• L’« Ubérisation » de l’emploi est déjà partout !, Marie-Claire Carrère-Gée (Présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE))
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/11/05/l-uberisation-de-l-emploi-est-deja-partout_4803410_1698637.html

    Les débats sur les nouvelles #formes_d’emploi sont marqués par la nostalgie d’un passé imaginaire – l’âge d’or du CDI – et la fascination pour un avenir fantasmagorique – la fin du salariat.

    Or, l’âge d’or du CDI n’a jamais existé. La construction législative et jurisprudentielle du #CDI comme emploi protégé et stable ne date que des crises des années 1970. Au même moment, le législateur reconnaissait l’#intérim et le #CDD, leur assurant ainsi une progression fulgurante.

    En fait, depuis le début des années 2000, la répartition des grandes composantes de l’emploi – en CDI, temporaires, indépendant – est stable. En France, comme ailleurs, le CDI demeure la forme ultradominante d’emploi, autour de 87 % de l’emploi salarié. L’explosion du CDD et de l’intérim est derrière nous. Et nous n’assistons pas non plus à une explosion du #travail_indépendant : il s’est stabilisé autour de 10 % de l’emploi total, avec un regain récent tiré par l’autoentrepreneuriat.

    C’est vrai, on assiste à une diversification des formes juridiques d’emploi aux confins du salariat et du travail indépendant, avec le portage salarial, les coopératives d’activité et d’emploi, ou lorsqu’un indépendant exerce son activité dans un cadre contraint (la franchise, l’agent commercial mandataire indépendant, le gérant non-salarié de succursales de commerce de détail). Mais ces formes d’emploi, récentes ou plus anciennes, sont ultraminoritaires.

    Le CDI déjà minoritaire

    Alors, rien n’aurait changé ? Si, bien sûr. C’est même à un véritable bouleversement auquel nous assistons, avec une grande vague de #flexibilisation et d’#individualisation, qui touchent toutes les conditions d’emploi.

    A tout seigneur, tout honneur, le premier concerné est le CDI : le fameux « CDI à temps plein avec des horaires stables et chez un seul employeur » est déjà minoritaire, avec la progression du #temps_partiel, qui concerne un peu plus de 4 millions de #salariés, et des horaires décalés et variables. Près d’un tiers des salariés travaillent habituellement ou occasionnellement le dimanche, contre un sur cinq il y a vingt ans. La part des horaires à la carte a aussi quasiment doublé et dépasse les 10 %. L’unité de lieu du travail est également remise en question avec l’essor du #télétravail, qui concerne près de 17 % des actifs.

    La flexibilisation progresse aussi de façon fulgurante au sein des CDD : les contrats temporaires les plus courts explosent. Les flux d’emploi de moins de trois mois en CDD ou intérim représentent neuf embauches sur dix. L’explosion est encore plus forte pour les contrats de moins d’un mois.

    L’emploi indépendant s’individualise également de plus en plus : c’est, en son sein, l’emploi indépendant sans aucun salarié qui progresse avec notamment 1 million d’#autoentrepreneurs.

    Individualisation de l’activité

    Mais le phénomène le plus marquant de ces dernières années est l’individualisation de l’activité elle-même, avec l’explosion de la #pluriactivité – avoir plusieurs emplois salariés, ou un emploi salarié et un autre indépendant. Elle concerne aujourd’hui plus de 2,3 millions d’actifs, contre 1 million il y a dix ans. Un tiers des autoentrepreneurs le sont en complément d’un emploi salarié.

    A l’origine de ces évolutions, il y a des facteurs économiques : la crise, la financiarisation et la mondialisation de l’économie, qui conduisent les entreprises à réduire leurs coûts ; l’essor du secteur tertiaire ; l’installation d’un #chômage de masse, qui réduit les capacités de négociation des actifs.

    Mais des facteurs sociologiques sont aussi à l’œuvre, avec des aspirations croissantes à davantage d’autonomie dans le travail, et de liberté dans la gestion de son temps. Enfin, l’essor des nouvelles technologies donne un formidable élan à toutes les formes d’activité dans lesquelles le travail ne s’exerce pas dans l’#entreprise qui embauche.

    C’est le cas des sites de « jobbing » entre particuliers, des plates-formes de services entre professionnels, des sites de free-lance, où un nombre important de personnes, rémunérées ou non, contribuent à la réalisation d’un #projet divisé en microtâches.

    Stress, flou entre vie professionnelle et personnelle

    Pour les entreprises, les avantages vont de soi. Mais, énormément d’actifs y trouvent également leur compte, et davantage encore le pourraient : meilleur accès à l’emploi, revenus supplémentaires parfois très significatifs, diminution du risque en multipliant les employeurs ou donneurs d’ordre, souplesse dans l’organisation de son temps, plus grand intérêt d’un travail autonome et varié, acquisition de nouvelles compétences, possibilités accrues de reconversion, envie de faire autre chose en plus ou à la place de l’activité habituelle.

    Les risques sont tout aussi clairs : stress, flou entre vie professionnelle et personnelle, enfermement dans la #précarité, difficulté d’accès aux prêts et au logement pour les CDD très courts et les indépendants, déplacement du partage du risque économique, pertes de chance d’accéder à la formation, perte de ressources pour les assurances sociales, difficulté d’application de la législation du travail (notamment pour la rémunération minimale, la durée maximale et la santé), nécessité d’inventer d’autres formes de dialogue social…

    Il n’y a pas l’ancienne économie, d’un côté, et la nouvelle économie, de l’autre, les salariés et les « anciens indépendants » contre les « ubérisés » : la nouvelle économie est partout. L’enjeu n’est pas d’inventer de nouvelles formes juridiques d’activité, mais de maximiser les avantages de la flexibilisation et de l’individualisation de toutes les formes d’emploi, et d’en minimiser les risques pour tous.

  • CIP-IDF > Remarques sur les intitulés des annexes - Commission annexe, article 3
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7552

    Réunie ce jour, la commission annexe décide d’axer sa séance sur une question lexicologique à propos des 11 annexes de la convention d’#assurance_chômage du 14 mai 2014.

    Nous savons que chaque annexe regroupe des pratiques d’#emploi particulières, en tout cas qui ont une raison de ne pas dépendre du Règlement général.

    Mais la formulation du lien de #subordination entre l’employé et l’employeur diffère selon les annexes (et même peut-être selon les époques, cf. infra), voire à l’intérieur d’une même annexe.

    Dans les annexes de la convention du 14 mai 2014, la définition de l’employé se décline suivant au moins sept axes, sept entrées différentes :

     La désignation de l’emploi :
    o Bûcherons-tâcherons (annexe I)
    o Personnels navigants (annexe II)
    o Ouvriers dockers (annexe III) ; Ouvriers de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle (annexe VIII)
    o Salariés #intérimaires (annexe IV)
    o #Salariés occupés hors de France ou par des organismes internationaux, ambassades et consulats (annexe IX)
    o #Travailleurs (à domicile, annexe V)
    o Anciens titulaires d’un #CDD (annexe VI), d’un contrat de professionnalisation (annexe II)
    o Apprentis (annexe II)

     L’activité elle-même
    o VRP : Voyageurs représentants placiers (annexe I)
    o Bûcherons-tâcherons (annexe I)
    o Journalistes (annexe I)
    o Assistants maternels (annexe I)
    o Marins-pêcheurs (annexe II)
    o Ouvriers dockers (annexe III)
    o Techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du #spectacle (annexe VIII)
    o Artistes du spectacle (annexe X)

     Un rapport au lieu du travail
    o VRP : Voyageurs représentants placiers (annexe I)
    o Personnels navigants de l’aviation civile (annexe I)
    o Personnels navigants de la marine marchande (annexe II)
    o Ouvriers dockers (annexe III)
    o #Travailleurs_à_domicile (annexe V)
    o Salariés occupés hors de France ou par des organismes internationaux, ambassades et consulats (annexe IX)

     Un rapport au temps spécifique
    o Salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire (annexe IV)
    o Anciens titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, ayant obtenu une prise en charge des dépenses afférentes au titre d’un #CIF (annexe VI)

     La désignation de l’employeur
    o Salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire (annexe IV)
    o Salariés occupés hors de France ou par des organismes internationaux, ambassades et consulats (annexe IX)

     Le type de rémunération
    o Le bûcheron-tâcheron (annexe I)
    o agents rémunérés à la commission (annexe I)

     un rapport à la formation
    o Anciens titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, ayant obtenu une prise en charge des dépenses afférentes au titre d’un CIF (annexe VI)
    o Apprentis et titulaires d’un contrat de professionnalisation (annexe XI)

     …

    Il faudrait réfléchir à l’importance des ces nuances de formulation. Ces précisions sont-elles en lien avec le #droit_du_travail ? Sont-elles sont les vestiges, les traces de l’évolution dans le temps des différentes #formes_d’emploi en France ?

    #Lexicologie #bureaucratie #droit_social