• « Le bilan de la vente d’Alstom est catastrophique pour l’emploi et pour notre souveraineté »
    http://www.lefigaro.fr/vox/politique/le-bilan-de-la-vente-d-alstom-est-catastrophique-pour-l-emploi-et-pour-notr

    Frédéric Pierucci est un ancien cadre dirigeant d’Alstom. Sa vie a basculé en avril 2013 lorsqu’il fut arrêté à New York par le FBI, afin que la justice américaine puisse faire pression sur Patrick Kron, le PDG d’Alstom, pour qu’il cède le fleuron français à son concurrent américain General Electric.

  • Constructivisme et urgence environnementale

    Face à l’urgence environnementale, faut-il revenir à l’idée de nature, et rompre avec l’imaginaire moderniste selon lequel l’homme peut avoir un contrôle total sur elle ? Faut-il, comme le préconise F. Neyrat, en finir avec le « constructivisme » ? Rien n’est moins sûr, selon P. Charbonnier.

    https://laviedesidees.fr/Constructivisme-et-urgence-environnementale.html
    #Frédéric_Neyrat
    #constructivisme #nature #environnement

  • [Dans tes oreilles !]
    Résistance ? Violence ? Pacifisme ? Collaboration ?

    Alors que le #G7 pérore et que le contre G7 s’endort, je viens d’enchainer 2 écoutes que je trouve plutôt complémentaires :

    Damasio, Dufresne, Lordon : Résistance, résistances
    https://ecrits-aout.fr/articles/damasio-dufresne-lordon

    G7 de Biarritz : le contre-sommet peine à déborder
    https://radioparleur.net/2019/08/25/g7-de-biarritz-le-contre-sommet-peine-a-deborder

    pitch du premier :

    C’est le Dictionnaire amoureux de la Résistance, de #Gilles_Perrault, qui sert de point de départ à cette rencontre. L’esprit de la Résistance peut-il encore nous être utile aujourd’hui ? Peut-on le voir à l’œuvre dans les #mouvements des peuples actuels ?
    Cette question qui leur est proposée, #Alain_Damasio, #David_Dufresne [@davduf] et #Frédéric_Lordon la débordent bien vite. Peut-on échapper à la #société-de-contrôle ou doit-on la renverser ? Est-il possible de construire un archipel de #dissidences qui résiste à la #répression ? Le Grand soir n’est-il qu’un fossile d’une pensée politique ensevelie ?

    pitch du second :

    Samedi 24 août, deux manifestations, l’une pacifique, l’autre plus radicale ont illustré les dissensions du contre-sommet du G7. Entre volonté de respecter un #consensus d’action non-violentes, #critiques #stratégiques réciproques et présence policière permanente, la journée a été mouvementée…
    [ lire aussi l’article qui retranscrit les journées]

    Je termine ces écoutes comme je le souhaitais, avec bien plus de questions que de réponses et c’est tant mieux. Mon expérience m’a appris que c’est lorsqu’on ne montre qu’une seule voie pour atteindre un but, pis encore, quand elle ressemble à une autoroute de la mi-août, qu’on va le plus souvent droit dans le mur. Je ne crois pas en une « masse critique » unie qui ferait basculer les choses et surtout les pouvoirs, fédérée par UNE parole, encore moins UNE personne.

    Et puis, objectivement, force est de reconnaître que l’injonction au #pacifisme, comme toute #injonction, est une #violence. Même combat, d’ailleurs, concernant l’injonction à la non-violence !
    Elle l’est d’autant plus que dans 90% des cas elle est un non-sens dû une méconnaissance historique (voire un #déni, une #dissonance_cognitive). Le pacifisme c’est croire en la #Paix, la rechercher et tout faire pour y parvenir. Qui peut actuellement dire que nous vivons en paix sauf à s’extraire de toutes les crasses et casses sociales locales, sauf à s’extraire de nos responsabilités internationales et ne pas reconnaitre les multiples chemins (#kyriarchie) de la domination ? Le pacifisme c’est résister pour la paix, et la #résistance, ne serait-ce que par l’auto-défense, implique parfois de se battre. Sinon nous basculerions dans un dogme du #sacrifice.

    C’est dans la reconnaissance de ces voie multiples des multitudes de luttes à mener que se situe, selon moi, ce #résistances avec un petit « r » et beaucoup de « s » auquel il est fait référence dans le premier enregistrement.

    Quand à la #non-violence, une fois encore je renverrai vers la tribune de #Juliette_Rousseau, qui a été la porte-parole de la Coalition climat 21, collectif de la société civile créé en 2014 pour préparer les mobilisations pendant la #COP21, et qui en a tiré cette leçon : La non-violence doit accepter la pluralité des formes de lutte
    https://archive.org/details/20170419_La_Non-Violence


    (https://seenthis.net/messages/591248)

    Et pour un peu de légèreté, ce mini clip du compte Illuminati Reptilien sera parfait en clap final : https://twitter.com/IllumiReptilien/status/1165255537652568064

  • Guinée : comprendre l’affaire Beny Steinmetz
    Par RFI Publié le 13-08-2019 Modifié le 15-08-2019 à 12:20
    http://www.rfi.fr/afrique/20190813-guinee-milliardaire-beny-steinmetz-bsgr

    Le milliardaire Beny Steinmetz sera jugé en Suisse pour corruption et usage de faux. Le procureur, qui a déposé un acte d’accusation contre l’homme d’affaires israélien, l’accuse d’avoir versé plusieurs millions d’euros de pots-de-vin en échange de l’octroi d’une concession minière dans le sud de la Guinée.

    Dès 2005, l’objectif du milliardaire était d’obtenir le permis d’exploitation du bloc 1 et 2 de la mine du Simandou, en Guinée. C’est le plus grand gisement de fer jamais exploité en Afrique.

    Pour cela, selon le procureur de Genève, Beny Steinmetz n’hésite pas à sortir des millions de dollars. Environ dix millions auraient ainsi été décaissés pour l’une des épouses du président guinéen de l’époque, Lansana Conté. Des commissions ou pots-de-vin versés par la société de Beny Steinmetz BSGR, selon le ministère public de Genève.

    Outre le milliardaire, le procureur accuse également le Français Frédéric Cilins, collaborateur externe de BSGR, et Sandra Merloni-Horemans, directrice du groupe BSGR à Genève, d’avoir émis des fausses factures et des faux contrats.

    Le milliardaire franco-israélien arrive à ses fins en 2008. Un décret présidentiel retire ses concessions à Rio Tinto, le géant miner anglo-australien, pour les octroyer à l’entreprise de Beny Steinmetz. À l’époque, BSGR avait officiellement acheté le permis minier pour environ 160 millions de dollars.

    « L’affaire du siècle »

    Sauf que deux ans plus tard, BSGR cède une partie de sa concession à l’entreprise brésilienne Vale. Et c’est « l’affaire du siècle », peut-on lire dans la presse britannique en 2010. BSGR réalise une plus-value spectaculaire. L’entreprise vend 51% de sa concession pour 2,5 milliards de dollars, soit l’équivalent du budget total de la Guinée, selon la loi de finances 2019.

    Ce coup de poker est concomitant avec l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé en 2010. Ce dernier réclame un audit du secteur minier. Pendant son premier mandat de 2010 à 2015, plusieurs procédures judiciaires sont enclenchées en Guinée et à l’international contre le Franco-Israélien et son groupe. Et l’État guinéen retire à BSGR ses permis d’exploitation à cause des soupçons de corruption.Mais finalement, un accord récent assez obscur va permettre de régler le contentieux entre BSGR et l’État guinéen.

    Nicolas Sarkozy en médiateur

    C’est alors que Nicolas Sarkozy est convié comme médiateur. En jet privé, l’ancien président français se rend à Conakry le 21 février dernier. Il est accompagné de Beny Steimetz dont l’assignation à résidence avait été levée en 2017 par la justice israélienne.

    Selon la Lettre du continent, cet entretien est le fruit de négociations « conduites depuis un an à Conakry, à Paris, mais surtout à Londres par Tibou Kamara, le ministre de l’Industrie et conseiller spécial d’Alpha Condé ». (...)

    #Françafrique
    #IsraelAfrique #Beny_Steinmetz
    #Guinée
    #ressources_minières #corruption

    • Les mésaventures judiciaires de Beny Steinmetz, du diamant au minerai de fer
      Par Jean-Pierre Boris Publié le 13-08-2019
      http://www.rfi.fr/afrique/20190813-beny-steinmetz-milliardaire-diamant-fer-guinee-corruption-suisse

      L’homme d’affaires et diamantaire franco-israélien Beny Steinmetz va être jugé à Genève pour corruption et faux. La justice helvétique l’accuse d’avoir usé de faux documents et de pratiques de corruption pour obtenir une concession minière en Guinée-Conakry entre 2005 et 2010. Mais qui est Beny Steinmetz ?

      Si Beny Steinmetz ne s’était pas risqué au tournant des années 2000 à se lancer à la conquête de gisements de minerais de fer en Guinée Conakry, peut-être n’aurait-il jamais la défrayé la chronique. Il serait resté l’homme riche, tranquille et discret que son site internet décrit.

      Un diamantaire devenu philanthrope, amateur d’art finançant le musée de Tel-Aviv, à la tête d’une fondation Elie Wiesel, aimant encore aujourd’hui afficher des photos où on le voit en compagnie de deux autres Prix Nobel de la paix, Nelson Mandela et Shimon Peres. Deux hommes que sa fortune a permis à Steinmetz d’approcher. Avec un peu plus d’un milliard de dollars à son actif, Steinmetz est l’un des quinze Israéliens les plus riches selon le magazine Forbes et il fait partie des cinq cents grandes fortunes françaises au classement établi par le magazine Challenges.

      Un diamantaire qui apprend vite

      Né en 1957, Beny Steinmetz s’installe à Anvers à l’âge de 20 ans. Il veut apprendre le métier de négociant en diamants, de diamantaire que son père exerce déjà en Israël après avoir fui la Pologne, dès 1936. Très doué, le jeune homme fait vite prendre une nouvelle dimension à l’entreprise familiale, en particulier grâce à son étroite association avec le géant sud-africain De Beers.

      Et il sait profiter des déboires de ce célèbre partenaire pour étendre ses activités, dépassant le simple commerce pour exploiter des gisements ou se lancer dans la bijouterie. Avec plusieurs milliers d’employés, le voilà à la tête d’un petit empire du diamant. Il a son yacht, son avion privé, ses résidences luxueuses. (...)

  • https://www.foudetheatre.com/post/et-si-je-vous-parlais-de-mon-avignon

    Salut, mes petits fous. Il est temps pour moi de faire le bilan de cette expérience hors norme que j’ai eu la chance de vivre en Avignon.
    Cette année plus de 1500 spectacles. Plus de 300 accréditations "presse". Des milliers de spectateurs de toute la France mais aussi d’ailleurs. J’ai croisé plein de Belges, des Italiens et même des Québécois. Et quels spectateurs ! J’ai été vraiment surpris par le niveau et l’implication des fous de théâtre. Leurs cultures. Leurs connaissances. Il est troublant de voir ces salles combles avec un public hyperconcentré du début jusqu’à la fin. Je tiens à faire un hommage tout particulier aux comédiens qui jouent parfois plusieurs pièces dans la même journée. Qui n’ont pas vraiment le temps pour une concentration maximum et qui doivent souvent gérer leurs propres accessoires et costumes. Les techniciens, éclairagistes, régisseurs, font un travail incroyable pour que tout fonctionne au cordeau, car le temps est particulièrement précieux avec toutes ces pièces qui s’enchaînent continuellement. Le régisseur du théâtre La Luna (il se reconnaîtra) est quelqu’un de particulièrement charmant qui m’a sauvé de quelques coups difficiles. Les responsables de diffusion sont ultra sollicités et toujours souriants.
    Le festival OFF d’Avignon est loin d’être off, au contraire, quand on imagine qu’une bande de jeunes fous se sont lancés dans cette aventure il y a plusieurs années. Ils peuvent être fiers. En France. L’art vivant est magnifique et la création artistique est formidable. Les paris sont courageux, étonnants et ambitieux.

    Avignon est mon lieu de pèlerinage a moi (chacun le sien). L’endroit où je deviens encore plus fou. Je n’ai ni envie de manger ni envie de dormir. Je n’ai envie que de théâtre.
    Je tiens absolument à m’excuser pour les rendez-vous manqués, oubliés. Les spectacles que j’ai ratés. Les rencontres que je n’ai pu faire. Les pièces que je n’ai pu voir. J’en suis profondément triste, mais j’ai donné mon maximum. Vraiment.
    Je voudrais souligner certains théâtres où la programmation a été particulièrement intéressantes cette année et où l’on a pu m’y voir très souvent. L’Essaion Avignon. Le théâtre transversal. Le Buffon, l’espace Roseaux Teinturier. Le théâtre la Luna. Le théâtre Actuel. Le théâtre des corps saints. Le théâtre les 3 Soleils. La Fabrik théâtre et un petit nouveau le théâtre des brunes. La directrice - comédienne Ariane Carmin est quelqu’un que j’ai particulièrement appréciée et je suis certains que ce théâtre, va faire beaucoup parler de lui les prochaines saisons.
    En vrac. Mes coups de cœur 2019.
    Vous pouvez lire mes articles détaillés pour chaque pièce mais là, avec le recul, ce que je retiens tout particulièrement. Les cavaliers, juste magnifiques. Happy mâle. Une très belle surprise. Tatie jambon pour Marianne James que j’adore. Un garçon d’Italie pour le texte magnifique et la mise en scène particulièrement réussie de Mathieu Touzé. Les passagers de l’aube, pour la justesse de l’écriture, les idées brillantes de « Mise en Science » et le jeu des comédiens. 4,48 psychoses. Pour le choix de ce sujet difficile. Le texte particulièrement beau est la merveilleuse comédienne, Cécile Fleury. Des plans sur la comète. Pour le rire et le bonheur que j’ai eu, pour Tristan Petitgirard que j’adore pour les comédiens excellents. Bye Bye tristesse, pour Caroline Loeb, divinement gracieuse et à fleur de peau. Le K. Pour le texte. La brillante idée de l’objet et Grégori baquet que j’adore. Nos années parallèles pour le texte magnifique de Stéphane Corbin (le papa des funambules) brillant et lumineux. Pour la mise en scène intelligente et émouvante de Virginie Lemoine et Valérie Zaccomer, un véritable coup de foudre. La famille Ortiz pour Jean-philippe Daguerre, un très grand auteur contemporain, isabelle de Botton et Bernard Malaka au charisme fou. Marie des poules pour l’écriture de Gérard Savoisien. La mise en scène et le jeu d’Arnaud Denis tout en nuances et élégance et surtout Béatrice Agenin, une immense comédienne. Don Juane et Pan deux très belles surprises avec de jeunes comédiens brillants. Stephanie st Clair. Pour l’histoire incroyable et Isabelle Kancel absolument brillante. Beaucoup de bruit pour rien. Pour les choix de mise en scène très culottés et cette bande de comédiens truculente. Qui a peur de Virginia Wolf ? Pour la surprise absolue et je jeu absolument magnifique des comédiens. Frédérique Lanzarini est parfaitement parfaite. Le 32 pour une fin de soirée idéale et pour Mme brune que j’adore avec son aspirateur. Good Night. Parce que je ne m’attendais pas du tout à cela et pour le jeu de Romain poli et Nouritzia Emmanuelia. Succès reprise. Pour la pièce de café-théâtre idéale et pour Agathe Quelquejay, lumineuse.


    Quelle chance d’avoir pu voir toutes ces belles productions qui sont certainement les grands succès de la rentrée 2019 (je le souhaite de tout cœur). J’ai déjà très envie de revoir ces pièces très vite à Paris.
    #essaionavignon #theatretransversal #lebuffon #espaceroseauxteinturier #theatrelaluna #theatreactuel #theatredescorpssaints #theatreles3soleils #lafabriktheatre #theatredesbrunes
    #le32 #quiapeurdevirginiawolf #lesfunambules #beaucoupdebruitpourrien #stephaniestclair #pan #donjuane #mariedespoules #lafamilleortiz #nosanneesparalleles #lek #buybyetristesse #desplanssurlacomete #448 #lespassagersdelaube #ungarconditalie #goodnight #tatiejambon #lescavaliers #succesreprise
    #arianecarmin #agathequelquejay #romainpoli #frédériquelanzarini #Isabellekancel #Beatriceagenin #gérardsavoisien #arnauddenis #isabelledebotton #bernardmalaka #jeanphilippedaguerre #virginielemoine #grégoribaquet #stéphanecorbin #valériezaccomer #carolineloeb #cécilefleury #tristanpetitgirard #isabellekancel #mathieutouzé #mariannejames #foudetheatre #avignon19 #theatre #festivalavignon #avignonoff #avignonleoff #offavignon

  • Violences sexuelles à l’université : le gouvernement améliore (un peu) la loi
    https://www.mediapart.fr/journal/france/050719/violences-sexuelles-l-universite-le-gouvernement-ameliore-un-peu-la-loi

    Après la révélation d’une série d’affaires visant l’enseignement supérieur et la recherche, le gouvernement a amendé l’organisation des procédures disciplinaires, dont les dysfonctionnements sont souvent patents. Les victimes pourront enfin être accompagnées. Mais une disposition est contestée, au nom de l’indépendance de la justice universitaire.

    #Violences_sexuelles_ #Frédérique_Vidal,_Université,_violences_sexuelles,_sexisme,_Recherche,_enseignement_supérieur,_CNESER,_violences_sexistes

  • 44 intellectuels pour penser le numérique
    https://www.franceculture.fr/numerique/44-intellectuels-pour-penser-le-numerique

    Making-of – en 2015, Soft Power consacrait une émission aux penseurs du numérique. Quatre ans plus tard, une mise à jour s’imposait tant les débats et réflexions se poursuivent. Voici la sélection de toute l’équipe et de ses chroniqueurs, sans oublier quelques recommandations faites sur les réseaux sociaux.

    Qui sont ces intellectuels, ces historiens, ces chercheurs ou sociologues, mais aussi ces ingénieurs ou ces iconoclastes, qui ont inventé ou décrypté le Web ? Inventaire à la Prévert, me direz-vous, certes, mais occasion aussi pour faire le point sur l’état de la pensée du Web – et mettre en avant quelques grands noms ou idées fortes avec lesquelles nous vivons désormais chaque jour.

    #Internet #Culture_numérique #Fred_Turner #danah_boyd

  • La redécentralisation du web [La voix est libre]
    https://radio.picasoft.net/co/2019-06-14.html

    L’interview

    Hervé Le Crosnier, C&F Édition

    Peux-tu te présenter en quelques mots, ainsi que ta maison d’édition C&F Éditions, qui propose de nombreux essais sur la culture numérique, le fonctionnement d’Internet, la question des libertés informatiques, les communs...

    On peut citer : "L’appétit des géants" d’Olivier Ertzscheid, "Surveillance" de Tristan Nitot, ou "Cyberstructure" de Stéphane Bortzmeyer, des auteurs qu’on essaiera d’inviter dans la voix est libre.

    On souhaiterait que tu nous parles un peu d’un ouvrage qui vient compléter l’histoire d’Internet telle qu’on la connaît : Aux sources de l’utopie numérique de Fred Turner, qui retrace notamment le parcours de Steward Brand. Peut-être pour commencer, tu peux nous présenter Fred Turner et nous rappeler qui est ce Steward Brand, ce n’est pas une figure très connue de l’histoire d’Internet, n’est ce pas ?

    La thèse de Fred Turner est que la naissance d’Internet est marquée par la contre-culture, la culture hippie et sa diffusion dans les université américaines. On peut donc faire un parallèle entre le caractère décentralisé par construction d’Internet et le lieu et le temps dans lequel il naît, en 1969, c’est à dire un an après mais 68, sur la côté Ouest des États Unis, c’est à dire un des hauts lieux de la culture hippie.

    Les livres de C&F sont publiés sous une licence Édition Équitable : tu refuses les DRM et tu proposes que « Le lecteur/lectrice a le droit de faire circuler le document édité au sein de son cercle de proximité (y compris élargi à ses amis proches). Toutefois, cette liberté ne permet pas de rompre l’équilibre et l’équité en diffusant massivement ou à des inconnus ».

    Ça ne fait donc pas tout à fait des livres que tu publies des communs, un concept que tu connais bien. Une licence complètement libre, ça te semble trop risqué d’un point de vue d’une maison d’édition ?

    #C&F_éditions #Fred_Turner

  • Éléments pour une théorie du #fauscisme - #Frédéric_Neyrat

    . D’un prétendu droit de mentir par inhumanité

    Ø Populisme, nationalisme, fascisme ? Plutôt parler - pour décrire la vague d’abjection gouvernementale, culturelle, médiatique et psychique qui aujourd’hui déferle et corrode partout dans le monde les fondements de la vie commune – de fauscisme. Terme aussi laid que ce qu’il est censé décrire.

    Ø L’essence du fauscisme consiste à ériger le #mensonge comme droit. Comme droit d’un individu souverain, ou d’un collectif hermétique, défini par son rejet du dehors. Comme droit d’un narcissisme primaire, non risqué vers ce qui pourrait éventuellement le réfuter.

    Ø Le fauscisme ment à tel point que le mensonge en perd son rapport à la #vérité pour devenir le pouvoir de dire mal, le mal, absolument, désarrimé du réel. Une fois le vrai fauché, le mensonge est un songe qui ment résolument, qui ne se confronte jamais plus au vrai qu’il méprise et rejette par tous les moyens possibles.

    Ø Dans la fauscisme, le faux est un moment du faux.

    Ø Mentant absolument par le droit de son plaisir mauvais, le fauscisme ne se soutient pas d’une d’idéologie, il n’en a pas besoin. Il ne promet rien, ne menace en rien, il salit, méprise sans retenue, utilise la police pour éborgner et punir jusqu’au sang, exalte le viol, les dictateurs, la torture, l’identité, le fascisme bien entendu, et le nazisme qu’il érige au rang de copain. Dans le fauscisme, on copine, il n’y a pas d’amis ; il n’y pas même d’ennemis, il y a ceux qu’il s’agit de décréter encombrants – comme on parle des encombrants à déposer dans les décharges.

    Ø En régime de fauscisme digital, la cathédrale de Notre-Dame a été incendiée par un musulman puisque c’est faux. Les professeurs favorables aux intégrismes de l’islam pullulent dans les universités puisque c’est faux. La « gauche radicale » est islamo-fasciste puisque c’est faux.

    Le changement climatique n’existe pas – puisque tout prouve qu’il est vrai.

    Transplantés sur des machines intelligentes, disent les cyber-humanistes, nous serons immortels – morts.


    https://lundi.am/Elements-pour-une-theorie-du-fauscisme-Frederic-Neyrat
    #faux #vérité

  • Fred Frith :" la partition est vivante, ce n’est pas un musée"
    https://www.franceculture.fr/emissions/par-les-temps-qui-courent/fred-frith


    Durant trois jours, il invite quelques figures de la scène improvisée francaise et internationale, notamment la pianiste Christine Wodrascka, le guitariste Jean-Yves Evrard, des compagnons de longue date, John Greaves et Chris Cutler, mais aussi Bérangère Maximin et Heike Liss.

    Compositeur, improvisateur et multi-instrumentiste anglais, #Fred_Frith évolue depuis plus de quarante ans dans un univers musical à mi-chemin entre le rock, l’improvisation et la musique contemporaine.

    @philippe_de_jonckheere c’est ce soir

  • La mairie du 20e arrondissement interdit la diffusion d’un documentaire sur les violences policières | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1553079739-mairie-paris-20e-censure-documentaire-violences-policieres

    Dans le cadre d’une semaine de lutte contre les discriminations, le collectif La Perm’ Belleville organisait la projection du documentaire Police, illégitime violence. La maire d’arrondissement, #Frédérique_Calandra, s’y est fermement opposée.

    Paris, 20e arrondissement - C’est dans l’école maternelle Pali-Kao que devait être projeté le documentaire Police, illégitime violence du réalisateur Marc Ball. Une projection organisée par le collectif La Perm’ Belleville, suivie d’un débat. Le lieu était emblématique, explique Baptiste Dupin, bénévole au sein du collectif :

    « C’est là que des jeunes du quartier ont grandi et où beaucoup d’entre eux se font contrôler au quotidien. Et la directrice de l’école était tout à fait favorable. »
    Mais vingt heures avant l’événement il est, avec d’autres membres de l’association, convoqué par Frédérique Calandra, la maire PS du 20e arrondissement. Pendant vingt-cinq minutes, l’édile leur fait part de son refus de voir projeté le documentaire dans un local propriété de la municipalité. Un « brûlot à charge contre la #police », selon l’élue qui n’a pas donné suite à nos demandes d’interview (1). « Elle a parlé de Lamine Dieng (un jeune mort à Belleville en 2007 dans un fourgon de police lors d’une interpellation, ndlr) en disant : “Il n’est pas mort sans raison, il n’était pas tout blanc” » , assure Baptiste :

    « Il y a eu des moments de grand n’importe quoi. Elle nous a dit qu’il y avait déjà des gens qui ont essayé de monter les jeunes contre la police, comme Dieudonné. »
    Des propos confirmés par un autre membre du collectif présent lors de la réunion, Omer Mas Capitolin. « Elle nous a carrément soupçonnés d’être des antisémites. Ça a été très violent pour nous », appuie le fondateur de l’association Maison communautaire pour un développement solidaire. D’après ce dernier, la maire aurait également rappelé que « c’était elle qui subventionnait l’association Pazapas », à hauteur de 2 ou 3.000 euros, selon Omer :

    « On a été obligé de lui rappeler que c’était l’argent du contribuable et qu’il n’appartenait pas aux élus, qu’ils devaient le gérer au mieux. Faire du #chantage_à_la_subvention, ce n’est pas supportable non plus. »
    Mme Calandra n’en est pas à son coup d’essai. Comme StreetPress le rapportait, en septembre dernier, la mairie avait décidé de retirer la subvention initialement accordée au Féministival en raison de la venue de la journaliste et essayiste Rokhaya Diallo. Les deux femmes ont un contentieux qui dure depuis quatre ans.

    En apprenant la censure de son documentaire, le réalisateur Marc Ball est tombé de sa chaise :

    « Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu passer une histoire de ce type, la #censure d’un #documentaire passé sur le service public. »
    En effet, le film a été diffusé en novembre 2018 sur France 3 Île-de-France. (link is external) « Lorsque les membres de l’association ont dit que c’était passé sur la chaîne, elle a répondu : “Mais maintenant, ils laissent passer n’importe quoi sur le service public” », détaille-t-il :

    « C’est impressionnant parce que ce n’est pas un brûlot. Les critiques de presse ont noté que, sur ce sujet très clivant, il y avait une forme de rigueur et une volonté de ne pas être manichéen, de voir la complexité ».

    #Ville_de_Paris #socialisme

  • Un an après l’abandon du projet d’aéroport de notre-dame-des-landes : que peut-on apprendre de la #zad et de ses mondes ?

    La proposition est d’abord de tenir ensemble un récit réaliste, ni romantique, ni anxiogène, d’une expérience, d’un « cas » (et de quelques autres). Cela nous renvoie à la dimension pragmatique d’un phénomène comme la ZAD et à l’ouverture des imaginaires dans une temporalité étendue qui transmet, suggère, sollicite et se déploie. La ZAD apparaît ainsi à la fois comme lieu d’apprentissage de la #mobilisation_sociale et comme enquête individuelle et collective, un « devenir-enquête » lié à « l’#habiter en conscience d’habiter ». La ZAD est aussi un lieu d’#apprentissage pour l’#action_publique en vue de l’intérêt général. Elle pose enfin la question de la place des sciences sociales dans ce type d’événements et plus généralement à l’échelle locale.


    https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/un-an-apres-l-abandon-du-projet-d-aeroport-de-notre-dame-des-landes-q
    Le 12 février 2019, j’ai assisté à cette conférence présentée par #Frédéric_Barbe #NDDL

    Pendant sa conférence, Barbe a fait passer en boucle quelques #dessins dont je ne connais pas l’auteur... mais je vous mets ici les photos (sorry pour la qualité) :

    Et une carte, de Frédéric Barbe :

    #cartographie

    #dessin #visualisation

    ping @reka

  • BALLAST | Visages de la Silicon Valley
    https://www.revue-ballast.fr/cartouches-40

    En quelques décennies, la Silicon Valley est devenue la terre promise du capitalisme technologique. Sur les trois dernières années, 19 000 brevets y ont été déposés, 47 000 nouveaux emplois créés et cinq millions et demi de mètres carrés de locaux commerciaux construits. Dans un essai introductif, Fred Turner la compare au Plymouth du XVIIe siècle, où les Pères pèlerins s’installèrent pour former une « communauté de saints », résolument tournés vers un « paradis à venir ». Mais sous le vernis de ce temple de l’innovation, créé pour des « entrepreneurs mâles et blancs », nul besoin de gratter longtemps pour découvrir une réalité peu reluisante. À travers une série de portraits d’habitants de la vallée, Mary Beth Meehan fait ressortir l’anxiété, l’insécurité et la solitude, omniprésentes, que ce soit pour ce vétéran agent de sécurité chez Facebook, obligé d’habiter un abri au fond d’un jardin, ce couple vivant dans un air pollué au TCE, solvant cancérogène utilisé en masse avant que la production de composants électroniques ne soit délocalisée en Asie, cet ouvrier qui a eu la mauvaise idée de parler de syndicalisme dans une usine Tesla, ou encore ces innombrables migrants qui viennent chercher un travail dans la restauration, le ménage, etc. Le modèle de société développé sur ce minuscule territoire a tout d’une dystopie obéissant aux préceptes du darwinisme social : les places de winner se font de plus en plus rares ; même la classe moyenne, incapable de suivre la flambée des prix de l’immobilier, est progressivement éjectée ; de nombreuses familles vivent sur des terres toxiques, provoquant fausses couches et maladies congénitales ; et un enfant sur dix vit dans la pauvreté, alors que le revenu moyen par habitant est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Comme le dit si bien Branton, passé par une usine Tesla : « Avec les conneries d’Elon [Musk], nous allons tous y perdre. » [M.H.]

    #Visages_Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan #C&F_éditions #Fred_Turner

  • Lu sur le Net : Visages de la Silicon Valley
    https://epi.asso.fr/revue/lu/l1812b.htm

    Visages de la Silicon Valley

    Fred Turner et Mary Beth Meehan, cf édition, novembre 2018, 33 euros.

    https://cfeditions.com

    « Si nous aspirons à l’excellence technologique, pourquoi n’avons-nous pas la même exigence en étant bons les uns envers les autres ? »

    Un rapport paru récemment aux États-Unis le souligne : la Silicon Valley, au delà de l’image mythique des « hommes dans un garage qui changent le monde » est avant tout un haut lieu de l’inégalité sociale, de l’exclusion et de la pollution. 90 % des employés de Californie gagnant aujourd’hui moins qu’en 1997 ! Ce qui renforce la vie sans logis et les autres formes de ségrégation que les photographies de Mary Beth Meehan donnent à voir concrètement.

    Fred Turner et Mary Beth Meehan ont choisi d’explorer la Silicon Valley par l’image. Une enquête de sociologie photographique sur les habitants réels de ce haut lieu technologique, accompagnée de récits de vie poignants.

    L’essai de Fred Turner, qui étudie l’évolution de la Silicon Valley depuis des années, pointe la responsabilité des entreprises de technologie et demande qu’un véritable grand dessein soit convoqué, capable d’améliorer vraiment la vie de tous.

    On peut lire un extrait spécimen de ce livre :
    https://cfeditions.com/visages/ressources/visages_specimen.pdf

    _________________
    Association EPI
    Décembre 2018

    #Visage_Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan #Fred_Turner #C&F_éditions

  • Visages de la Silicon Valley
    Mary Beth Meehan (photographies et récits)
    et Fred Turner (essai)
    C&F éditions, octobre 2018.
    https://cfeditions.com/visages

    Cet ouvrage pourrait être qualifié de "sociologie par l’image" : en présentant des portraits et des récits de vie, en les insérant dans des photos de l’environnement (dégradé) de la Valley, il s’agit de comprendre le type d’inquiétude qui traverse tous les habitants de cette région.

    Alors que pour le monde entier, la Silicon Valley est associée à la richesse, à la liberté et à l’innovation, pour celles et ceux qui y vivent, c’est plutôt un monde stressant. En s’intéressant aux personnes qui font vivre la région, mais n’en tirent pas les bénéfices des milliardaires des licornes, on mesure les inégalités, mais aussi la dégradation de l’environnement, parmi les plus pollués des États-Unis.

    Mais c’est en photographiant les personnes qui s’en sortent bien que Mary Beth Meehan sait encore mieux montrer le caractère anxiogène et l’insécurité qui façonnent ce coin de terre.

    En reprenant la parabole des premiers "pilgrims" voulant construire en Amérique une "cité idéale", Fred Turner donne des clés prises dans l’histoire et la culture des États-Unis pour appréhender le "mythe" de la Silicon Valley.

    Mais au delà de la sociologie, c’est aussi à des rencontres très fortes que les photographies nous conduisent. Tous ces gens qui témoignent les yeux dans l’appareil photo d’un rêve devenu dystopie.

    A mettre dans toutes les mains.

    Bonne lecture,

    Quelques articles sur ce livre :

    Les ombres de la Silicon Valley | Portfolios | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/les-ombres-de-la-silicon-valley

    Les invisibles de la Silicon Valley
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/06/les-invisibles-de-la-silicon-valley_5393357_3232.html

    « La Silicon Valley nous montre à quoi ressemble le capitalisme déchaîné »
    https://usbeketrica.com/article/silicon-valley-capitalisme-dechaine

    Des histoires ou des expériences cachées et l’histoire publique d’un lieu | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/12/des-histoires-ou-des-experiences-cachees-et-lhistoire-p

    Silicon Valley : une artiste photographie ses communautés oubliées
    https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/oublies-silicon-valley

    Visages de la Silicon Valley | Cultures de l’Information
    https://cultinfo.hypotheses.org/407

    #Fred_Turner #Mary_Beth_Meehan #Visages_Silicon_Valey #Silicon_Valley #Photographie #C&F_éditions

  • L’#édition_scientifique, entre #prédateurs et #profiteurs

    Les #revues_scientifiques sont au cœur de la diffusion des savoirs et de l’évaluation des chercheurs. Face à la captation du #marché par de grandes entreprises, des résistances s’organisent. Entretien croisé avec #Hervé_Maisonneuve et #Frédéric_Hélein.
    Pour un chercheur, publier ses résultats dans des revues spécialisées est une activité cruciale, lors de laquelle se joue sa renommée. Ces revues, initialement fondées par des sociétés savantes, sont de plus en plus contrôlées par un #oligopole de #multinationales de l’édition, qui accumulent des #profits phénoménaux. Depuis une décennie, le modèle économique de l’édition scientifique bascule vers une logique d’accès libre aux articles, les frais de publication étant couverts par les chercheurs. Mais des groupes peu recommandables ont développé des revues dites « prédatrices », publiant n’importe quoi dans le seul but d’encaisser le paiement des chercheurs.
    Où va l’édition scientifique ? Comment les scientifiques peuvent-ils reprendre le contrôle de ce maillon essentiel à la diffusion de leurs recherches ? Entretien croisé avec Hervé Maisonneuve, médecin de santé publique, et Frédéric Hélein, professeur de mathématiques à l’université Paris VII.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=4&v=abvhkMsNn58


    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/130119/l-edition-scientifique-entre-predateurs-et-profiteurs
    #prédation #profit #université #business #savoir #recherche #science

    signalé par @marty

    • #Déclaration_de_San_Francisco sur l’#évaluation de la recherche

      Il est urgent d’améliorer les méthodes d’évaluation des résultats de la recherche scientifique par les agences de financement, les établissements d’enseignement et de recherche et d’autres parties. Pour régler cette question, un groupe de rédacteurs en chef et d’éditeurs de revues savantes s’est réuni à San Francisco en Californie le 16 décembre 2012, dans le cadre du congrès annuel de l’American Society for Cell Biology (ASCB). Ce groupe a élaboré un ensemble de recommandations, désormais appelé « Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche ». Nous invitons les parties intéressées de toutes les disciplines scientifiques à manifester leur soutien en ajoutant leur nom à la présente Déclaration.

      Les apports de la recherche sont nombreux et variés : articles contenant de nouvelles connaissances, données, réactifs, logiciels ainsi que propriété intellectuelle et jeunes scientifiques hautement qualifiés. Les agences de financement, les établissements qui emploient des chercheurs et ces scientifiques eux-mêmes éprouvent tous le désir et le besoin d’évaluer la qualité et l’impact de la production scientifique. Il est donc impératif que la production scientifique soit mesurée rigoureusement et évaluée avec discernement.

      Le facteur d’impact des revues est souvent utilisé comme principal paramètre pour comparer la production scientifique individuelle et celle des établissements. Ce facteur d’impact, tel que calculé par Thomson Reuters*, a été créé à l’origine comme un outil d’aide pour les bibliothécaires servant à identifier les revues à acheter, et non pour mesurer la qualité scientifique de la recherche exposée dans un article. Dans cette optique, il est essentiel de comprendre que le facteur d’impact présente un certain nombre d’insuffisances bien documentées en tant qu’outil d’évaluation de la recherche. Ces limitations sont les suivantes : A) les distributions des citations dans les revues sont très asymétriques [1-3] ; B) les propriétés du facteur d’impact sont propres à chaque domaine : il s’agit d’un agrégat de types d’articles multiples et très divers, avec des articles primaires comme de synthèse [1, 4] ; C) les facteurs d’impact peuvent être manipulés (ou « instrumentalisés ») par une politique éditoriale [5] ; et D) les données utilisées pour calculer les facteurs d’impact ne sont ni transparentes ni ouvertement accessibles au public [4, 6, 7]. Ce qui suit formule des recommandations visant à améliorer la façon dont la qualité des résultats de la recherche est évaluée. D’autres éléments de production scientifique que les articles prendront une importance accrue dans l’évaluation de l’efficacité des travaux de recherche à l’avenir, mais l’article, contrôlé par des pairs, demeurera une production scientifique essentielle entrant dans l’évaluation de la recherche. Par conséquent, nos recommandations portent au premier chef sur les pratiques relatives aux articles publiés dans des revues à comité de lecture, mais elles peuvent et devraient s’étendre à d’autres productions, comme les jeux de données, en tant que résultantes importantes de la recherche. Ces recommandations s’adressent aux agences de financement, aux établissements d’enseignement et de recherche, aux revues, aux organismes pourvoyeurs d’indicateurs et à chaque chercheur.

      Ces recommandations s’articulent autour d’un certain nombre de sujets :

      la nécessité de mettre un terme à l’utilisation d’indicateurs basés sur les revues, comme les facteurs d’impact, dans le financement, les nominations et les promotions ;
      celle d’évaluer la recherche sur sa valeur intrinsèque plutôt qu’en fonction de la revue où elle est publiée ; et
      celle encore d’exploiter au mieux les possibilités offertes par la publication en ligne (comme la levée de restrictions inutiles sur le nombre de mots, de figures et de références dans les articles et l’exploration de nouveaux indicateurs d’importance et d’impact).

      Nous reconnaissons que de nombreuses agences de financement, établissements, éditeurs et chercheurs encouragent déjà l’amélioration des pratiques d’évaluation de la recherche. De telles démarches commencent à donner de nouvelles perspectives à des approches d’évaluation de la recherche plus élaborées et plus pertinentes sur lesquelles il est possible de s’appuyer et qui puissent être adoptées par toutes les parties impliquées au premier chef.

      Les signataires de la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche soutiennent l’adoption des pratiques suivantes pour l’évaluation de la recherche.

      Recommandation générale

      Ne pas utiliser les indicateurs basés sur les revues, tels que les facteurs d’impact, comme succédané d’appréciation de la qualité des articles de recherche individuels, pour évaluer les contributions d’un scientifique en particulier ou pour prendre des décisions en matière de recrutement, de promotion ou de financement.

      Pour les agences de financement

      Indiquer explicitement les critères utilisés pour évaluer la productivité scientifique des porteurs de projet et souligner clairement, surtout pour les chercheurs débutants, que le contenu scientifique d’un article est beaucoup plus important que les indicateurs de publication ou l’image de marque de la revue dans laquelle il a été publié.

      Aux fins de l’évaluation de la recherche, tenir compte de la valeur et de l’impact de tous les résultats de travaux de recherche (y compris les jeux de données et les logiciels) en plus des publications scientifiques, et envisager un large éventail de mesures d’impact, y compris des indicateurs qualitatifs sur les retombées des travaux, comme leur influence sur les politiques et les pratiques.

      Pour les établissements

      Afficher explicitement les critères utilisés dans les décisions de recrutement, de titularisation et de promotion, en soulignant clairement, surtout pour les chercheurs débutants, que le contenu scientifique d’un article est beaucoup plus important que les indicateurs de publication ou l’image de marque de la revue dans laquelle il a été publié.

      Aux fins de l’évaluation de la recherche, tenir compte de la valeur et de l’impact de tous les résultats de travaux de recherche (y compris les jeux de données et les logiciels) en plus des publications scientifiques, et envisager un large éventail de mesures d’impact, y compris des indicateurs qualitatifs sur les retombées des travaux, comme leur influence sur les politiques et les pratiques.

      Pour les éditeurs

      Réduire considérablement l’importance accordée au facteur d’impact comme outil de promotion, idéalement en cessant de le promouvoir ou en présentant ce paramètre dans le contexte d’une variété d’indicateurs basés sur les revues (p. ex. facteur d’impact sur 5 ans, EigenFactor [8], SCImago [9], indice h, temps de traitement éditorial et de publication, etc.) qui offrent une vision plus riche de la performance d’une revue.

      Proposer une série d’indicateurs à l’échelle de l’article pour encourager le passage à une évaluation qui soit fondée sur le contenu scientifique d’un article plutôt que sur les indicateurs de publication de la revue dans laquelle il a été publié.

      Encourager des pratiques responsables en matière de paternité d’auteur et la fourniture d’informations sur les contributions spécifiques de chaque auteur.

      Qu’une revue soit en libre accès ou sur abonnement, supprimer toutes les restrictions de réutilisation des listes de références dans les articles et les mettre à disposition dans le cadre du Creative Commons Public Domain Dedication [10].

      Éliminer ou réduire les contraintes sur le nombre de références dans les articles et, le cas échéant, exiger la citation de la littérature primaire plutôt que celle des articles de synthèse afin de reconnaître le mérite du ou des groupes qui ont rapporté en premier une découverte.

      Pour les organismes pourvoyeurs d’indicateurs

      Faire preuve d’ouverture et de transparence en fournissant les données et les méthodes utilisées pour calculer tous les indicateurs.

      Fournir les données en vertu d’une licence qui permette une réutilisation sans restriction et permettre un accès informatique aux données, dans la mesure du possible.

      Préciser clairement que la manipulation inconsidérée des indicateurs ne sera pas tolérée ; désigner explicitement ce qui constitue une manipulation inconsidérée et les mesures qui seront prises pour y remédier.

      Tenir compte de la diversité des types d’articles (p. ex., articles de synthèse par rapport aux articles de recherche) et des différents domaines lorsque les indicateurs sont utilisés, agrégés ou comparés.

      Pour les chercheurs

      Lors d’une participation à des commissions exerçant des décisions de financement, d’embauche, de titularisation ou de promotion, produire des évaluations fondées sur le contenu scientifique plutôt qu’en fonction des indicateurs de publication.

      Le cas échéant, citer la littérature primaire dans laquelle les observations ont été rapportées en premier plutôt que les articles de synthèse afin d’en attribuer le mérite à bon escient.

      Utiliser une gamme de paramètres et d’indicateurs d’articles sur les déclarations personnelles/de soutien, comme preuve de l’impact d’articles individuels publiés et d’autres résultats de recherche [11].

      Remettre en question les pratiques d’évaluation de la recherche qui s’appuient inconsidérément sur les facteurs d’impact. Promouvoir et enseigner les bonnes pratiques qui mettent l’accent sur la valeur et l’influence des résultats spécifiques de la recherche.

      https://sfdora.org/read/fr
      #recommandations

  • [Essay] Machine Politics by Fred Turner | Harper’s Magazine
    https://harpers.org/archive/2019/01/machine-politics-facebook-political-polarization

    The rise of the internet and a new age of authoritarianism

    par Fred Turner

    “The Goliath of totalitarianism will be brought down by the David of the microchip,” Ronald Reagan said in 1989. He was speaking to a thousand British notables in London’s historic Guildhall, several months before the fall of the Berlin Wall. Reagan proclaimed that the world was on the precipice of “a new era in human history,” one that would bring “peace and freedom for all.” Communism was crumbling, just as fascism had before it. Liberal democracies would soon encircle the globe, thanks to the innovations of Silicon Valley. “I believe,” he said, “that more than armies, more than diplomacy, more than the best intentions of democratic nations, the communications revolution will be the greatest force for the advancement of human freedom the world has ever seen.”

    At the time, most everyone thought Reagan was right. The twentieth century had been dominated by media that delivered the same material to millions of people at the same time—radio and newspapers, movies and television. These were the kinds of one-to-many, top-down mass media that Orwell’s Big Brother had used to stay in power. Now, however, Americans were catching sight of the internet. They believed that it would do what earlier media could not: it would allow people to speak for themselves, directly to one another, around the world. “True personalization is now upon us,” wrote MIT professor Nicholas Negroponte in his 1995 bestseller Being Digital. Corporations, industries, and even whole nations would soon be transformed as centralized authorities were demolished. Hierarchies would dissolve and peer-to-peer collaborations would take their place. “Like a force of nature,” wrote Negroponte, “the digital age cannot be denied or stopped.”

    One of the deepest ironies of our current situation is that the modes of communication that enable today’s authoritarians were first dreamed up to defeat them. The same technologies that were meant to level the political playing field have brought troll farms and Russian bots to corrupt our elections. The same platforms of self-expression that we thought would let us empathize with one another and build a more harmonious society have been co-opted by figures such as Milo Yiannopoulos and, for that matter, Donald Trump, to turn white supremacy into a topic of dinner-­table conversation. And the same networked methods of organizing that so many thought would bring down malevolent states have not only failed to do so—think of the Arab Spring—but have instead empowered autocrats to more closely monitor protest and dissent.

    If we’re going to resist the rise of despotism, we need to understand how this happened and why we didn’t see it coming. We especially need to grapple with the fact that today’s right wing has taken advantage of a decades-long liberal effort to decentralize our media. That effort began at the start of the Second World War, came down to us through the counterculture of the 1960s, and flourishes today in the high-tech hothouse of Silicon Valley. It is animated by a deep faith that when engineering replaces politics, the alienation of mass society and the threat of totalitarianism will melt away. As Trump fumes on Twitter, and Facebook posts are linked to genocide in Myanmar, we are beginning to see just how misplaced that faith has been. Even as they grant us the power to communicate with others around the globe, our social-­media networks have spawned a new form of authoritarianism.

    #Fred_Turner #Autoritarisme #Médias_sociaux #Mobilisation #Extrême_droite

  • Des histoires ou des expériences cachées et l’histoire publique d’un lieu | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/12/des-histoires-ou-des-experiences-cachees-et-lhistoire-p

    par Didier Epsztajn

    Un livre à plusieurs voix. Fred Turner introduit par un court essai « Le mythe de la Silicon Valley », Mary Beth Meehan propose des photographies accompagnées ou non de récits. Loin des clichés et des images mythiques, un espace géographique et social incarné par des visages et des mots.

    Un lieu représentatif de « la mythologie américaine ». En fait de la mythologie étasunienne, les habitant·es des Usa semblent ne compter les autres américain·es que comme quantité négligeable. Fred Turner relie le mythe à d’autres mythes dans l’histoire de ce pays, « La Silicon Valley est « la cité sur la colline » de notre génération et les yeux du monde sont posés sur elle ». Les choses que l’on peut voir et ce qui est caché sous terre, les produits chimiques hautement toxiques enfouis par des entreprises locales entre les années 60 et 80 – la production est aujourd’hui externalisée et les déchets toxiques délocalisés… La terre empoisonnée, les effets sur la santé des habitant·es, les coûts du développement technologique comme effacé par l’enfouissement d’abord et la délocalisation ensuite. Derrière le soleil radieux et le vert des prairies des sources de mort, l’autre face de la technologie.

    Fred Turner revient sur l’histoire des Pères pèlerins, l’éthique protestante, « C’est au prix d’un rejet de leur propre humanité et de celle des peuples autochtones qui les avaient accueillis, que ces Puritains espéraient devenir une communauté de saints », la mainmise sur les richesses et la gloire « méritée », les puritains et la croyance en la prédestination. Aujourd’hui, des entrepreneurs de légende, les jeunes hommes blancs idéalisés de la valley, « Les connotations religieuses des histoires entrepreneuriales masquent la surreprésentation masculine et blanche parmi les élus de la vallée », dans l’oubli pour ne pas dire la négation des ouvrier·es qui ont construit ou entretenu les infrastructures et les bâtiments. L’auteur indique que plus de cinq cents mille migrant·es ont emménagé dans la zone de la baie de San Francisco durant les cinq dernières années et qu’en 2018, « 38% de la population vivant dans la vallée est née hors des Etats-Unis et plus de la moitié s’exprime à la maison dans une autre langue que l’anglais ». Il parle de l’extrême concentration de richesse, « La Silicon Valley n’est pas seulement l’une des régions les plus riches des Etats-Unis, c’est aussi l’une de celles où les inégalités sont les plus marquées », des prix exorbitants des logements, et, de la pauvreté qui touche un·e enfant sur dix, de déficits alimentaires, de celles et ceux dont les revenus ne leur permettent pas d’être « autosuffisants ». Pour reprendre le langage religieux des pères fondateurs, « Dieu a favorisé ceux qui pensaient ne pas avoir de race, ceux qui pouvaient tourner leur esprit vers l’étude de la Bible et leurs yeux vers le paradis à venir, dans lequel tous les corps se fondraient et seul l’esprit pur subsisterait »…

    N’essaye-t-on pas de nous faire croire à la « dématérialisation, » aux avenirs forcément radieux, aux possibilités soi-disant presque infinies des nouvelles technologies, dans le déni des conditions sociales de production, des matériaux dangereux utilisés, du gaspillage énergétique, des conditions de travail et d’exploitations des un·es et des dividendes d’autres…

    Les miroirs aux alouettes des Mark Zuckerberg ou des Steve Jobs et les exigences de nos concitoyen·nes, « Si nous voulons répondre à ces attentes, nous devons détourner notre regard du paradis et le poser sur terre ».

    Je conseille de lire le texte de Fred Turner, de regarder les photographies de Mary Beth Meehan en lisant les courts récits, « Si nous aspirons à l’excellence technologique, pourquoi n’avons-nous pas la même exigence en étant bons les uns envers les autres ? », puis de revenir à l’essai.

    Les images forment avec les mots un ensemble plus que signifiant… Et que dire du papier et des couleurs, de l’épaisseur du livre dans ces dimensions multiples, loin des réductions numériques ou de l’envahissement des technologies plus ou moins intrusives.

    Contre l’instant et les fantasmes technologiques, le temps du regard et de la réflexion.

    Mary Beth Meehan & Fred Turneur : Visages de la Silicon Valley

    Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valérie Peugeot

    Editions C&F, Caen 2018, 112 pages, 33 euros

    Didier Epsztajn

    #Visages_Silicon_Valley #C&F_éditions #Fred_Turner

  • Du bon usage des barbelés. Pourquoi la gauche éprouve tant de mal à admettre que les frontières tuent

    Dans une récente interview à la revue Ballast, le philosophe et économiste #Frédéric_Lordon aborde la question des #violences infligées aux migrantes et aux migrants en concluant qu’il est illusoire de lutter pour la #liberté_de_circulation. Lui plaide pour des frontières « plus intelligentes ». Au passage, il met en cause le journaliste indépendant Olivier Cyran, accusé de tenir sur le sujet des positions déraisonnables. Dans un contexte de forte mobilisation sociale et de vive confusion politique, ce dernier se saisit de cette perche pour questionner le rapport de la #gauche aux frontières et la stratégie périlleuse de sa principale composante, la #France_insoumise.

    Dans L’Homme qui n’a pas d’étoile, de King Vidor, il y a cette scène où un éleveur de bétail conseille au cow-boy solitaire joué par Kirk Douglas d’utiliser du fil de fer barbelé. En entendant ce mot, le héros se raidit, ses traits se durcissent. « Qu’est-ce qui ne va pas ? », demande l’éleveur. Et Kirk de lui répondre sèchement : « Je n’aime pas ça, ni celui qui s’en sert. »

    On repensait à cette réplique, l’autre jour, en voyant les images de soldats américains en train de dérouler sur les rives du Rio Grande des kilomètres de bobines de barbelé concertina – variante autrement plus redoutable, avec ses lames de rasoir conçues pour trancher jusqu’à l’os, que le gros barbelé à pointes inventé en 1874 par un fermier prospère de l’Illinois [1].

    C’est le même modèle qui borde la rocade menant au port de Calais, où il couronne un tentaculaire lacis de clôtures et de détecteurs à rayonnement infra-rouge. Dans le Pas-de-Calais, sa fonction consiste à stopper les saute-frontière et, s’ils insistent, à leur infliger des lacérations que les médecins sur place comparent à des blessures de guerre.

    Aux Etats-Unis, l’actuelle débauche de barbelés visait la « caravane des migrants », cette marche d’environ cinq mille personnes parties du Honduras début octobre à la recherche d’une meilleure vie dans le Premier monde. Les trimardeurs et les grandes voyageuses n’avaient pas encore atteint Mexico, à mille bornes du point frontière nord-américain le plus proche, que déjà Donald Trump dépêchait ses troupes à leur rencontre en annonçant, la bave littéralement aux lèvres, qu’elles avaient l’ordre de tirer dans le tas au premier jet de pierre – comme à Gaza, mais au Texas.

    Un spectre hante la gauche : le « No border »

    On s’est surpris à y repenser encore, par ricochets, en parcourant le très long entretien accordé à Ballast par Frédéric Lordon. Au cours de cet exercice en trois volets, consacré en sa partie centrale à valider la stratégie d’accès au pouvoir de la France insoumise, l’économiste hétérodoxe s’attaque entre autres à la question des migrantes et des migrants, en laissant entendre que les violences qu’ils et elles endurent feraient l’objet d’une attention excessive ou trop moralisante de la part d’une partie de la gauche.

    La « pensée militante » serait mieux employée à se fondre dans la « dynamique à gauche » incarnée avec prestance par Jean-Luc Mélenchon qu’à bassiner tout le monde avec nos histoires de barbelés, de duvets confisqués par la police et de centres de rétention qui débordent, puisque, souligne Lordon, « il ne devrait pas être nécessaire de dire qu’au premier chef, ce qui est insoutenable, c’est le sort objectif fait aux migrants. Car d’abord ce devrait être suffisamment évident pour qu’on n’ait pas à le dire. »

    Dans le champ de mines à fragmentation de la « vraie » gauche, la voix de Frédéric Lordon ne compte pas pour du beurre. Ses analyses sur la crise de 2008 ou sur le garrottage de la Grèce ont permis à des milliers de cancres en économie dans mon genre d’y voir plus clair sur le fonctionnement des banques, des institutions qui les gavent et des calamités qu’elles provoquent. Quand il passe à la débroussailleuse les fausses évidences du « système des prescripteurs » et raille leur « radicale incapacité de penser quoi que ce soit de différent », on boit volontiers du petit lait.

    Mais les efforts d’imagination qu’il mobilise pour concevoir des alternatives à l’ordre économique dominant ne paraissent plus de mise quand il s’agit des frontières. À rebours de la hardiesse qui l’avait conduit par exemple à appeler à la fermeture de la Bourse, Lordon prêche sur ce sujet la conservation de l’existant et sa répugnance pour les « No border », appellation qu’il s’abstient de définir, mais sous laquelle il semble ranger les quelques effronté.e.s qui, considérant la criminalité d’État instituée par les frontières, oseraient mettre en doute leur bien-fondé intrinsèque.

    Nous sommes quelques-uns en effet à considérer que les frontières physiques – non pas celles qui se volatilisent devant les capitaux et les marchandises, mais celles qui repoussent, blessent ou tuent les voyageurs sans visa au moyen d’un nombre toujours croissant de policiers, de garde-côte, de mercenaires, de fichiers d’empreintes digitales, de capteurs biométriques, de détecteurs de chaleur humaine ou de systèmes de surveillance satellitaire – ne constituent pas nécessairement l’horizon indépassable de la condition humaine, et qu’il y a lieu peut-être d’envisager leur démontage.

    Policiers à la cool et frontières intelligentes

    Chacun l’aura remarqué, ce point de vue n’occupe pas une place écrasante dans le débat public. S’il inspire un certain nombre d’actions militantes courageuses et salutaires, il ne bénéficie d’aucune espèce de visibilité dans le champ médiatique, politique ou intellectuel. En fait il n’est même jamais énoncé, encore moins discuté.

    D’où notre étonnement de voir Lordon s’en emparer brusquement pour s’efforcer de le disqualifier davantage, comme s’il y avait péril en la demeure. À ses yeux, remettre en cause la légitimité des frontières, c’est dégringoler tête en avant dans un « néant de la pensée » – le mien, en l’occurrence, puisque je me retrouve nommément visé dans ce passage.

    Les frontières, nous enseigne-t-il, ne sont pas mauvaises en soi. Elles sont, point barre. Elles peuvent d’ailleurs « prendre des formes extrêmement variées, des plus haïssables [...] jusqu’à de plus intelligentes. » Comment s’y prendre pour améliorer le QI d’une clôture ou d’une patrouille de Frontex, Lordon ne le précise pas – c’est sans doute, là aussi, « suffisamment évident pour qu’on n’ait pas à le dire ».

    On se contentera de prendre pour acquis que les frontières intelligentes font de bien belles choses, qu’elles « encouragent même circulation et installation, mais n’abandonnent pas pour autant l’idée d’une différence de principe entre intérieur et extérieur ». On est ravi de la nouvelle et on voudrait bien les connaître, ces murs de qualité qui allient gentillesse et attachement aux principes éternels.

    En quoi elle consiste au juste, la « différence de principe entre intérieur et extérieur », Lordon ne le précise pas non plus, mais on ne jurerait pas qu’elle n’ait rien à voir avec ces quinze migrants qui viennent de mourir de faim et de soif à bord d’un canot qui dérivait depuis douze jours au large des côtes libyennes. Ou avec ce sans-papiers guinéen forcé par un agent de la Police aux frontières de Beauvais de se mettre à genoux et de lui lécher ses chaussures.

    Mais attention, nous avertit le philosophe : le problème viendrait surtout de ces énergumènes qui voudraient détruire les frontières et jeter le barbelé avec l’eau du bain. « C’est de la problématisation pour “On n’est pas couché” ou pour C-News. En matière d’institutions, “pour ou contre”, c’est la pire manière de poser les questions », décrète-t-il, et là encore, c’est mézigue dont les oreilles sifflent.

    Ses remontrances font suite à une série de remarques que j’avais postées sur le réseau Twitter, puis remises en ligne ici-même, en réaction épidermique [2] à diverses prises de position sur le sujet, y compris celles, en effet, de Frédéric Lordon, détaillées précédemment sur son blog et révélatrices à mes yeux du fond de sauce mélenchonien qui englue les synapses de la gauche.

    Le différend qui nous oppose sur la question des frontières le conduit, dans un autre passage de son interview, à se demander quelles substances je consomme lorsque j’écris mes trucs. C’est une question légitime. J’avoue m’être parfois posé la même à son sujet, moins pour ses idées que pour ses tournures de phrase sophistiquées, cette fameuse « Lordon’s touch » qui procure à ses lecteurs un mélange unique de ravissement et de maux de tête. On devrait peut-être s’échanger les 06 de nos fournisseurs.

    Ne dites plus « prolétaires de tous les pays, unissez-vous »,
    dites « prolétaires de tous les pays, soyez gentils, restez chez vous »

    En lui répondant ici, je me plie à un exercice inconfortable. Lordon est une figure de la vie intellectuelle française, chercheur au CNRS et auteur prolifique, dont la sphère d’influence est sans commune mesure avec celle d’un journaliste précaire qui place ses piges où il peut et ne se connaît pas d’autres compétences que de faire du reportage au ras du sol. Nous ne jouons pas dans la même catégorie. Rien qu’à l’idée d’écrire à la première personne, je baille nerveusement. Mais puisque Lordon me fait l’honneur de me rabrouer avec insistance, en m’attribuant le rôle de repoussoir au service de sa démonstration, prenons cela comme un cadeau et profitons-en pour tâcher de tirer les choses au clair.

    Comme dit la chanson, « on lâche rien, on lâche rien ». Pourtant nous vivons une époque où on lâche beaucoup, au contraire, et même de plus en plus. Au cours de ces dernières années, par épluchages successifs, le périmètre de la gauche n’a cessé de se ratatiner. Quantité de références que l’on croyait l’apanage des tromblons réactionnaires ont percé son épiderme idéologique, nation, patrie, armée, police et fanion bleu-blanc-rouge n’y sont plus des cibles, mais des fétiches. « Oui, j’aime mon pays, oui, j’aime ma patrie ! Et je suis fier d’avoir ramené dans nos meetings le drapeau tricolore et la Marseillaise », proclame Jean-Luc Mélenchon [3].

    On lâche tout, on lâche tout, et c’est là que Lordon jaillit pour nous enjoindre de lâcher plus encore. L’internationalisme hérité de l’histoire du mouvement ouvrier, sans parler du rudimentaire principe de solidarité entre les abimé.e.s de ce monde, ne seraient plus que des breloques bonnes à remiser sur un napperon en dentelle. Ne dites plus « prolétaires de tous les pays, unissez-vous », dites plutôt « prolétaires de tous les pays, soyez gentils, restez chez vous ».

    À quoi s’ajoute que la question des frontières est devenue au fil de ces derniers mois un redoutable sac à embrouilles, débordant sur d’autres épineuses questions, liées notamment aux choix stratégiques de la France insoumise.

    Au point où on en est, ce n’est peut-être pas du luxe de le vider, ce sac, et de démêler un peu les désaccords, non-dits et quiproquos qui s’y sont accumulés, non par goût pour la chamaille, mais dans l’espoir d’éviter que « No border » devienne irrémédiablement un gros mot.

    Du mauvais côté de la barrière

    Pour cela, un retour sur les épisodes précédents s’impose. Fin septembre, trois médias classés plutôt à gauche – Politis, Regards et Mediapart – publient conjointement un « manifeste pour l’accueil des migrants » signé par cent cinquante « personnalités ». À partir d’un tableau succinct, pour ne pas dire sommaire, du bain de xénophobie où clapotent les décideurs politiques de France et d’Europe, leur texte se borne à affirmer que « la liberté de circulation et l’égalité des droits sociaux pour les immigrés présents dans les pays d’accueil sont des droits fondamentaux de l’humanité ». Pas de quoi se rouler par terre, mais, dans le contexte de sa parution, ce bref rappel à un principe de décence élémentaire fait l’effet d’une bulle d’oxygène.

    Il intervenait quelques jours après la décision du gouvernement Macron d’interdire à l’Aquarius, alors le dernier navire de sauvetage encore actif en Méditerranée, d’accoster en France et d’y débarquer les cinquante-huit rescapés recueillis à son bord. C’est qu’il est inconcevable, pour les start-uppers en chef de la nation, de déroger à leur politique de non-assistance aux naufragés, l’un des rares sujets sur lesquels les membres de l’Union européenne n’ont eu aucun mal à se mettre d’accord. On est déjà bien assez occupé à traquer les migrants sur notre territoire et à leur administrer un luxe inouï d’épreuves et de brutalités en tous genres pour se soucier d’en accueillir d’autres, surtout quand ils ont le mauvais goût d’être encore en vie. Le droit d’asile, dorénavant, ce sera au fond de l’eau ou dans les camps libyens.

    Deux semaines plus tôt, des hommes, des femmes et des enfants naufragés près des côtes maltaises avaient lancé un appel de détresse aux secours italiens, qui firent la sourde oreille. Plus de cent personnes seraient mortes noyées, tandis que les « garde-côte » libyens, une milice de rabatteurs opérant en sous-traitance pour l’UE, ramenaient les survivants dans les geôles de Tripoli. Externaliser la protection de nos frontières maritimes méridionales vers un pays en ruines dominé par des clans mafieux a ceci d’immensément commode que nul ne se formalisera du sort qui les attend là-bas – la faim, les viols et les tortures passeront inaperçues. Loin des yeux, loin du cœur, comme on dit.

    Quand, le 19 septembre, le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) sonne une nouvelle fois l’alarme en qualifiant de « cauchemardesques » les conditions de détention dans les camps libyens, personne à Rome, Paris ou Berlin ne bronche. Un mois plus tôt, le décompte de l’Organisation mondiale pour les migrations (OMI) évaluant à dix-sept mille le nombre de morts en Méditerranée depuis 2014 – estimation basse – n’avait pas non plus soulevé d’émotions particulières.

    Opération guillemets pour les « forces de progrès »

    Entre parenthèses : à l’heure où j’écris ces lignes, on apprend que l’Aquarius, immobilisé dans le port de Marseille, ne reprendra plus la mer. Pourquoi ? Parce qu’après après avoir été privé de son pavillon panaméen sur intervention de l’Italie et avec la complicité des autres pays européens, le navire de sauvetage a échoué à se trouver un pays d’attache.

    Alors que le plus pourri des cargos poubelle peut battre pavillon sans la moindre difficulté, on s’arrange pour refuser ce droit à un bateau dont la fonction consiste à secourir des naufragés. Pestiféré, l’Aquarius, pour la seule raison qu’il sauve des vies. Que pareille obscénité se déroule sous nos yeux sans que nul ne moufte en dit long sur l’accoutumance de nos sociétés à la noyade de masse comme outil de gestion des flux migratoires.

    Dans un tel contexte, tout ce qui peut nuire aux intérêts des maîtres de la forteresse me paraît bon à prendre. Je précise, à toutes fins utiles, que je n’ai rien à vendre à Politis, Regards ou Mediapart, que les défendre n’est pas mon affaire et que, d’ailleurs, je n’ai pas non plus signé leur manifeste.

    D’abord, parce que je dispose d’autres moyens pour m’impliquer. Ensuite, parce que ces grandes pétitions par voie de presse, indexées sur la notoriété de leurs premiers signataires, se passent fort bien de mes services. Mais je me serais bien gardé de dissuader quiconque de le faire.

    On le savait bien, de toute façon, que cette initiative serait sans effet concret sur le calvaire des migrant.e.s, hors ou au sein de nos frontières – on est peut-être borné, mais pas idiot. Cela n’a pas non plus échappé aux associations qui l’ont signée, dont l’Auberge des migrants, Roya citoyenne, le Baam, Utopia 56, le Gisti, la Cimade, la Fasti, les coordinations de sans-papiers et d’autres encore.

    Si ces collectifs, dont l’existence n’est jamais mentionnée par Frédéric Lordon, ont jugé bon malgré tout de s’associer au texte, c’est probablement qu’ils lui reconnaissaient quelque utilité. Celui par exemple de faire entendre un autre son de cloche que le fracas des macronistes, vallsistes, ciottistes, lepénistes et éditorialistes. Personnellement, je cherche encore le coton-tige miracle qui m’ôtera du coin de l’oreille la voix de ce type de Valeurs Actuelles, François d’Orcival, invité permanent des « Informés » de France Info et incarnation chevrotante de la hargne migranticide, exhortant Emmanuel Macron à ne surtout pas céder au « chantage à l’émotion » des survivants de l’Aquarius. Ce genre de son, à force de tourner en boucle sur toutes les antennes, ça vous colle au pavillon comme un furoncle.

    Mais le principal intérêt du texte, du moins aux yeux des personnes engagées sur le terrain, c’est qu’il semblait offrir l’occasion aux diverses chapelles de la gauche de se retrouver sur un dénominateur commun : l’urgence de mobiliser leurs forces pour ne plus laisser les gens mourir noyés ou fracassés aux pieds de nos forteresses. De cesser de tortiller et de mettre de côté les bisbilles pour faire de cette question-là une priorité commune. Mais c’était encore trop demander.

    Au lieu de fédérer les « forces de progrès », avec guillemets de rigueur, l’initiative aboutit en fait à creuser un peu plus l’une de ses lignes de fracture les plus béantes. D’un côté, le gros de la gauche non-mélenchoniste, allant du groupuscule hamoniste jusqu’au NPA en passant par le PCF, ainsi qu’un large éventail de syndicalistes, de militantes et de responsables associatifs, tous signataires du texte ; de l’autre, la France insoumise, repliée sur son hégémonie, qui refuse de le signer et érige ce rejet en ligne officielle du parti.

    L’internationalisme, c’est has been, braillons plutôt la Marseillaise

    Pour justifier leur rebuffade, les théoriciens de la FI vont déployer un argumentaire contrasté, où la vexation de n’avoir pas été consultés par les auteurs du manifeste se mêle au reproche de ne point y voir nommément accusé Emmanuel Macron, comme si la responsabilité de ce dernier dans la situation décrite n’allait pas de soi.

    On daube aussi sur la présence parmi les signataires de Benoît Hamon, preuve putative de leurs accommodements avec les reliefs carbonisés du Parti socialiste, comme s’ils étaient encore en capacité de nuire, et comme si Mélenchon, revenu d’un PS dont il fut membre pendant trente-deux ans, était le mieux placé pour donner dans ce domaine des leçons de savoir-vivre.

    On voudrait nous enfumer qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Quand Lordon, dans son entretien, fustige longuement une opération de « retournement de veste en loucedé », d’« autoblanchiment symbolique » et d’« unanimité morale », on lui concède volontiers qu’il y a parfois des jonctions surprenantes. À preuve, la manifestation des Gilets jaunes du 1er décembre, soutenue par la France Insoumise, une partie du NPA, Attac, les cheminots de Sud-Rail, le Comité Adama et Frédéric Lordon lui-même, mais aussi par Marine Le Pen, les Patriotes et l’Action française.

    Quoi que l’on pense de cette juxtaposition insolite, on peut supposer que la présence d’un ex-hiérarque socialiste sur les Champs-Élysées ce jour-là n’aurait pas posé à Lordon un problème insurmontable. La question est donc : pourquoi serait-elle rédhibitoire dans un cas et pas dans l’autre ?

    En fait, la position de la FI est surtout d’ordre stratégique. Dans un espace politique de plus en plus imbibé de fachosphère, les stratèges du parti estiment que faire campagne sur des thèmes susceptibles de braquer une partie de l’électorat – immigration, racisme, islamophobie, sexisme, violences policières, etc – ruinerait leurs chances de victoire. Remporter des scrutins imposerait d’y aller mollo sur les sujets qui fâchent et de mettre le paquet sur le « social », entendu comme un moyen de ramener dans le bercail de la gauche les brebis égarées à l’extrême droite.

    En juin dernier, François Ruffin avait théorisé cette mission pastorale dans un article du Monde diplomatique. Racontant sa campagne électorale victorieuse de 2017 dans sa circonscription de la Somme, ravagée par la précarité et les délocalisations, il y explique que ce n’est pas avec du vinaigre que l’on attire les sympathisants de Marine Le Pen. « Maintenant, à leur chute économique et sociale il faudrait ajouter une autre condamnation : politique et morale. Qu’ils votent FN, se reconnaissent dans un parti ostracisé, et leur exclusion en sera légitimée. La double peine. »

    L’ostracisme dont serait victime le FN ne saute pas aux yeux, les chefferies éditoriales ayant plutôt tendance à lui cirer les bottillons, mais on comprend bien l’idée de la main tendue. « Le FN, je l’attaquais peu, poursuit-il. Comment des gens qui vont mal, socialement, économiquement, croiraient-ils que Mme Le Pen ou son père, qui n’ont jamais gouverné le pays, sont responsables de leurs malheurs ? Le FN se combat en ouvrant une autre voie aux colères, à l’espoir. En offrant un autre conflit que celui entre Français et immigrés [4]. »

    Quadriller serré, ratisser large

    Combattre le racisme consisterait donc à le balayer sous le tapis et à n’endosser que les revendications jugées peu ou prou lepéno-compatibles. Le cas de Ruffin démontre qu’une telle stratégie peut en effet s’avérer ponctuellement gagnante. Elle présente néanmoins un inconvénient, celui de devoir expliquer aux populations issues de l’immigration post-coloniale que leurs préoccupations particulières, liées aux diverses déclinaisons du racisme d’État, ne font pas partie des thématiques sociales retenues comme pertinentes par le parti et doivent donc être sacrifiées à la bonne cause.

    Le soutien inconditionnel et tonitruant apporté par la FI aux Gilets jaunes, et cela dès les premiers jours, quand l’imbrication de l’extrême droite dans le mouvement ne pouvait guère être ignorée, s’inscrit dans cette même hiérarchie des priorités. On ne s’offusquera pas qu’au milieu de la détresse sociale des fins de mois invivables, des Dupont-Lajoie sonnent la chasse au migrant.e.s, ou que des grandes gueules locales imposent la « baisse des charges » ou la « diminution de l’assistanat » dans le cahier de doléances du mouvement, du moment que l’occasion se présente d’aller chanter la Marseillaise avec son cœur de cible.

    Mais on ne peut durablement gagner sur les deux tableaux. Comme le suggère la récente défaite de la candidate FI à l’élection législative partielle d’Évry, dans l’ancienne circonscription de Manuel Valls, où l’abstention a atteint le niveau stratosphérique de 82 %, le message ne suscite pas forcément l’enthousiasme dans l’électorat populaire racisé. Ruffin a eu beau se rendre sur place pour instruire les habitant.e.s des HLM que leur « bulletin [était] un enjeu pour la patrie », la pêche aux voix, cette fois, n’a pas fonctionné.

    Appliquée à la question migratoire, cette stratégie périlleuse contraint la FI à marcher sur des œufs. D’un côté, elle doit tenir compte de la présence en son sein d’individus sincèrement acquis à la cause du droit d’asile, comme Danielle Obono, qui s’est âprement battue à l’Assemblée nationale contre la loi Asile et immigration, ou comme nombre de militants ici ou là. De l’autre, elle doit donner des gages aux électeurs alléchés par l’extrême droite qu’il ne saurait être question d’ouvrir les frontières comme ça à n’importe qui, pensez donc.

    C’est là que la figure du « No border » se révèle d’une irrésistible utilité. Pour se sortir de la position délicate où les place l’initiative de Politis-Regards-Mediapart, Jean-Luc Mélenchon et ses amis vont accuser ses initiateurs de vouloir démolir les frontières, ce patrimoine-de-l’humanité-que-nous-chérissons-tant. Un passage dans le manifeste va leur en fournir l’occasion : « Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. »

    On pourrait pinailler sur sa formulation, mais le constat est juste. N’importe quel exilé à la rue vous le confirmera : l’État a beau lui construire des barrières électrifiées, le traquer avec un détecteur à battements cardiaques ou l’empêcher à coups de tonfa de se poser sur un bout de trottoir, tant qu’il respire il continuera de se glisser par un trou de souris. Les frontières tuent, mutilent, séparent, mais elles ne dissuadent pas les candidats au voyage de tenter leur chance. Pour prétendre le contraire, il faut vraiment ne rien connaître au sujet.

    Toute la misère du monde dans la tête

    Mais, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon s’indigne : affirmer qu’elles n’ont pas l’efficacité qu’on leur attribue « revient à dire que les frontières ne sont plus assumées. Ce n’est pas du tout notre point de vue. Nous croyons au bon usage des frontières. »

    La suite est de toute beauté : « Notre rapport aux frontière n’est pas idéologique. Il est concret dans un monde où celles-ci n’ont cessé d’exister que pour le capital et les riches et où nous avons l’intention de les rétablir contre eux. Disons-le clairement, nous ne sommes pas d’accord pour signer à propos d’immigration un manifeste “no border”, ni frontière ni nation. Nombre de nos amis les plus chers qui ont signé ce texte disent à présent n’avoir pas repéré cette phrase que les rédactions “no border” ont su placer. »

    Il faut relire ce passage lentement pour en apprécier le numéro de patinage artistique : invoquer la lutte contre « le capital et les riches » pour justifier le maintien d’un dispositif qui sert surtout à stopper les pauvres.

    Par souci de conférer un semblant de logique à cette acrobatie, on assimilera ensuite les initiateurs du manifeste, décrits par ailleurs comme vendus à la macronie (ou, variante, à l’oligarchie), à des anarchistes échevelés qui planquent de la dynamite dans leurs tiroirs. Edwy Plenel, patron de Mediapart et ancien comparse moustachu d’Alain Minc et de Jean-Marie Colombani à la tête du Monde, et qui sur le tard en a surpris plus d’un par ses prises de positions plutôt dignes, mais pas farouchement révolutionnaires pour autant, a dû s’en sentir tout ragaillardi. François Ruffin n’a pas fait tant de politesses quand il a déclaré sur France Info le 13 septembre : « On ne peut pas dire qu’on va accueillir tous les migrants, ce n’est pas possible. »

    Voilà encore le genre de fausse évidence que, pour paraphraser Chomsky, on met trois secondes à balancer et une demie heure à démonter. D’abord, c’est qui, « tous les migrants » ? Faut-il entendre : tous les migrants du monde et de la galaxie ? Tous ceux qui se noient à nos portes ? Tous ceux qui n’en sont pas encore mais qui, dans un coin de leur tête, caressent l’idée qu’un de ces jours ils iraient bien eux aussi faire un petit tour sur les Champs-Élysées ? Croit-il que la planète entière attend dans les starting-blocks de se précipiter en France, sa « patrie », comme il l’appelle ? Sur invitation de qui, de ces hérétiques « No border » qui auraient squatté l’Élysée ? Et que veut dire « on ne peut pas », si l’on s’abstient de préciser tout ce que l’on peut, et tout ce que l’on doit ?

    Mais les esprits ont déjà été si bien préparés en amont pour recevoir ce genre de poncif épongé à gauche comme à droite – à commencer par le fameux « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » de Michel Rocard – que nulle objection ou demande de précision ne lui a été opposée, en tout cas par le préposé de France Info. L’« unanimisme moral » qui inquiète tant Frédéric Lordon ne triomphe pas toujours, apparemment.

    http://lmsi.net/Du-bon-usage-des-barbeles
    #violence #border_violence #frontières #mourir_aux_frontières #frontières_intelligentes #smart_borders #murs #ouverture_des_frontières #fermeture_des_frontières #barrières_frontalières #migrations #asile #réfugiés

  • Surprenante, Camélia Jordana publie une chanson contre la violence policière, en anglais, Freddie Gray. Le clip inclut aussi des références à Adama Traoré, Trayvon Martin, et d’autres :
    https://www.youtube.com/watch?v=Gfk17qVtjSY

    A ajouter à la compilation de plus de 160 chansons consacrées aux flics, keufs, condés, poulets, cognes, porcs, cafards et argousins :
    https://seenthis.net/messages/576637

    #Musique #Musique_et_politique #Camélia_Jordana #USA #France #brutalité_policière #violence_policière #Freddie_Gray #Adama_Traoré #Trayvon_Martin #Michael_Brown #Mohamed_Boukrourou #Zyed_et_Bouna

  • Entretien-fleuve avec Frédéric Lordon : “La société ne tient que suspendue à elle-même”
    https://www.lesinrocks.com/2018/10/06/livres/entretien-fleuve-avec-frederic-lordon-le-philosophe-publie-la-condition-

    Economiste et chercheur en philosophie, Frédéric Lordon publie La condition anarchique – Affects et institutions de la valeur. Poursuivant son projet d’élaborer une science sociale spinoziste, Lordon développe une théorie déroutante : il n’existe aucun fondement de vérité absolu ; toutes les valeurs sont le simple produit de la société. Il s’en explique dans un long entretien et revient également sur son engagement comme citoyen.

    Dans cet ouvrage, vous poursuivez votre projet d’élaborer une science sociale spinoziste. Vous vous attaquez aux systèmes de valeurs – morales, esthétiques, économiques – et vous démontrez qu’il n’y a aucun fondement absolu et fiable auquel on peut se référer pour les évaluer ou les juger – ce que vous appelez la « condition anarchique ». Vous défendez l’idée que tous ces systèmes sont le simple produit de la multitude. Pourriez-vous développer davantage ce que vous entendez par « condition anarchique », tout en présentant les outils conceptuels, méthodologiques et intellectuels que vous avez mobilisés pour élaborer ce concept ?

    Frédéric Lordon – C’est par là qu’il faut commencer en effet, sauf à ce que le malentendu plane trop longtemps. Il s’agit de décoller « anarchie » de ses usages courants, comme catégorie politique bien connue, pour retourner à une lecture étymologique : l’anarchie, c’est l’an-arkhé, c’est-à-dire l’absence d’arkhé, l’absence de fondement, ce fondement auquel s’adosse ensuite le commandement. Littéralement, l’anarchie est le défaut d’un ancrage absolu d’où un pouvoir se justifierait « objectivement ».

    Le courant politique que l’on appelle « anarchisme », comme visée d’un monde sans pouvoir ni domination, devrait en fait s’appeler « acratie ». Car le cratos, ça n’est « que » ça : le pouvoir, la domination, un pouvoir qui, dans son concept, pourrait s’exercer sans phrase. Le déplacement qu’opère le retour à l’étymologie, c’est donc de convertir une catégorie usuelle de la science politique en catégorie centrale d’une axiologie critique : « anarchie » est le concept par lequel penser l’ordre des valeurs, en commençant par poser qu’il n’y a pas de valeur des valeurs.

    Et ceci dans tous les ordres de valeurs, pour toutes les sortes de valeurs. Il faut revenir à l’intention de Durkheim qui prenait au sérieux l’homonymie de la « valeur », et déclarait vouloir faire quelque chose de ce qu’un seul et même mot trouve des applications aussi différentes que la valeur économique, la valeur morale, la valeur esthétique, etc. – visiblement, cette identité du mot au travers d’une telle disparité d’emplois n’émeut pas grand monde.

    L’idée durkheimienne est cependant restée à l’état d’esquisse. J’essaye de la reprendre de manière systématique et à nouveaux frais. Donc : une axiologie générale, à savoir une théorie de la valeur transversale à tous les ordres de valeur ; et une axiologie critique, dont la thèse même est posée avec la catégorie d’anarchie : les hommes vivent la valeur dans une condition où il n’y a pas de fondement, où il n’y a pas d’ancrage de la valeur.
    Émile Durkheim (1858-1917), un des pères de la sociologie française. Frédéric Lordon reprend la problématique des « systèmes de valeur » qu’il avait posée.

    C’est qu’en un scolie terrible, Spinoza tire d’un coup le tapis de la valeur objective, ou de la valeur substantielle, sous nos pieds : « Nous ne poursuivons pas, nous ne désirons pas un objet parce qu’il est un bien, mais au contraire nous ne disons qu’un objet est un bien que parce que nous le poursuivons et le désirons. » Le lien entre désir et valeur s’en trouve entièrement renversé. Le désir ne se règle pas sur des valeurs préexistantes : tout au contraire, c’est lui qui, par ses investissements, fait advenir à la valeur des choses en elles-mêmes insignifiantes.

    C’est donc le désir lui-même, et plus généralement les affects, qui sont les opérateurs de la valorisation de choses dont l’être positif est étranger à la valeur, dépourvu de toute valeur substantielle. Aussi la thèse, son problème propre, et la solution nous sont-ils livrés dans le même mouvement : rien ne vaut par soi, il n’y aucune substance de la valeur, mais ce sont nos projections affectives qui produisent la valeur et nous font vivre dans un monde de significations et de valeurs – quoiqu’il n’ait aucun fondement. Et ceci bien plus encore à l’échelle de la société entière : les valeurs sociales sont des valorisations communes soutenues par des affects communs.

    En somme, il n’y a nulle part d’ancrage – il n’y a pas d’arkhé –, mais la société produit elle-même ses propres ancrages, par le travail de ses auto-affections, et les affects communs valorisateurs qui en résultent. La société comme ordre axiologique ne tient à rien : elle ne tient que suspendue à elle-même. Etonnant effet de bootstrapping qui est le propre de la condition anarchique : ce qui condamnait le baron de Münchausen à demeurer de l’ordre du fantastique, ou du fantaisiste – se sortir de la vase en tirant sur ses propres lacets –, la société le pratique en réalité. Voilà l’idée générale. Maintenant je ne me fais pas d’illusions : comme Bourdieu l’avait expérimenté en matière d’esthétique, la position de critique de la valeur des valeurs est d’emblée sacrilège. Il n’y a pas pire offense à faire à un croyant que de lui dire que ce qui le meut n’est qu’une croyance, quand lui voudrait que ce soit une vérité.

    Malheureusement, la thèse de la condition anarchique c’est que, dans ce régime que Spinoza nomme la servitude passionnelle, il n’y a que de la croyance. Pour s’élever au-dessus de la seconde, il faut sortir de la première. Pas d’autre solution. Heureusement, nous dit Spinoza, ça n’est pas totalement impossible. Il ne va pas jusqu’à dire que c’est facile…

    Par bien des aspects, la condition anarchique évoque le nihilisme, selon l’acception métaphysique (et pessimiste) du terme, à savoir l’effondrement des valeurs, l’absence de sens, le sentiment du vide, du rien, voire carrément du néant. En quoi se distingue la condition anarchique du nihilisme ?

    • Triple wow !!!

      Si les paroles sont générales, le clip est clairement anti-Trump

      L’album entier semble intéressant :

      Songs Of Resistance 1942-2018
      http://marcribot.com/latest-news/14279452
      https://www.amazon.com/Songs-Resistance-1942-Marc-Ribot/dp/B07DLK7ZCH?SubscriptionId=AKIAJ2JPVFTMZGHMZXNQ&linkCode=xm2&camp=2025&creati

      Portions of the album’s proceeds will be donated to The Indivisible Project, an organization that helps individuals resist the Trump agenda via grassroots movements in their local communities. More info on The Indivisible Project can be found at www.indivisible.org.

      #Musique #Musique_et_politique #Tom_Waits #Marc_Ribot #USA #Bella_Ciao

    • Wow, les paroles de Srinivas :
      https://genius.com/Marc-ribot-srinivas-lyrics

      Dark was the night
      Cold was the ground
      When they shot Srinivas Kuchibhotla down

      It was in Austin’s Bar and Grill
      But it could’ve been most anyone
      A madman pulled the trigger
      Donald Trump loaded the gun
      My country ’tis of thee

      Srinivas was an engineer
      Sunayana was his wife
      Like so many here before them
      They come here to build the life
      They were plannin’ their first child
      But it was not to be
      But a stranger shot Srinivas down
      Screamin’ “Get out of my country!”
      My country ’tis of thee

      I was born in America
      And it’s right here I intend to stay
      But my country’s hurtin’ now
      There’s a few things I need to say
      If you fly a flag of hate
      Then you ain’t no kin to me
      And to Srinivas Kuchibhotla’s surviving family

      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee

      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee
      My country ’tis of thee

      My country ’tis of thee (Kuchibhotla!)
      My country ’tis of thee (Eric Garner!)
      My country ’tis of thee (Heather Heyer!)
      My country ’tis of thee (Susie Jackson!)

      My country ’tis of thee (Tywanza Sanders! Ethel Lee Lance!)
      My country ’tis of thee (Freddy Gray! Tamir Rice!)
      My country ’tis of thee (Frankie Best! Amadou Diallo!)
      My country ’tis of thee (Michael Brown! David Simmons!)
      My country ’tis of thee (Myra Thompson! Sharonda Singleton!)

      #Black_Lives_Matter #Srinivas_Kuchibhotla #Eric_Garner #Heather_Heyer #Susie_Jackson #Tywanza_Sanders #Ethel_Lee_Lance #Freddy_Gray #Tamir_Rice #Frankie_Best #Amadou_Diallo #Michael_Brown #David_Simmons #Myra_Thompson #Sharonda_Singleton

    • A propos de la chanson Rata de dos patas, il précise :

      Due to the fears that Trump regime retaliation would threaten her visa status, the vocalist on this recording of Rata De Dos Patas has requested that we delete all reference to her identity. We believe her fears are entirely justified, and have complied with her wishes.

      We thank her for her wonderful performance, and for her great courage in making the recording at all. And we look forward to a day when political and artistic expression is no longer under the shadow of such vindicative and racist repression. Venceremos!

    • BELLA CIAO
      Italian traditional; Arranged by Marc Ribot
      & Tom Waits; Translated by Marc Ribot

      One fine morning / woke up early
      Bella ciao, bella ciao, goodbye beautiful
      One fine morning / woke up early
      To find a fascist at my door
      Oh partigiano, please take me with you
      Bella ciao, bella ciao, goodbye beautiful
      Oh partigiano, please take me with you
      I’m not afraid now anymore.
      And if I die a partigiano
      Bella ciao, bella ciao, goodbye beautiful
      Please bury me up on that mountain
      In the shadow of a flower
      So all the people, people passing
      Bella ciao, bella ciao, goodbye beautiful
      All the people, the people passing
      Can say: what a beautiful flower
      This is the flower / of the partisan
      Bella ciao, bella ciao, goodbye beautiful
      This is the flower / of the partisan
      Who died for freedom

    • THE MILITANT ECOLOGIST
      [based on FISCHIA IL VENTO]
      Written by Marc Ribot (Knockwurst Music);
      Inspired by the Italian traditional

      The wind it howls, the storm around is raging
      Our shoes are broken, still we must go on
      The war we fight, is no longer for liberty
      Just the possibility / of a future.
      Underground, the militant ecologist
      Like a shadow emerges from the night
      The stars above, guide her on her mission
      Strong her heart swift her arm to strike
      If, by chance, cruel death will find you
      Know your comrades will revenge
      We’ll track down the ones who hurt you
      Their fate’s already sealed.
      The wind is still, the storm is finally over
      The militant ecologist blends back into the shadows
      Somewhere above, the earth’s green flag is flying
      We don’t have to live in terror
      Somewhere above, the earth’s green flag is flying
      The only flag that matters now
      Somewhere above, the earth’s green flag is flying
      And if its not...
      there’s nothing more to say.

    • Son premier texte, où il se pose des questions sur la possibilité de résister en tant que musicien :

      My grandparents lost brothers, sisters, cousins, aunts and uncles in the Holocaust, and I’ve toured and have friends in Russia and Turkey: we recognize Trump, and it’s no mystery where we will wind up if we don’t push back.

      Its not that things before Trump were any picnic: the many victims of racism, sexism, homophobia, xenophobia, and war under earlier presidents – some of them Democrats—are not forgotten; and even among the politicians for whom I voted, few were willing to address the structural causes of these problems.

      But even the most pissed off of my activist friends knew right away that Trumpism was seriously wrong, and that resistance—not just protest, which by definition acknowledges the legitimacy of the power to which it appeals—had to be planned.

      I’m a musician, so I began my practice of resistance with music.

      Normally, I practice by studying the past (“Ancient to the Future!” as the Art Ensemble of Chicago put it—and as Hannah Arendt might have if she’d been a jazz musician), and then blowing on or reconstructing or simply misreading those changes until they become useful in the present.

      So, I went back to archives of political music known for years and listened again—trying to find what was useful now. I found songs from the World War II anti-Fascist Italian partisans (“Bella Ciao,” “Fischia il Vento”), the U.S. civil rights movement (“We’ll Never Turn Back,” “We Are Soldiers in the Army”), a political song originally recorded by Mexican artist Paquita la del Barrio, had disguised as a romantic ballad (“Rata de Dos Patas”).

      I also wrote songs: things I heard at demonstrations, and newspaper and television stories that I couldn’t process any other way wound up as lyrics. I changed these found texts as little as possible: much of “Srinivas” is a metered version of news articles on Srinivas Kuchibhotla a Sikh immigrant murdered in February 2017 by a racist who mistook him for a Muslim. And “John Brown” really did “kill... five slaveholders at the Pottawatomie creek”).

      By March 2017, I had the material for Goodbye Beautiful/Songs of Resistance.

      I make no claims of historical “authenticity” about the arrangements of archival songs on the record— although I hope they work on more than one level, the arrangements and composition songs on this CD were written and performed, without apology, as agitprop. I borrowed from, referenced, and quoted public domain song as much as I could, wanting to harness the power of our rich traditions to the needs of the current struggle wherever possible. For the same reason, I altered texts and arrangements freely, as political song makers have always done.

      The underlying politics of this recording is that of the Popular Front: the idea that those of us with democratic values need to put aside our differences long enough to defeat those who threaten them.

      Although this approach has its frustrations, it worked last time around (1942-45).

      Coordinating a multi-artist recording like this wasn’t easy: although the artists involved were without exception enthusiastic and helpful.

      But the madness of the past year kept us moving when things got bogged down: we recorded Justin Vivian Bond’s “We’ll Never Turn Back” literally while Donald Trump was delivering a friendly speech to anti-gay hate groups in Washington DC. Tom Waits’ “Bella Ciao” was recorded near Santa Rosa, in the haze of smoke from 1,500 homes destroyed by wildfires attributed partly to global warming.

      Not a day goes by that I don’t think about the fact that we’re living through what may be the last years of possibility to lessen the degree of catastrophic climate change which will be experienced by our kids.

      And what I think is that thinking isn’t enough.

      The same can be said of singing.

      Profits from this CD will be donated to The Indivisible Project, a 501c4 organization creating a political response to Trump. They now have chapters in EVERY congressional district, and work to build the local and national networks we need. I have a lot of friends who think that ANY kind of politics isn’t cool. I appreciate the sentiment, but: we need to get over it, roll up our sleeves and get our hands dirty if we’re going to survive this thing.

      I want to thank all the Artists and musicians who sang or played on this cd, not only for their time and great performances, but for their critiques and insights, musical and political, that shaped this recording at every stage.

      Although my intention in organizing this recording has been to express solidarity with everyone victimized by the current regime, finding a way to express that solidarity without repeating old patterns of oppression is not easy. I hope the dialogue and spirit of solidarity begun among the performers on this recording will continue with its listeners and spread even further...

      M Ribot

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      Son deuxième texte, où il se pose des questions sur les défauts de la musique engagée :

      Post Script:

      The question of ‘the good fight’—how to fight an enemy without becoming it—hangs over “political” art (as the question of truthfulness hang over art claiming to have transcended the political). Indeed, Left and Fascist song do share musical commonalities. (Armies fighting for causes good and bad all need songs to march to).

      This recording won’t resolve that question.

      But I’ve noted a difference between the marching songs of fascism and those of the partisan and civil rights movements: a willingness to acknowledge sadness:

      “We are soldiers in the army...
      We have to fight, we also have to cry.”

      “And if I die a partisan,
      Goodbye beautiful, goodbye beautiful, goodbye beautiful,
      Please bury me on that mountain, in the shadow of a flower.”

      “I am a pilgrim of sorrow, walking through this world alone.
      I have no hope for tomorrow, but I’m starting to make it my home.”

      “...a thousand mill lofts grey
      are touched by all the beauty
      a sudden sun exposes
      Yes it is bread we fight for, but we also fight for roses.”

      These songs’ acknowledgement of human frailty, of the fact that “we have to cry” even as “we have to fight”, is for me a sign of enormous strength. Their vision of a beauty beyond victory is for me a sign of hope, a reminder that we at least have something worth fighting for.

      M Ribot
      November, 2017