« La promesse, c’était de rester cinq ans en RDA et de revenir avec un travail et un logement de fonction » : le rêve allemand des Algériens de Tiaret
Par Julia Pascual
Dans cette ville des hauts plateaux algériens, le drapeau allemand est partout. Des générations d’hommes ont émigré outre-Rhin cultivant, encore aujourd’hui, l’espoir d’un eldorado. Cette histoire particulière puise ses origines dans les années 1970 avec l’accord conclu entre l’Algérie, soucieuse de prendre ses distances avec l’ancien colonisateur français, et la RDA communiste, avide de main-d’œuvre.
C’est une histoire méconnue, presque oubliée, qu’on n’arrive à reconstituer que par touches impressionnistes. Celles-ci dessinent une relation entre deux pays, nouée au creux de la guerre froide, bâtie au nom de l’amitié socialiste et qui a subsisté dans le cœur des hommes jusqu’à aujourd’hui. C’est une histoire d’amour entre l’image d’une nation et les habitants d’une ville des hauts plateaux algériens, Tiaret, à laquelle le destin n’a réservé ni l’opulence ni la renommée.
Dans les rues de cette ville située aux portes du Sahara, à 230 kilomètres au sud-est d’Oran, dans une wilaya (région) de près de 900 000 habitants, on rêve d’Allemagne depuis cinquante ans. Dans les gradins du stade où les jeunes se rendent pour soutenir l’équipe locale, la JSM Tiaret, c’est le drapeau allemand qu’on brandit avec passion. Sur les écharpes des supporteurs, le bleu et blanc de la ville se mêlent au noir, rouge, jaune de la Mannschaft, l’équipe nationale de football d’Allemagne.
Sur un mur du centre, l’aigle impérial a été dessiné. Il arbore sur la poitrine le croissant de lune et l’étoile algériens. Dans les échoppes des quartiers, des téléviseurs diffusent des chaînes où l’on parle la langue de Goethe. Une situation unique dans le pays. Pour la jeunesse désœuvrée de cette région céréalière, l’eldorado n’est pas français. Il s’appelle Francfort, Stuttgart ou Berlin.
Dès leur plus tendre enfance, les Tiarétiens goûtent son évocation à travers la figure d’un cousin qui vient au volant de sa BMW rutilante passer l’été au pays, celle d’un voisin qu’on a entendu vanter ces contrées où « tu as des droits, tu peux faire ta vie, avoir un travail et un logement ». Mais aussi à travers la parole des anciens qui racontent ce passé lointain, quand tout a commencé et qu’ils sont allés par centaines se former aux métiers de la sidérurgie ou de la chimie en République démocratique d’Allemagne (RDA) et en sont revenus riches d’un vécu pouvant susciter mille désirs.
A l’époque, Houari Boumédiène (1932-1978) préside la jeune République algérienne démocratique et populaire. Figure des non-alignés, il ambitionne de faire de son pays une puissance industrielle en s’appuyant sur ses ressources pétrolières. Déterminé à asseoir son autonomie économique à l’égard de la France, il contribue à mettre fin à l’émigration de main-d’œuvre vers l’ancien colonisateur, en dénonçant le climat de racisme et les mauvaises conditions d’emploi qui y règnent. Une position qui coïncide, en France, avec la fin des « trente glorieuses » et la mise en place d’une politique d’immigration restrictive.
L’Allemagne de l’Est a au contraire besoin de cette main-d’œuvre pour faire tourner son industrie. Un accord de coopération est signé entre les deux pays en 1974, qui prévoit l’envoi de travailleurs temporaires en RDA, en échange de leur formation. Il s’agit du « premier contrat de ce type conclu par un État socialiste avec un pays en développement progressiste », peut-on lire dans les archives politiques du ministère des affaires étrangères est-allemand de l’époque. D’autres suivront, avec Cuba, le Mozambique, le Vietnam, l’Angola, la Chine ou encore la Corée du Nord. Mais « l’accord avec l’Algérie était le premier de ce type qui prévoyait une immigration limitée dans le temps et associée à une qualification professionnelle », souligne la sociologue Almut Zwengel, qui a effectué sa thèse sur ces travailleurs algériens passés par la RDA, affectés, à leur retour, dans les entreprises publiques.
En Algérie, on lance, avec le concours financier et technique de la RDA, la construction d’usines à Alger, Oran, Biskra, Batna ou Berrouaghia. La ville de Tiaret est choisie pour y implanter l’une des plus grandes fonderies du pays : la SN Metal. « Les dirigeants algériens utilisent cet accord pour obtenir de meilleures conditions pour leurs travailleurs que dans les pays impérialistes (notamment la France) et pour assurer leur retour en Algérie et leur réintégration dans l’économie du pays, valorise alors la diplomatie est-allemande. En outre, les dirigeants algériens considèrent cet accord comme une contribution de la RDA à la résolution du problème aigu du chômage et de la pénurie de cadres. »
La coopération prend fin peu après la mort du président Boumédiène, en 1978 : les derniers contingents sont envoyés en RDA en 1981. Au total, estime Almut Zwengel, quelque huit mille Algériens – des hommes âgés de 20 à 40 ans – ont été envoyés dans des dizaines d’entreprises du charbon, de l’énergie, des mines, de la métallurgie ou de la construction de machines agricoles… Un nombre insignifiant comparé aux huit cent mille Algériens qui se trouvent en France au début des années 1970. Mais, à Tiaret, cette époque a laissé une empreinte durable. Et c’est à travers la mémoire des anciens que l’on parvient à saisir comment le « rêve allemand » s’est distillé de génération en génération.
En 1976, Hmida (il n’a pas souhaité donner son nom de famille, comme tous les témoins algériens rencontrés en Allemagne) avait 20 ans et ce n’était certainement pas le plus bel âge de sa vie. A l’époque, le jeune homme s’achemine péniblement vers la fin de ses études secondaires. Avec ses parents et ses frères et sœurs, ils s’entassent dans une petite maison, à Tiaret. L’avenir est incertain. Jusqu’à ce qu’il entende parler d’une société, la SN Metal, qui va former des stagiaires en RDA. « La promesse, c’était de rester cinq ans là-bas et de revenir avec un travail et un logement de fonction », résume cet Algérien de 68 ans, aujourd’hui installé à Gladbeck, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. (...)
Mohamed a, lui, débarqué à Leipzig en 1979. A 72 ans, cet homme élancé porte toujours la moustache chevron de ses 20 ans. Il compare l’arrivée des Tiarétiens en RDA à une rencontre heureuse entre deux jeunesses. Celle d’une nation qui se construit et celle d’un pays exsangue, « tombé dans l’escarcelle des Soviétiques ». Les Tiarétiens soignent alors leur descente d’avion. Ils portent des jeans pattes d’eph’, des chemises ouvertes et des lunettes aviateur. Ils ont les cheveux longs, le teint mat. A travers eux, un vent d’Ouest souffle en RDA. « Le racisme était présent en Allemagne de l’Est, mais le statut social des Algériens n’était pas aussi mauvais qu’en France, souligne l’historien Jan Daniel Schubert, l’un des rares à s’être intéressés à ces travailleurs algériens, via le centre de recherche sur l’histoire orale de l’université allemande d’Erfurt. La vie n’était pas chère, ils étaient payés autant que les Allemands au même poste et recevaient une prime de congés en devises. »
Hebib est à l’époque l’un des meilleurs amis de Mohamed. A Tiaret, il était agent administratif au service des impôts. C’est son frère aîné qui l’a encouragé à partir en RDA. Les deux garçons ont perdu leur père trois mois auparavant et Hebib, 22 ans, quatrième d’une fratrie de sept, passe alors plus de temps à s’assurer de ses charmes auprès des filles qu’à se construire un avenir. « Je connaissais des gens qui étaient en Allemagne et revenaient pour les vacances, raconte-t-il. Ils m’avaient dit : “Là-bas, personne ne t’emmerde, chacun veut te connaître, il y a les filles et la bière.” » Arrivé à Leipzig en février 1977, le jeune homme doit d’abord suivre six mois de cours intensifs d’allemand. Mais c’est ailleurs qu’il fait ses meilleures classes.
« J’ai rencontré Inge au bout de dix jours, se souvient-il. Je ne parlais pas sa langue. On se rendait en discothèque dans un bus bondé. Elle m’a regardé. C’était une très belle femme. En descendant du bus, elle m’a donné la main. On est resté douze ans ensemble. » Inge, qui est aussi blonde que Hebib est brun, travaille comme bobinière dans une usine. Lui est formé au métier de modeleur en fonte. Ils emménagent rapidement ensemble et se marient en juillet 1980, cinq mois après la naissance de leur premier fils, Halim. Puis vient le moment du retour au pays pour Hebib, qui doit embaucher à la SN Metal. Inge le suit.
« Pour les femmes d’Allemagne de l’Est, le mariage était aussi un moyen de sortir de la RDA », souligne Jan Daniel Schubert. Mais, arrivé à Tiaret, le couple déchante. « On habitait avec ma mère et mes frères, il n’y avait pas l’eau courante dans le quartier. Inge a mal vécu l’Algérie. Et moi, tout le monde me disait de foutre le camp. » La petite famille reste six mois, de mai à décembre 1981, avant de repartir en Allemagne. Cette fois, cap vers l’ouest. Ils passent par le camp de transit de Giessen où sont enregistrés les réfugiés de RDA. Hebib obtient un poste de contremaître dans une usine de Bad Windsheim, en Bavière. « C’était une bonne position, bien payée », rapporte-t-il. De retour de Leipzig, en 1982, Mohamed se confronte quant à lui au démarrage laborieux de la fonderie de Tiaret. « L’usine n’était pas prête et je n’ai rien fait pendant un an. Beaucoup sont alors repartis en Allemagne et ceux qui sont restés pour rebâtir le pays s’en sont mordu les doigts. » La grande fonderie, finalement inaugurée en 1983, est aujourd’hui une petite usine sans grande importance. Tiaret n’a pas marqué les mémoires par sa grandeur industrielle, mais plutôt pour avoir abrité l’un des plus grands haras du pays, destiné à fournir la cavalerie française.
Mohamed a malgré tout travaillé treize ans pour la SN Metal avant de quitter son pays une seconde fois, à la fin des années 1990, quand il a eu le sentiment de compromettre l’avenir de ses filles en Algérie. S’il avait pu, il se serait installé avec son épouse en Allemagne, où le Mur était tombé, mais la présence de ses beaux-parents émigrés dans le Pas-de-Calais et le fait que ses enfants aient suivi une scolarité en français ont eu raison du choix d’implantation familiale. C’est à Lens qu’il vit désormais. Comme s’il était épris à jamais d’une forme de nostalgie, il prend régulièrement le volant de sa petite Citroën, traverse la Belgique puis remonte le bassin de la Ruhr pour retrouver d’anciens camarades d’Allemagne de l’Est.
Mohamed, qui a été formé à Leipzig puis a travaillé à la SN Métal, vit actuellement en France.
L’espace de quelques jours, ils partagent autour de pils fraîches les souvenirs de leur « petit paradis ». Dans l’esprit de Mohamed, la France n’a jamais été une option. « J’ai été élevé dans la haine de la France, explique-t-il. Pour les Algériens de ma génération, la guerre était encore très présente dans les mémoires. Ma mère, militante du FLN, a vécu l’enfer. Elle a été arrêtée, torturée, violée, condamnée à cinq ans de prison, détenue à Caen. Et c’est la même chose pour énormément de gens. Ce contentieux terrible, il n’existe pas avec l’Allemagne et ça fait toute la différence. »
Après avoir attendu en vain pendant un an le démarrage de la SN Metal à Tiaret, Hmida est retourné en 1983 en Allemagne avec sa femme, Cornelia, rencontrée dans une discothèque de Leipzig lors de son premier séjour en RDA. Lui non plus ne voulait pas s’installer dans l’Hexagone, même si, enfant, il y passait régulièrement des vacances. « C’est un beau pays, mais ils ont torturé mon père », confie-t-il. Aujourd’hui remarié, grand-père et propriétaire d’un petit pavillon avec jardin, il effectue toujours, de temps à autre, des remplacements comme laborantin dans une fonderie à 15 kilomètres de Gladbeck, au nord d’Essen. Sa retraite s’écoule, paisible. Il se sent à sa place. « J’habite dans un quartier où il n’y a que des Allemands. J’ai la nationalité. Ici, ce n’est pas comme en France, ce qui compte, c’est l’intégration. »
Hebib, lui, se sent « à 95 % allemand ». Il n’est pas retourné à Tiaret depuis presque dix ans. Divorcé, il vit seul dans un appartement modeste et propret au premier étage d’un immeuble de Hagen, une ville industrielle de la Ruhr où il s’est installé en 1992. Dans l’entrée de son domicile, il a accroché une vue de Tiaret en noir et blanc. Elle montre la rue Bugeaud, du nom du maréchal français auteur de massacres durant la colonisation, qui a été débaptisée après l’indépendance et où Hebib avait l’habitude de parader aux bras de ses fiancées. Mais les photos que l’Algérien de 70 ans aime montrer aux visiteurs, ce sont celles, nombreuses, de ses enfants, dont il décline fièrement les situations. L’un est responsable aux ressources humaines à la Deutsche Post, deux sont dans l’industrie automobile, le plus jeune est professeur de langue et sa seule fille veut devenir journaliste.
C’est cette promesse de réussite qui continue d’attirer les Tiarétiens. Selon les données du recensement allemand de 2023, il y avait 46 000 immigrés algériens dans le pays, loin derrière les 2,5 millions d’immigrés turcs et le 1,2 million d’immigrés syriens. C’est aussi moins que les immigrés polonais, russes, ukrainiens, kazakhs, roumains, afghans… La présence algérienne est invisible dans ce patchwork de près de 85 millions d’habitants. Mais, à Tiaret, il n’y a pas une maison où l’on ne connaît pas quelqu’un qui vit en Allemagne. Dans les années 1990, pendant la « décennie noire », en Algérie, ils ont été nombreux à prendre la même route que les anciens, pour échapper au service militaire, à la violence, à la misère. Entre 1992 et 1997, plus de 26 000 Algériens ont demandé le statut de réfugié en Allemagne, sans grand succès.
A mesure que les voies légales se sont raréfiées, les parcours sont devenus plus tortueux. On en trouve un témoignage dans l’ancienne prison de la police de Klapperfeld, dans le centre-ville de Francfort. Construite à la fin du XIXe siècle, elle a notamment servi de centre de détention pour les étrangers en voie d’expulsion jusqu’à sa fermeture définitive, en 2002. Le collectif Faites votre jeu, qui gère le lieu aujourd’hui, a recensé plus de mille inscriptions laissées par ces détenus, dans plus de trente langues. Parmi elles, sur les portes et les murs des cellules, le nom de Tiaret revient souvent.
Bouabdellah a pour sa part migré à Dresde en 1994 grâce à un visa de tourisme pour la Pologne. A défaut d’obtenir l’asile en Allemagne, ce Tiarétien a mis près de quatre ans à régulariser sa situation et travaille aujourd’hui comme agent de sécurité à l’université de Francfort. Djamel, arrivé à la fin des années 1990, se souvient, lui, avoir dû débourser 6 000 francs de bakchich pour obtenir un visa pour l’Allemagne. Tous ses frères et sœurs, restés à Tiaret, s’étaient cotisés. « J’ai galéré à mon arrivée, mais j’ai eu la chance de rencontrer mon ex-femme », dit-il. À 53 ans, Djamel est chauffeur de taxi à Francfort.
Désormais, c’est en canot pneumatique que les Algériens gagnent l’Europe. A l’image de Sid Ali, 35 ans. En 2009, ce Tiarétien avait tenté une première fois de migrer, en passant par la Turquie. Il a été expulsé. Il a renouvelé sa tentative en 2011, en 2013, en 2014, en 2018 et c’est en 2019 qu’il a réussi à rejoindre Francfort, après avoir traversé la Méditerranée sur un canot semi-rigide. On fait sa connaissance dans un petit salon de coiffure du quartier de la gare, où il a été embauché il y a trois ans et demi. Ici, les restaurants afghans jouxtent les épiceries turques. Et tous, y compris Sid Ali, qui en arbore le sweat-shirt, roulent pour l’équipe de football de l’Eintracht Francfort. Sid Ali a été bercé par les récits de son père, Bouazza, formé à Leipzig dans les années 1970, comme Mohamed, Hmida et Hebib. Il a appris l’allemand en écoutant la télévision et en se payant des cours de langue dans une école privée de Tiaret, alors qu’il avait quitté le lycée après la seconde. « L’Allemagne coule dans nos veines », affirme-t-il. Il a une petite amie allemande et gagne correctement sa vie, quand il émargeait péniblement à 150 euros par mois à Tiaret, l’équivalent du salaire minimum algérien.
Sid Ali, coiffeur, 35 ans, arrivé en Allemagne depuis cinq ans. Son père, Bouazza, a étudié à Leipzig et a travaillé à la SN Metal pendant vingt ans. Avant de parvenir à s’installer à Francfort, il a été expulsé cinq fois, notamment depuis la Turquie ou l’Espagne. A Francfort (Allemagne), le 17 septembre 2024.
Sid Ali, coiffeur, 35 ans, arrivé en Allemagne depuis cinq ans. Son père, Bouazza, a étudié à Leipzig et a travaillé à la SN Metal pendant vingt ans. Avant de parvenir à s’installer à Francfort, il a été expulsé cinq fois, notamment depuis la Turquie ou l’Espagne. A Francfort (Allemagne), le 17 septembre 2024. RAMZY BENSAADI POUR M LE MAGAZINE DU MONDE
Grâce à ses revenus, il a pu offrir un pèlerinage à La Mecque à ses parents. Mais à quelques centaines de mètres de son salon de coiffure, place de Konstablerwache, les fantasmes allemands d’autres Tiarétiens viennent mourir entre les vols des pigeons et l’indifférence des passants. « Ce n’est plus comme avant. Venir en Europe, ça ne rime à rien », lâche Mohamed, sentencieux. Hmida est du même avis : « Je ne conseillerais pas à quelqu’un de venir en Allemagne aujourd’hui. Il n’a aucune chance d’avoir des papiers ou de travailler. Et qui va l’épouser ? »
Sur cette place centrale de Konstablerwache, le consommateur de cannabis ou de cocaïne sait qu’il peut venir s’approvisionner à toute heure grâce aux jeunes Algériens que les réseaux criminels ont tôt fait de mettre à l’ouvrage lorsqu’ils arrivent dans le pays. Ils passent leurs journées à héler le client et à vider leur paquet de cigarettes. Mohamed, 27 ans, a débarqué dans la capitale économique allemande il y a un peu plus d’un an, en Flixbus, après avoir traversé la Méditerranée. Il n’a pas trouvé ce qu’il espérait.
Le rêve qu’on lui a vendu ? « De la foutaise », lâche-t-il. Un de ses camarades d’infortune, Amine, 32 ans, doit le reconnaître, « entre la légende et la réalité, il y a toujours un décalage, mais, insiste-t-il, je préfère vivre la misère ici que repartir ». Les jeunes de la place de « Konsta » demeurent énigmatiques sur leurs parcours émaillés de déboires judiciaires et déroutent leur interlocuteur entre la part qu’ils taisent et celle qu’ils réécrivent à leur avantage. Aucun n’a de papiers.
Mais Pako, 19 ans, porte des lunettes Versace, un jogging Lacoste et une enceinte JBL en bandoulière. Sur les réseaux sociaux, c’est ce que voient ceux qui sont restés au bled. Sur le pilier d’un des immeubles qui entourent la place, le numéro de la wilaya de Tiaret, 14, a été tagué à la peinture blanche. Indélébile.