#frais_d’inscription

  • L’#université qui vient. Un nouveau régime de #sélection scolaire

    La crise sanitaire et sa gestion au sein des universités françaises ont révélé et renforcé un nouveau régime de #sélection_scolaire. Jamais la France et son #système_scolaire n’ont autant diplômé et pourtant jamais les savoirs n’ont été aussi inégalement transmis. D’un côté, les #études_universitaires se sont banalisées parmi les enfants issus des #classes_populaires, en premier lieu les jeunes femmes. De l’autre, les dispositifs adoptés pour lutter contre l’#échec en licence ont échoué, au point de laisser de nombreux étudiants seuls face à leurs #difficultés_scolaires.
    Comment conduire 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence quand le budget par étudiant chute depuis 15 ans à l’université ? Le #néolibéralisme scolaire n’envisage que la sélection, la hausse des #frais_d’inscription, la #concurrence entre établissements et la #professionnalisation des formations. Face à la détérioration des #conditions_d’enseignement, la suppression de #Parcoursup ne suffit pas.
    Cet ouvrage replace la transmission des #savoirs_universitaires au cœur du débat ; il montre l’urgence et la nécessité de lutter contre la différenciation des filières scolaires, à commencer par l’instauration d’un baccalauréat de culture commune, à la fois littéraire, scientifique et technologique.

    https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/luniversite-qui-vient
    #livre #ESR #enseignement_supérieur #France

    ping @_kg_

  • #Liberté, #exigence, #émancipation. Réinstituer l’#Université

    Les strates successives de #réformes subies par l’Université depuis vingt ans, même si elles ne sont pas dénuées d’incohérences, reposent sur un socle politique et idéologique relativement précis [1]. Celui-ci trouve notamment son articulation dans les travaux de sociologie des établissements d’enseignement supérieur par Christine Musselin [2] ou dans le rapport Aghion-Cohen de 2004 [3] sur “éducation et croissance”[4]. Pour une part, ce socle reprend les théories de la #croissance par l’#innovation et la “#destruction_créatrice” inspirées de #Joseph_Schumpeter [5] , surtout pertinentes pour la #recherche. Le socle intellectuel présidant aux réformes récentes combine cet héritage avec une vision de l’#aménagement_du_territoire fondée sur la partition entre des #métropoles intelligentes et concurrentielles et un vaste hinterland tributaire du #ruissellement_de_croissance, ce qu’Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti [6] appellent la « #mythologie_CAME » (#compétitivité-#attractivité-#métropolisation-#excellence). Dans cette perspective, hormis quelques cursus d’élite, les formations universitaires doivent surtout offrir des gages “d’#employabilité” future. Au fil des reconversions professionnelles, le “portefeuille de #compétences” initial se verra étoffé par des #certificats_modulables attestant de quelques #connaissances_spécialisées, ou de “#savoir-faire” dont certains relèveront probablement surtout du conditionnement opérationnel. Dans le même temps, #évaluation et #valorisation sont devenus les termes incontournables et quasi indissociables de la formulation d’une offre “client” qui débouche sur une organisation par marché(s) (marché des formations diplômantes, des établissements, de l’emploi universitaire…). Dans les variantes les plus cohérentes de ce programme, ces #marchés relèvent directement du #Marché, d’où la revendication d’une #dérégulation à la fois des #frais_d’inscription à l’université et des #salaires des universitaires.

    Sortir l’Université de l’ornière où ces réformes l’ont placée impose de construire un contre-horizon détaillé. Les mots d’ordre défensifs de 2008 et 2009 n’avaient sans doute que peu de chances d’arrêter la machine. Aujourd’hui, la demande d’une simple abrogation des dispositions prises à partir de 2007 ne serait pas à la hauteur des changements internes que ces politiques ont induits dans l’Université. On ne saurait de toute façon se satisfaire d’une perspective de restauration de l’ancienne Université. C’est en ce sens que nous parlons de ré-institution ou de refondation.

    Émanciper qui, de quoi, pour quoi faire

    Il est impératif de prendre comme point de départ la question des finalités sociales et politiques de l’Université. Si la référence à la notion d’émancipation est indispensable à nos yeux, elle ne suffit pas non plus à définir un nouvel horizon. La capacité du discours réformateur néolibéral à assimiler et finalement dissoudre le projet émancipateur n’est plus à prouver, y compris en matière scolaire : le recours à la notion de compétence, du primaire à l’université, renvoie ainsi, cyniquement, à une idée généreuse de pédagogies alternatives visant à libérer l’institution scolaire de ce qui était perçu comme un carcan autoritaire transformant les élèves en singes savants. Cet idéal scolaire émancipateur systématiquement dévoyé a pris des formes multiples et parfois contradictoires, et ce n’est pas ici le lieu de les analyser. Au moins depuis Boltanski & Chiapello [7], on sait qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité du management à digérer la “critique artiste du capitalisme”, pour mettre en place un nouveau modèle de néolibéralisme autoritaire. L’auto-entrepreneur·euse de soi-même assujetti·e aux normes de valorisation par le marché est pour nous un épouvantail, mais il s’agit d’une figure d’émancipation pour certains courants réformateurs.

    L’émancipation n’est jamais une anomie : c’est un déplacement collectif et consenti de la nature des normes et de leur lieu d’exercice. Poser la question de la finalité émancipatrice de l’#enseignement_supérieur, c’est demander qui doit être émancipé de quoi et pour quoi faire. Ce “pour quoi faire”, en retour, nous renvoie au problème du comment, dans la mesure où devant un tel objectif, c’est sans doute la détermination du chemin qui constitue en soi le seul but atteignable.

    L’#autonomie_étudiante

    À première vue, la réponse à la question « qui » est tautologique : il s’agit d’émanciper les étudiant·es — mais comme on va le voir, si l’on pose l’existence d’un cycle auto-amplificateur entre étudiant·es et enseignant·es, cela pose aussi la question de l’émancipation de l’ensemble des universitaires. Il importe de souligner que les étudiant·es ne sont pas forcément « la jeunesse », ni la jeunesse titulaire du baccalauréat. Quant à savoir de quoi il s’agit de les émanciper, la réponse est d’abord : du déterminisme par le milieu social, culturel et géographique d’origine [8]. Cela représente à la fois un enjeu démocratique et un enjeu social majeur.

    L’Université doit être librement et gratuitement accessible à toute personne détenant le baccalauréat à tout âge de la vie ; tout établissement universitaire doit proposer une voie d’accès, le cas échéant via une propédeutique, aux personnes ne détenant pas le baccalauréat mais désirant entamer des #études_supérieures ; l’#accès gratuit à l’Université et à son ouverture intellectuelle et culturelle ne doit pas être conditionné à l’inscription à un cursus diplômant.

    Ce programme impose la mise en œuvre parallèle d’une politique d’#autonomie_matérielle des étudiant·es. Nous souscrivons à l’essentiel des propositions formulées par le groupe Acides [9] en faveur d’un “#enseignement_supérieur_par_répartition”, c’est-à-dire d’un système socialisé d’#accès_aux_études, pour qu’elles soient menées dans les meilleures conditions de réussite. Nous proposons que l’#allocation_d’autonomie_étudiante soit versée de droit pour trois ans, prolongeables d’un an sur simple demande, à toute personne inscrite dans une formation diplômante de premier cycle, avec possibilité de la solliciter pour suivre une formation universitaire non-diplômante, mais aussi une formation de deuxième ou de troisième cycle. Pour ces deux derniers cycles, toutefois, ce système nous semble devoir coexister avec un dispositif de pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire dans les métiers d’intérêt général que la collectivité a vocation à prendre en charge : médecine et soins infirmiers, enseignement primaire et secondaire, recherche scientifique, aménagement du territoire et transition écologique…

    Pour une #géographie de l’#émancipation_universitaire

    Ces premiers éléments nécessitent de se pencher sur ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler “le #paysage_universitaire”. Il faut ici distinguer deux niveaux : un niveau proprement géographique, et un niveau sociologique qui conduit immanquablement à poser la question des différents cursus post-bac hors universités, et notamment des grandes écoles.

    Au plan géographique, il est nécessaire de s’extraire de la dichotomie mortifère entre des établissements-monstres tournés vers la compétition internationale et installés dans des métropoles congestionnées, et des universités dites “de proximité” : celles-ci, à leur corps défendant, n’ont pas d’autre fonction aux yeux des réformateurs que d’occuper une jeunesse assignée à résidence géographiquement, socialement et culturellement [10]. Le #maillage_territorial actuel est dense, du fait de l’héritage de la dernière vague de création d’#universités_de_proximité. Pour autant, il s’organise selon une structure pyramidale : l’héritage évoqué est en effet corrigé par une concentration des investissements au profit de quelques établissements hypertrophiés. A contrario, nous préconisons une organisation en réseau, dont les cellules de base seraient des établissements de taille moyenne, c’est-à-dire ne dépassant pas les 20.000 étudiants. Nous avons besoin d’universités à taille humaine, structurées en petites entités autonomes confédérées. Ces établissements doivent offrir aux étudiants des perspectives d’émancipation vis-à-vis du milieu d’origine et de la sclérose intellectuelle qui frappe le pays ; ils doivent permettre une recherche autonome, collégiale et favorisant le temps long.

    Pour cela, nous proposons un plan en deux temps. D’une part, un surcroît d’investissement doit être consenti vers des pôles de villes moyennes pour en faire, non des “universités de proximité” centrées sur le premier cycle, mais des établissements complets proposant également une activité scientifique de pointe et exerçant une attraction nationale, afin de décentrer le système universitaire actuellement structuré par l’opposition entre métropoles et hinterland. D’autre part, nous préconisons d’installer trois à cinq nouvelles universités dans des villes moyennes ou des petites villes, à bonne distance des métropoles, en prenant appui sur le patrimoine bâti abandonné par l’État et sur les biens sous-utilisés voire inoccupés appartenant aux collectivités. Certaines #villes_moyennes voire petites disposent en effet d’anciens tribunaux, de garnisons ou même des bâtiments ecclésiastiques qui tombent en déshérence. Notons qu’il ne s’agit pas seulement de les transformer en laboratoires et en amphithéâtres : au bas mot, notre pays a aussi besoin d’une centaine de milliers de places supplémentaires de cités universitaires à très brève échéance.

    L’#utilité_sociale de l’enseignement supérieur ne se réduit pas à “former la jeunesse” : cette nouvelle géographie ne saurait être pensée sur le mode du phalanstère coupé du monde. Au contraire, les #universités_expérimentales doivent être fondues dans la ville et dans la société. La refondation de l’Université s’accompagne donc d’un projet urbanistique. L’#architecture de l’université doit être pensée en sorte que les #campus soient des #quartiers de la ville, avec les services publics et privés nécessaires à une intégration vivante de ces quartiers dans le #territoire. Les lieux de vie universitaires doivent inclure des écoles maternelles, primaires et secondaires, des commerces, des librairies, des théâtres, des zones artisanales et des quartiers d’habitation pour celles et ceux qui feront vivre ces lieux. Les bibliothèques universitaires et les bibliothèques municipales des villes universitaires doivent être rapprochées, voire fusionnées.

    La question des #Grandes_Écoles

    Les politiques de différenciation entre établissements de recherche et de proximité croisent la problématique des grandes écoles, mais ne se confond pas avec elle : en atteste l’échec du projet de fusion de Polytechnique avec l’université d’Orsay-Saclay, ou la survivance d’une myriade d’écoles d’ingénieur·es et de commerce proposant des formations indigentes avec un taux d’employabilité équivalent à celui d’une licence d’une petite université de proximité. La refondation esquissée ici sera compromise tant que la question de la dualité Université / Grandes Écoles n’aura pas été réglée. On ne fera pas l’économie d’une instauration effective du monopole de l’Université sur la collation des grades. Cela implique une montée en puissance des #capacités_d’accueil, c’est-à-dire du nombre d’établissements, des moyens récurrents et des postes d’universitaires titulaires dans tous les corps de métier, de façon à pouvoir atteindre une jauge de 600.000 étudiant·es par promotion de premier cycle, 200.000 étudiant·es par promotion de deuxième cycle, 20.000 étudiant·es (rémunéré·es !) par promotion de troisième cycle, soit un total d’environ 2,4 millions d’étudiant·es. Précisons qu’il y avait en 2019-2020 1,6 millions d’étudiants à l’Université, 600.000 dans d’autres établissements publics, majoritairement des lycées (CPGE, BTS), et 560.000 dans le secteur privé. Le chiffre de 2.4 millions d’étudiants à l’Université correspond donc à une estimation basse des effectifs une fois le monopole universitaire sur la collation des grades rétabli.

    Dans le détail, l’application de ce programme signifie que les formations d’ingénieurs pourront et devront être assurées à l’Université, avec un pré-recrutement dans certains domaines, l’écologie notamment ; les sections de technicien supérieur (STS) seront soit rattachées aux instituts universitaires de technologie (IUT) existants, soit constituées en IUT. Pour ce qui est des écoles de commerce, on pourra se contenter de supprimer la reconnaissance de leurs diplômes dans les conventions collectives et les concours de la Fonction publique. L’Institut d’Études Politiques de Paris doit devenir une université de droit commun. Les IEP de Province et les antennes régionales de l’IEP Paris ont vocation à intégrer l’université la plus proche sous la forme d’une UFR de sciences politiques, tandis que la Fondation Nationale des Sciences Politiques doit être dissoute, et son patrimoine transféré, par exemple à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme [11].

    La question des #Écoles_Normales_Supérieures (#ENS), initialement pensées pour pré-recruter des enseignants et des chercheurs au service de l’Université, peut être résorbée par l’extension de ce pré-recrutement à travers le pays, le décentrage vis-à-vis de Paris et Lyon, la construction de cités étudiantes dotées de bibliothèques et la mise en place de formations expérimentales par la recherche interdisciplinaire. Les ENS seraient ainsi rendues caduques du fait de l’extension à l’Université du mode de fonctionnement qui était censé être le leur.

    Une fois privées de leur débouché de principe, on peut se demander quelle utilité resterait aux #classes_préparatoires : beaucoup fermeraient, mais certaines pourraient être maintenues pour aider au maillage territorial à un niveau de propédeutique, si l’on souhaite rétablir une sorte de trivium occupant les trois ou quatre premiers semestres, fonction que le DEUG assurait jadis. En tout état de cause, la licence elle-même ne pourra être obtenue qu’à l’Université.

    Que faire des #cursus ?

    Cela nous amène au problème de l’organisation des enseignements et des cursus, lequel nous impose de faire retour à la question initiale : émanciper qui, de quoi, comment et pour quoi faire ? Pour nous, l’existence de l’Université comme institution d’enseignement distincte du lycée se justifie par un lien spécifique entre la formation universitaire et la #recherche_scientifique. L’enseignement secondaire a pour fonction de transmettre des savoirs déjà stabilisés, ce qui n’est pas exclusif d’un aperçu de l’histoire complexe de cette consolidation, ni même des contradictions subsistant dans les corpus enseignés. La formation universitaire a ceci de spécifique qu’elle ne dissocie jamais totalement la production, la transmission et la critique des #savoirs. Par conséquent, seul le niveau propédeutique, encore essentiellement consacré à l’acquisition de bases communément admises d’une discipline, peut à la rigueur être dispensé hors Université, dans la mesure où il ne donne pas lieu à la collation d’un grade.

    Inversement, la licence (ou le titre qui pourrait lui succéder) impose un saut qualitatif avec une première confrontation aux réalités de la recherche scientifique, entendue comme pratique collégiale de la dispute argumentée, sur une problématique construite par la communauté au vu d’un état de la recherche. Aucune licence ne devrait pouvoir être accordée sans une première expérience en la matière, ne serait-ce qu’en position d’observation. Cette première expérience doit prendre des formes différentes selon les disciplines : stage d’observation en laboratoire, brève étude de terrain, traduction commentée… assortis de la rédaction d’un état de l’art. De ce fait, un #cursus_universitaire doit reposer sur un enseignement dispensé par des scientifiques ayant une activité de recherche. On peut penser qu’en-deçà de deux tiers du volume horaire d’enseignement assuré directement par des scientifiques titulaires, le caractère universitaire d’un cursus est remis en jeu. Reconnaître ce seuil aurait également le mérite de limiter réglementairement le recours aux #vacataires et contractuel·les, qui s’est généralisé, tout en laissant une marge suffisamment importante pour offrir aux doctorant·es qui le souhaitent une première expérience de l’enseignement, et en ménageant une place à des intervenant·es extérieur·es qualifié·es dont le point de vue peut être utile à la formation.

    S’agissant des formes d’#enseignement, nous ne croyons pas qu’il soit possible de s’abstraire dès le premier cycle d’une présentation argumentée et contradictoire de l’#état_de_l’art sur les grandes questions d’une discipline. Le #cours_magistral garde donc une pertinence, non comme instrument de passation d’un savoir déjà établi, mais comme outil de liaison entre transmission et critique des savoirs existants. La dimension expérimentale et créative de la formation doit toutefois monter en puissance au fur et à mesure que cette phase propédeutique initiale approche de son terme. De même, la forme du #séminaire_de_recherche doit avoir sa place dans le ou les derniers semestres de licence, et ce quel que soit le cursus.

    Nous ne nous inscrivons pas dans la distinction binaire entre cursus professionnalisants et non-professionnalisants. Cette question de la qualification nous paraît relever d’une pluralité de pratiques qui doit être réglée à l’échelle des disciplines et des mentions. Pour tenir les deux bouts, l’Université doit proposer un éventail de formations présentant des degrés divers d’imbrication avec la recherche finalisée et non-finalisée, des formes plurielles d’application, et des objectifs professionnels différents. Elle doit être conçue comme une grande maison rassemblant la diversité des formations supérieures ; à cet égard, elle ne doit pas reproduire l’opposition des trois baccalauréats (général, technologique et professionnel), ni leur hiérarchie.

    #Disciplines et #indiscipline

    La progression chronologique des cursus et leur cohérence académique ont une importance particulière. Nous persistons à penser que la connaissance scientifique a une dimension historique et cumulative, qui inclut aussi une part de contradictions. C’est ce qui fait l’importance de l’initiation à la notion d’état de la recherche. De ce fait, la temporalité des cursus doit être pensée en conformité avec une progression intellectuelle, pédagogique et scientifique, et non réduite à une combinaison de modules qu’il faudrait faire entrer au chausse-pied dans des maquettes obéissant à des contraintes essentiellement administratives. De là découlent plusieurs conséquences, qui s’appliquent aussi aux cursus interdisciplinaires et expérimentaux que nous appelons de nos vœux. Tout d’abord, les contraintes bureaucratiques ne doivent pas conduire à malmener la #temporalité_pédagogique des étudiant·es. Cela signifie en particulier que l’allocation d’autonomie étudiante en licence devra pouvoir être portée à quatre ans sur simple demande.

    Sur le plan de l’organisation de l’offre de cours, l’insistance sur la #progression_pédagogique et intellectuelle implique de définir quels enseignements fondamentaux doivent impérativement être validés pour permettre le succès dans les étapes ultérieures de la formation. Cela pose la question de la “compensation” des sous-disciplines entre elles : dans sa forme la plus radicale, ce dispositif permet notamment de passer à l’année supérieure si l’on obtient une moyenne générale supérieure à 10/20, sans considération des enseignements non-validés. Il ne nous semble pas pertinent d’abolir toute forme de compensation, car ce dispositif procède assez logiquement de l’idée qu’un cursus n’est pas une juxtaposition de certificats, mais représente l’agencement cohérent d’enseignements obéissant à une structure systématique. En revanche, nous pensons que pour chaque cursus, un bloc disciplinaire doit être dégagé, à l’échelle duquel un niveau minimal doit être atteint par l’étudiant·e pour être en situation de bénéficier des enseignements ultérieurs. Pour augmenter les chances de succès des étudiant·es après une première tentative infructueuse, les enseignements fondamentaux du premier cycle doivent être répétés à chaque semestre.

    On touche ici à un équilibre délicat : en effet, l’exigence d’une progression pédagogique cohérente, qui requiert un cadrage disciplinaire national, ne doit pas être mise au service d’une conception privilégiant la pure transmission au détriment de la production, de la critique et de la reconfiguration des savoirs et in fine des disciplines elles-mêmes. La discipline représente un stade socialement stabilisé de la pratique scientifique, mais elle émerge à partir d’un réseau social (au sens littéral du terme) de scientifiques, qui développent un jargon, des modèles de pensée, des revues, des conférences, dans une dialectique de l’évolution et de la conservation. Les maquettes de cursus et les instances d’élaboration du cadrage national doivent donc impérativement maintenir le caractère évolutif des disciplines, ainsi que la possibilité de leur hybridation, de leur scission ou de leur fusion.

    Si le contact avec la production et la critique des savoirs, au niveau licence, peut se réduire à une simple observation, il n’en va pas de même en master. Tout master, y compris ceux qui préparent à l’enseignement secondaire et ceux qui ouvrent le droit au titre d’ingénieur, doit inclure une part significative de séminaires de recherche et/ou de séjours en laboratoires et de terrains d’analyse. Considérant la définition que nous donnons de la recherche scientifique comme pratique argumentative contradictoire empiriquement étayée, reposant sur un état de l’art et faisant appel à un appareil probatoire objectivable, il nous semble que la mobilité des étudiants d’un établissement ou d’un laboratoire vers un autre doit être encouragée. Cela passerait par la mise en place de dispositifs d’accompagnement financier et logistique pour favoriser une pratique démocratique de la peregrinatio étudiante. En particulier, elle peut être systématisée dans les cursus donnant lieu à un pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire.

    Échapper à la Tour d’Ivoire

    La finalité sociale d’une refondation de l’enseignement supérieur ne doit pas se réduire à la formation initiale des corps mettant en œuvre l’accès aux droits fondamentaux (soin, santé environnementale, génie civil, justice, éducation…). Plus généralement, le rôle de l’Université excède la question de l’émancipation “des étudiant·es” au sens d’un groupe social à la recherche d’une formation précise ou d’une qualification. À la crise environnementale qui frappe la terre entière selon des modalités différentes s’ajoute en France une crise sociale et démocratique profonde. L’objectif de refondation de l’Université est une étape de la réponse politique à cette triple crise.

    Nous devons satisfaire trois exigences : la première est l’autonomie intellectuelle et matérielle maximale de la jeunesse ; la deuxième nécessité est la réévaluation de l’utilité sociale des savoirs et des qualifications, contre les hiérarchies actuelles : il s’agit d’aller vers une organisation où un·e bachelier·e professionnel·le maîtrisant les bonnes techniques agro-écologiques ne se verra plus placé.e socialement et scolairement en-dessous d’un·e trader·euse polytechnicien·ne, ni un·e professeur·e des écoles en-dessous d’un·e publicitaire. Le troisième objectif, par lequel nous souhaitons terminer cette contribution, est l’octroi d’une formation scientifique, technique et artistique de qualité pour le plus grand nombre, condition nécessaire à un traitement démocratique et contradictoire des grands problèmes scientifiques, techniques et écologiques du moment.

    Ce dernier point impose un double mouvement. L’imbrication de l’Université dans la ville doit également concerner les formations elles-mêmes. L’Université doit être sa propre “#université_populaire”, dispensant des enseignements ouverts à toutes et tous. Cela peut se faire pour partie sous la forme d’une #formation_continue gratuite ; l’argent actuellement versé au titre de la formation continue serait alors converti en cotisations patronales à l’enseignement supérieur “par répartition”. Mais au-delà des formations continues, l’Université doit continuer de proposer des formations scientifiques non diplômantes et des cours libres à destination des publics intéressés, et étoffer cette offre lorsqu’elle existe.

    Réinstituer une #communauté_universitaire

    Ce plan suppose une émancipation des universitaires, en particulier des corps enseignants, qui soit l’œuvre des universitaires eux-mêmes. Or après vingt années de fabrication managériale du consentement, le refus ou la difficulté de penser la science et ses modalités de production, de réception et de critique prévalent dans l’esprit d’un grand nombre d’enseignant·es-chercheur·euses. Répondre en détail à ce défi imposerait un retour sur les #politiques_de_recherche qu’il s’agit de reconstruire, et sur l’organisation collective de l’#autonomie_du_monde_savant, avec ses conditions budgétaires et statutaires notamment. Cette affirmation ne relève pas du mot d’ordre catégoriel mais de la nécessité intellectuelle : une recherche scientifique de qualité, participant du libre exercice de la #disputatio ou discussion argumentée et orientée vers la recherche de la vérité, demande des garanties matérielles contre toute tentative d’intimidation ou toute dépendance vis-à-vis de donneur·euses d’ordres, de financeur·euses extérieur·es ou tout·e collègue plus puissant·e et susceptible de prendre ombrage d’un travail. La #liberté_académique a ses conditions de réalisation, et la première est d’offrir aux universitaires un statut pérennisant leur indépendance [12].

    La #précarisation objective et subjective des emplois universitaires et scientifiques change la nature de leur métier, et par ricochet, l’essence même de la recherche, et des formations dispensées à l’Université. En droit, cette protection statutaire s’étend à tous les corps de métier vitaux à l’exercice des missions universitaires. Pour nous, les personnes concernées ne sont pas des “personnels des universités” : elles sont l’Université en tant que communauté de pratiques et de buts. Aujourd’hui, une sphère bureaucratico-managériale s’est constituée par accrétion d’une partie de ces corps de métier (au premier rang desquels certain·es enseignant·es-chercheur·euses). Cette sphère se trouve de fait dans une situation de sécession vis-à-vis du reste de l’Université. Ses prébendes reposent sur la dépossession pratique des agent·es qui constituent la sphère académique. Pour le dire autrement : la sphère gestionnaire des universités se construit sur la négation de l’idée d’Université, et la reconstruction de celle-ci passera nécessairement par le démantèlement de celle-là.

    Le réarmement rationaliste critique a des implications pour l’organisation même de l’Université, qui doit être intégralement revue dans le sens d’une gestion collégiale à échelle humaine, avec rotation des responsabilités, réduction maximale de la division du travail, reconnaissance de la valeur de tous les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, protection contre les différentes formes de harcèlement et d’intimidation, qu’elles émanent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’institution. Cette auto-administration au plus près du terrain doit être redoublée par des garanties nationales en termes de péréquation territoriale et disciplinaire et par la présence d’instances démocratiques de coordination en réseau, selon le principe d’équilibre territorial énoncé plus haut. Les prérogatives accaparées par les bureaucraties depuis vingt ans doivent être reprises démocratiquement, à la fois au sommet (au niveau du pilotage national), et au niveau de l’organisation du fonctionnement des établissements.

    Il y a quelques années, un dirigeant d’université parisienne déplorait que son établissement, alors occupé par des étudiants, soit devenu un “capharnaüm” avec “de la violence, de la drogue, du sexe même” — il y aurait beaucoup à dire sur la hiérarchie des maux que construit cette formule. Signalons simplement que l’Université promue par ces dirigeants est une maison qui rend fou, pleine de violence, de CAME et de souffrance. L’avenir démocratique du pays dépend en partie de notre capacité à leur opposer une vision de l’Université comme tiers-lieu plein de controverses argumentées, d’invention intellectuelle et de #plaisir.

    [1] L’objet de cette contribution n’est pas de récapituler la littérature abondante consacrée à la critique de l’existant ou à la documentation des réformes. Pour une synthèse informée, on se reportera notamment à l’ouvrage de Chr. Granger La destruction de l’Université française (La Fabrique, 2015). On lira également avec intérêt, pour ce qui est des questions de formation, L’Université n’est pas en crise de R. Bodin et S. Orange (Le Croquant, 2013) et La Société du concours d’A. Allouch (Le Seuil, 2017). Le séminaire « Politique des Sciences » et la revue Contretemps Web proposent également des suivis analytiques intéressants de la mécanique réformatrice sur la moyenne durée. Pour une critique des premières étapes du programme réformateur, on lira notamment les travaux de Chr. Charle et Ch. Soulié, comme Les ravages de la « modernisation » universitaire en Europe (Paris : Syllepse, 2007) et La dérégulation universitaire : La construction étatisée des « marchés » des études supérieures dans le monde (Paris : Syllepse, 2015).

    [2] Chr. Musselin, Le Marché des universitaires. France, Allemagne,États-Unis, Paris, Presses de Sciences Po, 2005 ; Chr. Musselin, La grande course des universités,Paris, Presse de Sciences Po, 2017.

    [3] Ph. Aghion, É. Cohen (avec É. Dubois et J. Vandenbussche). Éducation et croissance. Rapport du Conseil d’Analyse Économique, 2004. https://www.cae-eco.fr/Education-et-croissance.html

    [4] Il faudrait également analyser sur la durée la production de think tanks et de revues proches des milieux réformateurs. Citons par exemple plusieurs rapports de l’Institut Montaigne : J.-M. Schlenker, Université : pour une nouvelle ambition, avril 2015 ; G. Babinet & E. Husson (dir.), Enseignement supérieur et numérique : connectez-vous !, juin 2017 ; R. McInness (dir.), Enseignement supérieur et recherche : il est temps d’agir !, avril 2021. On pourra également prendre connaissance avec intérêt du dossier « Universités : vers quelle autonomie ? » paru dans Esprit en décembre 2007, sous la codirection d’Yves Lichtenberger, Emmanuel Macron et Marc-Olivier Padis.

    [5] On pourrait contester l’interprétation que Philippe Aghion, notamment, donne de Schumpeter, en objectant que les théories de celui-ci sont pensées pour l’innovation industrielle et prennent pour point de départ le profit lié au cycle de la marchandise. L’application de tels modèles à un capitalisme de crédit faisant une place importante à la dette étudiante représente une rupture par rapport au cadre initial de Schumpeter, rupture dont les tenants et aboutissants en terme d’économie politique gagneraient à être explicités par les économistes défendant de ce nouveau modèle.

    [6] O. Bouba-Olga et M. Grossetti, “La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?”, 2018. hal-01724699v2

    [7] L. Boltanski et E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

    [8] La réflexion politique de RogueESR étant articulée autour des notions d’autonomie et de liberté, nous employons de préférence le terme d’ »émancipation », à la fois pour sa dimension simultanément collective et individuelle, pour sa capacité à désigner l’autoritarisme réformateur comme adversaire central, et pour sa faculté à souligner qu’il ne s’agit pas d’offrir l’éducation à celles et ceux qui en sont privés, mais aussi de libérer celle-ci. Mais au moins pour ce qui est de son premier volet, ce programme d’émancipation rejoint la problématique de la « démocratisation » posée par le Groupe de Recherches pour la Démocratisation Scolaire.

    [9] D. Flacher, H. Harari-Kermadec, L. Moulin. “Régime par répartition dans l’enseignement supérieur : fondements théoriques et estimations empiriques », Économie et Institutions, 2018. DOI : 10.4000/ei.6233

    [10] Le projet de “collège de premier cycle” de l’université Paris-Saclay a montré que le même établissement peut parfois jouer tour à tour les deux rôles via des dispositifs de différenciation interne.

    [11] Assurément, ces changements, qui n’affecteront qu’une minorité d’étudiant·es, se heurteront à une résistance considérable compte tenu du rôle que les corps concernés jouent dans l’appareil d’Etat. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous récusons l’idée qu’une refondation de l’enseignement supérieur pourrait se faire sur la seule base de revendications catégorielles ou à plus forte raison strictement budgétaires : le concept d’Université, pour être réalisé, demande une articulation à un programme de ré-institution plus large de la société.

    [12] Cela implique un plan de rattrapage pour l’emploi titulaire, à destination des universitaires précaires qui assurent aujourd’hui des tâches fondamentales dans tous les corps de métiers. Dans la mesure où le chiffre de 15.000 postes parfois avancé est manifestement insuffisant puisqu’inférieur à ce que nécessiterait le simple maintien des taux d’encadrement tels qu’ils étaient en 2010, nous ne nous avancerons pas sur un chiffrage : celui-ci devra être réalisé a posteriori, sur la base d’un audit des besoins qui en définisse le plancher – et non le plafond. Pour un chiffrage des besoins, voir https://tinyurl.com/2jmfd5k9. Le collectif Université Ouverte a également publié des éléments de chiffrage : https://tinyurl.com/4uptvran

    https://mouvements.info/liberte-exigence-emancipation-reinstituer-luniversite

  • Le jeu de bonneteau du projet de #loi_de_finance #2021

    La lettre de démission du directeur général de la recherche et de l’innovation, B. #Larrouturou (https://seenthis.net/messages/888341), sitôt la loi de programmation de la recherche adoptée, éclaire d’un jour nouveau les #dysfonctionnements chroniques du ministère : les hauts fonctionnaires des administrations centrales n’ont eu aucun contact avec la ministre depuis six mois, cette dernière étant maintenue à l’isolement par le cabinet qui lui a été imposé par l’Elysée. On comprend dans ces conditions que Mme #Vidal ait fait porter les #amendements délétères de son groupe d’influence, la défunte #Curif devenue l’#Udice, par des parlementaires centristes.

    Les universitaires et les chercheurs ont eu la surprise de recevoir un “courrier destiné à l’ensemble des personnels de Madame #Frédérique_Vidal” (sic), truffé de fautes d’orthographe et de syntaxe, rassemblant l’ensemble des éléments de langage budgétaires égrenés par la ministre depuis un an. Leur réfutation, fastidieuse mais nécessaire, a été menée avec sérieux par le rapporteur au Sénat Jean-François Rapin (http://www.senat.fr/rap/l20-138-324/l20-138-3241.pdf), qui a mis à jour l’essentiel des #manipulations_budgétaires. On comprend mal, dans ces conditions, que le groupe Les Républicains ait voté ce #budget, en le conditionnant à l’adoption d’un amendement (http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-993.html) aussi absurde qu’injuste prélevant 20 millions à l’#Université au profit des #organismes_de_recherche.

    La #désinformation ne repose pas tant sur des chiffres erronés que sur un projet de loi confus, une comptabilité illisible et un budget insincère. L’angle d’attaque du sénateur Rapin est le bon : la #Loi_de_Programmation_de_la_Recherche ne programme strictement rien. Son volet budgétaire — qui fixe un #plafond bien plus qu’un #plancher — n’a été là que pour camoufler le plus longtemps possible la visée de la loi : dérégulation statutaire et généralisation des contrats. Relevons ici quelques faits saillants.

    Les #postes statutaires — 242 postes de chargés de recherche #CNRS seront ouverts au #concours en 2021 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042593121) : 51 de moins qu’il y a 3 ans, 117 de moins qu’il y a 10 ans. 60 postes de chargés de recherche à l’#Inserm (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042660370) soit 15 de moins qu’en 2014. Le projet de loi de finance prévoit un plafond d’autorisation d’#emplois de 266 619 soit 11 de moins que l’an dernier. Et pour cause, depuis des années, comme le souligne la Cour des Comptes (https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Recherche-enseignement-superieur.pdf), 20’000 emplois programmés à l’Université ne sont pas créés, faute de moyens. Les 315 emplois supposés être créés dans la #fonction_publique en 2021 (5 200 en 10 ans) par la #LPR sont donc dérisoires et n’existeront probablement même pas, de nouveaux “#gels” de #postes_pérennes compensant les nouveaux #emplois_contractuels (« #tenure_tracks » et doctorants).

    Les #crédits — Dans le projet de loi de finance (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3642_projet-loi.pdf), les crédits de paiement de la #Mission_Recherche_et_Enseignement_Supérieur décroissent de 28 664 milliards € à 28 488 milliards €, soit -0,6%, quand l’#inflation devrait être de 0,75% et le glissement vieillesse technicité de 0,45%. Le budget de l’Université (programme 150) croît de 244 millions € parmi lesquels 164 millions € pour les mesures de la LPR [1]. Or, l’inflation correspond à 105 millions € et le #glissement_vieillesse_technicité à 56 millions soit -161 millions €. Le plan de #revalorisations et de #promotions des #carrières scientifiques n’est donc pas financé, et sera compensé par la suppression de postes statutaires. Le budget de la #recherche_publique (programme 172) croît de 221 millions € [2]. 60 millions € serviront à résorber un trou dans la #masse_salariale du CNRS, qui y a consommé son fond de roulement ces dernières années. Ne restent pour les mesures de la LPR que 79 millions €. L’inflation correspond à 54 millions € et le glissement vieillesse technicité à 48 millions €, soit -101 millions €. Le plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques devra donc prélever dans les #crédits_récurrents. En 2021, les crédits de l’#Agence_Nationale_de_la_Recherche (#ANR) augmenteront de 35 millions €. L’augmentation du taux de succès à l’ANR en 2021 ne sera logiquement financée que dans les budgets ultérieurs [3].

    Le #plan_de_relance — Le budget du projet de loi de finances 2021, médiocre, n’a pu être présenté en hausse qu’en mobilisant des crédits du plan de relance (hors LPR, donc) [4] qui proviennent essentiellement de #crédits_européens encore non votés (https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/6187). Le budget européen pour la recherche est lui même passé de 100 milliards € escomptés à 76 milliards € en juillet puis 80 milliards € en novembre sans que l’on connaisse encore la ventilation entre recherche publique et privée. Impossible, donc, de faire un bilan factuel, prenant en compte les effets budgétaires du Brexit. Dans le plan de relance, 805 millions € sont consacrés à la recherche, qui s’ajoutent aux 1 250 millions d’euros en provenance du #Programme_d’investissements_d’avenir (#PIA). 247 millions € sont dédiés à l’#enseignement_supérieur en 2021, qui s’ajoutent aux 125 millions € du PIA. En 2021, 900 millions € seront consacrés à la #rénovation_énergétique des #bâtiments universitaires, en procédant par appel à projet plutôt que par un recensement des bâtiments vétustes. Cela reste excessivement loin des 6,4 milliards € annoncés par Mme Vidal dans son courrier, dont ni le rapporteur du Sénat, ni nous, n’avons trouvé la trace. Parmi ces sommes, 300 millions € sont supposés être consacrés à la préservation de l’#emploi_privé en #recherche_et_développement (#R&D), qui seront difficilement dépensés, la plupart de ces emplois étant déjà financés par le #Crédit_d’Impôt_Recherche (#CIR). Dernier élément notable, la montée en charge rapide des #prêts_étudiants garantis par l’État annonce l’arrivée du dernier volet de transformation du supérieur : l’augmentation des #frais_d’inscription.

    Reçu via la mailing-list RogueESR, 14.12.2020
    #ESR #université #facs #mensonges #chiffres

  • Le #Conseil_d’État rejette les #recours contre l’arrêté fixant les #frais_d’inscription dans l’enseignement supérieur

    Saisi pour se prononcer sur les frais d’inscription dans l’#enseignement_supérieur public, le Conseil d’État juge qu’ils ne s’opposent pas à « l’#exigence_constitutionnelle de #gratuité » qui vise à assurer l’égal accès à l’instruction. Il précise en outre que cette exigence ne s’applique que pour les formations préparant à des #diplômes_nationaux.

    Plusieurs associations, syndicats étudiants et requérants individuels ont demandé au Conseil d’État d’annuler l’arrêté interministériel du 19 avril 2019 qui fixe les droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur et prévoit pour les étudiants étrangers « en mobilité internationale » un montant différent de celui payé par les étudiants français, européens ou déjà résidents en France.

    Avant de se prononcer sur ce recours, le Conseil d’État a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au #Conseil_constitutionnel.

    La Constitution exige la gratuité de l’#enseignement_supérieur_public, mais des #droits_d’inscription modiques peuvent être demandés

    Le 11 octobre 2019 , le Conseil constitutionnel a déduit une exigence constitutionnelle de gratuité de l’enseignement supérieur public du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit l’égal accès à l’instruction et l’organisation par l’État de l’enseignement public gratuit. Il a toutefois précisé que des droits d’inscription modiques pouvaient être perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. Enfin, le Conseil constitutionnel a laissé au Conseil d’État le soin de contrôler le #montant des frais d’inscription fixés par les ministres au regard de ces exigences.

    Le Conseil constitutionnel n’ayant, en revanche, pas précisé si cette exigence de gratuité pouvait bénéficier à tout étudiant étranger, y compris à ceux venus en France dans le seul but d’y faire leurs études, le Conseil d’État ne se prononce pas sur ce point dans sa décision de ce jour.

    Les frais d’inscription contestés ne font pas obstacle à l’#égal_accès_à_l’instruction, compte tenu notamment des aides et exonérations destinées aux étudiants

    Le Conseil d’État précise que l’exigence de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public pour les formations préparant aux diplômes nationaux (licence, master, doctorat…) mais pas aux diplômes propres délivrés par les établissements de façon autonome ni aux titres d’ingénieur diplômé délivrés par les écoles d’ingénieurs.

    Par ailleurs, il juge que le caractère #modique des droits d’inscription s’apprécie en tenant compte du coût des formations et de l’ensemble des dispositifs d’exonération et d’aides destinés aux étudiants, afin de garantir l’égal accès à l’instruction.

    S’agissant des étudiants « en mobilité internationale », le Conseil d’État estime que les droits d’inscription fixés par l’arrêté attaqué, qui peuvent représenter 30 % voire 40 % du coût de la formation, ne font pas obstacle à l’égal accès à l’instruction, compte tenu des exonérations et aides susceptibles de bénéficier à ces étudiants. Ces droits d’inscription respectent donc l’exigence rappelée par le Conseil constitutionnel, à supposer que ces étudiants puissent s’en prévaloir.

    Les #étudiants_étrangers « en #mobilité_internationale » ne sont pas dans la même situation que ceux destinés à s’établir en France

    Enfin, le Conseil d’État juge que des étudiants « en mobilité internationale », venus en France spécialement pour s’y former, ne sont pas dans la même situation que des étudiants ayant, quelle que soit leur origine géographique, vocation à être durablement établis sur le territoire national. Il valide donc la possibilité de prévoir pour ceux-ci des frais d’inscription différents.

    https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-conseil-d-etat-rejette-les-recours-contre-l-arrete-fixant-les-frais-
    #taxes_universitaires #France #ESR #Bienvenue_en_France

    La décision :
    https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-1er-juillet-2020-arrete-fixant-les-frais-d-inscription-d

    Métaliste sur la question de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers :
    https://seenthis.net/messages/739889

    • L’Université à bout de souffle

      Après la loi ORE en 2018, le décret « Bienvenue en France » et l’augmentation des frais d’inscription pour une partie des étudiants étrangers hors-UE en 2019, l’année universitaire qui vient de s’achever a vu une nouvelle réforme menacer les principes fondateurs de l’Université française. Le projet de loi LPPR, ou Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, est un texte qui propose, en principe, une évolution du budget de la recherche jusqu’en 2030. Dans les faits, la LPPR s’accompagne également de plusieurs mesures vivement contestées par la communauté scientifique : des « CDI de mission » (contrats appelés à se terminer à la fin d’un projet de recherche), des tenures tracks (recrutement accru de professeurs assistants temporaires), ou encore le renforcement d’un système de financement de la recherche basé sur des appels à projets et des évaluations prospectives.

      Maître de conférence, chercheur en Études cinématographiques à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et codirecteur du Master Cinéma et Audiovisuel depuis 2019, Antoine Gaudin est en première ligne face à cette nouvelle mesure qui menace le monde, déjà fragile, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons voulu nous entretenir longuement avec lui pour faire le point sur les conséquences de la LPPR sur son travail, sur les dernières réformes du quinquennat Macron à l’encontre de l’Université, mais aussi sur les formes possibles de contestation.

      (...)

      À partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui nomment « Bienvenue en France » une mesure ouvertement xénophobe, une mesure qui multiplie par quinze (!) les frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union Européenne, sans que cette hausse, délirante, ne soit assortie d’aucun avantage par rapport à leurs camarades étudiants français ou européens (ce qui constitue d’ailleurs un cas de discrimination de l’accès à un service public basée sur l’origine géographique), à partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui tordent le langage pour lui faire signifier tout simplement l’inverse ce qui est, vous n’êtes pas simplement face à la pratique de l’enrobage flatteur constituant le support traditionnel de la communication politique. À ce niveau-là, vous avez basculé dans un au-delà de la raison, que l’on appelle parfois post-vérité, que des responsables politiques de haut rang devraient s’interdire d’utiliser, et que des médias critiques et indépendants devraient dénoncer, étant donné le danger qu’il représente pour la démocratie.

      (...)

      Faisons ici un peu d’anticipation. La première évolution possible serait la diminution des effectifs étudiants, qui permettrait aux universités de fonctionner malgré la pénurie de personnels. On en a déjà un peu pris le chemin avec la loi ORE de 2018, aussi nommée Parcoursup, qui a instauré le principe de la sélection à l’entrée de l’Université. Avec la fin d’un accès de droit à l’Université pour tous les bacheliers, on laisse un certain nombre de jeunes gens sur le carreau, en les empêchant d’accéder à un niveau d’études dans lequel ils auraient pu éventuellement se révéler. L’autre solution, pour pouvoir continuer à accueillir l’essentiel d’une classe d’âge chaque année, ce serait l’augmentation du coût des études, c’est-à-dire des frais d’inscription, afin de permettre aux universités devenues « autonomes » d’opérer les recrutements indispensables à un fonctionnement à peu près normal. On sait d’ailleurs, grâce aux MacronLeaks, que c’est globalement cela, le projet à terme, et que la multiplication par quinze des frais d’inscription des étudiants étrangers n’est qu’une façon d’amener ce qui sera sans doute la prochaine grande réforme de l’Université, si jamais la LPPR passe, c’est-à-dire la même hausse des frais d’inscription pour l’ensemble des étudiants. La plupart devront donc souscrire des emprunts bancaires pour faire face au coût de leurs études, ce qui signifie qu’ils passeront plusieurs années, au début de leur vie professionnelle, à rembourser un crédit.

      Bref, l’enseignement supérieur va sans doute à terme se transformer complètement en marché, et les étudiants en entrepreneurs d’eux-mêmes, dans un univers concurrentiel qui les forcera à rationaliser leurs parcours (adieu l’idée de se réorienter, de chercher sa voie, de se cultiver avant tout), afin d’être immédiatement « employables » dans la grande machine économique, et donc de ne pas trop pâtir de leur dette à rembourser. L’idée de l’Université, non seulement comme espace d’apprentissage et d’insertion professionnelle, mais surtout comme espace pour former des citoyens conscients, critiques et émancipés, prendrait alors un nouveau plomb dans l’aile. Quand bien même ce très probable scénario-catastrophe serait finalement abandonné au profit d’une plus grande sélection à l’entrée des facs, ou bien au profit d’une dégradation continue des conditions d’accueil et d’accompagnement, la LPPR nous fait foncer tête baissée vers une nouvelle remise en cause de l’accès à tous à des études gratuites de qualité. Si j’étais étudiant, je m’en inquiéterais et je refuserais cette perspective qui, associée aux réformes des retraites et de l’assurance-chômage, notamment, prépare un avenir bien sombre, où l’autonomie vis-à-vis des mécanismes tout-puissants du marché sera fortement réduite. Ce monde que nos dirigeants politiques sont en train de mettre en place pour eux, il faut que les étudiants disent maintenant, nettement et massivement, s’ils l’acceptent ou le refusent. Après, ce sera trop tard, car hélas on ne revient quasiment jamais sur des réformes de régression sociale une fois qu’elles ont été adoptées.

      https://www.critikat.com/panorama/entretien/luniversite-a-bout-de-souffle

    • Le Conseil d’État permet au gouvernement de fermer l’université

      Ce mercredi 1er juillet, le Conseil d’État a rendu sa décision concernant les contestations portées contre l’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur.

      Cette décision procède d’une véritable réécriture de la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 2019 qui était venu consacrer, sur le fondement du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’exigence constitutionnelle de gratuité de l’accès à l’enseignement supérieur public, avec la perception de droits d’inscription modiques en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiant·es.

      S’affranchissant des garde-fous érigés par les juges constitutionnel·les, le Conseil d’État a écarté toute possibilité de prise en compte de la capacité financière des étudiant·es, en estimant que le caractère modique des frais d’inscription exigés des usagèr·es suivant des formations dans l’enseignement supérieur public en vue de l’obtention de diplômes nationaux doit être apprécié au regard du coût de ces formations.

      Constatant que le « coût annuel moyen » de la formation suivie par un·e étudiant·e en vue de l’obtention d’un diplôme de licence, de master, de doctorat ou d’un titre d’ingénieur·e diplômé·e est évalué à la somme de 10 210 euros par la Cour des comptes, dans son rapport sur les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public de novembre 2018, et à la somme de 9 660 euros par le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’accueil des étudiant·es extra-européen·nes en France du 13 mars 2019, le Conseil d’État va ainsi s’employer à vider entièrement de sa substance le principe de gratuité dégagé par le Conseil constitutionnel.

      Or, ce montant ne reflète pas la réalité des coûts de formations des différentes filières à l’université. Puisque que la Cour des comptes retient que le coût global d’une formation en santé (médecine, pharmacie, PACES) est de 3 307 euros et représente, en science humaines et sociales, 2 736 euros en licence et 3 882 en masters, les frais appliqués par Bienvenue en France (2 770 euros en Licence, 3 770 euros en Master) conduisent de facto à faire supporter aux étudiant·es étrangèr·es l’intégralité du coût global de leurs formations.

      Eu égard à la fois à la part du coût des formations susceptible d’être mise à la charge des étudiant·es étrangèr·es et aux dispositifs d’aides et d’exonération de ces frais dont peuvent bénéficier ces étudiant·es, le Conseil d’État, sans rechercher si les exigences de gratuité peuvent être utilement invoquées par les étudiant·es étrangèr·es, considère que les montants des droits d’inscription susceptibles d’être effectivement à leur charge ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à un égal accès à l’instruction et ne contreviennent pas aux exigences découlant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

      Cette approche scandaleuse du Conseil d’État revient donc à soutenir que 2 770 en licence et que 3 770 euros de frais d’inscription est une somme « modique » dès lors que les montants des frais d’inscription à la charge des étudiant·es extra-européen·nes représenteraient près de 30% du coût de la formation dispensée en ce qui concerne le diplôme national de la licence, près de 40% s’agissant du master seraient donc modiques.

      Pour justifier sa décision, le Conseil d’État retient également des dispositifs d’aides et d’exonération des frais d’inscription qui sont accessibles aux étudiant·es étrangèr·es. Or, le mécanisme d’exonération des frais d’inscription ne concerne que 10% des étudiant·es non-boursièr·es (étrangèr·es et français·es) de chaque établissement et, en l’absence de compensation par le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche, les établissements vont progressivement restreindre, voire supprimer, l’accès à ce dispositif.

      Concernant les dispositifs d’aides, l’argument est d’autant plus pernicieux que le nombre de bourses du gouvernement français attribué aux étudiant·es étrangèr·es est extrêmement faible, rapporté au nombre d’étudiant·es concerné·es. De même, les bourses nationales des pays d’origine n’existent pas toujours, et lorsqu’elles existent les montants et les critères d’attribution sont très divers à tel point qu’il est presque impossible de calculer une moyenne réaliste des revenus des bourses et aides nationales que peuvent toucher ces étudiant·es extra-européen·nes.

      Le Conseil d’État feint d’ignorer que nonobstant ces dispositifs d’aides, les étudiant·es étrangèr·es doivent également s’acquitter de frais supplémentaires en lien avec leur inscription (frais de visas, frais de transport pour venir en France) mais surtout sont tenus de justifier des ressources mensuelles d’un montant de 615€ par mois pour l’obtention et le renouvellement des visas.

      Enfin, reprenant sa jurisprudence classique, le Conseil d’État a ainsi écarté les argumentaires relatifs au principe d’égalité entre les usagèr·es du service public.

      Ainsi, le Conseil d’État a également considéré qu’il était loisible aux ministres de fixer les montants des frais d’inscription applicables aux étudiant·es inscrit·es dans les établissements publics d’enseignement supérieur en vue de la préparation d’un diplôme national ou d’un titre d’ingénieur·e diplômé·e en distinguant la situation, d’une part, des étudiant·es ayant, quelle que soit leur origine géographique, vocation à être durablement établi·es sur le territoire national, et d’autre part, des étudiant·es venu·es en France spécialement pour s’y former.

      Selon le Conseil d’État, la différence de traitement qui en résulte concernant les montants de frais d’inscription est en rapport avec cette différence de situation et n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de formation de la population appelée à contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement.

      La démarche du Conseil d’État permet ainsi de valider la position du gouvernement subordonnant le paiement de ces frais différenciés aux seuls étudiant·es étrangèr·es disposant d’une résidence fiscale inférieure à deux ans en France.

      Or, on peut difficilement soutenir par exemple qu’un·e étudiant·e étrangèr·e, qui après avoir obtenu son diplôme de master, entreprend sous couvert d’une autorisation provisoire de séjour d’un an de s’insérer professionnellement en France, n’a pas vocation à être durablement établi·e sur le territoire national ou soit considéré comme n’apportant aucune contribution à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement.

      Le Conseil d’État laisse apparaître une pointe de nationalisme primaire dans cette décision et démontre une parfaite méconnaissance de l’apport des étudiant·es étrangèr·es pour l’économie française. Pour rappel, selon étude menée par l’institut BVA pour Campus France, publiée le mercredi 26 novembre 2014, les étudiant·es étrangèr·es coûtent 3 milliards d’euros et en rapportent 4,65 milliard d’euros à l’État français chaque année soit un bénéfice net de 1,6 milliard d’euros pour l’État français.

      Au-delà des seul·es étudiant·es extra-européen·nes, cette décision du Conseil d’État vient également s’attaquer aux principes fondateurs de l’enseignement supérieur public.

      Ainsi, il est surprenant de constater que le Conseil d’État a jugé utile d’exclure d’office les diplômes d’établissement délivrés en application de l’article L. 613-2 du code de l’éducation ou les titres d’ingénieur diplômé du bénéficie principe d’égal accès à l’instruction et l’exigence constitutionnelle de gratuité alors que le Conseil constitutionnel dans sa décision 11 octobre 2019 avait considéré l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public sans aucune exclusion.

      Le Conseil d’État épouse ici sans aucune justification juridique, la thèse soutenue par la Conférence des présidents d’université (CPU) qui encourage cette pratique tendant à favoriser la multiplication de ces diplômes d’établissement, dont les frais d’inscription échappent à tout contrôle législatif, réglementaire et désormais constitutionnel.

      Le point le plus contestable et dangereux de cette décision résulte de la volonté du Conseil d’État d’apprécier le caractère modique des frais d’inscription exigés des usagèr·es suivant des formations dans l’enseignement supérieur public en vue de l’obtention de diplômes nationaux au regard du coût de ces formations alors que le Conseil constitutionnel avait considéré que cette appréciation devait se faire le cas échéant sur les capacités financières des étudiant·es.

      Cette approche du Conseil d’État représente une grave entaille dans le principe de gratuité dégagé par le Conseil constitutionnel.

      Ainsi, si des frais d’inscription à la charge des étudiant·es étrangèr·es représentant près de 30% du coût de la formation dispensée en ce qui concerne le diplôme national de la licence, près de 40% s’agissant du master, alors qu’il s’agit d’un montant 2770€ et 3770€ respectivement, doivent être considéré comme modiques, les juges du Palais Royal ouvre ainsi la voie à une augmentation drastique et généralisée des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur pour l’ensemble des étudiant·es.

      Dans la mesure où cette hausse est jugée conforme à l’exigence constitutionnelle de gratuité, rien n’empêchera les prochains gouvernements d’envisager une telle hausse sans avoir à craindre une censure des juges, visiblement enfermé·es dans leur Palais Royal.

      Alors que le mécanisme d’exonération des frais d’inscription par les établissements ne concerne 10% des étudiant·es non-boursièr·es et que les bourses sur critères sociaux ne concerne que 24 à 27% des étudiant·es, ce choix de Conseil d’État accentuera à l’avenir une polarisation du public pouvant accéder à l’enseignement supérieur, entre d’un côté les boursièr·es bénéficiant des aides de l’État et de l’autre les étudiant·es issu·es de familles aisés. Entre les deux, les étudiant·es provenant de foyer appartenant à la classe dite moyenne devront s’acquitter de ces frais, le cas échéant par l’endettement, ce qui aggravera encore la précarité étudiante.

      Cet échec juridique ne doit toutefois pas signifier la fin du combat. L’inutilité et les méfaits de cette réforme inégalitaire et xénophobe ne sont plus à démontrer. Elle n’est hélas pas isolée. Elle s’insère dans une série de politiques iniques, qui s’attaquent au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis des années, et dont le projet de LPPR est un prolongement morbide.

      Ensemble, continuons notre lutte pour une université publique, gratuite, émancipatrice et ouverte pour tou·tes !

      Illustration en une : photographie prise lors de la manifestation du 1er décembre 2018 contre « Bienvenue en France ».

      https://universiteouverte.org/2020/07/03/le-conseil-detat-permet-au-gouvernement-de-fermer-luniversite

    • Validation du plan “Bienvenue en France” : le Conseil d’Etat enterre l’#égalité entre étudiant·es

      Ce mercredi 1er juillet, le Conseil d’Etat a rendu sa décision en réécrivant totalement la décision du Conseil constitutionnel concernant le recours intenté par : UNEF, ASEPEF (Association des Étudiants Péruviens en France), FESSEF (Fédération des Étudiants Stagiaires et Sénégalais de France), AJGF (Association des Jeunes Guinéens de France), ADEEF (Association Des Etudiants Egyptiens en France), SNESUP-FSU, FERC CGT, FERC Sup, Solidaires Étudiant•e•s et FO ESR contre le plan “Bienvenue en France” et la multiplication par 15 des frais d’inscription pour les étudiant•e•s non-européen-ne-s.
      De 30% à 40% des coûts globaux de formations soit 4000 euros : une somme modique selon le Conseil d’Etat…

      Le Conseil d’Etat décide de considérer que 3 770 euros de frais d’inscription est une somme “modique” puisque cela ne concernerait qu’un tiers du coût de la formation par étudiant-e et par an. Pour estimer ce coût, il est établi un calcul généraliste visant à diviser le budget total de la formation (10 210 euros selon la cours des comptes, 9 660 euros selon un rapport de l’assemblée nationale) par le nombre d’étudiant•e•s, hors les formations ont des coûts très différents entre elles.Cette évaluation des coûts de formations n’est ni fine, ni précise puisqu’elle ne va pas dans le détail des formations et dans ce qui constitue ces coûts. De plus, par ce choix, le Conseil d’Etat réécrit le principe établit par le Conseil Constitutionnel qui préconis e de se baser sur l’étudiant•e et non pas sur le coût de la formation : le cout doit rester modique pour l’étuidant.es et non ramené au coût global de la formation.
      Des frais d’inscription qui peuvent être différenciés entre étranger•e•s et français•e•s …

      Le Conseil d’Etat entérine également dans sa décision le fait de pouvoir appliquer des frais différenciés entre étranger•e•s et français•e•s. Il met en avant que le système des bourses accordées par le pays d’origine et la possibilité d’exonération de 10% des étudiant•e•s non-boursier•ère•s par les établissements laisse la possibilité de prendre en considération la situation financière personnelle des étudiant•e•s. Cependant, cet argument est pernicieux. Les bourses nationales des pays d’origine n’existent pas toujours, et lorsqu’elles existent les montants et les critères d’attribution sont très divers à tel point qu’il est presque impossible de calculer une moyenne réaliste des revenus des bourses et aides nationales que peuvent toucher les étudiant•e•s étranger•ère•s.
      A l’absence d’aides s’ajoute aussi des frais supplémentaires, qui, s’ils ne concernent pas directement l’ESR, sont des frais connexes dont on ne peut se passer pour être étudiant•e : frais de visas, frais de transport pour venir en France, obligation de justifier de 615 euros de ressources mensuelles pour l’obtention et le renouvellement des visas ou encore restriction du travail salarié entre 50% et 60% du temps plein.
      … mais surtout une possibilité de sélection par l’argent pour tou•te•s entérinée !

      Enfin, cette décision participe à la dislocation de nos acquis sociaux que le Conseil d’Etat acte aujourd’hui . En effet, le recours ne concerne pas seulement les étudiant•e•s étranger•ère•s, mais tous les étudiant.es en la question du conditionnantement de l’accès à l’enseignement supérieur au paiement d’une somme d’argent importante.
      Ce sont tous les frais exorbitants mis en place dans certaines écoles, qui sont ainsi considérés comme ne faisant pas obstacle à l’accès à l’enseignement supérieur : à terme, tous tout le monde les étudiant.es peut pourrait avoir à payer environ 4000 euros car c’est modique !
      Enfin, de par sa décision, le Conseil d’Etat accepte de reconnaître que le service public et l’accès àl’enseignement supérieur national n’est plus ouvert à toutes et tous peut être conditionné au paiement de frais d’inscription élevés. A travers cette décision, c’est notre modèle social qui est remis en cause puisque le Conseil d’Etat prend acte du fait que l’accès à un service public aussi indispensable à l’individu qu’à la collectivité qu’est l’enseignement supérieur peut être conditionné au paiement de sommes d’argent importante ; il entérine ainsi la possibilité de sélection par l’argent dans l’accès à l’enseignement supérieur.

      https://academia.hypotheses.org/25156

      Lien vers la motion intersyndicale :
      https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/07/FI-EE-CP-D%C3%A9faite-CE-vf.pdf

    • Bienvenue en France pour qui ? Le Conseil d’État, les #droits_constitutionnels et les #droits_étudiants

      La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public
      gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.
      Préambule de la #Constitution de 1946,
      intégré au préambule de la Constitution de 1958.

      Hier a été rendue une décision très attendue du Conseil d’État qui statuait sur les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur public, tels que fixés par l’arrêté du 19 avril 2019 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038396885&categorieLien=id). Cet arrêt suscite une immense indignation, et elle est justifiée.

      Cet arrêt est le fruit d’une multitude de recours individuels et associatifs (Ligue des droits de l’homme, Unef, CGT FERC Sup, SNESUP, FO ESR, …), rappelée par l’avocat Juan Prosper.

      https://www.youtube.com/watch?v=lsfdzYkSgkc&feature=emb_logo

      Reprenons les choses dans l’ordre : il était très tentant, le 11 octobre 2019, de se réjouir de la décision du Conseil constitutionnel qui, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, rappelait que le 13e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – selon lequel « La Nation garantit l’égal accès […] de l’adulte à l’instruction [et] L’organisation de l’enseignement public gratuit […] à tous les degrés est un devoir de l’État » — s’appliquait aussi à l’enseignement supérieur public.

      "Dans sa décision de ce vendredi 11 octobre 2019 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019809QPC.htm), le Conseil constitutionnel confirme que la gratuité de l’enseignement supérieur est un principe constitutionnel, distinct du principe de l’égal accès, et qu’il implique que les droits d’inscription demeurent « modiques ». Dans son considérant n°6, le Conseil constitutionnel rappelle qu’« il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public. Cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. »" (Communiqué du collectif défendant la QPC, 11 octobre 2019 ((publié sur Université ouverte, 11 octobre 2019)) : https://universiteouverte.org/2019/10/11/le-conseil-constitutionnel-consacre-le-principe-de-gratuite-de-le)

      En réalité, il est vite apparu que cette décision n’est en rien une courageuse défense du principe de gratuité de l’enseignement supérieur public, mais une véritable démission (https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/131019/frais-d-inscription-des-etudiants-une-gratuite-couteuse) : sous l’apparence du respect du préambule de 1946, le Conseil constitutionnel remet tout simplement au pouvoir réglementaire et à son juge attitré, le Conseil d’État, les clés de l’obligation constitutionnelle de gratuité de l’accès à l’enseignement supérieur public. Le Conseil constitutionnel évince, au passage, le Parlement d’un débat pourtant central, puisqu’il s’agit rien moins que du débat sur l’ouverture et la fermeture de l’accès à l’enseignement supérieur. Toute la discussion s’en trouve déplacée : on passe d’une gratuité solennellement proclamée par le Préambule constitutionnel, sans aucune ambiguïté, à un jeu ouvert d’interprétations, celui consistant à savoir ce qu’il faut entendre, exactement, par caractère « modique » des droits d’inscription.

      Dans sa décision rendue hier, le Conseil d’État a choisi de profiter pleinement de ce pouvoir d’interprétation complaisamment reconnu. Pourtant, le ministère ne lui avait pas facilité la tâche, poussant très loin le bouchon : avec l’arrêté du 19 avril 2019, Frédérique Vidal a non seulement décuplé une part des frais d’inscriptions, n’hésitant pas à les faire monter jusqu’à 2770 euros pour le diplôme national de la licence et 3770 euros pour le diplôme national de master ; mais elle a en outre choisi d’appuyer cette explosion des frais sur une discrimination, entre une catégorie d’étudiant.es désigné.es comme « en mobilité internationale », d’une part, et le reste des étudiant.es, d’autre part.

      Alors le Conseil d’Etat a fait ce qui, depuis son origine, justifie son existence : il a produit un discours juridique un tant soit peu cohérent afin de faire passer un monstre réglementaire pour une bête mesure d’application des textes auxquels le gouvernement est soumis. Cela supposait tout de même du Conseil d’État un vrai tour de force : il a d’abord fallu oser soutenir que des frais d’inscription de plusieurs milliers d’euros ne méconnaissent en rien le « devoir de l’État » de proposer un « enseignement public gratuit » ; il a ensuite fallu oser expliquer en quoi l’application de ces frais aux seul.es étudiant.es dit.es en « mobilité internationale » ne représente pas une atteinte au principe d’égalité entre les usager·es du service public.

      La magie du droit est, précisément, de rendre possible un tel tour de force, pourtant parfaitement contre-intuitif. Ce sont les deux temps de la démonstration du Conseil d’État : dans les paragraphes 13 à 19 pour ce qui concerne l’atteinte au principe de gratuité, et dans les paragraphes 20 à 25 pour ce qui concerne la méconnaissance du principe d’égalité.

      La #gratuité_payante

      C’est sur le premier de ces deux temps que le Conseil d’État était le plus attendu. Dans le monde parallèle du droit, le Conseil constitutionnel avait exécuté le premier pas : ce qui est d’un coût modique est « gratuit »1. Restait au Conseil d’État à faire le second : trois mois de SMIC pour douze mois d’étude en M1, c’est « modique » ; 16 000 euros pour cinq ans d’études, c’est « modique » . Ou, plus précisément, c’est « modique » , et donc c’est « gratuit » .

      Pour en arriver à ce qui n’est rien d’autre qu’un retournement des mots, le Conseil d’État n’a pas exactement fait dans la subtilité : la modicité, explique-t-il, doit s’apprécier de manière relative, à la fois au regard du « coût des formations » et « compte tenu de l’ensemble des dispositions en vertus desquelles les usagers peuvent être exonérés du paiement de ces droits et percevoir des aides ». Reste alors simplement à tricher sur cette double mise en relation, et le tour est joué :

      – s’agissant du coût des formations, le Conseil d’État fait une moyenne générale du coût des formations dans toutes les disciplines, ce qui lui permet de soutenir que les nouveaux frais d’inscription ne correspondent qu’à 30 % du « coût annuel moyen » d’une formation de Licence et à 40 % du « coût annuel moyen » d’une formation de Master. Évidemment, cela n’a aucun sens si l’on veut bien se souvenir des fortes disparités de coût entre les disciplines : un étudiant extra-européen s’inscrivant en licence en SHS s’acquitte désormais de droits d’inscription qui sont supérieurs au coût moyen de sa formation.
      – s’agissant des aides et exonérations, le Conseil d’État fait plus simple encore : il rappelle que ces aides et exonérations sont possibles. Qu’elles soient distribuées ou non, qu’importe : dans les nuages de l’argumentation juridique, le réel n’a aucun intérêt.

      Il est un point, cependant, qui a moins été remarqué, et qui nous semble très important. Au détour d’une phrase de l’arrêt (§19) ainsi que dans le communiqué de presse, le Conseil d’État fait quelque chose de tout à fait inhabituel : un appel du pied au ministère, pour l’avenir. Pour le Conseil d’État, en effet, rien ne permet de dire que l’exigence constitutionnelle de « gratuité » doive bénéficier aux étudiant.es « mobilité internationale » : il n’est pas sûr, explique-t-il, que

      « les exigences découlant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 [puissent] être utilement invoquées au bénéfice de ces étudiants ».

      Ou comment dire au ministère qu’augmenter encore bien davantage les frais d’inscriptions de ces étudiant·es, ça se tente.

      L’#égalité_discriminatoire

      S’agissant de la seconde question juridique à trancher – l’atteinte au prinicpe d’égalité du fait de la discrimination entre une catégorie d’étudiant·es désigné.es comme « en mobilité internationale », d’une part, et le reste des étudiant·es, d’autre part –, le Conseil d’État ne s’embarrasse pas de nuances : seuls les seconds ont « vocation à être durablement établis sur le territoire national », car les premiers sont seulement « venus en France pour s’y former », sans être « appelés à contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement ». Voici donc que chaque individu se voit attribuer par l’État une « vocation », à laquelle il se trouve « appelé » : ce déterminisme d’État, fondé sur l’incorporation d’individus dans telle ou telle catégorie juridique, est proprement effrayant. N’y a-t-il donc plus personne au Conseil d’État pour sonner l’alerte quant à la charge de certains mots et de certaines argumentations ? Ironie de l’histoire, la Constitution de 1946 visait justement à combattre un certain régime honni : elle semble définitivement enterrée sous les immondices qu’elle visait à déjouer.

      *

      Une chose est sûre, pour finir : avec cette décision, la boîte de Pandore est désormais ouverte, et presque tous les garde-fous sont tombés. Demain, il suffira donc d’un simple arrêté pour que les frais que l’on impose aujourd’hui aux étudiants « en mobilité internationale » soient étendus à tou.tes. Et il suffira d’une simple loi – une loi modifiant les articles L. 132-1 et L. 132-2 du code de l’éducation – pour que l’on institue des frais du même ordre aux élèves de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire.

      Bref, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, dans un impressionnant pas de deux, ont tué l’alinéa 13 du préambule de 1946. Et ils l’ont tué par un simple jeu d’interprétations.

      https://academia.hypotheses.org/25122

  • « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu »

    La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des droits d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « marchandisation délétère ».

    L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le troisième secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays.

    Aux Etats-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros, selon l’American Council on Education (une association de l’enseignement supérieur). Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, mais cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.
    Fort endettement étudiant

    Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiants – les plus profitables – sont en berne et la fermeture des campus réduit fortement l’attractivité de diplômes hors de prix. Expérience étudiante sur le campus et contenus pédagogiques ne peuvent plus justifier (si tant est qu’ils l’aient pu) des droits de scolarité pouvant atteindre 70 000 dollars (62 000 euros) par an. Les procès se multiplient aux Etats-Unis, intentés par des étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les écoles de commerce françaises ont été obligées de recourir au chômage partiel pour encaisser le choc.

    Perspectives d’emploi catastrophiques

    On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs frais d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques, le taux de chômage atteignant des niveaux inédits outre-Atlantique. L’endettement étudiant, qui se monte en moyenne à 32 000 euros aux Etats-unis et 60 000 euros en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant vingt ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’endettement étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

    Le
    modèle des universités payantes fait donc
    les frais d’une politique délétère en période
    « normale », et carrément mortifère en ces
    temps agités. C’est pourtant ce modèle que
    le gouvernement français et ses conseillers
    essayent de promouvoir depuis 2018.
    En France, les prochaines semaines seront
    déterminantes pour l’avenir de notre modèle
    social. La décision attendue du Conseil
    d’Etat [qui examine depuis vendredi 12 juin
    le recours des organisations contre l’augmentation
    des droits d’inscription pour les
    étrangers extraeuropéens]
    représentera un
    soulagement doublé d’une révolution ou,
    au contraire, la porte ouverte à une descente
    progressive aux enfers pour de nombreuses
    familles.

    De quoi s’agitil
     ? Alors que le plan Bienvenue
    en France (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait
    une forte augmentation des droits de
    scolarité pour les étudiants extraeuropéens
    (2 770 euros en licence et 3 770 euros
    en master, contre 170 et 243 euros), un ensemble
    d’organisations a obtenu que le Conseil
    constitutionnel soit saisi. Ce dernier a
    rendu une décision le 11 octobre 2019 selon
    laquelle « l’exigence constitutionnelle de gratuité
    s’applique à l’enseignement supérieur
    public » tout en considérant que « cette exigence
    [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour
    ce degré d’enseignement, à ce que des droits
    d’inscription modiques soient perçus en tenant
    compte, le cas échéant, des capacités financières
    des étudiants ».

    Basculer du bon côté, celui de la gratuité

    Le Conseil d’Etat doit désormais interpréter
    cette décision en précisant ce que « modique
     » signifie. Si cette notion a vraisemblablement
    été introduite pour préserver les
    droits d’inscription habituels (170 et
    243 euros), certains comptent bien s’engouffrer
    dans la brèche. Les enjeux sont
    d’une ampleur inédite : pourraton
    discriminer
    les populations étrangères en leur
    faisant payer des tarifs plus élevés au motif
    qu’elles ne seraient pas contribuables fiscaux
    de leur pays d’accueil ? Le Conseil
    d’Etat pourra garder à l’esprit que ces étudiants
    nous arrivent formés aux frais de
    leur pays d’origine, et qu’ils rapportent, par
    les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne
    coûtent (le solde est positif de 1,65 milliard
    d’euros). Seratil
    mis un terme aux velléités
    d’élargissement des droits d’inscription à
    tous les étudiants et à des niveaux de tarification
    toujours plus élevés ? La note d’un
    conseiller du candidat Emmanuel Macron,
    annonçait l’objectif : 4 000 euros en licence,
    8 000 euros en master, jusqu’à 20 000 euros
    par an dans certaines formations.

    Pour basculer du côté de la gratuité de l’enseignement
    supérieur, plutôt que de celui
    de sa délétère marchandisation, il faudrait
    que le Conseil d’Etat retienne une notion de
    modicité cohérente avec la jurisprudence :
    le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une
    « somme modique est une somme d’un montant
    très faible, qui n’a pas d’incidence sur
    la situation économique du débiteur ; elle est
    anecdotique. Pour les personnes physiques,
    elle est de l’ordre de quelques dizaines
    d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais
    plusieurs milliers ». Le Conseil d’Etat
    préféreratil
    les arguments fallacieux de
    ceux qui tremblent dans l’attente de cette
    décision car ils ont augmenté leurs droits
    de scolarité au point d’en dépendre furieusement
     : Sciences Po (14 500 euros par an
    pour le master), Dauphine (6 500 euros en
    master), Polytechnique (15 500 euros pour le
    bachelor), etc.
    Si le Conseil d’Etat venait à respecter le cadre
    fixé par le Conseil constitutionnel, c’est
    l’ensemble de leur modèle qui serait remis
    en cause et c’est un retour à un véritable service
    public de l’éducation auquel nous assisterions.
    Une révolution indéniablement salutaire,
    qui appellerait des assises de l’enseignement
    supérieur. Après un Ségur de la
    santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement
    supérieur » qu’il faudrait s’attendre,
    celui d’une refondation autour d’un accès
    gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans
    discrimination.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-

    #rebelote
    #taxes_universitaires #France #éducation #université #études_supérieures #frais_d'inscription

    voir aussi cette métaliste :
    https://seenthis.net/messages/739889

    • #Rebelote pour le projet d’#augmentation des #frais_d'inscription à l’#université en #France (arrrghhh).

      Ici une vidéo d’explication d’un avocat du SAF (syndicat des avocat·es de France) :

      #Juan_Prosper : le combat contre « #Bienvenue_en_France » continue !

      « A partir du moment où les digues tombent, où on explique que 2770 euros c’est parfait pour un·e étudiant·e étrangèr·es, on pourra très certainement revenir plus tard en nous disant que si c’est parfait pour un·e étrangèr·es, on peut aussi l’appliquer pour un·e étudiant·e français·e, alors même que le principe du financement d’un service public, du financement de l’enseignement supérieur, repose sur l’impôt. »

      « Si on considère qu’il y a un principe de gratuité, que c’est un service public, ce n’est pas pas à l’usagèr·es de financer le fonctionnement du service public. »

      https://www.youtube.com/watch?v=lsfdzYkSgkc&feature=youtu.be

    • La bombe de la dette étudiante a-t-elle explosé ?

      Tribune de David Flacher et Hugo Harari-Kermadec parue dans Le Monde du 18 juin 2020 sous le titre « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-)

      La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des #droits_d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « #marchandisation délétère ».

      L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le 3e secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays. Aux États-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros selon l’American council on education. Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Si Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.

      Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiant-es – les plus profitables – sont en berne, en même temps que la fermeture des campus réduit fortement l’#attractivité de diplômes hors de prix. L’expérience étudiante sur le campus et le contenu pédagogique ne peuvent plus justifier – si tant est qu’ils l’aient pu – jusque 70 000 dollars de #frais_de_scolarité par an. Les #procès se multiplient aux États-Unis, les étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les #écoles_de_commerce françaises ont été obligées de recourir au #chômage_partiel pour encaisser le choc.

      On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs #frais_d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques. Le chômage atteignant des niveaux inédits outre atlantique. L’#endettement étudiant, qui atteint en moyenne 32 000 € aux Etats-unis et 60 000 € en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant 20 ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’#endettement_étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

      Le modèle des universités payantes fait donc les frais d’une politique délétère en période « normale » et carrément mortifère en ces temps agités. C’est pourtant ce modèle que le gouvernement français et ses conseillers essayent de promouvoir depuis 2018.

      En France, les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de notre modèle social. La décision attendue de la part du Conseil d’État représentera un soulagement doublé d’une révolution ou, au contraire, la porte ouverte à une descente progressive aux enfers pour de nombreuses familles.

      De quoi s’agit-il ? Alors que le plan « Bienvenue en France » (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait une forte augmentation des droits de scolarité pour les étudiants extra-européens (2770 euros en licence et 3770 euros en master, contre respectivement 170 et 243 euros), un ensemble d’organisations a obtenu la saisie du #Conseil_constitutionnel. Ce dernier a rendu une décision le 11 octobre 2019 selon laquelle « l’exigence constitutionnelle de #gratuité s’applique à l’#enseignement_supérieur_public » tout en considérant que « Cette exigence [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. ».

      Le dernier round a eu lieu le 12 juin : le Conseil d’État doit désormais interpréter cette décision en précisant ce que « #modique » signifie. Si cette notion a vraisemblablement été introduite pour préserver les droits d’inscription usuels (170 et 243 euros), certains comptent bien s’engouffrer dans la brèche.

      Les enjeux sont d’une ampleur inédite : pourra-t-on discriminer les populations étrangères en leur faisant payer des tarifs plus élevés au motif qu’ils ne seraient pas contribuables fiscaux de leur pays d’accueil ? Le Conseil d’État pourra garder à l’esprit que ces étudiants nous arrivent, formé aux frais de leurs pays d’origine, et qu’ils rapportent, par les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne coûtent (le solde est positif de 1,65 milliards). Sera-t-il mis un terme aux velléités d’élargissement des frais d’inscription à tous les étudiants et à des niveaux de tarification toujours plus élevé ? La note d’un conseiller du candidat Emmanuel Macron annonce l’objectif : 4000 euros en licence, 8000 euros en master et jusqu’à 20000 euros par an dans certaines formations. Pour basculer du bon côté, celui de la gratuité de l’enseignement supérieur, plutôt que de celui de sa délétère marchandisation, il faudrait que le Conseil d’État retienne une notion de modicité cohérente avec la #jurisprudence : le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une : « somme modique est une somme d’un montant très faible, qui n’a pas d’incidence sur la situation économique du débiteur ; elle est anecdotique. Pour les personnes physiques, elle est de l’ordre de quelques dizaines d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais plusieurs milliers ». Le Conseil d’État préfèrera-t-il des arguments fallacieux de ceux qui tremblent dans l’attente de cette décision pour avoir augmenté leur frais de scolarité au point d’en dépendre furieusement : Sciences Po (14 500 € par an), Dauphine (6500 € en master), CentraleSupélec (3500 €), Polytechnique (15 500 € pour la Bachelor), etc. Si le #Conseil_d’État venait à respecter le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, c’est l’ensemble de leur modèle qui serait remis en cause et c’est un retour à un véritable #service_public de l’éducation auquel nous assisterions. Une révolution en somme, indéniablement salutaire, qui appellerait des assises de l’enseignement supérieur. Après un Grenelle de l’environnement, un Ségur de la santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement supérieur » qu’il faudrait s’attendre, celui d’une refondation autour d’un accès gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans discrimination.

      https://acides.hypotheses.org/2446

  • 2e Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)

    Suite du 1e fil sur le même sujet : https://seenthis.net/messages/820393

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    –------
    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • #Sciences-Po, modèle illusoire de l’Université de demain

      Un collectif de cet établissement s’inquiète du démantèlement de l’Etat social. Souvent cité en exemple pour défendre la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sciences-Po Paris bénéficie de financements qui n’empêchent pas la précarité de certains étudiants ou de jeunes chercheurs.

      Nous sommes, chercheu·rs·ses, personnels administratifs, technicien·ne·s, enseignant·e·s, doctorant·e·s, étudiant·e·s de Sciences-Po Paris, et nous nous opposons aux réformes de l’assurance chômage, des retraites et de la recherche portées par le gouvernement. Celles-ci accentuent la polarisation d’une société à deux vitesses et renforcent les incertitudes quant au futur de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Travailleu·rs·ses privilégié·e·s de ce secteur, nous partageons l’angoisse et la colère de nos collègues, desquel·le·s nous sommes solidaires.

      Le démantèlement de l’Etat social en cours depuis des années s’est accéléré avec la réforme de l’assurance chômage mise en œuvre le 1er novembre 2019. Celle-ci durcit les conditions d’accès au chômage en allongeant le temps travaillé requis pour l’ouverture de droits.

      Encore en débat, la réforme des retraites dessine quant à elle un horizon inquiétant tant par son contenu que par les incertitudes qu’elle soulève - calcul de la valeur du point, introduction ou non d’un âge pivot, évolution de l’âge d’équilibre. Elle augure une baisse généralisée des pensions, un allongement du temps de travail pour les personnes aux plus bas revenus, et un renforcement des inégalités existantes avant et après le départ à la retraite. Les enseignant·e·s de la maternelle à l’université, dont nous faisons partie, risquent notamment d’importantes baisses de leur pension (plus d’un tiers pour un·e professeur·e certifié·e).

      Au-delà de la destruction des mécanismes de solidarité et de la protection sociale, c’est également l’ambition de notre société à se penser et à former les générations futures qui est remise en cause. Nous partageons, avec les membres de l’ESR, le constat d’une université dégradée et d’un potentiel décrochage de la recherche française, mise à mal par plusieurs années de sous-financement et de réformes néolibérales au nom de l’internationalisation et de l’excellence. Au lieu de créations massives de postes de titulaires, les rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) prévoient la généralisation de contrats non statutaires qui retarderont inévitablement l’accès à un emploi stable pour les jeunes chercheu·rs·ses. Comment garantir la qualité de la recherche lorsque l’on dégrade les conditions de travail de celles et ceux qui la portent ?

      En outre, les rapports prévoient d’accentuer la place de l’évaluation dans le financement des institutions de recherche et l’évolution des carrières en faisant fi du jugement scientifique porté par les pairs. Ces évaluations bureaucratisées interfèrent avec le temps long nécessaire à la recherche et avec les impératifs de qualité et de probité de nos professions, en réduisant la recherche à une « performance » quantifiée à court terme. De telles mesures vont accentuer les logiques de compétition entre universités, laboratoires et travailleu·rs·ses de l’ESR, ainsi que la concentration des moyens dans quelques établissements privilégiés. Les orientations de la LPPR ne sont donc pas seulement inquiétantes pour les conditions de travail dans l’enseignement supérieur, mais pour l’existence même d’une recherche libre et critique. Celle-ci dépend de la coopération et de l’échange, de financements stables et pérennes, et d’une véritable indépendance scientifique. Les étudiant·s·es en seront parmi les premières victimes, en raison de la dévalorisation des tâches d’enseignement et de la faiblesse persistante des moyens qui leur sont consacrés.

      Aujourd’hui, notre établissement est cité en exemple par les chantres de la performance, de l’excellence et de la compétitivité. Vanter ce modèle, c’est oublier que l’« excellence » de Sciences-Po repose sur une concentration exceptionnelle de moyens, privés comme publics. Or, ces largesses de financement ne sont en aucun cas promises à l’ensemble de l’ESR dans les projets de réforme actuels. Du reste, en dépit d’un environnement privilégié, tou·s·tes les membres de notre institution ne bénéficient pas de conditions de travail pérennes et sereines. Certain·e·s étudiant·e·s et doctorant·e·s affrontent une grande précarité au quotidien, tandis que nos jeunes chercheu·rs·ses font l’expérience du parcours sinueux de la fin et de l’après-thèse - longues périodes de chômage, enchaînement de post-doc, vacations rémunérées en différé… Parmi nos enseignant·e·s, les professeur·e·s de langues vivantes et les jeunes docteur·e·s sans postes, vacataires en contrats courts, sont à la merci du non-renouvellement de leur engagement et connaissent une grande incertitude professionnelle. C’est également par solidarité avec ces membres de notre communauté académique que nous dénonçons les projets de réforme en cours, qui les affectent durement.

      Nous appelons donc à un retrait des réformes de l’assurance chômage et des retraites. Nous demandons un plan de création massif de postes permanents dans l’ESR, une revalorisation des salaires et des carrières, une amélioration des contrats doctoraux, et un investissement à la hauteur des engagements de la France en matière de recherche (3 % du PIB). Nous exigeons à ce titre la réorientation des sommes affectées au crédit d’impôt recherche (CIR), dispositif non évalué à l’efficacité plus que douteuse, vers la recherche scientifique. Des conditions de travail dignes dans l’ESR sont indispensables à l’existence d’une université accessible à tou·s·tes. La recherche fondamentale doit être libre et indépendante pour servir une société plus juste et capable de faire face aux enjeux contemporains.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/02/24/sciences-po-modele-illusoire-de-l-universite-de-demain_1779461
      #sciences_po

    • Lettre des doctorant•e•s et jeunes docteur•e•s des #ENSA

      Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture

      Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation

      Monsieur Philippe Barbat, Directeur Général du Patrimoine

      Madame Aurélie Cousi, la Directrice de l’Architecture

      La communauté des doctorant·e·s et docteur•e•s des Écoles Nationales Supérieures d’#Architecture et de Paysage (ENSA) souhaite exprimer ses inquiétudes à propos d’un ensemble d’évolutions majeures que subissent nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche depuis près de deux ans, et qui affecte fortement le parcours doctoral dispensé dans l’ensemble des ENSA de France.

      Depuis 2018, l’application du décret relatif aux ENSA1 a eu pour conséquence une augmentation de la #charge_de_travail des équipes (enseignant·e·s, chercheur·e·s, administratif·s) alors même qu’elles ont subi une baisse de #moyens significative. Ces changements se traduisent par de trop faibles efforts en termes de déprécarisation / conservation / création de postes et par une baisse des capacités d’encadrement dénoncées par les enseignant·e·s chercheur·e·s et les étudiant·e·s. Plus globalement, nous pointons avec l’ensemble des acteurs des ENSA une faiblesse structurelle historique de nos établissements d’enseignement supérieur ainsi, qu’un épuisement extrêmement problématique des équipes, comme l’a signalé dernièrement le collège des président·e·s des Conseils d’Administration des ENSA2. Cela menace également la communauté des doctorant·e·s actuelle et future des ENSA, ainsi que le parcours des docteur·e·s formé·e·s dans ces établissements. Sans exhaustivité, nous observons déjà les premières conséquences :

      Manque cruel de moyens au regard du fonctionnement des ENSA3 ;
      Dégradation et #précarisation des conditions de recherche et d’enseignement4 ;
      Nouvelles procédures de recrutement aux conditions floues, inégales et tardives5.

      Par ailleurs, une crainte grandissante existe quant aux perspectives dessinées dans les rapports préparatoires de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), dont l’impact sur les ENSA a été confirmé au cours de la réunion du 4 février avec les présidents des instances des ENSA au Ministère de la Culture. Si nous partageons les nombreux constats évoqués sur le cycle doctorat dans ces rapports6, nous restons vigilants sur les solutions qui seront apportées au doctorat au sein des ENSA. Nous tenons à rappeler la nécessité :

      D’#investissements humains, matériels et financiers nécessaires à un enseignement et une recherche de qualité ;
      De respecter et soutenir l’#indépendance et les spécificités des productions scientifiques et pédagogiques ;
      De permettre un #service_public équitable, transparent et inventif pour l’ensemble de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

      Pour aller plus loin, nous constatons que les différences de considérations des #statuts, notamment pour ceux les plus précaires, entraînent une #compétition inégalitaire et délétère, alors même que le monde de l’Enseignement Supérieure et la Recherche (#ESR) réclame toujours plus de #transdisciplinarité et devrait pour cela favoriser l’#échange et la #coopération 7. Cette #précarité, qui découle directement des #différences_de_traitement entre les acteurs de l’ESR, a des conséquences dramatiques et insidieuses pour les équipes des ENSA : elle ruine la confiance de ceux qui sont les plus dépendants (finances, évolution de carrière, etc.). À plus long terme, elle provoque une #crise_des_vocations qui est en complète contradiction avec les ambitions de la dernière réforme des ENSA en termes de #recrutement et de #recherche.

      Le cycle doctorat dans les ENSA, et plus particulièrement le doctorat en Architecture depuis sa création en 2005, n’a jamais réuni les conditions pour se dérouler dans de bonnes conditions. L’approche néolibérale et technocratique des politiques actuelles menées par notre double tutelle du Ministère de la Culture (MC) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), notamment au travers des textes sus-cités, n’a de cesse de dessiner un avenir déplorable pour la bonne formation “à et par la recherche”8. Dans l’absence d’une vision prospective pour notre communauté, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA se joignent aux demandes portées collectivement par les étudiant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, administratifs et professionnel·le·s des métiers de l’architecture9, de l’urbain et du paysage, mais aussi plus largement de l’enseignement et de la recherche10, et tiennent à ce que les revendications suivantes soient également entendues par nos ministères de tutelle :

      Sur la reconnaissance du #doctorat

      Reconnaître la #thèse comme une expérience professionnelle à part entière, et traiter les doctorants en conséquence malgré un statut administratif d’étudiant en 3e cycle11 (particulièrement lors du processus de qualification aux fonctions de maître·sse de conférences ou de professeur·e du CNECEA) ;
      Ne pas tolérer que les doctorant·e·s tout comme l’ensemble des enseignant·e·s contractuel·le·s des ENSA n’effectuent des heures d’enseignement ou de recherche sans contrat dûment signé et sans une officialisation administrative via le portail Taïga des heures valant expérience professionnelle auprès du ministère. Le travail réalisé en parallèle de la thèse doit correspondre à un contrat signé et à un salaire perçu, et la promesse d’expérience peu reconnue n’est pas une gratification suffisante pour se mettre en difficulté sur sa thèse.

      Sur l’accès au 3ème cycle

      Développer la formation à et par la recherche en amont du doctorat12 dans les ENSA, en accordant les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (niveau Master et/ou expérience professionnelle) ;
      Résorber radicalement les situations de #thèses_non_financées. Une recherche de qualité en architecture ne peut en aucun cas émerger de situations de précarité de ses jeunes chercheur·e·s. Très communes dans certaines ENSA, elles génèrent inévitablement une grande #instabilité_financière pendant la thèse, des #parcours_morcelés, non reconnus par le Ministère de la Culture, et des #discriminations d’accès à l’emploi après la thèse13 ;
      Augmenter le nombre de contrats doctoraux du Ministère de la Culture qui à l’heure actuelle ne permet ni d’atteindre les objectifs de recrutement de maître·sse·s de conférences des ENSA14, ni de valoriser la recherche en architecture, urbanisme et paysage au sein de nos établissements et ainsi permettre l’émergence d’une recherche académique de qualité qui soit au niveau des autres disciplines universitaires.
      Expliciter le processus et les critères de sélection des contrats doctoraux du Ministère de la Culture, qui sont aujourd’hui opaques, et dont les comités de sélection ne comprennent aucun chercheur capable d’évaluer la qualité scientifique des dossiers ;
      Officialiser les résultats des contrats doctoraux avant la rentrée universitaire pour respecter le calendrier d’inscription, le rythme universitaire et ne pas générer de situations de doctorant·e·s inscrit·e·s mais non financé·e·s.

      Sur le déroulement du parcours doctoral

      Exonérer tout·e·s les doctorant·e·s des frais d’inscription universitaires qui leur sont demandés alors qu’ils sont travailleur·e·s des établissements d’enseignement et de recherche, particulièrement précarisant au-delà de la période de financement15 ;
      Reconnaître l’ensemble des engagements assumé au cours de la période de doctorat : représentation dans les instances, enseignement, participation à des recherches, publications, etc. ;
      Prévenir les dérives du contrat #CIFRE pour les doctorant·e·s (et du #Crédit_Impôt_Recherche (#CIR) pour les docteur·e·s) : plébiscités par le ministère de la culture pour “développer les relations de recherche entre écoles, universités et agences d’architecture”16, les qualités du doctorat doivent être reconnues pour la recherche, le développement et l’innovation des entreprises tout en garantissant les conditions d’une thèse et d’une expérience professionnelle de recherche de qualité.
      Donner les moyens aux ENSA de proposer des #formations_doctorales notamment au sein des Écoles Doctorales17 afin de favoriser le rayonnement de leurs recherches et pédagogies ;

      Sur les conditions d’#employabilité doctorale et post-doctorale

      Respecter les engagements de création et de déprécarisation associés à la réforme des ENSA afin de garantir la réussite de sa mise en oeuvre ;
      Reconnaître toute heure travaillée en recherche comme en enseignement, et dans tout établissement d’enseignement supérieur pour les campagnes nationales de qualification ;
      Mise en place de contrats d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (#ATER) à mi-temps afin d’accompagner si nécessaire les doctorant·e·s avec un salaire suffisant et une expérience significative au-delà des financements de 3 ans ;
      Développer les contrats post-doctoraux dans et/ou en collaboration avec les différents laboratoires des ENSA ;
      Prioriser des postes de maître de conférences associé·e à temps plein pour les profils académiques afin de leur donner la possibilité d’un début de carrière dans des conditions décentes après l’obtention du doctorat.
      Valoriser les postes de maître de conférences associé·e à mi-temps afin de reconnaître les profils hybrides indispensables aux ENSA mêlant enseignement, recherche et/ou pratique. Nous remettons en cause sur ce point la nécessité d’une activité principale pour accéder à ces contrats, quasi inatteignable pour les jeunes docteur·e·s et praticien·ne·s, d’autant que ce critère administratif est obsolète et déconnecté des compétences pédagogiques et scientifique ;
      Mettre en oeuvre une politique d’#insertion_professionnelle suivie et ambitieuse pour accompagner les jeunes docteur·e·s vers la diversité d’emplois capables d’opérer à une diffusion de la recherche des ENSA vers la société (exercice de la maîtrise d’oeuvre, enseignement et recherche en ENSA et en université, chargé de recherche CNRS, politiques publiques, organisations territoriales, etc.) ;

      La communauté des doctorant•e•s et docteur·e·s des ENSA restera évidemment attentive quant à l’issue que vous donnerez à ces revendications. Par ailleurs nous resterons mobilisés avec l’ensemble des acteurs des ENSA tant que des solutions acceptables et pérennes ne seront pas apportées à la précarisation de nos établissements.

      Monsieur le Ministre de la Culture, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur le Directeur Général du Patrimoine, Madame la Directrice de l’Architecture, veuillez croire à notre engagement pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche ouverts, créatif et respectueux de l’avenir de l’architecture, de l’urbain et du paysage.

      Les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA

      https://framaforms.org/lettre-des-doctorantes-et-jeunes-docteures-des-ensa-1581606512

    • #Jean-Marc_Jancovici... Si vous étiez le ministre de la recherche... quels seraient les meilleurs investissements pour sortir de cette galère ?"

      « Je pense que quand vous êtes en économie de guerre ou en logique trash-programme, vous supprimez toutes les forces de frottement qui font que les gens passent leur temps à faire de la paperasse plutôt qu’à utiliser leur cervelle. Dans le domaine de la recherche je supprime l’ANR, je supprime les appels à projets... Je prends des gens intelligents, motivés, je leur fait un chèque en blanc et je les laisse chercher avec des éléments de cadrage en nombre limité. Quand vous regardez la recherche qui a eu lieu pendant la dernière guerre mondiale, il y avait un cahier des charges très simple : trouvez-moi tout ce qui permet à notre armée d’être supérieure à celle d’en face. Vous emmerdez pas les gens à leur demander de remplir des dossiers en 45 exemplaires et à justifier à l’avance ce qu’ils vont trouver et vous leur bottez le cul pour qu’ils aillent le plus vite possible. C’est cela qu’il faut faire »

      https://www.youtube.com/watch?v=8uRuO_91fYA&feature=youtu.be&t=10250

    • Strasbourg : “nous sommes l’université et pas une entreprise”, une tribune interpelle #Michel_Deneken

      Une tribune de 100 universitaires publiée le 21 février chez Médiapart interpelle Michel #Deneken, le président de l’université de #Strasbourg (Bas-Rhin). Ces universitaires dénoncent « la destruction méthodiques de leur service public ».

      L’#Unistra, l’université de Strasbourg, est-elle une entreprise ? Les 100 universitaires à l’origine d’une pétition publiée chez Médiapart le vendredi 21 février 2020 ont leur avis sur la question. Et il est tranché : "Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal..."

      La centaine de signataires rappelle certaines valeurs qui fondent leur mission : « égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique ». Et dénonce « l’entravement de leur activité, la réduction du nombre de personnels permanents, et les financements aléatoires ».

      Une « #métaphore »

      Ce cri du coeur fait suite à une interview de Michel Deneken, le président de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA, accès soumis à abonnement) le jeudi 13 février 2020. Il y déclarait : « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » C’est cette phrase qui a suscité la polémique. In extenso, Michel Deneken ajoutait : « Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m², pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. ». Il concluait : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      Interrogé par France 3 Alsace (voir l’interview intégrale dans la vidéo ci-dessous), Michel Deneken se dit « pris à parti » et explique notamment : « On m’a demandé comment nous gérions le fait que nous soyions passés de 43.000 à 55.000 étudiants en 10 ans, sans moyens supplémentaires. Et j’ai dit, c’est une métaphore, que nous sommes comme une entreprise qui ne se réjouit pas d’avoir plus de clients. Évidemment, si on sort une métaphore de son contexte, on peut en faire dire ce qu’on veut... »

      « Je ne suis pas dupe : il y a derrière cette tribune des attaques très lourdes. Ce qui est admis dans la lutte politique ne l’est pas humainement. Ce texte prétend que je trahis et que je déshonore l’université et ses valeurs. Ce qui est une calomnie. »

      La réponse des signataires

      L’initiateur de la tribune, Jean-Philippe Heurtin, est enseignant à l’institut d’études politiques de Strasbourg. Il a commenté la réponse du président de l’université le mardi 25 février : « Nous maintenons la réponse qui lui a été adressée en tant que président de l’université, et pas en tant qu’individu. Nous réfutons cette métaphore, cette analogie avec l’entreprise. Le financement de l’université est actuellement dramatique, la loi programmatique va dans le mauvais sens. »

      « Le fait que le président n’a pas cité une seule fois la notion de service public dans sa réponse est révélateur. Évidemment, poursuit-il, l’économie peut bénéficier de l’université, mais à long terme. L’université enseigne à tous : elle est au service direct de la société, et non de l’économie. » Un discours que l’on retrouve dans une réponse collective des signataires à Michel Deneken (voir document ci-dessous). Elle dénonce des courriers individuels de menaces que ce dernier aurait envoyé à plusieurs des personnels signataires de la tribune.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-strasbourg-nous-sommes-universite-pas-entreprise-

      –-> article qui fait suite à cela :
      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de #laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s
      #laboratoires_de_recherche

      Le texte complet :
      https://academia.hypotheses.org/15250#more-15250

    • Une loi ne fait pas loi

      Le 18 février, une lettre ouverte (https://www.change.org/p/emmanuel-macron-les-scientifiques-r%C3%A9affirment-l-absolue-n%C3%A9cessit%C disant notamment que « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) a été adressée à E. Macron par un panel de scientifiques. Et quel panel ! De très grand.e.s chercheur.se.s reconnu.e.s par leur pairs, médaillé.e.s Nobel et d’or du CNRS, membres de l’académie des sciences, ou des président.e.s actuel.le.s ou passé.e.s du CNRS et de nombreuses universités, c’est semble-t-il, l’élite de la recherche française qui signe cette tribune sous le terme de « la communauté scientifique ».

      Alors vous ne comprenez plus, que vous soyez personnel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (#ESR), étudiant, ou citoyen intéressé par ces questions et qui suivez ce feuilleton LPPR. Voilà des semaines que s’enchainent tribunes, pétitions et autres textes protestant contre cette loi, que les actions se multiplient et s’intensifient partout dans le pays et vous découvrez que la « communauté scientifique », par la voix de ses plus illustres représentants, semble réclamer cette fameuse loi tant décriée. Quelle contradiction, qui semble faire des opposants à cette loi des Cassandres minoritaires porteurs de procès d’intention infondés et refusant de voir un avenir qui ne pourra qu’être radieux grâce à cette loi.

      Il n’y a, bien sûr, aucune contradiction si l’on prend le temps de bien lire cette lettre (et aussi de bien savoir qui la signe) et de bien comprendre les arguments de la protestation. La lettre ouverte ne comporte en fait qu’un seul point : « une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins », avec en clair sous-entendu, la question centrale des #moyens, clairement exposée dans le premier paragraphe : « Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros », en référence à l’intention déclarée par E. Macron, le 26 novembre dernier, de porter la dépense intérieure de recherche et développement à 3% de notre PIB. Nous reviendrons plus loin sur ce point essentiel des moyens. Pour le reste, qui pourrait ne pas vouloir d’une loi correspondant à nos attentes et nos besoins ? Certainement pas les personnels actuellement engagés dans les mouvements de contestation qui, justement, craignent que ce ne soit pas le cas, et pour partie, ont déjà des arguments pour le savoir. Ces éléments, déjà évoqués, sont de trois types :

      – Des déclarations officielles de Mme Vidal sur les CDI ou les chaires de professeur junior qui dessinent clairement la trajectoire d’une accentuation de la remise en cause du statut de fonctionnaire des personnels de l’ESR et de l’accroissement de la précarisation et des inégalités
      - Des propos d’E. Macron ou A. Petit, qui ne sont certes pas des extraits de la LPPR mais légitiment a minima une inquiétude considérable
      – La politique générale de ce gouvernement vis-à-vis des services publics et qui, sans qu’il s’agisse d’un procès d’intention, permet d’avoir les plus grands doutes sur l’hypothèse que dans le champ de la recherche, il pratiquerait une politique aux antipodes de celle qu’il mène par ailleurs, ou même, de celle qu’il a menée pour la recherche depuis une trentaine de mois.

      Il y a donc de fort bonnes raisons pour envisager qu’une partie au moins de la loi ne correspondra pas aux attentes et aux besoins de tout un pan des personnels de l’ESR.

      Mais est-ce si grave puisque cette loi va permettre, enfin !, d’accorder à l’ESR les moyens qu’elle attend en vain ? Or il n’en est rien. #Henri_Sterdyniak, économiste à l’observatoire français des conjonctures économiques et membre des économistes atterrés, a eu la gentillesse de m’éclairer à ce sujet et je l’en remercie vivement. Comme je ne saurais faire mieux que ses propos limpides, je me permets, avec son accord, de présenter sa réponse :

      "Le principe de l’#annualité_budgétaire implique que le Parlement vote chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses. Le Parlement ne peut donc voter de dispositif qui obligerait le gouvernement à respecter telle ou telle norme de dépenses ou de recettes. Et le Conseil d’Etat comme le Conseil Constitutionnel y veillent. Ainsi, le Conseil d’Etat refuse la disposition de la loi de réforme des retraites qui obligerait l’Etat à augmenter les salaires des enseignants. Ainsi le Conseil Constitutionnel a censuré un dispositif voté en Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2018 qui désindexait les retraites pour 2020.

      Le gouvernement peut faire voter des lois de programmation, qui selon l’article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ». Celles-ci marquent un #engagement_politique, mais n’ont aucune valeur juridique."

      Donc, en résumé, en matière de #budget, une loi ne fait pas loi. Quand Mme Vidal dit au séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de #programmation_budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche », elle omet de préciser que pour autant cette loi ne peut en rien contraindre les prochains budgets que l’Etat consacrera à l’ESR. Pour les mêmes raisons, elle ne peut malheureusement donner aucune garantie à ses engagements de dédier 26 et 92 millions d’euros pour respectivement les revalorisations des chercheurs recrutés en 2021 et celles de l’ensemble des personnels de l’ESR (voir aussi ici à ce sujet). Ceux qui attendent toujours de voir arriver dans les caisses de leur université les engagements financiers qui étaient contenus dans la LRU comprennent sans doute pourquoi ils ne les ont jamais vu arriver. Et tous ceux qui espèrent en la LPPR en croyant qu’elle va permettre d’accroitre le budget de l’ESR se trompent gravement. Il risque de se passer avec la LPPR ce qui s’est passé avec la LRU. Tous les points négatifs pointés par une large communauté de l’ESR seront menés à bien d’une façon ou d’une autre alors que l’augmentation significative du budget alloué à la #recherche_publique, sera quant à elle soumise chaque année au vote du budget, comme il est normal, constitutionnel, de le faire. Et le budget alloué à la recherche, nous savons ce qu’il a été depuis que ce gouvernement est au pouvoir.

      Alors oui, comme le disent les auteurs auto-qualifiés de « communauté scientifique », « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins ». Or, les attentes et les besoins de la communauté scientifique sont connus. Comme le rappelle O. Coutard, le président de la CPCN (Conférence des Présidents du Comité National), ils correspondent aux recommandations approuvées lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet 2019, et rappelées par une tribune publiée dans le Monde demandant la mise en œuvre de ces propositions. Le #CoNRS, c’est environ 1100 personnels de l’ESR représentant toutes les disciplines scientifiques, tous les établissements de recherche et universités, toutes les opinions politiques ou syndicales. Il est parfois appelé le « parlement de la recherche ». Les propositions qu’il a faites correspondent donc véritablement aux attentes et aux besoins de la #communauté_scientifique, comme en atteste leur très forte cohérence avec les propositions faites par les sociétés savantes, elles-aussi très représentatives de l’immense variété de la communauté scientifique . La pétition de soutien à la LPPR lancée le 18 février n’a rassemblé que 200 signatures en quatre jours. Celle qui s’était insurgée contre les propos d’A. Petit sur une loi « inégalitaire et darwinienne » en avait recueilli 8000 en deux jours, pour finir à environ 15000 signatures. La tribune rappelant les recommandations du CoNRS a été soutenue par plus de 700 directrices et directeurs d’unités. Elle est véritablement là, la communauté scientifique, et ses attentes ont été clairement exprimées par le CoNRS. C’est donc sur cette base que la LPPR doit être construite. Plus elle sera éloignée de ces recommandations, plus la contestation sera forte, sans commune mesure avec ce qu’elle est déjà aujourd’hui.

      https://blogs.mediapart.fr/marchalfrancois/blog/250220/une-loi-ne-fait-pas-loi

    • « Lettre ouverte à mes enseignant.e.s de l’Université Rennes 2 »

      Mona, étudiante à Rennes 2, appelle dans cette lettre ses enseignant.e.s à se mobiliser en vue de la grève reconductible du 5 mars : "parce que vous m’avez tant apporté et que nous nous sommes tant aimés, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces comportements crépusculaires à défendre une identité et des préséances professionnelles qui ne correspondent à aucune des nécessités portées par les luttes actuelles."

      Mon nom est Mona. J’ai 22 ans. Je suis étudiante. Avant de venir faire mes études à Rennes, j’étais scolarisée en Centre-Bretagne, en milieu rural, War Ar Maez. Mon père est ouvrier. Il travaille comme cariste dans l’industrie agroalimentaire. Après plus de vingt ans dans le même groupe, il gagne, à quelques euros près, 1700 euros brut par mois, auxquels s’ajoute une prime de Noël. La « prime des dindes » comme il dit. Une farce. Quelques centaines d’euros dont ma mère se sert pour acheter nos cadeaux et nous organiser un repas de fête qu’elle tient chaque année à arroser de mauvais champagne : « Nous aussi on y a droit ! ». Ma mère, elle, est employée. Employée de maison pour être précise. Une manière bien aimable pour dire qu’elle fait partie de ce salariat subalternisé, essentiellement féminin, qui travaille à temps partiel au service de personnes âgées ou de riches familles, pour pas grand-chose. Une grande partie de son salaire passe d’ailleurs dans les frais d’essence de ses trajets professionnels. Chez nous, les fins de mois sont difficiles, cela va de soi. D’autant que mes deux frères aînés sont au chômage et restent à la charge de mes parents. Maël sort d’un BTS et n’a le droit à aucune indemnité. Gurvan, un CAP de boulanger en poche, ne travaille qu’en intérim... quand il travaille. Il a vu ses allocations chômage fondrent comme neige au soleil ces derniers temps. Moi, je suis boursière, je vis en cité U à Villejean. Mais j’ai aussi des petits boulots à côté : du baby sitting, des inventaires ; caissière ou vendeuse, c’est selon. Nous sommes une famille de #Gilets_jaunes. Mes frères ont longtemps squatté les ronds-points avant de se faire déloger et sont de toutes les manifs. Ce week-end, c’était l’acte 66. Ils sont montés à Rennes pour dire qu’« ils étaient là », pour gueuler leur colère de n’être rien et se prendre au passage quelques mauvais coups de matraque. Forcément, se faire taper dessus, ça agace et ils ne se sont pas laissés faire. Je suis fière d’eux, de leur détermination à rester debout et à se battre. Ne pas se laisser faire, ne pas se laisser aller à la résignation, ne pas se laisser détruire, reprendre ne serait-ce qu’un peu la main sur son existence. Comme de plus en plus d’individus, mes frères sont déterminés à ne plus se laisser prendre au jeu de la cadence et de l’ordre. C’était chouette cette manif. Des femmes et des hommes qui se battent pour leur #dignité, pour ne pas s’abîmer davantage, pour ne pas crever.
      En fin de manifestation, avant de repartir, ils m’ont payé une bière en terrasse. Il faisait froid, mais nous étions bien. Je les trouvais beaux tous les deux. Beaux comme la lutte. J’aurais aimé vous les présenter mais vous n’étiez pas là. Quelques heures avant, quand nous avons réussi à « prendre le centre ville », je vous ai pourtant aperçu. Vous flâniez après un retour du marché des Lices, vous vous baladiez en famille, à vélo, vous sortiez d’une librairie avec quelques bouquins en poche, vous rentriez dans un cinéma. La vie peut être douce. J’ai envie d’y croire. Cette #douceur est néanmoins réservée à quelques-un.e.s. Ni mes parents, ni mes frères, ni moi n’y avons franchement droit. Dans quelques mois, je décrocherai un bac+5. Ma mère ouvrira une de ces mauvaises bouteilles de champagne. Pourtant, j’irai certainement grossir les rangs des dominé.e.s aux études longues (j’ai lu ça dans un livre passionnant d’Olivier Schwartz). L’inflation-dévaluation des #titres_scolaires me fera rejoindre #Pôle_emploi, ou bien je trouverai un #job_sous-payé pour sur-qualifié.e, à moins que ça ne soit juste un énième #stage croupion. Alors peut-être devrais-je plutôt continuer à étudier ; faire une thèse. Ma directrice de mémoire me l’a proposé à demi-mots, mais seulement si j’ai un financement. On ne prête qu’aux riches répète souvent mon père.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) contre laquelle vous devriez être logiquement tou.te.s vent debout ne m’y invite pas. Pourquoi me lancer dans un doctorat ? Pour gonfler les rangs du précariat de l’ESR ? Pour assurer vos TD, corriger des tombereaux de copies et faire la petite main sur vos projets de recherche, sous pression – surtout ne pas décevoir –, en étant payée moins que le SMIC horaire, plusieurs mois après avoir effectué avec zèle ces missions ? Et puis ça ne sera évidemment pas suffisant pour assurer ma survie matérielle. Alors il faudra que je continue un « #travail_à_côté ». Condamnée à prendre le premier #bullshit_job ? Surveillante de musée me permettrait de pouvoir lire pendant le temps de travail, ou bien me lancer dans le #travail_du_sexe, nettement plus rémunérateur. Mais quel temps me resterait-il pour mes propres recherches ? À la #précarité s’ajouterait sans doute le #surmenage, voire le #mépris_de_soi. On y passe tou.te.s paraît-il. Et en admettant que je m’en sorte, ce serait quoi la suite ? L’Université à la sauce LPPR ne donne pas très envie : précarisation accrue, mise en #concurrence généralisée, course à l’#excellence, #marchandisation_des_savoirs, recul des solidarités, #bureaucratisation mortifère. Devenir une sorte d’intello camériste allant de #tenure_tracks en CDI-chantiers pour espérer peut-être, à près de 40 ans et après avoir porté nombre de vos valises, devenir #titulaire d’une institution à la main du #néolibéralisme ? C’est ça la promesse ? Et puis c’est sans compter la réforme des retraites : bouffer de l’amphi jusqu’à 67, 68, 69 ans... pour finir épuisée et être finalement pensionnée au lance-pierre ? Ça existe la #pénibilité pour #port_de_charge_cognitive_lourde ?

      Si parmi les 37 % d’enseignant.e.s-chercheur.e.s qui ont voté Macron dès le premier tour, il en est sans aucun doute qui se repaissent de la sélection, de l’augmentation des #frais_d’inscription et de ce que cela permettra de politiques discrétionnaires dont ils.elles s’imaginent tirer idiotement quelque bénéfice, je sais aussi, pour vous avoir fréquentés, que la plupart d’entre vous voyez dans le #macronisme pas autre chose que ce qu’il est : une #saloperie qui signe la fin de la #citoyenneté_sociale, de l’#État_redistributeur et de tous les #services_publics (ESR, santé, justice, énergie, etc.). Je me doute que vous n’êtes pas d’accord pour que la pension des femmes soit inférieure à celles des hommes, que vous êtes contre la prolifération des #emplois_précaires, contre la #compétition_généralisée, les logiques d’#exclusion et les #discriminations. Vous pensez que l’Université doit être ouverte à tou.te.s, fondée sur la #coopération, qu’elle doit produire des #connaissances_critiques et transmettre des #savoirs_émancipateurs. Alors pourquoi êtes-vous si peu solidaires du #mouvement_social ? Pourquoi restez-vous si timoré.e.s à vous engager pleinement dans cette #grève dont nous avons tant besoin ? Ma colère est grande de vous voir englué.e.s dans des #réflexes_corporatistes, dans le #narcissisme de vos petites différences, dans vos postures d’intellos embourgeoisé.e.s défendant votre tout petit #pouvoir_symbolique (faire cours, nous dispenser vos lumières, nous évaluer). Comment pouvez-vous imaginer qu’un engagement de gréviste puisse ne pas être au moins aussi formateur que vos enseignements ? Dans la grève, on apprend à travailler collectivement, à #argumenter, #débattre, à élaborer du #commun_politique. Autant de choses auxquelles vous avez, en temps normal – reconnaissez-le –, bien du mal à nous éduquer. J’en rage de vous voir accroché.e.s à vos si insignifiantes prérogatives, alors que nous nous trouvons à un #tournant_historique. Notre #avenir, celui de vos enfants et petits-enfants, mais aussi le vôtre, celui de mes parents et de mes frères se joue maintenant. Il nous faut mener la #lutte aux côtés des autres secteurs mobilisés pour qu’ensemble nous obligions le gouvernement à retirer l’ensemble de ses #contre-réformes. Nous n’avons pas le #choix. Contre la #marchandisation de nos existences, contre les #violences_policières et la fascisation rampante de la société, contre les #inégalités et les #injustices_sociales, contre une université à la main du néolibéralisme nous avons le devoir de faire gronder encore plus fort notre colère. Vous avez le devoir d’y prendre votre part. Le #5_mars prochain débutera une autre phase du mouvement universitaire, à l’appel de la Coordination des facs et des labos en lutte : une #grève_sectorielle_illimitée qui pourrait bien prendre des allures de grève majoritaire et générale. Parce que vous m’avez tant apportée et que nous nous sommes tant aimés – comme titre le film –, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces #comportements_crépusculaires à défendre une identité et des #préséances_professionnelles qui ne correspondent à aucune des #nécessités portées par les luttes actuelles. Le monde universitaire est en #crise. Non parce qu’il va mal (bien que ce soit le cas), mais parce qu’il bouge, que ses structures sont fragilisées par les coups de boutoir d’un macronisme pour qui le travail n’est devenu qu’une variable d’ajustement. Nous n’avons d’autres choix que de faire le pari que nous pourrons profiter de cette crise pour imposer pratiquement une autre vision de l’avenir. Si nous devions en rester là et donner, par inertie, avantage au probable sur le possible, nous le payerions au prix fort. Je sais que vous savez. Et si je vous écris cette lettre, c’est que je nourris l’espoir de vous voir pleinement engagé.e.s à nos côtés et, ensemble, de participer à ce mouvement général de construction d’un #monde_meilleur. J’aimerais, enfin, donner une bonne raison à ma mère d’ouvrir une bouteille de champagne digne de ce nom.

      Rennes, le 17 février 2020.
      Mona R.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Lettre-ouverte-a-mes-enseignant-e-s-de-l-Universite-Rennes-2

    • « Les universités n’utilisent pas encore assez de contractuels » : une lecture du dernier rapport des inspections générales sur l’emploi universitaire

      Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) (https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf), rendu en avril, 2019, vient enfin d’être publié. Academia, en espérant pouvoir en faire rapidement sa propre lecture, propose celle que vient de lui faire parvenir Pierre Ouzoulias, archéologue et sénateur communiste des Hauts-de-Seine, en vous invitant à prendre connaissance du rapport lui-même, mis en ligne à une date inconnue, postérieure au 14 février 2020.

      Le plan de « modernisation » de l’université est déjà en place !

      Voici, ci-dessous, quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. J’ai ajouté des rapides commentaires en italique.

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « universités entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT.

      Pierre Ouzoulias
      24 février 2020
      Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités

      sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels. [p. 3]

      La solution : les ressources propres ; les mauvais élèves : les SHS

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20%, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16%, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13% depuis 2011. [p. 16]

      Un constat partagé : la masse salariale augmente grâce à la précarisation

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6% de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22% ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71% de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78% de ce qu’ils étaient en 2010. [p. 18]

      Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des ressources humaines

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.

      Les unités de formation et de recherche (UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important. [p. 6]

      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable. [p. 20]

      Le modèle : les « universités entrepreneuriales »

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :

      Une partie des universités a recours à une régulation, plus qu’à une optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs ressources propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’efficience.
      Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques. [p. 21]

      Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement. [p. 10]

      Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les prévisions de départs en retraite des titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de gel, d’annulation ou/et de redéploiements d’emplois par statut et catégorie. [3.1, p. 11]

      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76M€ et 41M€.

      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.[p. 11]

      Éviter la titularisation des contractuels financés par les Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université. [p. 26]

      Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Par ailleurs, le recours aux contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du code de l’éducation qui offre des possibilités plus souples de recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.

      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants-chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.

      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT.

      Ensuite, la transformation des CDD en CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de consolidation des contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels. [p. 27]

      Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de charge d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2. [p. 19]

      Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la trajectoire LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs. [p. 37]

      Où l’on retrouve l’évaluation !

      Proposition n° 9 : connecter la modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la performance universitaires ; [p. 42]

      Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.

      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de pilotage à moyen et long terme compte tenu de la faible plasticité naturelle des effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’effectifs cibles à trois ou quatre ans.

      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une refonte du système actuel de répartition des crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une contractualisation État/université dans le cadre de contrats de performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein. [p. 45]

      https://academia.hypotheses.org/17154

    • Docteur·e·s sans poste : de la vocation à la vacation

      Le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche organise la « précarisation galopante » des universitaires et « menace la qualité de nos recherches » fustigent des collectifs de docteur·e·s sans poste mobilisés contre la loi. « Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement, de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ? »

      Depuis décembre 2019, les personnels de l’Université se mobilisent contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, mais aussi contre le projet de loi réformant nos universités publiques (Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche– LPPR). Si nous – docteur·e·s sans poste –, nous nous engageons dans la grève et multiplions les actions symboliques, c’est aussi pour dénoncer la précarisation galopante de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), qui menace la qualité de nos recherches ainsi que la transmission des savoirs aux étudiant·e·s, toujours plus nombreux·ses à l’Université.

      De nos jours, le plus haut des diplômes universitaires ne protège ni du mal-emploi, ni du chômage, bien au contraire. Cinq ans après leur doctorat, 14 % des docteur·e·s sont au chômage, contre 13 % pour les titulaires d’un master, et moins de 10 % pour les diplômé·e·s des écoles d’ingénieurs et de commerce. Pour celles et ceux qui ont trouvé un emploi, il s’agit d’un contrat à durée déterminée dans 45 % des cas, et même dans 55 % des cas pour les docteur·e·s travaillant au sein de l’ESR.

      Une mise en concurrence permanente

      Une fois docteur·e·s, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, jalonné de multiples procédures de sélection encore trop souvent opaques, et parfois discriminatoires !

      Depuis la fin des années 1990, le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) publiés chaque année par les universités a chuté de manière drastique (- 65%) alors que le nombre d’étudiant·e·s a augmenté de 15 %. Les perspectives dans les organismes publics de recherche ne sont guère plus réjouissantes. Ainsi, le CNRS, qui proposait plus de 550 postes de chargé·e·s de recherche au concours en 2000, n’en publiait plus que 240 en 2020, soit une diminution de 56 % en 20 ans !

      La réduction des postes renforce mécaniquement une mise en concurrence exacerbée. Pour étoffer notre dossier, nous devons multiplier les tâches à l’infini : communiquer dans des colloques et journées d’études ; s’intégrer à des réseaux de recherche ; organiser des événements académiques ; publier nos recherches ; et enseigner. En décembre dernier, le PDG du CNRS, Antoine Petit, se félicitait du caractère « darwinien » de la future LPPR, mais pour nous, docteur·e·s sans poste et enseignant·e·s-chercheur·e·s précaires, ce darwinisme scientifique est déjà à l’œuvre dans notre quotidien.

      Une précarité qui s’immisce dans nos vies

      À défaut de postes pérennes, nos possibilités d’obtenir des contrats à durée déterminée sont rares. Quand nous ne l’avons pas déjà été pendant nos thèses, nous pouvons candidater à des postes d’Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche(ATER), mais ces CDD d’un an ne sont renouvelables qu’entre une et trois fois selon nos statuts et tendent eux aussi à diminuer (-27 % entre 2005 et 2013). Nous candidatons également à des post-doctorats, c’est-à-dire des contrats de recherche qui durent généralement de six mois à un an et demi. Mais ces derniers sont rares, et très inégalement distribués, souvent au gré de procédures opaques. Faute de mieux, beaucoup continuent donc à faire de la recherche dans des conditions indignes (travail bénévole, missions courtes, parfois sans contrat, rémunération en nature ou en maigres indemnités journalières…).

      Pour continuer à enseigner, la difficulté est tout aussi grande. Le ministère estime que l’Université emploie plus de 20 000 enseignant·e·s non-permanent·e·s, auxquels il faut ajouter plus de 130 000 chargés d’enseignement vacataires. Ces vacataires sont des enseignant·e·s qui travaillent dans des conditions révoltantes : non accès aux congés payés, aux allocations chômage et à l’assurance maladie ; « contrats » - qui s’avèrent être de simples fiches de renseignements - souvent signés après les heures de cours effectuées ; absence de mensualisation des paiements ; non-prise en charge des frais de transports, etc. Payé·e·s 41,41 euros bruts de l’heure de cours, ces vacations sont en réalité rémunéré·e·s... 26 centimes en dessous du SMIC horaire, si l’on considère le temps de travail réel (réunions pédagogiques, préparation des cours, correction des copies, etc.). Si ces situations indignent, elles deviennent pourtant la norme : les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent aujourd’hui en moyenne plus du quart des personnels enseignants.

      Dans ces conditions, il nous faut parfois recourir à des emplois alimentaires, transformer nos allocations chômage en mode de financement routinier de nos recherches et, pour ne pas prendre de retard dans cette compétition constante, travailler sans arrêt. Ce sur-travail, généralement invisible, souvent gratuit ou mal rémunéré, entraîne des maux physiques et mentaux importants - trop souvent occultés - et impacte directement nos vies. Selon les disciplines, l’âge moyen d’obtention du doctorat varie entre 30 et 34 ans, et le temps écoulé entre la soutenance et le recrutement (quand il a lieu !) s’accroît inexorablement, à des âges de la vie supposés être ceux de la stabilisation professionnelle, résidentielle et familiale.

      Dans cet océan de précarité, certain·e·s sont en première ligne. Face à un système universitaire qui ne prête qu’aux riches, les femmes, les étranger·e·s, les diplomé·e·s issu·e·s des classes populaires et les docteur·e·s des universités non-franciliennes sont déjà les grand·e·s perdant·e·s de cette précarisation croissante.

      La précarité pour seul horizon ?

      Ainsi, pour les docteur·e·s sans poste, les réformes actuelles ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique. La réforme de l’assurance-chômage réduit nos droits aux allocations alors que Pôle Emploi est souvent notre principale ressource. Ensuite, nos cotisations en pointillés induites par l’enchaînement des contrats précaires ne nous donneront droit qu’à une retraite dérisoire avec la mise en œuvre de cette retraite par points. Enfin, la casse de l’Université publique de qualité se fait toujours plus impitoyable avec le projet de la LPPR qui institutionnalise la précarité. En créant des « contrats de projet », calqués sur les « CDI de mission » du secteur du BTP, la LPPR proposera des contrats de 5 à 6 ans, le temps d’une recherche, sans certitude sur leur prolongation. La construction d’une Université privatisée, qui ne finance que « l’excellence » - non plus définie par la communauté scientifique mais par les décideurs politiques et les financeurs privés - et qui délaisse les savoirs jugés improductifs, va de fait précariser ses personnels, et fragiliser toutes et tous les étudiant·e·s !

      Nous, docteur·e·s sans poste, nous demandons au Gouvernement, au-delà du retrait et de l’abandon de ces réformes en cours :

      la titularisation de celles et ceux qui font fonction d’enseignant·e·s-chercheur·e·s au quotidien, mais sans jouir de conditions de travail décentes, et qui travaillent même souvent dans une illégalité entretenue par l’institution universitaire.
      la création massive de postes d’enseignant·e·s-chercheur·e·s pour pouvoir proposer une formation de qualité et encadrer décemment les étudiant·e·s toujours plus nombreux·ses à s’inscrire à l’Université.

      Les racines de cette précarité sont structurelles ; elles dépendent de choix politiques, et non de notre hypothétique illégitimité ! L’excellence que les ministres successifs appellent de leurs vœux, nous la mettons en œuvre à chaque instant. Et pourtant, ils nous privent des moyens d’une excellence pérenne et sereine ! Certes, les connaissances sont produites, les savoirs sont transmis, les diplômes sont obtenus. Mais au prix de quels sacrifices ? Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il aujourd’hui, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement et de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ?

      Une version longue de la tribune est accessible ici.

      Signataires :

      Tribune des docteur·e·s sans poste, membres des collectifs universitaires suivants :

      Précaires de l’ESR de Rouen ;
      Collectif Marcel Mauss – Association des doctorant.e.s en sciences sociales de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université de Caen Normandie ;
      Doctorant-es et non titulaires de Lyon 2 ;
      Précaires de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens ;
      Précaires de l’ESR de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université Paris 13 (Seine Saint Denis) ;
      Précaires de l’enseignement de la recherche Ile-de-France ;
      Mobdoc/Les Doctorant.e.s Mobilisé.e.s pour l’Université Paris 1 ;
      Groupe de Défense et d’Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg (Dicensus) ;
      Non-Titulaires de Paris 3 en lutte ;
      Précaires du Mirail-Université Toulouse Jean Jaurès ;
      Précaires mobilisé-e-s de Paris 8 ;
      Précaires de l’Université de Poitiers ;
      Collectif Docteur.e.s sans poste ;
      A’Doc - Association des Jeunes Chercheur·es de Franche Comté ;
      Travailleur·e·s précaires de l’ESR d’Aix-Marseille ;
      Précaires de l’ESR d’Évry.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020320/docteur-e-s-sans-poste-de-la-vocation-la-vacation

    • Strasbourg : pour “gagner 13 millions d’euros” et financer la recherche, des universitaires jouent au #loto

      Ce vendredi 6 mars, des universitaires de Strasbourg vont acheter collectivement des tickets de loto. Pour, éventuellement, gagner de quoi payer leurs travaux de recherches. Et surtout, dénoncer de manière symbolique le nouveau modèle du financement de la recherche par appel à projets.

      « Contre l’autonomie des universités, vive la ’lotonomie’ de la recherche ! » "Au tant vanté autofinancement des universités, nous répondons par le ’lotofinancement’." Les jeux de mots sont peut-être faciles, mais explicites. Et dans le communiqué publié ce mercredi 4 mars, les membres du collectif d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) à l’origine de cette initiative ’lotofinancement’ s’en donnent à cœur joie. Car quoi de mieux que l’humour pour dénoncer ce qui fâche ?

      Au cœur des griefs, le projet au nom barbare de LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), qui vise « à développer et renforcer le financement de la recherche par appels à projet. »

      Ces appels à projet sont très chronophages, et avec beaucoup de perdants. Le loto, c’est pareil, mais il est beaucoup moins chronophage."
      - Arthur, l’un des instigateurs de l’initiative Lotofinancement

      Selon Arthur (nom d’emprunt), l’un des universitaires à l’origine de l’initiative, monter des dossiers en vue d’obtenir d’hypothétiques financements « est une double perte de temps : pour ceux qui les montent et ceux qui les évaluent. » Et au final, il y a peu de gagnants. Alors, en tant qu’universitaires, « on préfère prendre ce temps pour faire notre métier, c’est-à-dire de l’enseignement et de la recherche », explique-t-il.

      Dans son communiqué, le collectif d’universitaires détaille ses craintes quant à ce type de financement par projet, qui risque de concentrer « les moyens sur quelques équipes au détriment de la diversité des travaux » et détourner « les scientifiques de leur cœur de métier – l’enseignement et la recherche. »

      Nous nous en remettons à la loi d’une véritable loterie, plus égalitaire et finalement bien plus efficace que ce que l’on nous propose.
      - communiqué du collectif Lotofinancement

      Le collectif revendique « une vraie politique de financement pérenne », seule garante selon lui d’une « recherche de qualité et indépendante », et dénonce ce qu’il appelle un risque de « marchandisation de l’université ». Pour bien se faire entendre, il a donc décidé de prendre le taureau par les cornes : « s’en remettre aux jeux de hasard pour financer (ses) travaux ». Une décision annoncée pompeusement comme une grande première « de l’histoire de l’Université française ».

      L’action, symbolique, « satirique », et bien sûr ouverte au grand public, aura lieu ce vendredi 6 mars à 14h30, au tabac de la Musau, 1 rue de Rathsamhausen à Strasbourg. Le collectif s’y rendra pour convertir 1000 euros en tickets de loto. Cette somme a été récoltée depuis quatre semaines auprès de 200 donateurs, collègues, étudiants et autres, dont… un ancien président d’université.

      « On espère fortement gagner 13 millions d’euros, afin de pouvoir créer une grande fondation qui permettra de financer la recherche », sourit Arthur. En cas de gain plus modeste – hypothèse peut-être plus réaliste, mais qui sait ? - le collectif a très sérieusement réfléchi à la manière de se partager le gâteau : 49% seront attribués aux missions d’enseignement et de recherche. 49% serviront à renflouer des caisses de la grève des universités (une grève reconductible, débutée à l’Unistra ce jeudi 5 mars pour demander, entre autres, le retrait de la fameuse LPPR et dénoncer la précarisation des étudiants).

      Et les 2% restants ? Ils serviront à mener quelques « actions de convivialité, car la mobilisation doit être festive » précise Arthur.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/insolite-strasbourg-gagner-13-millions-euros-financer-r
      #lotofinancement #lotonomie

    • Je copie-colle ici un commentaire que j’ai fait à ce message :
      https://seenthis.net/messages/829489

      –----

      Voir aussi ces autres #témoignages très parlant, plutôt en lien avec l’enseignement et moins avec la recherche, mais vu qu’il y a grand nombre de fonctionnaires de l’#ESR qui sont à la fois chercheur·es et enseignant·es... ça touche souvent les mêmes personnes et des questions proches.
      Cela explique très bien la situation dans laquelle se trouve les facs françaises en ce moment (avec ou sans LPPR (https://seenthis.net/messages/820330#message820388) :

      Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à #Nantes
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-ertzscheid/blog/150220/pourquoi-je-demissionne-de-toutes-mes-fonctions-administratives-nant
      #démissions

      La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain
      https://seenthis.net/messages/820393#message827354
      –-> Et une interview de #Pablo_Rauzy qui enseigne en #informatique à #Paris-8 :
      https://podtail.com/podcast/podcast-libre-a-vous/interview-de-pablo-rauzy-maitre-de-conferences-a-l
      #Paris_8

    • La LPPR s’invite aux 10 ans de l’ICM !

      Le 10 mars 2020, La Part Précaire de la Recherche (LPPR) s’est invitée à inauguration de l’exposition des 10 ans de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière).
      Nous reproduisons ici le texte qui a été lu à cette occasion et mettons à disposition une vidéo et des photos.

      https://www.youtube.com/watch?v=xvjhFvIYQ-Q&feature=emb_logo

      Mesdames, Messieurs, et les autres, bonjour !

      C’est la LPPR qui vient ici vous saluer !
      Oui nous sommes la LPPR ! Pas celle chère à Chimérique Vidal et Antoine Le Tout Petit, non.
      Nous sommes La Part Précaire de la Recherche, les petites mains et les cerveaux qui font tourner la boutique, et que les médiocres manageur·ses du public et du privé voudraient voire corvéables et exploitables à merci.

      Vous vous demandez pourquoi nous nous invitons à cette petite sauterie faite de discours pompeux et creux, de petits fours et de bulles.
      C’est un peu le fruit du hasard : nous voulions d’abord apporter notre soutien aux membres du personnel hospitalier de la Pitié Salpêtrière : ces femmes et ces hommes qui, malgré un sous-financement chronique de l’hôpital public, accomplissent leur métier avec professionnalisme et épuisement.

      Mais ielles nous ont dit que malheureusement ce n’était pas le bon moment, au seuil d’une épidémie virale. Ielles nous ont suggéré d’aller jeter un coup d’œil sur ce beau et jeune bâtiment.

      En bons chercheurs et chercheuses précaires, c’est ce que nous avons fait. Et ce n’est pas l’espoir que nous avons découvert, comme nous le faisait miroiter votre récente campagne de pub, mais un mélange d’effroi, de sidération – mais aussi beaucoup de ridicule.
      L’ICM, l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, pardon “sans moelle à partir d’aujourd’hui” est une idée magnifique, créée par des Hommes Magnifiques, oui des Hommes, seulement des Hommes !

      Comme :
      – Jean Todt : Président de la Fédération Internationale de l’Automobile, ami intime de l’Industrie du Tabac
      – Maurice Lévy : Ancien PDG de Publicis, que nous remercions pour la beauté et la pertinence de publicités en oubliant sa fortune et la manière dont l’entreprise traite ses salarié·es.
      – Jean Glavany : politicien de renom, ami intime de Mitterrand et du déchu Cahuzac.
      – Luc Besson : grand cinéaste français, avec quelques casseroles au cul pour accusation de viol et harcèlement sexuel.

      J’en passe et des meilleurs !

      Nous n’allons pas jouer les coupeur·ses de cheveux en quatre et analyser les intérêts financiers d’une telle initiative, nous sourions de l’intérêt de ces Messieurs pour la recherche de remèdes aux maladies neurodégénératives qui pourraient les affecter et les empêcher d’exercer leur nuisance de manière lucide.

      Ce que nous dirons c’est que le modèle de partenariat public/privé de l’ICM est à nos yeux un cauchemar :

      Que vienne l’argent des riches pour la recherche publique, mais sous forme de l’impôt, pas de donations et legs auxquels il faudrait même dire “merci”. Nous ne voulons pas de votre philanthropie, car nous ne voulons pas que les domaines de recherche soient orientés en fonction du bon vouloir des plus fortuné·es. Si vous êtes soucieux d’aider la recherche fondamentale : payez vos impôts, exigez que vos ami·es payent leurs impôts, exigez la fin du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui coûtent à la recherche publique 6 milliards d’euros par an !
      6 milliards soit 2 fois le budget du CNRS !

      Qu’on arrête de tout mélanger sous couvert d’efficacité et de cohérence pour se retrouver avec les mêmes dirigeant·es à la tête de la Fondation privée ICM et de L’Unité de Recherche Publique.

      Qu’on arrête de nous faire miroiter les bienfaits de la Start-Up Nation, et des incubateurs où la recherche publique se met au service de la rentabilité et du “faire du fric” avec des conflits d’intérêt qui n’offusquent plus personne.

      Qu’on arrête de nous parler d’excellence et de flexibilité, qui sont souvent des cache-sexes de Lobbying Éditorial et Souffrance au Travail.

      Au ruissellement on y croit pas, aux premiers de cordée non plus :

      Nous sommes convaincu·es que, parmi vous, travailleuses et travailleurs de ce beau Monolithe “Bling Bling”, il y en a qui ne se retrouvent pas dans ce que les dirigeant·es veulent faire de la recherche publique. Leur modèle est perdant tant pour les conditions de travail imposées, mais aussi pour la qualité de la recherche. Le sous-financement de la recherche publique, le pilotage par appels d’offre, les ANRs, les ERCs, vous pourrissent la vie et vous empêchent d’exercer votre métier.

      Ce modèle c’est celui qui a fait que les collègues travaillant sur les coronavirus, parce que cela n’était plus jugé assez sexy et tendance, se sont vu sucrer leurs financements. La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Elle ne doit pas marcher non plus selon le flair des investisseurs privés.

      Nous vous invitons à lever les yeux de vos expériences,
      à vous organiser,
      à débattre,
      à lutter !

      Après le succès de la manifestation du 5 mars, où l’université et la recherche se sont arrêtées, nous réitérons nos revendications :

      Nous exigeons que soit mis en œuvre dès 2020 un plan d’urgence pour l’université et la recherche.

      Nous exigeons des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ; des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ; des garanties sur la sécurité juridique des étrangèr·es.

      Ainsi seulement nous pourrons créer une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
      L’université doit être un service public, qui ne doit ni sélectionner, ni accroître ou légitimer les inégalités.
      La recherche doit être un service public, en capacité de produire des savoirs d’intérêt général.
      Nous allons les refonder, avec vous !

      Après cette dernière envolée, je vous souhaite, au noms de La Part Précaire de la Recherche un bon cocktail !

      Nous : on se lève et on se casse !

      A bientôt dans la lutte.


      https://universiteouverte.org/2020/03/10/la-lppr-sinvite-aux-10-ans-de-licm

    • Pourquoi l’université s’arrête ? Billet participatif

      En ce 5 mars 2020 les facs et labos en lutte contre la Loi de précarisation et de privatisation de la recherche (LPPR) ont décidé de s’arrêter. Proposition d’un billet participatif pour en expliquer les raisons.

      Le présent billet formule une série de 10 premières propositions sur le modèle syntaxique de l’opposition entre un « Ils » et un « Nous » :

      L’Université s’arrête parce qu’ils…… . Nous

      J’invite chaque membre de la communauté d’enseignement et de recherche qui se sentirait impliqué dans ce « Nous » à formuler dans les commentaires de nouvelles propositions. Je les remonterai progressivement dans le billet. Je rappelle sous l’affiche d’Olivier Long deux extraits du discours de Simon Leys.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fermé les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des classes sociales les plus pauvres. Nous sommes l’Université Ouverte et nous demandons la suppression du dispositif Parcoursup.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont créé 30% d’emplois précaires dans le supérieur et que la LPPR va encore les multiplier. Nous exigeons des postes de fonctionnaires titulaires et un plan de titularisation de tous les précaires.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fait de l’excellence un concept vide. Nous travaillons à inventer et définir les concepts.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont tué la démocratie universitaire. Nous demandons l’abrogation de la loi LRU de 2007 et de la loi Fioraso de 2013 et une nouvelle loi électorale qui assure une représentation effective des personnels et des étudiants, sans membres extérieurs à la botte des présidents.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent financer les laboratoires uniquement sur appels à projets alors que 85% de nos dossiers sont refusés. Nous exigeons des crédits récurrents pour les laboratoires et nous refusons de passer plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la recherche.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ne cessent de nous mettre en concurrence et de nous évaluer. Nous refusons la compétition permanente dont toutes les études démontrent qu’elle ne favorise pas la recherche et qu’elle brise les équipes et la collégialité.

      – L’Université s’arrête parce le management autoritaire dans tous les établissements a provoqué burn-out, harcèlements et suicides. Nous ne sommes pas des robots, ni des « ressources humaines », nous sommes des individus et exigeons le respect et les conditions de travail décentes qui sont dus à tous les salariés.

      – L’Université s’arrête parce que la planète brûle. Nous demandons une liberté totale de recherche et tous les moyens nécessaires pour inventer les solutions scientifiques et techniques afin de lutter contre la crise écologique et le réchauffement climatique.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent faire de l’université une entreprise comme les autres. Nous sommes un Service public qui œuvre pour le bien commun.

      - L’université s’arrête parce qu’ils ne sont pas l’université. Nous sommes l’université.

      –------

      Contributions formulées dans les commentaires (sans sélection aucune). Elles n’engagent pas le blogueur. Elles peuvent être débattues dans le fil des commentaires.

      De Blaz :

      L’université s’arrête puisque les facultés de sciences sociales entassent les publics populaires qui récolteront - s’ils vont jusqu’au bout du cursus- des diplômes dévalorisés. Nous voulons que les facultés dites à "pouvoir" (y compris les grandes écoles) soient plus représentatives de la diversité, quitte à passer par des politiques de "discrimination positive".

      L’université s’arrête lorsque des séminaires doctoraux regroupent des chercheurs calculateurs, parcimonieux, disposés à entendre les idées des autres mais jamais à partager leur réflexion. Nous voulons des chercheurs universitaires qui nous grandissent, qui grandissent avec nous lors d’’échanges réflexifs

      L’université s’arrête parce qu’une horde d’étudiants étrangers s’inscrivent en troisième cycle, contribuent par leurs efforts à développer des savoirs (dont certains seront commercialisés) avant de se retrouver sur le tarmac. Nous voulons des universités qui ne profitent pas de la misère du monde (prolongation du titre de séjour) pour exploiter la matière grise des pays dits "sous-développés"

      L’université s’arrête puisque la réflexion intellectuelle a été substituée par "une économie du savoir" contraignant le chercheur à multiplier des publications pour exister. Résultat des courses : y’a rien à lire ! Nous voulons des chercheurs au service de la « clarté ».

      L’université s’arrête dès lors qu’elle exerce volontiers la censure à l’endroit de savoirs non consacrés. Nous voulons une université moins conformiste, ouverte aux études postcoloniales.

      De NOID :

      L’université s’arrête parce qu’ils croient que nous n’avons pas le temps pour l’éthique, que l’art ne se vit pas mais se consomme, que le temps de la philosophie est perdu. Nous savons qu’il est dangereux d’enrichir "ils" par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs qui renforceraient encore leurs pouvoirs.

      L’université s’arrête parce qu’ils croient qu’on peut amender les lois de la physique. Nous ne voulons plus donner de confiture aux cochons.

      De LAURENTGOLON :

      L’Université s’arrête parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Nous savons qu’elle donne à penser et nous exigeons du temps pour le faire.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent la piloter et la museler par la multiplication des appels à projet. Nous sommes l’université libre qui cherche là où elle pressent qu’une question se pose et nous exigeons les moyens et le temps de mettre en œuvre notre liberté académique.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent orienter nos projets vers la rentabilité. Nous sommes la recherche pour et avec tou·te·s et nous exigeons que le statut d’auditeur libre ne fasse plus l’objet d’aucune restriction.

      De Bertrand Rouziès :

      L’université s’arrête aussi parce que de nouveaux mandarins, cumulards de hautes responsabilités administratives, en doctes excroissances de la servilité politique, du trafic d’influence et de la police de la pensée, profitent de la paupérisation croissante des chercheurs pour en vampiriser les travaux et les vassaliser.

      Quand l’université ne s’arrête pas d’elle-même pour reprendre ses esprits, se redonner du souffle et du coffre, elle offre le spectacle, dans son (dys)fonctionnement ordinaire, d’un idéal à l’arrêt.

      L’université s’arrête quand la cooptation et les clauses tacites biaisent le recrutement et fabriquent un « nous » de corps de garde ou de corps de ferme.

      L’université s’arrête quand les maîtres n’apprennent plus à leurs disciples à se passer d’un maître.

      L’université s’arrête où l’universalité se contraint.

      L’université s’arrête où l’entreprise commence.

      Deux extraits du discours prononcé par Simon Leys le 18 novembre 2005 à l’Université catholique de Louvain lors de la remise du doctorat honoris causa

      UNE IDÉE DE L’UNIVERSITÉ

      « Il y a quelques années, en Angleterre, un brillant et fringant jeune ministre de l’Éducation était venu visiter une grande et ancienne université ; il prononça un discours adressé à l’ensemble du corps professoral, pour leur exposer de nouvelles mesures gouvernementales en matière d’éducation, et commença par ces mots : « Messieurs, comme vous êtes tous ici des employés de l’université… », mais un universitaire l’interrompit aussitôt : « Excusez-moi, Monsieur le Ministre, nous ne sommes pas les employés de l’université, nous sommes l’université. » On ne saurait mieux dire. Les seuls employés de l’université sont les administrateurs professionnels, et ceux-ci ne « dirigent » pas les universitaires – ils sont à leur service. »

      « Un recteur d’université nous a engagés un jour à considérer nos étudiants non comme des étudiants, mais bien comme des clients. J’ai compris ce jour-là qu’il était temps de s’en aller. »

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/050320/pourquoi-l-universite-s-arrete-billet-participatif

    • Avis du COMETS : « Contribution du Comité d’Ethique du CNRS (COMETS) aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche »

      Séance plénière du COMETS du 24/02/2020.

      Le gouvernement promet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait s’accompagner d’un accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacrée à la recherche. Le COMETS considère cette annonce comme très encourageante. Toutefois, au vu des rapports de préfiguration à la loi et des premières déclarations de décideurs ou responsables, le COMETS tient à les examiner à la lumière de l’intégrité et de l’éthique. Ces dimensions lui paraissent essentielles à la fois pour conduire la science et pour assurer la confiance que les citoyens accordent aux chercheurs. Dans la perspective de la rédaction finale du projet de loi, le COMETS exprime ici ses inquiétudes et formule quelques recommandations qui découlent de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre ressources récurrentes et contractuelles est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de méconduites et fraudes telles que le plagiat et la falsification des résultats. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement.

      De tels manquements à l’intégrité et à la déontologie risquent d’être favorisés par la précarité programmée des personnels de la recherche touchant notamment les femmes. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères.

      L’extension annoncée des effectifs de professeurs associés et la création de directeurs de recherche associés exerçant une activité en dehors de l’organisme peut être source de conflits d’intérêts. Des procédures claires de déclaration de liens d’intérêts devront donc être mises en place.

      La réduction des postes de fonctionnaires ne peut qu’amplifier le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier au manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-comets-lppr

    • Contre la pandémie : des moyens durables pour nos services publics !

      Communiqué du 14 mars 2020 du comité de mobilisation des facs et labos en lutte.

      Depuis le 5 décembre, travailleur·ses et étudiant·es de tous statuts luttent dans les facs et les labos – et auprès des travailleur·ses de tous les secteurs – contre la destruction du système de retraite par répartition. Depuis le 5 mars, nous avons appelé à la mise à l’arrêt des universités et de la recherche pour protester contre les conditions de travail et d’étude désastreuses, et la pénurie de postes statutaires et de moyens pérennes, que viendrait aggraver la future Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) : système universitaire à deux vitesses, compétition accrue pour les crédits de recherche, précarité de l’emploi intensifiée, conditions d’étude détériorées. Depuis des années, nous sommes nombreux·ses à alerter sur les conséquences dramatiques de la destruction des services publics et des politiques d’austérité.

      Jeudi 12 mars, dans une allocution présidentielle suscitée par la crise sanitaire majeure à laquelle est confronté le pays, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture aux usagèr·es, jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des écoles, des collèges, des lycées et des universités. Cette décision est nécessaire mais tardive, car des cas étaient déjà comptabilisés notamment dans les universités et que la fermeture proactive des écoles dès l’arrivée des premiers cas sauve des vies en cas de pandémie. Et bien d’autres lieux de travail ne devraient-ils pas être fermés, si nos vies comptaient plus que le CAC 40 ?
      Santé et recherche publiques au rabais

      Macron a prétendu porter « la reconnaissance de la nation » aux « héros en blouse blanche ». Pour mieux ignorer ces mêmes héros, lorsqu’ils sonnent l’alerte sur les effets catastrophiques des années de politiques d’austérité dans la santé et la recherche publiques ? Face à la crise hospitalière, le gouvernement ne propose que des heures supplémentaires et une inquiétante réforme de la formation des internes. Comme le rappellent les soignant·es en lutte, les hôpitaux ne disposent pas aujourd’hui des moyens humains et matériels suffisants pour faire face à une crise sanitaire majeure. Protéger la santé de tou·tes autrement que dans l’urgence implique un vrai plan de financement public et de recrutement de fonctionnaires à l’hôpital, la suppression du jour de carence et de tout frein à l’accès aux soins, y compris pour tou·tes les étrangèr·es, ou encore l’attribution de postes pérennes et de moyens suffisants pour la propreté, l’hygiène et la sécurité de tous les lieux de travail.

      De la même façon, Macron affirme sa confiance dans la recherche française pour trouver en urgence des issues à la crise sanitaire, quand notre recherche publique a pris du retard du fait d’un manque structurel de crédits à long terme pour les laboratoires, soumis à l’idéologie de la compétition sur projets : plus de dix années perdues pour la recherche fondamentale sur le coronavirus ! Des mesures immédiates doivent être prises pour inverser cette tendance. L’État doit par exemple cesser d’offrir aux grandes entreprises l’équivalent de deux fois le budget du CNRS (sous la forme du « Crédit Impôt Recherche »), et redistribuer cet argent aux laboratoires de recherche publics. Notre pays a plus que jamais besoin de rétablir une recherche diversifiée et fondamentale, une université et des services publics dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des défis écologiques, sanitaires et sociaux que nous devons relever, à l’opposé de politiques « d’innovation » de court-terme, partielles et marchandes.
      Qui paiera la crise sanitaire et sociale ?

      Des « plans de continuité de l’activité » sont en cours d’élaboration précipitée dans les universités. Comme à l’hôpital, les circonstances exceptionnelles exacerbent les tensions dans des universités déjà au bord du burn-out collectif. Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : la fermeture des facs aux étudiant·es et à une large part des travailleur·ses est incompatible avec la poursuite des cours et des évaluations. Prétendre le contraire est un nouveau signe de mépris des bonnes conditions de travail, d’études et de vie. Le service public de l’enseignement nécessite l’accès à de vrais cours, mais aussi à des bibliothèques et autres lieux et outils de travail, actuellement impossible. Les BIAT·O·SS ne sont pas des variables d’ajustement ni des pions à déplacer de force : face au risque sanitaire, il ne saurait être question de les obliger à être présent·es sur leur lieu de travail, ni à travailler à distance. Les enseignant·es doivent garder le contrôle de leur travail et de ses fruits, y compris sur le plan de la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles doit être préservée. Quant aux considérables obstacles techniques à l’enseignement à distance, ils sont autant d’obstacles sociaux, qui aggraveraient les inégalités déjà en forte augmentation avec les politiques universitaires actuelles. Et quid des étudiant·es et membres du personnel qui devront s’occuper toute la journée de leurs enfants scolarisés en temps normal ? La généralisation des cours en ligne n’est une solution ni pour les enseignant·es, ni pour le personnel BIAT·O·SS, ni pour les étudiant·es.

      Nous refusons de payer le prix des fermetures. Toutes les heures de travail prévues doivent être payées normalement, y compris les vacations empêchées par les fermetures, quels que soient les statuts et les situations sanitaires ou familiales des travailleur·ses. La poursuite des études doit être envisagée en assumant qu’il y a rupture avec les conditions normales et que ni les membres du personnel ni les étudiant·es ne doivent en faire les frais. Nous demandons à notre ministre d’accéder enfin à nos revendications, et de titulariser les vacataires auxquel·les l’université a massivement recours et qui assurent des fonctions pérennes, pour une rémunération différée et très souvent en-dessous du SMIC horaire. Nous demandons pour la rentrée 2020 et les suivantes, les milliers de postes statutaires qui manquent et le dégel total des postes existants. Nous demandons une université gratuite, non sélective et dotée de moyens financiers, humains et techniques à la hauteur des besoins de formation, et des revenus étudiants sans lesquels il n’y a pas d’égalité d’accès aux études.

      Macron prétend vouloir « protéger » les salarié·es et la population d’une crise sanitaire, économique et sociale. Chômage technique partiel indemnisé par l’État ? Rien de rassurant pour grand nombre de précaires parmi nos collègues et étudiant·es, et dans l’ensemble de la société, qui risquent tout simplement de perdre emplois et revenus. La réforme de l’indemnité chômage censée s’appliquer aux personnes ouvrant des droits à partir du mois prochain ne doit pas être aménagée, mais annulée. Et comment les vagues mesures « protectrices » seraient-elles financées ? Les seules mesures concrètes annoncées sur le plan économique et social concernent les cotisations patronales reportées, et la préparation d’un « plan de relance ». Pour les grandes entreprises privées, Macron redécouvre que « l’argent magique » existe, ce même argent qu’il refuse aux services publics et au financement de nos solidarités.
      Pour la solidarité, nous restons mobilisé·es !

      Enfin, combien de postes… de télévision ont manqué d’être fracassés lorsque Macron a prononcé les mots de « solidarité entre générations » ? Comme la majorité de la population, nous savons ce que vaut sa novlangue. C’est le même Macron qui tente depuis des mois de détruire un système de retraites qui est le meilleur exemple de cette solidarité, fondé sur la cotisation des actif·ves reversée aux retraité·es. Le retrait de la contre-réforme « par points » demeure une nécessité absolue.

      Depuis des décennies, c’est l’ensemble des dispositifs de solidarité sociale qui sont fragilisés par des mesures gouvernementales. Dans le domaine universitaire, le projet de LPPR prolonge les lois LRU, ORE (« ParcourSup ») et de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »), menaçant de briser toute solidarité dans les facs et labos.

      Nous ne nous laisserons pas abuser par un discours qui glorifie en façade la « mobilisation générale de la recherche » et la « solidarité », mais ne débloque de l’argent public que pour rassurer les grandes entreprises. Notre défiance reste entière envers un gouvernement qui s’est mis à dos la majorité de la population par la violence de ses politiques inégalitaires. Nous appelons à l’amplification des mesures exceptionnelles de santé publique tant qu’il le faudra, mais aussi au rétablissement durable du système public de santé et de recherche. Travailleur·ses et étudiant·es refusent de payer la crise sanitaire, économique, sociale.

      Et nous ne laisserons pas le gouvernement en profiter pour accélérer ses réformes impopulaires. La crise sanitaire révèle les conséquences dramatiques de ces réformes, autant que l’absolue nécessité de se battre pour nos services publics et nos solidarités.
      Les universités ferment, nos luttes continuent !

      https://universiteouverte.org/2020/03/14/contre-la-pandemie-des-moyens-durables-pour-nos-services-publics

    • 5 mars : des salarié·e·s de #Mediapart soutiennent enseignant·e·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s

      Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.

      Ce 5 mars, « l’Université et la recherche s’arrêtent ». De nombreux personnels, laboratoires, unités et revues cessent le travail, en réaction au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et contre la réforme des retraites qui les concerne au même titre que les autres actifs.

      La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.

      Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.

      Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.

      À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.

      Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. Celui-ci exige du temps et de la méthode pour collecter des données, les interpréter, les mettre en perspective avec les connaissances déjà accumulées, et enfin les discuter avec des pairs. Si l’université continue à se paupériser et à violenter ses personnels, ceux-ci risquent d’être à la fois moins nombreux et moins disposés à remplir cette fonction d’« #intellectuel_public » qui est pourtant l’une des dimensions possibles, et nécessaires, de leur métier.

      Cela ne veut pas dire que ce travail ne peut se faire et ne se fera pas ailleurs — mais à court et moyen terme, aucune autre institution que celles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut s’y substituer. Au-delà de l’enjeu social, il y a donc un enjeu démocratique à empêcher la casse de l’université.

      Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.

      Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. Parmi ces actions, les salariés de OpenEditions ont joué un rôle pionnier de la lutte en bloquant de façon inédite l’accès à leur plateforme de publications scientifiques (qui compte 6 millions de visiteurs uniques mensuels) ; les community managers de Mediapart ont à plusieurs reprises occupé leurs réseaux sociaux, une grande partie des salariés s’est mise en grève le 24 janvier et a décidé d’occuper la Une du journal. L’ensemble de ces acteurs a rejoint de nombreux travailleurs du numérique ainsi que le collectif des « revues en luttes » pour réaliser une opération coordonnée de blocage ce même jour (24 janvier).

      Cette grève n’aurait pas eu le même poids sans cette convergence et coordination des acteurs du numérique. Aujourd’hui, dans la continuité de la mobilisation contre la loi LPPR, cette journée du 5 mars s’inscrit comme une étape supérieure de la lutte.

      Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur.

      Un collectif de salarié·e·s de Mediapart

      Guillaume Chaudet-Foglia
      Joseph Confavreux
      Chrystelle Coupat
      Renaud Creus
      Géraldine Delacroix
      Lucie Delaporte
      Claire Denis
      Cécile Dony
      Fabien Escalona
      Ana Ferrer
      Maria Frih
      Livia Garrigue
      Mathilde Goanec
      Romaric Godin
      Dan Israel
      Manuel Jardinaud
      Sabrina Kassa
      Karl Laske
      Jade Lindgaard
      Maxime Lefébure
      Gaëtan Le Feuvre
      Mathieu Magnaudeix
      Laurent Mauduit
      Lorraine Melin
      Edwy Plenel
      Alexandre Raguet
      Ellen Salvi
      Laura Seigneur

      https://blogs.mediapart.fr/en-soutien-aux-chercheurs-en-lutte/blog/050320/5-mars-des-salarie-e-s-de-mediapart-soutiennent-enseignants-chercheu

    • "Allô Précaires ?" Écoutez le premier #podcast

      ALLO PRECAIRES ? Ecoutez le premier recueil de témoignages de #précaires de l’ESR ! On est encore tout.e.s ému.e.s…

      Ces témoignages racontent les conditions concrètes de travail à l’Université, mais aussi et surtout leurs répercussions sur le quotidien et la vie familiale et affective. Le #répondeur permet visiblement l’expression des #émotions : parole libre et anonyme, absence de regard extérieur direct.

      En raison du nombre important de demandes de relectures, nous avons choisi de modifier les voix pour garantir l’anonymat (la relecture aurait demandé un lourd travail de retranscription). De plus, il nous a semblé important de conserver l’émotion qui se dégage des différents témoignages.

      Merci d’avoir partagé votre expérience. Tenez bon, le panda reste à votre écoute !
      >> 07.49.07.15.34 << NB : Toutes les voix ont été modifiées pour garantir l’anonymat des témoignages

      https://precairesesrrouen.wordpress.com/2020/03/10/allo-precaires-ecoutez-le-premier-podcast

      Et sur soundcloud :
      https://soundcloud.com/user-10605953-422618281/allo-precaires-podcast1

      #témoignage #témoignages #audio #précarité

    • University community in France mobilizes against proposed research law

      The new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government calls for converting permanent researcher posts to contract vacancies based on the tenure of research projects.

      Researchers in France have initiated a massive protest against the new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government. The national coordination of “faculties and labs in struggle” started a research strike from March 9, Monday. More than 100 universities and schools, nearly 300 laboratories and 145 scientific journals in the humanities and social sciences have expressed support for the protests called by the national coordination committee of researchers.

      LPPR calls for the conversion of research vacancies in the country into limited period posts based on the tenure of projects carried out by research institutions. Such a move is likely to affect those who work in regular posts and has also created widespread discontent among tens of thousands of researchers and students who currently work in contract/ temporary vacancies, for whom there will be no possibility of regular/permanent jobs in the future.

      On March 5, tens of thousands of researchers had joined the mobilization against the LPPR across the country, with over 20,000 people participating in the protest in Paris alone.

      The ministerial consultations for the new law, announced by French prime minister Édouard Philippe last year, have reportedly concluded and the draft is expected to be introduced by government soon.

      Secretary of the Union of the Communist Students (UEC) Anais Fley told Peoples Dispatch, “The LPPR (Multi-annual research programming law) is a bill that aims to reform the university in the same neoliberal approach. If this bill is adopted, it will deepen inequalities at university, increase competition between researchers and degrade the working conditions of the teacher-researchers as well as the students.”

      “One of the main pivots of this law is to transform research contracts on the basis of projects, without further funding public research, or allowing these projects to be structured over the long term. The consequence of this bill is to make public research even more precarious,” she added.

      Fley also said that faced with this social and scientific regression, the French university community is mobilizing, with university staff, doctoral students and professors on the front line. “Of course, this mobilization resonates with the strikes against the pension reform,” she further stated.

      https://peoplesdispatch.org/2020/03/09/university-community-in-france-mobilizes-against-proposed-research-

    • Le 5 mars l’Université et la recherche s’arrêtent. #10_chiffres pour comprendre

      Grâce au mouvement contre la réforme des retraites, initié par les travailleurs·ses de la RATP et de la SNCF, les facs et les labos sont entrés en lutte dès le mois de décembre 2019, sur cette bataille interprofessionnelle mais aussi sur deux sujets propres au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nouvelle attaque néolibérale (https://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations), et la précarité massive qui touche d’ores et déjà les universités et la recherche, étudiant·e·s et personnels.

      L’économiste #Hugo_Harari-Kermadec, spécialiste de l’enseignement supérieur (https://www.contretemps.eu/universite-marchandisee-entretien-harari-kermadec), rappelle en dix chiffres – et quelques autres – pourquoi l’Université et la recherche s’arrêteront le 5 mars, et pourquoi la lutte va continuer ensuite. Cette liste a été constituée à partir de l’intervention de Marie Sonnette sur France Culture, que l’on pourra (ré)écouter ici (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

      ).

      On pourra également consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

      *

      108 facs et 268 labos en lutte (https://universiteouverte.org/2020/01/14/liste-des-facs-et-labos-en-lutte).

      130 000 vacataires (https://ancmsp.com/lppr-2-smic-pour-les-titulaires-des-cacahuetes-pour) assurent ensemble plus du tiers des cours à l’université, payé·e·s 26 centimes d’euro sous le SMIC.

      300 000 étudiant·e·s supplémentaires en dix ans mais 0€ en plus pour les accueillir. Plus de 40% travaillent en parallèle de leurs études.

      Parcoursup a introduit la sélection en L1 pour au moins 30% des étudiant·e·s (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes), et 99% de l’algorithme est opaque selon la cour des comptes.

      1 600% d’augmentation des frais d’inscription (https://universiteouverte.org/2019/04/28/officialisation-de-la-hausse-des-frais-que-retenir-des-decrets) pour les étudiant·es non européen·ne·s en Licence (à 2 770 € /an) et Master (à 3 770 € /an) depuis le décret « Bienvenue en France » (sic) en 2019.

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·es-chercheu·ses.

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnel·les BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes et que promet le gouvernement dans la LPPR.

      57 milliards versés à 10 facs d’élite (#Programme_Investissement_d’Avenir) (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), c’est la politique « d’excellence » qui produit une université à deux vitesses.

      5 milliards (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) de moins en cotisations retraites de l’État pour les personnel·les de l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce que la réforme des retraites nous prend sur notre salaire socialisé.

      60 000 postes de titulaires (https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf) et 18 milliards d’euros manquants pour l’université et la recherche.

      *
      Lutte généralisée

      108 facs et 268 labos, 30 collectifs de précaires, 134 revues, 16 sociétés savantes, 46 séminaires, 35 sections CNU, 54 évaluateur·trices de l’HCERES, etc., mobilisé·es (décompte du 1er mars) contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites au 22 février. Une lettre contre la LPPR a été signée par plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont signé une lettre commune.

      Cet argent qui manque

      70 milliards d’euros, c’est-à-dire 3% du PIB, c’est l’engagement des gouvernements successifs pour l’enseignement supérieur et la recherche (2/3 pour l’enseignement supérieur, 1/3 pour la recherche). Mais la dépense publique réelle est loin de cette annonce : au compte au mieux 32 milliards pour l’enseignement supérieur et 20 milliards pour la recherche publique. Il manque donc au moins 18 milliards d’euros par an pour les facs et les labos. Les syndicats demandent une hausse cumulative de 3 milliards par an pendant 10 ans.

      Des moyens concentrés pour les facs d’élite

      Et encore, en 2019, un milliard d’euros de l’ESR relève du Programme Investissements d’Avenir (PIA) qui a attribué en tout 57 milliards d’euros depuis son lancement par Sarkozy en 2010, c’est-à-dire certaines années presque autant que tout le budget de l’ESR, de façon extrêmement inégalitaire en concentrant les moyens dans les établissements déjà les mieux dotés financièrement, les plus réputés et avec la population étudiante la plus favorisée socialement, souvent passée par les classes préparatoires.

      Moins d’une dizaine de regroupements (rassemblant une ou deux universités et des très grandes écoles) ont remporté un Idex dans le cadre de ces investissements d’avenir, soit 800 millions d’euros pour chacun de ces regroupements.

      Une dégradation des conditions d’étude

      A l’autre bout de la hiérarchie universitaire, la majorité des universités, situées en banlieue ou dans des villes moyennes, ont vu leur moyen au mieux stagner depuis une dizaine d’années, alors qu’elles ont pris en charge l’essentiel de la massification du supérieur, le nombre d’étudiant·es augmentant de 300 000, dont 220 000 dans les universités.

      On a donc une baisse du budget par étudiant·e d’au moins 10% dans ces universités[1], alors qu’avec les Sections de techniciens supérieurs (STS) elles prennent en charge l’essentiel de l’accès des classes populaires au supérieur : bacheliers professionnels et surtout technologiques, enfants d’ouvriers ou d’immigrés accèdent plus nombreux au supérieur depuis les années 2000, mais pour une bonne partie d’entre eux·elles dans ces universités qui ne bénéficient pas des politiques d’excellence, et presqu’exclusivement en cycle licence.

      Pour financer une allocation d’autonomie ou un salaire étudiant pour toutes et tous, à 1 000 € par mois et 12 mois par an, 21 milliards d’euros seraient nécessaires. Cela pourrait se traduire par la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale ou par l’intégration de son financement à l’une des branches actuelles. Par exemple, au sein de la branche famille, le financement des 21 milliards d’euros représenterait une hausse d’un peu plus de 3 points des cotisations patronales (voir le dernier chapitre du livre Arrêtons les frais).

      Précarité

      Les facs d’élite comme celles de la massification font face à leur nouvelle mission avec la même stratégie, à savoir la précarisation des personnels : dans les facs d’élite, parce que les financements d’excellence sont des financements à court ou moyens termes, qui ne permettent de recruter qu’en CDD ; dans les autres facs, pour faire face à la hausse du nombre d’étudiant·e·s, donc des besoins d’enseignement, et au manque de moyens, les présidences remplacent les postes de titulaires par des contractuels et surtout des vacataires, payés à l’heure, pour qui reviennent

      130 000 vacataires assurent ainsi ensemble plus du tiers des cours à l’université. Au moins 17 000 d’entre elles et eux font plus de 96 heures équivalent TD, c’est-à-dire un mi-temps d’enseignant·e-chercheu·se, et c’est donc sans doute leur emploi principal. 26 centimes d’euro sous le SMIC, c’est le salaire horaire des vacataires : 9,89 euros brut l’heure de travail effectif.

      Un assèchement de l’emploi public

      4 millions d’heures complémentaires sont assurées par les enseignant·e·s et/ou chercheurs·ses titulaires, soit l’équivalent de 20 000 postes.

      Au CNRS, par exemple, les effectifs de personnels permanents ont diminué de 1 350 en 10 ans, entre 2007 et 2016 ! Dont une majorité de perte d’ingénieur·es et technicien·nes (-900), les emplois de chercheurs·ses reculant de 450 environ. 20% des personnels de la recherche sont précaires (un peu plus chez les IT que chez les chercheu·ses), en particulier employé·e·s sur des CDD liés à des contrats ANR.

      Les effectifs d’enseignant·e·s-chercheurs·ses sont identiques en 2017 (56 700 PR et MCF titulaires) à ce qu’ils étaient en 2012 (56 500), en dépit des 5000 « emplois Fioraso » (Source : MESRI-DGRH, 2018). Sur la même période, les effectifs étudiants dans les universités publiques ont augmenté de 16 %, passant de 1, 41 à 1,64 millions (source : MESRI-SIES, 2018).

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·e·s-chercheurs·ses. Davantage de précaires, moins de postes de titulaires (alors qu’il y avait 2 600 MCF et CR recruté·e·s en 2009, il n’y en avait plus que 1 700 en 2016, et les choses ont empiré depuis), il y a embouteillage dans les concours de maître·sse·s de conférences et de chargé·e·s de recherche et l’âge de recrutement sur un poste permanent ne fait que reculer.

      60 000 postes de titulaires, c’est donc ce qui permettrait de résorber la précarité et de rétablir des conditions de travail et d’étude de qualité pour toutes et tous à l’université.

      730 millions d’euros, c’est ce qui manque pour financer les thèses de doctorant·e·s en LSHS (estimation de la CJC). En effet, dans ces disciplines, c’est 60% de thèses qui débutent sans financement. Elles terminent également très souvent grâce aux allocations chômage. Avec 730 millions, on pourrait financer les 3875 contrats manquants en LSHS. Il en manque sans doute aussi un peu en sciences fondamentales et expérimentales.

      Genre

      Seulement 5% des présidents de regroupement d’établissements, 17% des présidents d’université, 25% des professeurs, 34% des chercheurs sont des femmes. Tous les mécanismes concurrentiels, type appels à projets ou prime, de même que la précarité, renforcent les inégalités de genre.

      LPPR

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnels BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes. Elle regrette d’ailleurs qu’à l’occasion de fusion entre établissements, ce soit parfois le meilleur accord sur le temps de travail qui se généralise ! Le gouvernement a promis de profiter de la LPPR pour réaligner tout le monde vers plus de temps de travail (mais pas vers plus de salaire).

      6 milliards, c’est le coût de préparation et de rédaction des 130 000 projets soumis en pure perte à la Commission européenne dans l’espoir, déçu, d’obtenir un financement européen de la recherche (ERC). Il faudrait ajouter le coût des projets rejetés au niveau national, comme l’ANR français mais aussi les appels à projets d’excellence (IDEX, Equipex, LABEX, etc), et au niveau local avec tous les appels internes aux nombreuses structures universitaires et scientifiques.

      6 milliards c’est aussi le coût du Crédit Impôt Recherche que le gouvernement offre chaque année aux entreprises sans presque aucun contrôle et sans effet notable sur l’emploi scientifique ou l’effort de recherche des entreprises privées).

      Retraites

      42 milliards, c’est ce que l’Etat compte économiser à terme sur le salaire socialisé des fonctionnaires en passant le niveau de cotisation retraite, actuellement à 74,3% dans la fonction publique, à 16,9% dans le futur système « universel » de Macron. Rien que dans l’enseignement supérieur et la recherche, cela représente à terme 5 milliards d’euros de cotisation retraite en moins à verser pour l’Etat, une économie évidement sans commune mesure avec les faibles hausses de revenus promises (essentiellement sous forme de prime, donc inégalitaires).

      Notes

      [1] En euros constant, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est passé de 12,4 milliards en 2008 à 13,4 milliards en 2018, alors que les effectifs étudiants passaient de 2,2 millions à près de 2,7 millions sur la même période. On obtient donc une chute du financement par étudiant·e de pratiquement 10%. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee

      https://www.contretemps.eu/10-chiffres-lutte-universite-recherche

    • La Galère de l’ESR - Numéro 2

      Ce journal est écrit par un collectif de précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il vise à informer nos collègues titulaires et à fournir à tous des éléments factuels pour débattre sereinement des conditions de travail et de l’évolution de la recherche publique française. Ces dix dernières années, d’excellentes initiatives comme Science en Marche ont permis d’établir un diagnostique très complet. C’est à partir de celui-ci, et à l’aide des nombreux rapports gouvernementaux et d’articles de presse, que nous tentons ici, de dresser un constat honnête de nos laboratoires. Cet exposé factuel ne saurait être isolé d’une critique incarnée, tant le rapport au travail pour nos collègues jeunes chercheur(ses) est viscéralement lié à leur vie extra-profesionnelle. Combien aussi le fossé est immense avec certains de nos anciens, qui connurent la titularisation avant même la fin de leur thèse de doctorat. Ceux-là doivent nous entendre, car dans nos murs tout a changé. Cette forme de gazette vise à être facilement diffusée de boîte mail en boîte mail. Mieux, elle se mariera parfaitement aux tâches de cafés de la table de votre salle commune.


      https://seenthis.net/messages/834159

    • Le 8 juillet, tandis que le projet de la LPPR était censé passer devant le conseil des ministres, nous étions à nouveau dans la rue, aux côtés de représentant·es d’autres secteurs en lutte, pour dénoncer une fois de plus la précarisation et la privatisation de l’université et de la recherche publiques.
      Des rassemblements ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes en France, notamment à Lyon, à Nice, à Montpellier, à Angers ou à Nantes. A Paris, nous étions plus de 300 à nous retrouver à l’esplanade Pierre Vidal-Naquet.

      Toutes les vidéos des interventions de cette journée festive et revendicative sont à retrouver ici : https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte

      En voici quelques extraits :

      « On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » - Sophie, Solidaires Étudiant·es : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=X0AKNOETmhU&feature=emb_logo



      « Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation » - Cendrine Berger, CGT FERC Sup : https://www.youtube.com/watch?v=cGpwIn4OfL4&feature=emb_logo


      « Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. » - Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France : https://www.youtube.com/watch?v=2xlWAZ-tz28&feature=emb_logo


      « On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation » - Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux : https://www.youtube.com/watch?v=EZT_U51rCgc&feature=emb_logo


      « Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. » - Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS : https://www.youtube.com/watch?v=iiZ--aR3IiY&feature=emb_logo

      Reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.07.2020

  • Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)...

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • Faire tâche d’huile et oeuvre utile chez les chercheurs : dix revues en #grève illimitée

      En trois jours, plus de dix comités de rédaction de revues académiques importantes dans le monde de la recherche en sciences humaines et sociales ont annoncé qu’ils se mettaient en grève pour rejoindre, soutenir et amplifier le mouvement social. Mais que signifie une revue en grève ?

      C’est Genèses qui a tiré en premier. Le 6 janvier, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales annonçait qu’elle était “en grève”. Dans ce message de son comité de rédaction, la publication trimestrielle créée en 1990 par des chercheurs comme Gérard Noiriel ou Michel Offerlé détaillait :

      Le 6 janvier 2020, le mouvement social en France entame son 33e jour de grève. Contrairement à ce que veut faire croire le gouvernement, ce mouvement ne concerne pas la seule conservation de régimes spéciaux ou de privilèges corporatistes spécifiques. Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou.tes aux connaissances. En soutien et en participation aux luttes en cours, le comité de rédaction de Genèses a décidé de se mettre en grève : à partir de maintenant et jusqu’à nouvel ordre, le comité n’examinera aucun article et aucune proposition de dossier.

      Depuis, ce sont au moins neuf autres revues de sciences humaines et sociales qui, de même, on fait savoir qu’elles étaient elles aussi en grève (mais peut-être davantage, n’hésitez pas nous écrire : depuis la publication de cet article, Cultures et conflits et Socio-logos ont par exemple annoncé leur avoir emboîté le pas) :

      Politix
      Politiques de communication
      Critique internationale
      Participations
      Tracés
      Genre, sexualité et société
      La Nouvelle Revue du Travail
      Actes de la recherche en sciences sociales
      Sociétés contemporaines

      La plupart de ces titres ne vous sont peut-être pas familiers. Il ne s’agit pas de fanzines gauchistes produits sur un coin de table, mais de publications reconnues, légitimes et parfois centrales parmi la production académique, et ce depuis près d’un demi-siècle pour certaines : la création de "Actes” remonte à 1975, sous la houlette du sociologue Pierre Bourdieu et avec le soutien de la Maison des sciences de l’homme qui densifiait alors sa vocation de structuration de la recherche.

      Une revue universitaire en grève paraît incongru ? Les temporalités de ces revues semblent a priori bien loin du tempo d’une mobilisation sociale : la plupart voient souvent s’écouler plusieurs trimestres entre une proposition d’article ou l’idée d’un dossier thématique, la réception des papiers, plusieurs passes et repasses en comité de lecture (de plus en plus, sous le sceau de l’anonymat), des allers-retours avec leurs auteurs, pour enfin partir à l’impression et, finalement, rejoindre les bibliothèques universitaires ou voyager via le portail numérique Cairn ou la plateforme en ligne OpenEdition. C’est notamment, couplé à la place qui se fait rare, ce qui explique que bien des recensions académiques d’ouvrages se retrouvent finalement publiées très à distance de la sortie d’un livre - et de son calendrier médiatique.

      Huile de coude et caisses de grève

      Et puis, une revue a certes un comité éditorial (une grosse quinzaine de personnes souvent, parfois un peu plus) et des financements pour continuer à paraître dans un contexte de plus en plus tendu pour la recherche, mais personne n’est strictement payé en tant que salarié de Genèses ou Politix, parmi ceux qui ont rédigé l’annonce de la grève. Quelques mauvais esprits pourraient même siffler qu’annoncer qu’on est en grève en tant que membre d’une revue alors qu’on ne se déclare pas forcément, ou pas toujours ni tout le temps, gréviste sur son lieu de travail, n’est pas sans quelque bénéfice secondaire : la vertu de l’affichage politique sans qu’il en coûte un prix personnel trop faramineux.

      Pour autant, même sans piquet de grève ou retenues sur salaires, la grève des revues se veut un geste fort aussi dans la mesure où il entend faire parler de la mobilisation contre le gouvernement, et lui donner quelques balles neuves. Ainsi, elle vise également à rendre plus visible l’étendue d’un mouvement social dont ces observateurs de la société qualifiés estiment qu’il est en partie négligé, minimisé.

      Ainsi, comme les avocats, les hôpitaux, le port de Marseille ou encore 70% des écoles maternelles et élémentaires en Ile-de-France le 9 janvier, certains départements universitaires se sont mis en grève générale et reconductible sans trouver grand écho (c’est le cas de laboratoires, ou par exemple du département de science politique à Paris 1 Sorbonne depuis une AG du 7 janvier). Idem pour des séminaires de recherche qui déprogramment leurs séances depuis décembre, ou même de cohortes d’étudiants qui votent à la majorité la fin des cours et des examens, et font valoir auprès de leurs directions des études qu’ils veulent pouvoir participer au mouvement social sans pour autant être pénalisés. Le tout s’inscrit dans le cadre d’une motion votée le 14 décembre 2019 par la "coordination nationale des facs et labos en luttes", et articule souvent une action "solidaire de la grève et de la mobilisation nationale contre les réforme des retraites et de l’assurance-chômage" à "la défense du service public de l’enseignement et de la recherche (menacé par la prochaine "Loi de programmation pluriannuelle de la recherche")."

      Au-delà de la profession de foi qui compte, et de l’effet de loupe sur le mouvement, l’engagement n’est pas cosmétique :

      certains appels listent des caisses de grève en ligne que les chercheurs s’engagent à abonder en tant que membre du comité de rédaction
      l’arrêt de l’activité éditoriale est bien réel car, de fait, les papiers ne seront plus examinés (une revue en reçoit beaucoup plus qu’elle n’en publie), et des chercheurs ne seront pas publiés comme prévu (mais plus tard).

      Toutefois, comme souvent en grève, cela ne signifie pas que tous ces chercheurs cessent de travailler tout court, ou qu’ils désertent leur lieu de travail. Plutôt qu’ils entendent faire nombre en se déclarant grévistes, et que le tout puisse féconder autre chose. D’ailleurs, Genèses annonce la préparation d’un numéro spécial “En grève”, qui doit remplacer celui prévu pour ce début d’année 2020, et Politix précise dans son annonce : “Nous nous engageons et appelons à soutenir toutes les actions locales et manifestations nationales, à participer aux assemblées générales interprofessionnelles et à celles du mouvement des "Facs et labos en lutte", à contribuer aux caisses de grève, pour intensifier et élargir la mobilisation, à travailler avec les camarades des autres revues (Genèses, Sociétés contemporaines, Actes de la recherche en sciences sociales, etc.) en vue d’interventions communes.” Quant à Actes de la recherche en sciences sociales, la revue annonçait explicitement "se mettre au service de la grève" à compter du 8 janvier.

      Sur une liste de diffusion dans le monde académique, un chercheur a pris au mot son comité de rédaction. Alors que publier dans la prestigieuse revue de sociologie reste un Graal (et un sésame) pour bien des chercheurs en quête de reconnaissance, il leur a dit "Chiche !" - ou en substance : "Et si vous alliez plus loin et laissiez plutôt faire le sommaire du prochain numéro aux précaires de la recherche et autres chercheurs sans poste ?” Aujourd’hui, l’entrée d’un chercheur dans la carrière académique, puis ensuite sa trajectoire, sont crucialement liées au nombre de ses publications. Et notamment dans ces revues à comité de lecture.

      https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g
      #revues #revues_scientifiques

    • #Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      On ne compte plus les postes de titulaires gelés, voire supprimés, à l’université et au CNRS, alors que les exigences auxquelles les jeunes chercheuses et chercheurs doivent se soumettre et les cohortes d’étudiant-e-s n’ont jamais été aussi élevées. Nous demander toujours plus, pour nous en donner toujours moins, pour nous priver toujours plus d’emplois stables permettant de nous projeter et nous protéger a minima dans nos vies, mais également dans notre travail : cela n’est plus possible. Cette situation n’engendre pas seulement de la frustration : elle casse, elle humilie, elle détruit trop de personnes.

      Les titulaires en charge des recrutements ne savent plus quoi dire aux candidates et candidats, tellement elles et ils se sentent désemparé·e·s, si ce n’est qu’"il manque des postes", que la « situation est difficile »... Elles et ils ne souhaitent pas nous décourager, tant elles et ils savent les efforts que nous avons dû nécessairement fournir pour ne serait-ce qu’espérer nous faire une place dans ce milieu. Elles et ils voient également que la compétition entre chercheuses et chercheurs s’est substituée, pour le pire, à leur désir de collaboration collégiale.

      Elles et ils savent enfin que le système d’enseignement supérieur et de recherche dépend fondamentalement des précaires pour tenir. Et à effectifs d’étudiantes et étudiants constants, si ce n’est plus élevés (comme cela a déjà été annoncé pour l’année prochaine), nous savons toutes et tous ce que le gel et la suppression de poste systématiques signifient en termes de situation de l’emploi : encore plus de précaires et de précarité qu’auparavant, un manque croissant d’encadrement des étudiantes et étudiants, si ce n’est même un réel abandon de ces dernier·e·s (inscrites et inscrits par ailleurs de plus en plus systématiquement en contrôle terminal, ou même en enseignement à distance, lorsque les capacités d’accueil sont insuffisantes), et des burn outs de plus en plus fréquents chez les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires, contraint.e.s d’accepter des sur-services parfois délirants et de gérer elles-mêmes et eux-mêmes administrativement la précarité dans leur université.

      Si toutes et tous les titulaires ne sont pas touché·e·s de manière égale dans leurs conditions de travail personnelles, en revanche, nous ne pouvons croire qu’elles et ils se réjouissent du sort actuel des jeunes chercheuses et chercheurs ou de leurs étudiantes et étudiants.

      Des modes d’action existent pour se faire entendre, réclamer et obtenir ce qui est dû au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      - refuser d’assurer des sur-services
      - refuser de recruter des enseignantes et enseignants vacataires au sein de son unité d’enseignement
      - se prononcer et voter dans les différents conseils d’UFR et centraux contre tout gel ou toute suppression de poste et pour l’embauche de titulaires enseignants et administratifs (les personnels administratifs souffrant également de cette précarisation à tous niveaux)
      - se mettre en grève administrative et retenir les notes

      Les difficultés pour se mobiliser existent, elles ne sont cependant pas insurmontables.

      Nous appelons les syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous soutenir activement, à diffuser cet appel auprès des titulaires de l’ESR, et à organiser dès à présent au sein des universités des réunions pour discuter des modes d’action à entreprendre, et apporter une réponse cohérente et solidaire.

      Les titulaires voulant par ailleurs manifester individuellement leur soutien et leur désir d’agir face à cette situation peuvent également nous contacter directement à l’adresse suivante : appeldesprecaires@gmail.com

      Ils peuvent également contacter les collectifs de jeunes précaires signataires de cet appel :

      Collectifs signataires :
      – CJC (Confédération des Jeunes Chercheurs)
      – ANCMSP (Association Nationale des Candidat·e·s aux métiers de la science politique)
      – Collectif DICENSUS (Défense et Information des Chercheur·es et Enseignant·es Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg)
      – Collectif Marcel Mauss (Collectif Marcel Mauss des jeunes chercheurs en sciences sociales de Bordeaux)
      – Collectif Doctoral de Sorbonne Université (Association des doctorants et doctorantes de la Faculté des Lettres)
      – Association MobDoc de Paris 1 - Panthéon Sorbonne (L’Association des Doctorant·e·s Mobilisé·e·s pour l’Université)
      – Collectif vacataires Celsa Paris-Sorbonne
      – Collectif des précaires de l’université de Poitiers
      – Collectif les 68+ de Nanterre
      – Collectif Convacs de l’université de Strasbourg
      – Collectif des Doctorant.e.s et Non Titulaires de l’université Lyon 2

      Premiers syndicats signataires :
      – Section locale du Snesup université Paris Nanterre
      – Section locale du SNESUP-FSU université de Strasbourg
      – Section locale de Sud Éducation de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Section locale du Snesup-FSU de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Le SNESUP-FSU de l’université de Lille

      http://www.sociologuesdusuperieur.org/article/appel-solennel-aux-enseignantes-chercheuses-et-enseignants-c

    • Par ce mail, nous souhaitons récapituler les RDV et les ressources dont vous aurez besoin pour la mobilisation contre la réforme des retraites et contre la LPPR.

      Nous vivons depuis le 5 décembre un mouvement de grève interprofessionnel inédit, le plus long dans les transports depuis Mai 1968. Le gouvernement est pour l’instant déterminé à ne pas lâcher sa contre-réforme, mais les grévistes sont tout aussi déterminés à continuer.

      Depuis la rentrée, les déclarations de grève se multiplient dans notre secteur : les revues (https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g, les labos, les UFR, les séminaires, etc. font savoir qu’ils entrent dans la bataille. Cela est d’autant plus logique que nous sommes directement attaqués : la LPPR qui sera discutée dès fin janvier est annoncé dans le projet de loi sur les retraites, une manière de graver dans le marbre la destruction de l’Université, de la recherche et de nos statuts à venir.

      Depuis le 2 décembre, nous sommes plusieurs centaines de collègues à agir pour la coordination de ce mouvement sur les facs et labos. Nous avons déjà fait deux assemblées générales de coordination de 200 collègues et sur Paris, nous avons construit des cortèges des facs et labos de plus d’un millier de personnes lors des manifestations. Nous avons été interpeller Frederique Vidal (https://universiteouverte.org/2019/12/13/lanr-et-f-vidal-parlent-dinnovation-et-de-notre-avenir-devant-des) mais aussi la Conférence des Président d’Université à l’Assemblée Nationale (https://universiteouverte.org/2019/12/19/les-chercheur%C2%B7ses-a-lassemblee) et nous avons fait une inauguration populaire du Campus Condorcet (https://universiteouverte.org/2019/12/20/inauguration-populaire-du-campus-condorcet.

      Dans le cadre de l’organisation d’Etats-généraux de lutte qui auront lieu en Région Parisienne les 1 et 2 février, nous renforçons ce travail de mise en commun et nous commençons une campagne de rappel des labos/département en grève.

      Pour se mettre en contact :
      – Vous pouvez rejoindre la liste mail https://framalistes.org/sympa/info/mobilisationemploiesr
      – Vous pouvez rejoindre le groupe Telegram en installant l’application sur votre téléphone t.me/mobilisationESR
      – En PJ un document qui dresse un état de la mobilisation, telle que nous avons pu la recenser avec tous les mails envoyé depuis la rentrée. C’est partiel mais ça donne une idée.

      Pour vous informer / trouver des ressources pour vos AG :
      – Nous mettons en ligne du matériel sur le site Université ouverte : notamment des exemples de tracts (https://universiteouverte.org/2019/12/22/materiel-militant), des powerpoint et des arguments (https://universiteouverte.org/loi-pluriannuelle-de-programmation-de-la-recherche), et la motion de la dernière AG du 14 décembre (https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-.
      – Sauvons l’Université a sorti des analyses de la LPPR ici.
      – Les analyses du collectif nos retraites sur la réforme.

      Pour les RDV Nationaux de ce mois-ci // CHAQUE FACS/UFR/LABO EN LUTTE EST INVITÉS A ENVOYER AU MOINS UNE DELEGATION //
      – Une AG nationale de coordination des facs et des labos en lutte ce samedi 18 janvier à l’Université Paris Diderot (https://www.facebook.com/events/1390865447751770).
      – Des Etats-généraux des facs et des labos en lutte le week-end du 1 et du 2 février en région parisienne. Vous trouverez l’appel ici, à présenter dans toutes vos AG (https://universiteouvertedotorg.files.wordpress.com/2020/01/contre-la-casse-du-service-public-de-lesr.pdf) !

      Mail reçu le 13.01.2020

    • 📣 Pas de retraites, pas de rentrée 📣

      Motion de l’assemblée générale de l’IHEAL du 13 janvier 2020 :

      L’assemblée des enseignant·es, des étudiant·es et du personnel administratif de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL) de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 décide de suspendre le début du second semestre de l’année universitaire en cours. Cet arrêt des activités est accompagnée d’une mobilisation active dans l’espace public et d’une réflexion collective dans le cadre d’une université populaire du Campus Condorcet. Cette décision est prise en protestation contre les projets gouvernementaux de réforme des retraites et de réforme universitaire proposée dans la dite Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ces deux projets s’inscrivent en continuité de la destruction du système de protection sociale, du service public et de l’État social que nous défendons comme garanties d’une société intégrée et démocratique. Tout comme la réforme de l’assurance chômage, ces deux initiatives ne feront qu’augmenter la précarité et la souffrance déjà vécues à l’université comme ailleurs. L’IHEAL se rend ainsi solidaire de toutes les luttes syndicales (transports, hôpitaux, éducation, travailleur·ses de l’industrie, des services et du commerce) ainsi que d’autres mouvements sociaux (gilets jaunes, mouvements de quartiers, sans papiers…) mobilisées depuis plusieurs semaines et mois en défense d’un modèle de société plus juste, solidaire et démocratique. L’IHEAL s’inscrit ainsi dans le mouvement de nombreuses instances de l’enseignement et de la recherche, et invite les autres collectifs à se joindre à la mobilisation. Nous demandons le retrait du projet de réforme du système des retraites, nous demandons l’arrêt du projet de LPPR et nous exigeons que l’université demeure considérée comme un service public dont l’accès doit être gratuit, universel et financé par l’État.

      https://www.facebook.com/IHEALCREDA/photos/a.584492084954611/3483709778366146/?type=3&theater

    • Décision département géo : rétention des notes et report de la rentrée

      Face à la gravité des propositions de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, le département de géographie de l’#Université_de_Tours, réuni en assemblée extraordinaire le vendredi 10 janvier 2020, s’oppose aux réformes en cours et décide :

      1) - la rétention sine die des notes du premier semestre

      2) - le report de la rentrée d’une semaine a minima, avec accueil des étudiants le lundi 13 janvier à partir de 8h pour expliquer notre position.

      #rétention_des_notes

      Reçu par email via la mailing-list Geotamtam, le 10.01.2020

    • Site temporairement retiré (sic) à l’initiative des organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique »

      Bonjour à toutes et tous,

      Les organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique » soutiennent et participent activement aux mobilisations en cours et invitent l’ensemble du personnel à les rejoindre en se mettant en grève !

      Comme vous le savez la mobilisation contre la réforme des retraites se poursuit et celle contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche commence. Ces deux réformes vont avoir pour conséquences directes la fragilisation et la réduction drastique de nos pensions pour la première et d’institutionnaliser la précarité de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses (la suppression du statut de MCF, disparition progressive des agents administratifs titulaires, etc.) pour la seconde. Ces attaques viennent s’ajouter à une longue série depuis la LRU notamment, à un contexte très dégradé à l’Université Sorbonne (banlieue) Paris Nord par une insuffisance de ses moyens, et par la structuration de nos disciplines (extinction du pluralisme).

      Notre Unité Mixte de Recherche est ainsi particulièrement touchée. La bonne volonté et la motivation des un.e.s et des autres ne peuvent plus pallier les trop nombreuses défaillances et l’absence de soutien de nos instituions. Il nous est impossible de continuer physiquement et psychologiquement comme si de rien n’était. Les précaires et les titulaires précarisé.e.s de l’ESR en ont assez ! Nous ne pouvons plus, nous ne voulons plus !

      Dans ces conditions nous décidons les diverses modalités suivantes : de soutenir financièrement et physiquement la grève en cours (caisses de grève) et de nous mettre en grève totalement ou partiellement.

      Cela se traduit dans le cas présent par la suspension, à l’image de l’initiative d’Open edition, des activités du site du CEPN et de certains des séminaires du CEPN qui nous le rappelons sont assurés de manière bénévole et essentiellement par des précaires alors même que les activités de communications n’ont jamais été aussi sollicitées ou centrales (circulation des savoirs, évaluations, carrières individuelles, changement de nom, etc.).

      Conformément à la motion de l’Assemblée Générale du 14 décembre à Bagnolet de la coordination nationale des facs et labos en lutte, nous appelons l’ensemble de nos collègues notamment titulaires à se mobiliser (puisque leur statut le leur permet amplement, appel) contre ces casses du système de retraite et de l’ESR et pour construire des lendemains qui chantent !

      Restons mobilisés.e.s jusqu’au retrait !

      https://cepn.univ-paris13.fr

    • Une action discrète enfin pour les parents d’élèves que sont certain.e.s. Écrire au premier ministre (par mail : https://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre et/ou par courrier au Cabinet du premier ministre, 57 rue de Varenne, 75700 Paris) une lettre d’honnêtes gens et de belles familles de France.

      Modèle de lettre :

      Objet : pour le retour à la tranquillité dans les écoles

      Monsieur le Premier Ministre,

      À l’évidence, le projet de loi sur les retraites ne rencontre pas le consensus espéré par le gouvernement. Le mouvement de grève dans les écoles complique grandement la vie quotidienne des parents, des enfants et de la communauté éducative, jusqu’à rendre la situation très préoccupante pour nombre de familles sans moyens de garde. C’est pour cela que nous, parents de l’école maternelle (ou primaire, ou autre) XX à YY, en appelons au représentant de l’intérêt général que vous vous devez d’être.

      Afin de restaurer la concorde et la tranquillité, il est désormais temps de retirer le projet de loi sur les retraites.

      Dans l’espoir que nous pourrons être entendus, nous vous assurons, Monsieur le Premier Ministre, de nos sentiments respectueux.

      #lettre

    • #Résistance_féministe à la réforme des retraites

      Le vendredi 10 janvier 2020, à l’appel des étudiant-es, nous nous sommes réuni-es en Assemblée Générale équipe pédagogique et étudiant-es M1 et M2 du Master Genre Egalité et Politiques Sociales, de l’Université de Toulouse II Jean-Jaurès Mirail.
      Dans le contexte d’attaque renouvelée du modèle social, nous avons choisi de renforcer la mobilisation commune contre la réforme des retraites. Nous actons cette urgence.
      Nous ne pouvons continuer d’étudier ou enseigner quotidiennement les systèmes d’oppressions et les effets désastreux des réformes néo libérales, tout en laissant faire le cours normal des choses.
      Nous sommes inspiré-es par l’initiative du Master Nouvelles Économies Sociales.
      Comme beaucoup, nous n’en pouvons plus de constater que les « #minorités », qui sont la majorité des êtres humains ! vivent et finissent leur vie dans la #pauvreté. Nous étudions et analysons au quotidien les mécanismes de ce système qui permet et renforce des #injustices croisées… Au profit et au service de qui, de quoi ?
      Nous avons décidé de prendre part à la mobilisation, de diverses manières : exercer notre droit de grève, diffuser des analyses féministes des impacts de la réforme, produire du matériel militant, organiser des AG, participer aux manifestations unitaires, rédiger une tribune…
      Nous appelons les travailleur-euses, les enseignant-es - chercheur-euses, les étudiant-es, notamment en études genre, en sciences humaines et sociales, en travail social... à renforcer les mobilisations et à médiatiser leur engagement en faveur d’une lutte sociale commune.
      L’équipe étudiante, enseignante et administrative du Master GEPS
      Vous pouvez nous retrouver, en salle GS116 du bâtiment Olympe de Gouges, pour réfléchir, nous organiser et lutter ensemble ! Pour nous contacter : mgeps2020@protonmail.com

      https://www.facebook.com/gepsenlutte
      #féminisme

    • Je suis invitée mardi par le master NES, justement. J’ai pris mes billets mais sans certitude sur la tenue de mon intervention. Je dirais : on la fait quand même, ouvrez les portes pour en faire une #université_populaire ! (Enfin, comme on fait les universités populaires aujourd’hui.)

      Paris 7 Diderot fait ça et merci, le programme n’est pas toujours en ligne que sur
      https://www.facebook.com/univpopdiderot
      https://paris.demosphere.net/rv/76573

    • #Motion de l’Assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet
      –-> en lien avec la nouvelle #LPPR (#loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche)

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet a rassemblé des étudiant·es, des enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels ingénieur·es, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (BIATSS), venu·es de plusieurs établissements.

      L’assemblée générale constate que la réforme des retraites n’est qu’un aspect des politiques néolibérales mises en place par les gouvernements successifs depuis une trentaine d’années. La #violence de ces politiques qui empêchent de travailler sereinement, de se nourrir correctement, de se loger dignement ; la violence de ces politiques qui tuent, appelle une mobilisation plus déterminée. Il est urgent de prendre conscience de la situation actuelle et de sortir de nos routines. La réforme des retraites ne peut être isolée des autres réformes passées ou en cours, celle de l’assurance chômage, celles qui touchent l’éducation nationale et l’enseignement supérieur (loi ORE et #Parcoursup, #Réforme_Blanquer, augmentation des #frais_d’inscription à l’université, notamment pour les étudiant·es étranger·es extra-européen·nes, réforme du recrutement et de la formation des enseignants du second degré, #LPPR…).

      Ces différentes réformes contribuent à la #précarisation croissante de tou·tes, y compris dans l’#ESR : étudiant·es français·es et étrangèr·es surtout, enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels BIATSS.

      La préparation de la Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche, loin d’apporter des éléments pour lutter efficacement contre la précarité et la #surcharge_de_travail des personnels des facs et des labos, annonce une destruction des dernières garanties sur les #conditions_de_travail, en particulier des enseignant·es-chercheur·ses : modulation de service obligatoire, non paiement des heures complémentaires (fin des 192h de service), CDI-chantier, titularisations encore plus rares et tardives (#tenure_track). La LPPR c’est aussi l’aggravation de l’#Université_à_deux_vitesses, pénalisant la plupart des étudiant·es et des personnels : quelques universités d’#excellence très bien financées, avec des statuts dérogatoires et des primes, et des étudiants d’origine favorisée d’un côté ; un système universitaire délaissé, limité au niveau licence pour l’essentiel, avec des personnels toujours plus précaires, sans moyens pour mener de la recherche, pour la majorité des étudiants et étudiantes d’origine sociale populaire ou intermédiaire.

      Notre lutte s’inscrit dans la défense du principe de solidarité et des services publics. Elle vise à défendre l’université comme lieu ouvert à tout·es. Pour une université critique des politiques néolibérales en son sein et dans l’ensemble de la société. Pour une recherche et un enseignement libres et indépendants des intérêts du marché. Créons des lieux et des outils pour produire des savoirs qui nous émancipent ! L’Assemblée Générale appelle à amplifier les luttes localement et au niveau national, pour étendre la mobilisation au sein de l’ESR et pour faire converger tou·tes celles et ceux qui luttent.

      REVENDICATIONS

      Pour un service public de l’enseignement et de la recherche de qualité, l’assemblée générale du 2 décembre proposait les revendications suivantes :

      – Pour une université gratuite et accessible à toutes et tous et une recherche scientifique publique au service de toutes et tous.

      – Pour la titularisation de tout·es les précaires qui remplissent des fonctions pérennes au sein de l’ESR, quel que soit leur statut (doctorant·es, postdoctorant·es, contractuel·les, vacataires…) et pour un plan de recrutement massif de titulaires à la hauteur de l’augmentation du nombre d’étudiant·es et des besoins publics de recherche, en accord avec la plateforme de 2016 des précaires de l’ESR, à laquelle le mouvement souscrit.

      – Pour la contractualisation des vacations, la mensualisation des paiements, le respect de la législation en vigueur et pour une véritable revalorisation des rémunérations.

      – Pour la création massive de postes pérennes à la hauteur de la mission de service public que nous assurons. Contre la casse du statut de fonctionnaire (refus des CDI-chantier, des tenure track qui ouvrent la voie à la remise en cause des statuts de MCF et de CR) ; contre la dérégulation des carrières ; pour la revalorisation du point d’indice ; contre la modulation des services des enseignant·es-chercheur·ses, pour la réduction du temps de travail de l’ensemble des personnels de l’ESR.

      – Pour la suppression de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et des autres outils de management néolibéral de l’université et de la recherche.

      – Contre l’imposition du modèle de l’entreprise privée à l’ESR (et la concurrence généralisée et déloyale qui creuse les inégalités existantes et la précarisation de tous les personnels).

      – Pour la mise en place de moyens effectifs de lutte contre toutes les discriminations.

      – Pour la création de postes pour les candidat·es injustement déclassé·es aux concours CNRS des années précédentes, dont la situation illustre l’étendue de la précarité dans les métiers de la recherche, les tentatives d’imposer un pouvoir gestionnaire discrétionnaire au détriment de l’évaluation par les pairs et l’importance des discriminations subies tout au long des carrières dans l’ESR.

      – Pour une véritable démocratie universitaire, contre l’augmentation du pouvoir gestionnaire des directions des universités et des établissements de recherche (refus du contournement des instances nationales d’évaluation par les pairs – CNU, Comité national du CNRS).

      – Pour des mesures efficaces de lutte contre la précarité étudiante (revalorisation des bourses à court terme, création d’un salaire étudiant à moyen terme, création de logements étudiants salubres et à faible loyer, amélioration de l’accès à la médecine universitaire).

      – Pour la réintégration des services sous-traités au sein de l’ESR (entretien, sécurité, restauration, accueil, services sociaux et de santé).

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte du 14 décembre a voté ces revendications, et ajouté les suivantes :

      – Pour la réouverture des sites universitaires fermés autoritairement depuis le 5 décembre.

      – Pour la suppression du statut d’agent temporaire vacataire.

      – Pour la suppression de la Conférence des présidents d’université (CPU).

      – Contre l’augmentation du temps de travail des BIATSS et ITA.

      – Pour la démission d’Antoine Petit, PDG du CNRS, et de Frédérique Vidal, ministre de l’ESR.

      ACTIONS

      Depuis le début du mois de décembre, des luttes sont en cours partout en France. L’AG appelle à poursuivre les luttes localement et au niveau national, pour amplifier la mobilisation au sein de l’ESR et pour renforcer la solidarité avec tou·tes celles et ceux qui luttent.

      Lors de l’AG, ont été adoptées au consensus les actions suivantes :

      – Rendez-vous universités/recherche à quelques centaines de mètres de la manifestation mardi 17/12, pour se coordonner ensuite avec les collègues de l’Éducation nationale : à Paris, rendez-vous au jardin May Picqueray à 12h30 (94 bd Richard Lenoir, Paris 11e) avant de rejoindre ensuite le cortège commun IdF de la maternelle à la fac.

      – Se joindre aux mobilisations interprofessionnelles et à tous les secteurs en lutte.

      – Occuper des lieux dans les universités pour les ouvrir à toutes les luttes en cours.

      – Demander des comptes aux président·es d’université et mettre en cause la responsabilité de la Conférence des président·es d’université.

      – Reporter ou annuler les évènements scientifiques pendant la durée de la grève.

      – Rejoindre la grève suivant diverses modalités en cette période d’examen (validation universelle/grève des examens/grève des corrections/rétention des notes) qui devront être coordonnées.

      – Suspendre immédiatement le recrutement de vacataires en urgence pour le prochain semestre.

      A été adopté à l’unanimité des présent·es le calendrier suivant :

      – Se joindre à la mobilisation du 11 janvier 2020 « Blanquer Vidal, il faut les sortir ».

      – Organiser un événement propre à l’ESR à la mi-janvier 2020.

      – Organiser des États généraux de l’ESR les 1 et 2 février 2020.

      – Construire un ultimatum pour la mi-février : à cette date, on arrête tout si on n’obtient pas satisfaction.

      Établissements représentés : université d’Angers, université de Bordeaux, université de Bourgogne, Campus Condorcet, Cnam, UPEC, EHESS, ENS Ulm, ENS Jourdan, INSPE Paris, Lille, UPEM, Muséum d’histoire naturelle, université Paris Nanterre, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 3, université Paris-Descartes, université Paris Diderot, université Paris 8, université Paris 13, université Paris-Saclay, université Paris Sud, université de Poitiers, centre CNRS Pouchet, université de Rennes 2, Sorbonne Université, université de Tours, avec la participation de collègues enseignant·es également en BTS.

      Participation de syndicalistes de la FERC CGT, du SNCS-FSU, du SNESUP, du SNTRS, de Sud Éducation, de Sud Recherche EPST et de membres de Sauvons l’Université et Université Ouverte.

      #université #enseignement_supérieur #réforme #recherche #France #résistance #néolibéralisme #service_public #inégalités #concurrence

      Reçu via email le 16.12.2019

      Disponible ici aussi :
      https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-

    • #OpenEdition et l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) en lutte : continuons à « faire tache d’huile » !

      La parole est à la section SUD ESR à Open Édition. Elle revient sur l’action de blocage des sites internet que le laboratoire public « Open Édition » héberge… et qui voient passer 6 millions de visiteurs chaque mois. Excusez du peu !

      OpenEdition (unité de service et de recherche 2004) développe, depuis 1999, des plateformes d’édition et de communication numériques de la recherche en sciences humaines et sociales. Le 17 décembre 2019, dans le cadre du préavis de grève interprofessionnelle demandant le retrait du projet de réforme des retraites, une assemblée générale du personnel a voté, à une très large majorité, le blocage des sites hébergés sur les quatre plateformes OpenEdition Books, OpenEdition Journals, Hypothèses et Calenda, ainsi que de tous ses services. Ce blocage était accompagné d’une redirection automatique vers un texte, traduit en six langues, de soutien aux travailleuses et travailleurs des secteurs privé et public en lutte.

      La conclusion du communiqué était la suivante :

      “Aujourd’hui, 54 assistant·e·s-ingénieur·e·s et ingénieur·e·s travaillent quotidiennement à la mise en ligne et à la diffusion de plus de 530 revues, 9 000 livres, près de 3 200 carnets de recherche, à l’annonce de 43 525 évènements et à la formation de 250 personnes à nos outils chaque année. Ces missions de diffusion et de mise à disposition de la connaissance auprès de toutes et tous viennent en appui au monde de la recherche et sont assurées pour moitié par des personnes contractuelles.

      Ancrées dans une réalité sociale, les plateformes numériques reposent essentiellement sur un travail quotidien d’hommes et de femmes. C’est en ce sens que nous nous inquiétons légitimement du maintien et du développement de nos structures dans de bonnes conditions, tout autant pour ceux qui y travaillent que pour ceux qui les consultent dont étudiants, chercheurs, demandeurs d’emploi, retraités…”

      Voir : Les personnels d’OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites
      sur academia.hypotheses.org

      Suite à cette action de blocage, une partie du personnel d’OpenEdition souhaite rester mobilisée. De nouvelles actions sont à penser avec nos collègues de l’enseignement supérieur et de la recherche mais aussi avec ceux du secteur du numérique et de l’édition. C’est dans cette perspective qu’un blog a été a été ouvert sur Mediapart motivé « par le besoin d’échanger et de partager des expériences et des idées nouvelles avec celles et ceux qui pensent le monde du numérique dans toute sa matérialité et ses rapports aux réalités écologiques, économiques et sociales. C’est en ce sens que nous essayons aujourd’hui d’inventer de nouvelles formes de contestations qui puissent être visibles et justes. Ce blog est aussi un espace pour nous poser la question de comment continuer à nous opposer à cette réforme des retraites en tant que travailleurs du web ».

      Voir : Pourquoi ouvrir un blog sur Mediapart ?
      par les invisibles de l’USR

      Dans un billet plus complet, on peut y lire les raisons du blocage :

      “Les six millions de visiteurs uniques par mois, la dimension internationale et la portée symbolique (auprès du monde de la recherche et au-delà) des plateformes d’OpenEdition, associés à notre invisibilité, nous ont convaincus d’utiliser cet outil numérique (celui que nous développons et maintenons au quotidien) comme une caisse de résonance et un levier pour donner de la visibilité à notre engagement”.

      Voir : Une nouvelle place de grève ? Retour sur un blocage numérique

      Depuis le début de l’année, d’autres initiatives ont été prises ailleurs dans l’ESR, comme la motion de l’AG du 7 janvier de l’UFR 11 de science politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, actant leur entrée dans une grève générale et reconductible jusqu’au retrait de la réforme. Ou encore celle de l’unité mixte de recherche (UMR) CERAPS à Lille. De plus, fait rarissime, une douzaine de revues académiques de sciences sociales, dont certaines diffusées sur OpenEdition ont annoncé se mettre en grève générale. Une partie d’entre elles se sont aussi solidarisées avec le blocage des plateformes d’OpenEdition.

      Voir : Faire tache d’huile et œuvre utile chez les chercheurs : dix revues en grève illimitée
      sur le site de France Culture

      Le 13 janvier, le site du Centre d’Economie de l’Université Parsi 13 (CEPN) a également été rendu inaccessible et affiche un texte se référant à l’action d’OpenEdition du 17 décembre, pour le retrait de la réforme des retraites et contre le projet de loi pluriannuelle de la recherche, voir copie d’écran :

      En tant que syndicalistes, mais aussi employé·e·s d’OpenEdition, nous nous associons pleinement à toutes les initiatives prises par nos collègues. Nous sommes persuadé·e·s que c’est en alliant actions visibles (numériques et physiques), convergence entre enseignant·e·s-chercheurs·euses, « fonctions supports » (personnels BIATSS, ITA), étudiant·e·s, et en généralisant la grève pour tendre vers la grève reconductible partout que nous parviendrons à faire plier le gouvernement ! Convergeons aussi avec les autres secteurs mobilisés de l’Éducation Nationale, de la SNCF, des transports et des raffineries pour créer les conditions d’un réel « tous et toutes ensemble » ! Contre cette réforme inique et pour l’amélioration – par le haut – de notre système de retraite par répartition ainsi que des conditions de travail de toutes et tous, secteur public comme secteur privé !

      Texte de SUD Recherche EPST OpenEdition

      https://www.solidaires13.org/openedition-et-lenseignement-superieur-et-la-recherche-esr-en-lutte-co

    • Aux côtés de laboratoires, départements, UFR chaque jour plus nombreux, 45 #revues scientifiques, principalement en sciences humaines et sociales, rejoignent la mobilisation contre la réforme des retraites et la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR). Le vendredi 17 janvier 2020, 127 membres de comités de rédaction se sont réuni.e.s pour organiser la poursuite du mouvement et l’interruption du cours normal de la production scientifique. Plus d’une dizaine de revues sont déjà en grève. Deux motions ont été votées en soutien à tous les travailleur.se.s qui participent à la fabrication des revues et à la diffusion des articles en ligne. Plusieurs actions auront lieu la semaine prochaine, dont la publication d’une tribune commune et une présence collective visible dans le cortège « Enseignement Supérieur et Recherche » (ESR) du 24 janvier. Elles seront prolongées par d’autres types d’intervention par lesquelles les revues entendent se mettre au service du mouvement social et défendre un véritable service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Reçu via email le 20.01.2020

      Page internet sur le site de Université ouverte - Facs et labos en luttes : https://universiteouverte.org/2020/01/19/revues-en-lutte

    • Facs et labos en lutte : un #concert exceptionnel

      Pas de séminaire “Fight the power” dans le contexte actuel de grève, mais toujours du hip-hop ! Alors que la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est de plus en plus large, le comité de mobilisation des facs et labos en lutte, l’Université Ouverte et l’Université populaire de Paris Diderot ont organisé un concert exceptionnel vendredi dernier.

      Réuni.es pour mener la lutte en musique, une chorale militante, un Piki Blind Test de Tomas & Pierre, le rappeur Edouard Kissifrott, La Fanfare Invisible… et un plateau exceptionnel de rappeuses : Fanny Polly, Ekloz, Nayra, Loréa et Billie Brelok. Découvertes pour certain.es, artistes confirmées et appréciées pour d’autres, une présentation rapide n’est pas superflue.

      https://surunsonrap.hypotheses.org/4435
      #musique

    • En soutien aux personnels d’#OpenEdition : notre lutte doit être aussi numérique

      Le 16 décembre 2019, les employés·es d’OpenEdition réuni·es en assemblée générale ont voté le blocage pour 24h des plateformes qu’elles et ils maintiennent et animent dans le cadre de la journée interprofessionnelle du 17 décembre 2019 contre la réforme des retraites.

      Nous, travailleur·es de l’enseignement supérieurs et de la recherche, avons découvert cette initiative avec enthousiasme.

      Dans le contexte d’une réforme des retraites qui accroît les inégalités et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui poursuit le travail de démantèlement des statuts de la recherche publique, mais aussi d’un mouvement plus vaste et plus ancien de précarisation constante des conditions de travail dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) dont Parcoursup et la mise en place de frais d’inscription à l’université publique, la question des modalités de résistances et de lutte des travailleurs de l’ESR se pose avec une acuité croissante.

      L’initiative des personnels d’OpenEdition et leurs prises de position répondent en partie à ces interrogations, tout en représentant une participation de poids à la mobilisation en cours. Il ne s’agit de rien de moins que de la réappropriation d’un outil de travail par les agents qui en sont le plus souvent invisibilisés, derrière une novlangue numérique qui veut nous faire croire à une production immatérielle, hors sol et sans travailleur·es.

      L’économie numérique des savoirs est un lieu privilégié d’appropriation et d’exploitation par le système capitaliste de notre travail de production et de diffusion de connaissances. Les conflits récurrents avec les multinationales marchandes de l’édition scientifique qui s’accaparent des savoirs publics nous le rappellent. Il est donc nécessaire que cette économie numérique devienne aussi un terrain de lutte sociale, tout comme le sont les universités, les transports, etc.

      Nous avons également découvert que l’action légitime des employé·es d’OpenEdition s’est attirée les foudres des tutelles de leur laboratoire, qui sont bien souvent aussi nos propres tutelles. Suite au blocage de 24h des plateformes d’OpenEdition, ces tutelles ont convoqué l’ensemble des responsables de services du laboratoire pour un « recadrage administratif ». De surcroît, les travailleur·es d’OpenEdition se sont vu·es interdire l’usage d’un moyen de communication qu’elles et ils font exister au quotidien (http://leo.hypotheses.org) pour informer les usagers de leur action (finalement rendue publique sur Academia) ! Nous y voyons une entrave à la liberté d’expression salariale et syndicale.

      En tant qu’usagers d’OpenEdition (OpenEdition Journals, Calenda, Hypothèses, Books…), mais aussi en tant que contributrices et contributeurs directs ou indirects à ces outils de travail qui sont aussi les nôtres, en tant que membres des rédactions des revues, gestionnaires de listes d’information, carnetier·es, autrices et auteurs de livres et d’articles scientifiques, organisatrices, organisateurs et participant·es à des événements scientifiques, membres de comités scientifiques…, nous soutenons l’action des travailleuses et travailleurs d’OpenEdition et nous tenons à leurs côtés dans la lutte.

      https://academia.hypotheses.org/8135

    • Lettre des revues aux membres de la section 23 du CNU (2019-2023)

      Le Conseil National des Universités, dans sa section 23, instance collégiale de pairs et, pour une large part, élue par des pairs, s’est renouvelé pour la mandature 2019-2023 à l’occasion d’une élection dont le scrutin s’est tenu entre le 26 août et le 14 octobre 2019. Il se prononce notamment sur des mesures relatives à la qualification et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences avec, de ce fait, un rôle central dans la définition de la valeur académique des travaux et des parcours des enseignants-chercheurs en géographie. Dans le cadre de la campagne pour ces élections, et pour participer à un débat constructif sur le fonctionnement de cette instance importante, des revues de géographie, ou de sciences sociales largement ouvertes aux géographes, souhaitent porter un certain nombre de points à l’attention des membres de la section 23 ainsi que de l’ensemble des collègues.

      Pour accéder à la qualification aux fonctions de maître de conférences, de professeur et bénéficier d’avancements de grade, le fait d’avoir publié dans des revues dites « classées » est devenu un critère central voire décisif. La liste des revues dites « qualifiantes » n’est pour le moment pas totalement stable. Elle dépend largement d’un classement effectué en 2013 par l’AERES (ancêtre de l’HCERES), dont on peut rappeler qu’elle n’est pas une instance collégiale élue par des pairs. Un certain nombre de revues avaient d’ailleurs fait le choix de refuser d’y être classées. C’est pourtant cette liste qui continue à faire foi, alors qu’elle ne rend que partiellement compte de la réalité de la recherche en géographie et qu’elle ne garantit pas la qualité du travail éditorial effectué dans les revues référencées. D’autres listes, comme celles de l’Institute for Scientific Information (ISI) et de Scopus, sont également utilisées : leurs classements n’étant pas équivalents (ils sont souvent confus, incomplets, voire contradictoires), elles brouillent encore davantage le processus d’évaluation.

      Par conséquent, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte demandent que les revues, fonctionnant par évaluation des pairs en double aveugle et possédant un comité de lecture/rédaction, soient considérées comme « qualifiantes » et plus généralement reconnues comme contribuant au sérieux et à la qualité de la production scientifique dans notre discipline. Ce critère doit primer sur celui d’un référencement dans les listes de l’HCERES ou d’autres instances.

      Par ailleurs, le critère de publications « de niveau clairement international » pour la qualification aux fonctions de professeur des universités porte à confusion. Le critère implicite est la publication dans des revues de langue anglaise. Toutefois, de nombreuses revues anglophones sont de mauvaise qualité, certaines pouvant même être qualifiées de prédatrices. De plus, le français reste une langue énormément parlée à travers le monde : les pays de la francophonie permettent ainsi aux revues de langue française d’avoir un rayonnement international. De même, les publications dans des revues étrangères non-anglophones souffrent d’un manque de reconnaissance car ces revues sont mal connues par la communauté scientifique non spécialiste du pays considéré. Il convient également de prendre en considération les articles publiés dans des revues francophones mais traduits en langue étrangère (anglais ou autre) qui permettent d’élargir leur lectorat.

      Il n’y a ici pas de solution simple mais il semble important qu’une réflexion puisse émerger à ce sujet entre les membres de la nouvelle section 23 du CNU. Dans cette perspective, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte souhaitent un élargissement des critères de définition des publications « de niveau international » (au-delà de la seule publication dans une revue anglophone) dans l’évaluation des dossiers des enseignants-chercheurs.

      Premiers signataires :

      1) Ambiances

      2) Annales de la Recherche Urbaine

      3) Bulletin de l’Association de géographes français (BAGF)

      4) Belgeo

      5) Bulletin de la Société Géographique de Liège (BSGL)

      6) Cahiers Agricultures

      7) Cahiers balkaniques

      8) Cahiers des Amériques Latines

      9) Les Cahiers d’EMAM – Etudes sur le Monde arabe et la Méditerranée

      10) Cahiers d’études africaines

      11) Cahiers de géographie du Québec

      12) Les Cahiers scientifiques du transport

      13) Carnets de géographes

      14) Confins. Revue franco-brésilienne de géographie

      15) Développement durable et Territoires (économie, géographie, politique, droit, sociologie)

      16) EchoGéo

      17) Espaces et sociétés

      18) Espace, Populations, Sociétés

      19) Etudes rurales

      20) Genre, sexualités et sociétés (GSS)

      21) Géographie Économie Société

      22) Géographie et cultures

      23) L’information géographique

      24) Justice spatiale / Spatial Justice (JSSJ)

      25) Karstologia

      26) Métropoles

      27) Mondes du tourisme. Revue pluridisciplinaire de recherche

      28) Norois. Environnement, aménagement, société

      29) Physio-Géo. Géographie Physique et Environnement

      30) Projets de paysage

      31) Revue d’Economie Régionale et Urbaine (RERU)

      32) Revue d’études comparatives Est-Ouest

      33) Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI)

      34) Revue francophone sur la santé et les territoires

      Message reçu par email, le 22.01.2020

    • #Précaires de l’ESR : communiqué de l’AG d’Ile-de-France

      Communiqué de l’Assemblée Générale Ile-de-France des précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du 11 janvier 2020.

      Nous, personnels précaires de divers établissements d’enseignement supérieur de la région parisienne (Paris 1, Paris 3, Paris 7, Paris 8, Paris Nanterre, Paris 13, Université de Marne-la-Vallée, Université d’Evry, EHESS, ENS), réuni⋅es en assemblée générale ce samedi 11 janvier 2020 à Paris, nous déclarons en grève. Nous réaffirmons ainsi notre statut de travailleur⋅euses et rappelons que sans nous et notre travail, trop souvent invisibilisé ou non rémunéré, les facs et les labos ne sont pas en mesure de fonctionner.

      Suite à l’appel solennel des précaires diffusé pour la première fois à l’été 2019 et dans l’urgence de la mobilisation historique en cours pour sauver notre système de retraite, nous nous engageons plus que jamais cette semaine à prendre part à la lutte. Nos collectifs de précaires ESR déjà existants (Mobdoc à Paris 1, CECPN à Nanterre) se joignent aux nouveaux groupes de précaires ESR en cours d’organisation dans les autres universités participantes pour réactiver une AG Île-de-France des précaires de l’ESR.

      Dans ce contexte de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, de casse de toutes les protections sociales (retraites, chômage…), nous refusons de participer plus longtemps aux faux-semblants. Nous refusons de continuer à jouer les petites mains faisant tourner un enseignement supérieur au bord de l’effondrement, les petites mains d’un monde académique s’orientant vers une logique de mise en concurrence généralisée et d’évaluation à tout prix, dont l’absurdité s’illustre dans la tenue actuelle d’examens à marche forcée. Nous refusons l’exploitation dont nous sommes victimes aujourd’hui comme nous refuserons demain d’exploiter quiconque. Nous mettrons tout en oeuvre pour rendre notre mobilisation visible et durable. Ainsi nous signifions à nos collègues, à nos étudiant⋅es et au reste de la société, que l’université publique et la recherche émancipées des intérêts privés ne peuvent exister sans nous.

      Nous appelons les personnels titulaires, et les précaires qui le peuvent, de l’enseignement supérieur et de la recherche à se mettre en grève et à participer activement à la généralisation de celle-ci. Les actions symboliques, très suivies lors des précédents mouvements sociaux à l’université, ont démontré leur inefficacité. Être en grève signifie :

      ne plus donner cours,
      refuser d’organiser les partiels ou de noter des évaluations,
      empêcher la remontée des notes si celles-ci sont déjà mises,
      interrompre l’activité des revues scientifiques,
      annuler les événements scientifiques,
      repousser les deadlines des appels à communication ou à contribution et des candidatures à des post-docs,
      annuler les déplacements professionnels.
      refuser de recruter des vacataires et exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme (contrats doctoraux, ATER) pour les doctorant⋅es et des postes de MCF pour les docteur⋅es
      cesser toute activité de recherche (terrain, expériences, traitement de données, écriture…) afin de pouvoir participer activement à la mobilisation.

      Nous soulignons que les personnels titulaires qui ne cessent pas véritablement toute activité, freinent la grève des enseignant·es-chercheur.euses contractuel·les, des BIATSS et des étudiant·es, qui se trouvent obligé⋅es d’effectuer le travail qui leur est donné par les enseignant⋅es et chercheur⋅euses titulaires.

      Nous appelons tous⋅tes les précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche à rejoindre la lutte, qu’iels soient vacataires, doctorant⋅es, contractuel⋅les ou stagiaires, qu’iels soient affecté⋅es à des missions techniques, d’ingénierie, d’administration, des bibliothèques, des services sociaux et de santé universitaires, d’enseignement, de recherche, et quelle que soit leur discipline, qu’iels relèvent des formations dites professionnalisantes comme de recherche, des sciences dites humaines et sociales comme de celles dites expérimentales, qu’iels soient à l’université, en IUT, en Institut de travail social, etc.
      Il y va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’université publique. Soyons à la hauteur de l’enjeu de cette grève !

      https://universiteouverte.org/2020/01/15/precaires-de-lesr-ag-ile-de-france

    • OpenEdition en lutte en appelle à ses contributrices et contributeurs !

      Ce texte est un appel aux revues, éditeurs, carnetiers, organisateurs d’événements scientifiques, contributrices et contributeurs d’OpenEdition à prendre part à la lutte contre la réforme des retraite et la LPPR par le blocage et l’occupation de leurs sites et contenus ! Ce texte est aussi l’histoire d’une action avortée et des moyens de lutte que nous devons inventer ensemble.

      OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites et la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

      Le 20 janvier 2020, l’assemblée des personnels d’OpenEdition a voté la déclaration de l’unité en lutte aux côtés des travailleurs et travailleuses du secteur privé et public mobilisé·es. (30 votes exprimés dont 29 oui et un non)

      Aujourd’hui, nous, les personnels d’OpenEdition en lutte, appelons les comités de rédaction des revues, les éditeurs et éditrices, les carnetier·es et les organisateurs et organisatrices d’événements scientifiques à demander publiquement à OpenEdition la mise en place de pop-up, de bannières,... sur les pages publiant leurs contenus (site de revues, carnets, événements Calenda, livres).

      De même nous enjoignons tous les membres de l’enseignement supérieur, de l’édition scientifique, des humanités numériques, les laboratoires et les universités en lutte à faire circuler cette demande.

      Vous pouvez faire cette demande via twitter (@OpenEditionActu, @hypothesesorg, @calendaSHS) contact@openedition.org, la liste des carnetiers, calenda@openedition.org et les canaux de contacts que vous utilisez habituellement avec les équipes d’OpenEdition.

      Un pop up pour toutes et tous ! Ou l’histoire une action avortée...

      Pourquoi cet appel ?

      Le 22 janvier les personnels d’OpenEdition ont voté la mise en place d’une fenêtre modale (ou pop up) sur l’ensemble des plateformes à compter du 24 janvier. Cette action aurait été une réponse à l’appel au blocage numérique lancé par des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

      L’objectif était – en occupant nos outils de travail – d’afficher notre soutien au mouvement de lutte contre la réforme des retraites, notre opposition à la loi de programmation annuelle de la recherche telle qu’elle se présente aujourd’hui, et plus largement à la précarisation de l’emploi dans tous les secteurs d’activités.

      Cependant, le 23 janvier 2020, la direction d’OpenEdition lors d’une réunion d’information du personnel organisée par ses soins a considéré que le personnel d’OpenEdition ne devait pas faire d’ingérence sur les espaces éditoriaux des carnetiers, des revues et des éditeurs de livres et ne devait pas s’en servir comme moyen de mobilisation. Selon les membres de cette direction un pop-up ne répond pas à ces critères et ne peut donc pas être mise en œuvre à moins d’être explicitement demandé par les revues et éditeurs eux-mêmes.

      Cette position prise par la direction n’a pas pu être discutée durant cette réunion d’information. En effet, dès la première minute, on nous a expliqué que nous pourrions « participer à un temps d’expression, il ne s’agit pas d’une discussion : nous ne répondrons pas aux questions, ce n’est pas le but de cette réunion » et qu’ils et elles prendrons note de nos remarques et que « celles-ci pourront contribuer à nourrir l’ordre du jour et les discussions qui auront lieu lors de la prochaine réunion du conseil d’unité »

      Une partie des personnels, considérant que ce cadre sans débat n’était pas acceptable a alors quitté la salle.

      Producteurs de contenus et diffuseurs ensemble !

      La position de la direction interroge profondément sur l’espace de liberté qu’il est possible de porter au sein du numérique. Les personnels de la plateforme OpenEdition, en tant qu’hébergeurs et diffuseurs, ne peuvent donc porter aucune manifestation collective sur leur outil de travail. Seuls les producteurs de contenus en auraient le droit. À l’image de ce que nous disions lors de notre précédent billet, que signifie alors faire grève dans le numérique ? À nous, tous ensemble, de l’inventer !

      Nous remercions vivement les signataires de la motion « En soutien aux personnels d’OpenEdition : notre lutte doit aussi être numérique ! » et toutes celles et ceux qui nous ont exprimé leur soutien, peu importe la suite du mouvement, cette solidarité ne sera jamais perdue !

      Elles sont en grève ! Rejoignez-les !

      Voici la liste des 36 revues (sur 533) diffusés sur OpenEdition Journals qui ont mis en place ou sont sur le point de mettre en place leur soutien aux mouvements sociaux et/ou aux actions d’OpenEdition.

      La revue Zilzel hébergée sur Cairn a très courageusement suspendu sa commercialisation : https://www.cairn.info/revue-zilsel-2017-2.htm

      https://journals.openedition.org/ahrf

      https://journals.openedition.org/emam

      https://journals.openedition.org/etudesafricaines

      https://journals.openedition.org/chrhc

      https://journals.openedition.org/com

      https://journals.openedition.org/clo

      http://journals.openedition.org/cal

      http://journals.openedition.org/cdg

      http://journals.openedition.org/champpenal

      http://journals.openedition.org/clio

      https://journals.openedition.org/coma

      http://journals.openedition.org/conflits

      https://journals.openedition.org/genrehistoire

      http://journals.openedition.org/gss

      https://journals.openedition.org/geocarrefour

      https://journals.openedition.org/imagesrevues

      https://journals.openedition.org/itineraires

      https://journals.openedition.org/jda

      http://journals.openedition.org/metropoles

      https://journals.openedition.org/netcom

      http://journals.openedition.org/nrt

      http://journals.openedition.org/nuevomundo

      https://journals.openedition.org/paysage/index.html

      https://journals.openedition.org/rdlc

      http://journals.openedition.org/rh19

      https://journals.openedition.org/revss

      http://journals.openedition.org/remi

      https://journals.openedition.org/samaj

      http://journals.openedition.org/socio-logos

      http://journals.openedition.org/sdt

      https://journals.openedition.org/temporalites

      https://journals.openedition.org/terrain

      http://journals.openedition.org/traces

      https://journals.openedition.org/transposition

      https://journals.openedition.org/trema

      http://journals.openedition.org/volume

      https://blogs.mediapart.fr/les-invisibles-de-lusr-2004/blog/240120/openedition-en-lutte-en-appelle-ses-contributrices-et-contributeurs

    • Mobilisation dans les labos : les raisons de la colère

      La prochaine loi de programmation sur la recherche met les facs et les laboratoires de recherche en ébullition. Financement, emploi, innovation : Mediapart balaye les sujets qui fâchent.

      Au moins, chercheurs et gouvernement sont d’accord sur un constat : la recherche française décroche (désormais au 7e rang mondial pour le nombre de publications scientifiques) ; les rémunérations ne sont pas à la hauteur ; il faut donc augmenter le financement de la recherche publique. La ministre Frédérique Vidal vient d’ailleurs d’annoncer une revalorisation des salaires des jeunes chercheurs. Mais cette promesse ne suffira pas à calmer les personnels mobilisés contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), initialement annoncée pour février, toujours en cours de rédaction.

      Des propositions publiées fin septembre, élaborées par trois groupes de travail nommés par le gouvernement (financement, emploi et innovation), ont depuis mis le secteur en ébullition. Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine…

      Si la ministre s’entretient bien avec les syndicats, ces derniers n’ont pas été invités à participer aux groupes de travail, sinon au travers une consultation en ligne ouverte par le ministère en mai dernier. Au total, 679 contributions ont été déposées, bien moins que les 9 000 réponses aux questionnaires lancés en parallèle par les « sociétés savantes », auxquels ont répondu chercheurs (employés par les organismes de recherche) et enseignants-chercheurs (employés par les universités).

      Dans les trois groupes, ce sont plutôt des personnalités scientifiques qui ont siégé, directeurs d’université ou d’organisme de recherche, voire des députés. « La communauté de l’ESR [enseignement supérieur et recherche] n’y est pas représentée, ce ne sont que des gens extrêmement haut placés », regrette Julien Gossa, maître de conférences en informatique à l’université de Strasbourg et auteur du blog sur EducPros Docs en stock.

      Lui déplore que les recommandations des sociétés savantes – dont les sociétés françaises des différentes disciplines – n’aient pas été reprises, telle la nécessité de « redonner du temps », notamment en allégeant le service d’enseignement et en limitant « le gaspillage des ressources et le temps de recherche à écrire des projets ». Côté financement, les sociétés savantes recommandent l’augmentation des dotations de base des laboratoires et aussi du taux de projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’établissement dédié.

      De leur côté, les rapporteurs du groupe de travail sur le financement préconisent, entre autres, de « donner aux organismes et aux universités les moyens de développer une politique scientifique de niveau mondial » avec une subvention abondée « sur la base de leur performance », afin de « de répartir davantage de crédits compétitifs ».

      On retrouve aussi la notion de compétition dans les mots d’Antoine Petit, PDG du CNRS. Dans une tribune publiée fin novembre dans Les Échos, il a souhaité « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne ». Il n’en fallait pas moins pour qu’un collectif de 16 chercheurs lui réponde dans Le Monde que « le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité ». Parmi eux, Pierre-Henri Gouyon, enseignant-chercheur en génétique, rattaché au Muséum national d’histoire naturelle.

      Ce spécialiste de l’évolution rappelle que « Darwin lui-même était opposé absolument à l’idée de la compétition entre les humains ». Le généticien d’ajouter que « la théorie darwinienne de l’évolution montre à quel point les phénomènes de coopération ont été importants dans l’évolution ».

      Plus récemment, un autre collectif de plus de 500 chercheurs a signé une autre tribune – elles se sont multipliées depuis les propos d’Antoine Petit – contre cette vision compétitive, défendant une recherche publique attachée au collectif.

      Pour doper la compétition, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats, passant par des changements en matière d’évaluation. Cette dernière est déjà très présente dans la recherche et menée en partie par les pairs, dans des instances telles que le Conseil national des universités ou les comités éditoriaux des revues.

      Le groupe de travail « financement » propose en effet de lier l’attribution des moyens aux résultats en fonction de critères définis par l’université et/ou l’organisme de recherche. Cette feuille de route inquiète, notamment en ce qui concerne le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), autorité administrative indépendante créée en 2013 et chargée d’évaluer structures et formations.

      Alors que ses missions devraient être renforcées par la loi de programmation, il n’y a plus personne à la tête du HCERES depuis plus d’un mois. Parce que le nom de Thierry Coulhon circule (c’est l’actuel conseiller ESR d’Emmanuel Macron), plus de 5 000 personnes ont déposé une candidature collective pour protester et « défendre l’autonomie de la recherche et des formations », candidature encadrée par le collectif RogueESR.

      Plutôt composé de chercheurs, celui-ci a déjà été très actif en 2018 face à l’annonce de l’ouverture de seulement 250 postes au concours CNRS en 2019, contre 300 en 2017 et 400 en 2010.

      Pour RogueESR, qui vient de se réactiver, le pilotage de la recherche fait aussi des remous. Contacté par Mediapart, Julien*, physicien au CNRS basé à Toulouse, précise – au nom du collectif –, qu’il n’y a rien de nouveau et que le système est menacé depuis une quinzaine d’années. Le physicien rapproche cette situation de celle de l’hôpital, avec « des gens déconnectés des réalités du terrain qui vont arbitrer en observant un certain nombre de critères », dont la bibliométrie, soit la mesure quantitative et qualitative de la production scientifique.

      Le collectif RogueESR s’oppose aussi au développement du financement par projet. « Ce mode de fonctionnement, avec une mise en compétition des chercheurs, contribue à une forme de perte de liberté et de prise de pouvoir de ces structures de management que sont le HCERES et l’ANR. C’est assez dramatique », juge-t-il.

      Contre le financement par projet et pour l’égalité du financement des unités de recherche, les représentants des syndicats Sud Recherche EPST et Sud Éducation ont évoqué ce point avec Frédérique Vidal, qui les a reçus le 15 janvier. Contacté, le ministère n’a pas donné suite à notre sollicitation.

      Christine Buisson, directrice de recherche au site lyonnais de l’université Gustave-Eiffel, n’est pas satisfaite des réponses de la ministre sur leur revendication de financements récurrents. Tout comme Stéphan Bernard, ingénieur d’études à l’Inrae à Clermont-Ferrand, pour qui « dire que ce sera plus facile de décrocher un projet ANR n’est pas un argument recevable ».

      Les deux syndicalistes ont aussi abordé la question de la précarité et des rémunérations. Frédérique Vidal vient d’annoncer le déblocage de 118 millions d’euros pour la revalorisation des carrières, dont 26 millions pour les jeunes chercheurs. « Tout chargé de recherche et tout maître de conférences sera recruté à au moins 2 Smic, contre 1,3 à 1,4 Smic aujourd’hui », a-t-elle déclaré lors de ces vœux le 21 janvier, perturbés par les opposants à la LPPR. La revalorisation figure dans le projet de réforme des retraites et doit être réalisée dans le cadre de la loi de programmation.

      S’agissant de l’emploi scientifique, les personnels de recherche se mobilisent aussi contre la précarisation des métiers, avec le développement du « contrat à durée indéterminée de mission scientifique », autrement dit, le “CDI de chantier”, déjà permis par la réforme de la fonction publique de 2019. La nouveauté réside dans les tenure tracks, ou chaires d’excellence junior, soit un dispositif de recrutement en CDD de 5 à 7 ans par les universités, sans passer par la case concours, qui pourrait déboucher sur un poste de professeur.
      « Licornes » françaises trop rares

      Interrogé par Mediapart, Philippe Berta, député MoDem, un des rapporteurs du groupe de travail sur l’emploi, précise que l’idée est de détecter le plus tôt possible les jeunes chercheurs, peu de temps après leur thèse, et de leur proposer un contrat. « C’est une façon de garder les jeunes chercheurs, plutôt que de les voir aller grossir les laboratoires à l’étranger, précise l’élu de la majorité, lui-même enseignant-chercheur en génétique. On sait que dans nos métiers, c’est à ce moment-là que les jeunes sont les plus productifs. »

      Le collectif RogueESR s’inquiète, lui, de cette « mise en œuvre de carrières dépareillées ». Julien*, le physicien précité, voit plutôt la création des tenure tracks comme des chemins parallèles, « dans lesquels on embaucherait des gens qui seraient mieux payés, qui feraient moins d’enseignement ».

      Tout comme Eli Haddad, chercheur à l’Ehess, membre de l’association Sauvons l’université, fondée en 2008, qui craint que ce nouveau statut n’entraîne la disparition du corps des maîtres de conférences. À ses yeux, tous ces changements vont à l’encontre du statut des enseignants-chercheurs français, « fonctionnaires d’État avec la liberté de poursuivre la recherche à l’abri des pressions des pouvoirs ».

      Si la fusion des corps des maîtres de conférences et des professeurs est évoquée dans les rapports, Frédérique Vidal a précisé qu’il n’en était pas question. Autre changement pour les jeunes enseignants-chercheurs, l’allègement du service d’enseignement, aujourd’hui fixé à 192 heures par an, pour « améliorer l’entrée dans la carrière ». Elie Haddad, de Sauvons l’université, redoute que ce cadre ne saute et que la répartition des heures d’enseignement ne passe entre les mains des services RH et des présidents d’université.

      Marie, maîtresse de conférences en sociologie dans une université de l’ouest de la France, estime que ces propositions représentent une dérégulation du temps de travail. « Il va falloir avoir de bonnes publications et de bons contrats pour avoir le droit de faire de la recherche », désespère cette membre active de la coordination nationale des Facs et labos en lutte, qui regroupe des personnels d’une cinquantaine d’établissements et se veut représentative de l’ensemble des métiers et statuts de la recherche.

      Marie est très active dans l’organisation des manifestations. « J’ai un poste d’enseignant-chercheur mais on me demande de faire plus d’administratif au détriment de la recherche, dit-elle. On ne sait pas comment on va continuer, nos conditions de travail sont en jeu. » Cette enseignante-chercheuse qui a des responsabilités au sein d’une licence n’oublie pas de mentionner les précaires de l’enseignement à l’université, ces vacataires « payés deux fois par an, qui sont de plus en plus des docteurs sans postes ».

      L’insertion professionnelle des docteurs est aussi évoquée dans le dernier rapport, dédié à la recherche partenariale et à l’innovation. Les auteurs veulent améliorer les débouchés pour les docteurs dans le privé. C’est tout l’objet de PhDTalent, entreprise qui propose des profils aux entreprises et aux institutions. Pour Florian Andrianiazy, son directeur général, « c’est une bonne nouvelle que le gouvernement s’intéresse à la recherche », sans se prononcer davantage en l’absence de texte de loi.

      Une chose est sûre : il perçoit d’un bon œil la valorisation du doctorat auprès des entreprises. « Il y a de moins en moins de postes dans les EPST [établissement public à caractère scientifique et technologique – ndlr] et les universités, alors que 15 000 docteurs sont diplômés chaque année », rappelle Florian Andrianiazy.

      Les rapporteurs illustrent le décrochage rapide de la France en citant le top 100 du classement Forbes Global 2000 (trois entreprises françaises en 2018, contre dix en 2006) et aussi les six licornes françaises – startups dont la valorisation est supérieure au milliard, telles Blablacar ou Doctolib – parmi les 375 dans le monde.
      Leur solution ? « Créer des leaders mondiaux d’origine française fondés sur des découvertes issues de la recherche publique » en renforçant notamment la mobilité entre les secteurs public et privé. « On sent bien une vocation à adosser la recherche scientifique à une certaine forme d’objectif, de rentabilité, en termes de transfert vers le monde économique, estime Julien, de RogueESR. C’est de plus en plus prégnant. »

      Pour lui, les allers-retours entre le public et le privé ne sont pas forcément une mauvaise chose, mais il ne faut pas que le monde privé dicte au public quels sont les objectifs de recherche. Le physicien insiste : « C’est absolument fondamental que cette autonomie persiste et qu’on puisse ainsi vraiment explorer le monde, qu’il soit historique, social, scientifique, dans sa totalité. En tout cas, qu’il n’y ait pas de frontières à s’attaquer à des problèmes profonds […], sans savoir où l’on va, ce que ça va nous rapporter, ou si on va pouvoir publier. »

      Tous les collectifs interrogés attendent le texte avec impatience. Ils pointent du doigt le calendrier flou de cette loi promise au départ pour février et s’inquiètent du passage par ordonnances. Tous déplorent également que les rapporteurs n’analysent pas la situation au regard des réformes structurelles de la recherche de ces 15 dernières années.

      Pour Bruno Andreotti, enseignant-chercheur en physique à l’université de Paris, « tout ce qui arrive est dans le rapport Éducation et croissance d’Aghion et Cohen » remis en 2004. On y retrouve l’idée qu’il faut se rapprocher du système américain, qui concentre les moyens sur quelques établissements, et procéder à une politique d’excellence. Pour cet enseignant-chercheur membre du groupe Jean-Pierre Vernant, qui réunit « 59 universitaires proches de la gauche de gouvernement », la dérégulation des statuts et le recrutement sous tutelle bureaucratique sont en train d’assécher la biodiversité de la recherche.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/mobilisation-dans-les-labos-les-raisons-de-la-colere?onglet=full

    • Petits cœurs, flash mob, candidatures multiples, grève des revues... la recherche trouve de nouveaux modes d’action

      En lutte à la fois contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle, le monde de la recherche s’efforce de se faire entendre.

      Le chercheur Samuel Hayat a ajouté des petits cœurs sur l’enveloppe destinée à porter sa candidature au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Histoire de se distinguer de la masse mais aussi de souligner avec autodérision le caractère symbolique de cette entreprise de conquête. Car tous les candidats savent qu’ils n’ont absolument aucune chance de remporter ce siège.

      Malgré tout, le 21 janvier, une centaine de chercheurs se sont rendus au ministère de l’enseignement supérieur, coiffés de leur toque, pour déposer les courriers dans lesquels ils se proposent de présider le HCERES, sans chef depuis un mois. Près de 5 000 universitaires les ont imités, dans l’espoir de « faire dérailler la machine bureaucratique » et de montrer leur opposition à la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Si elle était votée, le HCERES, en tant qu’autorité administrative, aurait un pouvoir décuplé d’évaluation des laboratoires de recherche, craignent les chercheurs mobilisés. Cet organisme revêt une importance particulière, car le conseiller enseignement supérieur et recherche d’Emmanuel Macron, Thierry Coulhon, serait en pole position pour en décrocher la présidence. « Cette candidature collective dénonce ce nouveau pouvoir de contrôle », explique Samuel Hayat, chercheur au CNRS et membre du comité de mobilisation.

      Le monde de la recherche est en ébullition. Comme le raconte ce billet de blog du journaliste Sylvestre Huet, une tribune dans Les Échos le 26 novembre d’Antoine Petit, le président du CNRS, a inquiété : il y défend « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies ». Les chercheurs ont donc une double raison de se mobiliser. La réforme des retraites a été le premier catalyseur de la colère. Puis la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et les inquiétudes qu’elle génère, s’est greffée à la protestation initiale.

      Depuis plusieurs semaines, un mouvement social traverse la France. Les grévistes, tous corps de métiers confondus, mobilisés contre la réforme des retraites multiplient les happenings, les danses et chants symboliques pour protester dans la joie et se donner du courage. Des cérémonies de vœux, des déplacements ministériels ou des sorties présidentielles ont été perturbés. Il devient de plus en plus difficile aux membres de la majorité d’échapper à ces comités d’accueil d’un nouveau genre. Ces séquences sont capturées pour être reprises par la presse et devenir virales sur les réseaux sociaux. On ne compte plus les professions qui dansent le Lac des cygnes, tutus inclus, comme ces enseignants du lycée Joliot-Curie de Nanterre, ou qui se lancent dans un haka protestataire, comme les avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis. D’autres préfèrent lancer leur robe d’avocat, leur blouse ou leur code du travail (lire l’article de Mathilde Goanec sur le sujet).

      Pour le monde de la recherche, l’équation est complexe. Quel outil de travail peut-il brandir pour en faire le symbole de sa lutte ? Comment être efficace et audible dans le bruit ambiant ? Certains ont organisé des universités populaires, des déambulations dans le Quartier latin à Paris, quartier symbolique s’il en est. Des motions sont votées dans différents départements et universités (voir le décompte sur le site Sauvons l’université). Reste alors à trouver un moyen de matérialiser la grève et d’attirer, si possible, l’attention pour faire exister le mouvement. La perturbation des vœux de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, a été relayée sur BFMTV, souligne Samuel Hayat : « Ce n’est pas rien pour nous. »

      Mais cela ne suffit pas. Les chercheurs mobilisés espèrent parvenir à casser les habitudes trop ancrées. Samuel Hayat le reconnaît aisément, trop longtemps la lutte des universitaires s’est cantonnée à un triptyque devenu inefficace : un texte est écrit et publié dans la presse, une pétition est lancée et certains se joignent aux manifestations. Impossible de rendre populaire une lutte ainsi, tant elle apparaît déconnectée du réel. Aujourd’hui, rien de tout cela. « Les gens s’amusent et sont combatifs, c’est une mobilisation qui va durer et qui peut gagner. La preuve : la ministre a été obligée de recevoir les syndicats. On les met sous pression », veut croire Samuel Hayat.

      C’est grâce, croit-il, à un changement, salutaire selon lui, de stratégie. « On a appelé à manifester, en dehors de la mobilisation dans les universités et en dehors des syndicats. On a aussi fait le choix de manifester dans le cortège de tête. On entre ainsi en rupture avec les modes traditionnels de lutte assez sages. » Ou perdants. En 2009, les chercheurs opposés à la loi d’autonomie des universités (LRU) se relayaient pour une ronde infinie des obstinés. Cette marche sans fin avait pour but de porter hors les murs les revendications du mouvement universitaire.
      Une grève inédite des revues

      Cette lutte perdue a laissé des traces profondes et a pu réfréner les velléités de mobilisation ultérieures. Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction Actes de la recherche en sciences sociales, le concède mais espère que les choses sont en train d’évoluer. « Depuis la LRU, il a été compliqué de déconstruire le découragement. Mais, aujourd’hui, les gens ne veulent plus être découragés. »

      Dix ans plus tard, la configuration a changé, veut croire Samuel Hayat. « Là, on a un coup d’avance. Le mouvement de 2007-2009 contre l’autonomie des universités a eu lieu après le vote de la loi, juste lors de la mise en place des décrets d’application. Là, on se mobilise avant. »

      Johanna Siméant, professeure des universités en science politique à l’École normale supérieure et membre du comité de rédaction de la revue Genèses, abonde en ce sens. Elle considère en effet que depuis trop longtemps, les revendications de la communauté universitaire ne sont pas écoutées et encore moins entendues, et qu’il est temps d’y remédier. « On oscille entre le mépris de toute la technostructure qui s’est développée et les leçons dispensées par ces hommes quinquagénaires qui nous expliquent comment on doit chercher. Il est temps pour nous de réaffirmer nos valeurs et expliquer ce en quoi on croit, et surtout dire à quel point ce projet est toxique pour nous. »

      Johanna Siméant était invitée à la cérémonie des vœux de Frédérique Vidal au titre de récipiendaire de la médaille d’argent du CNRS. La prise de parole de la ministre a été perturbée et un doctorant blessé par les forces de l’ordre. Johanna Siméant a pris la parole pour, entre autres, dire ceci : « Madame la ministre, la communauté scientifique ne veut pas de cette énième soi-disant “réforme” dont nous ne savons que trop qu’elle porte le darwinisme, la concurrence toxique, la bureaucratie de l’évaluation permanente et de la soumission de projets. De la soumission tout court. »
      La chercheuse tenait à ce que son titre soit utile. En tant que personne titulaire d’une production scientifique validée et reconnue par ses pairs, elle espère contribuer à diffuser l’idée que ce mouvement n’est pas guidé par des « doctorants excités » mais par une partie de la communauté universitaire bien décidée à reprendre la main sur son destin.

      La candidature collective au HCERES s’inscrit dans cette droite ligne de lutte. « On en a marre de jouer en défense et de réagir seulement, décrypte encore Johanna Siméant. Nous sommes dans un mouvement de réaffirmation collective, où on ne fait pas que pleurer sur le service public en train d’être détruit sous nos yeux. On joue quelque chose d’important, on dénonce la dégradation de nos conditions de production intellectuelle. »

      Le 6 janvier, Genèses, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales, a impulsé un mouvement inédit de grève des revues scientifiques. Pour expliquer la grève, la revue proclame sur son site : « Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou·te·s aux connaissances. »

      Le comité de rédaction de Genèses ne traitera plus de propositions d’article ou de dossiers jusqu’à nouvel ordre. Une dizaine de revues de sciences humaines et sociales ont annoncé faire de même.

      Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction d’Actes de la recherche en sciences sociales, explique que cette forme d’action a répondu à plusieurs préoccupations. La première étant de libérer du temps pour ceux qui alimentent ces revues. « On souhaite le ralentissement du cours normal du travail pour nous permettre de tenir des assemblées générales dans nos facs, aller assister aux AG interprofessionnelles, fournir aussi des outils d’analyse et de connaissance utiles au mouvement. Il nous faut lever le pied pour mobiliser, tout simplement. »

      Sans compter que les revues revêtent un intérêt particulier, car les publications sont utilisées pour évaluer les chercheurs, ce qui pourrait aller s’amplifiant avec ce projet de loi.

      Johanna Siméant explique que l’utilisation du mot « grève » à Genèses est volontaire pour signifier que ces chercheurs suspendent cette activité. Tant pis s’il s’agit d’une des facettes « les plus plaisantes du métier », poursuit-elle.

      Il est indispensable à ses yeux, dans cette période charnière, de montrer le fonctionnement de la science de manière concrète et de visibiliser ainsi « l’écosystème de la recherche ». Dans le cas précis des revues, cela consiste pour les membres des comités de rédaction à relire et amender les articles d’autres chercheurs, bénévolement et sur leur temps personnel. L’universitaire raconte encore vouloir dénoncer la dégradation des conditions de travail dans ces revues, où il est de plus en plus rare de trouver des secrétaires de rédaction à temps plein.

      Anne Bory identifie un risque important avec une réforme qui renforcerait l’évaluation des chercheurs. « Ce projet de loi va mettre les revues au cœur d’un système d’évaluation et de sanction. Il y aura forcément une course à l’échalote de la publication avec une moindre qualité des articles et surtout une fragilisation complète de leurs conditions de production. » Samuel Hayat partage cette crainte : « On va nous faire endosser un rôle de DRH. On ne veut pas que ce travail des revues devienne un instrument darwininien, un instrument d’un système de sélection. »

      Open éditions, la plateforme publique d’édition de revues scientifiques, a été bloquée 24 heures le 16 décembre. La page d’accueil présentait un texte qui expliquait les raisons de la grève. Anne Bory juge qu’il s’agit d’une bonne manière d’inciter ceux qui ne se mobilisent pas à la faire notamment chez les étudiants qui utilisent ce site. « C’est une modalité parmi d’autres, une façon de reprendre la main sur ce qu’on nous impose. On revendique aussi du temps pour réfléchir. » Ce qui reste leur raison d’être.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/petits-coeurs-flash-mob-candidatures-multiples-greve-des-revues-la-recherc

    • LPPR : les chercheurs aussi descendent dans la rue
      La future loi de programmation pluriannuelle de la recherche et le dossier des retraites inquiètent la communauté scientifique, dont les membres se joignent dorénavant aux manifestations, à l’instar de celle du 24 janvier.

      Un investissement très attendu, enfin « à la hauteur » pour la recherche française : c’est la promesse de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), en cours de préparation. C’est pourtant contre ce texte que montent désormais des contestations dans une partie de la communauté universitaire.

      Jusque-là, le mouvement contre la réforme des retraites, dans laquelle les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche sont présentés comme des « perdants », au même titre que les enseignants du secondaire, n’avait eu que peu d’écho dans le monde universitaire et estudiantin. Une série de mesures de « compensations » a été promise par le gouvernement pour assurer un niveau de pension équivalent.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/27/lppr-les-chercheurs-aussi-descendent-dans-la-rue_6027419_1650684.html

    • Les #revues_scientifiques fragilisées par les projets de loi

      Pour marquer leur opposition à la réforme des retraites et au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), près de 70 revues ont décidé, par-delà leurs différences de disciplines, de se constituer en collectif, et elles s’alarment, dans une tribune au « Monde », de l’afflaiblissement du service public de la recherche.

      Depuis le début de l’année, plusieurs dizaines de revues de sciences humaines et sociales se déclarent les unes « en lutte », les autres « en grève . En soutien et en participation au mouvement social en cours, leurs comités de rédaction protestent à la fois contre le projet visant les retraites et contre les projets actuellement en circulation de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette mobilisation est inédite. Par bien des aspects, aussi, elle est incongrue : que peut bien vouloir dire, pour une revue, « se mobiliser », se dire « en lutte », « se mettre en grève » ?

      En perturbant ou en interrompant leur activité, en refusant de se tenir à distance de ce qui se joue dans la communauté scientifique autant que dans le monde social, ces revues souhaitent mettre en avant aussi bien ce qui les fait que celles et ceux qui les font. Car leur travail intellectuel et éditorial, la production et le partage des savoirs qu’elles assurent sont eux aussi menacés par les projets de lois actuels, qui vont contribuer à la fragilisation toujours plus forte du service public.

      L’existence de nos revues relève d’une économie de la connaissance efficace. Ce sont des scientifiques, dont une partie conséquente sont des agents publics, qui évaluent les textes, les discutent, les amendent ou les rejettent, pour finalement publier les travaux susceptibles de contribuer à la connaissance collective. Ces travaux bénéficient ensuite du travail de mise en forme, réalisé par des professionnels formés aux métiers de la do cumentation et de l’édition qui ont des statuts variés, du fonctionnariat au CDD. Enfin, ce sont surtout les bibliothèques universitaires, organismes publics, qui achètent les revues à l’unité ou en bouquets par des plates-formes numériques. Cette offre en ligne, gratuite pour les étudiants, permet une diffusion hors du champ universitaire : les journalistes ainsi que les enseignants, les associations, les élus, les citoyens bénéficient d’un apport substantiel de connaissances fiables et renouvelées.

      Si cette économie de la connaissance assure l’enrichissement du savoir, elle rapporte toutefois peu en termes financiers. Elle est en effet adossée à une infrastructure invisible, celle du service public de la recherche.

      C’est ce service public qui garantit des personnels formés, qualifiés et stables de secrétariat de rédaction.

      C’est ce service public qui offre des réseaux ou des maisons d’édition, pour la numérisation, l’archivage ou la promotion des articles.

      C’est ce service public qui permet l’existence de revues scientifiques numériques de qualité en accès ouvert et entièrement gratuites.

      C’est ce service public, enfin, qui, malgré la lente dégradation des conditions de travail des enseignants-chercheurs statutaires et la précarisation des jeunes chercheurs, continue de leur offrir le temps nécessaire pour siéger aux comités de rédaction, pour concevoir les dossiers, lire, évaluer et discuter les articles proposés. Mais in fine, les revenus produits par les revues ne servent pas à rémunérer les scientifiques qui les font vivre, ou encore les travailleurs et travailleuses qui les fabriquent. Ces quelques revenus reviennent en effet aux sociétés qui éditent, et plus encore qui diffusent ces revues au sein d’un secteur éditorial fragile sauf à avoir recours à des dispositifs d’accès ouvert, que quelques revues ont lancé ces dernières années et qui demandent à être renforcés pour diffuser encore plus largement les savoirs scientifiques.

      La LPPR, telle qu’annoncée, promet de saper les fondements de cette triple économie, financière, scientifique et humaine, des revues. Elle frappe de plein fouet les personnels dits de soutien à la recherche, qui sont justement ceux qui permettent aux revues d’exister en tant qu’objets, en tant que produits manufacturés (même en ligne, même dans l’espace virtuel, un article est mis en page et monté). Elle précarise ces personnels, substituant à l’emploi pérenne des contrats dits « de chantier », qui obligeront les revues, collectifs comme on l’a vu fragiles, à épuiser leurs forces pour soumettre des dossiers à des évaluations tatillonnes et solliciter le droit de bénéficier de quelques heures du contrat de travail d’un travailleur de l’édition.

      Promouvant une recherche par projets assortie à des contrats de recherche de durée limitée, diminuant drastiquement les recrutements de chercheurs titulaires, cette loi fragilise de façon dramatique les jeunes chercheurs en quête de poste, qui sont celles et ceux qui contribuent massivement à la production d’articles scientifiques et au renouvellement dynamique des connaissances. La concentration de l’argent public sur d’obscurs « grands défis sociétaux » tend à un mouvement malthusien de la production scientifique et à l’élimination « darwiniste », pour re prendre les termes funestes du président du CNRS, des revues qui ne répondent pas de prime abord à ces « grands défis . Ce faisant, elle contribue à affaiblir le pluralisme et l’indépendance de la recherche publique.

      Qu’elles se mettent en grève ou se déclarent en lutte, qu’elles fassent paraître un numéro blanc ou publient des textes sur les réformes actuelles et à venir, les revues montrent d’un coup l’envers du décor et tout ce qui rend possible la production et la diffusion d’un savoir à la fois indépendant (notamment des mannes industrielles), fiable (car discuté par des scientifiques de haut niveau) et neuf (c’est ce savoir qui est à la base des futurs manuels universitaires, puis scolaires).

      Nos revues ne doivent leur existence qu’au service public de la recherche. Voir l’une et l’autre simultanément menacés est au jourd’hui ce qui nous amène, collectif des revues en lutte, à nous opposer aux projets de réforme en cours avec la plus grande fermeté.

      Pour le collectif des revues en lutte : Sylvie Tissot (Actes de la recherche en sciences sociales) ; Caroline Ibos (Les Cahiers du genre) ; Anne Jollet (Les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique) ;Fabrice Ripoll (Carnets de géographes) ; Clyde Plumauzille (CLIO. Femmes, genre, histoire) ; Laurent Bonelli (Cultures & Conflits) ; Manuel Schotté (Genèses. Sciences sociales et histoire) ; Christophe Daum (L’Homme et la Société) ; Julie Landour (Nouvelle revue du travail) ; Laure Bereni (Politix) ;François Sarfati (Sociologies pratiques) ; Fanny Gallot (Travail, genre et sociétés)

      La liste complète des revues en lutte sur Universiteouverte.org

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/28/les-revues-scientifiques-fragilisees-par-les-projets-de-loi_6027462_3232.htm

    • Grève à l’Université ? A propos des débats stratégiques dans le mouvement

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une #grève générale illimitée. Une grève conséquente aurait pourtant pour vertu d’ouvrir une brèche pour une mobilisation étudiante, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite.

      À la rentrée 2018, les Gilets jaunes initiaient le soulèvement inédit des salariés les plus subalternisés. Les ronds-points voyaient alors la convergence des chômeurs, précaires, travailleurs pauvres, auto-entrepreneurs, artisans, retraité.e.s démuni.e.s, etc. À la faveur de la « réforme » des retraites, le mouvement social historique qui ébranle le gouvernement français depuis le 5 décembre 2019 a pris le relais. La grève interprofessionnelle mobilise une large base syndicale et les travailleurs statutaires de différents secteurs (transports, énergie, santé, éducation, etc.), mais aussi des avocats, des médecins, des directeurs d’hôpitaux, certains cadres et haut-fonctionnaires, des journalistes de l’audiovisuel, des chercheuses et chercheurs, ou encore des universitaires, bien que l’alma mater, notamment en région parisienne, soit entrée relativement tardivement dans cette grève dont l’ampleur est inégalée depuis 1968. Manifestement, l’inclination des diplômés urbains vers le conformisme, lequel s’est exprimé dans leur vote massif pour Emmanuel Macron au premier et second tour de l’élection présidentielle, est en voie d’effondrement. Le penchant petit-bourgeois à lorgner vers la bourgeoisie parisienne plutôt que de se solidariser avec les classes populaires, semble entrer en crise et le phénomène de se propager également au sein du milieu académique. Pour la première fois, à Paris (dont 12 des 15 députés sont macronistes), les cortèges universitaires auto-organisés étaient très visibles lors de la manifestation intersyndicale du 24 janvier 2020. Intellos, prolos : même combat, alliés dans la grève ?

      Pour certains, rien ne semble moins sûr. Le 20 janvier dernier, Ronan de La Lande de Calan et Geoffroy de Lagasnerie publiaient, dans le blog des invités de Mediapart, une tribune intitulée « Une mobilisation impossible ? Quand les universitaires confondent la lutte et l’autopunition » (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/200120/une-mobilisation-impossible-quand-les-universitaires-confondent-la-l). Les deux signataires commencent par y saluer les divers secteurs en lutte contre la réforme des retraites qui « se sont appuyés sur des formes traditionnelles d’action dont l’efficacité n’est plus à démontrer – débrayages, blocages du système productif et des moyens de transport, manifestations monstres ». Ils soulignent également la créativité du répertoire d’action du mouvement de certaines corporations (avocats, médecins, pompiers, danseurs, etc.). Cet hommage est à l’évidence un soutien au mouvement de grève interprofessionnel, mais le positif du tribut sert surtout, ici, à dénoncer le supposé manque d’imagination du champ universitaire, lequel se contenterait « par défaut » de répliquer mécaniquement des formes de mobilisation parmi les plus traditionnelles et les moins efficaces. Dans le domaine de la conflictualité sociale, ce qui semble utile et efficient pour certains serait donc, pour le monde universitaire, infertile. Au ban des accusés : les assemblées générales, la grève et les blocages. Pour nos deux philosophes, l’Université (personnels et usagers ?) se prendrait pour un secteur productif comme les autres, « comme si le pouvoir allait trembler parce que telle revue ne paraîtrait pas, ou tel séminaire serait annulé ».

      Il y a, dans cette dénonciation, une part critique intéressante qui tient au fait de souligner qu’une partie du champ universitaire, peu encline à sortir de sa zone de confort, continue sans aucun doute à entretenir quelque illusion quant à sa magnificence intellectuelle et se plaît à penser que ce sont le(ur)s idées qui mènent le monde et, en l’espèce, feraient les mobilisations. Pourtant, il est patent que les séminaires, journées d’étude, colloques, revues, etc., n’ont pas pour prime vocation à « saisir les masses » (ça se saurait !). Quand, de temps à autre, ces lieux d’élaboration font lien avec d’autres espaces sociaux, il faut bien des médiations pour qu’ils en viennent à participer à des forces matérielles qui soient autre chose qu’un travail intellectuel. Cesser les différentes formes de production symbolique caractéristiques de l’académisme ne dérange guère que l’entre-soi universitaire (et encore !). De même, estimer que la multiplication des motions, tribunes, billets et pétitions (pour le moins mesurées, voire carrément frileuses) ne se diffusant que fort parcimonieusement dans l’espace public dominant puisse avoir quelque effet pratique est sans doute, encore, une concession à un idéalisme qui s’avère d’autant plus vain que les cibles de ses adresses s’avèrent aussi sourdes qu’aveugles.

      Mais La Lande et Lagasnerie vont un cran plus loin. Ils estiment que la grève « ordinaire » signe un renoncement à produire des idées. C’est là que l’interpellation se transforme en leçon ; de celles que Lagasnerie, avec un certain sens du placement public, affectionne de dispenser assez régulièrement à ses « collègues ». L’invective apparaît alors d’une grande prétention, subsumant sous le chapeau de la routine et du suivisme, mille initiatives à la base dont ils semblent tout ignorer. Car c’est bien, là, méconnaître la riche diversité des actions des personnels et des usagers de l’Université, dont la portée souvent assez modeste peut, néanmoins prendre quelque importance, notamment par des formes de répétition persévérante qui ne sauraient seulement être vues comme un rabâchage paresseux et sans issue. Souvenons-nous, en 2009, de la ronde infinie des (universitaires) obstiné.e.s, initiée et votée en AG par des personnels et usagers de l’université Paris 8 qui se relayaient pour tourner jour et nuit devant l’Hôtel de ville (place de la grève). Sans doute est-il utile de repenser « l’imaginaire de la lutte, [et d’]inventer de nouvelles formes de mobilisation et de présence dans l’espace public », mais si tant est que la chose soit une nécessité, celle-ci n’est certainement pas une concession à cette antienne de l’idéologie dominante faisant fatalement de la grève un mode d’action contreproductif. Rien dans la séquence présente ne permet de prendre au sérieux ce type d’anathème, sauf à condescendre à l’éditocratisme crasse des chaînes d’information continue ou au syndicalisme collaborationniste.

      Messieurs La Lande et Lagasnerie devraient savoir que tous les grands mouvements de grève interprofessionnels en France (et ailleurs) ont produit des modes d’action créatifs qui ne furent nullement en contradiction avec le répertoire d’action traditionnel du mouvement ouvrier (doléances, pétitions, manifestations de rue, assemblées générales, comités et piquets de grève, etc.). En mai 1968, l’une des plus flamboyantes affiches de l’atelier populaire (fabriquée au sein des Beaux-Arts de Paris en grève) montre une manifestante lançant un pavé. Elle est légendée « La beauté est dans la rue ». Quant à la grève générale de juin 1936, elle fut, par exemple, rythmée par des bals populaires dans les usines occupées, et accompagnée par de fort nombreuses œuvres (photographies, chansons, peintures, etc.). À cette époque, les universitaires marxistes étaient convaincus de la portée d’une alliance de classe entre l’intelligentsia de gauche et les classes populaires.

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une grève générale illimitée. Peu de composantes des universités sont concrètement en grève. Si les responsabilités administratives et d’évaluation, prenantes et peu/pas rémunérées, sont des cibles toutes trouvées (et encore !) de ralentissement des missions, les mandats d’enseignement et de recherche font l’objet d’âpres négociations intérieures chez les enseignant.e.s-chercheur.e.s dont une part non négligeable a tendance à considérer que ne pas assurer les activités au fondement de leur métier serait une violence intolérable faite à ce qu’ils sont ou croient être (les lieux de l’autopunition sont d’abord dans les têtes). D’aucun.e.s auraient ainsi l’impression de renoncer à leur singularité sociale durement acquise et à cette position symbolique à laquelle ils.elles tiennent tout particulièrement, parfois jusqu’à la névrose narcissique. Aussi, la tribune de nos deux compères ne s’avère pas d’une grande originalité quand ils affirment que « la ‘‘grève’’ à l’Université, avec cessation de toute activité d’enseignement et de recherche [?], ne correspond qu’à [...] une condamnation des intellectuels au silence ». Comme si les lieux d’élaboration et d’analyse pouvaient n’émerger qu’au sein de l’alma mater. C’est, là, faire montre d’une forme évidente d’épistémocentrisme scolastique. D’ailleurs, il n’est pas très étonnant de constater que le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) dont la vocation est de précariser au maximum l’ESR et de le placer sous la coupe du privé, semble mettre davantage le feu aux poudres académiques que la réforme des retraites. Pourtant, l’un des enjeux majeurs pour le mouvement universitaire tient sans doute à sa capacité à décoller le nez du guidon corporatiste.

      Même au sein de ses espaces censément les plus critiques, l’Université n’est pas ce lieu de résistance dont ses oblats les plus dévoués (i.e. celles et ceux qui en tirent le plus d’avantages) produisent le mythe. Aussi faut-il admettre que les pilotis de la LPPR (Labex, Idex, EUR, etc.) ont été plantés depuis plusieurs années avec l’assentiment du plus grand nombre, de certaines avant-gardes « radical chic » et des Janus Bifrons qui se vivent en pourfendeurs des dominations et en hérauts de l’empowerment, mais sont, dans les faits, les meilleurs suiveurs de l’ordinaire universitaire, prêts à accueillir et examiner toutes les propositions susceptibles de leur apporter quelque avantage. Se déclarant contre la précarité ou le délire évaluatif, certain.e.s n’ont pourtant pas hésité à participer à ces dispositifs « d’excellence ». On voudra bien pardonner ces petits dévoiements « corpo » (la chaire universitaire est faible), s’ils n’étiolent pas, aujourd’hui, les nécessités d’une mobilisation massive et de prendre une pleine part aux dynamiques interprofessionnelles. Car l’Université est frappée des mêmes maux que les secteurs de la santé, de la justice, des transports, de la culture, de l’enseignement, etc. Les « réformes » macronistes sont portées par un projet politique d’ensemble qui ne s’est jamais autant révélé, notamment quant à sa nature butée et autoritaire.

      Dans cette perspective, ce sont les étudiant.e.s qui nous semblent devoir jouer un rôle tout à fait primordial. L’expérience montre que ce sont eux.elles – plus dégagé.e.s de l’emprise des identités professionnelles qui brident – qui sont les plus susceptibles d’étendre le mouvement social à l’espace universitaire et qui ont la volonté la plus affirmée de faire se conjoindre les luttes, seule manière d’instaurer, dans la longueur (car ça va durer), un rapport de force qui pourrait s’avérer gagnant. Aussi, considérons-nous qu’il n’y a pas trop de grève, mais, a contrario, pas assez. Penser que la grève est une « condamnation collective à l’impuissance et un maintien de l’ordre universitaire » ; qu’elle est un renoncement aux « conditions de la production d’analyse, de critique et de contre-proposition », c’est faire, malgré soi, le jeu de la macronie et ne pas placer le curseur au bon endroit, surtout à rajouter : « puisqu’à la fin ce sont les professeurs qui décident des modalités de rattrapage des examens et qui très souvent imposent la reprise aux étudiants ». On a, là, un exemple caricatural de la difficulté qu’ont nos intellectuels situés – croyant détenir le seul brevet valable à dire le sens politique – à considérer le mouvement social dans sa globalité et de rabattre des enjeux politiques généraux sur des problèmes de pouvoir internes au monde universitaire. Et même à vouloir se centrer pour l’essentiel sur les difficultés spécifiques à l’université, la grève n’est-elle pas le moyen adéquat pour prendre du temps, discuter franchement de la situation pesant sur l’institution, se donner les moyens de s’organiser en dehors des instances officielles ?

      La Lande et Lagasnerie affirment que « le premier point sur lequel la grève pourrait avoir comme telle une réelle efficacité, serait de renoncer à produire des diplômes, qui constituent l’unique produit sur ce qui est devenu un ‘‘marché’’ de l’enseignement supérieur, et l’unique levier d’action sur les pouvoirs publics ». S’agit-il de se mettre en grève pour porter la revendication générale de ne plus avoir à produire de diplômes (perspective radicale qui ne saurait tenir seule), ou bien est-ce, plus modestement, de configurer, pour l’heure, la « grève universitaire » autour de la non délivrance des diplômes attendus (politiques de rétention en février ?) ? On ne saisit pas très bien le sens de la proposition qui, dans un cas comme dans l’autre, nous semble, de toute manière, passer à côté de l’utilité stratégique de la grève. La production d’accréditations et d’évaluations est, certes, un élément important de l’économie politique et symbolique du secteur, à repenser (avec bien d’autres points), mais elle n’est certainement pas la justification première de la grève dont la principale vocation est de dé-cadencer et faire effraction dans les habitudes professionnelles.

      L’engagement politique des connaissances ne saurait notamment se résumer à une histoire de champ et ne tenir dans les connaissances elles-mêmes, mais dépend des fonctions sociales que celles-ci sont susceptibles d’assurer, notamment dans le cadre de conflits sociaux. Aussi, les sciences s’engagent essentiellement quand elles sont articulées à des espaces et des communautés d’action dont l’université mobilisée n’est qu’une modique fraction. On sait notamment la force qui peut émerger de la jonction du mouvement ouvrier et du mouvement étudiant. Une lecture intéressée avait voulu dépeindre mai 1968 comme une fête étudiante plus ou moins folklorique qui se serait déroulée à l’écart de la grève générale ouvrière de type cégétiste. Les sociologues qui ont développé cette vue culturaliste et générationnelle ont, ensuite, clairement évolué vers la droite, à l’instar d’Alain Touraine qui en est venu à soutenir Alain Juppé et, plus récemment, Emmanuel Macron. En revanche, Henri Lefebvre a écrit, dès 1968, que les affiches colorées, les barricades improvisées et les drapeaux levés lors de l’insurrection étudiante dans le Quartier latin ont joué comme un fanal, comme un signal reçu par les travailleurs que le passage à l’acte était à l’ordre du jour. C’est sans doute une question qui reste actuelle : comment concevoir le passage entre la révolte étudiante et les fonctionnaires en grève qui font habituellement tourner l’Université ? La révolte est autant de nature matérielle (contre la précarité, les bullshit jobs, les stages trop peu rémunérés, les bourses anémiques, les logements pitoyables, la vie chère, etc.) que symbolique (une autre vie doit être possible, plus joyeuse, pleine de sens) et même morale ou éthique (refuser l’inégalité, la sélection, la discrimination des étudiants étrangers, le saccage des droits et la destruction de la planète). C’est en se ressourçant de cette « contre-culture » que les scholars pourront se détourner de l’illusion narcissique qui les poussent à penser qu’ils se doivent de jouer les conseillers du prince et des classes dirigeantes macronistes.

      À l’université, une vraie grève aurait notamment pour vertu de permettre une mobilisation d’ampleur des étudiant.e.s, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite. Parce que son avenir est largement hypothéqué et la misère étudiante renouvelée, la jeunesse a tout intérêt – et ses raisons – à entrer massivement dans la lutte ; mais encore faut-il lui faciliter la chose. Ouvrir une brèche pour le mouvement étudiant, lui donner les moyens de ses ambitions, est plus que jamais essentiel. À cet égard, la grève apparaît comme l’un des leviers essentiels du champ universitaire qui, contrairement à d’autres secteurs pionniers, n’en a fait, jusqu’alors, qu’un usage pour le moins modéré. Plus largement, la grève est également la condition de possibilité pratique pour que puisse précisément s’inventer un espace public oppositionnel porteur de propositions concrètes construites par la documentation, la rencontre, la discussion, l’auto-organisation et l’action. Le projet d’une « Université ouverte à toutes et à tous, tout le temps [...], foyer de la critique » ne doit pas participer à la sanctuarisation de l’institution, mais inviter celle-ci à « sortir sa science » en d’autres lieux et à produire, avec/sur/pour eux, des communs de la connaissance politiques. Aussi, le retrait de la LPPR pour lequel il faut évidemment se battre ne saurait être un but suffisant. La présente séquence doit aussi être un moment d’éducation des éducateurs par l’ouverture aux différents secteurs mobilisés, afin de construire des intellectuels collectifs à même de porter, tant théoriquement que pratiquement, un projet alternatif de société : « Contre les impératifs marchands et les contrôles bureaucratiques, les forces critiques au sein de l’université devraient chercher à se liguer avec tous les foyers de production de connaissance [...] pour coopérer à la reconfiguration d’un espace public laminé par l’horreur économique de la logique néolibérale » (Daniel Bensaïd : « Faut-il défendre l’Université ? »), par la brutalité gouvernementale et par le mensonge institutionnel. Et à prendre au sérieux cette nécessité, parions que se dire ni de droite ni de gauche, répudier les classes populaires – prétendument incultes, sexistes et racistes –, ou encore récuser les formes d’action traditionnelles du mouvement ouvrier, deviendra demain, au sein des universités, aussi ringard que ne le fut, hier, la référence à Marx.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Greve-a-l-Universite-A-propos-des-debats-strategiques-dans-le-m

    • #Nantes : les vœux du président de l’université annulés

      #Olivier_Laboux, le président de l’université de Nantes, avait prévu de présenter ses vœux aux personnels ce mardi midi mais une manifestation organisée par le syndicat Sud Éducation l’en a empêché.

      La traditionnelle cérémonie des vœux devait se faire dans le Théâtre Universitaire. Olivier Laboux qui clos deux années de mandat à la présidente de l’université nantaise avait prévu d’y recevoir les personnels pour faire, comme il est de coutume, un bilan et évoquer l’avenir de l’établissement.

      Mais, le rendez-vous a été finalement annulé, une manifestation ayant été organisée sur place.

      Le syndicat Sud Education avait mobilisé une trentaine d’enseignants pour une « contre cérémonie » symbolique et pour adresser au président ses « bons vœux de retraite anticipée ».

      « On a organisé cette cérémonie, a déclaré avec un certain humour Christèle Allès, enseignante et syndiquée à Sud Education, pour remercier le président de toutes les actions qu’il a menées pendant ses deux années de mandat. On a de plus en plus d’heures assurées par des vacataires, des précaires. On demande donc un plan de titularisation. ll y a eu des grands projets de réorganisation sur lesquels on a été vaguement consultés mais pas de vraie dynamique de concertation. »

      Le syndicat a également critiqué la présence de la police à plusieurs reprises sur le campus, lors de différentes moblisations.

      Quant à la succession d’Olivier Laboux : « La candidate qui se présente pour le remplacer estime Christèle Allès, est issue de son équipe et devrait mener la même politique. »

      https://www.youtube.com/watch?v=_ls9esYO6hM&feature=emb_logo

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/nantes/nantes-voeux-du-president-universite-annules-1780233.ht

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      Le texte de remerciements (sic) :

      Cher collègue, cher Président,

      Nous sommes venus vous adresser nos vœux de départ en retraite anticipée et vous remercier nous aussi pour les temps forts de ces huit années écoulées. Cette liste de nos remerciements est longue et non-exhaustive :

      Merci pour tous vos grands succès : la comue UBL, Next 1, la NU !

      Merci pour nous avoir consulté pour le logo de la nouvelle université, et de nous avoir épargné une consultation directe sur le fond !

      On est impatient de voir Next 2 et d’expérimenter collectivement la précarité à la sauce LPPR.

      Merci pour la préservation des pôles, au Nord et au Sud de la ville !

      Merci de lutter contre le réchauffement climatique en gelant tous ces postes de titulaires BIATSS et EC !

      Merci de préserver le suspens pour le jour de paie des vacataires !

      Merci pour l’erreur de la banque en faveur des vacataires, et merci d’avoir partagé la responsabilité de cette erreur avec tous les précaires !

      Merci d’être venu de si nombreuses fois sur le campus Tertre, comme aujourd’hui où vous repartez avant d’être arrivé !

      Merci d’avoir socialisé votre prime annuelle de 28 000 euros avec les collègues de catégorie C, un beau geste de team-building !

      Merci pour ces nombreuses fermetures administratives !

      Merci d’avoir permis à nos étudiants de passer leurs partiels dans des conditions sereines et dans le confort de leur 9 m² en « distanciel » !

      Merci pour votre sens inné du dialogue social !

      Merci de nous donner un coup de main pour relire les mails syndicaux en ce moment, et merci de les faire modérer à notre place !

      Merci de nous avoir fait l’honneur du titre de zadistes extrémistes !

      Merci d’avoir envoyé vos seconds couteaux briefer les syndicalistes étudiants !

      Merci d’avoir collabourer avec la Préfecture pour compléter le trombinoscope des étudiants !

      Merci d’avoir à de nombreuses reprises cultivé la proximité de nos étudiants avec les forces de « l’ordre » !

      Merci d’avoir familiarisé deux de nos collègues aux instances du conseil disciplinaire !

      Et enfin, nous vous remercions de votre hospitalité envers les exilé.e.s en pleine trêve hivernale !

      Chanson 1 (sur l’air des gilets jaunes) : On est là / On est là ! / Même si Laboux ne veut pas / Nous on est là / Pour l’honneur des enseignants / Et celui des étudiants / … / Pour l’honneur des vacataires / Et pour celui des précaires / ...

      Chanson 2 (sur l’air de « merci patron ») : Merci Laboux merci Laboux / Quel plaisir de travailler avec vous / On est heureux comme des fous / Merci Laboux merci Laboux / Ce que vous faîtes ici-bas / Un jour Vidal vous l’rendra

    • Les enseignants chercheurs et les étudiants de l’UPV disent non à la LPPR !

      https://www.youtube.com/watch?v=5LxnzmXQE6Y&feature=youtu.be

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      Montpellier. Grogne : les universitaires sont en colère contre la loi sur la recherche

      A Montpellier, les chercheurs dénoncent la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) portée par le gouvernement qui, selon eux, condamne la recherche publique.


      https://actu.fr/occitanie/montpellier_34172/montpellier-grogne-universitaires-sont-colere-contre-loi-sur-recherche_31156179

    • #Balance_ton_rapport (photos et vidéos) : tout le monde déteste l’HCERES
      Aujourd’hui 30 janvier 2020, j’ai participé avec une centaine de collègues universitaires, doctorant.e.s et étudiant.e.s, à une action à l’université Paris Diderot en protestation contre la réforme des retraites, les réformes Blanquer (lycées) et le projet de loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) : toutes ces réformes sont en effet liées par leur caractère systémique, autoritaire (aucun débat n’est possible), et ultra-libéral. Il s’agit de mettre en coupe réglée l’ensemble des services publics au profit du seul marché, en cassant les principes de solidarité et de collégialité de nos métiers. Ces réformes, issues de la radicalisation violente du libéralisme gouvernemental et entrepreneurial, sont toutes profondément injustes et inégalitaires. Elles vont accentuer la précarité et le centralisme bureaucratique partout où elles s’appliqueront. C’est pourquoi nous les refusons toutes en bloc, et c’est aussi pourquoi nous revendiquons non pas l’immobilisme, mais un débat authentique et un renforcement des solidarités et des collégialités contre la mise en concurrence de tous contre tous.

      Lors de cette action interprofessionnelle, il y a eu jonction entre plusieurs cortèges sur l’Avenue de France : université, personnels du rail, enseignant.e.s des lycées et collèges et personnels hospitalier. Enfin, l’action des universitaires et étudiant.e.s s’est terminée devant le bâtiment de l’HCERES (Haut Comité à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur) par un jet symbolique de rapports de recherche et d’évaluation devant la porte fermée à double tour de cette institution.

      Pour celles et ceux pas très au fait du volapuk universitaire, L’HCERES, pour reprendre l’expression ironique de pas mal de collègues quand leur labo ou leur formation est évaluée par cette bureaucratie, c’est les “bœuf carottes” de l’université. Alors que nous passons notre temps à rendre des comptes et à nous évaluer constamment les un.e.s les autres, l’HCERES en rajoute une couche tous les 5 ans, sur la base de critères que nous ne partageons pas et qui n’ont jamais été sérieusement débattus. Et ces évaluations sont fantastiquement chronophages : pour chaque labo ou chaque formation, elles imposent à des dizaines d’universitaires de travailler durant des mois pour justifier de leur métier au lieu de le pratiquer… L’HCERES n’a donc de cesse de nous empêcher de faire notre travail d’enseignant.e.s et de chercheurs par son harcèlement bureaucratique, et par son adhésion aux dogmes de la compétition et de l’autoritarisme managérial.

      En tant que chercheurs et chercheuses, nous savons pourtant que c’est la collaboration et l’auto-organisation qui favorisent la créativité dans la recherche et l’enseignement supérieur. De même que nous savons toutes et tous que ces réformes vont à l’encontre des urgences écologiques et de la préservation de la viabilité de la planète. En effet, comme l’a rappelé récemment le Réseau Thématique “Sociologie de l’environnement et des risques” (RT 38) de l’Association Française de Sociologie, “aucun progrès sur le plan environnemental ne sera efficient sans véritable progrès social“. Et comme le soulignent également les sociologues de l’environnement, on ne peut se satisfaire :

      Ni de la réforme des retraites actuellement induite par les fonds de pension – ce sont les mêmes organisations, tournées vers le profit à court terme, qui détruisent les conditions d’un monde viable.
      Ni de la Loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui entrainerait des régressions sociales importantes et limiterait de fait les contributions pourtant nécessaires des chercheurs.es à l’analyse des enjeux sociaux et environnementaux.

      Fait symptomatique et assez comique, au retour de cette action qui se situait au siège de l’HCERES, pas très loin du bâtiment Olympe de Gouge de l’université Paris Diderot, la présidence de l’université – ou peut-être les services de répression… pardon… de sécurité de l’université – paniquée par la horde de vandales anarcho-punks au couteau entre les dents et au bâton de dynamite entre les mains qu’elle devait fantasmer à notre sujet, avait verrouillé toutes les grilles de l’entrée du bâtiment, et bloquait donc elle-même la circulation des étudiant.e.s et des collègues. En fait, il y avait une majorité de bac + 10, de professeur.e.s et de maitre.sse.s de conférences, de doctorant.e.s et d’étudiant.e.s, dont on sait parfaitement qu’ils et elles ne sont pas des adeptes du cocktail Molotov, mais plutôt de l’argumentation rationnelle et de la bonne vieille disputatio. Mais dans l’université de Paris 2.0, très “disruptive”, “communicante”, “inclusive” et “win-win”, il n’est pas question d’argumenter avec les enseignant.e.s et les étudiant.e.s : on bloque les accès de manière autoritaire et on appelle la sécurité. C’est lamentable, et ça en dit long sur les conceptions de la démocratie qui sévissent au sein de la présidence de cette université qui devient un lieu d’internement dès qu’un débat pourrait se mettre en place. Il est temps de dégager ces pompeux cornichons !

      Mais assez de texte ! Voici les photos de cette après-midi festive et mobilisée. Cliquez sur les images pour accéder à la visionneuse plein écran. Plus bas, vous avez une vidéo du lancer de rapports :


      http://igorbabou.fr/balance-ton-rapport-tout-le-monde-deteste-lhceres

    • Marche ou Grève #25 : Université, la rébellion face au désastre qui vient

      Dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, un mouvement se massifie dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche contre des mesures annoncées par le gouvernement (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche) qui amplifieront encore la précarité déjà existante.

      Depuis décembre, des étudiant-e-s et des personnels se mobilisent par la grève ou la suspension de leurs activités et l’implication dans des manifestations et des actions diverses. La table ronde d’aujourd’hui vise à appréhender l’ensemble des enjeux de cette mobilisation avec des représentant-e-s des différents acteurs des facs et des labos en lutte tandis qu’une coordination nationale des universités se tiendra ce week-end.

      https://www.lemediatv.fr/emissions/marche-ou-greve/marche-ou-greve-25-universite-la-rebellion-face-au-desastre-qui-vient-TRLc

    • #Précaires de l’enseignement et de la recherche : on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche

      Un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines contre la réforme des retraites, appelle à « la prise de risques pour sauver l’Université publique ». Il propose notamment aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à « une démission collective des fonctions administratives ».

      Ces derniers jours, différents médias, dont Mediapart, ont relayé plusieurs textes relatifs à la mobilisation en cours dans notre secteur, qui nous ont interpellé·es. Nous sommes un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines pour protester tant contre la réforme des retraites que contre les transformations promises à l’Université par le gouvernement actuel. Faisant ici particulièrement référence à la loi pluriannuelle de programmation de la recherche (LPPR) annoncée, nous n’en oublions pas pour autant les différentes mesures mises en place depuis plusieurs années, visant à réduire les possibilités ouvertes aux chercheur·euses de produire et de diffuser le savoir. Force est de constater que l’accumulation rapide de réformes structurelles réduisent et réduiront encore comme peau de chagrin tant la qualité des travaux de recherche en France que les enseignements dispensés aux étudiant·es. Le cocktail des réformes s’avère ainsi particulièrement brutal, teinté de mépris et deviendra sans aucun doute explosif si ces dernières aboutissent. Si les revendications du secteur de l’ESR gagnent en visibilité, certains points brillent par leur absence, en témoignent les nombreuses tribunes de titulaires qui passent sous silence nos conditions de travail et nos luttes.

      Nous sommes d’abord touché·es par l’invisibilisation voire, parfois, la déconsidération des précaires de l’ESR qui affleurent dans différents articles publiés, en dépit de nos nombreux comptes-rendus d’assemblées générales et communiqués largement relayés, notamment via le site de l’Université ouverte[1]. La condition spécifique des précaires de l’ESR, résultat de politiques néolibérales engagées depuis au moins une quinzaine d’années, est pourtant au cœur de ce qui devrait constituer le refus de ces réformes. Les précaires constituent par ailleurs une masse de travailleurs·ses non négligeable[2] qui participent à l’effort de production intellectuelle et d’enseignement en France. Ces « oublis » renforcent une représentation tronquée de l’Université, où notre travail de fourmi, nécessaire, est passé sous silence : tout comme nous corrigeons l’immense majorité des partiels, réalisons la quasi-totalité des heures de travaux dirigés ou assurons une part cruciale de l’administration universitaire, nous — et en particulier des femmes — sommes des piliers de la mobilisation actuelle, dans ses différents foyers, où nous peinons à mobiliser nos pairs titulaires. Ces textes reflètent la négation tant de notre existence en tant que collectif faisant partie intégrante de la « communauté universitaire », que de notre nécessaire voix pour mobiliser en son sein.

      Jusqu’ici, nous avons soit été englobé·es dans un groupe admonesté sur un ton paternaliste quant aux modalités de sa mobilisation, soit réduits à une marge d’« excité·es ». Nous appelons au contraire la communauté universitaire à se saisir de l’opportunité de cette mobilisation pour remettre en cause les rapports de domination qui la gouvernent.

      Cette invisibilisation des précaires comme groupe et acteur important des mobilisations actuelles se répercute dans la critique politique. Nous ne contredisons pas les collègues concernant la nécessité d’être inventif dans la lutte ni sur le diagnostic d’un manque d’indépendance de l’Université et d’une aggravation de la situation avec les réformes promises. Mais ces dernier·es écartent trop souvent toute une autre série de problèmes : les transformations à venir de l’Université vont également renforcer des logiques de précarisation[3]. Notoirement, l’accès à un poste pérenne dans l’ESR arrive en moyenne à l’âge de 34 ans, soit 10 ans environ après le début d’une thèse. La mise en place d’un dispositif de « tenure track » — directement importé du modèle américain, ou, plus concrètement, un CDD de 6 ans post-thèse avant l’obtention d’un poste — allongera sans aucun doute la durée de carrières déjà longues et chaotiques. Faut-il rappeler que les précaires de l’ESR réalisent la même variété d’activités que leurs collègues titulaires[4], dans des conditions d’incertitude autrement plus difficiles ?

      L’enjeu de la titularisation colonise nos intimités : comment prendre du repos quand il faut publier sans cesse pour espérer être recruté·e ? Est-il acceptable de devoir attendre la quarantaine pour savoir si et où l’on va pouvoir s’installer ? Comment travailler sereinement, quand les vacations — des charges administratives ou d’enseignement ponctuelles — sont payées avec des mois, voire une année de retard, et parfois assurées sans même qu’un contrat de travail n’ait été signé ? Comment survivre tandis que du travail gratuit nous est de plus en plus fréquemment extorqué, alors qu’entre corrections et préparations de cours nous touchons en majorité moins qu’un SMIC horaire ? Nous n’acceptons plus d’être réduit·es à des pions interchangeables, à une main-d’œuvre anonyme et corvéable à merci. De telles conditions de travail dans un secteur désinvesti par les financements publics conduisent à considérer les non-titulaires de l’ESR comme des objets — y compris sexuels, comme le prouvent tristement les nombreuses révélations de viols et d’agressions sexuelles à l’encontre d’étudiant·es et de doctorant·es[5]. Pour autant, et en dépit des conditions objectives de travail qui nous atomisent (rares sont les précaires d’Île-de-France qui ont accès à un bureau) et nous placent dans un système de féroce compétition pour l’obtention d’un poste pérenne, nous parvenons à (nous) mobiliser, et nous attendons, sans tomber dans le corporatisme, un soutien effectif et bienveillant de la part de nos pairs titulaires et par-là bien mieux protégé·es.

      Nous rappelons que nous sommes en grève et appelons à l’arrêt total des activités administratives, d’enseignement et de recherche. On ne « soutient » pas la grève : on la fait ou on l’empêche. Ce mode d’action est prioritaire : la grève réaffirme notre statut de travailleurs·ses, et signifie à nos collègues, aux étudiant·es et à l’ensemble de la société civile que l’université publique et la recherche émancipée des intérêts privés ne peuvent exister sans nous. La grève est utile : elle dégage le temps nécessaire pour intervenir dans les universités ouvertes, dans la construction de solidarités entre établissements et dans le blocage des autres secteurs au travers de coordinations interprofessionnelles. Par ailleurs, elle politise nos universités, en suscitant des interactions avec et entre nos étudiant·es et permet de rendre compte des conditions indignes de travail et de rémunération dans lesquelles nous enseignons, ainsi que des conséquences à très court terme des réformes en cours. Du fait de notre position dominée, nous sommes au contact direct des étudiant·es les plus fragiles, et ne pouvons que constater qu’il serait indécent de continuer à travailler eu égard à cette précarité étudiante, qui, aujourd’hui, s’avère mortelle, comme en témoigne la triste actualité d’un étudiant lyonnais qui s’est immolé par le feu devant le siège du Crous. Nous côtoyons quotidiennement les premières victimes d’une destruction accélérée de l’Université publique, mais aussi du système de solidarité français.

      Afin de nous montrer un réel soutien, nous proposons aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à une démission collective des fonctions administratives. À l’instar des hospitaliers, il est temps pour les enseignant·es-chercheurs·ses de se mobiliser à la hauteur de l’urgence. Il est désormais l’heure pour ces enseignants·es de prouver leur solidarité avec l’ensemble des personnels de l’ESR, de considérer leur position privilégiée et d’assumer pleinement les responsabilités qu’une telle position implique. La prise de risques pour sauver l’Université publique et gratuite ne peut incomber uniquement aux étudiant·es, privé.es de formation diplômante, et aux précaires.

      En bref, nous ne sommes ni angoissé·es ni excité·es. Nous sommes déterminé·es et en colère. La revendication d’un plan de création massif de postes de titulaires (BIATSS, ITA, enseignant·e·s-chercheur·ses) constitue notre revendication centrale et doit devenir celle de l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne nous battrons pas pour d’autres revendications tant que celle-ci ne sera pas satisfaite. Nous exigeons de l’ensemble des titulaires qu’ils et elles nous rejoignent dans la grève des activités administratives, pédagogiques et scientifiques. Nous n’organiserons pas les diplômes, nous refuserons de prendre des postes de vacataires, nous ne ferons pas la rentrée. Nous appelons à ce titre l’ensemble des acteurs·trices de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous rejoindre massivement dans l’effort de grève. Nous enjoignons également tous·tes les étudiant.es à rejoindre cette mobilisation, en participant aux assemblées générales, en renforçant les piquets de grève, en grossissant les rangs des manifestant.es, pour des conditions de travail et d’étude décentes, pour une université gratuite et ouverte à toutes et tous. Soyons collectivement à la hauteur des enjeux : il en va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’Université publique.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/300120/precaires-de-l-enseignement-et-de-la-recherche-ne-soutient-pas-la-gr

    • L’université a besoin du soutien des #parents

      A vous, parents de nos étudiant·e·s,
      A vous, à nous tou·te·s mères, pères de tous nos enfants et de tous nos jeunes,
      A vous, à nous, adultes qui participons à faire grandir et à former les jeunes

      Partout en France, dans les universités et les équipes de recherche, enseignant·e·schercheur·e·s, doctorant·e·s, jeunes chercheur·e·s et étudiant·e·s se mobilisent contre le projet
      de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

      D’autres mobilisations ont lieu en même temps dans les secteur éducatif et culturel et dans les hôpitaux. Et des millions de voix s’élèvent depuis plusieurs mois contre la réforme des retraites.
      Les institutions du service public en charge de la transmission, du soin et du souci des autres, celles qui sont au service des plus jeunes, des plus âgés, ou des plus vulnérables, sont en
      colère : elles connaissent depuis plusieurs années une dégradation du service qu’elles sont censées rendre, à cause d’un #sous-financement chronique que les réformes actuelles,
      conduites au nom de #mesures_d'économies, de la #compétitivité, et de l’#optimisation vont
      accentuer.

      Pourquoi ce mouvement contre la « LPPR » ? Et pourquoi est-il essentiel de partager avec vous les raisons de cette mobilisation ?

      Une mise en cause obstinée de la mission de partage et de transmission aux plus jeunes par un sous-financement chronique et organisé de l’université publique

      Comme le souligne le site Sauvons l’université , une loi de Programmation 1 Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) serait en principe une bonne chose, s’il s’agissait d’un engagement
      financier de l’État sur plusieurs années. La France en a besoin : la recherche publique et l’enseignement des savoirs issus de la recherche sont des activités vitales pour les pays et les
      sociétés humaines.

      Or depuis quinze ans, et particulièrement depuis le vote en 2007 de loi dite « Responsabilité et autonomies des universités » (LRU) dont les effets délétères avaient pourtant été annoncés,
      les postes à l’université ont énormément diminué, alors que les étudiant·e·s sont de plus en plus nombreux et nombreuses. Cela a entraîné une dégradation des conditions d’apprentissage et de travail à l’université que vos enfants, les jeunes de ce pays, subissent, à nos côtés : locaux vétustes et parfois peu ou mal chauffés, intervenants peu ou pas payés et précarisés, difficultés croissantes à mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques originales et créatives en dépit du terme trompeur d’« autonomie » des universités, qualité de l’encadrement fragilisée, etc.
      Malgré un engagement de tous les jours auprès des étudiants, nous avons de plus en plus
      de difficultés à faire dignement notre métier d’enseignant.
      Cette dégradation s’est accompagnée de la mise en place d’un système de #sélection et d’orientation ubuesque, et que vous connaissez toutes et tous : la plateforme #Parcoursup. Vous
      et vos enfants êtes désormais pris dans un véritable parcours du « combattant » (figure valorisée par un pouvoir obsédé par la compétition), qui ne garantit pas aux étudiant·e·s de
      s’engager sereinement et intelligemment dans des études qui les mèneront à leur vie professionnelle. De leur côté, les enseignant·e·s-chercheur·e·s se retrouvent chaque année
      dans la situation absurde d’être obligés de « trier » des dossiers sans véritables critères justes.

      Au nom d’évidences indiscutables pour le pouvoir, et pourtant choquantes, il semble impossible d’accueillir plus d’étudiant·e·s. On nous dit qu’il faut faire barrage à ceux qui « n’y auraient pas leur place ». Pourquoi une conquête des politiques éducatives des années 1980 (amener 80% d’une classe d’âge au baccalauréat) est-elle devenue aujourd’hui pour les hommes et les femmes politiques une sorte de scandale irréaliste ? Pourquoi des politiques publiques pensées et mises en oeuvre après la seconde guerre mondiale, dans des conditions difficiles dans un pays appauvri et qui ont permis l’accès de la population et notamment des plus jeunes à la santé, à la justice, à l’enseignement et la formation, deviennent-elles soudain impensables et déraisonnables ? Pourquoi enfin l’une des premières puissances économiques mondiales, qui a été capable d’injecter en quelques jours des milliards dans son système bancaire quand celui-ci était en
      difficulté, qui a pu dégager des milliards de crédits d’impôts au bénéfice des entreprises, rechigne-elle tant désormais à utiliser sa richesse pour sa jeunesse, en finançant comme il se
      doit ses universités et ses institutions éducatives et culturelles ?
      Le #mépris dans lequel le pouvoir actuel tient l’université publique, et ce faisant une partie de nos jeunes, est extraordinairement choquant. Il est intolérable car il signifie que nous ne faisons plus société collectivement, et que nous sommes prêt·e·s à spolier certain·e·s au bénéfice d’une petite partie. Une grande part de la richesse publique est dissipée dans des crédits d’impôts qui ne servent plus fondamentalement les besoins essentiels des populations.
      Et l’accroissement des inégalités et les gains indécents des actionnaires sont devenus tels que des hauts fonctionnaires, des cadres, et certains millionnaires en viennent à soutenir les
      mobilisations en cours, refusant d’être les bénéficiaires de politiques qui se font au prix du mensonge et de l’indignité.

      Les diagnostics des « experts » et le projet de réforme : ce qui ne va pas du tout !

      Les experts qui sont à l’origine du projet de réforme font un diagnostic que les enseignant·e·s-chercheur·e·s partagent en partie : la recherche manque d’argent, et les enseignant·e·s-chercheur·e·s sont mal payé·e·s. Ils ajoutent à cela un discours inquiétant, voire décliniste, sur la position de la recherche française et des universités à l’international, parlant « d’#urgence à agir » et de lutte contre « le #décrochage_scientifique ». Une telle situation exige à leurs yeux la refonte de fond en comble de la recherche et des universités, en conditionnant les financements à des logiques productivistes, de compétition, et en obéissant à des principes « managériaux » permettant de « piloter » la recherche d’en haut, via de grands projets aux thématiques imposées.

      Pourquoi sommes-nous opposé.e.s à leurs propositions ?

      Contre les logiques productivistes et de compétition à tout va

      Les auteurs d’une tribune récente dans Le Monde rappellent les résultats indiscutables de l’évaluation statistique des politiques publiques : la quantité de publications scientifiques est proportionnelle à l’argent investi dans la recherche, elle est pratiquement insensible aux réformes structurelles. Or pendant les quinze dernières années, l’effort financier s’est concentré sur une niche fiscale, le crédit d’impôt recherche, destinée à contourner l’interdiction européenne des aides publiques directes aux entreprises. L’évaluation officielle qui en a été faite montre que même son effet sur l’investissement privé est négatif. On
      appauvrit pour rien l’institution publique universitaire.

      Nous savons par ailleurs que la logique productiviste et la compétition forcenée sont destructrices des coopérations, des collectifs et des individus, et n’ont plus de sens face à l’imminence des transformations environnementales massives qui impacteront vos enfants, nos enfants.

      Nous ne cessons de lire et d’entendre que les mesures d’économies se font pour ne pas léguer des dettes aux générations futures. Mais nous privons la recherche et l’enseignement des moyens de s’adapter aux priorités vitales, de créer, et d’expérimenter dans un monde abimé qui doit rester habitable et riche d’avenirs possibles pour notre jeunesse. La recherche, réduite à la vision qui inspire le projet de réforme, aveugle et enferme plus qu’elle n’éclaire et émancipe.

      Contre la logique managériale et le « #pilotage » d’en haut

      Nous l’avons dit : non seulement l’Etat ne donne pas les moyens aux enseignant·e·scherheur·e·s de mener à bien leurs missions de service public, mais il les pointe du doigt, dénonçant leur manque de productivité et de compétitivité.

      Nous tenons d’abord à dénoncer le procédé qui est désormais bien connu et qui s’applique aussi à l’hôpital : les institutions sont entravées, les dysfonctionnements sont dénoncés, et les entreprises privées désignées comme étant plus efficaces. Une telle attitude repose sur une foi déraisonnable dans les vertus d’un management particulièrement virulent quand il s’agit de « transformer » une organisation, toute opposition étant qualifiée de « résistance au changement ». C’est ce qui s’est passé à #France_Télécom, avec les effets humains désastreux que vous connaissez. Nous refusons cette situation dans laquelle nous sommes placé·e·s, et tenons à affirmer que nous « ne résistons pas au changement » comme il est courant d’entendre dire. Nous résistons à ce changement et, en dépit de toutes les difficultés, ce que nous voulons c’est une université ouverte à l’ensemble des étudiant·e·s, autonome, gratuite et
      où l’#esprit_critique se cultive ; une université où les étudiant.e.s se forment à un métier et trouvent ainsi leur place dans la société, où ils et elles peuvent aussi transformer celle-ci à partir de leurs aspirations ; une université où l’on apprend à observer et à analyser le monde et à faire en sorte qu’il soit habitable et qu’il le redevienne pour celles et ceux qui en sont exclu·e·s ; une université, enfin, qui rayonne.

      Les rapports préparatoires à la loi proposent pour leur part un management de la recherche sur projets, ceux-ci décidés « en haut », participant d’une concentration du pouvoir au niveau de l’État que l’on observe dans de nombreux domaines depuis plusieurs années. Mais là encore, si notre gouvernement souhaite une recherche puissante, il doit laisser aux chercheur·e·s de
      l’autonomie et de la liberté, une autonomie et une liberté que le monde académique encadre lui-même puisque nous ne cessons d’évaluer les travaux de nos confrères et consoeurs, et d’être évalué.e.s par eux et elles.

      Et nos étudiant·e·s dans tout ça ? Et l’enseignement ? Les grands absents… à moins que…

      Les rapports préparatoires à la loi ne se préoccupent nullement de la qualité de l’enseignement délivré aux étudiant·e·s. Cela semble indifférent aux experts qui les ont préparés, obnubilés par la productivité et la compétition internationale où seule la recherche compterait.

      Pire encore, un élément important de la réforme trahit une indifférence à la jeunesse : alors que les universitaires sont à la fois chercheurs et enseignants, et qu’ils et elles ne conçoivent pas de séparation entre ces deux activités, la réforme prévoit d’alourdir les charges d’enseignements de certain·e·s, l’enseignement devenant une sorte de #punition, pour permettre aux « meilleur·e·s » de se consacrer à leurs recherches. C’est là une vision de
      l’enseignement qui nous scandalise, et qui trahit une méconnaissance totale de ce qui fait la force et la spécificité de l’université : l’imbrication étroite de la recherche et de l’enseignement qui permet d’enseigner des savoirs régulièrement mis à jour, et non des connaissances statiques, périmées ou figées dans des programmes édictés par des bureaucrates.

      Enfin, nous sommes en droit de nous demander si cette réforme, qui risque d’accentuer et d’encourager un monde universitaire à plusieurs vitesses, ne mènera pas au développement de formations universitaires payantes (plus ou moins chères selon le rang de l’université) et au développement du crédit aux étudiants.

      Réfléchir et assumer ce que nous voulons collectivement pour notre jeunesse
      Alors, que souhaitons-nous pour l’université ? Nos propositions, constamment réitérées et jamais entendues par le gouvernement, nous voulons les partager avec vous, car nous avons l’espoir que nous pouvons tous et toutes agir en tant que parents de l’ensemble de la jeunesse.

      Signalons pour commencer que tout n’a pas à être détruit dans notre système : en dépit d’un discours de dévalorisation permanente de l’ensemble du système éducatif et universitaire français, fondé sur la conviction idéologique absurde qu’un secteur public non compétitif ne peut être de même niveau qu’un secteur soumis à la concurrence, le modèle universitaire français continue de fonctionner et d’attirer des jeunes du monde entier. De nombreux collègues et étudiants de pays supposés être « en avance » dans la réforme nous demandent de résister au démantèlement de notre espace universitaire qui reste ouvert, même s’il a été profondément altéré depuis 15 ans. Il conserve encore des potentialités de régénération que nous avons le devoir de maintenir :

      1. L’université accueille et doit continuer d’accueillir un public nombreux, aux caractéristiques socio-culturelles diverses. Il s’agit d’un service public d’enseignement ouvert à toutes et tous, et gratuit et nous devons absolument aller vers un accès encore plus ouvert même si des formations ou filières sont plus sélectives que d’autres. L’université soit s’enrichir de la diversité sociale et culturelle, et non courir le risque de s’aligner sur la médiocrité déjà souvent constatée d’une « élite » sociale internationale insensible, peu créative, et nourrie par les idéologies du management et par des clichés dépassés sur les
      sociétés et sur l’environnement. Nous souhaitons préserver les valeurs d’un service public ouvert à toutes et tous, combattant les inégalités au lieu de les exacerber.

      2. L’université doit être pensée à l’échelle des générations et non par rapport à des impératifs du seul marché. Aligner la définition des thématiques prioritaires à l’agenda industriel - notamment celui des industries américaines du Web qui posent de graves problèmes juridiques, éthiques, environnementaux - ne permet pas à la recherche d’être en phase avec ce qui se passe. La recherche ne peut pas se donner les moyens d’appréhender la société actuelle si elle est financée par des gens qui ne considèrent qu’une infime de partie de
      cette société. L’université transmet des savoirs sur le long terme qui ne se laissent pas réduire à des statistiques de réussite. Les étudiant·e·s en ressentent les bénéfices parfois des années après avoir reçu leur diplôme et après avoir intégré le monde professionnel.

      3. L’université est un lieu d’émancipation. La société doit se nourrir des aspirations de sa jeunesse et non lui demander de sacrifier celles-ci. Pour cela, l’université doit se réformer, surtout pas dans le sens d’un accroissement de la hiérarchie et de la bureaucratie managériale, mais dans le sens d’un accroissement des libertés d’expérimenter, car la pensée ne peut pas engendrer de nouvelles idées lorsqu’elle se trouve prise dans des carcans normatifs et idéologiques.

      4. Les études universitaires sont un temps de découverte, d’ouverture sur le savoir et, plus largement, sur le monde, qui devrait bénéficier à toutes et tous : à celles et ceux qui font des études, à celles et ceux qui contribuent à la production des savoirs, à celles et ceux qui comptent sur les savoirs. Ce que nous reconnaissons être essentiel pour les plus jeunes enfants vaut pour l’ensemble des étapes de la vie. Nous savons tous, en tant que parents et
      enseignants que le renforcement des inégalités par la mise en concurrence permanente ne donne rien de bon. C’est une volonté commune d’aller vers la #coopération qui est à la base de nos efforts éducatifs Or, face aux crises que nous vivons, il est temps de prendre au sérieux, enfin, la coopération, trop souvent reléguée au monde domestique ou non productif.

      5. Les universités sont ancrées dans des territoires. Elles dépendent non seulement des activités des enseignant·e·s, des chercheur·e·s et des étudiant·e·s mais aussi de dizaines, de centaines, des milliers de personnes qui y interviennent : enseignant·e·s vacataires, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, et personnels administratif, dont certains sont mal payés, et parfois même ne sont pas payés. Ces personnels sont celles et ceux qui accueillent, nettoient,
      réparent, entretiennent nos établissements publics. Il y a également celles et ceux qui, par dizaines, par centaines, par milliers, aident d’une manière ou d’une autre à la production des savoirs publics et à leur diffusion, et contribuent aux milliers d’enquêtes, à des productions culturelles, à la transmission, à des expérimentations pédagogiques. Nous souhaitons que ces contributions, ces liens, ces partages, soient reconnus, et qu’ils soient structurants : ces liens et partages sont masqués au profit d’une représentation tronquée de la recherche et de l’université, comme étant uniquement affaire de spécialistes.

      Chers membres de la communauté des parents, chers adultes, nous sommes collectivement responsables des enfants et des jeunes. Les universités peuvent vous sembler lointaines, elles peuvent vous sembler complexes, mais elles sont essentielles pour l’avenir de nos jeunes et elles sont publiques. Merci de les aider. Ne laissons pas la politique actuelle devenir une machine à désespérer et à dépouiller les générations futures de l’intérêt général du service public. Soutenez la mobilisation des universités, soutenez la mobilisation de l’ensemble du
      système éducatif, soutenez la mobilisation de toutes les institutions de service public : éducation, recherche, culture, santé, soin, justice. Nous en avons hérité collectivement, nous devons les transmettre. Manifestez avec nous, rejoignez les mouvements de parents en soutien aux enseignants et à leurs enfants mobilisés. Ecrivez à vos élus, prenez la parole et la plume pour défendre une université et une recherche au service de l’intérêt général, pour défendre plus largement tout ce que nous devons transmettre à nos jeunes : sans vous, sans le soutien du public, cet héritage disparaîtra.

      Le 29 janvier 2020,
      Douze enseignants-chercheurs (Cergy, Université Polytechnique des Hauts de France, Lille,
      Paris-Diderot, Paris 13, Sorbonne Université - CELSA & INSPé, Paris 8, Sorbonne Nouvelle-
      Paris 3).

      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents
      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents

    • Motion de la coordination des facs et Labos en lutte - 2 février 2020

      Calendrier voté en AG :
      – 5 février : journée d’anniversaire de la mobilisation + journée de la fonction publique
      – 6 février : journée interpro
      – 11 février : journée de mobilisation sur la précarité (a l’appel des précaires)
      – 17 février : journée interpro
      Entre le 17 février et le 5 mars : mobilisations sur toutes les journées interpro
      – 5 mars : première journée "l’université et la recherche s’arrêtent"
      – 6 et 7 mars : coordination nationale
      – 8 mars : des cortèges ESR dans les mobilisations et les grèves féministes

      La coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis, aux côtés d’autres secteurs en lutte, a rassemblé plus de 750 étudiant·es, enseignant·es et/ou chercheur·es appartenant à 82 disciplines, ingénieur·es, membres des personnels administratifs, techniques, sociaux, de santé et des bibliothèques (BIAT.O.SS, IT.A), précaires ou titulaires, venu·es de nombreux établissements d’Île-de-France et de 33 autres agglomérations, ainsi que de 5 pays étrangers.

      Dans la continuité du mouvement interprofessionnel initié le 5 décembre, la coordination appelle à la grève contre la casse des retraites, la réforme de l’assurance chômage, la sélection à l’université (ParcourSup), l’augmentation des frais d’inscription et en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (Bienvenue en France), la réforme de formation des enseignant·es, et le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), qui, dans l’esprit de la Loi de Transformation de la Fonction Publique de 2019, va achever la destruction du service public de l’enseignement et de la recherche. Nous savons que ces logiques néolibérales ne sont pas propres à notre secteur. Elles frappent avec violence tous les secteurs publics et s’intensifient dans les secteurs privés : mise en concurrence systématique, sur-travail et travail gratuit, dérives managériale et autoritaire, perte de sens du métier et de son utilité sociale, maltraitance et souffrances des agent·es comme des usager·es, course à la rentabilité, recul de la solidarité, précarisation, bureaucratisation, répression, division internationale inégalitaire du travail scientifique, discrimination selon le genre, la classe, la race, le handicap, la nationalité, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, etc. La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail, d’étude et de vie, qui touchent les acteurs et actrices du privé comme du public, affectent d’ores et déjà le monde universitaire.

      En effet, l’université et la recherche reposent aujourd’hui sur le travail gratuit, l’exploitation et l’invisibilisation d’un ensemble de travailleur·ses : membres du personnel d’entretien, de sécurité, de restauration, dont les tâches sont massivement sous-traitées ; membres du personnel technique et administratif ; soignant·es et travailleur·ses sociales·aux ; étudiant·es ; doctorant·es et post-doctorant·es, vacataires d’enseignement et de recherche. Ici comme ailleurs, cette précarité, qui touche prioritairement et plus durement les personnes appartenant à des groupes discriminés, peut se traduire par le mal-logement et la malnutrition, le manque d’accès aux soins et aux produits de première nécessité, la mobilité forcée, des souffrances psychiques (burn out, dépression, anxiété, etc.).

      Malgré les déclarations d’intention, cet ensemble de réformes n’offre aucune solution à cette précarité généralisée mais, bien au contraire, l’aggrave. La réforme des retraites, dans un milieu marqué par des carrières tardives et hachées, viendrait prolonger ces situations de précarité après l’arrêt de l’emploi. Avec la réforme de l’assurance-chômage, qui cible les contrats courts, les précaires de l’enseignement et de la recherche voient leur situation s’aggraver. La Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) en préparation dégraderait les statuts et les conditions de travail (CDI-chantier, tenure track, généralisation du financement sur appel à projets…). La sélection à l’entrée et l’augmentation des frais d’inscription à l’université détérioreraient encore davantage les conditions d’étude et de vie des étudiant·es, en particulier étrangèr·es.

      Contre cette vision néolibérale et autoritaire, contre la marchandisation des savoirs, nous voulons un véritable service public d’enseignement et de recherche, intégré à une éducation publique de qualité de la maternelle à l’université, financé à la hauteur de ses besoins grâce à un plan d’investissement massif jusqu’à 1% du PIB pour la recherche publique. Contre la prolifération des emplois précaires, nous voulons un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires. Contre la précarité étudiante, nous voulons la mise en place d’un salaire étudiant. Contre l’extractivisme scientifique et la colonialité de la recherche et de l’enseignement, nous voulons des relations scientifiques et universitaires fondées sur le partage et la co-construction des savoirs ainsi que sur la libre circulation des personnes. Contre la compétition généralisée, les logiques d’exclusion et de discrimination, nous voulons une université ouverte à tout·es, fondée sur la coopération, productrice d’émancipation collective et de justice sociale.

      Jusqu’au retrait de l’ensemble de ces réformes, nous continuerons la lutte aux côtés de nombreux autres secteurs, en nous mobilisant au sein de l’enseignement et de la recherche, comme dans les actions interprofessionnelles. Nous condamnons absolument les violences policières et la répression qui s’abattent sur les mouvements sociaux, comme elles frappent déjà constamment les personnes les plus précarisées et les plus discriminées. Face à l’obstination et à la violence du gouvernement, nous appelons à poursuivre et étendre la grève reconductible dans l’enseignement et la recherche !

      Cette motion est adoptée à l’unanimité des votant·es, avec trois abstentions.

      La coordination nationale appelle à la tenue d’assemblées générales locales (de laboratoires, de départements, d’UFR et d’universités ; de catégories d’usager·es et de travailleur·ses) afin d’organiser la grève notamment grâce aux modalités d’action suivantes.

      Voici la liste des différentes propositions d’action issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Mise en place d’une grève réelle et effective :

      – Bloquer et dénoncer toutes les sanctions pédagogiques et disciplinaires ainsi que les pressions hiérarchiques contre les lycéen·nes, étudiant·es et travailleur·ses mobilisé·es.
      – Mettre fin aux heures complémentaires pour tou·tes les travailleur·ses titulaires.
      – Se réunir en rencontres inter-catégorielles, inter-disciplinaires, inter-composantes, inter-labos pour discuter de la mobilisation.
      – Appeler les travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche titulaires à :
      ne plus donner cours pour libérer à tou·tes du temps pour la mobilisation
      refuser d’organiser les partiels en modifiant si nécessaire les règles de contrôle des connaissances.
      pratiquer la rétention des notes et cesser toute forme d’évaluation.
      cesser la remontée des maquettes.
      refuser de participer aux jurys semestriels.
      cesser toute activité de recherche (terrains, expériences, traitements de données, rédactions…).
      interrompre l’activité des revues scientifiques.
      annuler l’organisation ou la participation à tous les événements et réunions scientifiques.
      suspendre jusqu’à nouvel ordre tout appel à communication ou à contribution.
      n’assurer le travail d’encadrement de la recherche qu’en réponse à des demandes explicites des étudiant·es ou des doctorant·es concerné·es.
      refuser de recruter des vacataires pour la prochaine rentrée.
      refuser tout contrat LRU, CDI chantier, contrat trop court et vacations abusives ; exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme.
      participer à l’alimentation des caisses de grève, notamment en reversant des jours de salaire lorsqu’ils ne sont pas prélevés.
      bloquer ParcourSup.
      refuser de participer aux corrections et aux jurys du baccalauréat et de tous les concours de l’Éducation Nationale.
      arrêter de gérer les contrats.
      boycotter et démissionner des systèmes d’évaluation (HCERES, ANR, etc.).
      démissionner des responsabilités collectives.
      Actions de pression et de visibilisation :

      – Envoyer massivement des articles aléatoires aux revues prédatrices.
      – Fabriquer un mini-mémo avec les droits et l’explication des réformes.
      – Faire des séances de mobilisation avec les étudiant·es.
      – Faire signer un contrat d’engagement individuel à tout arrêter.
      – Signer les publications « Université publique » ou « Service public de l’enseignement et de la recherche ».
      – Facturer le temps de travail pour l’ANR et l’envoyer à l’ANR.
      Pour une mobilisation interprofessionnelle :

      – Organiser et animer des universités ouvertes et populaires permanentes.
      – Rejoindre et participer activement aux actions interprofessionnelles.
      Pour une mobilisation inclusive et solidaire :

      – Mener des actions juridiques et solidaires des travailleur·ses et étudiant·es étrangèr·es de l’enseignement et de la recherche.
      – Mener des actions juridiques et solidaires des réprimé·es du mouvement social.
      – S’opposer aux contrôles des titres de séjours des étudiant·es dans les universités.
      – Dénoncer toutes les discriminations dans les procédures de recrutement en France.

      La coordination nationale appelle également à ce que les assemblées générales locales se prononcent collectivement sur les revendications suivantes pour mandater sur ces points des délégué·es à la prochaine coordination nationale des Facs et Labos en Lutte qui se tiendra les 6 et 7 mars 2020.

      Voici la liste des différentes propositions de revendications issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Le retrait des réformes et des projets de réforme suivants :

      – Réforme des retraites.
      – Réforme de l’assurance chômage.
      – Sélection à l’université (ParcourSup).
      – Augmentation des frais d’inscription, en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »).
      – Projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR).
      – Loi de Transformation de la Fonction Publique.
      – Réforme de la formation des enseignant·es.
      Pour un monde de la recherche et une université égalitaires et non-discriminantes :

      – Mettre un terme aux discriminations dans les recrutements et instaurer l’égalité dans les rémunérations et les responsabilités.
      – Abroger les critères de nationalité dans l’accès aux études, aux postes et aux financements.
      – Garantir à tou·tes les étudiant·es étrangèr·es le droit d’étudier en sécurité administrative et juridique (renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée des études).
      – Garantir à tou·tes les chercheur·ses étrangèr·es un visa.
      – Imposer le respect effectif du droit à utiliser un prénom d’usage.
      – Développer les programmes d’accueil des étudiant·es et chercheur·ses en danger dans leurs pays de résidence.
      – Avoir dans toutes les instances de décision des représentant·es de tou·tes les membres de l’enseignement et de la recherche (précaires, étudiant·es, etc.).
      – Appliquer des sanctions réelles contre les personnes coupables de harcèlement sexuel et/ou moral.
      – Mettre en place des crèches gratuites dans les universités et les établissements de recherche.
      – Recruter des soignant·es et des travailleur·ses sociales·aux.
      Pour l’amélioration des conditions de travail et d’étude dans l’enseignement et la recherche :

      – Une université gratuite pour tou·tes et ouverte à tou·tes.
      – Le respect du droit du travail.
      – La rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les travailleur·ses administratif·ves, techniques et ingénieur·es (BIAT.O.SS et ITA), les enseignant·es et/ou chercheur·ses non-titulaires, les étudiant·es.
      – La revalorisation immédiate des bourses étudiant·es et la mise en place d’un salaire étudiant pour toutes et tous.
      – L’arrêt de la sous-traitance et la réintégration des services externalisés dans nos établissements.
      – La revalorisation des grilles de salaires de toutes les catégories de travailleur·ses et l’augmentation du point d’indice (gelé depuis 10 ans avec un retard de 17%).
      – L’alignement immédiat des salaires des non-titulaires sur ceux des statutaires.
      – Un plan massif de recrutement et de titularisation dans toutes les catégories de travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche, sur statut de fonctionnaire avec respect des grilles salariales.
      – La titularisation de tou·tes les contractuel·les et vacataires employé·es sur des fonctions pérennes.
      – L’alignement des primes sur le reste de la fonction publique pour toutes les catégories de travailleur·ses et la transformation des primes en rémunérations pérennes.
      – La fin des primes au mérite.
      – Le dédoublement systématique des TD à partir de 30 étudiant·es.
      – Une vraie formation continue à la pédagogie (avec un temps de travail réservé à cela) pour tou·tes les enseignant·es.
      – Le passage à 128h d’enseignement en présentiel pour les enseignant·es, afin de dégager du temps pour l’encadrement des étudiant·es, la réflexion sur la pédagogie et la recherche ainsi que pour partager le travail entre plus de titulaires.
      Pour une redistribution égalitaire des budgets de la recherche :

      – La suppression du Crédit impôt recherche.
      – La suppression de l’ANR.
      – La suppression de l’HCERES.
      – La suppression de l’IUF.
      – L’arrêt des Idex, Labex et autres structures « d’excellence ».
      – La garantie que chaque instance de financement soit composée à majorité d’élu·es.
      – La redistribution égalitaire des budgets des différentes agences, pour arriver à 14 000 euros par an et par travailleur·ses.
      – La gestion collective dans les laboratoires de l’ensemble des financements.
      – Le refus de la logique d’évaluation individuelle généralisée, notamment pour les BIAT.O.SS et ITA qui y sont déjà soumis.e.s.
      Pour un service public de la publication de la recherche :

      – Refuser la bibliométrie comme outil d’évaluation.
      – Défendre la science ouverte et la libre diffusion des travaux de recherche.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8631

    • « On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs »

      Le sénateur communiste #Pierre_Ouzoulias, chercheur de profession, porte un regard acéré sur la politique du gouvernement pour la recherche. Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Depuis un an maintenant, le milieu académique attend la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) promise par le gouvernement. Mais, à part des prises de paroles polémiques, les seules annonces concrètes pour le moment concerne le déblocage de 118 millions d’euros pour revaloriser les primes de tous et les salaires des derniers recrutés. La loi elle-même devait être ambitieuse et présentée en Conseil des ministres en février. Elle risque d’être réduite (une dizaine d’articles) et repoussée au printemps.

      Pour le sénateur communiste et ancien chercheur Pierre Ouzoulias, ces atermoiements sont « une forme de mépris ». Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Le contour de la LPPR reste très flou, alors qu’elle a été annoncée il y a un an. Aux dernières nouvelles, elle devrait être repoussée. Que vous inspire cette séquence ?

      Je ne suis même pas sûr qu’il y ait une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Le Sénat n’a jamais été informé qu’il serait susceptible de se saisir de ce texte avant la fin de la session parlementaire en juin. Cela repousse l’étude de ce texte à l’automne. Or il me semble politiquement compliqué de débattre en même temps d’une loi de programmation et du budget pour 2021… Tout ceci démontre de la précipitation, de l’improvisation et, au final, une forme de mépris pour la communauté scientifique et universitaire.
      Dans son avis très commenté sur la réforme des retraites, le Conseil d’Etat a notamment critiqué le fait de prévoir une loi de programmation pour compenser la perte de retraite des fonctionnaires. Le salaire des chercheurs va-t-il est revalorisé ?

      Cet épisode montre encore une forme d’improvisation totale. Le dossier n’est pas géré. Cela fait deux ans que l’on parle de revalorisation du salaire des chercheurs. Aujourd’hui, on parle aussi de compensation en raison du projet de réforme des retraites. Clairement, les collègues craignent d’avoir une compensation mais jamais de revalorisation. Pourtant, tout le monde est d’accord pour dire que les salaires dans la recherche publique sont trop bas.

      La ministre a annoncé une revalorisation des salaires des entrants. Que savez-vous d’autre sur le sujet ?

      Nous sommes dans le flou. Est-ce que c’est la grille des salaires qui va être revalorisée ? Ou bien cette hausse passera-t-elle par des primes ? Et si c’est le cas, seront-elles dépendantes de la future évaluation que le gouvernement veut mettre en place ? Il faut que la ministre sorte du bois et donne à lire son projet. La seule chose que nous savons au Sénat, c’est que cette loi ferait une dizaine d’articles. Cinq pour la compensation des retraites et cinq autres pour le reste. Mais cela est faible et très loin des ambitions montrées au début par le Premier ministre et le président de la République…

      Le réel moment de vérité sera le budget 2021. En trois ans, le gouvernement n’a jamais fait un effort spécifique en direction de la recherche. Je ne crois pas que leur dernière année budgétaire pleine soit suffisante pour réaliser un rattrapage budgétaire conséquent. Si le sujet était vraiment primordial pour eux, ils s’y seraient pris plus tôt.
      La politique du gouvernement sur la recherche ne passe pas uniquement par la LPPR. Que retenez-vous de son action ?

      Un dispositif mis en place par la loi Pacte est passé un peu inaperçu. Il permet aux chercheurs de créer une entité privée pour abriter une partie de leurs activités. Il s’agit d’une transformation des dispositifs mis en place par les lois Allègre. J’ai lu les rapports de la Cour des comptes sur ces dispositifs. Ils sont peu utilisés par les chercheurs. Ils ne veulent pas échapper aux règles de la fonction publique, ils veulent du temps et des moyens pour mener leurs travaux.
      Ce n’est pas ce que dit le gouvernement qui veut contourner les concours de recrutement et créer des postes de chercheurs en CDI.

      Je pense que ce gouvernement ne s’est pas posé certaines questions essentielles. Le concours de recrutement au CNRS est un concours hautement international. Des personnes du monde entier postulent, alors même que les salaires ne sont pas mirobolants et les conditions de travail se dégradent. Pourquoi ? J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.
      Même si le projet n’est pas complètement présenté, on voit des réactions fortes de la communauté universitaire contre cette loi (lire ici ou ici). Est-ce que le gouvernement a peur, avec cette loi, d’ajouter un conflit universitaire au front social ?

      Oui je pense. Le projet esquissé par ce gouvernement est dans la droite ligne de ce qui se fait depuis dix ans avec Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso. Si les collègues réagissent fortement, c’est parce qu’ils voient bien cette continuité. Continuité dans la précarité, continuité dans l’idée que l’excellence naît de la concurrence. Tout ceci est délétère pour la recherche. Les récents prix Nobels et médaille Fields que la France a reçus, comme celle de Cécric Villani, sont les fruits du système mis en place dans les années 80. C’est ce système que l’on veut casser.
      On a entendu aux 80 ans du CNRS Emmanuel Macron parler de l’évaluation des chercheurs…

      Les chercheurs crèvent sous les évaluations. C’est sans fin ! Ce qui est vécu comme une injustice, c’est l’écart entre les évaluations auxquelles sont soumis les chercheurs et la faiblesse de l’évaluation du Crédit impôt recherche, qui s’élève tout de même à 6,5 milliards d’euros.

      Ceci dit, on voit une fronde s’élever contre l’évaluation. On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs. Une règle d’or académique postule que l’on soit évalué par ses pairs. S’ils décident de ne pas participer aux évaluations, le système s’effondre.

      Quelles sont vos propositions pour la recherche française ?

      Je pense qu’il existe un consensus autour de quelques points. La science française est en danger. Les salaires sont trop bas et les conditions de travail ne sont pas bonnes. Il faut augmenter la part du PIB consacrée à la recherche. Si nous ne le faisons pas, nous allons décrocher par rapport à nos voisins allemands notamment. Nous sommes un des rares pays où le nombre de doctorant diminue alors même que le nombre de bacheliers augmente. C’est un très mauvais signe. Il faut un engagement budgétaire fort.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • La Présidente de l’UT2J #Toulouse, porte-parole de la mobilisation

      Lundi 3 février, 17h24

      Cher·ère·s collègues,
      Cher·ère·s étudiant·e·s,

      Le texte du projet de Loi de programmation pluriannuelle de programmation de la recherche, annoncée par le gouvernement, n’est pas encore connu, mais les rapports préparatoires ont déjà été publiés, soulevant des interrogations et des inquiétudes fortes chez l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche au niveau national. Au sein de notre université, des réactions nombreuses se sont exprimées, dans différents cadres, unanimes dans leur rejet d’un grand nombre de propositions contenues dans les rapports.

      En tant que présidence, nous réaffirmons que la vision de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous portons et que nous déployons au sein des instances de l’UT2J ne correspond pas aux perspectives tracées par les rapports préparatoires au projet de loi.

      Notre vision de la recherche ne cherche pas à accélérer la concurrence entre unités de recherche ou entre chercheur·e·s ; elle n’a pas pour objectif d’allouer les ressources sur la base d’une évaluation surplombante et discriminante ; elle ne vise pas à affaiblir le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s et à accentuer la précarité. Dans un contexte budgétaire et d’emploi de plus en plus contraint, nous cherchons à préserver et soutenir les collectifs de recherche que sont les unités de recherche qui constituent le terreau des activités scientifiques, à leur apporter des moyens (dotations récurrentes, services mutualisés développés par la DAR, personnels d’appui, accompagnement des études doctorales, etc.), à veiller, autant que possible, à l’équilibre entre les aspirations et projets individuels et la nécessaire implication dans la formation et les responsabilités administratives collectives. Nous partageons le refus exprimé par les communautés scientifiques de dispositions qui viendraient aggraver la précarisation et l’insécurisation, remettre en question le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s, accentuer la mise en concurrence par une allocation des ressources financières faisant prévaloir la logique des appels à projets au détriment des dotations pérennes.

      Concernant la précarité, l’UT2J travaille depuis plusieurs années à améliorer ce qui relève de son pouvoir, particulièrement l’amélioration du processus de traitement des rémunérations. Nous entendons poursuivre cet effort pour sécuriser davantage les conditions de vie et de travail des personnels concernés. Cela suppose que nous engagions aussi une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes pour réfléchir à nos pratiques et à nos modes d’organisation et pour explorer les pistes qui permettraient de limiter la précarité de certains emplois dans l’ensemble de nos activités.

      Dans l’attente que soit rendu public le texte de loi, nous relaierons, tant auprès du ministère que de la CPU, les différentes prises de position afin que soient entendues les craintes exprimées, mais aussi l’attachement de notre communauté aux principes qui fondent le service public d’enseignement et de recherche. Par ailleurs, notre université prendra part, selon des modalités qui restent à définir, à la journée « L’université et la recherche s’arrêtent » prévue le 5 mars prochain.

      Cordialement,

      Pour la Présidence,
      #Emmanuelle_Garnier

      https://academia.hypotheses.org/10895
      #Université_Toulouse_Jean_Jaurès #Université_de_Toulouse

    • Misère des universités et universités de la misère

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen·ne·s et les étudiant·e·s.

      Novembre 1997. L’Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche (ARESER) publie un ouvrage auquel de nombreux universitaires et chercheur-e-s-ont participé[1]. Parmi eux, Pierre Bourdieu qui, avec l’historien Christophe Charle et le sociologue Bernard Lacroix, a coordonné cette publication. Les diagnostics établis sont graves et, déjà, révélateurs de la situation alarmante des universités Sous-investissement chronique de la puissance publique, manque d’encadrement des étudiant-e-s en particulier en sciences humaines et en droit ce qui a notamment pour conséquence un taux d’échec élevé en premier cycle dont sont victimes les personnes socialement et culturellement les plus fragiles, démoralisation des enseignants toujours plus absorbés par des tâches administratives multiples[2] et incapables d’accomplir dans de bonnes conditions les missions d’enseignement et de recherche qui sont les leurs, opacité des mécanismes de recrutement des enseignants-chercheurs et « poids croissant du localisme » auxquels s’ajoute une « concurrence » exacerbée « pour des postes raréfiés » en raison de restrictions budgétaires et d’une politique malthusienne qui ne s’est jamais démentie.

      Et les auteurs de rappeler ce paradoxe singulier. Alors que l’éducation et la scolarité des enfants sont des préoccupations majeures des familles dans un contexte de chômage de masse et de longue durée, de même la poursuite des études supérieures après l’obtention du baccalauréat, les responsables politiques ne s’inquiètent de l’état des universités, de la situation des étudiant-e-s, de celle des personnel-le-s administratifs et des enseignant-e-s qu’à l’occasion de mobilisations significatives et/ou de difficultés financières d’une particulière gravité en alternant mesurettes élaborées dans la précipitation pour rétablir le calme et poursuite des politiques de « rigueur. »

      Vingt-trois ans plus tard, la situation n’a cessé d’empirer et ce quels que soient les majorités à l’Assemblée nationale, les gouvernements en place et les présidents. Le quinquennat de François Hollande l’a confirmé. Qui se souvient des diaphanes secrétaires d’Etat à l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso d’abord, Thierry Mandon ensuite, et de leurs actions significatives en faveur des universités ? Après avoir servi avec docilité le fossoyeur en chef de la majorité présidentielle et du Parti socialiste, ils ont, comme beaucoup d’autres, disparu corps et bien avec la débâcle politique que l’on sait. A droite comme au sein de la défunte gauche gouvernementale, nonobstant de menues oppositions rhétoriques sans grandes conséquences pratiques, le budget de l’enseignement supérieur est depuis longtemps une variable d’ajustement toujours conçue comme une dépense, jamais comme un investissement à long terme exigeant une constance certaine dans l’allocation des ressources financières et humaines afin de bâtir des universités capables d’assurer de façon optimale leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Aujourd’hui, les communicants affairés ont trouvé d’autres termes que celui de rigueur pour qualifier les orientations mises en œuvre. « Modernisation », « rationalisation » et désormais « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) présentée par le Premier ministre, Édouard Philippe pour, dixit les éléments de langage utilisés, « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens. » A charge pour Frédérique Vidal, la transparente ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de mettre en place « une vaste consultation de la communauté scientifique française » qui, selon elle, a déjà « imprimé en partie sa marque » sur ce projet. Après le soi-disant « Grand débat national » et la préparation de la loi sur les retraites, on sait ce qu’il en est des consultations présidentielles et gouvernementales : de grossières et bruyantes machineries prétendument démocratiques au service de l’imposition autoritaire des orientations décidées en haut lieu. Faire diversion, alimenter les medias et les bavards radiophoniques et télévisuels qui se pressent sur les plateaux, diviser autant qu’il est possible les forces en présence, tels sont les ressorts principaux de ces coûteuses mises en scène.

      Merci au président-directeur général du CNRS, Antoine Petit, d’avoir révélé ce que cache le ronflement sonore des formules précitées, et ce que trament Matignon et de Bercy, en se prononçant haut et fort en faveur d’une « loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » (26 novembre 2019). Lumineux mais très inquiétant. De tels propos permettent de comprendre ceci : pour les néo-libéraux engagés dans la destruction des services publics en général et dans celle de l’enseignement supérieur en particulier, la liberté signifie lutte de tous contre tous pour obtenir des fonds publics et privés afin de financer la recherche, et renforcement des liens universités/entreprises pour les établissements qui le pourront et qui bénéficieront ainsi de sommes très substantielles. En témoigne l’implantation souhaitée du groupe pétrolier Total sur le campus de l’Ecole polytechnique où il finance déjà, à hauteur de 3,8 millions d’euros, une chaire d’enseignement intitulée : « Défis technologiques pour une énergie responsable. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ceux qui tiennent les cordons de la bourse déterminent également le contenu des recherches et les usages qui en seront fait. Les ministres et les béni-oui-oui de la majorité présidentielle chantent les louanges de la « modernisation » et de la liberté retrouvée, il faut comprendre vassalisation et privatisation rampantes des activités de recherches, et paupérisation pour le plus grand nombre.

      Indignations subjectives ? Vérités objectives. A preuve. Combien de temps encore allons-nous tolérer la dégradation continue des universités de ce pays qui se trouve en huitième position pour les sommes consacrées à l’enseignement supérieur ? Rappelons que « la dépense intérieure d’éducation rapportée à la richesse a baissé de 7,7% à 6,7% entre 1996 et 2016. Cela veut dire que chaque année », la France « consacre une part moindre de sa richesse à la formation de la jeunesse. » (Sources Observatoire des inégalités et OCDE) Combien de temps encore allons-nous tolérer que 20 % les étudiant-e-s- et des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté soit 3,6% de plus qu’en 2002 ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que de 30 000 étudiant-e-s fréquentent les Restos du cœur faute de moyens financiers suffisants ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 13,5% des étudiant-e-s renoncent à des soins médicaux pour ne pas grever davantage leur budget ? Combien de temps encore allons-nous tolérer les ravages de la sélection sociale dans les établissements d’enseignements supérieurs auxquels accèdent seulement 11% des enfants d’ouvriers alors qu’ils représentent 30% des jeunes âgés de 18 à 23 ans ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 46% des étudiant-e-s travaillent pendant l’année universitaire au risque de compromettre sérieusement leurs études [3] ? Combien de temps encore allons-nous tolérer des amphithéâtres surchargés et des taux d’encadrement des étudiant-e-s qui découragent les plus faibles et sont les causes des nombreux échecs en premier cycle ?

      Combien de temps encore allons-nous tolérer l’obscénité ajoutée à l’horreur lorsque la ministre Frédérique Vidal, à la suite de l’immolation d’un étudiant de 22 ans devant le Centre régional des œuvres universitaires (Crous) de Lyon le 8 novembre 2019, propose comme solution, pour celles et ceux qui sont confrontés à de graves difficultés financières, la mise en place d’un numéro d’appel, payant qui plus est ? L’auteur du présent article a donc téléphoné pour savoir ce qu’il en était et il a découvert ceci : les étudiant-e-s concernés sont renvoyés aux services sociaux déjà existants et simplement informés de leurs droits. Telle est donc la réponse de ce gouvernement au 130 000 étudiants en situation de grande précarité. Combien de temps encore allons-nous tolérer l’augmentation constante des précaires parmi le personnel administratif et enseignant, et la baisse continue du nombre de postes de titulaires pour les seconds (3650 postes ont ainsi été perdus entre 2012 et 2018) ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que des doctorants, au terme de leur contrat, utilisent leur allocation chômage pour achever leur thèse dans des conditions toujours plus difficiles ?

      Chacun-e- est libre de compléter cette liste qui n’est pas exhaustive, tant s’en faut. Derrière ces chiffres, il y a des dizaines de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes dont les espérances sont ruinées par cette politique qui transforme en destin social l’existence de ceux qui sont les moins préparés à affronter la massification et à la paupérisation de l’enseignement supérieur. Sordide et insupportable violence sociale et symbolique infligée aux plus démunis.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s. Ce sont de vos aspirations personnelles, universitaires et professionnelles dont il est question. La coordination des universités et des laboratoires en lutte a décidé de faire du 5 mars 2020 une journée de mobilisation nationale. Il est urgent de faire reculer ce gouvernement et le chef de l’Etat.

      O. Le Cour Grandmaison, université Paris-Saclay-Evry-Val-d’Essonne.

      [1]. ARESER, Quelques diagnostics et remèdes urgents pour une université en péril, Paris, Liber-Raisons d’Agir, 1997. Furent également associés F. Balibar (Paris-VII), C. Baudelot (ENS Ulm) et D. Roche ( Paris-I), notamment.

      [2]. En 1964, déjà, Paul Ricœur écrivait : « Il faut mettre fin à l’écrasement stupide des universitaires sous les tâches administratives, sinon ancillaires, à la monumentale bêtise du gaspillage d’énergie que le manque de moyens entraîne. » « Faire l’université. » In Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 375. Le chef de l’Etat, qui a réussi à faire croire qu’il est un disciple de ce philosophe, serait bien inspiré de le lire au plus vite.

      [3]. « S’ils ne travaillaient pas les étudiants salariés auraient une probabilité plus élevée de 43 points de réussir leur année. » Enquête Insee du 19 novembre 2009. « L’impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires. » M. Beffy, D. Fougère et A. Maurel. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi554241rf

      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/040220/misere-des-universites-et-universites-de-la-misere

    • Première cérémonie populaire des contre-vœux d’#Université_de_Paris

      Nous, les personnels administratifs et enseignant·e·s, ainsi que les étudiant·e·s de l’UP, sommes mobilisé·e·s contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Si nous tenions à être là, c’est parce que nous trouvons votre silence assourdissant sur les sujets qui nous sont chers.

      Nous aurions aimé des vœux qui apportent le soutien de l’Université de Paris aux personnels, administratif comme enseignant, dont une grande partie, comme vous le savez, sont déjà précaires, et dont les pensions ne manqueront pas d’être laminées la réforme des retraites. Nous aurions aimé des vœux qui apportent un soutien aux étudiant·e·s de l’Université de Paris, futur·e·s salarié·e·s, et premier·e·s concerné·e·s. Madame la présidence, la mobilisation est là sous vos yeux : cours non assurés, examens annulés ou reportés, revues et séminaires arrêtés, bibliothèques fermées, assemblées générales, UFR en lutte et enseignant·e·s en grève…

      Puisque notre université forme de futurs médecins, nous aurions aimé des vœux qui expriment la solidarité de l’Université de Paris avec les services hospitaliers qui se mobilisent depuis des mois contre le démantèlement de l’hôpital public, alors que l’AP-HP menace aujourd’hui le personnel gréviste de sanctions.

      Et plus largement, pour prendre de la hauteur, nous aurions aimé des vœux qui dénoncent le projet de loi pour la recherche qui va accentuer la compétition entre les établissements, la compétitions entre les laboratoires, la compétition entre collègues, et qui va généraliser la précarité, fragiliser les emplois, créer quelques chaires d’excellence et beaucoup de vacataires, distribuer toujours plus de de crédits à quelques-uns et rien aux autres, selon le modèle aberrant d’Antoine Petit, non pas darwinien mais bassement capitaliste… Bref une loi qui va abîmer encore plus le service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Mais tous vos discours et ceux de la CPU viennent en soutien de cette politique que nous combattons.

      Nous aurions aimé que ces vœux soient l’occasion d’annoncer publiquement la reconduction de l’exonération systématique des frais d’inscription pour les étudiant·e·s étranger·e·s, et que s’appuyant sur la décision du conseil constitutionnel, l’Université de Paris interpelle enfin le ministère pour mettre fin à cette procédure indigne. A l’inverse, certaines de vos déclarations se prononcent en faveur de cette hausse.

      Ce ne sont que quelques sujets ; la liste est longue. Dans vos vœux, vous parlez gouvernance et classement, mais vous vous trompez de perspective. L’université n’est pas une entreprise. Le savoir n’est pas une marchandise.

      Alors, nos vœux pour 2020 sont que l’UP mette en œuvre concrètement, et défende fermement auprès des tutelles, une université de service public, une université ouverte à toutes et tous, où il fasse bon enseigner, travailler, chercher et étudier.

      Les personnels et étudiant·e·s en lutte de Paris-Diderot

      Reçu via mail, le 07.02.2020

    • Université : la « #Sorbonne en lutte » contre la précarité

      Mobilisés depuis début décembre contre la réforme des retraites et la loi de programmation de la recherche, enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants se sont rassemblés sur la place de la Sorbonne à Paris pour une « veillée des idées ».

      C’est incognito sous leurs masques blancs que les enseignants et étudiants de la Sorbonne lancent leur performance pour mettre en scène « le vide » créé par la loi de programmation de la recherche et « la destruction des infrastructures publiques ». Depuis le 5 décembre, le département de science politique de l’université parisienne (Panthéon-Sorbonne) est en grève. Deux mois plus tard, en ce vendredi 7 février, ils organisent un « happening », pour se mobiliser autrement.

      Dès 17 h 30, professeurs et étudiants arrivent au compte-gouttes. Quelques-uns discutent devant une banderole flambant neuve portant leur nom de leur mouvement Sorbonne en lutte. D’autres tentent d’accrocher, avec les moyens du bord, un drap blanc où sont dessinées des fourmis entre les inscriptions « enseignement » et « précaire ».

      Un peu avant 18 heures, une enseignante-chercheuse démarre la performance et liste tout ce qu’ils incarnent ce soir. Une trentaine de personnes masquées sont postées derrière elle. « Nous sommes vidés… Nos corps sont vidés, nos cerveaux sont vidés… Ce soir, nous incarnons l’angoisse de la page blanche, les têtes creuses, le vide vertigineux de la connaissance qui ne sera pas produite, qui ne sera pas transmise, du fait des coups de boutoir de politiques qui tuent l’université à petit feu, que la LPPR [loi de programmation pluriannuelle de la recherche – ndlr] viendrait couronner. »

      L’universitaire précise ensuite que ces politiques fragilisent en particulier les doctorants, les jeunes chercheurs, sans oublier de mentionner « les petites mains de la recherche » que sont les précaires, à savoir les techniciens et personnels administratifs, et tous ceux qui ne sont pas fonctionnaires, ou « titulaires » dans leur jargon.

      Puis elle formule leurs inquiétudes concernant les libertés académiques.

      Le projet de loi de programmation de la recherche est toujours en cours de rédaction. Mais les propositions des groupes de travail, désignés en amont par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont déjà réussi à mettre les facs et les labos en ébullition.

      Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine… Chercheurs des labos et enseignants-chercheurs des universités craignent une précarisation accrue de leurs métiers et de voir des étudiants « fatigués » et « angoissés ».

      En ce vendredi de février, une dizaine de prises de paroles s’enchaînent, sans le masque cette fois-ci. Trois étudiants racontent leurs conditions de vie précaires et appellent leurs professeurs à faire grève, pour qu’eux-mêmes puissent continuer à se mobiliser.

      Emma, étudiante à Paris-Sorbonne en géographie, rappelle la motion votée le 2 février par la coordination nationale des facs et labos en lutte. « Il est temps de joindre nos forces », clame la jeune étudiante, qui mentionne aussi la répression du mouvement des lycéens. Tout comme Pierre, en L2 science politique à Panthéon-Sorbonne, remonté contre les violences policières, la casse du code du travail, la LPPR, la précarité des étudiants – parfois obligés de travailler, la baisse des aides au logement (APL), les conditions d’accueil des étudiants étrangers.

      Pierre évoque Anas, l’étudiant précaire qui s’est immolé à Lyon début novembre, toujours dans le coma, avant de dénoncer la réponse apportée par le gouvernement : une ligne téléphonique… payante.

      Interrogé après son intervention, il regrette que les cours reprennent, tout simplement parce qu’on peut perdre sa bourse si on ne va pas en TD. Déçu que les problématiques des étudiants soient peu comprises, il profite de cette tribune pour les rappeler aux enseignants.

      Avec d’autres étudiants de Paris-I, ils se sont rapprochés des doctorants, « qui sont dans une précarité scandaleuse, qui peuvent comprendre aussi notre situation ». Mais connaître les galères de ses « aînés » n’est pas sans conséquence : « Je rêve d’étudier et de pouvoir faire avancer la recherche. Aujourd’hui, je me dis juste que c’est impossible. Donc je suis juste triste, désemparé de me dire qu’on ne donne plus la possibilité aux étudiants de croire à cette perspective d’avenir. C’est démoralisant. »

      Tous comme les étudiants, les doctorants appellent les enseignants à « prendre leurs responsabilités ». Membres de l’AG des précaires, trois femmes ont troqué le masque blanc contre un bout de tissu noir sur le haut de leur visage. Elles rapportent les inquiétudes sur la retraite à points, ou encore le durcissement des conditions d’indemnisation chômage – qui, jusque-là, permettait à de certains doctorants de terminer leur thèse.

      Elles rappellent également que « l’université tourne grâce à [leur] exploitation », et que « les conditions matérielles sont indignes, même dans les universités dites d’excellence ». Applaudies par la centaine de personnes présentes sur la place, elles concluent par leur slogan « précaires, précaires et en colère », repris en chœur.

      L’une d’elles, doctorante, nous explique que les doctorants ne se mobilisent plus, car moins précaires parmi les précaires. Sa consœur, doctorante en science politique, termine pourtant sa thèse sans aucune entrée d’argent : elle n’a plus de financement et plus de droit au chômage. « On a des amis vacataires, qui peinent à survivre avec un petit job alimentaire à côté, qui se logent à droite à gauche quand ils doivent donner leurs cours à Paris. Ils n’ont pas l’énergie et le temps d’être là en AG et de construire une mobilisation. »

      Et la doctorante d’ajouter qu’elles ont pris la parole pour se faire connaître mais aussi pour faire passer le message : « On aimerait que les titulaires aussi prennent leurs responsabilités parce qu’ils sont encore plus protégés que nous. [...] Quand eux ne se mettent pas vraiment en grève, ils maintiennent une pression sur les étudiants qui doivent rendre des devoirs, les précaires qui doivent continuer à rendre des articles et pareil pour les personnels administratifs. »

      Les chercheurs qui prennent la parole en sont conscients, ils n’oublient pas les étudiants, les doctorants et jeunes chercheurs. Johanna Siméant, politologue à Paris-I, a enseigné vingt-deux ans à l’université qu’elle voit se dégrader depuis de nombreuses années. Elle évoque « tous ses anciens élèves qui pensaient que ça valait la peine » de se lancer dans la recherche avant de déchanter. Elle mentionne aussi ce doctorant qui a atterri aux urgences psychiatriques, qui ne sera pas remboursé faute de mutuelle.

      Membre du comité éditorial de la revue Genèses – la première à s’être mise en grève –, elle revient avec nostalgie sur leur joie d’être intégrée dans les revues, les échanges dans les réunions, « ce temps qu’on pouvait se permettre de prendre ». Depuis quinze-vingt ans, ils perçoivent une baisse de la qualité des articles envoyés, « formatés pour le marché de la bibliométrie, débités pour qu’il n’y ait pas trop d’idées dans un article », et ainsi pouvoir en publier plus.

      Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février

      Cette course à la publication risque de s’accélérer. Pour doper la compétition entre les chercheurs, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats. Il est aussi envisagé de financer davantage via les appels à projets. Gilles Dorronsoro, enseignant-chercheur en science politique, regrette qu’« on ne calcule pas le temps passé collectivement à chercher de l’argent » ni « le temps passé à monter des projets qui ne verront jamais le jour ».

      Chercheurs et gouvernement sont au moins d’accord sur le décrochage de la recherche française. Idem sur la nécessité d’augmenter son budget. Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, lui-même chercheur de profession, n’y croit pas une seule seconde. Il pense plutôt qu’il va continuer à baisser et qu’il n’y aura peut-être même pas de loi de programmation. Au micro, il appuie ses dires en rappelant les propos de son président, Gérard Larcher (LR) : « Il faut d’abord trouver un agenda, un contenu et des moyens mais peut-être aussi une méthode d’approche. »

      Interrogé par Mediapart, le sénateur venu « témoigner sa solidarité aux étudiants, aux précaires, aux chercheurs », plaide lui aussi pour une convergence entre les étudiants, très mobilisés à l’arrivée de Parcoursup (admission postbac), et les enseignants, aujourd’hui en pointe contre les projets du gouvernement.

      « Mais c’est toute la stratégie du gouvernement, résume-t-il, ne jamais attaquer l’ensemble du corps en même temps et faire porter les réformes uniquement sur des petits secteurs parfaitement délimités. [...] Sur la durée, c’est évidemment très efficace. »

      Dans les interventions suivantes, un chercheur revient sur la mobilisation contre la réforme des retraites. Un autre dénonce « la clique bureaucratique » et le management qui seront sans doute exacerbés par la future loi de programmation de la recherche.

      Pour finir, le philosophe camerounais Achille Mbembe, enseignant à Johannesburg, évoque les luttes dans les universités sud-africaines, « pour décoloniser les institutions et refaire de l’institution universitaire un bien commun, à l’heure où tout concourt à privatiser cette ressource ». L’ancien étudiant de la Sorbonne souligne que la mobilisation qui a lieu ici entre en résonance « avec un moment global, un moment de brutalisation des sociétés ».

      https://www.mediapart.fr/journal/france/080220/universite-la-sorbonne-en-lutte-contre-la-precarite?onglet=full

    • #DroitsDansLeMur

      Jeudi 6 février 2020, journée de mobilisation nationale, des universitaires, titulaires et précaires, des facultés de droit et de science politique (entre autres Nanterre, Paris 1, Paris 2, Paris 12, Paris 13, Sceaux, Rennes, Lyon 2, Valenciennes, Angers) ont érigé un mur de codes - de la sécurité sociale, de la fonction publique, de l’éducation, du travail... - devant le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, pour dire leur opposition aux projets de réforme des retraites et de l’enseignement supérieur qui mènent dans le mur le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le contrat social entre les générations.

      Ces enseignant.e.s-chercheur.e.s ont lu à voix haute, solennellement, des extraits des articles les plus précieux, aujourd’hui malmenés, comme l’article L111-2-1 du code de la sécurité sociale : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. (...) La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités. La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. »

      https://www.youtube.com/watch?v=8akUZp2OoaU&feature=youtu.be


      #Droits_dans_le_mur

    • Lettre que les étudiantes et étudiants mobilisés de l’UFR LAC (Paris 7) ont lue le 4 février en ouverture du Conseil d’UFR, à l’issue duquel la grève a été votée.

      Cher·ère·s professeur·e·s,

      Nous nous permettons de prendre la parole quelques minutes avant le début
      de ce Conseil d’UFR au nom des étudiantes et étudiants mobilisé·e·s depuis
      maintenant deux mois contre la réforme des retraites et, plus récemment,
      contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Nous sommes là aujourd’hui parce qu’à l’échelle nationale comme à l’échelle
      de l’université, la mobilisation se trouve confrontée à un pallier décisif
      que nous voulons nous donner les moyens de franchir. Si la grève a été
      incontestablement suivie dans les secteurs des transports, si les sondages
      ont été plus favorables que jamais, si les manifestations ont été parmi les
      plus massives jamais enregistrées depuis ces dernières années, force est de
      constater la raideur et l’autoritarisme du gouvernement, qui se mesure à
      l’aune de la répression s’abattant sur toutes celles et tous ceux qui lui
      opposent résistance. Nous sommes donc à un point de bascule : le mouvement
      doit s’amplifier, sinon se radicaliser, ou alors il mourra à petit feu.
      Progressivement, de nombreux secteurs entrent en lutte, et en premier lieu
      les universités, tant attendues dans ce mouvement. Ce n’est donc pas le
      moment de rentrer dans les rangs, puisque nous venons de commencer la
      bataille, tant sur les retraites que sur la LPPR.

      À l’échelle de Paris-7, nous pouvons désormais affirmer qu’il existe une
      base étudiante prête à se mobiliser. Mais cela ne s’est pas fait tout seul.
      Il nous aura fallu deux mois de discussions, d’initiatives — à l’image de
      cette « formidable université populaire » que tant d’universités mobilisées
      nous ont enviée... Nous sommes mobilisé·e·s sur l’université populaire
      depuis deux mois, nous participons, avec les doctorant·e·s et le soutien de
      certains professeur·e·s, à mettre en place un programme dont les
      interventions, les échanges et les ateliers sont tous plus enrichissants et
      instructifs les uns que les autres. Car ce qu’il faut à tout prix éviter,
      c’est que la fac soit désertée et nous considérons, comme vous, qu’il est
      primordial qu’elle reste un lieu de savoir et de stimulation
      intellectuelle. Mais considérer que le maintien des cours n’est pas
      incompatible avec la mobilisation, c’est ne pas avoir conscience de notre
      situation car la mobilisation, tout comme la recherche, a ses petites
      mains. Bloquer des dépôts, écrire et maquetter des tracts, organiser des
      réunions d’information, remplir la caisse de grève, tenir le stand,
      organiser des assemblées générales, rédiger des comptes-rendus en tous
      genres, créer des outils informatiques, centraliser les outils de synthèse,
      faire des ateliers de banderoles ou de chorale, de l’affichage, des tours
      de service, des débrayages d’amphis, ce sont des actions qui demandent du
      temps et nous mobilisent intensément depuis deux mois. Faire vivre la grève
      est devenu notre activité à temps plein.

      Nous avons pleinement conscience des enjeux qu’un tel engagement implique.
      Nous sommes pour la plupart des élèves passionné·e·s, et les cours nous
      manquent. Mais c’est précisément parce que nous avons suivi vos cours et lu
      Aristote, Rawls mais aussi Rancière ou Camus que nous osons à notre tour « 
      dire non ». C’est précisément à force de développer notre esprit critique
      que nous nous rendons compte de l’urgence de la situation. Et plus nous y
      réfléchissons, plus nous nous en effrayons. Plus nous lisons, plus nous
      nous radicalisons. Non, il n’est pas « incongru » « à (n)otre âge et dans
      les études que (n)ous avons choisies (…) de se passionner pour la question
      des retraites », pas plus que de s’inquiéter de la dérive autoritaire du
      gouvernement, ou de la crise écologique. C’est précisément parce que nous
      étudions avec diligence en vue d’un futur meilleur que nous ne pouvons plus
      supporter de voir notre avenir confisqué par l’inaction climatique, par des
      dérives autoritaires toujours plus violentes, et par un gouvernement qui
      nous méprise. Nous avons raté trop de coches — pour ne citer que cela, et
      pêle-mêle : la fusion en 2016, la loi Travail bien sûr, Parcoursup, la
      hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, les gilets
      jaunes, la réforme de l’assurance chômage... Autant de défaites qui nous
      donnent aujourd’hui la détermination de lutter plus fort. Il va donc de soi
      pour nous que dans le combat des retraites se trouve la somme des énergies
      et des liens accumulés au fil de ces années dans un combat pour un modèle
      de société plus juste, plus humain, plus égalitaire, où il fasse bon se
      projeter. Nous voyons les métiers auxquels nous aspirons se défaire sous
      nos yeux ; nous voyons notre démocratie prendre les traits de
      l’autoritarisme le plus abject — à coups de surveillance généralisée, LBD,
      et autres États d’urgence devenus constitutionnels ; nous voyons enfin la
      société capitaliste courir à sa perte, foncer droit dans le mur, et si les
      choses continuent ainsi, nous ne pourrons pas descendre du train à temps.

      La vérité, c’est que nous sommes à la fois épuisé·e·s, paniqué·e·s et
      révolté·e·s. Certaines et certains trouveront peut-être que nous en faisons
      trop, d’autres que c’est l’excitation inconsidérée et irréfléchie de la
      jeunesse qui parle, et à ceux-là nous répondons au contraire que ce refus
      de continuer à exercer normalement notre rôle d’étudiant·e montre plutôt à
      quel point nous avons compris, à quel point nous avons conscience de ce qui
      se joue aujourd’hui. Face à ces considérations, un semestre de perdu,
      quoiqu’il nous en coûte, ne nous fera pas hésiter, car c’est maintenant ou
      jamais. Plus le gouvernement et le capitalisme néolibéral piétinent nos
      espoirs, moins nous avons à perdre. Mais parce que nous ne voulons pas être
      acculé·e·s à de telles extrémités, nous nous tournons vers vous : la grève
      des titulaires peut créer les conditions matérielles de la naissance d’un
      mouvement étudiant massif. Comment s’engager à temps plein si l’on craint
      les partiels de fin de semestre, ou pire, les partiels de mi-semestre ? si
      l’on est boursier et que l’on dépend de la bienveillance des professeurs
      pour ne pas comptabiliser les absences, au risque de perdre sa bourse ? si
      l’on anticipe une fin d’année faite de montagnes de validations ? En
      faisant cours normalement, vous croyez nous aider mais vous nous condamnez.
      C’est cette posture en demi-teinte, cette posture de compromis mou qui nous
      paralyse. Et comme l’expriment les précaires de l’ESR dans leur appel : « 
      on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche. » Vous avez,
      aujourd’hui, pour ce conseil d’UFR, une responsabilité lourde : celle de
      décider de la suite de ce mouvement social historique. Que nous ne soyons
      pas dupé·e·s par l’échelle de notre UFR, face aux milliers de personnes qui
      manifestent chaque semaine : une UFR en grève, c’est mille étudiant·e·s
      libres d’aller mener des actions coup de poing et de s’engager dans le
      mouvement social, cinquante enseignant·e·s mettant du temps à disposition
      pour s’organiser, et un modèle à suivre, pour toutes les universités de
      France. C’est pourquoi nous réitérons, aux côtés des précaires de l’ESR,
      notre appel à la grève totale : la grève des enseignements, à la grève des
      activités de recherche, à la grève administrative, à la rétention des
      notes, au boycott de Parcoursup. Autant de temps libéré pour lutter.

      Aujourd’hui, la situation fait que nous n’arrivons plus à exercer
      normalement notre fonction d’étudiant·e·s. Nous n’y arrivons plus, parce
      que franchir le seuil de la salle de classe, s’y asseoir quelques heures
      pour écouter parler de Chateaubriand ou Balzac nous est insupportable, tant
      c’est nier la violence et la gravité de ce qui est en train de se produire
      dans notre pays. Reprendre le fonctionnement normal de l’université, dans
      le contexte actuel, pour nous, cela signifie se voiler la face et se murer
      dans une logique court-termiste qui équivaut à jouer le jeu du
      gouvernement. Car face à cet avenir sinistre qu’on nous impose, comment
      faire comme si « tout allait bien se passer » et continuer à étudier
      sereinement ? Tout ce que nous revendiquons, c’est une chance concrète de
      prendre en main notre avenir, dans un moment politique où, plus que jamais,
      le gouvernement tente de nous le confisquer.

      –-> reçue par email via la mailing-llist de mobilisation, le 10.02.2020

    • Message du Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

      « Cher.e.s collègue.s,

      Cher.e.s étudiant.e.s,

      Les propositions présentées dans les trois rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et les informations ayant filtré des rencontres entre la Ministre de l’Enseignement Supérieur et les organisations syndicales provoquent une inquiétude légitime au sein de notre communauté. Cette inquiétude, en tant que Président de la Sorbonne Nouvelle, je la partage car je m’oppose fermement à toute remise en cause des fondements du système de financement de la recherche publique en France.

      En pareil contexte, et à l’encontre de plusieurs des préconisations contenues dans ces trois rapports, je tiens à vous redire mon attachement à une université de service public, et à vous confirmer mon opposition à toute mise en concurrence des établissements d’enseignement supérieur, des unités de recherche et des chercheur.e.s.

      Si l’objectif est d’augmenter la part de notre PIB consacrée à nos activités scientifiques, au delà des effets d’annonce, de renforcer durablement celle-ci, les solutions présentées, au cas où elles seraient retenues, iraient à l’encontre de l’effet escompté. Depuis trop longtemps, la recherche fondamentale est négligée au profit d’une logique de performance immédiate. Depuis trop longtemps, les modèles et les temporalités qui régissent les sciences exactes et expérimentales sont artificiellement plaqués sur les ALL-SHS.

      Là où les mesures envisagées consistent à concentrer les moyens, renforcer une logique d’appels à projets et introduire un nouveau dispositif d’entrée dans la carrière universitaire avec les tenure tracks, il me semble à l’inverse nécessaire de donner la part belle aux crédits récurrents et de réhabiliter le temps long d’une recherche prise en charge, dans des conditions plus sereines, par des enseignants-chercheurs fonctionnaires.

      En tant que Président d’université, je considère que ma mission est de combattre sans relâche toutes les formes de précarisation qui frappent les métiers et les carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que nos étudiant.e.s.

      Afin qu’un débat le plus ouvert et constructif possible puisse s’engager au sein de notre communauté, je souhaite, en accord avec toute l’équipe présidentielle, organiser deux temps forts, de réflexion et d’échanges : une journée banalisée le jeudi 5 mars prochain ainsi qu’une demi-journée d’étude sur les enjeux des réformes en cours. Et vous pouvez compter sur moi pour relayer nos préoccupations auprès de la CPU et de nos tutelles.

      Bien cordialement,

      Jamil Jean-Marc DAKHLIA

      Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 »

    • Précarité, financement : les enseignants-chercheurs mobilisés contre la future loi Vidal

      Les enseignants-chercheurs dénoncent les conséquences du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils craignent que leurs conditions de travail, déjà dégradées par la précarité, empirent. Les opposants pointent « une transformation néolibérale de l’université » qui fait place à « la figure du chercheur-entrepreneur ».

      Sur le campus de Pont-de-bois, de l’université de Lille, « aujourd’hui, c’est journée spécial précarité ». C’est le thème du jour, raconte Grégory Salle. Ce chargé de recherche en sociologie du CNRS est « un mobilisé parmi d’autres ». D’autres enseignants-chercheurs qui, partout en France, craignent l’arrivée du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Annoncé en février 2019 par le premier ministre, il se fait attendre. L’objectif est d’atteindre un budget équivalent à 3% du PIB pour la recherche. Il est aujourd’hui de 2,2%. Si ses contours exacts sont encore inconnus, trois rapports préparatoires, et les échanges entre syndicats et ministère ont amorcé le mouvement.

      C’est surtout une tribune du PDG du CNRS, Antoine Petit, qui « met le feu au poudre » se souvient Grégory Salle. « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire - oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » écrit le 26 novembre, dans Les Echos, le patron du CNRS. « Ça a eu un effet de cristallisation » explique Christophe Voilliot, co-secrétaire général du SNESUP-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur. « C’était particulièrement maladroit. Ça a remué même les plus modérés » constate Grégory Salle.
      Manifs et flashmob

      Depuis quelques semaines, le mouvement se développe, mêlé de contestation contre la réforme des retraites, qui touche particulièrement le monde des fonctionnaires et de l’enseignement. Les manifestants et opposants multiplient les actions et innovent : aux traditionnelles AG, affiches et manifestations, grèves de l’enseignement et grèves des fonctions administratives, s’ajoutent les rétentions de notes ou, comme la semaine dernière, un flashmob féministe devant la gare de Lille Flandres, au petit matin. Quand de fait, on est relativement peu nombreux, il faut se faire remarquer. On parle aussi de démissions de fonctions. Maintenant, ce sont les revues universitaires qui se joignent au mouvement. Une journée fac morte se prépare pour le 5 mars.

      https://twitter.com/websaison/status/1225316989872361475?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Les questions sont nombreuses. Pour le SNESUP-FSU, « il y a des problèmes qui tiennent au mode de financement de la recherche et au statut des personnels ». Alors que le nombre d’étudiant augmente, « avec 30.000 de plus ces dernières années », le nombre d’enseignants-chercheurs recule, « de l’ordre de 2.500 enseignants en moins, c’est considérable » alerte Christophe Voilliot. « Mécaniquement, soit on embauche sur des statuts précaires, soit on augmente le temps de travail » pointe le responsable syndical, par ailleurs maître de conférences en Sciences politiques à l’université de Nanterre. Il « demande un plan de recrutement ».
      « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible »

      Le sénateur PCF Pierre Ouzoulias connaît bien le sujet pour être lui-même chargé de recherche du CNRS en archéologie. « Il y a une dégradation constante depuis 10 ans des conditions de travail des enseignants-chercheurs » souligne le sénateur des Hauts-de-Seine. Résultat de ce malaise, le sentiment d’un métier dévalorisé. « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible » dit Pierre Ouzoulias.

      Grégory Salle « n’aime pas trop ce terme de malaise » pour sa part, car il renvoie au « registre psychologique ». Or le problème vient avant tout « des conditions sociologiques, économiques et matérielles, qui sont intenables ». « Si on met ensemble la surcharge de travail, le fait d’être sous-payé, soumis à une bureaucratie de plus en plus démente, ça met les gens matériellement sous pression » explique le sociologue.

      Selon Grégory Salle, « la précarité professionnelle, vraiment méconnue du plus grand nombre », joue beaucoup dans la mobilisation. Il ajoute :

      Pour les étudiants, on doit passer pour des notables. Devant eux, il y a de vrais professeurs d’université qui ont des positions tout à fait stables, mais aussi de vrais précaires qui ne vivent pas forcément avec plus de 1.000 euros par mois.

      Conséquence : les jeunes docteurs ne trouvent pas de poste. Et face à un secteur bouché, les vocations s’en trouvent découragées. « Le nombre d’étudiants inscrits en thèse diminue » constate Christophe Voilliot.
      La ministre Frédérique Vidal promet de revaloriser le salaire des jeunes chercheurs

      Face à la fronde, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, tente de désamorcer et de rassurer. Invitée de Public Sénat le 31 janvier, elle expliquait ne pas vouloir « du tout » toucher au temps de travail des chercheurs – l’une des craintes – assurant qu’« il ne faut pas prendre à la lettre tout ce qui est écrit dans les rapports » (voir à 47 min dans la vidéo). La câlinothérapie continue via une tribune, publiée lundi 10 février dans Le Monde. La ministre dit avoir « entendu leur appel à réinvestir massivement dans la recherche ».

      Plus concret, en janvier, lors de ses vœux, Frédérique Vidal annonce l’augmentation des jeunes chercheurs à l’embauche, avec 2 Smic dès 2021, contre des salaires d’environ 2.200 à 2.500 euros brut aujourd’hui (soit 1,3 à 1,4 Smic). « Une bonne idée » reconnaît Christophe Voilliot, « sauf que vous risquez d’embaucher des gens mieux payés que des enseignants qui ont 6 ou même 9 ans d’ancienneté. Il faut donc revoir toutes les grilles ».

      Ce mardi, dénonçant « les rumeurs », lors des questions d’actualité au gouvernement, Frédérique Vidal en a remis une couche et assure que « chaque discipline trouvera sa place dans cette loi programmation de la recherche ». Une précision qui n’est pas anodine. Car les sciences humaines et sociales mobilisent plus qu’en physique, chimie ou mathématique.
      « Une vision catastrophique de la science »

      Une situation en partie liée à la question du financement. « Il est proposé d’accroître les financements par appels à projet, et non plus par laboratoire ou équipe. (…) On est dans un marché de la recherche, qui renvoie au darwinisme » explique le co-secrétaire général du SNESUP-FSU. Le tout mêlé à une évaluation renforcée, où la publication devient le critère.

      Derrière ça, « il y a une vision utilitariste de la recherche. Je mets l’argent, je veux des résultats. Et évidemment, tout ce qui est sciences humaines n’a plus de raison d’être. Pourquoi travailler sur l’araméen, le latin, l’archéologie ? ça ne sert à rien, il n’y a pas d’innovation. C’est une vision catastrophique de la science » dénonce le sénateur Pierre Ouzoulias. Pour Gregory Salle, « on est en plein dans la figure du chercheur-entrepreneur », mâtiné d’une « novlangue managériale où on parle d’innovation et de synergie. Mais en réalité, cela débouche sur une standardisation de la recherche. Tout le monde essaie d’être dans les clous ».
      « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe »

      Autre conséquence : une individualisation de la recherche. « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe » explique Pierre Ouzoulias. « Les grandes réussites scientifiques sont faites de coopérations très larges, comme le GIEC, sur le climat » ajoute Christophe Voilliot.

      Reste à savoir quand sortira le projet de loi. Frédéric Vidal évoquait sur notre antenne « fin mars, début avril ». Mais selon Pierre Ouzoulias, il ne verra peut-être jamais le jour. Entre la réforme des retraites et le budget 2021, à l’automne, le calendrier n’est pas évident. Pour le sénateur communiste, ce ne sera pas pour autant une victoire : « Le gouvernement n’a pas besoin de cette loi pour mener une transformation néolibérale de l’université » Ce mardi, devant les députés, Frédérique Vidal parlait pourtant bien au futur. Sa loi « réarmera notre pays et mettra la science au cœur du débat public ».

      https://www.publicsenat.fr/article/politique/precarite-financement-les-enseignants-chercheurs-mobilises-contre-la-fut

    • Liste des personnes qui ont signé une lettre de #démission_collective des responsabilités :

      Contre la LPPR et l’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      démission collective de nos responsabilités administratives

      Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

      Nous sommes enseignant·es, enseignant·es chercheur·es et chercheur·es : maîtres·ses de conférences, professeur·es d’université, chargé·es de recherche ou directeur·rices de recherche. Nous tenons par ce courrier à vous faire part de notre profonde indignation et de notre opposition résolue au projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) que vous portez.

      Si le projet de loi venait à être adopté, il conduirait inévitablement à une dégradation accrue des conditions d’enseignement et de recherche ainsi qu’à une amplification inacceptable de la précarisation, pourtant déjà si répandue dans l’enseignement supérieur et la recherche. Au-delà de la modulation des services (sans l’accord des intéressé·es, sans plafond d’heures et sans paiement d’heures complémentaires), qui réduirait drastiquement le temps de recherche des universitaires, la remise en cause du statut même d’enseignant·e-chercheur·e (système de « tenure tracks », « CDI de chantier » n’ayant de CDI que le nom, etc.) constitue une faute morale grave, particulièrement à l’encontre de nos collègues les plus exposé·es à la précarité. Pour ces dernier·es, la perspective d’obtenir un poste de titulaire s’amenuise dramatiquement. Nous, titulaires de l’ESR, nous sentons particulièrement responsables vis-à-vis des doctorant·es et docteur·es sans poste qui se consacrent à des études longues et exigeantes, prennent au sérieux la qualité de la recherche et la dimension émancipatrice des savoirs. Elles et ils participent au dynamisme de la recherche et assurent une part conséquente des enseignements dispensés dans le supérieur. En ce sens, elles et ils fournissent, dans des conditions difficiles, un travail (parfois) gratuit ou (souvent) mal rémunéré sans lequel l’Université cesserait de fonctionner. Nous refusons de nous résigner à nous faire gestionnaires de la précarité et demandons à votre gouvernement de répondre à l’urgence de la situation en créant des postes de titulaires.

      Nous alertons également sur les dangers que constitue le développement de la recherche sur projets fléchés au détriment de financements pérennes, pourtant seuls à même de garantir l’autonomie de la recherche, d’accompagner la recherche fondamentale et de permettre des expérimentations indispensables à l’émergence de savoirs nouveaux. Nous rappelons que l’histoire devrait nous inciter à la plus grande prudence face aux prétentions à mettre la main sur le pilotage de la production des savoirs. La course aux brevets et à la propriété intellectuelle, ainsi que le développement de financement sur fonds privés sont antinomiques avec une recherche au service de l’intérêt public et du bien commun. Nous nous élevons contre l’esprit inégalitaire et « darwinien » de la LPPR qui renforce la mise en concurrence généralisée des établissements, des unités de recherche, des disciplines et des personnels, alors même que nous savons à quel point celle-ci est contre-productive en termes de création de savoirs, réduisant le partage et la coopération et accroissant considérablement les risques de fraudes et les dérives éthiques.

      La réduction de la part des financements pérennes est allée de pair avec un accroissement de la logique évaluatrice. La recherche de financements dans laquelle nous a précipité cette politique scientifique déplorable affecte profondément les missions de recherche et d’enseignement, qui sont pourtant le cœur de notre métier. Combien de temps perdu à répondre aux appels à projet, à monter des dossiers en s’adaptant aux critères de tel ou tel organe de financement, et à évaluer nous-mêmes la conformité des projets déposés par nos collègues ou futurs collègues à ces critères souvent arbitraires qui relèvent d’une logique externe à celle du champ scientifique. Ces activités se font au détriment du temps et de l’attention que nous devrions consacrer à former et encadrer nos étudiant·es, à mener et diffuser nos recherches et à faire vivre la communauté scientifique.

      Nous sommes attaché·es à l’idéal de la science ouverte et au principe de liberté académique, inhérente à la fonction de chercheur·e. C’est le sens même des mobilisations en cours dans l’ESR. De nombreuses propositions ont déjà été faites, et continuent de l’être, pour inventer un autre modèle de gouvernance de la recherche : par exemple par la « Coordination nationale des facs et des labos en lutte », qui a poursuivi cet important travail lors d’une réunion nationale les 1er et 2 février 2020. Nous constatons que vos rapports n’en tiennent aucunement compte : l’absence d’écoute de votre Ministère vis-à-vis de nos revendications légitimes est proprement sidérante.

      L’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche rend impossible la poursuite de nos missions et activités ordinaires. Il est impensable de faire comme si de rien n’était en participant au fonctionnement habituel de l’Université et des institutions de recherche. C’est pourquoi, en tant que :

      membre des commissions d’évaluation de l’Hcéres, membres des conseils centraux d’universités (CAC, CA, CFVU, CR), directeur·trices d’écoles doctorales, directeur·trices de laboratoires (UP ou UMR), directeur·trices d’UFR, responsables de mentions, de parcours ou de spécialités de Licence et de Master, président·es de jury de diplôme, membres de conseils d’UFR et de conseils de laboratoire, responsables de commissions pédagogiques, des relations internationales, des équivalences, des mineures externes, des stages, membres de conseils de perfectionnement, etc.

      nous décidons collectivement de démissionner de nos fonctions et mandats de responsabilités administratives si nous n’obtenons pas le retrait du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ou que vous optez pour un passage en force à travers des cavaliers législatifs ou des décrets.

      Aucun programme d’excellence ne pourra prospérer sur les ruines de l’Université.

      Veuillez croire, madame la Ministre, à notre attachement véritable au service public et à ses valeurs.

      https://framaforms.org/demission-collective-de-nos-responsabilites-administratives-esr-15808983

      J’en fait partie...

    • « La Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche ne doit pas consacrer une seule forme d’excellence »

      Si une réflexion sur le financement de la recherche est nécessaire, la concentration de moyens sur certaines universités risquerait d’appauvrir davantage les autres établissements, estime la sociologue Christine Musselin dans une tribune au « Monde »

      Une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) est forcément une excellente nouvelle alors que les dépenses dans ce domaine sont loin de l’objectif de 3 % du PIB. Mais fallait-il une loi pour la recherche et l’innovation plutôt que pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Certes, une réflexion sur le financement de la recherche est utile, et un des groupes de travail installés par la ministre, Frédérique Vidal, au printemps 2019, a été chargé de la mener. Il a proposé des mesures qui conforteraient les effets des trois précédents PIA (Programmes d’investissements d’avenir) : renforcement de la différenciation entre les universités et entre les équipes ; concentration des moyens sur les établissements les plus scientifiquement reconnus. La loi reprendrait donc le modèle de la « Grande université de recherche ». Mais il ne concerne ni tous les établissements ni toutes leurs missions !
      Prendre en compte la diversité des profils

      Une loi qui ne consacre qu’une forme « d’excellence » risque d’appauvrir un peu plus ceux et celles qui ne rentrent pas dans ce cadre et de rendre moins attractives les autres missions de l’université – notamment celle d’enseignement –, pourtant tout aussi indispensables.
      Le ministère répondra que le dialogue de gestion qu’il veut instaurer avec chaque établissement permettra de pallier ce manque. Mais quels budgets significatifs pourront y être consacrés une fois la LPPR financée ? Comment ce dialogue de gestion, très cadré, pourrait-il prendre en considération la diversité des profils ? Seuls des contrats pluriannuels globaux le permettraient.

      Le second enjeu est celui de la gestion des personnels scientifiques. La question était posée à un autre groupe de travail. Parmi les propositions, celle de la revalorisation des rémunérations semble acquise, ne serait-ce que pour amortir la possible réforme des retraites. Espérons toutefois que les propositions iront au-delà et qu’elles permettront, enfin, d’atteindre des niveaux de salaires proches de ceux de nos voisins européens. D’autres mesures avancées par ce groupe sont urgentes : revalorisation du doctorat, allongement de la durée des contrats doctoraux, amélioration des conditions d’entrée dans la carrière… Mais certaines sont inquiétantes et leur juxtaposition problématique.

      Un « CDI de plusieurs années », et après ?

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/la-loi-de-programmation-pluriannuelle-pour-la-recherche-ne-doit-pas-consacre
      #paywall

    • Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : « Une réforme néolibérale contre la #science et les #femmes »

      Un collectif de chercheuses et d’universitaires spécialistes du genre dénonce, dans une tribune au « Monde », la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, car elle accroîtra les inégalités au sein de la science française en concentrant les ressources dans les mains de quelques-uns.

      Depuis quelques semaines, les protestations grondent dans le monde universitaire contre le projet gouvernemental annoncé d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette réforme, inscrite dans le sillage de politiques néolibérales engagées au milieu des années 2000, prévoit de diminuer encore davantage le nombre d’emplois publics stables au profit d’emplois précaires, de concentrer les moyens sur une minorité d’établissements, de subordonner la production scientifique à des priorités politiques de courte vue, d’accroître les inégalités de rémunération et de soumettre les universitaires et chercheurs à une évaluation gestionnaire plutôt qu’à celle de leurs pairs.

      On connaît les effets délétères que ces politiques vont continuer d’engendrer sur la diversité, l’originalité et l’excellence des savoirs produits, sur la qualité de la formation dispensée aux jeunes générations et, in fine, sur la capacité de la France à répondre à de grands défis de société, comme l’urgence environnementale, les problèmes de santé publique, ou encore la montée des régimes autoritaires.

      « #Gestionnarisation » à outrance de l’université

      Les technocrates qui font ces réformes, coupés de nos métiers, ne voient pas que la « gestionnarisation » à outrance de l’université, comme celle de l’hôpital, est « contre-performante », pour reprendre leurs termes. Mais ces projets contiennent une autre menace, plus rarement dénoncée : ils vont accroître les inégalités liées à la classe, à l’assignation ethnoraciale, à la nationalité, au handicap, à l’âge, ainsi que les inégalités entre les femmes et les hommes.

      Le monde académique, qui fut jusqu’aux années 1970 un bastion masculin, ne diffère pas d’autres univers de travail : les hommes y occupent la plupart des positions dominantes. Alors que les femmes représentent 44 % des docteurs, elles sont 45 % des maîtres de conférences mais 25 % des professeurs des universités.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche-une-reforme-neoliberale-c

    • « A l’université, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre »

      Des chercheurs et des enseignants-chercheurs, membres du collectif Sauvons l’université, estiment, dans une tribune au « Monde », que la réforme annoncée pour la recherche affaiblira encore davantage le service public, à l’image de ce qui s’est fait pour l’hôpital.

      L’hôpital public est en crise absolue, le grand public en a désormais pleinement conscience. Ce qu’il sait moins, c’est que la recherche et l’enseignement supérieur le sont aussi. Si leurs « usagers » ne sont pas dans la même urgence vitale que les malades des hôpitaux – encore que la pauvreté d’un jeune étudiant lyonnais l’ait poussé à s’immoler par le feu le 8 novembre –, leur formation intellectuelle est plus que jamais en péril, leur avenir professionnel plus que jamais compromis. Si la détérioration des conditions d’exercice des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur reste sans comparaison possible avec celle des hospitaliers, c’est la même destruction du service public qui est à l’œuvre ici et là.

      Comme à l’hôpital, les professionnels de l’enseignement supérieur travaillent désormais au sein d’une institution totalement désorganisée, épuisée par quinze années de réformes successives. Répondant à l’injonction de se hisser dans des classements internationaux aux critères absurdes, des laboratoires d’excellence, des équipements d’excellence, des formations d’excellence ont surgi dans le paysage universitaire. Tel un rat de laboratoire, le chercheur erre dans un labyrinthe de guichets à la recherche de financements. Il rédige des projets, des rapports de projets en cours, des évaluations de projets, des bilans de projets. Il recommence quand il a terminé. Vissé derrière son ordinateur, sur lequel il cherche dans quelle fenêtre « innovante » il pourrait s’inscrire, il réduit de jour en jour le temps consacré à la recherche et à ses étudiants.

      Comme à l’hôpital où, à côté de plateaux techniques coûteux, on manque de simples compresses, ces nouvelles structures concentrent l’essentiel des moyens financiers, au détriment de la plupart des unités de recherche et d’enseignement dont les dotations ont diminué, dont les locaux sont délabrés, dont les fournitures les plus élémentaires se tarissent. Comme à l’hôpital, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre dans la mise en concurrence généralisée des personnes et des équipes, dans la course au projet innovant, dans une réorganisation institutionnelle incessante.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/a-l-universite-la-destruction-des-collectifs-de-travail-est-a-l-uvre_6029014

    • Il faut défendre le Conseil national des universités

      Nombreux sont ceux qui aujourd’hui regardent le #Conseil_national_des_universités comme un organe obsolète. Ils ajoutent que sa suppression serait toutefois vécue par les enseignants comme une « hérésie ». Le choix des mots n’est pas anodin : défendre le #CNU n’est pas être un censeur orthodoxe, réaffirmant une foi doctrinale qui se passerait d’arguments – en voici quelques-uns, qui ne sont pas des moindres.

      https://aoc.media/opinion/2020/02/11/il-faut-defendre-conseil-national-des-universites

    • La ministre de la recherche Frédérique Vidal reçue sous les huées de chercheurs du CNRS de Grenoble

      Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, était au CNRS de Grenoble ce jeudi 13 février. L’objet de sa visite ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires dans le cadre de la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. La ministre a essuyé les huées d’un comité d’accueil réfractaire aux futures dispositions de ladite loi, ainsi qu’au projet de réforme des retraites.

      C’est sous les huées d’un groupe d’une cinquantaine de chercheurs que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est arrivée au CNRS de Grenoble, ce jeudi 13 février. L’objet de cette visite, annoncée au dernier moment et placée sous haute protection policière ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires et des chercheurs, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) initiée il y a tout juste un an.

      Un dispositif encore en cours d’élaboration mais qui suscite nombre d’inquiétudes dans les rangs des chercheurs et syndicats FO, Sud et FSU du CNRS. Que lui reprochent-ils entre autres griefs ? Notamment « de mettre la recherche au service du fric » et de créer les conditions d’une mise en concurrence des chercheurs « en ne gardant que les meilleurs ». Et, en filigrane, un autre projet gouvernemental, celui de la réforme des retraites dont ils réclament en bloc le retrait.

      La LPPR « creuse la tombe de la recherche publique en France » selon les syndicats

      « La LPPR c’est une loi contre la recherche qui va dans le sens des précédentes lois », affirme Pierre Giroux, secrétaire général du SNTRS CGT. Son constat ? « Les personnels sont de plus en plus isolés. Il n’y a plus de travail d’équipe et nous sommes obligés de faire des demandes de contrats pour faire avancer nos recherches », déplore le syndicaliste.

      Le texte en préparation « creuse la tombe de la recherche publique en France », selon ce dernier, qui concède toutefois ne pas en connaître tous les détails. « Nous nous prononçons contre cette loi. Et demandons l’ouverture de négociations pour qu’une autre loi et un autre financement de la recherche soient possibles », appuie Pierre Giroux.

      Mêmes échos négatifs de la part de Benjamin Trocmé, directeur de recherche au CNRS et conseiller départemental. Ce dernier brocarde « une ministre qui arrive en catimini et sans vraiment rencontrer les personnels ». Lui aussi reconnaît ne pas exactement savoir à quelle sauce les chercheurs vont être mangés.

      « Des rumeurs commencent à circuler. Il y a toute une philosophie tendant à mettre les labos en compétition », s’inquiète-t-il. « Jusqu’à présent, la recherche ça a toujours été de la coopération et de l’émulation. Cette loi est incompatible avec le principe même de la recherche », tranche Benjamin Trocmé.

      Les manifestants ont refusé de dialoguer avec Frédérique Vidal

      Cette réaction épidermique, tant sur la LPPR que sur les retraites, n’a pas manqué d’étonner Émilie Chalas, députée de la conscription sur laquelle se situe le CNRS. « C’est surprenant parce que les textes sont toujours en cours de discussion à l’Assemblée nationale. […] On sent bien là une instrumentalisation politique des inquiétudes », juge-t-elle. « Frédérique Vidal est une ministre qui a le contact plutôt facile. Peut-être s’arrêtera-t-elle pour échanger avec les manifestants ? », a-t-elle envisagé.

      Mais non. Les manifestants ont catégoriquement refusé le dialogue, pourtant proposé par le directeur de cabinet du préfet de l’Isère. En cause ? La présence d’un contingent de gendarmes mobiles ayant pris position dans l’enceinte du CNRS et qui les avaient prévenus qu’ils feraient usage de la force s’ils ne se déplaçaient pas au-delà d’une ligne imaginaire.

      « En quarante ans de présence, on n’a jamais vu ça au CNRS ! », s’indignent des chercheurs, remontés comme des coucous. Mais ce n’est pas tout. Un peu plus tôt, bien qu’ils soient en possession d’une invitation officielle, plusieurs enseignants et syndicalistes de l’Université Grenoble-Alpes (UGA) n’avaient pas pu pénétrer sur le site.

      « Il y avait clairement une volonté de ne pas nous faire rentrer », estime Nicolas Sieffert, enseignant-chercheur au Département de la licence sciences et technologies (DLST). « Nous sommes juste des chercheurs. Il n’y avait aucune volonté de bloquer, sinon celle de protester », plaide-t-il.

      « Cette loi va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche »

      « Cette loi de programmation est une loi budgétaire qui va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche sur les sept à dix prochaines années », explique, quant à elle, Frédérique Vidal. Le challenge ? Trouver comment utiliser au mieux cet argent « qui viendra en plus de ce qui est fait actuellement » pour répondre à trois questions fondamentales. À savoir : « rendre la recherche attractive, continuer à faire de la France un grand pays de recherche, et mieux articuler les recherches fondamentales publiques et privées », énumère la ministre.

      « La loi sera une loi budgétaire mais il faudra ensuite la décliner en circulaires ou règlements. S’il y a quelques modifications à y apporter, il faudra le faire dans les semaines qui viennent », précise Frédérique Vidal. « C’est tout l’objet des rencontres d’aujourd’hui », a-t-elle expliqué.

      Pour autant, si l’on en croit la fraîcheur du comité d’accueil, la pilule risque bien de ne pas passer aussi facilement.

      Frédérique Vidal déclare entendre les inquiétudes des chercheurs. Cependant, et sans surprise, la ministre n’en défend pas moins pied à pied la future loi, en vantant une initiative gouvernementale inédite.

    • Interpellation du Président #Michel_Deneken par l’AG des personnels de l’#Université_de_Strasbourg

      Lors de la présentation à la presse du projet Cap 2030 de notre université, vous avez prononcé cette phrase, rapportée par les DNA (https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030) ce 13 février dans un article intitulé « Une vision commune et des priorités à l’horizon 2030 » :

      "Nous sommes une #entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de #clients".

      En tant qu’universitaire, vous connaissez la valeur des mots. Ces mots ne sont pas les nôtres.

      Non, Monsieur le Président, nous ne sommes pas une « entreprise », mais un Service public.

      Les étudiants ne sont pas des « clients » : nous leur offrons une formation publique, des savoirs publics et une recherche publique. Nous vous prions instamment de défendre les valeurs de la Fonction publique de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et non celles du secteur privé, auquel nous n’appartenons pas et auquel nous ne voulons en aucun cas
      appartenir.

      L’Assemblée générale des personnels de l’Université résistante de Strasbourg.

      #Deneken

      –-----

      L’article paru dans le journal DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace) :

      Université de Strasbourg : une vision commune et des priorités à l’horizon 2030

      L’Unistra a élaboré un document d’orientation stratégique afin de définir ses priorités d’ici 2030. Avec l’objectif de déterminer des grands axes d’actions pour l’enseignement supérieur et la recherche mais aussi de répondre à court terme aux préoccupations actuelles.

      • Cap 2030 : plus de 600 propositions

      « Autrefois les stratégies des universités étaient décidées par les ministères. Nous nous sommes emparés des marges d’autonomie. Nous avons le devoir de donner une perspective, une stratégie à notre université. L’immédiat ne doit pas nous faire oublier de tracer un cap », explique Michel Deneken, président de l’Unistra. Avant de poser cette question : « Quels sont les grands défis, dans les 10 ans, qui peuvent nous mobiliser ? »

      Pour y répondre, l’université avait lancé, l’an dernier, auprès des plus de 60 000 membres de sa communauté – composée de 52 000 étudiants, plus de 5 500 enseignants, enseignants-chercheurs et personnels, et plus de 4 500 intervenants professionnels extérieurs – une consultation inédite nommée Cap 2030.

      Plus de 6 000 réponses ont été apportées et près de 620 propositions ont été faites, « dont 30 % sont déjà mises en œuvre », note Christelle Roy, vice-présidente chargée des Stratégies et développements. Avec deux préoccupations majeures : la qualité de vie et le développement durable.

      • Un document de référence

      L’idée de l’Unistra de définir sa vision et ses grandes priorités à l’horizon 2030 remonte à la fin 2018.

      La consultation de sa communauté avait été organisée en mars et avril 2019, l’année de ses 10 ans d’existence (depuis la réunification).

      Le document d’orientation stratégique a été adopté, le 28 janvier 2020, par le congrès de l’université. Ce document de cinq pages n’est pas un document décisionnel, ne prévoit pas de financements particuliers, mais constitue un document de référence, explique Christelle Roy.

      Chaque composante, chaque unité de recherche, chaque service, chaque personne pourra s’en saisir, pour s’en inspirer, élaborer ou participer à des projets, formuler de nouvelles actions concrètes. Il servira également de document d’appui pour consolider des grands appels à projets nationaux ou européens. Prochaine étape, la réalisation en mars d’un livret de référence qui permet « d’acter et de partager une vision commune ».

      • « Quel est notre ADN ? »

      Ce travail de prospective « nous a permis de prendre la mesure de ce que nous sommes », remarque Michel Deneken. « Il existe 80 universités en France, chacune est insérée dans un territoire et tributaire d’une histoire différente. Quel est notre ADN ? Qui sommes-nous dans le paysage français et européen ? Nous sommes une grande université de recherche. Nous sommes insérés dans Eucor et labellisés européenne avec Epicur. Comme le fait le CNRS, cette différenciation nous permet de mettre les moyens là où la différence est la plus grande. »

      • Une vision réaliste

      Plusieurs propositions pourront être rapidement mises en œuvre, notamment pour améliorer le développement durable, une demande qualifiée de « lame de fond » par Michel Deneken.

      Le document d’orientation propose « une vision réaliste », dans un contexte où
      « nous avons du mal à être financés de manière pérenne », remarque le président de l’Unistra. « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m2, pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. À un moment... » Puis de finir sur une bonne note : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030

    • Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à l’université de Nantes.

      Ne pas céder sur son désir. Depuis 7 ans je suis responsable pédagogique et administratif d’une licence professionnelle en Community Management. Je l’étais. Car à compter d’aujourd’hui, je démissionne. Rien ne permet d’indiquer aujourd’hui si celle licence pourra ouvrir l’année prochaine. Il faudra assurer son recrutement, le suivi des inscriptions et des négociations estivales d’étudiants en recherche de contrats ou simplement en demande d’information. Il faudra aussi recruter de nouveaux vacataires. Il faudra faire les emplois du temps en jonglant avec d’innombrables contraintes. Je ne le ferai pas. Je démissionne. Je démissionne de toutes mes fonctions administratives.

      En 7 ans, je pense avoir exploré toutes les principales failles d’une université qui achève de se renier dans chacune de ses valeurs fondamentales et qui ne tient plus que par la curiosité et l’envie de ses étudiants et le dévouement, hélas souvent mortifère, d’une partie de son personnel enseignant, technique et administratif.

      Quand j’ai voulu monter cette licence professionnelle je suis passé par toutes les phases au mieux ubuesques et au pire kafkaïennes. On m’a fait remplir d’innombrables dossiers et formulaires sans cesse recommencés, qui n’avaient aucun autre sens que celui de m’habituer à vivre dans un monde où chaque décision, chaque choix, chaque envie et chaque idée ne vaut que si elle peut être déclinée en autant de procédures cherchant l’épuisement de la (bonne) volonté. J’ai avalé toutes les couleuvres possibles, j’ai commencé, déjà, à m’asseoir sur un certain nombre de mes principes, parce que je pensais qu’il demeurerait une possibilité de les retrouver plus tard. Que ce renoncement n’était que provisoire. J’avais tort. Je vous avais raconté tout cela ici.

      Pendant des années, j’ai du défendre une formation qui n’était jamais « assez rentable » au regard d’autres formations, en tout cas pour certains collègues et responsables de site, de pôle ou de toute autre entité managériale superfétatoire. Pendant des années à l’échelle globale de l’université comme à celle de chacune de ses composantes, des formations ont été « mises en concurrence », non sur le plan pédagogique mais uniquement sur des paramètres et des critères financiers. Cette folie a conduit à d’innombrables tensions entre collègues, jusqu’à l’année dernière et cette scène surréaliste où le directeur de ma composante m’a demandé, sous peine de fermer la formation, de m’engager personnellement à trouver 5 ou 6 contrats. On nageait déjà en plein délire. Je vous avais raconté tout cela ici (sautez directement au passage « Mes chers collègues, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être ... »).

      Et puis il y a eu, cette rentrée à l’université de Nantes, l’affaire du trop-perçu des vacataires. Une erreur initiale de la direction des finances publiques, et quelques strates logicielles et administratives plus tard, des vacataires sommés de rembourser des sommes allant de quelques dizaines et plus d’un millier d’euros. Des vacataires qui représentent, rappelons-le près de 30% des heures d’enseignement dans les universités françaises. A l’université de Nantes, comme en atteste l’extrait du bilan social ci-dessous, ces vacataires assurent 127 000 heures d’enseignement. Pour vous donner un point de comparaison relatif, une formation de licence professionnelle c’est 450 heures d’enseignement en moyenne. Je vous laisse faire le produit en croix.

      Vacataires que l’on a donc, matériellement et symboliquement, traité comme du bétail. Depuis le mois de Septembre, nombre d’entre eux ont démissionné, mettant en péril l’existence même de certaines formations. Nombre d’entre eux sont également restés. Parce qu’ils n’avaient pas le choix (financier). Parce qu’ils étaient sincèrement attachés aux étudiants et aux formations. Et aussi parce que la possibilité de faire figurer « enseignant à l’université » sur son CV reste une reconnaissance symbolique importante. La licence dont je m’occupe emploie chaque année une quinzaine de vacataires intervenant pour deux ou trois heures et parfois pour assurer des enseignements complets autour d’une quarantaine d’heures. A ces gens-là on a envoyé différents courriers les sommant de payer sans même leur offrir la possibilité d’étalonner les paiements. Et sans que je ne sois, comme responsable de formation, jamais informé ni des sommes en jeu ni même de la nature desdits courriers. Puis devant le tollé du premier courrier tant la forme était violente, méprisante et humiliante, un courrier « d’excuse » fut envoyé aux mêmes pour déplorer la violence formelle du premier. Et puis ... et puis tout à continué. Les relances incessantes dont celles en guise de voeu de bonne année. Les demandes d’étalement pour lesquelles on vous somme de produire un dossier digne des services sociaux de l’Angleterre Thatcherienne. Vous sollicitez une exonération ou un étalement et vous avez déjà rempli 2 dossiers différents ? Merci de nous envoyer « un état de vos ressources actuelles selon votre situation familiale, un état de vos dépenses (loyer, électricité, téléphone, taxe habitation, impôts sur le revenu, crédit), les justificatifs d’une situation de difficulté financière importante (incident bancaire...). » Tout cela est bien sûr authentique.

      C’était là ma limite. La plupart de ces gens, de ces « vacataires », je les connais depuis plus de 10 ans. Pour nombre d’entre eux c’est moi qui les ai « recrutés » ou plus exactement « embarqués » dans cette histoire. Ils viennent pour une paie de misère. Ils n’ont même pas le droit d’être défrayés parce que l’université ne le permet pas. Alors bien sûr on triche. On fait des faux. Oui. Des faux. Dix ans que je fais des faux. Je rajoute ici ou là des fausses heures de cours parce que j’ai honte de ne pas pouvoir faire autrement pour pouvoir au moins défrayer un petit peu les vacataires qui sont à nos côtés et devant nos étudiants. Chaque année je « pose » les emplois du temps de ces vacataires. On finit par pénétrer dans des zones d’intimité. Pas de cours le mercredi parce qu’il est divorcé et a la garde de ses enfants. Pas de cours pour elle les semaines impaires, pour la même raison. Que des cours le vendredi après-midi en Janvier parce qu’il en profite pour visiter des clients dans le coin le vendredi matin. Pour elle, pas de cours le lundi matin de Septembre à Décembre parce qu’elle suit un traitement médical un peu « lourd ». Et tout le reste. La famille. Les enfants. Les loisirs. Les opinions politiques. Depuis 10 ans. 10 ans qu’on les connaît ces vacataires. Qu’on prend le café avec eux. Elle c’est sans sucre. Et lui c’est plutôt du thé. Il y en a qu’on accueille à la maison pour leur éviter de payer l’hôtel. Car certains viennent de loin. Il y en a qui nous amènent des chocolats à Noël. Il y en a qui prennent nos étudiants en stage. Ou en contrat. Il y en a qui versent chaque année de la taxe d’apprentissage à nos formations. A l’université de Nantes. Celle-là même qui leur réclame ce « trop-perçu ». Il y en a tellement. Qui passent. Qui restent. Qui reviennent. Certains sont devenus des copains. Le resteront quoi qu’il arrive.

      Dans l’affaire du trop-perçu des vacataires j’ai averti et alerté tous les services centraux de l’université. Présidence, DGS, DRH, directions concernées de l’IUT. J’ai arrosé large. Je n’ai pas du être le seul. J’ai demandé et j’ai expliqué. J’ai dit que nous ne pourrions pas supporter ces démissions. J’ai dit que des formations allaient être en (grand) danger. J’ai dit que sur le fond comme sur la forme rien de ce qui était fait n’était ni normal, ni digne, ni respectueux. J’ai même proposé un protocole pour en sortir. Un « tuto » de sortie de crise. Qui consistait par exemple à prioriser avec les responsables de formation, les sommes à recouvrer dans l’immédiat, celles à recouvrer plus tard, et enfin un volet de cas particuliers pour lesquels une exonération partielle ou totale, immédiate ou différée, était à la fois envisageable et justifiée, soit au regard de la situation des personnes, soit au regard des exigences et nécessités de service des formations. Mais rien. Nombre de vacataires ayant finalement payé, nombre d’entre eux ayant également démissionné, et étant toujours en contact étroit avec chacun d’entre eux, j’ai fini par demander une exonération totale des sommes qu’il restait à payer pour 4 d’entre eux. Il y avait à chaque fois une bonne raison : l’entreprise de l’un nous versait régulièrement de la taxe d’apprentissage, une autre s’était tapée le trajet Bordeaux - La Roche sur Yon 4 fois par an pendant 7 ans, et un autre traversait un moment personnel compliqué. C’était bien sûr inéquitable. Mais dans un système à ce point dysfonctionnel il ne peut plus y avoir de point d’équilibre ou d’équité, seulement des points de rupture. Et j’ai mis ma démission dans la balance.

      Pendant que l’université continuait de réclamer quelques centaines d’euros « d’argent public » à de récalcitrants vacataires, le président sortant de l’université, Olivier Laboux, nous livrait son « bilan de mandat », sur les pages web de l’université, en version .pdf et ... avec un document imprimé de 32 pages sur papier glacé diffusé à ... je n’ose imaginer combien d’exemplaires. Avec cet argent également public d’une impression tout à fait inutile, combien de vacataires aurait-il été possible d’épargner et de soulager ? J’ai posé cette question par mail au président. J’attends toujours sa réponse.

      Parmi les gens auxquels j’ai écrit, il y a quelques managers venus du privé et il y a surtout beaucoup, beaucoup d’universitaires. Mais non. Rien. La seule réponse que j’obtins fut celle du « je partage votre exaspération » mais « il s’agit d’argent public » suivi d’un inénarrable « mais on va apprendre de cet échec pour s’améliorer, pour alléger les procédures ». Malgré tout cela et depuis désormais presque 6 mois que cette affaire a éclaté, jamais ces gens n’ont agi en universitaires. Pourtant beaucoup d’entre eux sont universitaires. Jamais ils n’ont pris de contact direct avec les responsables de formation. Jamais ils n’ont envisagé de prendre en compte l’impact de leurs décisions de recouvrement sur le contenu des formations. Jamais ils n’ont pris en compte l’aspect humain et la relation de sens qui unit l’immense majorité de ces « vacataires » à l’université. Tous ces gens n’ont été que comptables, et en plus de cela de mauvais comptables, tristement incapables d’une quelconque forme d’expertise. Je crois que c’est cela qui est le plus navrant. Que des universitaires puissent à ce point être oublieux de ce qu’ils sont.
      Nous sommes devenus indignes de ce(ux) que nous représentons.

      Parce qu’il faut que les formations soient toujours plus « rentables », l’université déploie des trésors d’ingéniosité budgétaire pour accompagner les étudiants dans la recherche de contrats (contrats pro ou contrat d’apprentissage) qui vont lui rapporter de l’argent, des « ressources propres » comme l’on dit dans la novlangue managériale. Et pourquoi pas.

      Mais à l’heure où la précarité étudiante (matérielle et psychologique) progresse, la médecine universitaire du 21ème siècle est indigente, les services sociaux sur les campus sont soit inexistants soit totalement saturés, et - expérience vécue - quand nous sommes confrontés à des cas extrêmement difficiles de harcèlement sur un lieu de stage les services juridiques sont absents, surchargés ou se déclarent eux-mêmes incompétents et d’autres services (la DEVU en l’occurence, merci à eux d’ailleurs) font ... ce qu’ils peuvent. J’en suis arrivé, cette année, à faire intervenir une inspectrice du travail à la retraite pour sensibiliser les étudiants à ces questions, intervention que je dois bien entendu payer « sur les crédits de ma formation », grâce à l’argent que me rapportent ... les contrats. Je n’ai même pas cherché à discuter quand on me l’a annoncé. Pour être sincère, sur le moment, cela m’a d’ailleurs presque paru ... normal. La formation est désormais rentable. Je paie donc certains intervenants sur mes propres crédits. Tout cela est un non-sens absolu. Et occupe l’essentiel de nos agendas qui ne sont faits que de fausses urgences alimentées par d’imbéciles procédures nécessitant d’improbables et toujours plus complexes dossiers soumis à d’aléatoires et aveugles arbitrages budgétaires.

      Je ne pense pas, en l’état actuel de la gestion des universités françaises, qu’il soit encore possible de faire avancer les choses. En tout cas par des formes de négociation qui postulent ou présupposent une acceptation de l’environnement managérial actuel de l’université. Même les gens intelligents sont pris dans un environnement auto-référentiel qui les aveugle et les abrutit. Ils dansent comme des lapins dans des phares. Quand l’université leur annonce qu’ils vont devenir des « préfigurateurs de la vision » (là encore c’est authentique) ils trouvent ça normal et se précipitent aux réunions pour en être. Quand le ministère baptise « Bienvenue en France » un plan visant à multiplier par 16 les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils trouvent ça cohérent. Eux-mêmes, dans leur propre université, font voter une baisse de 20% du budget des bibliothèques universitaires. De leur bibliothèque universitaire. Quand on les interpelle sur la violence systémique et symbolique de leurs courriers et de leur mode de management ils disent n’y voir « aucune intentionnalité ». Si demain on leur annonçait le remplacement du ministère de l’enseignement et de la recherche par celui des démarches ridicules ils se mettraient à marcher en canard ou en crabe.

      J’avais jusqu’à maintenant « résisté » parce qu’à chaque fois c’est moi qui prenait la décision finale. Et cette décision était prise conformément à un certain nombre de mes valeurs. Et me permettait, du moins le pensais-je, de protéger et d’accompagner au mieux les étudiants et parfois les collègues. Juste un exemple parmi tant d’autres : on m’expliquait (avec force) qu’il ne fallait prendre que des étudiants « financés » par un contrat en licence pro ? Je maintenais un accès de droit en formation initiale pour des étudiants avec de bons dossiers et continuais de refuser des étudiants avec des contrats mais de mauvais dossiers. Parce que je ne suis pas là pour faire du chiffre. Mais pour former des étudiants qui ont un projet cohérent. Cela peut vous paraître fou mais voilà contre quoi nous sommes nombreux à lutter, pied à pied, chaque jour, depuis des années.

      Aujourd’hui la plupart des digues qui me permettaient de protéger et d’accompagner efficacement les étudiants sautent les unes après les autres. Et celles qui me permettaient, pour une formation dont j’ai la charge, de rester (vaguement) responsable parce que décisionnaire du sort qui était fait aux collègues, titulaires, précaires et vacataires, ces digues là ont donc également sauté. Je n’ai donc plus aucune raison de continuer. Le système en lui-même ne semble plus capable d’une forme, même vague, même lointaine, de résilience. Si mon seul rôle consiste à accompagner des collègues sur le chemin de l’humiliation administrative, financière et symbolique sans pouvoir de quelque manière que ce soit l’empêcher, l’éviter ou la combattre, alors c’est que je ne suis plus à ma place, ou que ma place est celle d’un allié de ce système. Ce n’est bien sûr pas envisageable.

      Mais derrière tout « système » il y a des gens, décisionnaires, responsables devant la communauté qu’ils sont supposés représenter. A chaque étage franchi dans l’échelle des responsabilités universitaires - et même en laissant de côté les simples arrivistes déjà nombreux - j’ai l’impression que l’on ne fait que grandir en aveuglement et dans l’acceptation cynique et réfléchie de formes douces d’inhumanité. Jusqu’à l’étage ministériel et l’immonde plan « Bienvenue en France » contre lequel la communauté universitaire dans son ensemble n’a même plus été en capacité de réunir les formes de résistance nécessaires à son abolition immédiate.

      Très sincèrement je ne sais plus comment me comporter avec ces gens là. Les ignorer est coupable. Leur parler semble vain. Les insulter soulage à peine.

      Il (me) faut trouver d’autres terrains de lutte. Peut-être plus essentiels. Probablement moins universitaires. Car ce qui reste à sauver de l’université semble se jouer désormais principalement en dehors d’elle-même.

      « Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner » écrivait Saint-Exupéry. Alors soyons exigeants :-)

      Je remercie sincèrement, les collègues, titulaires, vacataires, précaires, grégaires, mais aussi, et leur part est immense, les secrétariats et services administratifs, services de formation continue, qui ont fait vivre et porté à bout de bras cette formation pendant 7 années à mes côtés. Que nous ayons été d’accord ou pas, pendant 7 années cette licence a aussi été la votre et ce que chaque diplômé est devenu, il vous le doit aussi un peu. Chaque parcours aura été unique et chaque rencontre précieuse. Ce que vous avez apporté aux étudiants n’a pas vraiment de prix. Vous le savez. La vie continue.

      La vie continue mais il va falloir que quelque chose change. Pour que nous retrouvions du sens à faire ce que nous faisons chaque jour. Nous le devons à nos étudiants. A nos collègues. Surtout précaires. D’abord précaires. Et un peu à nous-mêmes.

      « Ne pas céder sur son désir » disait Lacan, pour que la personne devienne sujet. Il ne nous reste que nos désirs à opposer aux ratiocinations faussement rationnelles du New Public Management dans les dernières strates encore capables de prendre collectivement soin des êtres et de ces choses bizarres que l’on trouve notamment dans les bibliothèques universitaires et que l’on appelle des connaissances. Ne pas céder sur son désir. Celui de prendre soin. A l’université comme à l’hôpital. Alors ne cédons pas sur nos désirs.

      Le 5 Mars l’université et la recherche s’arrêtent. C’est écrit sur les murs.

      https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/02/pourquoi-je-demissione-universite-nantes.html
      #démission #violence #résilience #humiliation_administrative #aveuglement #inhumanité #désirs #new_public_management #connaissances #prendre_soin

    • #Montpellier : des manifestants perturbent l’inauguration du #village_des_sciences pour interpeller les élus

      Près de 150 personnes se sont invitées à l’inauguration du village des sciences de Montpellier, ce 11 février, pour protester contre la précarité des étudiants, mais aussi protester contre la loi de programmation de la recherche et la réforme des retraites (LPPR).