• Qu’est-ce qui nous attire dans l’obscurité réactionnaire de Dune ? – Chris Dite, CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/dune-frank-herbert-film-villeneuve-obscurite-reactionnaire

    La dernière adaptation cinématographique de Dune, la série culte de romans de science-fiction de Frank Herbert, sort aujourd’hui en France, réalisée par Denis Villeneuve. Avec son mélange souvent réactionnaire de cynisme politique, de catastrophisme écologique et d’orientalisme éhonté, Dune reste étrangement attrayant pour les spectateurs de gauche. 

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    La date de la sortie de la nouvelle adaptation du roman de science-fiction à succès Dune, écrit par Frank Herbert en 1965, se rapproche à grands pas. Le film très attendu du réalisateur canadien Denis Villeneuve est aujourd’hui sur les écrans français. Soucieux d’attirer le public, le distributeur du film tente désespérément de le présenter comme un film Marvelesque, tandis que les légions de fans du roman se livrent à un combat spirituel en ligne pour défendre les références de la série comme un « grand art politique ».

    Dune est une exploration psychédélique, épique et immersive des luttes de pouvoir et du contrôle social. C’est aussi un livre souvent maladroit et politiquement flou. Il n’est pas très difficile de comprendre comment le roman est devenu follement populaire grâce au bouche-à-oreille au milieu des années 1960. Il fait des emprunts fous à presque toutes les grandes religions, avec une insistance obsessionnelle sur l’expérience intérieure mystique et transcendantale.

    Son intrigue est centrée sur de vicieuses luttes impériales pour des parts de marché et de violentes luttes de libération. Pour les premiers adeptes de la contre-culture de Dune, dont beaucoup prenaient en même temps de nouvelles drogues sauvages et avaient une vision romantique des mouvements d’indépendance algériens et vietnamiens, tout en lisant les nouvelles traductions accessibles des Upanishads et du Dao de Jing, cela a dû sembler merveilleusement prémonitoire.

    Le fait que la saga soit restée constamment populaire depuis lors, même si elle a été desservie par les adaptations cinématographiques précédentes, suggère que quelque chose en elle nous interpelle encore. Que ce quelque chose soit le cynisme politique, la mythologie du sauveur blanc, le syncrétisme consumériste, le catastrophisme écologique, l’orientalisme lascif ou une combinaison de tout cela dépend de la personne à qui vous vous adressez.

    #science-fiction #cinéma

    • Heureusement que c’est plus complexe qu’un article de blog, vu le nombre de pages c’est le minimum. Je trouve plutot judicieuses ces remarques, Dune est un bouquin un peu sacré que j’ai pas vu souvent etre analysé politiquement.

    • J’ai dû mal avec ce bouquin, jamais réussi à le finir vraiment malgré mes multiples tentatives. Je ne sais pas si c’est la trad, mais il me tombe des mains.

      Et, je dois dire que les adaptations cinématographiques me gavent pas mal, un livre aussi inspiré des Touaregs et autre nomades nord africains et de sectes musulmanes incarnés par QUE des caucasiens ça me laisse perplexe dans le monde aussi crispé qui est le nôtre. Belle occasion ratée de faire jouer des acteurs originaires à x degrés du continent africain et surtout des pays arabes dans des rôles complexes, vu comme ça manque dans les pays du chnord. Même Marvel Disney fait mieux avec son Asgard de pacotille si on va par là.

    • Après, la critique de Dune sous l’angle du sauveur blanc qui organise la guerre d’indépendance des arabes assis sur du pétrole, à la manière d’un Lawrence d’Arabie, ce n’est pas vraiment nouveau, non plus.

    • « Dune », montagne de stéréotypes
      https://geographiesenmouvement.com/2021/09/22/dune-montagne-de-stereotypes

      Adaptation du roman de Franck Herbert, Dune, de Denis Villeneuve, est vendu comme l’évènement cinématographique de l’année. À l’instar de son modèle, le film se révèle surtout un amoncèlement de stéréotypes sur la race et le genre. Et une succession d’images de paysages aussi grandioses que banals.

      ... On l’a compris, le film de Denis Villeneuve, comme le roman dont il est tiré, ne s’embarrasse pas de finesse à propos d’identité. Chaque peuple forme un groupe monolithique aux traits culturels fixés pour toujours, déterminés par son environnement naturel et ses racines historiques. Chaque groupe est irréductiblement différent des autres. Et les relations interculturelles entre ces blocs essentialisés se réduisent à des affrontements militaires et à des jeux d’alliances évoluant au gré des choix tactiques des uns et des autres. Samuel Huntington, avec son « Choc des Civilisations », n’a qu’à bien se tenir.

      Le tout est orchestré par des hommes dont la carrure permet presque à coup sûr de deviner de quel bord ils sont. Du côté des gentils, les gros muscles de Josh Brolin et Jason Momoa incarnent la masculinité triomphante. Leur « corps dur », notion forgée dans les années 1990 par Susan Jeffords, incarne la puissance, la résolution et la droiture. Alors que les méchants forment un catalogue de masculinités déviantes : le baron Harkonnen (Stellan Skarsgård) est obèse, son neveu et bras droit fou dangereux (Dave Bautista) est une montagne de muscles au-delà du raisonnable et son assassin de service (David Dastmalchian), dégénéré et malveillant, est aussi chétif qu’il a l’air vicieux.

      À côté de cette collection de stéréotypes masculins, on a trop des doigts d’une main pour compter les femmes capables d’autre chose que passer la serpillère. Les rares auxquelles l’intrigue accorde un peu d’importance évoluent dans l’ombre, au sein d’une congrégation religieuse adepte de pratiques mystiques louches, l’ordre du Bene Gesserit. À leur tête, la mère supérieure Gaius Helen Mohiam (Charlotte Rampling) vous ferait regretter la sorcière de Blanche-Neige. Culte mystérieux, magie noire, manœuvres en coulisse et non-mixité choisie : quand elles ne sont pas désirables comme Chani, les femmes de Dune sont des menaces pour la masculinité – le choix de Villeneuve de féminiser le rôle de Liet Kynes, allié éphémère de Paul, n’y change pas grand-chose...