• #Bétharram, force d’âme, par #Frédéric_Lordon (Les blogs du #Diplo, 11 mars 2025)
    https://blog.mondediplo.net/betharram-force-d-ame

    On appelle « amphibologie » une ambiguïté d’origine grammaticale, le plus souvent liée à une incertitude portant sur le découpage syntagmatique. Par exemple : « J’ai vu un chien en vélo » – qu’on peut lire soit comme « [j’ai vu un chien] + [en vélo] », ou bien « [J’ai vu] + [un chien en vélo] ». Un autre exemple : « Ces protagonistes, je ne les connais pas, ma femme non plus ». C’est François Bayrou qui parle. Comment découper ? Pour le chien en vélo, on tranchait assez rapidement. Ici, c’est moins clair, c’est du moins ce que suggère un tweet après que Bayrou a nié, avec le talent qu’on sait, avoir jamais entendu parler de quoi que ce soit à Bétharram alors que sa femme y donnait des cours de catéchisme : « Je ne connais pas cette Elisabeth Bayrou, je ne savais même pas que j’étais marié ». On en est là. À un stade où « Je ne connais pas cette Elisabeth Bayrou » est un prolongement cohérent de la kyrielle invraisemblable de mensonges qui précède.

  • (16) Publier | LinkedIn
    https://www.linkedin.com/posts/denis-maillard-temps-commun-44615157_il-y-a-des-livres-vers-lesquels-il-faut-revenir-activity-7295470708787150848-6BRf/?originalSubdomain=fr

    Il y a des livres vers lesquels il faut revenir de temps en temps tant ils ont su saisir quelque chose de l’esprit nouveau du temps qui permet d’en éclairer à la fois le passé et notre présent.

    C’est le cas de « Aux sources de l’utopie numérique » (publié en 2013) qui raconte comment des gens comme Stewart Brand ont été des passeurs entre les technologies et les idées à travers des revues comme le Whole Earth Catalog dans les années 60 ou Wired dans les années 90.

    Or, on trouve p 341 un chapitre intitulé « Les nouveaux communalistes croisent les chemins de la nouvelle droite » qui raconte comment le premier leader républicain populiste Newt Gingrich a été une star de Wired à partir de 1995, autour d’idées simples : mettre la société en réseau, réduire les hiérarchies et obtenir un ordre cybernétique spontané… Bref, l’atterrissage de l’idéologie libertarienne dans l’utopie du web libre (ce que Monique Dagnaud a appelé l’idéologie californienne) qui a mis une trentaine d’années (et quelques dizaines de milliards de dollars) à accoucher du techno capitalisme qui gouverne aujourd’hui les États-unis…

    #Fred_Turner #Utopie_numérique

  • Note de lecture = Le Cercle Démocratique par emmanuel vergès
    https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7289918111670042625

    emmanuel vergèsemmanuel vergès • 1er • 1er co-directeur @Observatoire des Politiques Culturelles / co-directeur @lofficeco-directeur @Observatoire des Politiques Culturelles / co-directeur @loffice 6 h •
    Il y a 6 heures
    Note de lecture = Le Cercle Démocratique#1

    L’ouvrage de Fred Turner édité par C & F EDITIONS est pour moi une référence : il raconte l’histoire du Comité pour le Moral Américain dans les années 1930 aux Etats-Unis, et montre, à travers les travaux d’anthropologues, artistes, intellectuel·le·s, journalistes ... le lien entre média et construction politique de la société.

    💡 Pourquoi cette histoire est importante ?

    Fred Turner nous montre, que même si les technologies des médias ne sont pas culturellement neutres, différentes approches existent entre une approche « médias de masse » tendant vers l’autoritarisme, ou une approche « démocratique des médias ». Non seulement par les usages, mais aussi par ce que les Institutions souhaitent en faire.

    Les médias sont politiques puisqu’ils sont liens, pour suivre les travaux hashtag#HannahArendt
    Alors, les médias, réseaux sociaux et plateformes le sont aussi.

    💡 Pourquoi cette histoire est vraiment importante ? ;-)

    Parce qu’elle permet aujourd’hui, de porter un regard différent sur les médias et réseaux sociaux, et sur un ensemble de plateformes numériques qui nous relient, à travers des contenus, des messages, des likes, des scrolls, des gestes numériques ...

    Il me semble aujourd’hui que Facebook, Instagram ou Twitter, dans les mains d’entreprises monopolistiques, posent des problèmes démocratiques. Non pas parce que ce sont des réseaux sociaux contributifs et populaires, voire pupulistes. Non pas seulement par les messages qui s’y échangent.
    Mais parce qu’ils sont asservies à des intérêts partisans.

    🔔 Mais comme pour d’autres médias, les démocraties ont réussi à en légiférer l’intention, et non seulement les usages.

    Les récentes affaires à la télévision et sur la TNT arbitrées par l’ARCOM montrent l’importance des institutions et des lois.
    🔎 Et montrent l’attention que l’on doit porter en permanence à ce qui composent nos « paysages médiatiques », nos « environnement médiatiques ».

    🌐 Nous avons le pouvoir d’en constituer des « democratic surround ». Et de le garantir.

    Merci Fred Turner merci Hervé Le Crosnier

    #Fred_Turner #Emmanuel_Verges #Cercle_démocratique

  • Democracy depends on obedience | America Magazine
    https://www.americamagazine.org/politics-society/2025/01/08/democracy-trump-inauguration-249630

    Cultural historian Fred Turner’s book The Democratic Surround identifies this pattern as a systematic phenomenon. In attempting to inoculate people against the temptations of both fascism and communism, mid-20th century American cultural institutions developed a certain theory of the democratic subject—one whose fulfillment was not in collectivity but individuality. Our purpose was not to serve a community so much as to express ourselves through our distinctive choice, identities and (of course) purchases. In 1954, a film about solidarity in a Mexican-American labor union called “Salt of the Earth” was barely available in the United States due to anti-communist pressure; that year’s Best Picture award went to “On the Waterfront,” in which scrappy dockworkers find themselves by escaping their corrupt union for more individualized labor relations.

    The pursuit of unbridled selfhood is a shifty foundation for democracy. Lose your union power, and the boss wins. Holding up your personal truth above all else means failing to listen to the views of others. Democracy cannot accomplish anything under a regime of self-expression at all costs. Democracy also involves a dirty word in the American idiom: obedience.

    As we enter a second Trump administration, many people will face a test of what democracy asks of us. Last time around, there was the “resistance,” signified by Rebel Alliance emblems as bumper stickers. There were the one-off marches in the early days, up through the Black Lives Matter uprising of 2020. Democratic lawmakers played by the rules in a performance of law and order, but they also mounted two unsuccessful impeachment attempts.

    There are also moments, at times of gross injustice, when democracy requires well-aimed disobedience. But they are the exceptions that prove the rule. After all, civil disobedience has often been most effective among those who act in evident obedience to a higher law.

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    What I mean to offer is an invitation to enter this new moment by asking not merely how to rebel or dissent, or when to burst out in protest. All those things will surely come. But first, we might ask: To what and whom do we offer our obedience?

    In trying times, it is easy to forget who we are. When chaos agents are in charge, wielding division and dismay, obedience can ground us. It is a source of clarity and discipline. Is your obedience to your family or your faith, to your neighborhood or your city, to your vocation or your networks? The president need not be your highest power, even if he is in power over you. With the people you trust, discern together: How will you be accountable?

    If outbursts of self-expression are the sole strategy, I fear we will wear ourselves out quickly in what is to come. Obedience, I know, is a scary notion for those of us raised with individualism. But in moments like these, it can be an essential guide. If democracy is under threat from authoritarian urges, it is time to rediscover and reorganize our mutual obedience.

    #démocratie #Individualisme #Fred_Turner

  • Digression sur un monde en guerre
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/12/31/digression-sur-un-monde-en-guerre

    Au vu des catastrophes répétées qui font l’actualité de notre quotidien informé-désinformé, il est impossible, même en étant distrait, de ne pas constater que le capitalisme à son stade néolibéral globalisé actuel, et les États qui le servent, sont désormais lancés dans une sorte de fuite en avant effrénée vers ce que le sociologue états-unien […] L’article Digression sur un monde en guerre est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme.

    https://www.ilfattoquotidiano.it/2024/05/24/il-sociologo-usa-w-robinson-in-atto-un-keynesismo-di-guerra-per-sostenere-i-profitti-aziendali-su-gaza-prove-generali-di-repressione-del-dissenso/7548176

    • Partout dans le monde, nous assistons à une accumulation de milices, de polices et d’armées privées dépendant d’entreprises, mais pilotées par des États, ce qui, à la louche, ferait qu’il y aurait, aujourd’hui, 15 millions de soldats mercenaires travaillant pour la sphère dite privée (le groupe russe Wagner, l’états-unien Academi, anciennement Blackwater, le britannique G4S et tant d’autres). Il y aurait de même 20 millions de policiers privés, c’est-à-dire ne répondant à d’autre loi que celle de l’offre et de la demande. Le marché des systèmes dits « anti-émeutes » représenterait 500 milliards de dollars pour parer aux manifestations civiles de révolte contre la misère et la faim. Une industrie du désastre, en somme, s’est mise en place, qui parie sur le désastre en le créant pour accumuler du capital. L’indécence dans toute sa splendeur dans un monde se vautrant dans un Viva la muerte ! qui pourrait faire slogan publicitaire après avoir été cri de ralliement fasciste, en 1936, pendant la guerre d’Espagne.

      https://acontretemps.org/spip.php?article1089

      #Freddy_Gomez

  • Carnet de citations : Société N°42
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/12/21/carnet-de-citations-societe-n42

    La révolution n’est donc pas seulement rendue nécessaire parce qu’elle est le seul moyen de renverser la classe dominante, elle l’est également parce que seule une révolution permettra à la classe qui renverse l’autre de balayer toute la pourriture du vieux système qui lui colle après et de devenir apte à fonder la société sur […] L’article Carnet de citations : Société N°42 est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme.

    #Regards_sur_notre_monde #Bourlier #Freddy_Gomez #Jappe #Karl_Marx #Mario_Tronti #Michel_Surya #Natanaële_Chatelain #Tomjo #William_Morris

  • Nouvelles technologies : Des réseaux bien peu sociaux - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2024/12/societe-nouvelles-technologies-des-reseaux-bien-peu-sociaux

    L’une des promesses du web était de faire interagir des communautés du monde entier. Mais, à l’heure où l’on fait défiler des suites infinies de vidéos sur Instagram, Facebook ou TikTok, en quoi le temps passé en ligne a-t-il une fonction sociale ?
    Benjamin Tainturier • 18 décembre 2024 abonné·es
    Article paru
    dans l’hebdo N° 1841-1843

    Au début des années 1930, la ville autrichienne de Marienthal, dans la banlieue viennoise, est frappée par une grave crise causant un chômage endémique. Paul Lazarsfeld, Marie Jahoda et Hans Zeisel décrivent, dans une étude célèbre sur les chômeurs de Marienthal, l’état de déréliction dans lequel sont poussés ces ouvriers sans travail.

    N’ayant plus rien à faire de leurs journées, ils perdent le goût des loisirs et du lien social – ils désertent les clubs de sport, s’absentent des réunions syndicales et ne lisent plus. Ou si peu : beaucoup délaissent l’Arbeiterzeitung, journal de débats et d’analyses, pour s’adonner à la lecture du Kleines Blatt, tissu de faits divers et d’articles à la petite semaine.

    Quiconque aujourd’hui s’est déjà égaré le long d’un fil ininterrompu de stories Instagram ou de vidéos TikTok sait dans quel puits sans fond on se trouve alors précipité. Ces contenus, criards et parfois obscènes, composent un vrai musée du temps perdu. Ils ont bien plus à voir avec les bêtises du Kleines Blatt qu’avec l’Arbeiterzeitung. La consommation banalisée de tels contenus est-elle le symptôme d’une vie atone, comme celle des chômeurs de Marienthal, ou le temps passé sur les réseaux numériques est-il au contraire un véritable moment social ?

    Il y eut une période où les technologies numériques ­faisaient croire à l’avènement d’un « cerveau planétaire ». Fred Turner, dans Aux sources de l’utopie numérique, le rappelle. À la fin des années 1960, les hippies rêveurs de la contre-culture et les ingénieurs technophiles issus de la cyberculture célébraient ensemble les promesses des technologies numériques. Internet venait de naître et avec lui l’espoir que ce réseau des réseaux puisse un jour héberger toutes les idées, partout au monde, que les humains voudraient bien y consigner.

    Le numérique deviendrait le support d’une couche pensante sur Terre – ce que le philosophe Pierre Teilhard de Chardin nommait « noosphère » – où se rencontreraient toutes les pensées vagabondes sur un réseau où on ne se sentirait jamais seul. Cette aspiration doit beaucoup aux informaticiens des campus états-uniens, porteurs d’une culture universitaire louant le partage et la décentralisation du pouvoir et de l’autorité.

    Elle a pour corollaire une conception très libérale du sujet qui trouve dans les technologies numériques de nouveaux moyens pour s’exprimer. Comme le LSD, disait-on dans les années 1960, ouvre les portes de la perception, le numérique décuple la faculté de connaître et l’agir individuel, les hackers représentant le modèle le plus abouti de cet « empuissantement » technique individuel.

    La promesse du collectif

    Bien des années plus tard, espaces numériques et réseaux sociaux ont hérité de chacune de ces deux lignées – culture participative et culture de soi – mais on se demande si l’une n’aurait pas éteint l’autre. Dans les années 2000, le web était affaire de forums, d’instances, de réseaux pair à pair, de chats, déclinant en autant de lieux de rencontre toutes les formes possibles de l’agora. Aujourd’hui, on ne parle plus que de profils, de pages personnelles, de « bio ». Il existe bien entendu des formes intermédiaires, des Slack et des Discord, faits pour la délibération collective ou la conversation.

    Mais il semble qu’avec Instagram, TikTok ou Twitch, les espaces publics participatifs aient cédé la place à un web archipélisé, grouillant de communautés rassemblées autour de personnalités influentes. C’est cette forme que prend le social des réseaux dits sociaux. Nuançons. Tous ces petits rituels par lesquels on s’affiche sur son profil Instagram, par lesquels nous jouons une performance en ligne, nous incluent dans quelque chose de plus grand que nous.

    La sociologie interactionniste a largement établi combien ces rituels de mise en scène de soi nous aident à donner sens au monde et à nos échanges, à signifier notre adhésion à des normes communes et à donner, ainsi, réalité à ces normes. On s’en convaincra en se rappelant notre embarras devant certains profils Instagram ou Facebook transgressant les normes numériques : leurs images de profils sont louches, leurs messages écrits en majuscules, manquant de ponctuation ou, au contraire, abusant des points de suspension.

    Ces profils sont ceux d’individus pas tout à fait à leur place, parfois même des exclus du numérique qui portent leurs fautes de goût comme autant de stigmates. Si nous savons qu’on ne veut pas leur parler, c’est parce qu’ils transgressent les normes auxquelles nous-mêmes et la majorité des autres internautes souscrivons.

    Le temps passé sur le web n’est jamais gratuit, offert, indemne. Il n’est jamais l’exercice d’une forme positive de liberté.

    Dans un ouvrage magnifique, Asiles, Erving Goffman a bien montré que ces rites de présentation de soi, dirigés vers autrui, ratifient notre inclusion dans un collectif de normes où l’on se sait soi-même reconnu. La présentation à autrui constitue l’assise même de l’individu, de l’identité, du « moi ». Si le temps libre passé sur les réseaux est un temps cosmétique, où l’on raffermit son image, il est aussi social au sens où l’on est toujours soi à travers l’assentiment des autres.

    Mais nous oublions le troisième acteur de l’équation. Entre soi-même et les autres s’étale tout un continuum d’infra­structures numériques. Celles-ci génèrent des revenus en nous extorquant une partie de la richesse que nos données représentent. Nous sommes donc mis au travail malgré nous sur les réseaux sociaux, rendus agents de ce qu’on nomme digital labor. Le terme qualifie « la réduction de nos ‘liaisons numériques’ à un moment du rapport de production, la subsomption du social sous le marchand dans le contexte de nos usages technologiques (1) ».
    1

    Voir la définition donnée par Dominique Cardon et Antonio Casilli dans « Qu’est-ce que le digital labor ? », La Revue des médias, 7 septembre 2015.

    Le temps passé sur les réseaux sociaux est-il véritablement libre ? Il est libre comme l’est le temps de quiconque n’est pas occupé – définition négative de la liberté, où elle est définie par ce qu’elle n’est pas. Mais le temps passé sur le web n’est jamais gratuit, offert, indemne. En ce sens, il n’est jamais l’exercice d’une forme positive de liberté.
    Par Benjamin Tainturier

    #Culture_numérique #Personnalisation #Médias_sociaux #Fred_Turner

  • Accusée d’ « #islamo-gauchisme », une chercheuse en #procès contre le vice-président de LR

    Ce mercredi a eu lieu l’audience d’appel pour #injure_publique après la #plainte de #Christelle_Rabier, enseignante-chercheuse, ciblée dans un tweet de l’actuel vice-président LR #Julien_Aubert l’accusant d’ « islamo-gauchisme ». Le délibéré sera rendu le 8 janvier prochain.

    C’est dans un contexte d’institutionnalisation et d’intensification de la #traque à l’ « islamo-gauchisme » que s’inscrit ce procès opposant Christelle Rabier, maîtresse de conférences à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), à l’ex-député LR (et actuel vice-président du parti) Julien Aubert. Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty du 16 octobre 2021, Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation, dénonce le 22 octobre au micro d’Europe 1 une « #complicité_intellectuelle du #terrorisme » derrière laquelle est désigné « l’islamo-gauchisme » qui « fait des #ravages à l’université » et favorise « une #idéologie qui, de près ou de loin, mène évidemment au pire ». Revenant sur l’assassinat de #Samuel_Paty, il soutient que « ce n’est pas un assassin seul, c’est un assassin qui est conditionné par d’autres gens, en quelque sorte les auteurs intellectuels de cet assassinat ». Des accusations qu’il réitérera le même jour devant le Sénat.

    Dans la foulée de ces déclarations, les députés Les Républicains Julien Aubert et #Damien_Abad réclament l’ouverture d’une #mission_d’information_parlementaire sur « les #dérives_idéologiques dans les milieux universitaires », dénonçant l’emprise « des courants islamo-gauchistes puissants dans l’enseignement supérieur » et la « #cancel_culture ». Une offensive réactionnaire annoncée dans un communiqué de presse le 25 novembre, et de nouveau par Julien Aubert sur le plateau de Cnews le lendemain, avant de publier deux tweets qui feront l’objet du procès face à Christelle Rabier. Après avoir déclaré dans un premier tweet titré « #Dérives_idéologiques dans les universités » qu’ « il y a deux mouvements, la #CancelCulture et l’#Islamogauchisme, qui nient le débat contradictoire et plaident pour une ostracisation de ceux qui ne pensent pas comme eux », le député en publie un second quelques heures plus tard ciblant explicitement dans un photomontage sept enseignants-chercheurs, dont l’enseignante de l’#EHESS :

    C’est à la suite de ces accusations que Christelle Rabier et son avocat décident, le 13 février 2021, de porter plainte contre Julien Aubert pour injure publique. L’ancien président de l’EHESS, #Christophe_Prochasson, avait alors refusé de lui accorder la #protection_fonctionnelle, refusant de fait de soutenir la chercheuse attaquée dans le cadre de ses recherches universitaires par un député réactionnaire. Après avoir déposé un recours en annulation contre cette décision auprès du #tribunal_administratif, l’enseignante finit par obtenir une prise en charge des frais d’avocat par son administration le 9 décembre 2022. Le rôle de la présidence de l’EHESS dans la traque à l’ « islamo-gauchisme » et à la répression des voix dissidentes s’est depuis affermie avec le successeur de Prochasson, #Romain_Huret, qui a sévèrement réprimé la mobilisation étudiante en soutien à la Palestine. Le 15 novembre 2023, le #tribunal_correctionnel rejette l’accusation de Christelle Rabier et innocente le député LR. L’audience d’appel avait lieu aujourd’hui, à la #Cour_d’appel de Paris. Le délibéré sera rendu le 8 janvier prochain.

    Ce procès pour « injure publique » reflète plus largement l’intensification sur les trois dernières années de la #chasse_aux_sorcières orchestrée par les gouvernements successifs. Après la demande d’une #mission_parlementaire par les deux députés LR, #Frédérique:Vidal mandatait en février 2021 le CNRS pour mener une « étude » sur l’ « islamo-gauchisme » dans les universités. En janvier 2022 se tenait à la Sorbonne le colloque « « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture » salué par des figures telles que Blanquer, Zemmour ou Ciotti, qui visait à faire un état des lieux de la pensée « #woke » et « décoloniale » dans les universités et à y restaurer un #ordre_moral_réactionnaire. La liste de ces initiatives est longue. La récente nomination par le nouveau gouvernement de #Patrick_Hetzel à la tête du ministère de l’ESR vient couronner cette #traque aux opposants politiques en promettant de renforcer la #répression et la #criminalisation de toute contestation de l’État radicalisé. La récente tribune de Hetzel laisse présager que les procès pour « islamo-gauchisme » fleuriront dans les prochains mois.

    Face à ces #intimidations et aux tentatives de #musèlement des #voix_dissidentes qui se multiplient, dans un contexte où le gouvernement prépare des offensives austéritaires d’ampleur, nous avons besoin de construire une riposte des organisations étudiantes, syndicales et politiques. Contre la criminalisation et la répression de l’État, de sa police et de sa justice, nous affirmons notre solidarité à Christelle Rabier et réitérons notre soutien inconditionnel à toutes celles et ceux qui se mobilisent contre l’ensemble des politiques réactionnaires et austéritaires du gouvernement, pour une société libérée des oppressions et de l’exploitation.

    https://www.revolutionpermanente.fr/Accusee-d-islamo-gauchisme-une-chercheuse-en-proces-contre-le-v
    #justice #France #ESR #enseignement_supérieur #université

    –-

    ajouté à la #métaliste de la saga autour du terme l’#islamo-gauchisme... mais aussi du #woke et du #wokisme, #cancel_culture, etc.
    https://seenthis.net/messages/943271

  • « Malgré Elon Musk, la Silicon Valley reste un bastion du parti démocrate »
    https://www.nouvelobs.com/idees/20241109.OBS96127/malgre-elon-musk-la-silicon-valley-reste-un-bastion-du-parti-democrate.ht

    Entretien avec Fred Turner sur la situation post-électorale dans la Silicon Valley

    Propos recueillis par Xavier de La Porte

    Publié le 9 novembre 2024 à 9h30
    Elon Musk au meeting de Donald Trump au Madison Square Garden, à New York, le 27 octobre 2024.

    Entretien La victoire de Donald Trump risque de bénéficier au patron de Tesla. Mais ce n’est pas toute la Tech américaine qui a basculé dans le camp républicain. Analyse avec l’historien de la Silicon Valley, et professeur à Stanford, Fred Turner.

    La participation d’Elon Musk à la campagne de Donald Trump a été spectaculaire. Mobilisation sur X (ex-Twitter), dons financiers, participation à des meetings… Au point que le patron de X, Tesla, SpaceX, Neuralink et Starlink a été longuement remercié par le nouveau président le soir de sa victoire. Il n’est pas le seul personnage important de la Silicon Valley à s’être engagé dans cette campagne auprès de Donald Trump : Peter Thiel (autre membre de la « mafia Paypal »), l’investisseur Marc Andreessen et d’autres encore. Eu égard à la timidité de Jeff Bezos, le patron d’Amazon et propriétaire du « Washington Post », qui a refusé que son journal s’engage pour Kamala Harris, et au silence relatif d’autres patrons de cette industrie longtemps favorable aux démocrates, on peut avoir l’impression que quelque chose a changé dans la Silicon Valley, que ce lieu jadis plein d’ingénieurs utopistes et post-hippies a cédé aux sirènes de l’alt-right. Fred Turner, auteur notamment de « Aux sources de l’utopie numérique » et historien de la Silicon Valley, nuance ce sentiment, tout en notant les effets néfastes que pourrait avoir l’influence de Musk sur Donald Trump.
    La victoire de Trump est-elle aussi, d’une certaine manière, celle d’Elon Musk ?

    Fred Turner Bien sûr. Et celle de Jeff Bezos aussi. En soutenant Trump de manière aussi agressive, Musk a fait du nouveau président son débiteur. Celui-ci lui doit maintenant bien des faveurs que le patron de X ne manquera sûrement pas de lui réclamer dans les années à venir. Elles peuvent aller d’avantages réglementaires pour ses entreprises à une influence directe dans le gouvernement.

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    Il est difficile de déterminer si l’implication de Musk découle d’une conviction politique sincère ou d’un opportunisme entrepreneurial. Quelle est votre hypothèse ?

    Avec quelqu’un comme Musk, il est difficile de démêler le personnel du politique. Comme d’autres magnats de la tech, il considère les affaires et la politique comme deux moyens de changer le monde, et comme deux systèmes nécessitant des « hommes forts » à leur tête.
    La technologie a déjà conduit à la privatisation de nombreux aspects de la vie. Ce lien fort entre Trump et Musk pourrait-il accélérer cette tendance ?

    Aux Etats-Unis, cela mènera certainement à davantage de dérégulations. Le contrôle des entreprises sur des fonctions historiquement assumées par l’Etat pourrait aussi se voir renforcé. Le système de satellites Starlink de Musk, conçu et entièrement détenu par une entreprise privée, est déjà une infrastructure critique pour l’armée américaine. Quand les oligarques accèdent au pouvoir, ils ont souvent tendance à céder les ressources de l’Etat à leurs partisans pour s’assurer de leur loyauté. On verra si cela se produit ici. Il faudra garder un œil sur le secteur de l’éducation, par exemple… et sur la possibilité d’une privatisation et d’une numérisation de l’instruction publique.
    L’implication d’Elon Musk (et, plus largement, de la « PayPal mafia »), combinée au refus de Jeff Bezos que le « Washington Post », journal dont il est propriétaire, ne prenne parti pour Kamala Harris, indiquent-ils une évolution politique de la Silicon Valley ?

    Non. Pas vraiment. Il existe une grande fracture entre les dirigeants des grandes entreprises technologiques et les employés de base. Comme l’ont montré les résultats du vote, la Silicon Valley reste un bastion du Parti démocrate, même si ses leaders promeuvent des dirigeants autoritaires – et se comportent d’ailleurs comme tels.
    Quels sont les aspects du message de Trump qui ont séduit ces dirigeants ?

    Pour des figures comme Musk, l’image de l’homme fort est assez attirante. De même que les appels à la dérégulation et la promesse de privilégier les intérêts des entreprises et le profit, au détriment de l’environnement et du bien public.
    Y a-t-il une forme de luttes des classes au sein de Silicon Valley ?

    Il existe dans cette région des Etats-Unis une inégalité immense. Dans notre livre « Visages de la Silicon Valley », nous avons tenté avec Mary Beth Meehan de rendre visible la classe ouvrière de la vallée. Malgré l’immense richesse produite ici, une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté et, selon la banque alimentaire Second Harvest, un habitant sur six dépend régulièrement de leurs services.
    Y a-t-il encore des utopistes post-hippies à Silicon Valley ?

    Oui. Les utopistes des années 1960, qui ont joué des rôles clés dans l’essor de la Silicon Valley, ont aujourd’hui autour de 80 ans. Mais une nouvelle génération a pris le relais dans leur croyance que les technologies peuvent remplacer la politique et résoudre les problèmes sociaux, dont ils estiment par ailleurs qu’elle est la cause. Leur foi dans la promesse utopique portée par les machines et la technologie est visible partout, que ce soit dans la pratique du microdosage de LSD au travail (pour, pensent-ils, devenir plus intelligents) ou dans la création de systèmes d’Intelligence Artificielle censés doter les humains d’aptitudes quasi-divines. Chez beaucoup de personnes de la Silicon Valley, il persiste, comme c’était le cas dans les communautés des années 1960 qui en furent à l’origine, une grande cécité sur les conditions ordinaires de la vie ordinaire, et un manque d’intérêt pour trouver les moyens de l’améliorer.

    Kamala Harris a-t-elle adressé un message spécifique au monde de la tech ?

    Pas à ma connaissance. Mais elle y est bien connue évidemment, puisqu’elle est originaire de la région de la baie de San Francisco.
    Quel rôle les podcasts (notamment ceux de Joe Rogan et de l’alt-right) ont-ils joué pendant la campagne ? Voyez-vous cela comme un déplacement de l’influence des médias traditionnels vers les nouveaux médias ?

    Un des grands enseignements de cette élection est que les médias de masse comptent beaucoup, beaucoup moins qu’auparavant. Pensez-y : Kamala Harris a réussi à mobiliser en sa faveur la plupart des grandes figures d’Hollywood, de l’industrie musicale et de la télévision. Beyoncé a ouvert un de ses meetings, et Taylor Swift l’a soutenue publiquement. De nombreux grands journaux américains ont appuyé sa candidature, tacitement ou explicitement. Malgré tout, cela n’a pas suffi à convaincre les électeurs.

    Il est trop tôt pour produire une analyse satisfaisante de ce qui s’est passé, néanmoins il est de plus en plus évident que les gens vivent dans des silos informatifs très distincts et ne font plus confiance aux médias destinés à ce que nous appelions autrefois le grand public.

    BIO EXPRESS

    Fred Turner enseigne l’histoire des médias à l’université Stanford, en Californie. Il est l’auteur d’un ouvrage devenu un classique, « Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence » (C & F Editions, 2012).

    Propos recueillis par Xavier de La Porte

    #Fred_Turner #Xavier_de_La_Porte #Silicon_Valley #Elections #Musk #Mary_Beth_Meehan

  • Der Kaiser, das Berliner Schloss und der deutsche Kolonialismus

    In the article, I tie in with the debates on the role of Wilhelm II within the German political system and the #Humboldt_Forum and ask about the significance of the monarch and the Berlin Palace for German colonialism. To this end, I look at three specific episodes. I begin with an examination of the genocide of the Herero to enquire which part the Kaiser played in the extreme radicalization of #violence in German South-West Africa. Subsequently, I focus on the “acquisition” of #Kiautschou on the Chinese mainland, the episode in which Wilhelm II was probably most directly involved in the expansion of the German colonial empire. Finally, I address the visits of #Frederick_Maharero (1896) and #Tupua_Tamasese_Lealofi (1910/11) to #Berlin. Both were received in audiences in the Berlin Palace but could only travel to Germany as part of ethnological exhibitions (#Völkerschauen). Overall, I argue, that the #Kaiser was much more involved in “world politics” in Asia than in the African colonies, which hardly interested him. Here he played a role primarily as a symbolic figure embodying the empire, but less as an actor with a colonial agenda of his own. Likewise, the Berlin Palace had a primarily symbolic function, while the central decisions of colonial policy were made elsewhere.

    https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/hzhz-2024-0020/html
    #Allemagne #colonialisme #colonialisme_allemand #histoire #histoire_coloniale #Guillaume_II #Wilhelms_II #génocide #empire_colonial #Chine #impérialisme

  • De l’influence du livre de Fred Turner : Aux sources de l’utopie numérique - Educavox, Ecole, pédagogie, enseignement, formation
    https://www.educavox.fr/accueil/breves/retour-d-utopie-de-l-influence-du-livre-de-fred-turner

    De l'influence du livre de Fred Turner : Aux sources de l'utopie numérique

    https://cfeditions.com

    Entretien avec Fred Turner : Articles rédigés par Olivier Alexandre, Thomas Cazals, Anne Cordier, Adrian Daub, Xavier de La Porte, Hervé Le Crosnier, Christophe Masutti, Julie Momméja, Francesca Musiani, Valérie Schafer, Nicolas Taffin, Laurent Vannini et François Vescia. À l’occasion des 10 ans de la publication en français de Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence de Fred Turner, C&F éditions a réuni une douzaine de texte autour de ce classique des humanités numériques.

    Dix ans déjà. Cela fait 10 ans que C&F éditions a publié la traduction en français du livre majeur From Counterculture to cyberculture de Fred Turner. Le livre que vous lisez aujourd’hui est à la fois un hommage à un classique de l’histoire de l’Internet et un pertinent rebond au moment où de nouveaux grands mouvements se font jour dans l’industrie numérique.
    La fresque que Fred Turner déroule dans son livre est marquante de nombreux points de vue.

    Comme le souligne Dominique Cardon dans la préface, il y a d’abord ce tour de force de conter l’histoire d’une technologie en suivant le parcours d’un homme qui n’est pas informaticien, alors que les nombreuses histoires de l’Internet parues auparavant se construisent autour des biographies et travaux des « pères fondateurs ».
    C’est que Fred Turner n’écrit pas une histoire des techniques de l’Internet, mais d’emblée de son usage et de sa construction comme outil social, politique et idéologique.

    Donc comme un outil tantôt en phase, tantôt en divergence avec les idéologies, les discours et les porte-parole qui impriment leur marque dans l’air du temps. Les préconceptions, les idées et les orientations des personnes qui créent des systèmes laissent inévitablement des traces dans le fonctionnement et dans le type d’usage qui en sera fait. Alors que l’Internet est devenu le phénomène social et économique que l’on connaît, les premiers concepts y sont toujours actifs par-delà les changements de structure, les innovations et les concentrations économiques.

    Il importe donc de mesurer le poids des idées et des projets qui étaient à la source même de cet immense réseau interconnecté. On a souvent dit que le réseau avait été co-construit par les hippies et les militaires, puis par les universitaires et enfin par les méga-entreprises concentrées qui tiennent aujourd’hui la corde sur les pratiques sociales. C’est évidemment une formule, qui mérite à ce titre d’être précisée, mais qui garde néanmoins toute sa puissance évocatrice. Et c’est ce parcours que l’on va retrouver dans l’exploration des origines à laquelle se livre Fred Turner.

    Extrait de l’introduction par Hervé Le Crosnier & Nicolas Taffin.

    En savoir plus : https://cfeditions.com/retour-utopie
    Dernière modification le samedi, 15 juin 2024

    #Fred_Turner #Retour_Utopie

  • Cardinal Canvas : Green Library hides art in plain sight
    https://stanforddaily.com/2024/05/09/cardinal-canvas-green-library-hides-art-in-plain-sight

    By Adam Golomb
    Published May 9, 2024, 12:25 a.m., last updated May 10, 2024, 9:18 p.m.

    Editor’s Note: This article is a review and includes subjective opinions, thoughts and critiques.

    On my way to study in Green Library’s Lane Reading Room, I was suddenly struck by a portrait of a woman in an industrial kitchen, staring at me. An object label next to it reads: “Teresa.” As a regular at Green, I questioned how I had never seen this artwork — or noticed that the library even had art — before.

    After a little sleuthing, I discovered “Teresa” is a part of an exhibit entitled “Seeing Silicon Valley,” on display at Hohbach Hall, the East Wing of Green Library. The exhibit is a selection from the photography book of the same name, created by photographer Mary Beth Meehan in tandem with Stanford Professor of Communication Fred Turner.

    The original photography book captured the lives of those who struggle financially in Silicon Valley, an area known for its economic prosperity and technological innovation. Teresa is one of many essential workers in Silicon Valley, operating a food truck that serves the entire Bay Area, including Stanford itself. We see her in a full-body portrait, with the tubs of empty guacamole and salsa containers towering in the back.

    Teresa’s expression is complex. I initially saw it as hardened but, the more I stare, I see pride, tiredness, inquisitiveness. The object label explains, after a long shift, she returns to an apartment that she shares with her four daughters. I found myself contemplating the times I’ve walked past this picture without acknowledging Teresa’s story, oblivious of the work that drives Silicon Valley.

    While I appreciate the integration of an art exhibit into a library, the placements of some of the other photographs accidently contribute to this motif of ignoring these workers. Venturing toward the presentation room, a series of “Seeing Silicon Valley” portraits adorn the wall, but they are partially covered by the library’s collection of desktop monitors.

    One of these slightly obscured photos, “Abraham & Brenda,” caught my eye. A close-up of a couple embracing each other, but both focused toward the viewer. Abraham and Brenda pose in front of their trailer that they park outside of Stanford’s campus.

    Their expression of love toward each other is raw, a tight clasp between them that shines as both protective and reassuring. “Abraham & Brenda” spotlights the ways love beams through, even through hardship. With their entwined figures casting shadows against their trailer, Meehan’s photography masterfully catches the couple’s financial reality.

    While most of the portraits center their subjects, “Cristobal” pushes its titular character toward the back, nested in a small shed painted with bright pinks and greens. Cristobal, a full-time security officer at Meta, is only able to afford this shed located in someone’s backyard in Mountain View, reads the object label.

    The viewer can see the entirety of the shed in the frame, with Cristobal posing inside with his hands in front of his body, making him look as small as the shed. A wave of deep sadness flowed over me; there is almost no way to reconcile this deep socioeconomic inequality that pervades the region we all currently inhabit and benefit from.

    “Cristobal” is another portrait that is slightly covered by computer monitors. Poignantly, the person working right in front of “Cristobal” had a product from the same company that Cristobal works for, Instagram, open on the screen. In a way, “Seeing Silicon Valley” expresses its theme too well, as students ignore the lives of these workers even as their portraits tower over them.

    This exhibit is long-term, set to stay up until 2025. Next time you’re at Green, take the time to look and read their stories — they are complicated and thought-provoking, a true reflection of our positionality on campus.

    #Mary_Beth_Meehan #Fred_Turner #Visages_Silicon_Valley

  • Introduction. Au-delà de l’idéologie californienne | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-teque-2024-1-page-9.htm

    Les cinquante dernières années ont été marquées par la promesse suivant laquelle l’informatique permettra dans un futur proche de créer une société d’individus égaux et émancipés.L’idéal pastoral, communaliste, d’une société harmonieuse inter-espèces, à petite échelle et en marge de l’État, aura trouvé une matrice précoce dans le poème Tous surveillés par des machines d’amour et de grâce du hippie Richard Brautigan. Ce texte est cité par l’historien de l’internet Fred Turner dans son livre important Aux sources de l’utopie numérique, comme l’emblème d’un certain état d’esprit de la contre-culture de la baie de San Francisco. En hommage, l’un des premiers clubs d’informatique autonomes de la région est baptisé Loving Grace Cybernetics. À travers la référence à ce poème, c’est l’esprit des premiers colons qui rencontre la soif de liberté et d’épanouissement personnel de nerds en recherche d’alternative à la bureaucratie, qu’elle vienne des entreprises ou de l’État. Cet état d’esprit marque durablement la région. On le retrouve dans le magazine en forme de kit de survie pour les néoruraux The Whole Earth Catalog, dans la communauté de bricoleurs d’ordinateurs personnels réunis dans le Homebrew Computer Club (un lieu mythique de l’émergence d’Apple), puis dans la liste de diffusion électronique The WELL (considérée comme l’une des premières « communautés virtuelles »). Comment ne pas succomber à la vision élégiaque d’un cerf flânant en paix dans une forêt cybernétique ? Qui pourrait être contre une « harmonie mutuellement programmée »

    #Fred_Turner #Utopie_numérique #Teque

  • 1. De si vieilles promesses | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-teque-2024-1-page-29.htm

    L’ouvrage de Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture (2010), a fourni un étayage empirique aux thèses de L’idéologie californienne, à partir du récit de la trajectoire de Stewart Brand : au premier abord, le fondateur de The Whole Earth Catalog, The WELL et du Global Business Network constitue le cas parfait du hippie devenu yuppie. Mais à y regarder de plus près, ce que montre Turner, c’est que celui-ci est avant tout un homme de réseaux — qui s’étendent d’ailleurs sur les deux côtes des États-Unis d’Amérique, et pas seulement en Californie. Sa curiosité et son activisme toujours à la frontière de différents milieux — ingénieur·es, designer·es, entrepreneur·euses, consultant·es des think tanks naissants et politicien·ennes — sont allés de pair avec une démarche qui ressemble à ce que les sociologues appellent un « entrepreneur de cause ». En l’occurrence, il s’agissait de promouvoir la démocratisation des outils techniques comme source d’émancipation et d’autonomie. Cette position a son intérêt sur le moment. La croyance dans le pouvoir de transformation du « faire » et l’attention au potentiel des technologies à l’échelle locale paraît apporter un contrepoint bienvenu à la pensée critique dominante (centrée sur la démystification économique et culturelle) et vis-à-vis des spiritualités new age. D’un autre côté, avec son flou sur les questions politiques majeures à une échelle plus systémique, elle a pu se glisser dans une logique capitaliste à laquelle elle avait d’abord paru s’opposer…

    #Fred_Turner #Utopie_numérique #Teque

  • AUX SOURCES DE L’UTOPIE NUMERIQUE OU L’AVENTURE LIBERTAIRE DES RESEAUX | Unidivers
    https://www.unidivers.fr/aux-sources-de-lutopie-numerique-ou-laventure-libertaire-des-reseaux

    Il est des acteurs de la Toile devenus célèbres, voire emblématiques, tels Bill Gates ou Steve Jobs. Et d’autres dont l’existence et le rôle sur le net sont restés méconnus. C’est typiquement le cas de Stewart Brand, que le livre de Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence, dévoile au grand public.

    L’utopie, ça réduit à la cuisson. C’est pourquoi, il en faut énormément au départ.
    Gébé.

    Stewart Brand n’est pas un inventeur du net mais un « passeur », aidé en cela par ses multiples compétences (biologiste, photographe, designer, vidéaste, journaliste, enseignant…) et qui a pu ainsi lancer plus aisément des ponts entre les chercheurs, les artistes, les sociologues, les ingénieurs, les managers.

    Au final, et paradoxalement, la contre-culture utopiste et libertaire des « communalistes » et autres hippies californiens, qui a tracé la voie d’une libre expression des individus en réseaux sur internet, a aussi « fait le lit d’un ensemble de thématiques libérales qui donnera corps aux politiques de dérégulation des années 90 […]. La contre-culture est ainsi devenue le plus formidable ressort de l’expansion du capitalisme digital. » (Dominique Cardon).
    Ouvrage riche et instructif, à lire absolument pour qui veut mieux connaître la genèse des réseaux sur la Toile.

    #Fred_Turner #Utopie_numerique

  • AUX SOURCES DE L’UTOPIE NUMERIQUE OU L’AVENTURE LIBERTAIRE DES RESEAUX | Unidivers
    https://www.unidivers.fr/aux-sources-de-lutopie-numerique-ou-laventure-libertaire-des-reseaux

    Il est des acteurs de la Toile devenus célèbres, voire emblématiques, tels Bill Gates ou Steve Jobs. Et d’autres dont l’existence et le rôle sur le net sont restés méconnus. C’est typiquement le cas de Stewart Brand, que le livre de Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence, dévoile au grand public.

    L’utopie, ça réduit à la cuisson. C’est pourquoi, il en faut énormément au départ.
    Gébé.

    Stewart Brand n’est pas un inventeur du net mais un « passeur », aidé en cela par ses multiples compétences (biologiste, photographe, designer, vidéaste, journaliste, enseignant…) et qui a pu ainsi lancer plus aisément des ponts entre les chercheurs, les artistes, les sociologues, les ingénieurs, les managers.

    #Fred_Turner #Utopie_numérique

  • Usbek & Rica - Détournement, droit d’auteur… 5 outils pour embrouiller les IA
    https://usbeketrica.com/fr/article/detournement-droit-d-auteur-5-outils-pour-embrouiller-les-ia

    « ChatGPT n’est qu’une version très poussée et à très grande échelle de tout ce qu’on sait faire depuis longtemps en termes d’apprentissage automatique. » Ainsi l’historien américain Fred Turner, auteur de plusieurs études primées sur l’impact des nouvelles technologies sur la culture américaine, résume-t-il dans nos colonnes son scepticisme face à l’emballement médiatique autour de l’intelligence artificielle.

    Il n’empêche : comme Fred Turner le reconnaît lui-même, l’émergence de ChatGPT, Dall-E et autres MidJourney achève de nous faire basculer dans un monde où cette « très grande échelle » change à peu près tout, notamment du point de vue de la création.

    Articles écrits par des robots, illustrations générées par quelques lignes de code… Derrière ces prouesses apparentes, on retrouve des algorithmes d’apprentissage automatique, bâtis à partir d’immenses bases de données en ligne plutôt banales, pas toujours protégées… et donc potentiellement faillibles. Pour envoyer balader ces systèmes, faire valoir leurs droits ou tout simplement sécuriser leurs données, certains ingénieurs bâtissent depuis quelques mois des outils en tout genre, du site amateur au logiciel professionnel. Nous en avons recensé cinq.

    #Fred_Turner #Intelligence_artificielle

  • #Stanislas : face aux #mensonges de la direction, de nouveaux témoignages

    Homophobie, sexisme, absence d’éducation à la sexualité ou cours religieux obligatoires... Depuis la publication du rapport d’inspection, le directeur de cet établissement privé conteste toute dérive. D’anciens élèves rencontrés par Mediapart répondent.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/270124/stanislas-face-aux-mensonges-de-la-direction-de-nouveaux-temoignages
    #lycée #sexisme #homophobie #témoignages #Amélie_Oudéa-Castéra #non-mixité #Frédéric_Gauthier #autoritarisme #catéchisme #rapport #rapport_d'inspection #Philippe_Ariño #homosexualité #manif_pour_tous #thérapie_de_conversion #avortement #anti-avortement #catholicisme #préjugés_sexistes #éducation_à_la_sexualité #contraception #catéchèse #prosélytisme

  • Book club : « Aux sources de l’utopie numérique » de Fred Turner
    https://fisheyeimmersive.com/article/book-club-aux-sources-de-lutopie-numerique-de-fred-turner

    Avant de s’imposer dans les musées, l’art numérique trouve sa source dans les bibliothèques. « Book Club » revient sur ces livres essentiels des mouvements créatifs explorant les liens avec les nouvelles technologies. IA, métavers, réalité augmentée… Ces auteurs traitent de tout ! Aujourd’hui, focus sur Aux sources de l’utopie numérique, un classique à ranger dans le champ des humanités numériques, un ouvrage essentiel où Fred Turner revient sur l’histoire de la contre-culture américaine à travers la figure de Stewart Brand.
    L’auteur

    Actuellement professeur de Communication à l’Université de Stanford, Fred Turner s’est d’abord illustré comme journaliste au sein de nombreux médias, du Boston Globe Sunday Magazine au The Boston Phoenix, en passant par le mythique Harper’s. À partir de 1987, il se tourne en parallèle vers l’enseignement et rejoint le corps professoral de l’Université Northeastern avant d’intégrer l’Université de Boston, puis Harvard, le MIT et, en 2003, l’Université de Stanford.

    Cependant, le goût de l’écriture ne le quitte jamais. En parallèle à sa carrière d’universitaire, Fred Turner continue ainsi d’analyser des phénomènes culturels bien précis dans divers ouvrages, en rapprochant notamment la contre-culture hippie de la cyberculture.
    Le pitch

    Cette thèse est notamment développée dans son ouvrage le plus connu, Aux sources de l’utopie numérique, publié en 2012 aux éditions C&F (et réédité en 2021). Pour développer sa théorie, il s’appuie sur la biographie de Stewart Brand, hippie technophile et gourou de la contre-culture des années 1970, qu’il érige en personnalité charnière entre plusieurs univers, a priori très éloignés. De la consommation de LSD à sa théorisation, des communautés marginales aux pontes de la Silicon Valley, Aux sources de l’utopie numérique, cité en référence par Grégory Chatonsky, montre que les contre-cultures, aussi distantes semblent-elles, ne sont finalement pas si éloignées. Mieux, elles n’ont cessé de s’influencer mutuellement.
    Fred Turner ©C&F Éditions
    Notre avis

    Fresque colorée et dynamique, Aux sources de l’utopie numérique réussit le tour de force de rendre accessibles des aspects complexes de l’informatique, de la cybernétique mais aussi des différentes contre-cultures américaines, grâce à une figure qui semble presque irréelle tant elle est fascinante. Choisir la personne de Stewart Brand pour étayer son propos relève presque du génie, et l’on se plaît à suivre le parcours hallucinant du créateur du Whole Earth Catalog, comparé par Steve Jobs à une version papier du moteur de recherche Google, tout en faisant des ponts entre différents mondes.

    Au passage, Fred Turner déploie ici un regard critique et des théories, non redevables à l’effet waouh propre aux innovations technologiques, qui annoncent en quelque sorte le thème de son dernier ouvrage (L’usage de l’art : de Burning Man à Facebook, art, technologie et management dans la Silicon Valley), publié en 2020 (toujours chez C&F Éditions), où il écrit ceci : « Le monde de l’art s’est mondialisé et financiarisé. L’art est ainsi devenu une sorte de monnaie mondiale ».

    #Fred_Turner #Utopie_numérique

  • Mine de lithium dans l’Allier : le rapport qui dévoile une bombe toxique
    https://disclose.ngo/fr/article/mine-de-lithium-dans-lallier-le-rapport-qui-devoile-une-bombe-toxique

    Il y a un an, le gouvernement a annoncé l’ouverture, dans l’Allier, de la plus grande mine de lithium d’Europe. D’après un rapport inédit dévoilé par Disclose et Investigate Europe, le secteur, fortement contaminé à l’arsenic et au plomb, présente « un risque significatif pour l’environnement et la santé humaine ». Une véritable bombe à retardement passée sous silence par les autorités. Lire l’article

    • Des mines de lithium en #Limousin ? L’impossible débat

      De l’Allier jusqu’à la #Haute-Vienne, la fièvre minière suscite la controverse.

      C’est à Échassières, petit bourg de 400 habitants dans l’Allier que la multinationale #Imerys prévoit d’ouvrir la plus grande mine de lithium d’Europe et d’extraire plus d’un million de tonnes d’#oxyde_de_lithium en 25 ans. Ce volume permettra de produire 700 000 #batteries de #voitures_électriques.

      C’est bien la #transition_écologique et le #tout-électrique qui font grimper les cours du lithium, rendant à présent sa prospection intéressante en Europe et en France, où les lois environnementales sont pourtant contraignantes pour les industriels. Les deux plus grand pays producteurs que sont l’#Australie et le #Chili (70 % du volume mondial) ne semblent en effet que bien peu s’embarrasser du sort des populations autochtones vivant sur les territoires miniers.

      Les occidentaux font partie des plus grands consommateurs de lithium au monde. Dès lors, refuser une #extraction_locale au nom de l’écologie serait-il faire la promotion d’une « #écologie_coloniale » ? À l’inverse, peut-on parler de « transition écologique » lorsque les groupes industriels produisent à l’envie des smartphones à l’obsolescence programmée et des voitures électriques toujours plus lourdes et gourmandes type SUV, Tesla et autres ? Le débat parait impossible, tant les contradictions fusent de part et d’autre.

      Dans ce reportage nous écouterons les habitants de la ville d’Échassières, des militants de #Stopmines23, Rafael Solans-Ezquerra, élu à la mairie d’#Ambazac favorable à l’extraction de lithium sur sa commune, et Laurent Richard, spécialiste des sols. À travers leurs témoignages nous entendrons peut-être qu’une sortie par le haut de cet impossible débat serait déjà de se poser la question de nos réels besoins fondamentaux. Nous les entendrons évoquer le principe de sobriété mais aussi la manière dont les industriels ont exploité les divers minerais de la région par le passé, notamment l’uranium.

      https://telemillevaches.net/videos/des-mines-de-lithium-en-limousin-limpossible-debat

    • Dans l’Allier, un projet d’exploitation d’une mine de lithium divise

      Le gouvernement français relance l’extraction minière. En Auvergne, un projet de mine de lithium, présenté comme vertueux pour la lutte contre le réchauffement climatique, rencontre de l’opposition.

      Un projet de mine de lithium, un minerai blanc utilisé dans la fabrication, entre autres, de batteries automobiles électriques, divise la population. D’un côté, la région, le gouvernement et une société vantent un projet qui accompagnerait une stratégie globale de décarbonation. De l’autre, des citoyens et des associations craignent des retombées négatives ; pollution, effets sur l’accès au sol et à l’eau...

      Mais le sujet dépasse l’Allier où la mine pourrait voir le jour, et la seule production de lithium. En effet, le gouvernement français, et au-delà, les institutions européennes, comptent relancer l’extraction minière sur le sol européen.

      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-transition-de-la-semaine/dans-l-allier-un-projet-d-exploitation-d-une-mine-de-lithium-divise-2830

    • Mine de lithium dans l’Allier : « Voulons-nous que nos voitures fonctionnent au pétrole, ou à l’électricité du soleil et du vent » ?

      Alors que le débat public s’achève sur le projet de mine à Echassières (Allier) devons-nous laisser dormir les centaines de milliers de tonnes de lithium que renferme son granite ? Ou sécuriser les approvisionnements des usines de batteries en construction dans les Hauts-de-France ? interroge Cédric Philibert, chercheur associé à l’Ifri (1) .

      Le projet de la société Imerys d’ouvrir une mine de lithium à Echassières, dans l’Allier, sur le site d’une carrière de kaolin qu’elle exploite, fait débat. Ce débat est organisé par la commission nationale du débat public, comme pour tout investissement de cette ampleur. Les réunions publiques tenues au fil des dernières semaines permettent d’en repérer peu à peu les principaux arguments et les lignes de force, et les positions des divers acteurs.

      Certains des futurs voisins de la mine ou des installations connexes s’inquiètent de possibles nuisances, visuelles ou auditives. Pêcheurs, agriculteurs et environnementalistes craignent un gaspillage de ressources hydriques et de possibles pollutions des eaux souterraines. La mine demande « énormément d’eau », affirme Antoine Gatet, le président de France Nature Environnement (Libération du 10 mars 2024).

      Mais des oppositions plus radicales s’expriment. A quoi bon extraire du lithium ? A quoi bon fabriquer des voitures électriques, si c’est pour perpétuer la voiture ? L’historien Jean-Baptiste Fressoz s’interroge dans le Monde : « D’où vient cette idée que, pour sauver le climat, il faut absolument ouvrir des mines ? » A quoi bon, en effet, puisque « la voiture électrique ne réduit que de 60 % les émissions de CO2 par rapport à un véhicule thermique. » La transition ne serait qu’un prétexte pour réenchanter la mine : « Le lobby minier parle maintenant “des métaux pour la transition”, alors qu’il s’agit souvent de métaux pour l’électronique et l’industrie en général », poursuit-il. Et qu’importe si les batteries de nos téléphones, de nos ordinateurs portables et, surtout, de nos véhicules électriques représenteront d’ici à 2030 pas moins de 95 % de la demande de lithium.
      Nous ne sommes pas seuls au monde

      Bien sûr, la voiture électrique est indispensable pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La France compte une voiture pour deux habitants, c’est trop. Admettons que nous réussissions, d’ici à 2050, à ramener le nombre de voitures à une pour cinq habitants – en multipliant les transports en commun, les pistes cyclables, en incitant à l’exercice physique… Mais beaucoup d’entre nous, vivant dans les villages et les bourgs ou en banlieues lointaines serons encore dépendants de leur voiture pour se déplacer dans vingt-cinq ans.

      Et nous ne sommes pas seuls au monde. Nous serons bientôt dix milliards, et il n’y a pas de raison que dans les autres pays, sur les autres continents, on n’arrive pas au même niveau d’équipement que les sobres Français. Ça fera tout de même deux milliards de voitures en tout, deux fois plus qu’aujourd’hui… Voulons-nous qu’elles fonctionnent au pétrole, ou à l’électricité du soleil et du vent, alors devenue majoritaire dans le mix énergétique mondial ?

      Pourtant, sceptiques et opposants n’ont pas forcément tort… Nous pourrions ne pas créer la mine d’Echassières, et laisser dormir les quelques centaines de milliers de tonnes de lithium que renferme son granite. Le monde regorge de lithium, on s’en rend compte maintenant qu’on en cherche. Les réserves, économiquement exploitables aujourd’hui, estimées à 17 millions de tonnes, il y a quatre ans, sont désormais évaluées à 28 millions de tonnes, de quoi soutenir un demi-siècle de production intensive de batteries.

      On les trouve au Chili, au Pérou, en Argentine, en Australie, en Chine… et aux Etats-Unis, où la plus récente découverte pourrait encore doubler les réserves d’un seul coup. Les ressources connues, peut-être un jour exploitables, sont quatre fois plus importantes que ces réserves.

      Certes, sécuriser autant que possible les approvisionnements des usines de batteries que nous sommes en train de construire dans les Hauts-de-France, cela pourrait se révéler utile, dans un monde qui se hérisse de barrières et de conflits. Mais qu’avons-nous besoin de fabriquer des batteries, ou même des voitures ? Nous les achèterons à la Chine… Plus sérieusement, si nous devons acheter à l’étranger, et surtout à la Chine, les métaux nécessaires à la fabrication des batteries et voitures européennes, autant en limiter les volumes autant que possible.
      Toutes les études ne sont pas terminées

      Aucune mine n’est bien sûr sans impact sur l’environnement. Mais ces impacts peuvent être drastiquement réduits. Le projet d’Imerys est à cet égard très intéressant. La mine sera souterraine, limitant fortement les nuisances, et fera essentiellement appel à des machines électriques. Le mica voyagera d’abord dans des conduites souterraines, puis des wagons, en aucun cas des camions. L’usine de conversion du mica en hydroxyde lithium, située près de Montluçon, n’utilisera que l’eau d’une station d’épuration.

      Dans la mine elle-même, 95 % de l’eau utilisée pour le lavage des concentrés sera recyclée, limitant le prélèvement dans la Sioule à 600 000 m³ par an, 0,1 % de son débit moyen, moins de 1 % de son débit d’étiage. Moins d’un mètre cube pour la batterie d’une voiture électrique, à peine la quantité d’eau nécessaire pour produire une demi-tablette de chocolat…

      Toutes les études ne sont pas terminées, les autorisations ne sont pas délivrées, mais le projet est sous étroite surveillance des pouvoirs publics, des ONG, des médias. Au nom de quoi nous priverions-nous du surcroît de souveraineté que procure une production domestique ? Et si l’on préfère considérer toute mine comme un fardeau pour notre environnement – fardeau relatif, qui aide à éviter un mal bien plus grand encore, celui du changement climatique, mais fardeau tout de même – au nom de quoi devrions-nous laisser ce fardeau à des peuples lointains ?

      Contrairement à nous, ils n’ont pas toujours les moyens d’exiger des industries minières les mesures indispensables de préservation de leur environnement immédiat. On peut donc voir, dans l’ouverture de mines en Europe pour fournir au moins une partie des matériaux de la transition énergétique, un enjeu moral autant que de souveraineté.

      (1) Dernier ouvrage paru : Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat, Les Petits Matins-Institut Veblen, mars 2024.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/mine-de-lithium-dans-lallier-voulons-nous-que-nos-voitures-fonctionnent-a

    • Le #lithium, de l’#or_blanc en barre

      Promesse économique et énergétique, risque écologique : « Les Jours » enquêtent sur ce métal rare niché dans le sol français.

      À #Échassières (#Allier)

      Échassières, département de l’Allier. Un petit bourg tranquille, jusqu’au 24 octobre dernier. Au petit matin, la brume s’attarde sur la #forêt_domaniale des #Colettes. La route s’enfonce sous les arbres, remonte en douceur les flancs du massif granitique de La Bosse avant de redescendre vers le village. Échassières, 400 âmes, un château, un clocher, cinq commerces soutenus à bout de bras par la municipalité, une minuscule école primaire et un Ehpad dont les locataires font sérieusement grimper la moyenne d’âge de la population. Et puis, le 24 octobre 2022, le groupe français de minéraux industriels Imerys a annoncé son intention d’y ouvrir l’une des plus grandes mines européennes de lithium, ce métal mou et léger, composant essentiel des batteries électriques. Alors dans les semaines qui ont suivi, les journalistes ont défilé sur la place de l’église et le secrétariat de la mairie a ployé sous les appels de ses administrés.

      « Dans l’ensemble, la population est plutôt ouverte au projet », estime Frédéric Dalaigre, le maire (sans étiquette) d’Échassières. Il faut dire que l’on se trouve ici en terre minière. « La mine, c’est l’ADN de la région », s’exclame Jean-Christophe Thenot, animateur du musée géologique local, Wolframines. Ce natif du coin, passionné de minéralogie, déploie son enthousiasme pour la richesse géologique locale à grand renfort de superlatifs et d’érudition. « C’est un site exceptionnel, dont la diversité minéralogique et minière est unique et réputée », assure-t-il. Chaque année, des dizaines de scientifiques et passionnés de minéralogie viennent arpenter les flancs du massif. Mais l’économie locale, elle, s’est surtout bâtie sur l’extraction minière. Dans le coin, on a commencé à creuser dès l’époque gallo-romaine, pour extraire de l’étain principalement. Des siècles plus tard, à l’aube du XIXe siècle, c’est le kaolin qui intéresse – cette argile blanche, principalement utilisée dans la confection de céramiques. Les nobles locaux ouvrent une tripotée de carrières, dont la première, celle de Beauvoir, est toujours en activité. Propriété d’Imerys depuis 2005, elle emploie une trentaine de salariés. C’est là que le groupe minier prévoit d’ouvrir son site d’extraction de lithium. Mais l’exploitation sera autrement conséquente. Avec le projet #Emili (pour « Exploitation de mica lithinifère par #Imerys »), l’entreprise espère produire quelque 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, dès 2028. De quoi équiper 700 000 véhicules électriques chaque année, estime le groupe. Et ce pour une durée d’au moins ving-cinq ans, le temps d’exploiter un gisement parmi les plus prometteurs de l’Hexagone.

      À Échassières, si certains ont été quelque peu soufflés par la nouvelle, les anciens, eux, ne sont pas surpris. « Du lithium, ça fait belle lurette qu’on sait qu’il y en a et qu’on attend qu’il soit exploité », sourit Danièle Chammartin. Trente-sept ans de secrétariat de mairie et deux mandats à la tête de la commune, l’ancienne élue est une véritable mémoire du village. Dans le salon de sa maison, face à l’église, elle raconte. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a effectué des sondages à Échassières dès les années 1970, décelant la présence de lithium au cœur du granit du massif, dans le mica lépidolite formé par des milliers d’années d’évolution géologique. Et dans les années 1980, plusieurs élus locaux et un député ont bataillé pour convaincre de l’intérêt d’exploiter le gisement de Beauvoir. Haroun Tazieff, alors secrétaire d’État chargé de la Prévention des risques naturels et technologiques majeurs, est même venu à Échassières, en 1984, pour constater le potentiel filon.

      Mais à l’époque, le lithium n’intéresse pas grand-monde. « Pas assez rentable », déplore Danièle. Longtemps utilisé dans la production de verres et céramiques, ou encore en médecine, pour le traitement des patients bipolaires, ce n’est que dans les années 1970 que l’on découvre le potentiel de stockage d’électricité de ce minuscule atome. Les batteries dites « Li-ion » commencent certes à être commercialisées dans les années 1980 pour les caméscopes, les ordinateurs, et leur production augmente au fil des années. Mais on préfère produire ailleurs, en Chine notamment. La mondialisation bat son plein et la France ferme ses mines plutôt que d’en ouvrir de nouvelles. Près de quarante ans plus tard, la donne a changé. Le climat s’emballe, les dirigeants mondiaux s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, investissent dans les énergies renouvelables et, en parallèle, l’Union européenne acte la fin des véhicules thermiques en interdisant leur vente à partir de 2035. L’ère de la transition énergétique et de la voiture électrique est lancée. Le lithium, avec les autres métaux rares constituant les batteries, devient plus recherché que jamais et le marché explose. Les chiffres sont vertigineux. De moins de 40 000 tonnes en 2016, la production mondiale de lithium a dépassé 100 000 tonnes par an en 2021, selon l’Institut des études géologiques américain. Et elle peine à suivre la demande. D’après l’Agence internationale de l’énergie, la consommation annuelle mondiale de lithium pourrait atteindre 800 000 tonnes en 2040 pour les seuls véhicules électriques. Les prix s’envolent, quintuplant entre 2021 et 2022 pour atteindre 80 000 dollars la tonne de lithium qualité batterie, rapporte L’Usine nouvelle. La course au « nouvel or blanc », tel qu’il a été surnommé, est lancée.

      « Avec la transition énergétique, on passe d’une dépendance aux hydrocarbures à une dépendance aux métaux rares », résume le journaliste et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) Guillaume Pitron, auteur de La guerre des métaux rares. Alors, aux quatre coins du monde, on explore ses ressources pour y piocher sa part. Un enjeu économique, certes, mais aussi stratégique. Car cette transition redistribue également les cartes des dépendances géopolitiques. Pour l’heure, la production de lithium est essentiellement assurée par quatre pays : l’Australie, fournissant à elle seule plus de la moitié de l’extraction, le Chili (un quart de l’extraction mondiale), la Chine (16 %) et l’Argentine (7 %). Mais extraire du lithium ne suffit pas. De la mine à la batterie, le métal doit subir plusieurs processus de séparation et de transformation. Et en la matière, la Chine s’est depuis longtemps imposée. 60 % du raffinage de l’« or blanc » se fait sur son territoire. Si l’on y ajoute les autres métaux présents dans les batteries pour véhicules électriques (manganèse, nickel, graphite, cobalt), c’est près de 80 % de la production mondiale qui y serait transformée.

      Alors l’Union européenne peut bien rêver d’assurer 25 % de la production mondiale de batteries électriques en 2030, elle n’en a, pour l’heure, pas les ressources. Tandis que la guerre en Ukraine met cruellement en relief nos dépendances énergétiques, cette domination de la Chine sur le marché irrite. Et d’un bout à l’autre du Vieux Continent, on parle mines et relocalisation de la production, Emmanuel Macron le premier. « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a du lithium », lançait le président de la République sur France 2 le 26 octobre, reprenant la petite phrase de Valéry Giscard d’Estaing en pleine crise pétrolière, en 1976 (« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées »). Dix jours plus tôt, il déclarait aux Échos : « Dans la campagne, j’ai fixé un objectif : une filière [de voitures électriques] 100 % produite en France. » Et de rappeler que trois « gigafactories » – comprenez « très grosses usines » – de batteries de véhicules électriques se sont récemment implantées dans le Nord de la France, la première devant commencer sa production en 2023. Restent l’extraction et le raffinage des ressources et, parmi celles-ci, du lithium.

      Dans ce contexte, l’annonce du projet Emili a donc été accueillie avec enthousiasme par le gouvernement. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, et le ministre de l’Industrie Roland Lescure sont même cités dans le communiqué d’Imerys. « Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium », salue le premier, ajoutant qu’il sera bien entendu soutenu par le gouvernement.

      Enjeu écologique, enjeu stratégique et géopolitique, enjeu économique. À Échassières, la promesse économique fait rêver certains d’un retour à la grande époque minière du village. À partir de 1912, la principale exploitation minière d’Échassières était celle du wolfram, dont était extrait le tungstène, un métal destiné principalement aux aciers de coupe, blindages et divers usages militaires. Exploitée par la Compagnie minière des Montmins, la mine emploie au plus fort de ses activités jusqu’à 450 salariés. Roger, l’époux de Danièle, était de ceux-là. « Au village, il y avait deux “familles”, ceux du tungstène, qui avaient le statut de mineurs, qui étaient mieux payés, avaient plus d’avantages, et ceux du kaolin, qui gagnaient moins bien. » Avec sa dizaine de commerces et ses 800 habitants, le village prospère. Mais en 1962, le couperet tombe. Les cours du tungstène s’effondrent, l’exploitation d’Échassières n’est plus rentable et la mine ferme. « C’était brutal. Du jour au lendemain, mon mari et les autres ont été licenciés, s’exclame Danièle. Sans préavis, sans indemnités. » La Compagnie minière des Montmins a mis la clé sous la porte en abandonnant sur place toute l’infrastructure.

      À quelques kilomètres du bourg, le spectre de l’ancienne usine de transformation de tungstène pourrit toujours lentement, le long de la route. La végétation a envahi les ateliers et les bureaux, les planchers se sont effondrés, les structures métalliques se balancent dans la brise depuis soixante ans. Un repaire de chats errants qui viennent se nourrir chez Roger Konate. Débarqué de Marseille en 2008, l’homme a acheté un ancien atelier de l’usine pour une bouchée de pain et l’a retapé pour s’en faire une maison : « Je suis venu ici parce que c’était la région de ma mère, et puis que c’était vraiment pas cher. » Juste à côté de sa maison, dissimulée sous des rideaux de lierre, se trouve l’entrée d’une ancienne galerie de transport de la mine, rebouchée depuis. Du lithium et d’Imerys, Roger Konate ne sait pas trop quoi en penser. « De toute façon, c’est déjà décidé, qu’est-ce que vous voulez qu’on y fasse ?, lâche-t-il. J’espère juste qu’ils ne rouvriront pas les anciennes galeries et que je ne me retrouverai pas exproprié ! Enfin, je serais dédommagé, mais bon, je suis bien tranquille ici. » Au milieu des fantômes du passé.

      Car avec le départ de la Compagnie des Montmins, le glas des années minières a sonné à Échassières. « Dans la décennie qui a suivi, les carrières de kaolin ont fermé, les unes après les autres », raconte Danièle. Son mari, qui avait trouvé un emploi à la carrière des Colettes, a été licencié à nouveau avant de retrouver un poste de conducteur d’engins sur le site Beauvoir, le seul resté en activité. « Mais pour le village, ça a été une catastrophe, poursuit sa femme. De 800 habitants, la population est passée en quelques années à peine à 400 et n’est jamais remontée depuis. » Alors pour elle, le projet Emili est une belle opportunité. « Quelque part, c’est l’aboutissement d’un espoir qu’on avait depuis les années 1970, dit-elle. C’est la possibilité de soutenir les commerces, de maintenir le service public. »

      Le maire actuel, Frédéric Dalaigre, ne dit pas autre chose : « L’opportunité économique est évidente. » Lors de l’annonce, c’est 1 000 emplois qui ont été évoqués par Imerys. Même si ceux-ci ne seront pas tous à Échassières, tempère le maire : « Ils seront répartis entre le site d’extraction et le site de conversion, dans un autre lieu encore non-déterminé. La majorité des emplois sera vraisemblablement sur ce dernier. Mais ce n’est pas grave. Nous n’avons pas besoin de 1 000 emplois. Nous n’avons pas les capacités actuellement d’accueillir tant de monde. » En attendant, l’arrivée de nouveaux habitants permettra peut-être d’ouvrir de nouvelles classes à l’école primaire – laquelle accueille actuellement 60 élèves des cinq communes environnantes –, de soutenir les commerces existants et peut-être d’en voir ouvrir de nouveaux, espère-t-il. Mais s’il est, a priori, plutôt favorable au projet, Frédéric Dalaigre est trop prudent pour s’emballer. Car une mine n’est pas sans conséquences, il le sait. Imerys assure vouloir faire d’Emili une mine « verte », mais entre promesse d’exemplarité et réalité de l’exploitation minière, l’écart est difficile à combler. Et dans la région, nombreux sont ceux qui craignent de devoir troquer la richesse de la nature pour une éphémère embellie économique.

      https://lesjours.fr/obsessions/lithium-france/ep1-lithium-sous-sol-france

    • Mine de lithium dans l’Allier : l’#eau, point faible du projet d’Imerys

      Le géant minier a achevé, fin juillet, un cycle de débats publics visant à convaincre de sa capacité à mettre en œuvre les technologies les plus innovantes pour créer une mine « propre » sur leur territoire. Mais de sérieuses incertitudes subsistent, notamment sur les besoins en eau de ce complexe industriel à l’heure du changement climatique.

      Une mine saine dans un esprit sain. Tel est le leitmotiv que le groupe minier Imerys s’est efforcé d’inculquer aux habitant·es de l’Allier au cours des cinq derniers mois, dans le cadre d’un cycle de débats publics arrivé à son terme fin juillet. L’esprit sain, c’est celui de la transition énergétique, qu’est censée faciliter la mine d’Échassières puisque celle-ci, si elle voit le jour, fournira assez d’hydroxyde de lithium pour produire chaque année, à partir de 2028 et pendant au moins vingt-cinq ans, 663 000 batteries de voitures électriques.

      La #mine_saine, c’est la promesse d’une infrastructure mettant les technologies les plus avancées au service du plus faible coût environnemental possible. Concernant l’utilisation de l’eau, une des principales sources d’inquiétude de la population, Imerys assure que son complexe industriel sera un modèle de #sobriété et de #propreté, grâce notamment à une réutilisation de la ressource en #circuit_fermé et à une politique du #zéro_déchet liquide.

      Il suffira ainsi de 600 000 mètres cubes d’eau par an pour faire tourner la mine et son usine de concentration, à Échassières, et d’une quantité équivalente pour l’usine de conversion prévue à #Montluçon. Soit un niveau de consommation d’eau « 10 à 20 fois moins élevé que l’eau nécessaire pour la production de lithium dans les #salars [bassins d’évaporation – ndlr] sud-américains », affirme Imerys dans son dossier de maîtrise d’ouvrage.

      Le site sera alimenté par des prélèvements réalisés sur la #Sioule, un affluent de l’Allier prenant sa source dans le Puy-de-Dôme, et celui de Montluçon par des eaux sorties de l’usine de retraitement de la ville, initialement issues du Cher. Là encore, pas d’inquiétude affirme l’industriel : « Sur la Sioule, on est à 0,1 % du débit moyen annuel actuel, et en étiage [quand le débit est le plus faible – ndlr], on atteint 0,6 % du débit mensuel », souligne Fabrice Frébourg, chef de projet environnement chez Imerys. Sur le Cher, les taux seraient respectivement de 0,1 % et 2 %, selon les documents fournis par Imerys.

      Pourtant la marge de manœuvre de l’industriel est beaucoup moins large qu’il n’y paraît. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) 2022-2027 du bassin Loire-Bretagne classe la Sioule parmi les bassins « qui montrent un équilibre très fragile entre la ressource et les prélèvements, à cause de #prélèvements excessifs ou de l’#évaporation par les #plans_d’eau, ou bien d’un régime d’étiage naturel trop faible ». Il impose pour cette raison « une limitation des prélèvements en période de basses eaux au niveau actuel ».

      Dès lors, Imerys ne pourra pas brancher ses pompes sur la Sioule avant d’avoir négocié avec les autres acteurs déjà présents sur le bassin une nouvelle répartition des prélèvements. Les pompages industriels étant de faible volume et incompressibles, le seul interlocuteur du groupe minier dans cette négociation est la #chambre_d’agriculture de l’Allier.

      Bataille de quotas avec le monde agricole

      Celle-ci s’est vu confier par arrêté préfectoral, fin 2015, une #autorisation_unique_de_prélèvement (#AUP) portant sur 4,92 millions de mètres cubes d’eau à ponctionner annuellement dans la Sioule sur un étiage courant de juin à septembre, à charge pour elle de répartir la ressource entre tous les irrigants et irrigantes. Ce chiffre a ultérieurement été révisé à 4,6 millions de mètres cubes.

      Or les agriculteurs et agricultrices n’ont jamais utilisé à plein leurs autorisations, leurs pompages réels n’ayant jamais dépassé 3,7 millions de mètres cubes, selon Nicolas Bonnefous, vice-président de la chambre d’#agriculture. Ce qui fait dire à Fabrice Frébourg qu’Imerys, qui n’a besoin de prélever que 50 000 mètres cubes d’eau par mois, soit 200 000 mètres cubes sur la période d’étiage, « serait capable de rentrer dans ces quotas ».

      « Le problème, c’est que nous avons bel et bien besoin de toute l’eau autorisée, même si nous ne prélevons que 3,1 ou 3,3 millions de mètres cubes », tempère cependant Nicolas Bonnefous. La chambre d’agriculture répartit en effet l’eau prélevée dans la Sioule entre des dizaines d’irrigant·es qui, d’une année sur l’autre, au gré des aléas météorologiques, utiliseront en totalité ou seulement en partie la part qui leur a été attribuée. L’addition de ces quotas non utilisés s’appelle le #foisonnement. « Et non, on n’est pas capables de dégager des marges sur le foisonnement, insiste Bonnefous. L’État doit prendre ses responsabilités et donner l’eau à Imerys sans prendre aux agriculteurs. »

      Déjà, des voix se font entendre parmi les irrigant·es pour dénoncer un possible coup de force. « Avec les précipitations variables d’aujourd’hui, l’#irrigation devient essentielle, a prévenu Adelaïde Giraud, présidente de l’association d’irrigants ASA des Champagnes, lors d’une réunion publique le 30 mai à Vichy. La Sioule ne semble pas pouvoir accueillir un intervenant supplémentaire [et] nous espérons sincèrement ne pas être une variable d’ajustement. »

      Impacts inéluctables

      Des pourparlers n’en sont pas moins en cours entre la chambre d’agriculture, le groupe minier, les services de l’État et #EDF, opérateur du barrage des Fades, en amont du site d’implantation de la mine, qui assure déjà un supplément de soutien d’étiage au bénéfice des irrigant·es. Et non, « ce n’est pas la profession agricole qui amènera un blocage », assure Patrice Bonnin, président de la chambre. « On a l’eau, on a le tuyau, il faut juste que l’administration trouve le bon robinet » réglementaire pour permettre l’opération, poursuit-il.

      Le « robinet » souhaité par les agriculteurs et agricultrices pourrait prendre la forme d’une sortie du classement du bassin de la Sioule en zone à prélèvements limités, ou celle d’une prise en compte des lâchers d’eau estivaux par le barrage de Fades pour augmenter les autorisations de prélèvements, évoque Nicolas Bonnefous.

      Si l’approvisionnement en eau de la mine semble déjà problématique au vu des réglementations actuelles, basées sur des évaluations de besoins remontant au début des années 2010, qu’en sera-t-il dans quatre ans, au moment théorique de l’entrée en activité du site ? Le Sdage stipule en effet que l’autorisation unique de prélèvement accordée à la chambre d’agriculture ne sera valable que jusqu’à l’ajout d’une analyse HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat), soit « au plus tard, en 2027 ».

      Cette analyse, qui devra être diligentée par la commission locale de l’eau (CLE) chargée du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) de la Sioule, permettra de déterminer le #volume_potentiellement_mobilisable (#VPM) de la rivière, c’est-à-dire la part de son débit restant à disposition après soustraction de l’eau réservée aux milieux aquatiques, aux réseaux d’eau potable ou encore à la sécurité anti-incendie.

      Pour Céline Boisson, animatrice du Sage Sioule, il est peu probable que les résultats de l’analyse HMUC permettent d’ouvrir en grand les vannes des stations de pompage. « La Sioule est déjà affectée par le #changement_climatique : son débit moyen a baissé de 15 % en trente ans, et son débit d’étiage de 48 % », avait-elle rappelé lors de la réunion publique de Vichy.

      Interrogée par Mediapart, l’experte précise que les seuils de crise ne sont jamais atteints sur la Sioule en aval du #barrage_de_Fades grâce aux lâchers d’eau diligentés par EDF, en vertu d’un accord avec la chambre d’agriculture. « Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de crise. Clairement, l’amont du barrage est en crise, tout comme la #Bouble », petite #rivière appartenant au même bassin, ajoute-t-elle, avant de conclure : « Je ne suis pas sûre que tout le monde sera satisfait du résultat de l’analyse. Il y aura forcément un partage à faire. »

      S’il se dit confiant dans la capacité du barrage de #Fades, fort de ses 65 millions de mètres cubes d’eau, à pourvoir aux besoins de la mine, Fabrice Frébourg évoque également des pistes à l’étude chez Imerys pour permettre au complexe d’Échassières de disposer de ses « propres solutions de modulation ».

      Il s’agit principalement de renforcer la capacité de deux petits lacs déjà présents sur le site, en la faisant passer de 55 000 à 100 000 mètres cubes, ou éventuellement d’utiliser des galeries d’exploitation de la mine pour du stockage d’eau. La gestion des périodes de maintenance pour les faire coïncider avec l’étiage est également une « piste d’optimisation du projet ».

      Ces solutions ne convainquent pas les défenseurs et défenseuses des milieux aquatiques. « Depuis vingt ans, il n’y a quasiment plus de crues morphogènes sur la Sioule. Or elles sont essentielles pour le cours d’eau car elles permettent le transit sédimentaire et le décolmatage du lit, indispensable pour la réussite de la reproduction de certaines espèces, explique Mickaël Lelièvre, directeur de la fédération de pêche de l’Allier. Si on augmente le soutien d’étiage ou le stockage, on aggrave ce phénomène de réduction des crues morphogènes. »

      Menaces sur des #poissons déjà en danger

      Le pêcheur est soutenu par Aurore Baisez, directrice du Logrami, centre de recherche sur les poissons migrateurs du bassin de la Loire, qui souligne qu’une infime variation du niveau de la crue peut suffire à perturber la migration des espèces fréquentant la Sioule (saumon, lamproie, anguille, alose) et le Cher (les mêmes moins le saumon). « Les crues sont le signal du départ dans un sens ou dans l’autre. La perte de ce signal se traduit par de faibles remontées des poissons, ou très en aval », indique la scientifique, précisant que l’alose et la lamproie sont « classées en danger critique d’extinction, à l’instar du tigre du Bengale ou de l’éléphant d’Afrique ».

      À Montluçon, où le #mica_lithinifère – principal minerai du lithium – sera transformé en #hydroxyde_de_lithium, Imerys n’est pas soumis aux mêmes contraintes réglementaires que dans la vallée de la Sioule, puisque son alimentation en eau proviendra de l’usine de retraitement des eaux usées de la ville et ne peut donc être comptabilisée comme un « prélèvement » sur le Cher. Elle n’en occasionnera pas moins une « perte d’eau nette » d’environ 600 000 mètres cubes par an pour une rivière déjà en crise, classée « zone de répartition des eaux » – impliquant un contrôle des prélèvements toute l’année – par le Sdage Loire-Bretagne en raison d’un « déséquilibre quantitatif avéré ».

      « Certes, on parle d’une ponction limitée. Mais le #Cher n’a pas de réserves, très peu de nappe alluviale. Quand il ne pleut plus, il n’y a plus de débit », commente Jonathan Bourdeaux-Garrel, animateur du Sage Cher-Amont. Il y a bien un petit barrage, #Rochebut, censé assurer un débit garanti de 1,55 mètre cube par seconde. « Mais quand il n’y a pas d’eau dans le barrage, ça descend jusqu’à 800 litres par seconde, et il faut voir alors la tête du Cher. »

      Mickaël Lelièvre, de la fédération de pêche, confirme et renchérit : « La situation hydrologique est très dégradée sur le Cher. Sans le soutien d’étiage par le barrage, il n’y aurait plus d’eau dans la rivière. Rien que cela devrait imposer d’interdire tout nouveau prélèvement. » L’expert met par ailleurs en cause les statistiques fournies par Imerys, basées sur des moyennes quinquennales de débit et donc aveugles aux aléas de faible durée qui frappent régulièrement la rivière.

      Du côté d’Imerys, Fabrice Frébourg assure « qu’on prend la chose très au sérieux ». Le cadre assure que son entreprise choisira un indice « beaucoup plus pénalisant que les moyennes quinquennales » dans ses prochaines études sur l’impact du réchauffement climatique. Il évoque également la piste, « apportée par l’administration, d’un possible soutien d’étiage par le barrage de Rochebut ». Comme le faisait remarquer un intervenant en réunion publique, « les poissons ne peuvent pas se mettre entre parenthèses » à chaque assèchement du Cher.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/030824/mine-de-lithium-dans-l-allier-l-eau-point-faible-du-projet-d-imerys
      #promesses

  • Retour d’utopie. De l’influence du livre de Fred Turner - Center for Internet and Society
    https://cis.cnrs.fr/en/retour-d-utopie-pub

    On the occasion of the 10th anniversary of the publication in French of Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence, the translation of a seminal book by Fred Turner, C&F éditions has brought together a dozen texts around this classic of digital humanities.

    Published in the series Les cahiers de C&F éditions, this work contains an interview with Fred Turner and articles written by Olivier Alexandre (CIS-CNRS), Thomas Cazals, Anne Cordier, Adrian Daub, Xavier de La Porte, Hervé Le Crosnier, Christophe Masutti, Julie Momméja, Francesca Musiani (CIS-CNRS), Valérie Schafer, Nicolas Taffin, Laurent Vannini and François Vescia.

    This digital book can be freely downloaded (+ a possible contribution for C&F éditions if you wish).

    An excerpt from the introduction: “Ten years already. It has been 10 years since C&F éditions published the French translation of the major book From Counterculture to cyberculture by Fred Turner. The book you are reading today is both a tribute to a classic in the history of the Internet and a relevant rebound at a time when new major movements are emerging in the digital industry.”

    #Fred_Turner #Retour_utopie

  • Catalyse totalitaire

    Il y a une économie générale de la #violence. Ex nihilo nihil : rien ne sort de rien. Il y a toujours des antécédents. Cette économie, hélas, ne connaît qu’un principe : la #réciprocité – négative. Lorsque l’#injustice a été portée à son comble, lorsque le groupe a connu le #meurtre_de_masse et, pire peut-être, l’#invisibilisation du meurtre de masse, comment pourrait-il ne pas en sortir une #haine vengeresse ? Les rationalités stratégiques – faire dérailler la normalisation israélo-arabe, réinstaller le conflit israélo-palestinien sur la scène internationale –, si elles sont réelles, n’en ont pas moins trouvé parmi leurs ressources le carburant de la vengeance meurtrière.

    « #Terrorisme », mot-impasse

    La FI n’a pas commis les erreurs dont on l’accuse. Mais elle en a commis. Une – et de taille. Dans un événement de cette sorte, on ne se rend pas directement à l’analyse sans avoir d’abord dit l’#effroi, la #stupeur et l’#abomination. Le minimum syndical de la #compassion ne fait pas l’affaire, et on ne s’en tire pas avec quelques oblats verbaux lâchés pour la forme. Quand bien même ce qui est donné au peuple palestinien ignore jusqu’au minimum syndical, il fallait, en cette occurrence, se tenir à ce devoir – et faire honte aux prescripteurs de la compassion asymétrique.

    Ce manquement, réel, a cependant été saisi et déplacé pour se transformer dans le débat public en un point de sommation, d’abjuration même, sur lequel la FI, cette fois, a entièrement raison de ne pas céder : « terrorisme ». « Terrorisme » devrait-il être, comme l’affirme Vincent Lemire, « le point de départ du #débat_public » ? Non. Il n’en est même pas le point d’arrivée : juste le cul-de-sac. « Terrorisme » est un mot impasse. C’est ce que rappelle Danièle Obono, et elle a raison. Fait pour n’installer que la perspective de l’éradication et barrer toute analyse politique, « terrorisme » est une catégorie hors-politique, une catégorie qui fait sortir de la #politique. La preuve par Macron : « unité de la nation » et dérivés, 8 occurrences en 10 minutes de brouet. Suspension des conflits, neutralisation des différends, décret d’unanimité. Logiquement : les manifestations de soutien au peuple palestinien sont des manifestations de soutien au terrorisme, et même des manifestations terroristes, en conséquence de quoi elles sont interdites.

    Concéder « terrorisme », c’est annuler que ce qui se passe en Israël-Palestine est politique. Au plus haut point. Même si cette politique prend la forme de la #guerre, se poursuivant ainsi par d’autres moyens selon le mot de Clausewitz. Le #peuple_palestinien est en guerre – on ne lui a pas trop laissé le choix. Une entité s’est formée en son sein pour la conduire – d’où a-t-elle pu venir ? « On a rendu Gaza monstrueux », dit Nadav Lapid. Qui est « on » ?

    Sans avoir besoin de « terrorisme », « guerre » et « #crimes_de_guerre » sont hélas très suffisants à dire les combles de l’horreur. Très suffisants aussi à dire les #massacres abominables de civils. Si dans la guerre, qui est par principe #tuerie, on a forgé sans pléonasme la catégorie de « crimes de guerre », c’est bien pour désigner des actes qui font passer à une chose atroce en soi d’autres paliers d’#atrocité. C’est le moment de toute façon où il faut faire revenir l’#économie_générale_de_la_violence : des #crimes qui entraînent des crimes – des crimes qui ont précédé des crimes. L’acharnement à faire dire « terrorisme » ne satisfait que des besoins passionnels – et aucune exigence intellectuelle.

    En réalité, « terrorisme » et « crimes de guerre » sont deux catégories qui ne cessent de passer l’une dans l’autre, et ne dessinent aucune antinomie stable. Hiroshima est, à la lettre, conforme à la définition ONU du terrorisme : tuer des civils qui ne sont pas directement parties à des hostilités pour intimider une population ou contraindre un gouvernement à accomplir un certain acte. A-t-on entendu parler de terrorisme pour la bombe d’Hiroshima ? Et pour Dresde ? – comme Hiroshima : terroriser une population en vue d’obtenir la capitulation de son gouvernement.

    Mais pour ceux qui, dans la situation présente, en ont fait un point d’abjuration, « terrorisme » a une irremplaçable vertu : donner une violence pour dépourvue de #sens. Et de #causes. Violence pure, venue de nulle part, qui n’appelle rigoureusement aucune autre action que l’extirpation, éventuellement dans la forme relevée de la croisade : le choc des civilisations, l’axe du Bien, à laquelle il n’y a aucune question à poser. Il est vrai qu’ici nous naviguons en eaux vallsiennes où #comprendre est contradictoire avec s’émouvoir, et vient nécessairement en diminution du sentiment d’horreur, donc en supplément de complaisance. L’empire de la bêtise, comme une marée noire, n’en finit plus de s’étendre.

    La #passion de ne pas comprendre

    Surtout donc : ne pas comprendre. Ce qui demande un effort d’ailleurs, car l’évidence est massive et, avoir les yeux ouverts suffit – pour comprendre. Un peuple entier est martyrisé par une #occupation, ça fait bientôt 80 ans que ça dure. On les enferme, on les parque à les rendre fous, on les affame, on les tue, et il n’est plus une voix officielle pour en dire un mot. 200 morts depuis dix mois : pas un mot – entendre : qui se comparerait, même de loin, aux mots donnés aux Israéliens. Des témoignages vidéos à profusion des crimes israéliens encore frais : pas un mot. Des marches palestiniennes pacifiques à la frontière, 2018, 200 morts : pas un mot. Des snipers font des cartons sur les rotules, 42 en une après-midi, pas mal : mais pas un mot – si : « l’armée la plus morale du monde ». D’anciens militaires de l’armée la plus morale du monde expriment le dégoût, l’inhumanité de ce qu’on leur a fait faire aux Palestiniens : pas un mot. À chacune des #abominations du Hamas ce week-end, on en opposerait tant et plus commises par les militaires ou les colons – à peine quelques rides à la surface de l’eau. Les tragédies israéliennes sont incarnées en témoignages poignants, les tragédies palestiniennes sont agglomérées en statistiques. En parlant de statistique : on voudrait connaître la proportion des hommes du Hamas passés à l’attaque ce week-end qui ont tenu dans leurs mains les cadavres de leurs proches, des corps de bébés désarticulés, pour qui la vie n’a plus aucun sens – sinon la vengeance. Non pas « terrorisme » : le métal en fusion de la vengeance coulé dans la lutte armée. L’éternel moteur de la guerre. Et de ses atrocités.

    En tout cas voilà le sentiment d’injustice qui soude le groupe. Une vie qui ne vaut pas une autre vie : il n’y a pas de plus haute injustice. Il faut être épais pour ne pas parvenir à se représenter ça – à la limite, même pas par humaine compréhension : par simple prévoyance stratégique. Qu’un martyre collectif soit ainsi renvoyé à l’inexistence, que les vies arabes se voient dénier toute valeur, et que ceci puisse rester indéfiniment sans suite, c’était une illusion de colonisateur.

    Bloc bourgeois et « importation »

    Maintenant le fait le plus frappant : tout l’Occident officiel communie dans cette illusion. En France, à un degré étonnant. On s’y inquiète beaucoup des risques d’« #importation_du_conflit ». Sans voir que le conflit est déjà massivement importé. Bien sûr, « importation du conflit » est un mot à peine codé pour dire indifféremment « Arabes », « immigrés », « banlieues ». Mais le canal d’importation réel n’est pas du tout celui-là, il est sous nos yeux pourtant, large comme Panama, bouillonnant comme une conduite forcée : le canal d’importation-du-conflit, c’est le bloc bourgeois (Amable et Palombarini ©). Tout son appareil, personnel politique, éditocratie en formation serrée, médias en « édition spéciale », s’est instantanément déclenché pour importer. Pourquoi le point de fixation sur le terrorisme ? Pour la FI bien sûr – nous y revoilà. Cette fois-ci cependant avec un nouveau point de vue : le point de vue de l’importation intéressée. Le bloc bourgeois quand il fait bloc derrière Israël à l’extérieur saisit surtout l’occasion de faire bloc contre ses ennemis à l’intérieur.

    Il faudrait ici une analyse de la solidarité réflexe du #bloc_bourgeois avec « Israël » (entité indifférenciée : population, Etat, gouvernement) et des affinités par lesquelles elle passe. Des affinités de bourgeois : le même goût de la démocratie frelatée (bourgeoise), la même position structurale de dominant (dominant national, dominant régional), les mêmes représentations médiatiques avantageuses, ici celles d’Israël comme une société bourgeoise (start-ups et fun à Tel Aviv). Tout porte le bloc bourgeois à se reconnaître spontanément dans l’entité « Israël », partant à en épouser la cause.

    Et le bloc bourgeois français est plus israélien que les Israéliens : il refuse qu’on dise « #apartheid » alors que des officiels israéliens le disent, il refuse de dire « Etat raciste » alors qu’une partie de la gauche israélienne le dit, et qu’elle dit même parfois bien davantage, il refuse de dire la #responsabilité écrasante du gouvernement israélien alors qu’Haaretz le dit, il refuse de dire la politique continûment mortifère des gouvernements israéliens alors qu’une kyrielle d’officiers supérieurs israéliens le disent, il refuse de dire « crimes de guerre » pour le Hamas alors que l’ONU et le droit international le disent. Gideon Levy : « Israël ne peut pas emprisonner deux millions de Palestiniens sans en payer le prix cruel ». Daniel Levy, ancien diplomate israélien à une journaliste de la BBC qui lui dit que les Israéliens sur le point d’annihiler Gaza « se défendent » : « Vous pouvez vraiment dire une chose pareille sans ciller ? Ce genre de #mensonges ? » Le bloc bourgeois : « Israël ne fait que se défendre ». Il dit « Terreur » quand les Russes coupent toute ressource à l’Ukraine, il ne dit rien quand Israël coupe toute ressource à Gaza. Le bloc bourgeois vit un flash d’identification que rien ne peut désarmer.

    Il le vit d’autant plus intensément que la lutte contre les ennemis du frère bourgeois au dehors et la lutte contre les adversaires du bloc bourgeois au-dedans se potentialisent l’une l’autre. C’est comme une gigantesque résonance inconsciente, qui prend toute son ampleur dans une situation de crise organique où le bloc bourgeois contesté est devenu prêt à tout pour se maintenir.

    Le bloc regarde autour de lui, il ne se voit plus qu’un seul ennemi significatif : la FI. PS, EELV, PC, il a tout neutralisé, plus aucune inquiétude de ce côté-là, ces gens ne représentent aucun danger – quand ils ne sont pas de précieux auxiliaires. La FI, non. Une occasion se présente pour l’anéantir : ne pas hésiter une seule seconde. Comme avec Corbyn, comme avec Sanders, les affabulations d’antisémitisme, connaissaient déjà leur régime de croisière, mais une opportunité pareille est inespérée. Providentiel loupé inaugural de la FI : tout va pouvoir s’engouffrer dans cette brèche : le mensonge ouvert, la défiguration éhontée des propos, les sondages bidons sur des déclarations ou des absences de déclarations fabriquées, les accusations délirantes. La BBC s’abstient de dire « terroriste » mais la FI doit le dire. Des universitaires incontestables produisent de l’analyse sur les plateaux, mais la même analyse fournie par la FI est un scandale. La FI a une position somme toute fort proche de l’ONU, mais elle est antisémite. « Que cherche Jean-Luc Mélenchon ? A cautionner le terrorisme islamiste ? » s’interroge avec nuance La Nuance.

    #Cristallisation

    La violence du spasme que connait la vie politique française n’a pas d’autre cause. L’événement a œuvré comme un puissant réactif, révélant toutes les tendances actuelles du régime, et les portant à un point que même les émeutes de juillet ne leur avaient pas fait atteindre. L’effet de catalyse est surpuissant. Crise après crise, la dynamique pré-fasciste ne cesse de prendre consistance et de s’approfondir. Le terme en a été donné par Meyer Habib député français d’extrême-droite israélienne : « Le RN est entré dans le camp républicain ».

    Les moments de vérité recèlent toujours quelque avantage : nous savons désormais en quoi consiste le #camp_républicain. C’est le camp qui interdit le #dissensus, qui interdit l’#expression_publique, qui interdit les #manifestations, qui impose l’#unanimité ou le #silence, et qui fait menacer par ses nervis policiers tous ceux et toutes celles qui seraient tentés de continuer à faire de la politique autour de la question israélo-palestinienne. C’est le camp qui fait faire des signalements par des institutions universitaires à l’encontre de communiqués de syndicats étudiants, qui envisage tranquillement de poursuivre des organisations comme le NPA ou Révolution permanente, qui doit sans doute déjà penser secrètement à des dissolutions.

    C’est bien davantage qu’un spasme en fait. Par définition, un spasme finit par relaxer. Ici, ça cristallise : une phase précipite. Et pas n’importe laquelle : #catalyse_totalitaire. « Totalitaire » est la catégorie qui s’impose pour toute entreprise politique de production d’une #unanimité_sous_contrainte. L’#intimidation, le forçage à l’alignement, la désignation à la vindicte, la déformation systématique, la réduction au monstrueux de toute opinion divergente en sont les opérations de premier rang. Viennent ensuite l’#interdiction et la #pénalisation. Témoigner du soutien au peuple palestinien est devenu un #délit. Arborer un #drapeau palestinien est passible de 135€ d’amende – on cherche en vain une base légale présentable. « Free Palestine » est un graffiti antisémite – dixit CNews, devenu arbitre des élégances en cette matière, signes de temps renversés où d’actuelles collusions avec des antisémites distribuent les accusations d’antisémitisme, et d’anciennes collusions avec le nazisme celles de nazisme. Sous l’approbation silencieuse du reste du champ politique et médiatique. Dans les couloirs de toute la galaxie Bolloré, on ne doit plus en finir de se tenir les côtes de rire, pendant qu’à LREM, à France Inter et sur tous les C Trucmuche de France 5, on prend la chose au tout premier degré. Le camp républicain, c’est le camp qui suspend la politique, les libertés et les droits fondamentaux, le camp soudé dans le racisme anti-Arabe et dans le mépris des vies non-blanches.

    Le monde arabe, et pas seulement lui, observe tout cela, et tout cela se grave dans la #mémoire de ses peuples. Quand la némésis reviendra, car elle reviendra, les dirigeants occidentaux, interloqués et bras ballants, de nouveau ne comprendront rien. Stupid white men .

    https://blog.mondediplo.net/catalyse-totalitaire
    #à_lire #7_octobre_2023 #Palestine #Israël #Gaza #Frédéric_Lordon #médias

  • Le gouvernement Meloni à l’épreuve du procès de l’attentat de Bologne


    Sur les lieux de l’attentat à la gare de Bologne (Italie) le 2 août 1980. © Photo Farabola / Leemage via AFP

    La condamnation récente à perpétuité de deux néofascistes dans l’affaire de l’attentat de la gare de Bologne en 1980 provoque l’embarras de l’équipe de Giorgia Meloni qui voudrait réécrire l’histoire. Un ministre et une députée Fratelli d’Italia gravitent dans l’entourage des ex-terroristes.
    Karl Laske
    16 octobre 2023


    LeLe 27 septembre 2023, Gilberto Cavallini, dit « Gigi » ou « Il Nero », ne s’est pas présenté devant les juges. Le #néofasciste, ex-membre des Nuclei Armati Rivoluzionari (#NAR), auteur et coauteur de plusieurs assassinats – notamment ceux du policier Francesco Evangelista et du procureur Mario Amato, en 1980 –, a été condamné en appel à perpétuité pour sa participation à l’attentat commis gare de Bologne le 2 août 1980, qui avait fait 85 morts et 200 blessés . Arrêté en 1983, et déjà condamné pour différents crimes et association de malfaiteurs, l’ancien terroriste de 71 ans est en semi-liberté.
    Il y a peu, les enquêtes journalistiques de La Repubblica et de la Rai ont dévoilé ses réseaux et ses liens avec un membre du gouvernement, le sous-secrétaire d’État à l’environnement et à la sécurité énergétique, Claudio Barbaro. La condamnation en appel d’« Il Nero », et l’incarcération, en juin, d’un autre néofasciste, ex-membre d’#Avanguardia_Nazionale (AN), Paolo Bellini, 70 ans, condamné à perpétuité, en avril 2022, comme le coauteur du même attentat de Bologne, ont clarifié les responsabilités, et embarrassé le gouvernement de Giorgia Meloni, qui n’a jamais admis la mise en cause des néofascistes dans cet attentat.

    La « matrice néofasciste »
    Longues de 1 724 pages, les motivations de la sentence condamnant Bellini relèvent en particulier « la preuve éclatante » du financement de l’attentat par le haut dignitaire de la #loge_P2 (Propaganda Due), le financier d’extrême droite Licio Gelli, décédé en 2015. Preuve de la « #stratégie_de_la_tension » mise en œuvre par des réseaux clandestins au sein de l’#État et les #forces_armées. Sur une comptabilité manuscrite qu’il avait intitulée « Bologna » (un mot que les premiers enquêteurs n’avaient pas retranscrit), apparaissent une provision de 5 millions de dollars et un versement d’un million en espèces (20 %) peu avant l’attentat.

    La sentence souligne aussi les capacités de manipulation des groupes néofascistes par Licio Gelli et Federico Umberto D’#Amato, l’ancien chef du Bureau des affaires réservées du ministère de l’intérieur, également décédé, tous deux mis en cause lors d’un premier procès pour des manœuvres visant à désorienter l’enquête.
    La « coopération opérationnelle » des groupuscules Nuclei Armati Rivoluzionari et Avanguardia Nazionale a été par ailleurs établie par la justice : hold-up communs, faux papiers, caches d’armes partagées… La sentence relève au passage que l’une de ces caches se trouvait dans le local romain du journal Confidentiel, la couverture d’un réseau international impliquant d’anciens dirigeants du groupuscule français Ordre nouveau.
    En dépit de ces investigations, la présidente du Conseil Giorgia Meloni n’a cessé de contester, sur son compte Twitter (aujourd’hui « X »), les décisions de la justice concernant l’attentat de Bologne, réclamant « la vérité ». Et alors que le président de la République Sergio Mattarella a solennellement souligné, en août, « la matrice néofasciste » de l’attentat, Giorgia Meloni a, cette année encore, provoqué une vive polémique, le 2 août, parlant dans un message d’un des « coups féroces infligés » par « le terrorisme » à l’Italie, sans préciser lequel, et en signalant une nouvelle fois qu’il fallait « parvenir à la vérité » sur les attentats. Une façon à peine voilée de contredire l’institution judiciaire.

    Or la « matrice néofasciste » ne concerne pas que l’attentat de la gare de Bologne, mais toutes les « stragi », c’est-à-dire les #massacres, à commencer par l’attentat de #piazza_Fontana, à Milan, le 12 décembre 1969 (16 morts et 88 blessés), ou celui de la piazza della Loggia à #Brescia le 28 mai 1974 (8 morts et 102 blessés), dont les procès se sont conclus par la condamnation de membres du groupuscule néofasciste #Ordine_nuovo et de responsables opérationnels de sa cellule en Vénétie.
    Concernant #Bologne, la « vérité alternative » avancée par l’équipe Meloni tient en une « piste palestinienne » liée à l’incarcération d’un militant palestinien pour trafic d’armes en 1979, une piste explorée mais fermement écartée par la justice vu l’implication matérielle des néofascistes, et par ailleurs les preuves d’un dialogue entre Italiens et Palestiniens au sujet de cet épisode.
    Cette piste internationale avait fait partie des contre-feux ouverts par Licio Gelli lui-même, aux débuts de l’enquête. En 2019, huit députés Fratelli d’Italia ont tenté de la rouvrir par une demande de création d’une commission d’enquête parlementaire, faisant délibérément l’impasse sur les enquêtes judiciaires et les condamnations définitives, en 2007, de trois premiers auteurs de l’attentat, ex-membres des Nuclei Armati Rivoluzionari, Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini.

    Cet été, l’un de ces députés, Federico Mollicone, a encore demandé la « levée du secret » sur d’éventuels documents concernant la piste palestinienne. « Ces documents n’existent pas, c’est le énième rideau de fumée lancé sur le 2 août », a commenté Paolo Bolognesi, le président de l’Association des familles de victimes de l’#attentat_de_Bologne.
    En février, c’est le ministre de la justice, Carlo Nordio, qui a soutenu devant le Sénat la validité des arguments des avocats de Cavallini visant à annuler la condamnation du néofasciste – en s’appuyant sur une jurisprudence inexistante concernant la limite d’âge des juges populaires. « Il a fourni une assistance aux terroristes », s’est indigné encore Bolognesi dans La Stampa.

    Un soutien matériel aux condamnés
    « La strage de 1980 est la plus contestée dans ses résultats judiciaires parce que les enquêtes et les sentences ont touché des points sensibles d’un système encore actif », a commenté l’un des anciens juges de Bologne Leonardo Grassi au Fatto Quotidiano.
    « Il est normal qu’aujourd’hui on revienne à la piste palestinienne, c’est la manière dont la partie politique qui se sent impliquée, et qui est au gouvernement, cherche une voie de sortie, poursuit-il. Parce que le parti de Giorgia Meloni revendique sa continuité avec le Movimento Sociale Italiano (#MSI), et celui-ci est proche du monde d’où proviennent les exécuteurs des stragi. »
    Un monde plus que proche. Comme l’a montré l’enquête de la Rai et de La Repubblica sur l’étrange coopérative Essegi 2012.
    Cette société est justement dirigée par l’un des premiers condamnés dans l’attentat de Bologne, Luigi Ciavardini, 61 ans. Et elle a permis à « Il Nero » Cavallini de décrocher un emploi et la semi-liberté.
    Condamné à treize et dix ans de prison pour les meurtres d’Evangelista et d’Amato, et à trente ans pour l’attentat de Bologne, Ciavardini, dit « Gengis Khan », a fait tourner sa coopérative, dédiée à l’accueil des détenus en semi-liberté, à coups de subventions publiques (plusieurs millions d’euros) de municipalités et collectivités locales amies – jusqu’à la perte de son agrément en juin dernier.
    Ces deux condamnés pour l’attentat de Bologne ont tous deux bénéficié du soutien du sous-secrétaire d’État à l’environnement de #Giorgia_Meloni, Claudio Barbaro, ancien élu du Movimento Sociale Italiano (MSI). Ciavardini a obtenu sa propre semi-liberté grâce à l’emploi que lui a offert Barbaro au sein de l’Alliance sportive italienne (ASI) qu’il a présidée pendant vingt-sept ans. Et le ministre a « contribué à payer » les frais judiciaires de Cavallini, selon un témoin cité par La Repubblica.

    Mais le ministre n’est pas le seul à soutenir les ex-terroristes des NAR. La députée (Fratelli d’Italia) Chiara Colosimo, une proche de Meloni, a ainsi rendu visite à Ciavardini à la prison de Rebibbia en 2014. L’émission « Report » de la Rai a dévoilé une photo de l’élue accrochée à son bras à cette occasion (voir ci-dessous).
    Malgré cette relation à l’évidence amicale, Chiara Colosimo a été élue en mai dernier présidente de la commission antimafia par le Parlement, provoquant une levée de boucliers parmi les familles des victimes des attentats, et un appel solennel de leur part, en vain.

    Cette nomination à la tête de la commission antimafia est d’autant plus problématique que Luigi Ciavardini a été aussi sous investigation pour ses contacts avec la #Camorra, la mafia napolitaine dans le cadre de l’enquête « Mafia Capitale ». L’ancien terroriste avait détenu un restaurant à Rome, Il Tulipano, en association avec le comptable du clan, Massimiliano Colagrande, alias « Small », condamné définitivement en février 2020, à 30 ans de prison.

    Début août, les néofascistes condamnés ont reçu un autre soutien, plus modeste, celui du responsable de la communication institutionnelle de la région du Lazio, Marcello De Angelis, un ancien parlementaire d’extrême droite, lui-même issu du groupuscule Terza Posizione, auquel avaient appartenu les trois premiers condamnés de l’attentat de Bologne avant de rejoindre les NAR, Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini – ce dernier n’est autre que son beau-frère.
    Sur Facebook, De Angelis a assuré que ses trois camarades, condamnés définitifs, n’avaient « rien à voir avec le massacre de Bologne ». Son post a immédiatement été « liké » par Claudio Barbaro. Le communicant a démissionné fin août des services de la région après la découverte sur son compte de posts antisémites, ou encore célébrant Himmler. On relève au passage que l’ancien activiste dialogue sur Facebook avec un proche de Marine Le Pen, l’ex-chef du GUD #Frédéric_Chatillon installé à Rome depuis ses ennuis judiciaires.

    La « Primula nera »
    L’incarcération surprise de Paolo Bellini, en juin dernier, alors qu’il était dans l’attente de son procès en appel, a été décidée dans l’urgence pour des raisons de sécurité. Placé sur écoute, l’ancien membre d’Avanguardia Nazionale condamné à perpétuité a proféré des « menaces alarmantes » contre son ex-femme et un juge.
    Il a fait savoir qu’il préparait « quelque chose d’apocalyptique » pour « clore la carrière du président de la cour d’assises de Bologne » qui l’a condamné, et qu’il avait découvert que le magistrat avait un fils diplomate au Brésil. Il annonçait aussi avoir « tout juste fini de payer 50 000 euros » pour « descendre » son ex-femme qui a trop parlé lors de son procès. Des mesures de protection ont été prises.
    Quarante ans après les faits, Paolo Bellini a été confondu par l’exploitation d’une série d’images extraites d’un film super-8 tourné par un touriste suisse dans la gare de Bologne, quelques minutes après l’explosion de la bombe, le 2 août 1980. Un homme en tee-shirt bleu, cheveux frisés hirsutes, passe devant la caméra sur le quai numéro un de la gare. C’est lui.

    L’enquête est rouverte. Des photos anciennes sont saisies, analysées et comparées par des moyens techniques aux images en super-8. C’est positif. Le film est présenté à son ex-femme. Placée sur écoute, elle déclare à son fils reconnaître son ex-mari, formellement. Elle avoue alors aux juges que l’alibi qu’elle lui a fourni pendant la première enquête était inventé.
    Les menaces de Bellini sont prises au sérieux, car sa vie a été émaillée d’assassinats et de cavales qui lui ont valu le surnom de « Primula nera », le « Fantôme noir ». Après quelques années au MSI, un premier meurtre commis en 1975, il prend la fuite au Paraguay, aidé par le chef d’Avanguardia Nazionale, Stefano Delle Chiaie, l’homme lige de l’internationale fasciste.
    De retour en Italie sous une fausse identité brésilienne, il obtient des facilités de circulation et un port d’armes par des contacts au sein des #services spéciaux, et devient pilote d’avion privé. L’un des portraits-robots établis après l’attentat de Bologne fait émerger son vrai nom et son visage parmi ceux des suspects, mais la « Primula » demeure dans l’ombre.
    Interpellé en 1981, il échappe aux poursuites dans l’affaire de Bologne, mais reste incarcéré jusqu’en 1986 pour d’autres épisodes criminels qui avaient conduit à son départ en cavale. Il se rapproche alors de la #’Ndrangheta, la mafia calabraise, pour laquelle il commet au moins six assassinats entre 1990 et 1992, puis trois autres entre 1998 et 1999. Grâce à des aveux négociés, il bénéficie du statut de « collaborateur de justice » et de remises de peine.

    La mort de juge Falcone
    En 2019, les images de la gare de Bologne permettent aux juges de reconstituer l’histoire de son implication dans l’attentat, en rassemblant les éléments épars, qui s’avèrent accablants.
    Selon un témoin, son frère, Guido, décédé en 1983, avait expliqué à un proche son rôle dans l’attentat, et révélé la présence sur place de Stefano Delle Chiaie avec Gaetano Orlando, un néofasciste connu au Paraguay. D’après Guido, Paolo avait amené « le matériel » utilisé pour l’attentat dans « un sac de sport ou une valise », et était allé chercher Delle Chiaie pour l’accompagner à la gare avec trois complices.
    Selon Guido, Paolo avait reçu 100 000 millions de lires (environ 50 000 dollars) pour l’opération. Les juges relèvent des liens avérés avec Gilberto Cavallini, récemment condamné, et exhument aussi une écoute significative d’un néofasciste, ex-chef de la cellule vénitienne d’Ordine nuovo, Carlo Maria Maggi, condamné définitif pour l’attentat de la piazza della Loggia à Brescia en 1974. Maggi confirme à son interlocuteur l’implication des « NAR », Mambro et Fioravanti, et raconte que c’est « l’aviateur » (Paolo Bellini, donc) qui a apporté la bombe à la gare.
    Bellini, réincarcéré, n’a pas livré tous ses secrets, loin de là. Il est soupçonné dans l’affaire de l’attentat de Capaci qui a tué le juge Giovanni Falcone avec sa femme et son escorte, le 23 mai 1992.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/161023/le-gouvernement-meloni-l-epreuve-du-proces-de-l-attentat-de-bologne

    edit : l’article omet de signaler que Piazza fontana (1969) a immédiatement été attribué à l’extrême gauche

    #Italie #État #extrême_droite #attentat_massacre (s)

  • Police : le sulfureux commissaire Tomi à nouveau promu
    https://www.humanite.fr/societe/violences-policieres/police-le-sulfureux-commissaire-tomi-a-nouveau-promu


    photo : © Serge d’Ignazio

    À quoi joue la préfecture de police de Paris ? Elle vient d’annoncer la promotion du commissaire Paul-Antoine Tomi au poste d’adjoint au sous-directeur de l’ordre public de l’agglomération parisienne. Un joli poste pour ce policier soupçonné de #violences_policières, frère de Michel Tomi, surnommé « le parrain des parrains », qui selon Mediapart, lui aurait régulièrement envoyé d’importantes sommes en liquide.

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    La préfecture de police de Paris est-elle une mafia ? En tout cas, être adepte de la castagne et de la magouille semble y être des critères d’avancement. La Direction de l’ordre public et de la circulation a en effet annoncé, par tweet, le 2 octobre, la promotion du commissaire Paul-Antoine Tomi au poste d’adjoint au sous-directeur de l’ordre public de l’agglomération parisienne, a révélé #StreetPress. Un joli poste pour ce personnage qui cumule les casseroles. Frère de Michel Tomi, surnommé « le parrain des parrains », Paul-Antoine Tomi a longtemps officié à la Direction centrale du renseignement intérieur (aujourd’hui #DGSI).

    Ce service était alors dirigé par Bernard Squarcini, un proche de Nicolas Sarkozy que la justice vient de renvoyer devant le tribunal pour avoir utilisé ses fonctions au profit d’entreprises privées. Selon Mediapart, qui se base sur des écoutes judiciaires, Michel Tomi aurait régulièrement envoyé d’importantes sommes en liquide à son frère, à cette époque. Il aurait aussi réussi à le faire muter à Montpellier par l’entremise de #Frédéric_Veaux, actuel directeur général de la #police_nationale. Ce n’est pas tout.
    Le commissaire Tomi apparaît aussi sur plusieurs vidéos de violences policières. Le 30 janvier 2021, lors d’une manifestation contre la loi de sécurité globale, on le voit frapper à plusieurs reprises un manifestant à terre. C’est lui encore qui asperge de gaz lacrymogène les militants d’Extinction Rebellion assis sur le pont de l’Alma. Malgré ce pedigree, il connaît une carrière en flèche.

    En 2019, il fait partie des policiers décorés de la médaille de la sécurité intérieure pour leur action durant le mouvement des gilets jaunes et participe à l’élaboration du Schéma national du maintien de l’ordre. La même année, le préfet d’alors, Didier Lallement, le nomme à la tête de la BRAV-M, la très contestée unité de policiers motorisés.