Ben oui @rastapopoulos, mais non. Là je crois qu’on passe à un niveau inédit, assez différent quant à la manière de fabriquer la guerre de tous contre tous, de chacun contre tous les autres, pendant que prospère actuellement le seul collectivisme réellement existant, celui des capitalistes, de la bourgeoisie.
Ce que dit cette communication (guerre à l’entendement) c’est « si vous êtes pauvres, si vous vous appauvrissez, si on vous rabote l’APL, si l’huissier arrive, si vous risquez l’expulsion, c’est à cause des migrants ». Il y’a là quelque chose de spécifique et aussi d’étrange, s’agissant d’une mesure d’état qui pouvait être revendiquée au nom de la gestion, de l’équité (tous baratins qui sont aussi présents mais de manière peu insistante, trop rebattus sans doute, la com est aussi guerre de mouvement...) puisque dire « c’est la faute aux migrants » c’est dire aussi « nous sommes raisonnables (on expulse, on flique) et humains (on accueille, un peu) mais nous avons pris la décision de payer pour eux avec vos allocs », c’est à la fois s’éxonérer de la responsabilité de la réforme, et la revendiquer.
Je vois venir d’ici le qualificatif « schizophrénie », mais alors au lieu d’en rester à l’usage du terme comme insulte, elle créerait quoi cette schizophrénie là ?
Ce qui migre, ce qui est déplacé avec ces propos c’est le discours délétère sur l’armée industrielle de réserve (c’est les migrants et les chômeurs qui sont responsables du blocage ou de la baisse du salaire), c’est le discours nationaliste sur la division internationale du travail (pardon, mais il n’y a plus d’emploi pour vous car les Chinois le font pour moins cher), ils migre de la sphère emploi/salaire direct vers celle de besoins fondamentaux (et pas de l’emploi...) dont la prise en charge partielle avait été socialisée, et dont la socialisation (toujours plus partielle) est désormais utilisée non pas simplement pour mener la guerre aux pauvres mais pour créer la #guerre_entre_pauvres. On pourra y voir une manière de revitaliser la foi dans l’emploi, qui si on en use correctement à titre individuel devrait être suffisant pour ne pas dépendre de l’APL. Mais ce qui est plus spécifique ici est que l’état xénophobe sous traite aux précaires la gestion de la guerre aux pauvres, l’idéologie idoine était là, il s’agit de mieux en faire usage, de désolidariser encore et encore.
Quant en janvier 1998, Jospin a déclaré, en réponse aux mobilisations de chômeurs et précaires, « je préfère une société de travail à l’assistance » sa dénonciation de l’assistance assumait pour le compte du PS tout entier un retournement complet par rapport aux traditions de solidarité de la Révolution française et des autres moments émancipateurs que l’histoire a connu. Et, plus que le passé lointain, ce qui était à l’oeuvre c’était l’explicitation d’une position contre révolutionnaire, au présent. Avec ces assonances au « le travail c’est la liberté » dont Sarkozy usera en 2007 pour sa campagne, ce sont des remugles du nazisme qui servent de toile de fond à la parole et à l’action publique. Tout comme avec cette dose de « social » où est mise en scène la dignité du travailleur national, et dans ce cas celle du travailleur pauvre, ce français de la diversité qui sait sacrifier son égoïsme aux nécessités de l’économie, démuni mais digne, un travailleur pauvre dont la dignité est el modèle dont fainéants et parasites de l’état social ont à prendre exemple (vers le plein emploi précaire), sous peine de déchéance matérielle et morale.
Quand Valls déclare en septembre 2013 « Les Rroms ont vocation à rentrer en Roumanie », c’est une réplique tardive, affaiblie mais néanmoins terrible, du vote des pleins pouvoirs à Pétain qui nous est vomie en pleine face. La Nation est généreuse, la République est intégratrice, mais ne soyons pas naïfs, leur identité les en sépare, c’est par leurs meneurs que - comme disaient les P"C" staliniens - ils s’en excluent d’eux mêmesL Le débat sur l’identité nationale proposée par Sarkozy a donc été tranché parmi ses collègues. Depuis des similis pogroms (qui n’en étaient heureusement pas car il n’y eu pas de morts) ont eu lieu, des voisins se chargeant d’ajouter une expulsion de bidonville autogérée à toutes celle répétitivement réalisées par les préfectures.
Quand aujourd’hui une obscure ministre du logement fait sa com’ en attribuant aux migrants l’appauvrissement et la précarisation que leur réforme de l’APL est en train de programmer, à quoi a-t-on affaire ? Personne ne fait attention, non seulement à la brutalité de la mesure qui s’annonce mais à ce qui est supposée la justifier. Qu’est ce que ça signifie ? Ça semble fou.
Je ne suis pas surpris, personne ici ne l’est j’imagine, que le gouvernement vise à faire des économies aux détriment des prolos et autres précaires. Mais lorsqu’on nous dit, « nous sommes généreux avec les migrants, un état bienveillant, et cela va vous coûter à vous, les démunis », je suis étonné. La manœuvre est ignoble, abjecte, haïssable. Mais je ne la comprends toujours pas. Je me demande ce qui peut bien être visé par cette manipulation perverse : faire grimper un FN tout juste en train de penser à s’implanter dans les quartiers et banlieues pour jouer de l’urgence à sauver la démocratie à la prochaine votation ? Attribuer aux pauvres la montée d’un FN (comme elle fut attribuée aux ouvriers, quitte à gommer la prépondérance de l’abstention parmi eux) qui deviendrait (avec, au premier chef, le millénarisme musulman le plus mortifère comme ennemi utile et quelques micro refuges idéologiques ou contre culturels rescapés des mouvements extraparlementaires du XXème siècle) l’un des seuls recours disponible pour qui refuse que l’économie, la politique du capital, règne en maître sans qu’aucune invention politique n’intervienne ?
Avec quelle digues sont ils en train de chercher à canaliser la violence, le refus ? Et à quel prix ?
Faute de comprendre, car après tout, ce qui précède est déjà inscrit dans la situation, une touche personnelle est peut-être à prendre en compte. Depuis son appartenance à une deuxième génération d’immigrés (faussement présentée comme antifranquiste), Valls est l’exemple et le défenseur farouche d’une intégration profondément normalisatrice. Devenir français c’est devenir un dominant, ou au moins vouloir l’être. On peut et doit traiter le dernier venu moins bien qu’un chien, et si on est au bon endroit pour participer aux grosses subtilités actuelles, prétendre avoir inventée une SPA renouvelée pour quelques abandonnés. (love love love disait une chanson, Valls obéissant à ses conseillers a essayé de jouer cette carte en déclarant son « amour »... aux agriculteurs de la FNSEA, leur solidarité est réelle mais on peut parier quelle repose sur de tout autre sentiment, l’admiration pour les milliardaires de Macron parait plus sincère).
On ne peut accueillir toute la misère du monde (et on sait qu’ils sont en train d’essayer d’organiser un tri drastique) doit devenir une évidence sensible, partagée. On en prend notre part, eh bien cela suppose des sacrifices.
Pour faire accepter ce discours, il faut mettre de côté toutes les observations qui montrent et prouvent l’apport économique des migrations, s’aligner sur ce qui peut être ressenti par exemple dans les queues devant les CAF : il y a trop d’étrangers (y compris le cas échéant lorsque j’en suis un moi même) pour que ma part de gâteau ou mes miettes ne s’en trouve pas réduite et menacée.
Comme Ménard avec les cordes à linges.
Peur, misère matérielle et morale, le paysage devient terrifiant.
#socialistes_ni_oubli_ni_pardon