L’économie va avoir « massivement » besoin de travailleurs étrangers, alerte le patronat
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L’économie va avoir « massivement » besoin de travailleurs étrangers, alerte le patronat
Par Elsa Conesa
Grand absent des débats autour du projet de loi sur l’immigration, le patronat a finalement pris la parole mardi 19 décembre, alors que les discussions entre le gouvernement et les oppositions s’étiraient à l’Assemblée nationale. « Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a expliqué Patrick Martin, président du Medef, sur Radio Classique, soulignant que « d’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social et notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».
Confronté à des pénuries de main-d’œuvre dans presque tous les secteurs de l’économie après la crise sanitaire, le patronat est pourtant resté silencieux ces derniers mois, au grand dam du gouvernement qui espérait un soutien des milieux économiques. Seules quelques fédérations concernées au premier chef, comme celle des hôteliers et restaurateurs, ou des services à la personne, sont montées au créneau en faveur des régularisations. Le texte, à travers son article 3, visait pourtant à répondre à ces difficultés en créant un titre de séjour pour les travailleurs immigrés exerçant dans les métiers en tension. « C’est le patronat qui a demandé qu’il y ait plus de main-d’œuvre », avançait le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans Le Monde, en novembre 2022, en présentant le contenu du texte.
Dans ce contexte, la sortie du président du Medef n’est évidemment pas passée inaperçue. Elle n’en reste pas moins d’une grande prudence. Patrick Martin dit regretter que le volet économique du débat sur l’immigration soit « occulté » par la question des régularisations. Et évoque plutôt le défi de long terme, à savoir le déclin démographique et le vieillissement de la population, qui vont tout à la fois assécher la population active et créer de nouveaux besoins autour du grand âge. « On ne s’est pas interrogé finalement sur ce qui est l’essentiel : aura-t-on ou non besoin de main-d’œuvre immigrée, bien sûr légale (…) à partir de 2036 ?, a ajouté Patrick Martin. On pense qu’on aura du mal à échapper à ça, comme beaucoup d’autres pays qui ont fait ce choix. »
Historiquement, le patronat a longtemps joué un rôle moteur dans la politique migratoire, rappelle l’historien du patronat et chercheur au CNRS Hervé Joly. « Jusqu’à la crise des années 1970, l’immigration était encouragée par les milieux libéraux et la droite, car elle favorisait la concurrence sur le marché du travail et permettait de recruter une main-d’œuvre moins chère. Sans que cela soit toujours assumé publiquement, car les syndicats et la gauche y étaient plutôt hostiles. » Un embarras qui demeure. « On avait d’autres sujets, l’Agirc-Arrco, le budget de la Sécurité sociale… », avance l’organisation pour expliquer son mutisme, affirmant n’avoir été consultée ni par les partis ni par le gouvernement, alors que ce dernier s’y était engagé. L’immigration économique, c’est « moins de 10 000 personnes par an », soit une « toute petite fraction » de l’immigration totale, argumente-t-elle encore.
Si le patronat s’est tenu à distance des débats enflammés sur l’immigration, c’est aussi qu’il a craint d’être pris pour cible et, au final, de marquer contre son camp. L’opportunité de s’exprimer ou non ? Un choix « cornélien », expliquait récemment un dirigeant de l’organisation, en soulignant le risque d’être attaqué par La France insoumise ou le Rassemblement national.
Peu de fédérations ont par ailleurs été demandeuses d’une prise de parole publique de sa part, en dehors de celles qui l’ont fait directement : l’industrie manque cruellement de soudeurs, de chaudronniers, d’ingénieurs, mais ces pénuries en travailleurs qualifiés ne sont pas celles visées par la mesure sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Beaucoup de patrons considèrent en outre qu’une application systématique et plus homogène sur le territoire de la circulaire Valls de 2012 serait suffisante. Et plaident pour que le gouvernement fasse plutôt revenir vers l’emploi les personnes qui s’en sont éloigné. A ces raisons s’ajoutent les convictions personnelles de dirigeants qui, parfois, s’opposent à leurs besoins économiques. Elsa Conesa
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