partant dans tous les sens (moutons, chèvres, maraichage, céréales, boulangerie, poules, canards, verger, agrumes, toutes les constructions, parabole solaire, four à pain, biogaz, réacteur Jean Pain amélioré…)

    Il a construit une MAISON SOUS SERRE en TERRE PAILLE pour moins de 15000 EUROS en AUTONOMIE - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=Dx2Ctthz63A

    Son livre sur le biogaz
    https://www.terran.fr/produit/47/9782359810493/le-biogaz

    Livre sur la maison à 15000€ à venir.

    #agriculture #élevage #paysan #low_tech #autonomie #énergie

    • Oui il est assez fou fou hyper actif sympathique pas dogmatique. Ça donne envie de s’y mettre.

      Après en vrai, sur le temps de travail réel je pense qu’il sous estime pas mal, ou alors lui et ses copains sur son chantiers sont tous très « efficaces ! ».

    • Je pense que ça doit correspondre pour des gens qui s’y connaissent déjà pas mal. Mais du coup ça donne quand même le temps si c’était une technique reconnue officiellement par l’État et qu’elle pouvait donc être « industrialisée », et faite par des pros, pas que en autoconstruction. Si des pros pouvaient vendre ça, en une semaine t’aurais une maison complète, posée, isolée, et avec presque pas d’emprise au sol. Après évidemment faut ajouter la plomberie et l’électricité, qui prennent quand même un moment (quoi que pour des pros ça peut aller vite aussi SI les plans sont bien faits d’avance).

    • @rastapopoulos
      donc si je comprends bien, ce qui empêche la possibilité que des pros vendent ce genre de service c’est toutes les normes et lois en vigueur (française en l’occurrence).

      Qu’est ce qu’on a comme autres références sur ces différentes façons de construire et habiter - et sur ce qui l’interdit ? Notamment roulotte, yourte, cabane, etc...

    • Il y a le code de l’urbanisme et les PLU (plans locaux d’urbanisme à la discrétion des maires) qui rajoutent une couche de complexité à la chose.

      Quelques liens concernant les habitations légères de loisir (HLL) et les résidences mobiles de loisir (RML)
      (À remarquer que ces structures légères sont toujours considérées comme appartenant au domaine du loisir alors que pour certaines personnes - de plus en plus nombreuses au demeurant, ces habitations constituent une nécessité économique)

      https://blog.urbassist.fr/installer-un-mobil-home-sur-terrain-prive

      https://droitsurterrain.com/terrains-loisirs-zone-naturelle

      https://droitsurterrain.com/chalets-mobilhomes-et-autorisations

      https://fabriquersayourte.fr/reglementation-yourte

      Maintenant, la construction décrite (et bien documentée) dont parle la vidéo n’entre pas dans ces catégories. Pas d’autre choix que de s’attaquer à la lecture du code de l’urbanisme.
      https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006074075

    • Ici, c’est sans guère de doute l’activité agricole qui ouvre à des souplesses quant à la possibilité de construire sans avoir à faire mine d’être mobile pour respecter la loi. cheval de Troie : je connais des cas où pour en jouir, des gens préparent des diplômes agricoles afin d’acquérir du #foncier à prix raisonnable, et prétendent vouloir cultiver (pour la vente, comme le stipule la loi...) tel ou tel machin, éventuellement pas trop contraignant (herboristerie par ex.), afin de disposer d’un habitat populaire hors acheloume et taudis. c’est du taf (formation, administration, dossier de projet, emprunt, construction, aménagement) de castors 2.0, pas ceux qui font « barrage » dans les urnes, ceux prennent le monde tel qu’ils l’ont trouvé.

      edit : rien ne prouve que ce gars dispose d’un permis de construire autre chose qu’un bâtiment agricole (y mettre la maison serait alors aussi une belle embrouille à l’encontre des norme). la reconnaissance « officielle » ("taf avec des institutions" sur les expérimentations biomasse) et tacite (il bosse, il produit, et même il vend) est aussi à construire. là-aussi, j’ai vu de cas où il a fallut d’abord démontrer deux ou trois ans de taf sur place pour limiter le risque d’embrouille légale sur la pérennisation dun habitat. toute personne du coin doit reconnaître une légitimité à ce qui a lieu, sous peine de poukaveries et d’attitude hostile de la commune. c’est long. et tout compte fait cela exige comme il se doit beaucoup de ressources, de singularité et de coopération, que de pallier le manque d’argent et de contourner la loi en limitant les risques.
      #habiter_le_monde #technocratie #logement

    • C’est très sympa à écouter, avec l’esprit autoconstructeur qui ne s’embarrasse pas des détails, très pertinent.

      Même si c’est contradictoire avec le fait de vouloir une toiture plate et en plus végétale, pour le coup ce sont des complications inutiles qui rendent le résultat peu robuste dans le temps. Tout ce qui est enduit terre sur les murs prend un temps extraordinairement long si c’est fait à la main (quand il cite une durée d’une semaine à plusieurs, ça me paraît pas possible, ou alors c’est projeté avec une machine).
      La quantité de terre mise en toiture est assez folle (mais nécessaire pour avoir un confort d’été comme la maison est sous une serre).
      Globalement toute la technique repose sur des engins de levage, il faut être à l’aise avec si jamais on en loue pour le faire soi-même, il faut avoir de la place pour tourner autour avec.
      Bref, le résultat est bizarre, car finalement c’est assez sophistiqué par rapport à des constructions bois plus classiques réalisables avec des éléments manuportables.

  • La #propriété_foncière, une fiction occidentale

    Dans la région de la #Volta, la #propriété du #sol n’existe pas, la terre n’est pas l’objet de transactions marchandes mais de #partages. D’où vient alors que, dans nos sociétés, nous considérions comme parfaitement légitime ce droit à s’approprier une partie du territoire ?

    #Danouta_Liberski-Bagnoud propose ici un ouvrage d’anthropologie qui entend produire une réflexion générale sur ce que l’on a pris l’habitude d’appeler en sciences sociales, que ce soit en géographie, en anthropologie générale ou en sociologie, « l’#habiter », notion qui renvoie à la façon dont les sociétés se rapportent à l’espace et y composent un monde. Cette notion permet d’éviter toute forme de caractérisation trop précise du rapport des êtres humains à leur lieu de vie.

    On comprend assez vite que ce qui intéresse l’auteure est de mettre en question la centralité et l’universalité de l’#appropriation_privative et des fonctionnements de #marché qui se sont imposées au monde entier à partir des pays industrialisés façonnés par les pratiques commerçantes. Bien qu’elle s’appuie sur les données ethnologiques recueillies sur son terrain, la #région_de_la_Volta (fleuve qui traverse le Burkina-Faso, le Ghana, le Mali, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo), l’auteure propose une réflexion large sur la propriété foncière et, plus généralement, sur le rapport que les sociétés humaines entretiennent avec la terre.

    L’essentiel de sa thèse consiste à contester à la fois les institutions internationales dans leur effort pour imposer la #propriétarisation des #terres au nom d’une conception occidentalo-centrée du #développement, et ceux qui parmi les anthropologues ont pu chercher des formes de propriété dans des communautés humaines où ce concept n’a, en réalité, aucune signification. Elle nous invite ainsi, par la comparaison des pratiques, à une réflexion sur nos tendances ethnocentriques et à penser d’autres types de rapport avec la terre que le rapport propriétaire.

    L’ordre dévastateur du marché

    L’auteure montre que les perspectives de #développement_économique par la propriétarisation et la #marchandisation du #foncier telles qu’elles ont pu être portées par les institutions internationales comme la #Banque_mondiale, loin d’aboutir aux perspectives d’amélioration souhaitées, ont conduit plutôt à une forme de « #deshabitation du monde » :

    "Le forçage en terre africaine de la #propriété_privée (autrefois dans les pas de la colonisation, aujourd’hui dans ceux de l’#accaparement_des_terres, de l’#agro-business et de la #spéculation) emporte avec lui toute la violence du rapport déterritorialisé au sol qu’édicte le concept même de propriété privée." (p. 144)

    On peut faire remonter les racines de l’idéologie qui justifie ces politiques à la période moderne en Europe avec #John_Locke qui développa une nouvelle conception de la propriété, les physiocrates qui firent de la terre la source de la richesse et enfin avec le développement de l’#économie_capitaliste qui achève de constituer la terre en une « simple marchandise » (p. 49).

    Dans ce cadre, la thèse de l’anthropologue Alain Testart fait notamment l’objet d’une longue discussion. Celui-ci entendait montrer, contre la croyance défendue par Morgan, par exemple, dans l’existence d’un #communisme_originel, que la plupart des sociétés traditionnelles connaissaient des formes d’appropriation privative et d’aliénation des terres. L’auteure montre, au contraire, que le concept même de propriété est absent des terrains qui sont les siens et qu’interpréter l’habiter des populations de l’aire voltaïque sous le prisme de la propriété privée revient à trahir et à travestir la façon dont elles vivent et parlent de leur rapport à l’espace et à la terre. En réalité, « il ne fait aucun doute que le rapport au sol d’une communauté villageoise [de cette région] est fondé sur le #partage (et le don) de la terre et l’interdit de la vendre » (p. 189). Aussi, face au « forçage du concept moderne de propriété privée » (p. 111), qui est largement le fait d’une approche occidentalo-centrée, l’auteure propose de faire entendre la voix alternative des sociétés voltaïques.

    Le conflit des fictions fondatrices

    Plus généralement, l’auteure reproche à bien des anthropologues d’avoir tendance à projeter des représentations qui leur appartiennent sur les sociétés qu’ils étudient. Pensons aux notions d’animisme ou de perspectivisme qui sont appliquées aux sociétés non européennes, alors même que ces notions ne sont pas endogènes. Y compris les anthropologues qui discutent et relativisent les catégories occidentales comme l’opposition nature-culture continuent de leur accorder un rôle structurant, quand ils cherchent, dans les sociétés non européennes, la façon dont celles-ci se dessinent d’une tout autre manière.

    Au contraire, une approche comparatiste qui englobe nos représentations « conduit au ras des mots et des gestes, dans le détail des pratiques rituelles et ordinaires […] permet le décentrement épistémologique à l’encontre de la métaphysique occidentale » (p. 94). Il s’agit de revenir aux modes d’habiter pour ce qu’ils sont en les comparant aux nôtres, mais sans jamais les confondre, afin de ne pas en biaiser l’analyse par l’usage de concepts qui leur seraient extérieurs et les feraient voir à partir de fictions fondatrices qui ne sont pas les leurs.

    Dans ce cadre méthodologique, le droit de propriété privée foncière relève, selon l’auteure, des fictions juridiques fondatrices proprement occidentales qui ont été importées dans les pays africains avec la colonisation. Or ceux qui voient la terre comme quelque chose qui serait disponible à l’appropriation privative n’ont pas conscience « qu’il s’agit d’une fiction, bien étrange en réalité, car de toute évidence, un terrain n’est pas un objet qui circule, mais un espace indéménageable » (p. 153). Une telle fiction permet de faire comme s’il était possible de séparer un pan de territoire de l’ensemble auquel il appartient, et de le faire circuler par l’échange marchand. Or « la #fiction_économique de la terre marchandise, source de profits financiers, ainsi que la #fiction_juridique d’une terre comme bien privatisable qui est venue la renforcer et la relayer, font assurément figure d’étrangeté hors de la matrice symbolique qui les a engendrées » (p. 260).

    L’existence des fictions juridiques fondatrices manifeste le fait que dans toutes les sociétés « la réalité succombe pour être reconstruite de façon légale » (p. 142). Ainsi « l’agir rituel façonne la réalité, il la (re)construit d’une façon légale, bref, il l’institue » (p. 142). Le monde du rite, comme le monde légal fait « comme si » la réalité était le décalque fidèle de la représentation que l’on s’en fait, alors qu’elle n’en est que l’ombre projetée. Or, comme Polanyi l’a déjà montré, la propriété privée de la terre est une fiction fondatrice des sociétés de marché, mais n’a rien d’universel. À l’inverse, les sociétés de l’aire voltaïque disposent de leurs propres fictions pour déterminer leur rapport à la terre ; or « rares sont les études sur le foncier qui ne recourent pas à des modèles, des théories et des concepts forgés dans l’histoire sédimentée des sociétés occidentales pour analyser les ‘pratiques’ du Sud, en les détachant des systèmes de pensée qui les pénètrent » (p. 210).

    La souveraineté d’une terre inappropriable

    Aussi l’auteure reproche-t-elle à beaucoup d’anthropologues qui ont travaillé sur les sociétés africaines d’avoir projeté des représentations fabriquées en occident sur les sociétés qu’ils étudiaient et aux institutions internationales d’imposer comme une vérité universelle ce qui n’est qu’une fabrication particulière.

    Pour contrer ces tendances théoriques et politiques, l’auteure se concentre sur la figure des « #gardiens_de_la_Terre » qui sont des dignitaires dont le rôle est de délimiter et d’attribuer des terrains aux familles. Du fait du pouvoir qui est le leur, certains ont voulu décrire cette institution dans le cadre des fictions juridiques européo-centrées en les présentant comme des souverains modernes ou des propriétaires éminents à l’image des seigneurs médiévaux. Face à cela, Danouta Liberski-Bagnoud montre que ces « gardiens de la Terre » n’en sont ni les propriétaires ni les souverains, ils sont, en réalité, garants de son #inappropriabilité et, ce faisant, sont au service de sa #souveraineté propre :

    "Dans les sociétés voltaïques […], les hommes n’exercent aucune souveraineté sur la Terre, mais ils sont les sujets de la souveraineté que la Terre exerce sur eux. La Terre n’appartient à personne d’autre qu’à elle-même, nul organe supérieur ne la commande, sa souveraineté ni ne se délègue ni ne se partage entièrement. Cette fiction que construisent les rites et les mythes fonde le régime de partage de la terre. Partage éphémère, non inscrit dans la durée d’un rapport de force, qui tient la durée d’une vie humaine, et répond ainsi à un principe d’#équité, car il empêche toute entreprise qui viserait à l’accumulation de portions de terre, au détriment du reste de la collectivité." (p. 321)

    Cependant, il faut se garder de faire de la Terre une souveraine au sens occidental d’une personnalité juridique qui pourrait imposer sa volonté en dernière instance, parce que ce n’est pas une personne.

    La Terre n’est ni une personne ni un bien (p. 285). Dans les sociétés voltaïques, la Terre est la source intarissable de la vie dans laquelle toute vie doit trouver sa place, et c’est en ce sens qu’elle exerce son pouvoir sur les hommes. La Terre apparaît comme l’instance qui anime le rapport aux espaces qu’elle contient : le village, la brousse, les lieux sacrés, la délimitation de nouveaux espaces voués à la culture sont autant de lieux qui ne peuvent exister qu’avec l’accord de la terre. Le rôle des « gardiens de la Terre » est alors d’assurer l’#harmonie entre l’ordre de la Terre et ceux qui veulent y trouver place. La Terre, dans ce cadre, ne saurait être un bien, elle « n’appartient qu’à elle-même » et son inappropriabilité apparaît comme « la condition d’un mode de l’habiter en commun » (p. 374-375).

    Cette #représentation éloignée de la fiction juridique d’une terre envisagée comme un bien séparable du territoire auquel elle appartient dépend de « la fiction rituelle qui construit la terre comme si elle était la figure de l’autorité suprême, garante du noyau des interdits fondamentaux qui permettent aux sociétés de tenir ensemble » (p. 327-328). En ce sens, la Terre, conçue comme une instance, supporte, ordonne et fait vivre le corps commun de la société et doit être distinguée de la terre conçue comme un simple fonds ; la deuxième est incluse, dépend et ne peut être comprise sans la première. Cette distinction permet ainsi d’opérer un retour critique sur notre civilisation qui aurait ainsi oublié le souci de la Terre dans des fictions qui poussent au contraire à des processus qui favorisent la #déshabitation.

    Le geste théorique comparatiste qu’opère Danouta Liberski-Bagnoud permet de prendre un peu de distance à l’égard de nos représentations en nous montrant qu’il peut exister des rapports à la terre sans propriété privée. Ces autres formes de l’habiter produisent d’autres manières de s’approprier la terre non captatrices et ouvertes sur le #commun. Ce faisant, le geste théorique opéré dans l’ouvrage permet de réfléchir, sous un angle anthropologique, à la notion de fiction juridique beaucoup travaillée en droit, en exhibant ce que nos institutions contiennent d’artifices à la fois factices et producteurs de réalité sociale. Il met ainsi en évidence ce que Castoriadis avait nommé l’institution imaginaire des sociétés. Sur ce plan l’ouvrage, dont bien des formulations sont très évocatrices, revêt toute sa pertinence. Il permet d’ouvrir les horizons d’un autre rapport possible à la Terre sans pour autant laisser croire que les sociétés voltaïques seraient plus authentiques ou plus proches de la nature. Elles entretiennent seulement un rapport autre à la nature qui n’a pas besoin du mythe de la #domination du monde et des choses et qui ne la réduit pas à un ensemble de ressources utiles à exploiter. Le grand intérêt de l’ouvrage réside dans l’usage spéculatif qui est fait de la comparaison étroitement menée entre le rapport occidental à une terre de plus en plus déshabitée avec les formes de l’habiter des peuples de la Volta. Il y a, certes, un risque d’idéalisation, mais, à l’issue de la lecture, on se dit qu’à l’aune des résultats spéculatifs qu’il permet d’obtenir, il mérite d’être couru.

    https://laviedesidees.fr/Liberski-Bagnoud-souverainete-terre
    #livre

    • La Souveraineté de la Terre. Une leçon africaine sur l’habiter

      Les sociétés industrielles ne peuvent plus aujourd’hui s’ériger en modèle de développement. Avant même de détruire, pour l’ensemble des peuples, les équilibres environnementaux, elles se sont engagées dans une forme de déshabitation du monde qui compromet le maintien des formes humanisées de la vie. Sur cette question fondamentale, les systèmes de pensée qui ont fleuri au Sud du Sahara nous apportent un éclairage indispensable – et des pistes de réflexion. Ils nous offrent une leçon précieuse sur une notion marginalisée dans le Droit occidental, mais centrale dans ces systèmes  : l’inappropriable.
      La Terre y est en effet placée hors de tout commerce. Envisagée comme une instance tierce, libre et souveraine, garante des interdits fondamentaux, elle n’appartient qu’à elle-même. Forgée au creuset du rite, cette conception organise toute la vie de la communauté et le partage du sol. Elle est par là même contraire à nos fictions juridiques et économiques qui permettent d’agir comme si la terre était une marchandise circulant entre propriétaires privés, et qui ont pour effet de nous déterritorialiser. Aussi, elle permet un autre mode d’habiter le monde. Cet ouvrage entend montrer quelques voies offertes par des sociétés africaines pour repenser le rapport à la Terre et redonner dès lors un futur aux générations à venir.

      https://www.seuil.com/ouvrage/la-souverainete-de-la-terre-danouta-liberski-bagnoud/9782021515572

  • Quand un vieux document de 1749 stoppe un projet immobilier
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/finistere/quimper/insolite-quand-un-vieux-document-de-1749-stoppe-un-proj

    L’acte valide un legs d’une certaine veuve Cardé, riche de son état, mais soucieuse des plus démunis. En 1749, Agnès Pérard de Kersula de son nom de jeune fille, décide de contribuer à la création d’une maison de charité, qui deviendra plus tard bureau de bienfaisance, d’action sociale, etc … jusqu’à un CCAS en 1986.

    Sur le précieux document, il est inscrit, noir sur blanc cassé, que « la donation est faite pour le soulagement des pauvres, des malades …. sans que sous quelque prétexte que ce soit ,les revenus puissent être employés à autre usage qu’au soulagement des pauvres ».

  • Les Community Land Trusts : vers l’émergence de #communs de l’habitat ?
    https://metropolitiques.eu/Les-Community-Land-Trusts-vers-l-emergence-de-communs-de-l-habitat.h

    Les Organismes fonciers solidaires se développent aujourd’hui en France pour favoriser l’accès au #logement ; Daniela Festa revient sur les origines des mécanismes dissociant la propriété foncière de ses usages, afin de réduire les coûts du logement. Les symptômes de la crise du logement sont aujourd’hui avérés dans le monde entier et ni le marché ni les programmes publics ne parviennent à produire une offre suffisante de logements abordables. Cette impasse a poussé de nombreuses études critiques, #Essais

    / #habitat, #foncier, #fiducie, communs, marché, logement

    #marché
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/festa.pdf

  • Ces #terres qui se défendent

    Pour son hors-série hivernal, le magazine indépendant Socialter s’associe au collectif Reprise de terres pour s’attaquer à l’accaparement des terres en France et au système productiviste qui le soutient.

    Nous sommes au seuil d’une catastrophe foncière. Dans les dix prochaines années, la moitié des agriculteurs français va partir à la retraite, et c’est près d’un quart du territoire français qui va changer de mains. Un chambardement démographique qui aiguise déjà toutes les convoitises : celles de l’agro-industrie et ses pesticides, des bétonneurs et leurs entrepôts, des aménageurs de territoire et leurs autoroutes. Leur monde se fera sans les vivants et contre eux.

    Alors comment inventer des tactiques foncières, politiques et juridiques pour contrer cet accaparement ? Quelles alliances politiques nouer pour lui opposer un front solide ? Comment résorber les divisions historiques entre #paysannerie et protection du vivant ? Comment dépasser l’opposition entre mise en culture des terres et libre évolution – entre nature et culture ?

    https://fr.ulule.com/hors-serie-socialter-ces-terres-qui-se-defendent

    #résistance #reprise_de_terres #accaparement_des_terres #France #foncier #agriculture #retraite #démographie

    déjà signalé par @halbnar :
    https://seenthis.net/messages/978693

  • Dynmark : un outil de suivi des prix de l’immobilier à différentes échelles de territoire | Cerema
    http://www.cerema.fr/fr/actualites/dynmark-outil-suivi-prix-immobilier-differentes-echelles

    Le Cerema a développé un outil qui permet de suivre l’évolution des prix de l’immobilier à différentes échelles de territoire. Appelé Dynmark, il est actuellement en disponible en test en version bêta.

    Pour aider les acteurs des territoires, collectivités, acteurs publics et privés ou encore le grand public à mieux connaître la situation du marché immobilier et son évolution, le Cerema a développé une application en ligne, Dynmark. Accessible gratuitement, elle permet de visualiser rapidement l’évolution des prix de l’immobilier sur un territoire depuis 2010 à partir des données #DV3F. Elle est en cours de lancement en version bêta test.

    Elle offre également la possibilité d’explorer et de comparer votre dynamique de marché par rapport à d’autres territoires.

    Dynmark contient des indicateurs (nombre de ventes, prix, prix au m²,) pour différentes échelles géographiques - commune, EPCI, département et aire d’attraction des villes - pour l’ensemble de la France (hors l’Alsace, la Moselle et Mayotte).

    Ce site permet de visualiser des indicateurs de prix de l’immobilier proposés par le Cerema selon une typologie de biens définie par son type, sa taille et sa période de construction.

  • « À cause de l’urbanisation, on se déplaçait tous les vingt-cinq ans »
    https://metropolitiques.eu/A-cause-de-l-urbanisation-on-se-deplacait-tous-les-vingt-cinq-ans.ht

    L’histoire d’une famille d’agriculteurs repoussée aux confins de la région parisienne révèle les transformations de l’agriculture. Avec l’urbanisation, les maraîchers sont devenus propriétaires de grandes exploitations céréalières. Nolwenn Gauthier montre comment sont liées l’histoire de la grande #exploitation et celle de la croissance urbaine. La ferme des Lyons est une imposante ferme briarde comme on peut en voir sur le bord des routes franciliennes. En mai 2017, la famille Girault a fêté le centenaire #Essais

    / #agriculture, #maraîchage, #urbanisation, exploitation, #foncier, #rente_foncière, #histoire, #Île-de-France, (...)

    #Val-de-Marne
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_gauthier.pdf

  • Les grandes exploitations agricoles face aux concurrences foncières dans le district d’Abidjan
    https://metropolitiques.eu/Les-grandes-exploitations-agricoles-face-aux-concurrences-foncieres-

    À l’ouest d’Abidjan, les grandes exploitations agricoles, possédées par des multinationales et tournées vers l’exportation, se heurtent aujourd’hui à l’étalement urbain de la capitale et à la montée des revendications foncières des communautés autochtones spoliées de leurs droits coutumiers. La sous-préfecture de Songon est située à l’ouest de la métropole abidjanaise, à 23 km de la commune du Plateau. Elle s’étend sur une superficie de 627,71 km² (figure 1). Figure 1. Situation de la sous-préfecture de Songon #Terrains

    / #Côte_d'Ivoire, #Abidjan, #pays_du_Sud, #agriculture, #foncier, #accès_au_sol, #droit_coutumier, (...)

    #exploitation


    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-koffi-didia.pdf

  • La grande exploitation agricole dans la course au #foncier
    https://metropolitiques.eu/La-grande-exploitation-agricole-dans-la-course-au-foncier.html

    Les grandes exploitations sont toujours plus nombreuses en France, au détriment de l’agriculture alternative qui peine à se développer, notamment dans l’aire d’attraction des villes. Le droit, qui régule l’accès au foncier, ainsi que les mécanismes d’octroi des aides, expliquent en partie ce processus. Les exploitations agricoles ne cessent en France de s’agrandir. Celles qu’on qualifie de grandes s’arrogent-elles le foncier dans les aires urbaines au détriment des plus petites ? Quels rôles jouent, #Essais

    / #régulation_foncière, #concentration, #marché_foncier, foncier, #rente_foncière

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-grimonprez.pdf

  • Hors-série Socialter : Ces terres qui se défendent
    Avec le collectif Reprise de terres, qui lutte contre l’accaparement et le saccage des terres, en rédacteurs en chef invités

    https://fr.ulule.com/hors-serie-socialter-ces-terres-qui-se-defendent
    https://www.terrestres.org/2021/07/29/reprise-de-terres-une-presentation

    Pour son hors-série hivernal, le magazine indépendant Socialter s’associe au collectif Reprise de terres pour s’attaquer à l’accaparement des terres en France et au système productiviste qui le soutient. Rendez ce projet possible en précommandant votre exemplaire de 180 pages dès maintenant !

    Nous sommes au seuil d’une catastrophe foncière. Dans les dix prochaines années, la moitié des agriculteurs français va partir à la retraite, et c’est près d’un quart du territoire français qui va changer de mains. Un chambardement démographique qui aiguise déjà toutes les convoitises : celles de l’agro-industrie et ses pesticides, des bétonneurs et leurs entrepôts, des aménageurs de territoire et leurs autoroutes. Leur monde se fera sans les vivants et contre eux.

    Alors comment inventer des tactiques foncières, politiques et juridiques pour contrer cet accaparement ? Quelles alliances politiques nouer pour lui opposer un front solide ? Comment résorber les divisions historiques entre paysannerie et protection du vivant ? Comment dépasser l’opposition entre mise en culture des terres et libre évolution – entre nature et culture ?

    Reprise de terres est un groupe d’habitant·es de lieux en lutte (paysan·nes, chercheur·euses, militant·es) dont l’action est guidée par quatre constats :

    - le ravage écologique systémique , provoqué et nourri par la voracité extractiviste du capitalisme, qui met à mal les conditions de vie sur la terre pour une immense part des vivants qui la peuplent ;
    - l’émergence d’un mouvement climat encore tâtonnant, mais qui s’interroge sur le besoin d’ ancrer ses luttes localement , pour ne pas s’en tenir à des formes de revendications parfois hors-sol ;
    - l’indignation face aux inégalités sociales grandissantes , aux injustices environnementales, et la conviction que des réponses émancipatrices et créatives face à ces précarités multiples sont nécessaires ;
    - la situation présente et à venir du foncier en France, à savoir qu’un grand nombre de terres sera remis sur le marché dans la décennie suite au départ à la retraite de la moitié des agriculteurs français, avec le risque de perdre encore du terrain face au productivisme et à l’industrialisation de l’agriculture.

    Pour dégager de nouvelles voies à l’action, à la réflexion et à la mobilisation, Reprise de terres mène depuis juin 2019 un travail d’enquêtes qu’il poursuit dans ce hors-série ainsi que dans des cycles de rencontre. Le collectif est également proche de la revue Terrestres où il a détaillé sa démarche.

    #réensauvagement #enquetes #foncier #métropole #reprises_de_terres

  • Quand la terre se fait entendre en ville
    https://metropolitiques.eu/Quand-la-terre-se-fait-entendre-en-ville.html

    Donner la parole à la terre, voilà ce que propose Flaminia Paddeu dans un ouvrage passionnant. Elle part à la rencontre de celles et ceux qui cultivent en ville et redonnent au vivant une place centrale dans nos environnements urbains. Sous les pavés, la terre propose de nouveaux récits d’agricultures urbaines à travers un voyage transatlantique passionnant. À coups de bêche, de grelinette, de matières grises, de collectifs, de vivants humains et non humains, le livre dessine de nouveaux sillons #Commentaires

    / #agriculture_urbaine, #métabolisme, #foncier, #communs, #droit_à_la_ville, #habitants, #résistance

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-bertrais.pdf

  • Vendanges sauvages chez Bernard Arnault dans le Var !


    Ce dimanche matin - à l’appel des Soulèvements de la Terre et de la Confédération Paysanne - 300 personnes ont investi dans le Var une parcelle de vignes de #ChateaudEsclans accaparée par le groupe #LVMH dirigé par le milliardaire Bernard Arnault.




    Deux convois différents se sont rejoints au pied des rangs en chantant « Ô Bernard Arnault, espèce de blaireau, on vient vendanger chez toi ! » sur l’air d’avertissement frondeur du mouvement des gilets jaunes ou encore « Bernard si tu savais, ton pinard ce qu’on en fait. Du jus ! Du jus ! Aucune hésitation ! On boit, on boit, à la révolution ! ».



    Après une distribution de 200 sécateurs, nous sommes passés directement des déclarations d’intentions à l’action et avons entrepris de vendanger sans plus attendre les profits des spéculateurs ! Les gendarmes qui avaient suivi le cortège en nous spécifiant en vain l’interdiction de pénétrer sur des terrains privés ainsi que les agents de sécurité « pacific » (sic) de LVMH se sont tenus en retrait.




    Suite à la vendange rapide d’1,5 tonne de raisins, nous avons déambulé parmi les vignes puis sur la départementale jusqu’à la future cave de #lvmh, encore en chantier. Nous y avons alors déployé des pressoirs et foulé le raisins pour en faire plus de 1000 litres de jus redistribué aux participant.es et en soutien à la ZAP de Pertuis , expulsée mais encore en mouvement pour empêcher la bétonisation de dizaines d’hectares de terres maraîchères. Ce raisin était initialement destiné par Bernard Arnault à la production de la cuvée Whispering Angels. C’est sur ce domaine que le milliardaire revendique fièrement de produire le rosé le plus cher du monde. Nous avons ainsi repris notre part des anges et une petite revanche de classe qui en appelle d’autres.





    Cette action était la seconde - en quelques mois- des Soulèvements de la Terre et de la Confédération paysanne sur des vignobles livrés à la spéculation. La première - dans le Jura en mars - avait réuni des centaines de personnes pour reprendre et nettoyer une vigne qu’un obscur fond d’investissement laissait mourir. (https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/dans-le-jura-600-personnes-reprennent-la-terre-aux-aux-spe)



    Le vignoble du Var est lui aussi la proie d’investisseurs qui font flamber le prix du foncier et placent l’avenir du territoire sous la mainmise de grands groupes. Cette nouvelle reprise de terres visait donc à s’en prendre en action à l’accaparement des terres agricoles et la financiarisation qui en découle. Nous invitons à décliner et multiplier à l’envie partout dans le pays ces initiatives de récoltes des fruits de l’accaparement et de ponction directe dans le porte-monnaie des bénéficiaires de jet-privés et de golfs arrosés cet été.

    Cette action inaugurale de la saison 4 des soulèvements de la terre, venue clôturer 2 jours d’assemblées, sera bientôt suivie d’une mobilisation nationale pour stopper le nouveau chantier de méga-bassine qui menace chaque jour de démarrer à Saint-soline dans les Deux-Sèvres malgré un été de sécheresse sans précédent. Guettez les réseaux sociaux des #SoulèvementsdelaTerre, un rendez-vous pour se rejoindre en masse sur le terrain devrait tomber des les jours qui viennent ! #PasUneBassinedePlus #ManifdeFindeChantier - https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/pas-une-bassine-de-plus


    La terre aux paysan.nes et celles et ceux qui en prennent soin ! Accapareurs et spéculateurs, hors de nos vignes et de nos vies !

  • Le combat des #éleveurs du #Ndiaël pour récupérer « leurs terres »

    Dans le nord-ouest du Sénégal, une coalition de 37 villages proteste depuis dix ans contre l’attribution de 20 000 hectares à une entreprise agroalimentaire. Ce conflit foncier illustre un phénomène généralisé sur le continent africain : l’#accaparement_de_terres par des #multinationales.

    Tout a dû paraître parfait au ministre de l’élevage du Niger lorsqu’il a visité, le 1er juin 2022, les installations des Fermes de la Teranga, une entreprise implantée dans le nord-ouest du Sénégal, à une cinquantaine de kilomètres de Saint-Louis : immenses étendues de cultures verdoyantes, systèmes d’irrigation fonctionnels, grosses machines agricoles...

    Devant les caméras, Tidjani Idrissa Abdoulkadri s’est dit « très impressionné » par le travail de cette société, qui dit cultiver de la luzerne sur 300 hectares depuis 2021. Il a émis le souhait qu’un jour le fourrage qu’elle produit puisse nourrir le bétail nigérien.

    Mais le tableau qu’a vu le ministre est incomplet. Car à une quinzaine de kilomètres de là, au bout de pistes tracées dans la terre sableuse, Gorgui Sow fulmine. Installé sur une natte dans le salon de sa petite maison, ce septuagénaire pas du genre à se laisser faire raconte comment, depuis dix ans, il s’oppose à ce projet agro-industriel. Son combat, explique-t-il en pulaar, lui a valu de multiples intimidations et convocations à la gendarmerie. Mais pas question de renoncer : la survie de sa famille et du cheptel qui assure ses moyens d’existence en dépend.

    Tout est parti d’un décret signé en 2012 par le président Abdoulaye Wade, cinq jours avant le second tour d’une élection présidentielle à laquelle il était candidat, et confirmé après des tergiversations par son successeur, Macky Sall. Ce texte attribue pour cinquante ans renouvelables 20 000 hectares à Senhuile, une entreprise inconnue, créée par des investisseurs sénégalais et italiens au profil flou.

    La superficie en question couvre trois communes, Ronkh, Diama et Ngnith, mais la majeure partie se trouve à Ngnith, où elle englobe plusieurs dizaines de villages, dont celui de Gorgui Sow. Le décret prévoit aussi l’affectation de 6 500 hectares aux populations qui seraient déplacées par les plans de l’entreprise consistant à produire des graines de tournesol pour l’export.

    Toutes ces terres, proches du lac de Guiers, le plus grand lac du Sénégal, faisaient jusque-là partie de la réserve naturelle du Ndiaël, créée en 1965 et représentant 46 550 hectares. Les populations qui y vivaient pouvaient continuer à y faire pâturer leurs bêtes, soit des milliers de chèvres, ânes, chevaux, moutons, vaches. Elles pouvaient aussi y ramasser du bois mort, récolter des fruits sauvages, des plantes médicinales, de la gomme arabique, etc. Elles avaient en revanche l’interdiction d’y pratiquer l’agriculture.

    Gorgui Sow et ses voisins, tous éleveurs comme lui, ont donc été outrés d’apprendre en 2012 que non seulement leurs lieux de vie avaient été attribués à une entreprise, mais que cette dernière allait y développer à grande échelle une activité longtemps proscrite, le tout pour alimenter des marchés étrangers.

    À l’époque, ce type de transaction foncière était déjà devenu courant au Sénégal. Depuis, le mouvement s’est poursuivi et concerne toute l’Afrique, qui représente 60 % des terres arables de la planète : elle est le continent le plus ciblé par les accaparements fonciers à grande échelle et à des fins agricoles, selon la Land Matrix, une initiative internationale indépendante de suivi foncier.

    Comme les communautés locales ne disposent, en général, que d’un droit d’usage sur les terres qu’elles occupent et que le propriétaire, à savoir l’État, peut les récupérer à tout moment pour les attribuer à un projet déclaré « d’utilité publique », les effets sont similaires partout : elles perdent l’accès à leurs champs, sources d’eau, lieux de pâturage, etc. C’est ce qui est arrivé avec Senhuile.

    À ses débuts, l’entreprise, qui promettait de créer des milliers d’emplois, a défriché plusieurs milliers d’hectares (entre 5 000 et 7 000, selon l’ONG ActionAid), creusant des canaux d’irrigation depuis le lac de Guiers, installant des barbelés. Ce qui était une forêt est devenu une étendue sableuse dégarnie, un « vrai désert », disent les riverains. Mais Senhuile a dû s’arrêter : une partie de la population s’est soulevée, affrontant les gendarmes venus protéger ses installations. Elle n’a au bout du compte pratiquement rien cultivé.

    « Senhuile a détruit les ressources naturelles qui nous permettaient de vivre, explique aujourd’hui Gorgui Sow. Des enfants se sont noyés dans les canaux. Les barbelés qu’elle a installés ont tué nos vaches, la zone de pâturage a été considérablement réduite. » Lui et d’autres habitants ont constitué le Collectif de défense des terres du Ndiaël (Coden) pour demander la restitution de cet espace qu’ils considèrent comme le leur. Il rassemble 37 villages de la commune de Ngnith, ce qui représente environ 10 000 personnes. Tous sont des éleveurs semi-nomades.
    De Senhuile aux Fermes de la Teranga

    Au fil des ans, le Coden que préside Gorgui Sow a noué des alliances au Sénégal et à l’étranger et a bénéficié d’une large couverture médiatique. Il a rencontré diverses autorités à Dakar et dans la région, manifesté, envoyé des lettres de protestation, obtenu des promesses de partage plus équitable des terres. Mais rien ne s’est concrétisé.

    En 2018, il y a eu un changement : Frank Timis, un homme d’affaires roumain, a pris le contrôle de Senhuile, à travers une autre entreprise, African Agriculture Inc. (AAGR), enregistrée en 2018 aux îles Caïmans. C’est à cette occasion que Senhuile a été rebaptisée Fermes de la Teranga, un mot wolof signifiant « hospitalité ». Le nom de Frank Timis est bien connu au Sénégal : il a été notamment cité, avec celui d’un frère de Macky Sall, dans un scandale concernant un contrat pétrolier.

    À la stupeur des éleveurs de Ngnith, AAGR a déposé en mars 2022 une demande d’introduction en Bourse auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC), à Washington, afin de lever des fonds. Disant avoir des intérêts au Sénégal et au Niger, elle annonce vouloir intégrer le marché international de vente de crédits carbone, de biocarburants et surtout de luzerne qu’elle a l’intention de proposer aux éleveurs locaux et de la région « ainsi qu’à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et à l’Europe », selon le document remis à la SEC.

    « Qui chez nous aura les moyens d’acheter ce fourrage ? Celui que l’entreprise vend actuellement est hors de prix ! », s’agace Bayal Sow, adjoint au maire de Ngnith et membre du Coden. Il craint l’existence d’objectifs inavoués dans cette affaire, comme de la spéculation foncière. À ses côtés, dans son bureau de la mairie de Ngnith, écrasée par la chaleur de cette fin de saison sèche, un autre adjoint au maire, Maguèye Thiam, acquiesce, écœuré.

    Puisque la zone de pâturage a diminué, troupeaux et bergers sont contraints de partir loin, hors du Ndiaël, pour chercher du fourrage et des espaces où paître, précise-t-il. Dans ces conditions, l’idée que les territoires où les cheptels avaient l’habitude de se nourrir soient transformés en champs de luzerne pour produire du fourrage qui sera très certainement vendu à l’étranger paraît inconcevable.

    Être employé par les Fermes de la Teranga est également impensable : « Nous sommes une population d’éleveurs à 90 %, sans formation, sans diplôme. Nous ne pourrions être que de simples ouvriers. Cela n’a aucun intérêt », observe Hassane Abdourahmane Sow, membre du Coden. « Comment peut-on justifier l’attribution d’autant de terres à une entreprise alors que les populations locales en manquent pour pratiquer elles-mêmes l’agriculture et que l’État parle d’autosuffisance alimentaire ? », demande un autre ressortissant de la région.

    De son côté, AAGR assure que tout se passe bien sur le terrain. Sur le plan social, détaille-t-elle dans un courriel, le processus de concertation avec toutes les parties impliquées a été respecté. Elle dit avoir embauché sur place 73 personnes « qui n’avaient auparavant aucun emploi ni moyen de subsistance ».
    Dissensions

    Comme preuves de ses bonnes relations avec les populations locales, AAGR fournit des copies de lettres émanant de deux collectifs, l’un « des villages impactés de la commune de Ngnith », l’autre « des villages impactés de la commune de Ronkh », lesquels remercient notamment les Fermes de la Teranga de leur avoir donné du sucre lors du ramadan 2021. Ces deux collectifs « qui ont des sièges sociaux et des représentants légaux » sont les « seuls qui peuvent parler au nom des populations de la zone », insiste AAGR. « Toute autre personne qui parlera au nom de ces populations est motivée par autre chose que l’intérêt de la population impactée par le projet », avertit-elle.

    La société, qui a parmi ses administrateurs un ancien ambassadeur américain au Niger, communique aussi deux missives datées du 15 et 16 juillet 2022, signées pour la première par le député-maire de Ngnith et pour la seconde par le coordonnateur du Collectif de villages impactés de Ngnith. Dans des termes similaires, chacun dit regretter les « sorties médiatiques » de « soi-disant individus de la localité pour réclamer le retour de leurs terres ». « Nous sommes derrière vous pour la réussite du projet », écrivent-ils.

    Les Fermes de la Teranga se prévalent en outre d’avoir mis à disposition des communautés locales 500 hectares de terres. « Mais ces hectares profitent essentiellement à des populations de Ronkh qui ne sont pas affectées par le projet », fait remarquer un ressortissant de Ngnith qui demande : « Est-ce à l’entreprise “d’offrir” 500 hectares aux communautés sur leurs terres ? »

    Non seulement ce projet agro-industriel a « un impact sur nos conditions de vie mais il nous a divisés », s’attriste Hassane Abdourahmane Sow : « Des membres de notre collectif l’ont quitté parce qu’ils ont eu peur ou ont été corrompus. Certains villages, moins affectés par la présence de l’entreprise, ont pris parti pour elle, tout comme des chefs religieux, ce qui a là aussi généré des tensions entre leurs fidèles et eux. »

    « Il faut s’asseoir autour d’une table et discuter, suggère Maguèye Thiam. Nous ne sommes pas opposés à l’idée que cette société puisse bénéficier d’une superficie dans la région. Mais il faut que sa taille soit raisonnable, car les populations n’ont que la terre pour vivre », observe-t-il, donnant l’exemple d’une autre firme étrangère implantée sur 400 hectares et avec laquelle la cohabitation est satisfaisante.

    Interrogé par messagerie privée à propos de ce conflit foncier, le porte-parole du gouvernement sénégalais n’a pas réagi. Les membres du Coden répètent, eux, qu’ils continueront leur lutte « jusqu’au retour de (leurs) terres » et projettent de nouvelles actions.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/260822/le-combat-des-eleveurs-du-ndiael-pour-recuperer-leurs-terres

    #élevage #terre #terres #résistance #Sénégal #industrie_agro-alimentaire #Fermes_de_la_Teranga #agriculture #décret #Senhuile #Ronkh #Diama #Ngnith #tournesol #graines_de_tournesol #exportation #réserve_naturelle #foncier #lac_de_Guiers #eau #irrigation #barbelés #déforestation #pâturage #Collectif_de_défense_des_terres_du_Ndiaël (#Coden) #Frank_Timis #African_Agriculture_Inc. (#AAGR) #luzerne #fourrage #spéculation #conflits

  • Présentation de la foncière citoyenne Communs
    https://topophile.net/rendez-vous/presentation-de-la-fonciere-citoyenne-communs

    Réunion de présentation du projet de foncière citoyenne ’Communs’. Ce projet vise à construire un nouvel acteur de l’immobilier coopératif et solidaire pour permettre une réappropriation citoyenne des questions immobilières. Aujourd’hui, le foncier et l’immobilier sont devenus des produits financiers. Les logements à Paris et dans les grandes métropoles sont inabordables pour la plupart des... Voir l’article

  • Artificialisation des sols : les projets de construction sur des terrains agricoles ont explosé l’année dernière
    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/artificialisation-des-sols-les-projets-de-construction-sur-des-terrains

    Le nombre d’opérations pour des maisons individuelles ou des zones d’activités a bondi de 25% en 2021, selon un rapport. Les propriétaires ont notamment anticipé les mesures contre la pression foncière prévues par la loi Climat votée en juillet dernier.

    • Un article à mon avis indispensable à lire, sur le sujet de l’artificialisation des sols :
      L’artificialisation est-elle vraiment un problème quantitatif ?, Eric Charmes
      Eric Charmes
      https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00849424/document

      Extrait de la conclusion :

      Résumons-nous. La France et ses campagnes ne sont pas menacées par une artificialisation massive des sols. Elles sont encore moins menacées d’être submergées par des nappes pavillonnaires déversées par les villes. De fait, la ville ne s’étend plus guère par étalement continu de son agglomération centrale. Elle s’émiette. Ceci étant, à surface artificialisée égale, cet émiettement soulève des problèmes que l’étalement continu ne pose pas ou sous une forme moins accentuée. Pour l’agriculture en particulier, l’émiettement démultiplie l’impact des extensions urbaines et périurbaines. De ce point de vue, le monde agricole se trompe en réclamant un arrêt de l’artificialisation. Il serait plus avisé de réclamer une meilleure organisation des extensions urbaines et une meilleure planification. Il est vrai que cela lui demanderait des concessions significatives, puisqu’un meilleur contrôle des extensions périurbaines nécessiterait que les maires des petites communes rurales se départissent de leurs prérogatives en matière de contrôle de l’usage des sols...

  • Reconstruire des communs : pour une foncière citoyenne
    https://topophile.net/savoir/reconstruire-des-communs-pour-une-fonciere-citoyenne

    « À vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et conforts parfaits » — Arthur Rimbaud, « Soldes », Les Illuminations, 1873-1875. Le marché de l’immobilier se porte bien, les agences annoncent chaque année de nouveaux records de transactions. Les salons professionnels MIPIM et SIMI se félicitent du « retour des investisseurs », fonds et brokers... Voir l’article

  • Quand l’industrie rachète la terre
    Par Lucile Leclair

    https://aoc.media/opinion/2022/05/11/quand-lindustrie-rachete-la-terre

    Les #terres_agricoles recouvrent la moitié du territoire français. Ressources convoitées depuis toujours, elles font l’objet de luttes entre agriculteurs, mais pas seulement : elles sont aujourd’hui menacées par des #industries désireuses de maîtriser les matières agricoles. Avançant à bas bruit, elles posent une nouvelle question pour la campagne : assiste-t-on à un #accaparement qu’on croyait réservé aux pays de l’hémisphère Sud ?

    Depuis le début de la guerre opposant deux gros producteurs de céréales, les cours de l’huile, colza, blé ou maïs ont atteint des taux record. Des droits exceptionnels pourraient être accordés aux agriculteurs français, pour leur permettre d’utiliser les terres obligatoirement au repos. « La Commission va proposer d’adopter une suspension (des règles), afin qu’on puisse utiliser ces #terres pour la production protéinique, car il y a évidemment un manque de nourriture pour les #élevages » a indiqué à l’AFP le commissaire européen à l’agriculture Janusz Wojciechowski.
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    Il faut se représenter la terre comme le réservoir alimentaire du pays. Lorsque les incertitudes politiques se multiplient, le #foncier_agricole apparaît sous une lumière un peu plus crue. La terre, essentielle et stratégique, est gouvernée d’un peu plus près. Mais à qui revient-elle ? Depuis une dizaine d’années, la terre attire les grandes entreprises. Après avoir avalé la transformation des produits agricoles et la #distribution, elles investissent la production agricole elle-même. Enseignes de la grande distribution, leaders de l’#agroalimentaire, du secteur pharmaceutique ou du secteur cosmétique : ils sont de plus en plus nombreux à convoiter le patrimoine agricole.

    Au sud d’Orléans, Fleury Michon possède un élevage où naissent six-mille porcelets par an. À la ferme, des ouvriers font les travaux agricoles. À des centaines de kilomètres, les dirigeants de Fleury Michon surveillent sur leurs écrans les cours des matières premières. Ayant fondé sa croissance à l’origine dans le secteur commercial, cette entreprise fait à présent du contrôle de l’activité agricole un élément clé de sa stratégie.

    Posséder la terre présente trois atouts majeurs. D’abord, l’industriel assure lui-même son approvisionnement sans passer par les producteurs. Ensuite, ce contrôle direct des matières premières apporte plus de flexibilité pour répondre aux attentes changeantes du consommateur. Enfin, l’exploitation directe lui permet de se passer d’intermédiaires coûteux : agriculteurs, coopératives, négociants, etc.

    Mais le modèle de l’#agriculture de firme signifie la disparition du savoir-faire et de l’authenticité du métier agricole. Le paysan se transforme en exécutant au service d’un groupe industriel. En quoi est-ce un problème ? Le sol est un organe vivant, seul un agriculteur connaît sa terre. Une fois gérée à distance, la connaissance de la terre se perd.

    Ainsi, l’agriculture de firme contraint à une standardisation du vivant. Car organiser une ferme en fonction de schémas tout faits oblige à conformer le vivant. L’industrie a besoin de produits tous identiques, sa chaîne de production est conçue pour des poulets ou des cochons d’une taille adéquate, pour du riz ou des pommes de terre d’une variété donnée et d’un calibre unique. Le contraire d’une agriculture de proximité approvisionnant des marchés locaux.

    Déjà, les agriculteurs n’étaient plus entièrement maîtres de leurs décisions. Les industriels étaient souvent accusés de faire la pluie et le beau temps en matière de prix. Mais un autre glissement s’opère, un saut de plus dans l’histoire de l’#industrialisation de l’agriculture. À l’image d’autres secteurs de l’économie – la production de voitures ou l’industrie numérique avec les GAFAM –, il en découle une concentration des sociétés sans précédent. On avait déjà vu le remplacement de la supérette de quartier par une grande chaîne. Les petites et moyennes entreprises (PME) disparaissent, au profit des plus grandes. Ce mouvement gagne à présent l’agriculture.

    Mais pourquoi la terre voit-elle arriver des investisseurs auxquels elle avait échappé jusque-là ? Le monde rural, tout bucolique qu’il semble être, n’est pas simple. Un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. À force de travailler soixante heures par semaine pour quelques centaines d’euros, avec des montagnes de crédit dont on ne voit pas le bout, l’amertume des agriculteurs grandit. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les fortunes de l’industrie soient bienvenues là où l’argent manque.

    Les autorités de leur côté, ont de moins en moins de moyens pour faire garde-fou. Pour le comprendre, il faut se pencher sur les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Il en existe une par département. Placées sous tutelle du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Économie et des Finances, les Safer sont des sociétés anonymes sans but lucratif. Leur création en 1960 devait permettre à la puissance publique d’intervenir sur le marché des terres pour exercer une mission d’intérêt général, celle de redistribuer le foncier agricole en faveur des agriculteurs.

    Chaque Safer locale se voit obligatoirement informée lorsqu’une transaction est en vue, notamment quand un agriculteur vend ses terres au moment de partir à la retraite. Le code rural leur confère un pouvoir important avec un droit de préemption, qui leur permet d’acquérir le bien avant tout autre acheteur afin de fixer un nouveau prix et de faire un appel à candidature.

    Mais, en pratique, les exemples d’écarts abondent. Pourquoi les Safer acceptent-elles de vendre des terres à Fleury Michon ? Contacté au sujet de ce type d’opérations, Emmanuel Hyest, le président de la Fédération nationale des Safer, ne souhaite pas s’exprimer. Comment comprendre le dévoiement d’un organe d’État ? Déjà en 2014, la Cour des comptes critiquait une gestion « peu transparente » et recommandait un « meilleur encadrement ». Un écrit fut publié, il s’intitulait : « Les dérives d’un outil de politique d’aménagement agricole et rural ». Dans ce rapport, les magistrats reprochaient aux Safer de perdre de vue leur mission initiale : elles n’installent plus suffisamment de jeunes agriculteurs.

    La baisse drastique des moyens accordés aux Safer y est-elle pour quelque chose ? À leur création, elles étaient financées à 80% par des fonds publics. Mais ces subventions de l’État n’ont cessé de fondre et, depuis 2017, l’État ne finance plus du tout les Safer, sauf en Outre-mer. Le peu d’argent public qui reste – 2 % du budget en moyenne – provient essentiellement des régions. Aujourd’hui, 90 % du budget des Safer viennent des commissions qu’elles touchent sur les ventes. Et les 8 % restants sont issus d’études et de conseils, principalement à destination des collectivités territoriales.

    Quand le prix de la terre atteint de tels sommets, les jeunes agriculteurs ne peuvent pas suivre.

    Ainsi, la plupart de leurs recettes est désormais apportée par les transactions qu’elles réalisent pour vivre. Aujourd’hui sous-équipées, elles peinent à remplir leur mission. Pour maintenir leurs finances en bonne santé, elles ont intérêt à enchaîner les transactions et peuvent parfois mettre de côté leur objectif premier.

    En théorie, il est prévu que les Safer facilitent l’installation des jeunes agriculteurs. Mais lorsqu’un gros industriel se présente, elles ont du mal à dire non. À côté de Grasse, Chanel achète l’hectare à un million d’euros pour cultiver les fleurs qui entrent dans la composition de ses parfums. En proposant de tels prix, la société Chanel était sûre d’emporter le marché. À moins que la Safer locale ne s’y oppose : le code rural lui attribue la faculté d’utiliser son droit de préemption « avec révision de prix ».

    Si le tarif est surévalué, elle peut exiger une baisse. La Safer diffère alors la transaction, le temps de proposer au vendeur de nouvelles conditions conformes au prix local de la terre, fixé chaque année dans un document officiel, « Le Prix des terres ». Mais Chanel ne semble pas soumis aux mêmes lois que tous. La Safer locale autorise la vente. À ce sujet Emmanuel Hyest, le président national des Safer, ne souhaite pas non plus s’exprimer.

    Les perturbations pour le marché foncier sont pourtant réelles. La terre agricole voit s’affronter des prétendants à armes inégales. Quand le prix de la terre atteint de tels sommets, les jeunes agriculteurs ne peuvent pas suivre. Florian Duchemin se dit écœuré par cette « bagarre de l’hectare ». Après avoir recherché pendant quatre ans une parcelle pour s’installer en maraîchage dans la Drôme, il a dû trouver un travail dans l’informatique : « Vu le prix, bientôt il sera plus facile d’acquérir un trois-pièces à Paris qu’un hectare de terre arable. » « La concurrence est déloyale », conclut ce trentenaire en pointant des acheteurs qui viennent du monde industriel.

    Leur arrivée remonte au début des années 2010. Cette évolution survient au mauvais moment : un agriculteur sur quatre a plus de 60 ans. Dans les trois années à venir, 160 000 exploitations devront trouver un successeur. Qui seront les prochains paysans ?

    À l’origine de la création des Safer, le ministre du général de Gaulle puis de François Mitterrand, Edgard Pisani, avait imaginé cet outil comme des « offices fonciers » pour extraire les terres agricoles des logiques de marché : « J’ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu’une bonne dose d’ingéniosité suffirait à le résoudre. J’ai lentement découvert qu’il était le problème politique le plus significatif qui soit[1]. » Les Safer ne remplissent plus guère leur mission.

    En témoigne une autre transaction emblématique. En avril 2016, le groupe pékinois Reward, spécialisé dans l’agroalimentaire, faisait la « une » des médias. Ses achats mettaient au jour les failles du système français de protection des ressources agricoles. La société du milliardaire Hu Keqin venait d’acquérir 1 700 hectares de terre céréalière dans l’Indre et l’Allier – soit plus de vingt fois la surface moyenne d’une exploitation. À quoi étaient destinées les farines françaises ? À alimenter la chaîne chinoise de boulangeries Chez Blandine.

    Si l’affaire a choqué l’opinion publique, elle n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Et les industries acquéreuses de terre agricole sont aussi celles qui nous sont familières. Sur le marché des terres en France, on ne compte que peu d’acheteurs étrangers (2%). La médiatisation des acheteurs chinois masque les vrais enjeux. Il semble facile de regarder ailleurs, quand les entreprises nationales ou régionales jouent les premiers rôles.

    L’opération de la firme Reward a au moins amené une prise de conscience : les Safer manquent aussi de moyens juridiques, il faut les moderniser. Au milieu des années 2010, le monde agricole réclame une grande loi foncière pour adapter l’arbitre du marché foncier aux dernières évolutions. Un combat qui portera finalement ses fruits : le 14 décembre 2021, le Parlement français a adopté une loi « portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires ». Le texte prévoit la mise en place de nouveaux contrôles par les Safer, sous l’autorité du préfet qui devra donner son accord lorsqu’une entreprise (ou un groupe industriel) cherche à acquérir du foncier.

    Mais cette loi autorise de nombreuses « dérogations » qui la rendent en partie inefficace. Les Safer devront notamment apprécier également le « développement du territoire » au regard « des emplois créés et des performances économiques, sociales et environnementales ». Présentée comme une « étape », cette loi ne peut remplacer la grande loi foncière que les organisations agricoles appellent de leurs vœux.

    Sans réelle opposition pour les freiner, les firmes avancent dans l’espace rural.

    Première organisation de la profession, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) indique poursuivre la « réflexion en interne » pour protéger plus durablement les agriculteurs. « Il faut un changement de politique publique pour répartir autrement la terre », affirme la Confédération paysanne. Tandis que le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) demande, lui, qu’une loi « encadre les prix des terres agricoles de sorte qu’ils soient en corrélation avec le revenu agricole qui peut être dégagé sur ces terres ».

    La mission d’information parlementaire créée en décembre 2018 avait évoqué la création d’un outil centralisé de régulation du foncier agricole confié à une autorité administrative indépendante. La Commission européenne a d’ores et déjà autorisé des mesures de régulations fortes comme le droit de préemption en faveur des agriculteurs, un plafonnement de la taille des propriétés foncières, voire des mesures contre la spéculation. Il manque encore une volonté plus largement partagée, afin que la terre demeure un « espace politique », comme le définissait le sociologue et philosophe Henri Lefebvre. Autrement dit, un espace façonné́ par les décisions de tous et non de quelques-uns.

    Sans réelle opposition pour les freiner, les firmes avancent dans l’espace rural. Leurs fermes passent souvent inaperçues. À qui appartient la terre ? Il n’y a aucune marque dans le paysage. Toute une cohorte d’entreprises prend du pouvoir à la campagne : elles achètent ou louent les terres, les cultivent et organisent les récoltes à l’insu du plus grand nombre. À l’heure où l’agriculture paysanne a la cote, cette mutation discrète est en cours.

    Il faut contribuer à révéler cette dynamique qui échappe à l’appareil statistique. Sur les 26,7 millions d’hectares que compte la France, les grandes entreprises en possèdent-elles 100 000 ou 1 million ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Il est temps que les décideurs politiques s’emparent du sujet pour que l’on puisse mesurer sa valeur statistique exacte.

    Au fil des mois d’enquête, je me suis souvent confrontée à la difficulté d’accéder à l’information. Lorsque les portes sont fermées, il semble d’autant plus urgent de s’immiscer dans les rouages des transactions foncières. Car les nouveaux propriétaires fonciers font l’agriculture de demain. Qui sont-ils ? Dans quel intérêt investissent-ils ? À qui doivent-ils rendre des comptes ? Nous avons le droit de connaître les ressorts de ce que nous achetons.

    Quand une terre est cultivée par un groupe industriel, où est l’intérêt de la population ? La question devrait pouvoir être posée dans l’instance de la Safer. Problème, les commissions où se déroulent les ventes de terre se déroulent à huis-clos. Ainsi, les instances en charge des affaires foncières ne sont pas ouvertes au public.

    Les Safer ont tous les attributs d’un parlement pour partager le foncier – sauf la transparence. « Nous ne connaissons pas la teneur des échanges, nous n’avons aucun renseignement sur les débats, mais seulement sur la décision prise », explique Thomas, agriculteur en Loire-Atlantique. Pour lui, la démocratie pratiquée à la Safer ne devrait pas se passer à huis clos. « Pourquoi ne peut-on pas s’inscrire pour assister à un comité technique comme on peut le faire dans un conseil municipal ? »

    Dans les années à venir, les hectares qui se vendront vont-ils conforter l’agriculture de firme ou un autre modèle agricole ? C’est le rôle de nos Safer d’en décider. L’arbitrage des autorités sur un acte aussi primordial pour la vie, celui de manger, doit être davantage compris et mis en lumière.

    NDLR : Lucile Leclair a publié en novembre dernier Hold-up sur la terre aux éditions du Seuil.

  • 5 questions à Roland Riachi. Comprendre la #dépendance_alimentaire du #monde_arabe

    Économiste et géographe, Roland Riachi s’est spécialisé dans l’économie politique, et plus particulièrement dans le domaine de l’écologie politique. Dans cet entretien, il décrypte pour nous la crise alimentaire qui touche le monde arabe en la posant comme une crise éminemment politique. Il nous invite à regarder au-delà de l’aspect agricole pour cerner les choix politiques et économiques qui sont à son origine.

    https://www.carep-paris.org/5-questions-a/5-questions-a-roland-riachi
    #agriculture #alimentation #colonialisme #céréales #autosuffisance_alimentaire #nationalisation #néolibéralisme #Egypte #Soudan #Liban #Syrie #exportation #Maghreb #crise #post-colonialisme #souveraineté_nationale #panarabisme #militarisme #paysannerie #subventions #cash_crop #devises #capitalisme #blé #valeur_ajoutée #avocats #mangues #mondialisation #globalisation #néolibéralisme_autoritaire #révolution_verte #ouverture_du_marché #programmes_d'ajustement_structurels #intensification #machinisation #exode_rural #monopole #intrants #industrie_agro-alimentaire #biotechnologie #phosphates #extractivisme #agriculture_intensive #paysans #propriété_foncière #foncier #terres #morcellement_foncier #pauvreté #marginalisation #monoculture #goût #goûts #blé_tendre #pain #couscous #aide_humanitaire #blé_dur #durum #libre-échange #nourriture #diète_néolibérale #diète_méditerranéenne #bléification #importation #santé_publique #diabète #obésité #surpoids #accaparement_des_terres #eau #MENA #FMI #banque_mondiale #projets_hydrauliques #crise_alimentaire #foreign_direct_investment #emploi #Russie #Ukraine #sécurité_alimentaire #souveraineté_alimentaire

    #ressources_pédagogiques

    ping @odilon

  • #Grenoble, ville en transition écologique et sociale ?

    Entretien avec Vincent Fristot et Pierre-André Juven

    Que peuvent les villes pour lancer une dynamique de #transition_écologique et sociale ? La question se pose avec une actualité particulière pour les municipalités dirigées par une alliance de gauche, citoyenne et écologiste comme à Grenoble. Deux adjoints de la majorité issue des dernières élections, Vincent Fristot1 et Pierre-André Juven2 reviennent avec nous sur leur expérience, les initiatives prises en matière d’énergie, de transports ou d’urbanisme, leurs résultats et leurs limites.


    Mouvements : Grenoble a changé de majorité municipale dès 2014, pouvez-vous revenir sur les priorités que le « Rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes » s’était donné en matière de transition écologique, sur ce qui a été possible et ce qui n’a pas été possible durant la première mandature ?

    Vincent Fristot : Avant 2014, on avait vécu un mandat sans élu écologiste dans la majorité, il y avait eu une régression et un épuisement du pouvoir local, avec un maire en fin de parcours politique. Ça s’était traduit par une convergence vraiment exemplaire à gauche, avec une mobilisation citoyenne et écologiste très forte qui a permis de montrer qu’une autre voie était possible pour les politiques publiques locales avec des ambitions discutées lors de travaux de mise en commun d’objectifs. Concernant les aspects #mobilités, on sortait aussi d’une ère où on avait agi contre des projets de plan de #déplacement_urbain qui étaient focalisés sur une traversée routière (voire autoroutière) de la Bastille avec la construction d’un tunnel, ce qui représentait un investissement d’un à deux milliards d’euros qui allait plomber les finances publiques pour longtemps, et on avait réussi à faire annuler ce projet au tribunal administratif. Il était donc très important de repartir sur une feuille vierge. C’est comme ça qu’un #plan_de_déplacement urbain, le #PDU 2030, a pu être voté en métropole en 2019. C’était le premier axe. Le second était le plan d’#urbanisme, avec là encore des projets qui avaient été lancés dans le contexte du productivisme de la construction, avec plus de 1 000 logements neufs par an à Grenoble. Le rythme de construction était très important, y compris avec des immeubles de grande hauteur, donc il y avait des mobilisations très fortes qui ont aidé à renforcer la quête d’alternative. Il fallait aussi réorienter les outils des collectivités. On a des outils locaux puissants en matière d’#énergie, comme #Gaz_Électricité_de_Grenoble (#GEG) et la #Compagnie_de_Chauffage (#CCIAG) ; il était important de sortir de la gouvernance privée de ces Sociétés d’Économie Mixte qui sont majoritairement détenues par les collectivités. Je pense que la reprise en main de ces outils a été cruciale. Donc, pour résumer, une réorientation des #politiques_publiques vers l’usager, le citoyen, le climat, les ressources à utiliser avec sobriété, et puis la santé des habitant.es, au regard de la #qualité_de_l’air. Parfois, il faut y consacrer des moyens, mais on est aussi là pour trouver des aides, des subventions de l’Europe, de la Région, des différents niveaux institutionnels.

    Mouvements : Je reviens sur les enjeux qui sont à la frontière entre rénovation énergétique et construction. Quelles sont vos marges de manœuvre par rapport au parc privé et au PLU ?

    Vincent Fristot : Alors, plusieurs marges de manœuvre existent. Au niveau du #PLU, on a voulu brider les #consommations_énergétiques des futures opérations, y compris des rénovations, puisque la réglementation définit un plafond. On a baissé de 20 % ce plafond, ce qui permet déjà de donner une direction. Je me souviens qu’au moment de mettre en place cette mesure, des promoteurs sont venus dans mon bureau en disant que c’était impossible de faire ça, alors qu’on avait des opérations qui le mettaient déjà en œuvre. La #Caserne_de_Bonne avait été une opération d’#éco-quartier, primée au niveau national d’ailleurs, qui me permettait de dire : « Mais attendez, ça intéresse tout le monde, et vous ici, locaux, ça ne vous intéresse pas ? ». Et au fil des projets urbains de Grenoble, on a sans cesse rehaussé la barre en termes de performance. Pour le privé, la ville a aussi une dimension d’aménageur : elle rachète des terrains, les viabilise et les revend aux promoteurs d’opérations qui vont faire du privé. Et au moment de la vente, on a des leviers : en donnant des objectifs et des seuils minimaux de performance, de coût, on peut faire bouger beaucoup de choses. On a des opérations qui sont basées sur des matériaux en bois, d’isolants en paille ou en #matériaux_biosourcés, y compris de la terre. Nous, le matériau terre, on l’a mis en œuvre en tant que maître d’ouvrage dans une école sur la ZAC Flaubert (des briques de #terre_crue pour le rez-de-chaussée et du #bois). Mais on peut aussi le faire passer dans la commande de ce que l’on va réaliser via la construction de #logements publics ou privés. Donc ce sont des logements, des commerces ou des bureaux qui vont être commercialisés par les promoteurs en direction d’usagers privés ou des locataires, mais qui ont des qualités environnementales extrêmement performantes en termes de qualité de l’air intérieur, de choix des matériaux et donc à faible contenu carbone, à faible dépense énergétique, et surtout en termes de confort, parce que si l’hiver il faut chauffer, l’été, ici, il faut faire attention aux surchauffes. Dernier point : on a une agence locale de l’énergie et du climat qui est en capacité de venir inspecter les travaux finis et de faire un suivi avec les aménageurs. D’ailleurs, les projets européens exigent en général d’avoir un suivi de ce qui est réellement construit et consommé, une fois les vrais habitant.es dans les logements. Donc il y a vraiment une attention portée à l’ensemble du cycle de construction et on aboutit, je pense, à des choses qui sont assez performantes pour aller vers le bas carbone.

    Mouvements : Peux-tu revenir sur la question des compétences techniques et de la relation avec les services de la ville, en particulier quand on arrive dans une municipalité qui a ses traditions et qu’il s’agit d’infléchir les choses ? Quel genre de tensions ça peut générer ?

    Vincent Fristot : Comme dans toute organisation, il y a des rapports de forces qui peuvent s’exprimer au niveau technique, au niveau administratif, entre services, entre élu.es. C’est comme dans les entreprises. La question clé est celle du portage politique de ces sujets. Avec un maire qui, comme le nôtre, parle des transitions écologiques et sociales à longueur de journées ou de réunions, pour les adjoints c’est plus facile. Et puis quand on a un œil un peu attentif aux aspects techniques, finalement, des solutions nouvelles peuvent être trouvées. Mais en sept ans de mandat depuis 2014, on a dû faire, dans les services, de très importants changements de personnes ; en particulier pour certain.es qui arrivaient en fin de carrière et pour lesquels il était très difficile de concevoir l’activité de façon parfois très orthogonale à ce qui se faisait avant. C’est un gros virage à prendre que d’adopter une vision transversale, non plus enfermée dans son chemin traditionnel, mais en lien avec l’ensemble des acteurs.rices et des habitant.es avec cette conséquence que l’intégralité des dispositifs administratifs est concernée par les transitions.

    C’est une transformation qui n’est pas encore complète. Il y a encore beaucoup de productivisme, et arriver avec des scénarios de décroissance énergétique, ce n’est pas forcément ce qui est le plus facile. Par exemple, pour le gaz, on observe une décroissance importante de la consommation pour plusieurs raisons. On a une substitution du gaz par le réseau de chaleur pour certains usages parce qu’il est beaucoup plus performant au niveau environnemental. Il émet beaucoup moins de CO2 que le gaz, et en plus, en 2030, il devrait être 100 % renouvelable. On récupère de la chaleur issue de l’incinération des déchets ou du site chimique au sud de l’agglomération. Donc, on a une alternative aux combustibles fossiles. Il faut vraiment travailler sur les réseaux et donc, si on veut maintenir un service identique du gaz, même renouvelable, on est devant des difficultés d’investissement et des augmentations de prix.

    Mouvements : Quels sont les objectifs de réduction de la #consommation_énergétique à l’horizon 2030 pour Grenoble ?

    Vincent Fristot : Un schéma directeur énergétique de la métropole a été voté en 2017, avec moins 30 % de combustibles fossiles en 2030, lesquels représentent 85 % de la consommation. Donc, il y a un objectif fort de réduction. Forcément, comme je le disais, il y a des sujets autour des tarifs du réseau de chaleur. Donc, on a mis en place des comités d’usagers pour les services publics qui ont été créés autour de l’eau, autour du chauffage urbain et du gaz. Et sur l’eau je peux mentionner notre tarification sociale de l’eau qui est une spécificité de la métropole : pour certains ménages à bas revenus, il y a une redistribution, un abaissement de la facture, sans aucune démarche, ce qui est très important en termes de reconnaissance de l’accès à ce droit.

    Mouvements : Sur ces enjeux de consommation énergétique et de changement du mix, quelles sont les choses sur lesquelles vous butez vraiment, et qui relèveraient des limites des capacités d’action de la ville ?

    Vincent Frisot : Pour les projets énergétiques, la question décisive n’est pas nouvelle, elle est de savoir qui paie les transitions. Cela se traduit par des choses très concrètes quand on regarde les éléments du parc immobilier de la ville. Par exemple, celui des 80 écoles de Grenoble : comment faire pour rénover thermiquement cet ensemble ? On connaît les coûts. C’est 3 à 4 millions d’euros par groupe scolaire pour une rénovation thermique globale (ventilation, menuiserie et fenêtres, et isolation par l’extérieur). Comment on partage ce coût ? Certes, on peut bénéficier de subventions de l’Europe, etc. Mais comment on finance l’ensemble des opérations ? On est encore en train de chercher. Le but est d’en faire de plus en plus, de changer les modalités. On essaie d’en faire de notre côté en maîtrise d’ouvrage interne, ce qui évite des coûts externalisés, mais les marges de manœuvre sont faibles et les blocages sont d’ordre politique et financier. Au niveau national, on voit bien qu’il n’y a pas assez de volonté et de moyens pour réellement isoler des bâtiments de façon sérieuse, et le gouvernement continue à entretenir l’illusion qu’il a fait le nécessaire. Donc ce sont vraiment des choix politiques, y compris au niveau de la métropole où aujourd’hui on a un contexte politique nouveau. Lors du dernier mandat, on avait une cohérence d’ensemble entre les communes autour de Grenoble, entre l’agglomération et la ville centre. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Certaines communes veulent prendre un peu leur revanche par rapport à Grenoble, ce qui se traduit concrètement par une baisse des moyens pour les mobilités alternatives sur Grenoble. Certes, lors du premier mandat, il y a eu beaucoup de réalisations, mais il reste encore beaucoup de choses à faire, qui bénéficient à tout le monde. Et maintenant, pour de nombreuses politiques publiques, on voit que les projets de l’agglo sont plutôt portés sur la périphérie. Donc, on a aujourd’hui un problème de fonctionnement politique de la métropole. Cela concerne les outils historiques de la ville de Grenoble : la métropole est réticente à acquérir la compagnie de chauffage (GEG) même si elle va y être obligée, parce qu’aujourd’hui c’est elle qui a la compétence, plus la ville de Grenoble. Pour ce qui concerne le logement aussi, la métropole rechigne à se doter d’un vrai outil de construction et elle fait comme si elle pouvait continuer à vivre dans le train-train courant avec son budget classique, alors qu’elle est devenue une métropole, qu’il y a des enjeux extrêmement lourds en matière de transition, de justice sociale, de qualité de l’air, de climat. Tout cela ne se traduit pas réellement aujourd’hui par des engagements financiers. Et donc on en pâtit, y compris la ville-centre qui représente un tiers de la métropole.

    Mouvements : On va continuer avec Pierre-André Juven sur la question des mobilités alternatives, parce que dans la palette d’enjeux auxquels les « villes en transition » se confrontent aujourd’hui, il y a les enjeux d’étalement et la question des mécanismes pour favoriser d’autres mobilités voire une « dé-mobilité ».

    Pierre-André Juven : Effectivement, j’ai pris la suite de Vincent sur la délégation urbanisme avec une spécificité qui a été de lier cette délégation à celle de la santé. Le principe de la politique urbaine à Grenoble est la résultante d’une série de nécessités et d’urgences. Il y a un besoin de nouveaux logements et notamment de #logements_sociaux, qui n’exclut pas, par ailleurs, de travailler sur le logement vacant, le logement insalubre et le logement indigne. Si on considère qu’il faut limiter à tout prix l’#étalement_urbain et la logique pavillonnaire qu’on a pu connaître dans les décennies précédentes, lesquelles contribuent à l’#artificialisation_des_terres et à la destruction des surfaces agricoles, c’est dans les villes qu’il faut aller chercher le #foncier disponible. La nécessité de repenser l’urbanisme est aussi imposée par des enjeux écologiques et sociaux. D’où l’importance de lier la structuration urbaine et des mobilités favorables au climat et à la santé.

    À ce titre, la #zone_à_faible émission (#ZFE) est une des politiques publiques importantes en matière de #mobilité, de qualité de l’air et donc de contribution à la lutte contre le réchauffement climatique avec un fort impact sur la santé des populations. Quand on parle de ZFE, on observe très vite des crispations fortes et des tensions entre groupes politiques. C’est très difficile de sortir du dualisme entre d’un côté l’urgence climatique et sanitaire et de l’autre l’urgence sociale. On se retrouve face à cette opposition, au fond stérile, entre fin du mois et « fin du monde » alors que la crise écologique touche aussi plus fortement les ménages modestes, par exemple du fait des inégalités face aux pathologies chroniques induites par la pollution de l’air. Le principe de la ZFE est relativement simple, c’est un calendrier donné, imposé par la loi « climat et résilience » – que nous, à Grenoble, on aimerait voir plus ambitieux, mais c’est une politique métropolitaine, donc on n’est pas les seuls à décider – et ce calendrier définit à partir de quand on ne peut plus rouler avec tel type de véhicule. Le problème de la ZFE, est que, par exemple, un ménage qui aurait fait l’acquisition d’un diesel d’occasion il y a deux ans, devra changer de voiture dans deux ou trois ans. Et évidemment, c’est extrêmement difficile, parce que les ménages n’ont pas forcément les moyens de remplacer leur véhicule. Donc, la première question est : est-ce que tout le monde a besoin de remplacer sa voiture ? Et dans les études qui ont été réalisées par Transitec, une agence d’études sur les mobilités, a priori, il y a au moins un tiers du parc automobile grenoblois qui pourrait ne pas être renouvelé. Cela veut dire que si demain on dit à tout le monde : « Vous pouvez conserver votre voiture mais vous ne pourrez accéder à la ZFE que sous réserve de tel et tel critère », il y aura probablement un tiers des gens qui diront : « Moi, dans ce cas-là, je n’ai plus besoin de ma voiture », ce qui est a priori assez vertueux en termes de pollution de l’air et de surface disponible. On parle souvent de foncier disponible, mais à l’échelle d’une ville, la place occupée par la route, les parkings, le stationnement, est phénoménale. La solution, est donc de densifier l’offre de transport en commun pour permettre de dé-motoriser une partie des ménages. Ensuite, il faut un accompagnement financier. Mais cela a un coût. Ce sont les métropoles qui conduisent ces politiques, mais elles peuvent tout à fait être appuyées par l’État. Aux journées de France urbaine, au mois de septembre, Jean Castex a annoncé 450 millions pour les ZFE. On ne sait pas s’ils seront véritablement distribués parce que c’est une promesse d’année présidentielle et jusqu’ici l’État a peu contribué à doter les ZFE de moyens financiers.

    L’autre cause majeure de #pollution sur l’agglomération est le #chauffage au bois. Et quand on additionne la prime de l’État, celle de la métropole et celle de la ville – puisqu’on a voté au mois de mars une délibération « qualité de l’air » pour augmenter la prime de remplacement du chauffage au bois – les ménages modestes et intermédiaires ont un reste à charge de zéro pour le remplacement d’un appareil dont le coût peut être de 5 à 6 000 euros. Donc on peut tout à fait, si les collectivités et l’État mettent les moyens, engager une transition qui ne soit pas douloureuse pour les ménages précaires.

    A propos de ces tensions entre logique sociale et logique écologique, on a un autre enjeu qui est celui du suivi et de l’entretien des logements sociaux, avec des bailleurs sociaux qui sont dans des situations financières assez difficiles (du fait de la réforme des APL et d’autres mesures) et qui, tout en produisant du logement, sont en difficulté en matière de gestion locative, de réhabilitation des appartements et des immeubles, etc. Et là, c’est pareil, les choix sont le fait des collectivités dans les zones d’aménagement concertées dont parlait Vincent. On est à plus de 40 % de logements sociaux produits dans ces parties de la ville, avec un cahier des charges exigeant en matière de type de bâti, de qualité de l’air, d’espaces végétalisés, de services accessibles, etc. Ce sont des rapports de force omniprésents.

    Mouvements : Je reviens sur les enjeux du marché de la construction avec le problème de la convergence entre lobbies de l’immobilier et experts techniques, voire avec les services techniques de la ville. Jusqu’à quel point y êtes-vous confrontés ? Ou au contraire, parce que Grenoble a une longue histoire d’expérimentation dans ce domaine, le problème se pose de façon moins aiguë que dans d’autres villes ?

    Pierre-André Juven : C’est probablement moins aigu en ce qui concerne les imbrications entre enjeux techniques et orientations politiques. Ce que je vois avec notre mandature est que le travail qui a été fait entre 2014 et 2020, notamment par Vincent, a permis une acculturation assez forte aux idées portées par la majorité municipale, au sein des services techniques de la ville, auprès des agents de la ville, mais aussi pour nombre d’aménageurs qui sont des acteurs très important pour le suivi des opérations, notamment dans les ZAC. Vincent parlait des cultures professionnelles dans le milieu de l’énergie, et même si dans le milieu du bâtiment il y a aussi des cultures de constructeur, on arrive de plus en plus à poser la question de la réhabilitation. Donc, pour l’essentiel, ce travail d’acculturation, a été opéré depuis 2014, même s’il y avait à Grenoble une tradition datant de la zone d’aménagement concerté de Bonne.

    Mouvements : Comment trouver des sources de légitimité, des points d’appui qui ne sont pas simplement la parole des élu.es de la municipalité ? Par exemple pour convaincre les entreprises du BTP ?

    Pierre-André Juven : Il y a une nécessité à être assez solide techniquement pour pouvoir discuter avec les services, avec les acteurs économiques, pour être capable de justifier les choix en matière de qualité du bâti, de végétalisation, de surface et d’espace commun pour les habitant.es d’un immeuble, etc. Une des raisons, peut-être, pour lesquelles on est, à Grenoble, moins en difficulté que d’autres face aux promoteurs, est qu’il y a effectivement cette histoire longue de transition à Grenoble. Un certain nombre d’acteurs privés dans le domaine du bâtiment et de la promotion immobilière ont compris que ça allait être plus difficile pour eux d’engager des opérations à Grenoble s’ils ne prêtaient pas attention à un certain nombre d’exigences. Ce d’autant plus que l’attractivité et la valeur des biens qu’ils vont produire dépendent aussi des politiques de transition. Dès le moment où on met en avant la qualité de l’air intérieur, la végétalisation de la parcelle, un garage à vélos, l’infiltration de l’eau, la disposition de panneaux photovoltaïques et donc la consommation d’énergie pour l’immeuble, etc., pour les habitant.es de centre-ville, tout cela compte énormément. Donc c’est aussi stratégiquement intéressant d’un point de vue économique et marchand et on a des acteurs de la promotion et du bâtiment qui l’ont compris et avec qui on travaille plutôt bien.

    Une autre source de légitimité, si on se place dans une perspective politique plus large, est qu’on connaît les tendances de fond du dérèglement climatique : il y a des raisons objectives d’en tenir compte qui deviennent de plus en plus difficiles à contester. Les îlots de chaleur urbains à Grenoble, sont la résultante de phénomènes climatiques documentés depuis longtemps. De même, en matière de santé des populations, si l’urbanisme favorable à la santé trouve aujourd’hui des relais, c’est parce que cela fait déjà plusieurs années que cette question a été réfléchie, pensée et portée politiquement. Donc on a des phénomènes sociaux, climatiques, politiques, qui font que les acteurs économiques, d’une certaine façon, sont obligés de plier, parce que ce n’est pas seulement une volonté des responsables politiques locaux, parce que c’est devenu une volonté visible de la majorité des habitant·es.

    Mouvements : Peux-tu revenir sur cette question des îlots de chaleur : Grenoble est célèbre pour l’intensité du phénomène. Quelle est la politique de la ville ? Et comment articule-t-elle mesures de transition, démocratisation, implication des habitant.es ?

    Pierre-André Juven : Effectivement, on est une ville soumise en été à des phénomènes d’îlots de chaleur urbains et de canicule de plus en plus fréquents. On travaille beaucoup là-dessus, avec des géographes et des climatologues, d’abord pour nous aider à bien comprendre ce qui se passe. On sait que plusieurs choses favorisent ces îlots : les grandes surfaces verticales exposées au soleil de façon non filtrée : quand il n’y a pas de végétalisation, c’est le bâtiment qui prend directement la chaleur ; les rues disposées en canyon où l’air circule de façon restreinte ; la nature des matériaux utilisés pour construire ; la place de l’eau en ville aussi. Et puis il y a les activités anthropiques : la voiture, la climatisation, tout un tas de pratiques liées à l’homme. Donc, on a commencé à établir un diagnostic cartographié. On est à la confluence de trois massifs – Belledone, la Chartreuse et le Vercors – avec des grandes vallées et des courants d’air très forts ; on a deux fleuves, le Drac et l’Isère, qui sont des sources de fraîcheur importantes ; mais il y a des points de la ville où, par contre, les îlots de chaleur sont très forts. Et donc, il faut faire l’inverse de tout ce que j’ai listé, et on retombe sur des tensions difficilement solubles. Par exemple, concernant le logement de qualité, le rapport Girometti-Leclercq, qui a été remis à Emmanuelle Wargon il y a quelques mois, préconise d’augmenter la hauteur sous plafond, pour des raisons de qualité de l’air intérieur, d’espace, de lumière. Mais si on augmente la hauteur réglementaire, on augmente le risque d’îlots de chaleur. Il faut donc imaginer des solutions comme la végétalisation des façades, une couleur claire pour les bâtiments, l’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés. Donc là, on a nommé un adjoint pour travailler spécifiquement sur cette question : il est adjoint à la fraîcheur et à la nature en ville chargé de penser la place de l’eau dans la ville avec par exemple la possibilité de débuser un certain nombre de cours d’eau ou encore l’idée – et là on rejoint l’articulation de l’écologique et du social – de créer un lac baignable dans le parc de la Villeneuve, une cité d’un quartier populaire bien connu de Grenoble. Et puis après, il y a la lutte contre les activités anthropiques qui favorisent l’augmentation de la température. Et pour cela, la réduction du transport automobile dont on parlait est une priorité.

    Mouvements : Pour finir, au-delà de l’expérience de Grenoble, peux-tu parler de la manière dont vous inscrivez vos réflexions et vos politiques dans les réseaux de villes en transition ?

    Pierre-André Juven : Il y a plusieurs modalités de participation à ces réseaux. Il y a des participations par thématiques et par délégations, il y a des élu.es en charge du lien avec le réseau des villes en transition, via la biennale des villes en transition, mais il y a aussi les réseaux généraux de villes. Le maire est vice-président de « France urbaine » et participe activement à son animation. Je connais mieux le « réseau des villes santé OMS » qui fédère des villes de plusieurs couleurs politiques. Il porte des préoccupations sur les questions climatiques, de santé publique, d’offre de soins, de santé mentale, et conduit des opérations de plaidoyer pour des politiques de santé fortes auprès de l’État et du ministère.

    Mouvements : Dans quelle mesure ce réseau peut-il être une ressource à la fois pour la politique locale et pour jouer sur les échelles d’action, faire pression sur l’État ?

    Pierre-André Juven : Il s’agit surtout de ressources d’expertise. Le réseau des villes OMS a produit une série de travaux importants sur un ensemble de politiques publiques : sur les espaces verts et la santé, sur les mobilités et la santé, sur le sport et la santé, etc. Ses documents sont d’une part des synthèses de connaissances scientifiques mobilisables pour réfléchir et légitimer l’action politique mais il y a aussi des recommandations basées sur des expériences municipales qui permettent aux élu.es de disposer d’exemples et de s’inspirer d’initiatives prises ailleurs. Il s’agit donc à la fois d’information et de légitimité. Quand il faut justifier d’une politique publique en matière de santé, laquelle peut être contraignante – on parlait des rapports de forces avec des acteurs économiques dans le monde de la construction, c’est la même chose pour la santé –, disposer de ressources qui synthétisent une multitude d’avis et d’expertises, est un point d’appui important dans les négociations.

    A ce propos, j’aimerais insister sur la place paradoxale de la santé dans les discussions sur la transition écologique. C’est assez surprenant mais les politiques de santé à l’échelle de la ville sont celles qui suscitent le moins de débats, que ce soit en commission avec les oppositions ou en conseil municipal. Quelles que soient les arènes, les politiques de santé rencontrent très peu d’intérêt. Si on parle des écoles, de la culture, de l’urbanisme, des mobilités, des espaces publics, de la propreté, on a immédiatement un débat. Mais la santé est quelque chose qui semble complètement apolitique…peut-être parce que c’est difficile d’aller s’opposer à des politiques publiques qui visent l’amélioration de la santé des populations. Donc articuler étroitement la question de la santé et celle de la transition écologique est aussi une façon de rendre plus difficile l’expression d’une opposition frontale. C’est assez clair quand on parle de qualité de l’air. Si sur le chauffage au bois et la voiture, on invoque le climat ou la pollution, on va en convaincre quelques-uns, mais ça ne va pas être irréfutable. Si, par contre, on invoque les asthmatiques et les personnes qui meurent de la pollution tous les ans, ça devient en fait quelque chose qui n’est plus contestable. Et c’est valable pour de nombreux sujets : sur la qualité des logements, sur les mobilités, sur la biodiversité. Dans la légitimation de la transition écologique, la santé est un levier politique complètement sous-estimé alors qu’il est extrêmement puissant. L’imbrication du dérèglement climatique et des enjeux sanitaires est tellement forte que porter des politiques publiques visant ces derniers suppose des politiques publiques visant le premier. Parler santé permet d’entraîner l’adhésion, et de gagner des combats politiques, ou en tout cas de rendre plus difficile à nos adversaires de bloquer les politiques de justice sociale et de transition écologique.

    https://mouvements.info/grenoble-ville-en-transition-ecologique-et-sociale

    via @isskein

    ping @olaf

    • Des preuves concrètes de ça ou de la médisance gratuite ?

      Ces réflexions sont en grande partie issues des échanges qui ont eu lieu au lancement de la foncière Antidote aux Laboratoires d’Aubervilliers, le 12 novembre, en présence de nombreux collectifs et invité·es, animés par Jade Lindgaard avec les interventions de Sarah Vanuxem et Isabelle Stengers.

      Habiter sans posséder est le titre de l’ouvrage édité par la maison d’édition Les Presses du Faubourg, qui fait partie du collectif Ancrage à Nancy. Il réunit les actes de rencontres tenues en 2018 à Dijon avec des contributions de Florence Gauthier, Jérôme Baschet, Longo Maï, le Mietshäuser Syndikat allemand, Aurélien Berlan ou encore la revue Panthère Première.

      Est-ce qu’il y a ne serait-ce qu’un élément quelconque permettant d’affirmer que tous ces collectifs et personnes clairement impliquées depuis longtemps dans l’autogestion et l’autonomie aient quoi que ce soit à voir avec « le capital déguisé en vert » ?

      Bon courage. :D

    • Il ne suffit pas d’aligner des patronymes plus ou moins célèbres et d’exalter des micro-intiatives isolées pour mettre à bas le capitalisme et le sacro-saint « droit de propriété », toujours les mêmes maladies infantiles, se faire plaisir dans l’entre-soi et soigner sa visibilité à l’heure où nous sommes tous condamnés à devenir les « entrepreneurs de nous mêmes »...

    • Inversement, il ne suffit pas de râler acerbement sans argument pour mettre à bas les initiatives d’autonomie et d’utilisation du droit tel-qu’il-est-sur-le-moment pour se réapproprier des biens en collectif.

      En gros tu rages parce que là c’est des collectifs autonomes et pas des collectivités étatiques/régions/services publics ?

      Tu ne dis toujours pas pourquoi (et/ou ce que tu préférerais en comparaison).

      (Personne ne voit le rapport entre tenter de recréer des biens communs à la fois non marchands et non étatiques en utilisant telle ou telle possibilité juridique du moment et « être entrepreneurs de nous-mêmes »…)

    • Imaginer de mini-enclaves libérées de toute contrainte qui « changeraient la vie » est au mieux, se baigner d’illusion, et toujours jouer les idiots utiles, avec des initiatives immédiatement récupérées par le Moloch. Voir la bande à Hidalgo, le Grand Paris et leurs parrains promoteurs... Tout cela sonne comme un renoncement à affronter l’infrastructure économico-juridique qui perpétue la dévastation de tout ce qui bouge encore.

    • Je n’ai toujours absolument pas compris le rapport entre cet article qui parle uniquement d’un point précis (supprimer justement la propriété privé qui est une des bases, loin d’être la seule, du capitalisme, sur des biens et des terrains) et le capitalisme vert, Hidalgo et le Grand Paris, etc.

      Comme d’hab à parler de grands soirs où on mettrait à bas « tout le capitalisme » (d’un coup d’un seul ?), on ne fait strictement rien de concret… On en est encore là en 2022 à opposer grands mouvements nationaux/internationaux (qui de fait n’existent à peu près pas et n’ont à peu près pas de poids) et actions locales ? Lol. Surtout que toutes les personnes et actions citées ici sont clairement des actions collectives, et qui s’entraident et se coordonnent ensemble et non pas des robinsonades chacunes dans leur coin (genre « avec ma ptite famille on cultive des potirons dans le Larzac et si chacun faisait pareil le monde changerait »).

      Comme l’explique brillamment Aurélien Berlan dans son dernier livre Terre et Liberté, pour « mettre à bas le capitalisme », une des bases obligatoire c’est la reprise en main collective (toujours collective) de la subsistance. Donc arracher des lieux et des terres à la propriété privé en fait partie, et ça ne peut se faire pareil dans tous les pays, comme disent les zapatistes, chacun doit lutter à sa manière en son lieu et en son temps. Eux l’ont fait par les armes dans les années 90 après plus de 20 ans de préparation : en France cette méthode ne peut clairement fonctionner, donc ici on doit remettre des bâtiments et des terres en propriété collective d’autres manières, en utilisant forcément d’autres mécanismes. Et de nombreuses personnes pensent que propriété collective et gestion des biens communs = à faire au maximum en dehors des instances de l’État (donc pas appartenant à l’État, ni la Région, ni le Département, etc).

      Bref, je ne vois toujours pas le rapport avec la choucroute d’Hidalgo (mettre sur le même plan Hidalgo et Longo Mai, Baschet, Berlan, c’est très audacieux).

    • « Arracher des lieux et des terres à la propriété privée », même pas en rêve ! Admettons qu’un collectif quelconque fasse une acquisition foncière, construise qq chose, etc. , qu’est-ce qui garantit que quelques générations plus tard, les descendants du collectif initial, ou quelques uns bazardent tout, ça se voit tout le temps, et je sais de quoi je parle :-)

      Ce qui me chagrine c’est que la promotion de ce genre de trucs fait hélas l’économie de tout ce qui se passe, et de pire en pire, dans le monde réel.

      On bricole une petite survie dans son petit coin en fermant les yeux sur les mécanismes en oeuvre partout ailleurs.

      Aucun rêve d’un grand soir là dedans. Juste rappeler qu’il est aussi important d’ouvrir la boite noire des grands méchants loups, ce qui est valable dans tous les domaines de la vie.

    • Aucun rapport effectivement. Pour moi, l’intervention de Marc Laimé est dans le même registre que le « Delenda Carthago » que Caton assénait dans tous ces discours. Dans l’absolu, il montre la permanence d’une certaine vigilance dont on peut se désoler qu’elle s’émousse, par ailleurs, de plus en plus. Mais en l’espèce, il montre que celle-ci se manifeste sans égard pour les contenus qui lui sont soumis. Et si ce n’est peut-être pas sans rapport avec le fait d’être éloigné de ces contenus particuliers, le manque de retenu est tout aussi fautif que le manque d’opiniâtreté.

    • je sais de quoi je parle

      Et donc ces expériences passées (qui ne sont pas ignorées par les propositions d’Antidote, bien au contraire) invalident en soi, toutes les réflexions et les tentatives nouvelles qui sont faites pour, justement, ne pas les reproduire ?

      Bon... c’est un peu la mécanique du #mansplaining, ça !

    • Admettons qu’un collectif quelconque fasse une acquisition foncière, construise qq chose, etc. , qu’est-ce qui garantit que quelques générations plus tard, les descendants du collectif initial, ou quelques uns bazardent tout.

      Rien ne garantit que « tout soit bazarder », mais en tout cas, la proposition d’Antidote c’est que les conséquences du « grand bazar » se limitent à la dispersion du collectif, pas à la possibilité d’un usage collectif pérenne (et non marchand) du foncier. Évidemment, pour saisir cela (et éventuellement critiquer la solution proposée pour l’accomplir) il faut aller au delà du « delenda carthago ».

      Je précise que j’ai moi-même des objections sur la solution proposée

    • Ce qui me chagrine c’est que la promotion de ce genre de trucs fait hélas l’économie de tout ce qui se passe, et de pire en pire, dans le monde réel.
      On bricole une petite survie dans son petit coin en fermant les yeux sur les mécanismes en oeuvre partout ailleurs.

      C’est un peu « à la serpe » ce genre de prise de position. Qu’est-ce qui empêchera les parties prenantes du projet de se pencher (et de lutter) contre ces mécanismes de domination que tu dénonces ?

      Ce que je retiens aussi, c’est que le fonds de dotation s’accompagne d’un bail « emphytéotique » de 99 ans. On va dire trois générations grosso-modo.
      Maintenant, le fait que ces fonds fonctionnent sur le don (d’argent, de foncier ou autre) est aussi un avantage car le don n’est pas un investissement. Par contre, si des tractations occultes interviennent entre les donateurs et les fonds, alors on est dans la corruption. Évidemment, la vigilance et la transparence restent indispensables.

    • Surtout que « les mécanismes en oeuvre partout ailleurs » est une formule posée comme si ceux-ci avaient une évidence incontestable. Si ça se trouve, on n’est pas du tout d’accord sur les ressorts des mécanismes en question.

    • qu’est-ce qui garantit que quelques générations plus tard, les descendants du collectif initial, ou quelques uns bazardent tout,..

      Rien n’est jamais garantie pour les générations plus tard et heureusement que les générations plus tard aurons le choix de changé ce qui aura été fait dans une autre époque avec un autre contexte et d’autres besoins. Imaginons que le grand soir arrive et que des changements profonds soient faits, ca serait horrible de figé les générations suivantes pour leur imposé cet instant du grand soir éternellement. Alors ne rien faire au prétexte que peut être dans le future les génération prochaines pourraient défaire ce qu’on a fait me semble absurde. Ca serait une sorte de dictature étérnelle.

      Aussi je pense pas que ce collectif ne luttte pas aussi contre le grand paris et tout et le fait de chercher et d’expérimenté des choses à l’échelle locale n’empêche pas d’agir aussi au niveau globale simultanément. Perso j’ai du mal à imaginé qu’un mouvement mondial d’abolition de la propriété surgisse tout à coup partout de la meme facon au meme instant. Forcement il y aura des initiatives locales, même au niveau d’un pays ou d’un continant qui abolirait la propriété ca resterait une initiative locale.

  • Faire du #logement_social un #bien_commun ? Regards vénézuéliens
    https://metropolitiques.eu/Faire-du-logement-social-un-bien-commun-Regards-venezueliens.html

    Peut-on faire du logement social un bien commun fondé sur une gestion participative ? Yaneira Wilson revient sur l’ambition et les ambiguïtés du grand programme pour le logement social lancé par Hugo Chávez au #Venezuela. De Hugo Chávez à la gouvernance actuelle de Nicolas Maduro, le Venezuela a engagé depuis 1999 un ensemble de réformes visant la création d’un « #socialisme du XXIe siècle ». Transformé, le pays a vu ses anciennes politiques publiques démantelées au profit de nouveaux dispositifs, les « #Terrains

    / bien commun, logement social, #architecture, socialisme, Venezuela, #Amérique_latine, #foncier, (...)

    #propriété
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_wilson.pdf

  • Souveraineté alimentaire et accès à la terre

    « Cette étude, dont vous tenez le résultat entre les mains, est le troisième volet d’une série consacrée à l’accès à la terre, thématique centrale du programme 2017-2021 d’Entraide et Fraternité (EF). Les deux premiers volets ont été consacrés en 2018, à Madagascar et en 2019, aux Philippines.

    Cette dernière contribution, consacrée à l’insécurité foncière en République démocratique du Congo (RDC), s’inscrit également, de façon plus transversale, dans une réflexion sur la « décolonisation des savoirs », suscitée par un collectif de chercheurs de l’Angaza Institute de Bukavu, en partenariat avec l’Université catholique de Louvain. Le défi relevé consistait à identifier, à prendre en compte et à déconstruire les relations de pouvoir logées au cœur de la fabrique de la connaissance. »

    Note sur : Emery Mushagalusa Mudinga : Insécurité foncière en RDC
    L’accaparement des terres dans la province du Sud-Kivu : expériences paysannes

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/08/27/souverainete-alimentaire-et-acces-a-la-terre

    #international #terre #alimentaire