Article précédent (2009) de la même auteure, Emmanuelle Zolesio, accessible sur cairn.info
Des femmes dans un métier d’hommes : l’apprentissage de la chirurgie - Cairn.info
▻https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2009-2-page-117.htm
Alors que la médecine compte de plus en plus de femmes, la chirurgie résiste encore largement à l’ampleur de ce mouvement et demeure incontestablement un bastion « masculin ». Pour donner quelques ordres de grandeur de cette réalité, on peut noter que le taux de masculinisation de la chirurgie était de 83 % en 1994-1995, de 87 % en 1997-1998 contre 26 % et 21 % pour celui de la pédiatrie [Jaisson, 2002]. Le constat reste valable pour les jeunes générations puisqu’on compte seulement 29,5 % des effectifs s’orientant vers les spécialités chirurgicales à l’issue des ecn (Épreuves classantes nationales)... en 2004, alors mêmes que les femmes représentent 58 % des étudiants affectés (et encore faudrait-il déduire de ces effectifs les nombreuses étudiantes s’orientant vers des spécialités médico-chirurgicales telles que l’ophtalmologie ou l’orl pour avoir une juste mesure de la répartition sexuée des jeunes entrants dans les spécialités chirurgicales « pures » . La chirurgie est une spécialité masculine, par son recrutement mais aussi par ses caractéristiques techniques, organisationnelles et par sa culture professionnelle. Dans ce contexte, les femmes, véritables exceptions statistiques, se révèlent une bonne « entrée » pour révéler certaines dimensions de la socialisation professionnelle en chirurgie. Tel est notre parti pris théorique et méthodologique. La position atypique des femmes se révèle un excellent analyseur des dispositions (dites « masculines ») requises par le milieu professionnel chirurgical et de la façon dont la profession sélectionne ses candidats et les transforme. Il convient donc d’ouvrir la « boîte noire » de la socialisation professionnelle et d’éclairer le contenu (qu’est-ce qui est transmis dans le métier, au-delà des compétences opératoires ?) ainsi que les modalités concrètes de perpétuation de cette culture professionnelle (comment cela se transmet en pratique ?) au travers de la trajectoire de chirurgiennes. L’analyse sera centrée sur la période de l’internat, essentielle dans le processus de socialisation professionnelle.
Noter que le taux de féminisation de 23% en 2006 descend, dans le tableau qui le présente, à 8,5% pour « les spécialités strictement chirurgicales ».