• Dans l’#Allier, inquiétudes autour de l’ouverture d’une mine de #lithium et de ses matières radioactives

    La production de matières radioactives d’un site d’#Imerys dans l’Allier va considérablement augmenter si sa mine de lithium est autorisée. Mais personne, ou presque, n’est au courant. Car l’industriel s’est montré particulièrement discret sur ce sujet sensible qu’il a omis de déclarer pendant plusieurs années.

    « Des produits radioactifs à #Échassières ? Jamais entendu parler ! » Maurice Deschamps est maire de #Lalizolle (Allier), commune où pourrait voir le jour l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe. La préfecture vient de donner le feu vert au groupe Imerys pour y construire un site pilote d’#extraction et de transformation du minerai.

    Contacté par Mediapart au téléphone, le maire, ancien responsable à la direction départementale de l’agriculture, assure avoir suivi la plupart des rencontres organisées par l’entreprise avec les élu·es depuis l’annonce du projet, en octobre 2022. « Jusqu’à une par mois, c’est beaucoup ! » Il a aussi assisté à plusieurs des vingt-quatre réunions publiques organisées par la Commission nationale du débat public (CNDP) entre mars et juillet 2024.

    Pourtant, comme tous les édiles des communes voisines qu’a pu joindre Mediapart, Maurice Deschamps ignorait que le projet « #Emili » (exploitation de #mica_lithinifère par Imerys) impliquerait de produire chaque année plus de 1 millier de tonnes de #matières_radioactives. Car dans cette même roche, Imerys compte extraire du lithium, mais aussi d’autres #minéraux comme du #tantale et de l’#étain, particulièrement concentrés en #uranium.

    C’est sur la #Bosse, une colline boisée qui domine le bocage bourbonnais, que le projet de mine s’apprête à démarrer. Pour atteindre le #gisement de lithium, une galerie sera creusée sous une carrière de #kaolin, matière première de la porcelaine, en exploitation depuis plus d’un siècle. Elle a été rachetée en 2005 par Imerys, propriété du groupe Bruxelles-Lambert (contrôlé par les familles de milliardaires #Frère et #Desmarais).

    Activité nucléaire

    À côté de la #fosse_d’extraction de kaolin se trouve une usine où le #minerai est purifié et traité. Mais depuis les années 1980 au moins, on y traite aussi d’autres matériaux extraits dans cette fosse : de l’étain, du tantale et du #niobium. Quand il sort de cette laverie, ce concentré de métaux bruts, semblable à une pâte noire, est stocké dans des fûts puis expédié à l’étranger. Les métaux, une fois purifiés dans une fonderie, pourront notamment être utilisés pour produire de l’électronique. Or, ce concentré métallique a une particularité sur laquelle l’industriel et les autorités se sont montrés très discrets : il est radioactif.

    Sa composition est donnée dans les petites lignes du dossier de l’enquête publique qui vient de s’achever en vue de la construction à Échassières des phases pilotes du projet Emili, une galerie de reconnaissance et une usine : « Le concentré [d’étain, tantale et niobium – ndlr] possède une certaine #radioactivité du fait de la présence d’une faible concentration en #uranium […] et #thorium », a précisé l’industriel dans ce dossier d’enquête de 3 500 pages.

    « On peut estimer la radioactivité totale d’un tel concentré à environ 300 000 becquerels par kilogramme, explique Julien Syren, géologue et codirecteur de la Criirad, association d’expertise citoyenne (voir le détail du calcul en annexe). Ça n’a rien d’anecdotique ! » D’après le Code de la santé publique, la transformation, le stockage et le transport de ce minerai radioactif sont considérés comme une « activité nucléaire ». Le seuil fixé par l’administration est dépassé quand les produits émettent plus de 1 000 becquerels par kilogramme (Bq/kg) et que leur stockage excède 1 tonne. Imerys en produit environ 100 tonnes par an.

    Si la #mine d’Échassières voyait le jour, cette production radioactive changerait d’échelle. Imerys compte exploiter le lithium, mais aussi l’étain, le tantale et le niobium présents dans la même roche jusqu’à plus de 500 mètres de profondeur. « La production de lithium (quelle que soit sa forme) augmenterait automatiquement la production de concentré d’étain-tantale et niobium déjà commercialisé par Imerys », précise l’entreprise en 2020 dans sa demande de prolongation de permis d’exploration. Dans la mine de lithium, Imerys prévoit d’extraire quinze fois plus de roches que dans la carrière – et produirait donc au moins 1 500 tonnes de métaux radioactifs par an.

    « Pour les salariés du site et la population, poursuit Julien Syren, il y a un risque d’exposition aux rayonnements et des sources de #pollution importantes. Les poussières contenant de l’uranium et ses descendants radioactifs peuvent être ingérées, les #radionucléides peuvent se retrouver dans les déchets miniers et dans les #eaux. » Les faibles doses de radioactivité augmentent sensiblement le risque de #cancer, comme l’a récemment mis en évidence une étude internationale parue dans le British Medical Journal. Julien Syren se dit très étonné que cet enjeu n’ait pas été traité « de façon centrale » pendant le débat public sur la mine de lithium.

    La direction régionale de l’environnement Auvergne-Rhône-Alpes, responsable de la surveillance environnementale de la carrière, confirme à Mediapart que « l’usine de traitement du kaolin relève de la rubrique #ICPE_1716-2 » qui encadre les usines « mettant en œuvre des substances radioactives d’origine naturelle ». L’Agence de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est chargée de la surveillance radiologique du personnel de l’usine d’Imerys, qu’elle a inspectée plusieurs fois depuis 2009.

    Les salariés de la #laverie portent des dosimètres, et certains font l’objet d’un suivi médical spécifique. L’agence de sûreté nucléaire précise que « les transports des substances radioactives d’origine naturelle produites par le site d’Échassières sont soumis à la réglementation sur les marchandises dangereuses » et que « les colis sont contrôlés par sondage lors des inspections de l’ASNR ».

    #Non-conformité

    Mais autour d’Échassières, personne n’était au courant. Pas même les associations de protection de l’environnement. « Tous ces éléments auraient dû être donnés au public il y a bien longtemps, s’insurge Corinne Castanier, responsable en radioprotection à la Criirad. C’est étrange de ne pas prévenir les mairies qu’il pourrait y avoir une activité nucléaire sur leur commune. C’est encore plus étrange de ne pas les prévenir qu’il y en a déjà une ! », ajoute-t-elle à propos de la carrière de kaolin.

    Même s’ils avaient épluché les documents administratifs concernant cette carrière, les élu·es concerné·es n’auraient pas trouvé trace de cette production radioactive : Imerys avait omis de la déclarer en préfecture, contrairement à ce que prévoit la loi depuis 2014. Les services de l’État ont confirmé à Mediapart que le groupe minier était en « non-conformité » jusqu’en novembre 2022, quand la déclaration d’#activité_nucléaire a finalement été faite, à la suite d’une inspection de l’usine. Mais une fois enregistrée, cette déclaration n’a pas été mise en ligne par la préfecture de l’Allier.

    C’est pendant cette période de non-conformité, en 2021, qu’Imerys a obtenu l’autorisation de prolonger de trente ans l’activité de sa carrière – elle devait initialement s’arrêter en 2020 – et d’en doubler la surface. Sans que ni la rubrique administrative ICPE 1716-2 ni la production de substances radioactives aient été mentionnées dans l’enquête publique. L’#étude_d’impact ne la mentionne pas non plus.

    « Le site dispose, de très longue date, de toutes les autorisations nécessaires pour stocker et transporter ces matières, nous répond Imerys. Lors du débat public de 2024, organisé par la commission nationale du débat public (CNDP), nous avons rappelé que le granite était bien porteur de ces éléments radioactifs », ajoute l’industriel (lire l’intégralité de sa réponse en annexe).

    Un problème en réalité ancien

    Imerys s’était engagé dans le cadre de ce débat à « partager toute l’information sur le projet Emili » et à s’aligner sur le « niveau de #transparence très élevé » du standard minier #Irma (#Initiative_for_Responsible_Mining_Assurance), un label centré sur le partage d’information avec les populations.

    En avril 2024, dans la salle des fêtes du bourg de Saint-Pourçain, dans l’Allier, s’est tenue la onzième soirée d’information sur la mine de lithium organisée par la CNDP. Ce soir-là, le public a un peu déserté. Micro en main, Grégoire Jean, directeur recherche et développement chez Imerys, présente, slide après slide, les enjeux environnementaux du projet. Apparaît sur l’écran une fiche intitulée « La radioactivité du granite de Beauvoir ».

    Elle indique que pour éviter l’accumulation de radon, un gaz radioactif, il faudra ventiler les galeries de la mine, comme dans « les maisons et les caves » des régions granitiques. La production de matières radioactives n’est pas mentionnée lors de ce débat, pas plus qu’elle n’apparaît dans le « Dossier du maître d’ouvrage », le volume de 156 pages diffusé par Imerys pour décrire le projet minier. « On a un granite qui n’est pas spécialement radioactif, il est parfaitement classique », rassure Grégoire Jean au micro.

    Un rapport critique

    Pourtant, sa teneur en uranium semble poser problème depuis longtemps. Dans sa demande de permis d’exploration de 2020, Imerys mentionne qu’au début des années 1980, « une étude de faisabilité » pour une mine d’étain et de tantale à Échassières s’était révélée « négative » en raison notamment de « la présence d’uranium dans le concentré de tantale ». Elle avait été menée conjointement par le bureau des recherches géologiques et minières et l’entreprise #Peñarroya… qui n’est autre que l’ancienne dénomination d’Imerys.

    « Non seulement les données scientifiques accessibles montrent que le #granite_de_Beauvoir contient plus d’uranium que la moyenne, analyse le géologue Julien Syren, mais de toute façon, le principal problème est la concentration de cette radioactivité dans les #déchets et les #sous-produits. »

    La mine d’Échassières, si elle est construite, va générer environ 2 millions de tonnes de résidus par an, sous forme de #boues rejetées par les deux usines de traitement du minerai, à Échassières et à #Montluçon. Quel serait le niveau de radioactivité de ces immenses volumes de déchets ? Quel serait le risque de contamination des sources et des #eaux_souterraines de la Bosse, réputée pour ses #zones_humides ?

    Imerys déclare à Mediapart avoir « mis en avant avec l’exploitation actuelle de kaolin (dans un contexte quasi identique à celui du projet) [sa] capacité à maîtriser ces problématiques ». Dans l’enquête publique pour la création de la mine pilote, Imerys cite un seul rapport datant de 2010 à l’appui de l’absence de contamination radioactive. Un document que, malgré nos demandes, l’entreprise a refusé de communiquer.

    En revanche, Mediapart s’est procuré un rapport rédigé en 2007 par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN, aujourd’hui fusionné avec l’ASNR), consacré à la carrière d’Échassières. Ce document exclusif que nous publions en annexe pointe plusieurs « incohérences » dans la surveillance radiologique des salariés. Il reproche à l’exploitant de ne pas surveiller la radioactivité dans les eaux rejetées « dans le ruisseau communal » et de n’avoir « procédé à aucune évaluation des doses auxquelles la population est susceptible d’être soumise ». Le directeur de l’IRSN concluait : « La radioprotection des populations est traitée sommairement. »

    La situation a-t-elle changé ? La Criirad s’est saisie du dossier et a demandé des informations aux services de l’État. Pour les avocats de l’association Préservons la forêt des Colettes, opposée au projet minier, la découverte de cette production radioactive, trois ans après le lancement du projet Emili, est « sidérante », aussi bien « pour ce qu’elle révèle du projet que pour l’effort qui semble avoir été fait pour ne pas ébruiter ces informations déterminantes pour la population, ont réagi Théodore Catry et Benjamin Cottet-Emard. Imerys a eu bien des occasions de s’exprimer avec transparence, mais semble clairement avoir fait le choix de la rétention. » En haut de la colline d’Échassières, les engins s’activent pour construire la mine pilote autorisée fin septembre par la préfecture. L’#autorisation_environnementale qui vient d’être délivrée à Imerys ne prévoit aucune surveillance de la radioactivité.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/071025/dans-l-allier-inquietudes-autour-de-l-ouverture-d-une-mine-de-lithium-et-d
    #Echassières #France #terres_rares

    • Projet de mine de lithium dans l’Allier : quid de la radioactivité ?

      La société Imerys souhaite ouvrir une mine de lithium dans l’Allier. Au-dessus du gisement, une carrière de kaolin est exploitée depuis plus d’un siècle. Le site produit également un concentré d’étain, niobium et tantale présentant une radioactivité élevée. La quantité de concentré produit augmenterait avec la mine de lithium.

      « Dans l’Allier, inquiétudes autour de l’ouverture d’une mine de lithium et de ses matières radioactives » : c’est le titre d’un article de Célia Izoard publié sur Médiapart le 7 octobre 2025.

      Sollicitée par la journaliste, la CRIIRAD s’est penchée sur les aspects radiologiques de la carrière de kaolin actuellement exploitée par Imerys juste au-dessus du gisement de lithium.

      Premier constat : depuis plus d’un siècle, les exploitants successifs n’extraient pas seulement le kaolin mais également un concentré d’étain, de tantale et de niobium dans lequel se concentre l’uranium 238. L’activité de ce radionucléide atteint 30 000 becquerels par kilogramme (Bq/kg), très largement au-dessus de 1 000 Bq/kg, seuil de classement comme « substance radioactive d’origine naturelle » (SRON). En tenant compte des autres radionucléides naturels présents, l’activité totale est de plusieurs centaines de milliers de Bq/kg (1), avec tous les risques radiologiques associés (irradiation externe, contamination par inhalation ou ingestion).

      Du fait de cette radioactivité et des quantités présentes dans l’installation (plusieurs dizaines de tonnes de concentré produites chaque année), le site doit être classé ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement), à la rubrique 1716-2 qui encadre les installations mettant en œuvre des substances radioactives d’origine naturelle.

      Alors que la radioactivité du site est connue des autorités depuis au moins 2006, et que la rubrique 1716-2 existe depuis 2014, il a fallu attendre 2022 pour que l’exploitant déclare cette activité nucléaire.

      Malgré cette déclaration, le dernier arrêté préfectoral fixant les règles de surveillance du site par l’exploitant ne comporte aucune prescription en matière de mesures radiologiques, alors que la réglementation impose des contrôles.

      De plus, alors que l’exploitant d’une ICPE 1716-2 doit transmettre chaque année à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) un inventaire des matières et déchets radioactifs présents sur le site, la CRIIRAD n’a pas trouvé, sur le site de l’ANDRA, de fiche pour ce site.

      Pour éclaircir ces points ainsi que d’autres aspects du dossier, la CRIIRAD a écrit à la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes. Vous pouvez télécharger ce courrier avec le lien en bas de l’article.

      S’agissant du projet de mine de lithium, l’exploitant est très discret sur la question de la radioactivité, alors qu’il reconnaît que « la production de lithium (quelle que soit sa forme) augmenterait automatiquement la production de concentré d’étain-tantale et de niobium déjà commercialisé par Imerys ».

      Affaire à suivre…

      https://www.criirad.org/10-10-2025-projet-de-mine-de-lithium-dans-lallier-quid-de-la-radioactivite

  • Une immense #mine pollue la #Bretagne, l’État ferme les yeux

    Des analyses réalisées par le média breton Splann ! révèlent comment la mine à ciel ouvert de #Glomel, en Bretagne, contamine son environnement aux métaux toxiques. Cette année, l’État a prolongé son exploitation de vingt ans.

    Des ruisseaux, des tourbières, des prairies humides... La commune de #Glomel, dans le centre de la Bretagne, étendue sur près de 80 km2, abrite la #réserv_ naturelle régionale des #landes et #marais de Glomel, ainsi que deux sites #Natura_2000 et plusieurs zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique.

    Le paradoxe est qu’elle abrite aussi la plus grande mine à ciel ouvert en activité de l’Hexagone : sur place, la multinationale #Imerys peut extraire chaque année jusqu’à 1,5 million de tonnes de roches et raffine dans ses deux usines un quart de la production mondiale d’#andalousite.

    La « #Damrec » comme on dit ici en référence à l’ancien nom d’Imerys, est longtemps passée inaperçue. Déjà, qui connaît l’andalousite, ce minéral résistant aux très hautes températures ? On le retrouve sous forme d’additif dans les bétons ou les peintures, dans les blocs moteurs de camions ou dans les fours de toute l’industrie, de la métallurgie au nucléaire. Mais si l’andalousite est couramment utilisée par la grande industrie pour ses propriétés réfractaires, nous n’avons jamais directement affaire à elle.

    D’autre part, le site de Glomel est resté d’autant plus discret qu’il n’est, aux yeux de l’administration, qu’une carrière : on imagine un modeste carreau au bord d’une route déserte, quelques camions. Sauf que…

    Sauf qu’il s’agit bel et bien d’une mine avec ses immenses cratères, ses usines, ses bassins de décantation remplis d’eau acide et ses montagnes de #déchets qui avancent dans le paysage, avalant les champs, les fermes et les chemins. Tout ceci inquiète nombre de riverains, qui voient se multiplier les cas de #cancer et se demandent ce qu’il restera des zones humides, des sources et des captages dans cet avenir où rien ne sera plus précieux que l’eau.

    Un trou grand comme quinze terrains de football

    Mais Imerys compte bien aller au bout de ce #gisement. Après une enquête publique houleuse et d’âpres débats, l’État vient de l’autoriser à poursuivre l’exploitation jusqu’en 2044 en creusant une quatrième #fosse_d’extraction : un trou grand comme quinze terrains de football et aussi profond que cinq immeubles parisiens empilés.

    Sur le site internet d’Imerys Glomel, on lit qu’« une des priorités du site concerne la gestion des rejets aqueux […] dans les rivières, zones humides et nappes souterraines alentour ». L’enjeu est de taille, puisqu’en aval de la mine se trouve la réserve naturelle régionale de #Magoar_Penvern. Puis, à 6 km du site industriel, un premier captage d’eau potable dans l’#Ellé alimente les 6 000 habitants des communes voisines.

    Dans le #Kergroaz, un minuscule #ruisseau qui serpente dans le sous-bois, Imerys rejette chaque année environ 1,5 million de mètres cubes d’#eaux_usées. Ces eaux sont traitées, et les exigences de la préfecture ont conduit l’entreprise à investir récemment dans une unité destinée à limiter la quantité de #manganèse et de #fer dans ses rejets. Mais même après traitement, ils contiennent des quantités très importantes de contaminants : la préfecture des Côtes-d’Armor autorise le site à rejeter chaque jour dans ses eaux usées jusqu’à 9 kg d’#hydrocarbures et, entre autres, jusqu’à 11 kg par jour au total de #cobalt et de #nickel, des métaux cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

    Pourtant, Imerys assure n’avoir « aucun impact sur les eaux » et a financé une étude sur cinq ans de l’état écologique du #Crazius, où se jette le Kergroaz. Cette étude payée par l’industriel conclut à un « bon état » du cours d’eau pour certains paramètres, mais ce qui frappe, c’est que les métaux les plus toxiques émis par le site ne semblent pas avoir été recherchés dans le cours d’eau.

    Pourquoi s’intéresser à la présence de fer et d’#aluminium, et non à des contaminants bien plus redoutables comme l’#arsenic, le #cadmium, le cobalt ou le nickel, qui sont par ailleurs présents dans les déchets de cette mine ? Interrogé, Imerys n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pour y voir plus clair, Splann ! a décidé de faire analyser les sédiments du Crazius.

    En juillet puis en septembre, Splann ! a prélevé plusieurs jeux d’échantillons de sédiments dans le lit du ruisseau d’abord en amont du point de rejet de la mine, pour disposer d’un échantillon « témoin » ; puis dans un deuxième temps au niveau où Imerys rejette ses eaux usées ; et finalement à 2 km de là en aval dans le même cours d’eau, dans la réserve naturelle régionale.

    Des concentrations en nickel jusqu’à 60 fois supérieures à la valeur guide

    Ces sédiments ont été analysés par un laboratoire accrédité Cofrac. Les résultats de ces analyses ont été interprétés avec l’aide de Frédéric Gimbert, spécialiste des pollutions minières et chercheur en écotoxicologie au Centre nationale de la recherche scientifique (CNRS) de Besançon.

    Alors que les sédiments du prélèvement témoin, en amont, ne présentent aucune contamination, au niveau du point de rejet d’Imerys, les concentrations en nickel sont jusqu’à 60 fois supérieures à la valeur guide pour un bon état écologique des sédiments d’eau douce. Les concentrations en cobalt sont jusqu’à 20 fois supérieures à cette valeur. Les analyses révèlent aussi la présence de métaux toxiques qu’Imerys n’est pas censé déverser : les sédiments contiennent quatre fois la valeur guide pour l’arsenic et une teneur anormale en cadmium, tous deux également cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

    « De telles quantités de contaminants présentent manifestement un #danger et un #risque pour l’#environnement, dit Frédéric Gimbert. Il faudrait également rechercher ces mêmes contaminants dans les #sols où se déposent les #poussières issues de l’activité minière et conduire plus largement une étude d’évaluation des risques, pour l’environnement, mais aussi pour la #santé_publique. »

    Nos analyses révèlent également que la contamination s’étend au-delà du périmètre immédiat de la mine. À 2 kilomètres en aval du site, au cœur de la réserve naturelle régionale de Magoar Penvern, les concentrations en cobalt et en nickel sont plus de dix fois supérieures aux valeurs guides pour un cours d’eau en bon état écologique.

    Un #captage d’#eau_potable en aval de la mine

    Qu’en est-il à 6 km en aval, dans la rivière Ellé, où #Eau_du_Morbihan prélève une partie de l’eau qui sera ensuite traitée pour être distribuée aux communes voisines ? Pour le savoir, notre équipe s’est rendue à #Toultreincq, qui signifie « trou saumâtre » en breton, dont l’usine de potabilisation est justement en pleins travaux. Une toute nouvelle unité de traitement est en construction pour un coût de 6 millions d’euros d’argent public.

    « La pollution de l’eau par la mine ? C’est simple : ce n’est pas un sujet. Il n’y a aucun problème », déclare, dès le début de notre visite, #Dominique_Riguidel, le directeur d’Eau du Morbihan qui s’est déplacé en personne pour nous le dire. L’ouverture de nouveaux captages d’eau souterraine permettront de « diversifier les ressources et de limiter les prélèvements dans l’Ellé », explique-t-il. C’est-à-dire précisément à limiter la dépendance au captage de Pont Saint-Yves, sur l’Ellé, en aval de la mine.

    Mais le directeur d’Eau du Morbihan est formel : tout ceci n’a aucun rapport avec le fait qu’Imerys rejette chaque année 1,5 million de mètres cubes d’eaux usées contenant des sulfates, des hydrocarbures et des métaux lourds en amont de ce captage. « La nouvelle unité permettra de mieux traiter les pesticides et les médicaments », justifie-t-il.

    Un ingénieur chimiste, expert en contaminations pour des organismes de santé publique, s’interroge : « J’ai du mal à croire que tous ces travaux n’aient aucun rapport avec l’agrandissement de la mine. Vu l’argent que ça coûte de changer une installation, ça ne se fait pas sans raison objective. Et il n’est pas courant d’avoir de tels traitements de l’eau en tête de bassin versant, où elle est normalement moins polluée. »

    Pour connaître la qualité de l’eau sur l’Ellé, en aval de la mine, le plus simple est de s’adresser à l’agence régionale de santé (ARS), qui surveille les captages. Nous lui avons demandé de nous communiquer les analyses de l’eau captée en aval de Glomel.

    « Il n’existe pas de contrôle sanitaire sur la ressource “Pont Saint-Yves” exclusivement », a répondu l’ARS. Le captage d’eau le plus exposé aux pollutions de la mine ne serait donc pas surveillé : l’agence publique ne contrôle pas la qualité des eaux brutes qu’après qu’elles ont été mélangées à la station de traitement. Une fois dilués dans les eaux prélevées ailleurs, les contaminants d’Imerys passent inaperçus. Ce qui pousse certains riverains désabusés à résumer ainsi la situation : « La mine de Glomel utilise la réserve naturelle régionale comme station d’épuration » pour traiter ses effluents chargés en métaux toxiques. « Mais si la contamination continue d’augmenter, explique l’ingénieur chimiste, l’eau de ce captage risque de ne plus être utilisable pour produire de l’eau potable. »

    Les déchets miniers ont contaminé les #eaux_souterraines

    « Quand j’étais ado, par une chaude journée d’été, je m’amusais à repérer les plans d’eau des environs sur les photos satellites. J’ai découvert un lagon bleu à Glomel. J’ai demandé à ma mère : “pourquoi on n’est jamais allées s’y baigner ?” » Voilà comment Camille a découvert la mine de Glomel : un espoir de baignade. Espoir déçu : le lac de 12 hectares dont elle parle, une ancienne fosse d’extraction, recueille en continu des #eaux_acides et les boues de traitement des usines du site.

    Une autre riveraine se rappelle : « Pendant une réunion en 2022, j’ai demandé ce que contenait cette fosse qu’on appelle “la fosse 2”. Imerys m’a répondu “du mica et des oxydes de fer”. » Pas de quoi s’inquiéter, donc, Camille aurait pu s’y baigner. Mais dans un tableau perdu dans les 3 000 pages du dossier d’enquête publique, on apprend que ces boues contiennent de fortes concentrations de cadmium, de #chrome, de cobalt, de nickel et de plomb : des métaux dits « lourds », cancérigènes, neurotoxiques et reprotoxiques.

    Les boues de cette fosse contiennent aussi les produits chimiques utilisés dans l’usine. Lors d’une réunion publique, les porte-parole de l’entreprise ont assuré que « le procédé d’extraction ne fait pas intervenir de composés chimiques ». Pourtant, les documents de l’enquête publique indiquent que les usines de Glomel utilisent 75 tonnes par an de substances nocives pour l’environnement et la santé.

    Par exemple, le #méthyl-isobutyl_carbinol, un #solvant dangereux pour les #nappes_souterraines, l’#acrylamide, cancérigène, mutagène et reprotoxique, le #sulfonate_de_sodium et l’#amylxanthate, toxiques pour la vie aquatique.

    Chaque année, une trentaine de tonnes de ces produits sont déversées dans le « joli lac ». Imerys affirme que la fosse est « étanche », mais aucune membrane n’empêche ces boues acides de s’infiltrer dans les eaux souterraines. Et il en va de même dans tous les autres espaces du site où sont entreposées ces boues : la « fosse no 1 » (2 millions de m3) et « l’ancienne digue » (900 000 m3).

    Les contaminants de ces déchets toxiques ont commencé à migrer vers les eaux souterraines : c’est ce qu’indiquent certains éléments qu’Imerys a communiqués à l’administration. L’un des appareils de mesure de l’industriel relève que les taux de contaminants ont explosé entre 2012 et 2021.

    Ainisi, les déchets de la mine contiennent des concentrations importantes de nickel, un métal qui provoque des cancers du poumon et des sinus et des maladies cardiovasculaires. Or, sous le site minier, les eaux souterraines contiennent quarante fois la teneur en nickel maximale autorisée pour les eaux brutes destinées à la consommation. Les autres contaminants (cobalt, cadmium, arsenic, produits chimiques…) susceptibles d’avoir migré vers la nappe ne semblent pas surveillés.

    En juin 2024, en prolongeant l’exploitation de vingt ans, les services de l’État ont autorisé l’entreprise à générer au total environ 12 millions de m3 de déchets supplémentaires, autant de déchets qui seront entreposés sur place et qui sont censés ne pas entrer en contact avec les eaux souterraines pour les décennies et les siècles à venir. Alors que jusqu’ici, Imerys n’a pas réussi à empêcher la contamination des eaux souterraines.

    Qui traitera les eaux acides en l’an 2150 ?

    En 2044, en théorie, l’extraction d’andalousite sera terminée et viendra le temps de la « remise en état », comme on dit. Mais la roche exploitée à Glomel a une particularité : elle contient de la #pyrite, c’est-à-dire du #soufre. Quand la roche mise à nu par l’extraction ou les déchets miniers du site rencontrent de l’eau (la pluie par exemple), cette eau se transforme naturellement en #acide_sulfurique et entraîne vers l’aval les contaminants présents dans la roche. C’est ce qu’on appelle le drainage minier acide, l’une des pollutions les plus redoutables liées à l’activité minière.

    Actuellement, toutes les eaux qui ruissellent sur le site sont collectées et traitées par lmerys pour perdre leur acidité. Qui va traiter ces #eaux_de_ruissellement dans un siècle pour empêcher cette marée acide de contaminer le bassin de l’Ellé ? Dans les documents de l’enquête publique, Imerys assure qu’après la #remise_en_état, « les eaux pluviales ne seront plus susceptibles de s’acidifier ». Les montagnes de déchets seront « étanchéifiées » avec une couche de résidus miniers très fins puis quelques centimètres de terre. L’entreprise assurera un suivi du site pendant dix ans après la fin de l’activité.

    On sait pourtant que le drainage minier acide est sans limite de temps, comme le rappelle l’association de géologues miniers SystExt. À #Chessy-les-Mines, dans le Rhône, un gisement riche en pyrite a été exploité depuis le Moyen Âge. La mine a fermé après un effondrement dans la galerie principale, survenu en 1877. Un rapport confidentiel du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) publié en 2019, que Splann ! s’est procuré, décrit le traitement des eaux acides mis en place à #Chessy.

    L’État a constaté que ces #eaux_minières, quoique traitées « depuis 130 ans », étaient trop polluantes, si bien qu’il a dû y construire une toute nouvelle station de traitement en 2005. Le drainage minier acide de Chessy dure donc depuis 150 ans sans que, d’après le rapport, l’#acidité ou les concentrations de métaux dans les eaux n’aient baissé au cours du temps.

    Des eaux acides dont devront s’occuper les générations suivantes

    À Chessy, le problème se pose sur 20 hectares ; à Glomel, il se poserait sur 265 hectares. La création d’une nouvelle fosse et de nouveaux stockages de déchets augmentent d’autant la quantité d’eaux acides dont auront à s’occuper les six ou sept générations à venir.

    « Les pollutions minières du passé posent des problèmes insurmontables, et l’État, qui doit les gérer tant bien que mal, le sait très bien, dit Dominique Williams, membre d’Eau et rivières de Bretagne. Pourtant, il reproduit les mêmes erreurs à une échelle dix fois supérieure. Les services de la préfecture ont délivré cette autorisation sans prendre la mesure de l’ampleur de cette pollution ».

    La préfecture des #Côtes-d’Armor et la direction régionale de l’environnement ont été alertées de la contamination aux #métaux_lourds que révèle notre enquête, et des problèmes soulevés par l’étendue considérable du #drainage_minier_acide après la fermeture du site. La Région Bretagne a elle aussi « soumis ces informations à l’État afin qu’il puisse répondre aux inquiétudes exprimées » tout en indiquant à Splann ! qu’elle prenait « au sérieux l’alerte émise » sur la pollution de la réserve naturelle régionale.

    Or, malgré nos sollicitations, l’État ne s’est pas exprimé. Quant au groupe Imerys, notre rédaction lui a donné la possibilité de revenir sur ses déclarations concernant l’absence de métaux lourds et d’impact sur les eaux : il n’a pas souhaité nous répondre. L’extension de la mine est d’ores et déjà contestée devant la #justice. Fin octobre, l’association Eau et rivières de Bretagne a déposé un recours contre l’ouverture de la nouvelle fosse au tribunal administratif de Rennes.

    IMERYS PARLE EMPOUSSIÈREMENT

    « Vous voyez cette poussière ? Nos animaux la boivent dans leurs abreuvoirs, nos enfants la respirent », s’inquiète une habitante de Glomel, femme d’agriculteur. Sur l’avant-toit de sa maison, la gouttière que montre Émilie (le prénom a été modifié) est tapissée d’un dépôt noir épais de plusieurs centimètres. « Je l’ai nettoyé, mais il n’a mis que quelques mois à revenir », explique-t-elle.

    En plus des trois usines du site, le principal responsable de cette poussière s’appelle le « Sabès » : une montagne de résidus de trente mètres de haut occupant l’équivalent d’une cinquantaine de terrains de football. Quand le vent souffle, ces poussières forment un panache qui saupoudre la campagne.

    À force de plaintes, l’État a demandé à Imerys de poser des jauges « Owen » dans les hameaux voisins, des récipients en plastique juchés sur des poteaux. Selon l’entreprise, la « mesure des retombées de poussière à proximité du site » n’indique « aucun dépassement des seuils réglementaires ». Elle omet simplement de dire que seule la quantité de poussière est mesurée, et pas sa qualité. Sur ce point, Imerys a affirmé aux habitants que « les poussières de la mine se composent principalement d’aluminium ».

    Dans un document du groupe, on peut même lire que « les résidus sableux stockés sur le Sabès sont constitués de sables fins propres. Ils ne contiennent aucun produit chimique ». La véritable composition de ces résidus miniers qui forment ces poussières, bien plus inquiétante, est renseignée quelque part dans les 3 000 pages du dossier d’enquête publique. On y trouve le même cortège de métaux cancérigènes que dans les sédiments analysés par Splann ! : chrome, nickel, arsenic, plomb…

    Certains habitants relient l’activité de la mine, et en particulier ces poussières, à ce qu’ils considèrent comme une épidémie de cancers dans le voisinage du site. Jean-Yves Jego, éleveur dans un hameau voisin et conseiller municipal d’opposition à Glomel, se souvient d’une remarque de l’agent de la Mutualité sociale agricole, quand il a créé son élevage de chèvres en 2011 : « À moitié pour plaisanter, il m’a demandé : “Vous êtes sûr que vous voulez vous installer ici ? Il y a eu trois jeunes hommes morts du cancer à proximité !” »

    https://reporterre.net/Une-immense-mine-pollue-la-Bretagne-l-Etat-ferme-les-yeux
    #pollution #contamination #métaux_lourds #eau #extractivisme #France

  • Malgré les controverses, #Imerys étend sa carrière d’#andalousite à #Glomel

    Le producteur français de minéraux a démarré, lundi 2 juin, l’exploitation d’une quatrième #fosse_d’extraction d’andalousite sur sa #carrière de Glomel (Côtes-d’Armor). Face aux controverses sur l’#impact_environnemental du projet, Imerys met en avant sa nécessité pour faire perdurer l’exploitation – à l’origine de 25% de la production mondiale du minéral, crucial pour les refractaires industriels – et son investissement récent dans une usine de traitement de l’eau.

    Les entrailles de la terre se sont soulevées. Le monticule de roches gris anthracite, qui s’élève à plus de deux mètres en son point le plus élevé, est le stigmate de cette opération violente. Le sol, rendu boueux et luisant par les averses bretonnes, porte de larges fractures, recouvertes d’un quadrillage de fils rouges et verts encore enroulés par endroits. Quelques jours auparavant, lundi 2 juin, ces derniers ont fait détonner 143 #mines – des émulsions encartouchées pour briser la roche et des billes de nitrate-fioul pour disjoindre les morceaux – placées jusqu’à 10 mètres de profondeur pour entamer une zone de 40 mètres par 30, presque au sommet d’une petite colline. La roche libérée a déjà commencé à être déblayée par un engin de chantier. Le deuxième tir, qui continuera l’extension de la carrière d’andalousite d’Imerys à Glomel (Côtes-d’Armor) est prévu aux alentours de la mi-juin.

    (#paywall)

    https://www.usinenouvelle.com/article/malgre-les-controverses-imerys-etend-sa-carriere-d-andalousite-a-glom
    #extractivisme #Bretagne

  • Révélations sur les #contaminations de la plus grande mine à ciel ouvert de l’Hexagone

    « La #pollution de l’#eau par la mine ? Il n’y a pas de problème. » Face au discours sur les « #mines_propres », Splann ! révèle les pollutions générées par la mine d’#andalousite de #Glomel, au cœur de la #Bretagne, exploitée par la multinationale #Imerys.

    En Centre Bretagne, la commune de #Glomel, étendue sur près de 80 km2, est un véritable château d’eau. Ses sources, ses ruisseaux et ses marais dominent les bassins versants de l’#Ellé et du #Blavet. On y trouve encore certains habitats naturels emblématiques de la région, landes, tourbières et autres prairies humides. C’est pour protéger cette richesse qu’ont été créés la réserve naturelle régionale des landes et marais de Glomel, ainsi que deux sites Natura 2000 et plusieurs zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique.

    Le paradoxe est que Glomel abrite aussi la plus grande mine à ciel ouvert en activité de l’hexagone : sur place, la #multinationale Imerys peut extraire chaque année jusqu’à 1,5 million de tonnes de roches et raffine dans ses deux usines un quart de la production mondiale d’andalousite.

    La « #Damrec » comme on dit ici en référence à l’ancien nom d’Imerys, est longtemps passée inaperçue. Déjà, qui connaît l’andalousite, ce minéral résistant aux très hautes températures ? On le retrouve sous forme d’additif dans les #bétons ou les #peintures, dans les blocs moteurs de camions ou dans les fours de toute l’#industrie, de la #métallurgie au #nucléaire. Mais si l’andalousite est couramment utilisée par la grande industrie pour ses propriétés réfractaires, nous n’avons jamais directement affaire à elle.

    D’immenses cratères au cœur de la Bretagne

    Le site de Glomel est resté d’autant plus discret qu’il n’est, aux yeux de l’administration, qu’une carrière : on imagine un modeste carreau au bord d’une route déserte, quelques camions. Sauf que…

    Sauf qu’il s’agit bel et bien d’une mine avec ses immenses #cratères, ses usines, ses #bassins_de_décantation remplis d’#eau_acide et ses montagnes de #déchets qui avancent dans le paysage, avalant les champs, les fermes et les chemins. Tout ceci inquiète nombre de riverains, qui voient se multiplier les cas de #cancer et se demandent ce qu’il restera des zones humides, des sources et des captages dans cet avenir où rien ne sera plus précieux que l’eau.

    Mais Imerys compte bien aller au bout de ce #gisement. Après une enquête publique houleuse et d’âpres débats, l’État vient de l’autoriser à poursuivre l’#exploitation jusqu’en 2044 en creusant une quatrième #fosse_d’extraction : un #trou grand comme quinze terrains de football et aussi profond que cinq immeubles parisiens empilés.

    Une étude partiale payée par l’industriel

    Sur le site internet d’Imerys Glomel, on lit qu’« une des priorités du site concerne la gestion des rejets aqueux […] dans les rivières, zones humides et nappes souterraines alentour ». L’enjeu est de taille, puisqu’en aval de la mine se trouve la réserve naturelle régionale de #Magoar_Penvern. Puis, à 6 km du site industriel, un premier captage d’#eau_potable dans l’Ellé alimente les 6000 habitants des communes voisines.

    Dans le #Kergroaz, un minuscule ruisseau qui serpente dans le sous-bois, Imerys rejette chaque année environ 1,5 million de mètres cubes d’#eaux_usées. Ces eaux sont traitées, et les exigences de la préfecture ont conduit l’entreprise à investir récemment dans une unité destinée à limiter la quantité de #manganèse et de #fer dans ses rejets. Mais même après traitement, ils contiennent des quantités très importantes de #contaminants : la préfecture des Côtes-d’Armor autorise le site à rejeter chaque jour dans ses eaux usées jusqu’à 9 kg d’#hydrocarbures et, entre autres, jusqu’à 11 kg par jour au total de #cobalt et de #nickel, des #métaux cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

    Pourtant, Imerys assure n’avoir « aucun impact sur les eaux » et a financé une étude sur cinq ans de l’état écologique du #Crazius, où se jette le Kergroaz. Cette étude payée par l’industriel conclut à un « bon état » du cours d’eau pour certains paramètres, mais ce qui frappe, c’est que les métaux les plus toxiques émis par le site ne semblent pas avoir été recherchés dans le cours d’eau.

    Pourquoi s’intéresser à la présence de fer et d’aluminium, et non à des contaminants bien plus redoutables comme l’#arsenic, le #cadmium, le #cobalt ou le #nickel, qui sont par ailleurs présents dans les déchets de cette mine ? Interrogé, Imerys n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pour y voir plus clair, Splann ! a décidé de faire analyser les sédiments du Crazius.

    « Les quantités de #contaminants présentent manifestement un danger »

    En juillet puis en septembre, Splann ! a prélevé plusieurs jeux d’échantillons de sédiments dans le lit du ruisseau d’abord en amont du point de rejet de la mine, pour disposer d’un échantillon « témoin » ; puis dans un deuxième temps au niveau où Imerys rejette ses eaux usées ; et finalement à 2 km de là en aval dans le même cours d’eau, dans la réserve naturelle régionale.

    Ces sédiments ont été analysés par un laboratoire accrédité Cofrac. Les résultats de ces analyses ont été interprétés avec l’aide de Frédéric Gimbert, spécialiste des pollutions minières et chercheur en écotoxicologie au CNRS de Besançon.

    Alors que les sédiments du prélèvement témoin, en amont, ne présentent aucune contamination, au niveau du point de rejet d’Imerys, les concentrations en nickel sont jusqu’à 60 fois supérieures à la valeur guide pour un bon état écologique des sédiments d’eau douce. Les concentrations en cobalt sont jusqu’à 20 fois supérieures à cette valeur. Les analyses révèlent aussi la présence de métaux toxiques qu’Imerys n’est pas censé déverser : les sédiments contiennent quatre fois la valeur guide pour l’arsenic et une teneur anormale en cadmium, tous deux également cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

    « De telles quantités de contaminants présentent manifestement un danger et un #risque potentiel pour l’environnement, estime Frédéric Gimbert. Il faudrait également rechercher ces mêmes contaminants dans les #sols où se déposent les #poussières issues de l’#activité_minière et conduire plus largement une étude d’évaluation des #risques, pour l’environnement, mais aussi pour la santé publique. »

    Les analyses de Splann ! révèlent également que la contamination s’étend au-delà du périmètre immédiat de la mine. À deux kilomètres en aval du site, au cœur de la réserve naturelle régionale de Magoar Penvern, les concentrations en cobalt et en nickel sont plus de dix fois supérieures aux valeurs guides pour un cours d’eau en bon état écologique.

    Un captage d’eau potable en aval de la mine

    Qu’en est-il à six kilomètres en aval, dans la rivière Ellé où #Eau_du_Morbihan prélève une partie de l’eau qui sera ensuite traitée pour être distribuée aux communes voisines ? Pour le savoir, notre équipe s’est rendue à #Toultreincq [qui signifie trou saumâtre en breton, NDLR], dont l’usine de potabilisation est justement en plein travaux. Une toute nouvelle unité de traitement est en construction pour un coût de six millions d’euros d’argent public.

    « La pollution de l’eau par la mine ? C’est simple : ce n’est pas un sujet. Il n’y a aucun problème », déclare, dès le début de notre visite, Dominique Riguidel, le directeur d’Eau du Morbihan qui s’est déplacé en personne pour nous le dire. L’ouverture de nouveaux captages d’#eau_souterraine permettront de « diversifier les ressources et de limiter les prélèvements dans l’Ellé », explique-t-il. C’est-à-dire précisément à limiter la dépendance au captage de #Pont Saint-Yves, sur l’Ellé, en aval de la mine.

    Mais le directeur d’Eau du Morbihan est formel : tout ceci n’a aucun rapport avec le fait qu’Imerys rejette chaque année 1,5 million de mètres cubes d’eaux usées contenant des #sulfates, des hydrocarbures et des #métaux_lourds en amont de ce captage. « La nouvelle unité permettra de mieux traiter les #pesticides et les #médicaments », justifie-t-il.

    Un ingénieur chimiste, expert en contaminations pour des organismes de #santé_publique, s’interroge : « J’ai du mal à croire que tous ces travaux n’aient aucun rapport avec l’agrandissement de la mine. Vu l’argent que ça coûte de changer une installation, ça ne se fait pas sans raison objective. Et il n’est pas courant d’avoir de tels traitements de l’eau en tête de bassin versant, où elle est normalement moins polluée. »

    Pour connaître la qualité de l’eau sur l’Ellé, en aval de la mine, le plus simple est de s’adresser à l’agence régionale de santé (ARS), qui surveille les captages. Nous lui avons demandé de nous communiquer les analyses de l’eau captée en aval de Glomel.

    « Il n’existe pas de contrôle sanitaire sur la ressource ‘Pont Saint-Yves’ exclusivement », a répondu l’ARS. Le captage d’eau le plus exposé aux pollutions de la mine ne serait donc pas surveillé : l’agence publique ne contrôle la qualité des eaux brutes qu’après qu’elles aient été mélangées à la station de traitement. Une fois dilués dans les eaux prélevées ailleurs, les contaminants d’Imerys passent inaperçus. Ce qui pousse certains riverains désabusés à résumer ainsi la situation : « La mine de Glomel utilise la réserve naturelle régionale comme station d’épuration » pour traiter ses effluents chargés en métaux toxiques. « Mais si la contamination continue d’augmenter, explique l’ingénieur chimiste, l’eau de ce captage risque de ne plus être utilisable pour produire de l’eau potable. »

    Un lac rempli de métaux lourds

    « Quand j’étais ado, par une chaude journée d’été, je m’amusais à repérer les plans d’eau des environs sur les photos satellites. J’ai découvert un lagon bleu à Glomel. J’ai demandé à ma mère : ‘pourquoi on n’est jamais allées s’y baigner ?’ ». Voilà comment Camille a découvert la mine de Glomel : un espoir de baignade. Espoir déçu : le lac de douze hectares dont elle parle, une ancienne fosse d’extraction, recueille en continu des eaux acides et les boues de traitement des usines du site.

    Une autre riveraine se rappelle : « Pendant une réunion en 2022, j’ai demandé ce que contenait cette fosse qu’on appelle ‘la #fosse_2’. Imerys m’a répondu ‘Du #mica et des #oxydes_de_fer’. » Pas de quoi s’inquiéter, donc, Camille aurait pu s’y baigner. Mais dans un tableau perdu dans les 3000 pages du dossier d’enquête publique, on apprend que ces #boues contiennent de fortes concentrations de cadmium, de #chrome, de cobalt, de nickel et de #plomb : des métaux dits « lourds », cancérigènes, neurotoxiques et reprotoxiques.

    Les boues de cette #fosse contiennent aussi les produits chimiques utilisés dans l’usine. Lors d’une réunion publique, les porte-parole de l’entreprise ont assuré que « le procédé d’extraction ne fait pas intervenir de composés chimiques ». Pourtant, les documents de l’enquête publique indiquent que les usines de Glomel utilisent 75 tonnes par an de substances nocives pour l’#environnement et la santé.

    Par exemple, le #méthyl-isobutyl carbinol, un #solvant dangereux pour les #nappes_souterraines, l’#acrylamide, cancérigène, mutagène et reprotoxique, le #sulfonate_de_sodium et l’#amylxanthate, toxiques pour la #vie_aquatique.

    Les #déchets_miniers ont contaminé les #eaux_souterraines

    Chaque année, une trentaine de tonnes de ces produits sont déversées dans le « joli lac ». Imerys affirme que la fosse est « étanche », mais aucune membrane n’empêche ces boues acides de s’infiltrer dans les eaux souterraines. Et il en va de même dans tous les autres espaces du site où sont entreposées ces boues : la « fosse n°1 » (2 millions de m³) et « l’ancienne digue » (900 000 m³).

    Les contaminants de ces déchets toxiques ont commencé à migrer vers les eaux souterraines : c’est ce qu’indiquent certains éléments qu’Imerys a communiqués à l’administration. L’un des appareils de mesure de l’industriel relève que les taux de contaminants ont explosé entre 2012 et 2021.

    Par exemple, les déchets de la mine contiennent des concentrations importantes de nickel, un métal qui provoque des #cancers du poumon et des sinus et des #maladies_cardiovasculaires. Or, sous le site minier, les eaux souterraines contiennent 40 fois la teneur en nickel maximale autorisée pour les eaux brutes destinées à la consommation. Les autres contaminants (cobalt, cadmium, arsenic, produits chimiques…) susceptibles d’avoir migré vers la nappe ne semblent pas surveillés.

    En juin 2024, en prolongeant l’exploitation de vingt ans, les services de l’État ont autorisé l’entreprise à générer au total environ 12 millions de m3 de déchets supplémentaires, autant de déchets qui seront entreposés sur place et qui sont censés ne pas entrer en contact avec les eaux souterraines pour les décennies et les siècles à venir. Alors que jusqu’ici, Imerys n’a pas réussi à empêcher la contamination des eaux souterraines.

    Qui traitera les eaux acides ?

    En 2044, en théorie, l’extraction d’andalousite sera terminée et viendra le temps de la « #remise_en_état », comme on dit. Mais la roche exploitée à Glomel a une particularité : elle contient de la #pyrite, c’est-à-dire du #soufre. Quand la roche mise à nu par l’extraction ou les déchets miniers du site rencontrent de l’eau (la pluie par exemple), cette eau se transforme naturellement en #acide_sulfurique et entraîne vers l’aval les contaminants présents dans la roche. C’est ce qu’on appelle le #drainage_minier_acide, l’une des pollutions les plus redoutables liées à l’activité minière.

    Actuellement, toutes les eaux qui ruissellent sur le site sont collectées et traitées par lmerys pour perdre leur acidité. Mais qui va traiter ces eaux de ruissellement dans un siècle pour empêcher cette marée acide de contaminer le bassin de l’Ellé ? Dans les documents de l’enquête publique, Imerys assure qu’après la remise en état, « les #eaux_pluviales ne seront plus susceptibles de s’acidifier ». Les montagnes de déchets seront « étanchéifiées » avec une couche de résidus miniers très fins puis quelques centimètres de terre. L’entreprise assurera un suivi du site pendant dix ans après la fin de l’activité.

    On sait pourtant que le #drainage_minier_acide est sans limite de temps, comme le rappelle l’association de géologues miniers SystExt. À #Chessy-les-Mines, dans le Rhône, un gisement riche en pyrite a été exploité depuis le Moyen Âge. La mine a fermé après un effondrement dans la galerie principale, survenu en 1877. Un rapport confidentiel du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) publié en 2019, que Splann ! s’est procuré, décrit le traitement des eaux acides mis en place à #Chessy.

    L’État a constaté que ces eaux minières, quoique traitées « depuis 130 ans », étaient trop polluantes, si bien qu’il a dû y construire une toute nouvelle station de traitement en 2005. Le drainage minier acide de Chessy dure donc depuis 150 ans sans que, d’après le rapport, l’acidité ou les concentrations de métaux dans les eaux n’aient baissé au cours du temps.

    À Chessy, le problème se pose sur 20 hectares ; à Glomel, il se poserait sur 265 hectares. La création d’une nouvelle fosse et de nouveaux #stockages de déchets augmentent d’autant la quantité d’eaux acides dont auront à s’occuper les six ou sept générations à venir.

    Une extension contestée en #justice

    « Les pollutions minières du passé posent des problèmes insurmontables, et l’État, qui doit les gérer tant bien que mal, le sait très bien, estime Dominique Williams, membre d’Eau et rivières de Bretagne. Pourtant, il reproduit les mêmes erreurs à une échelle dix fois supérieure. Les services de la préfecture ont délivré cette autorisation sans prendre la mesure de l’ampleur de cette pollution. »

    La préfecture des Côtes-d’Armor et la direction régionale de l’environnement ont été alertées de la contamination aux métaux lourds que révèle l’enquête de Splann !, et des problèmes soulevés par l’étendue considérable du drainage minier acide après la fermeture du site. La Région Bretagne a elle aussi « soumis ces informations à l’État afin qu’il puisse répondre aux inquiétudes exprimées » tout en indiquant à Splann ! qu’elle prenait « au sérieux l’alerte émise » sur la pollution de la réserve naturelle régionale.

    Or, malgré nos sollicitations, l’État ne s’est pas exprimé. Quant au groupe Imerys, notre rédaction lui a donné la possibilité de revenir sur ses déclarations concernant l’absence de métaux lourds et d’impact sur les eaux : il n’a pas souhaité nous répondre. Mais l’extension de la mine est d’ores et déjà contestée devant la justice. Fin octobre, l’association Eau et rivières de Bretagne a déposé un recours contre l’ouverture de la nouvelle fosse au tribunal administratif de Rennes.

    https://basta.media/Revelations-contaminations-plus-grande-mine-ciel-ouvert-Glomel-Bretagne-Ime
    #France #extractivisme #mines