• In-Q-Tel : quand la CIA investit dans des #start-up françaises -
    https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/in-q-tel-quand-la-cia-investit-dans-des-start-up-francaises_2167

    Même trois mois après, les responsables de Prophesee peinent encore à cacher une certaine forme de rancoeur. « On se serait bien passé de cette publicité-là », glisse l’un d’entre eux. En octobre dernier, la start-up parisienne qui a développé des technologies de vision avec des applications militaires (surveillance, détection...) s’est retrouvée au coeur de l’actualité après les révélations autour de l’identité de l’un de ses investisseurs : #In-Q-Tel. Si ce nom un brin compliqué à prononcer ne vous dit rien, son propriétaire vous parlera sûrement puisqu’il s’agit ni plus ni moins de l’agence centrale américaine de renseignement, la fameuse « #CIA ».

    Pendant plusieurs jours, élus et investisseurs sont montés au créneau pour s’inquiéter du possible rachat de la pépite tricolore. « On a parlé que de ça », se souvient un investisseur français. L’affaire a pris une telle ampleur qu’elle est remontée jusqu’à Bercy, qui n’a finalement pas donné suite. Il faut dire que In-Q-Tel n’a qu’une infime part du capital de la société. On parle d’un « ticket » d’à peine 200 000 euros, autant dire une broutille qui ne leur donne aucun pouvoir. « Ils ont juste un représentant au conseil qui est là comme observateur mais n’ont aucune influence sur la stratégie de la boîte », résume un proche de Prophesee qui compte à son capital des géants tels qu’Intel, Renault-Nissan ou le chinois Huawei.

    "Un système très malin"

    Mais alors pourquoi avoir mis des billes dans la pépite tricolore ? C’est justement là toute la subtilité et l’objectif du fonds de la CIA créé en 1999. Car In-Q-Tel, dont les mises peuvent atteindre quelques millions de dollars, n’est pas une structure comme les autres. Son but n’est pas de gagner beaucoup d’argent comme n’importe quel autre fonds d’investissement ni de prendre le contrôle des sociétés dans lesquelles il a investi, mais de repérer et de suivre les projets les plus prometteurs qui pourraient servir aux intérêts américains. Ils agissent comme des investisseurs dormants. « C’est un système très malin », souligne un proche du renseignement français. La NSA, connue pour avoir mis la planète sur écoute, a également son propre fonds... Si jamais une société développe une technologie intéressante pour la CIA ou un groupe comme Microsoft, In-Q-tel, va servir d’intermédiaire. « Ils vont les rapprocher et leur permettre de faire du business ensemble », explique un bon connaisseur. Et c’est l’objectif avec Prophesee.

    En un peu plus de vingt ans, le fonds dirigé par Chris Darby a réalisé 500 investissements dans le monde avec une enveloppe annuelle d’un peu plus de 100 millions de dollars. Jusqu’en 2010, ses prises de participation se sont quasi exclusivement limitées au territoire américain. Puis le fonds, composé essentiellement d’anciens membres du renseignement, a élargi son terrain de jeu avec l’Europe en ligne de mire.

    Si In-Q-tel ne communique pas à chaque fois sur ses prises de participation, on estime le nombre de ses investissements à plus de vingt sur le Vieux continent. Parmi ceux-ci, on retrouve le finlandais Iceye (microsatellites), l’espagnol CounterCraft (cybersécurité), ou encore l’allemand Toposens (capteurs de son 3D). « Ils sont présents un peu partout », explique un expert du renseignement français. En France, Prophesee est à l’heure actuelle, officiellement, la seule société tricolore dans laquelle la CIA a investi.

    Si In-Q-Tel n’est pas vu comme une menace, les Européens surveillent tout de même de près son activité. « Il ne faut pas être naïf. Quand on parle de sujets sensibles, il n’y a plus d’alliés », souligne un bon connaisseur du renseignement économique. D’autant plus que les technologies sont devenues l’un des principaux sujets de souveraineté. Et qu’à ce niveau-là, l’Europe part de loin. Conscient du problème, le gouvernement français a ainsi musclé ses dispositifs, notamment pour surveiller les entreprises dites stratégiques.

    En plus de sa vingtaine de délégués en région auprès des préfets pour surveiller les jeunes pousses, Bercy a mis en place en 2020 un dispositif d’alerte, en cas d’achats étrangers de start-up. Ces alertes remontent des ministères et du renseignement. En 2021, il y en a eu près de 500. « Dans ces cas-là, on regarde si la start-up est sur la liste des entreprises sensibles, on regarde qui est l’investisseur et combien il veut prendre. S’il n’y a pas de risque alors on ne s’y oppose pas », souligne-t-on du côté de Bercy.

    Des dispositifs encore très défensifs

    Les dispositifs financiers ont, eux aussi, été renforcés. Côté public, il y a notamment le fonds « French Tech Souveraineté » de Bpifrance. Lancé en 2020 et doté de 150 millions d’euros, ce véhicule est censé permettre d’investir dans toutes les start-up technologiques qui auraient besoin de fonds. Le privé est également de la partie avec des structures comme Tikehau, Ardian ou Eurazeo... « On a un vrai rôle à jouer », explique Marwan Lahoud, qui dirige le dernier fonds aéronautique pour Tikehau Ace Capital (750 millions d’euros), filiale de la société d’investissement Tikehau.

    Reste que ces dispositifs ne suffiront pas à inverser le rapport de force. « On a amélioré les dispositifs, mais on reste des nains », tacle le responsable d’un fonds français. L’Europe part en même temps de beaucoup plus loin que les Etats-Unis. « La France construit son dispositif petit à petit. Il y a maintenant des ponts entre le privé et le public. Avant, ces deux mondes ne se parlaient pas », explique un avocat, qui souligne la nécessité de passer à une phase plus offensive. Quels que soient les domaines, la meilleure défense reste encore l’attaque.

    • Dans les coulisses du Campus Cyber, la nouvelle vitrine de la cybersécurité française
      https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/on-a-visite-le-campus-cyber-la-nouvelle-vitrine-de-la-cybersecurite-franca

      Les locaux du Campus Cyber, à deux pas de l’esplanade de la Défense, grouillent d’ouvriers. Plus de 120 hommes s’activent à déballer des cartons, monter des meubles ou encore installer des routeurs internet. L’enjeu est grand : le bâtiment neuf de 26.000 mètres sur 13 étages doit devenir le lieu totem de la cybersécurité française. Autrement dit, il se positionne comme l’équivalent dans la cybersécurité à ce qu’est Station F pour le numérique, c’est-à-dire un mini-écosystème en pleine ville.

      Michel Van Den Berghe, ancien dirigeant d’Orange Cyberdéfense devenu président du Campus Cyber, essaie de ne pas s’attarder sur les travaux qui restent à faire alors que la date de l’inauguration approche. « Ils installent les enceintes, c’est bon signe », se rassure-t-il après un passage dans le futur auditorium. Le campus doit accueillir ses premiers locataires le 16 février. L’inauguration, elle, est prévue quelques jours avant, en présence -sauf imprévu- du président de la République Emmanuel Macron lui-même. Alors forcément, l’absence de moquette à certains étages et les bruits constants de perceuses ont de quoi angoisser le dirigeant. « Le but de ce lieu, ce n’est pas de faire un projet immobilier, c’est de préparer des offres communes, et de monter le niveau de la cybersécurité de la Nation », rappelle-t-il.

      Toute la cybersécurité française au rendez-vous

      Impulsé par l’exécutif à l’été 2019, le projet de Campus Cyber a émergé très rapidement. Commandité par le premier ministre, Michel Van Den Berghe a remis son rapport intitulé « Fédérer et faire rayonner l’écosystème de la cybersécurité » le 7 janvier 2020. Celui-ci conclut sur la volonté des entreprises du secteur, des grands groupes aux startups, de mieux collaborer les unes avec les autres. Ces résultats ont déclenché la mise en œuvre effective du projet, toujours confiée au même homme. En avril 2021, il quittait donc ses fonctions à la tête d’Orange Cyberdéfense, et 3 mois plus tard, le 21 juillet 2021, il signait le bail du bâtiment, peu après avoir créé la société Campus Cyber, dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 44%. Les travaux d’aménagement des bureaux ont débuté au pas de course en septembre, pour donc accueillir les locataires à la fin du mois de février 2022.

      Pensé comme un « porte-avions » de la cybersécurité française, la Campus Cyber accueille toutes les strates de l’écosystème : des grands groupes (Thales, Atos...), la recherche publique (l’Inria, le CEA...), l’Etat (l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information -Anssi-, le ministère de l’Intérieur et celui des Armées), des PME, des startups, des écoles, des associations ou encore des fonds d’investissement. « Nous sommes le seul campus au monde où sont réunis des offreurs, l’Etat, les écoles, mais aussi des clients finaux : 40 sociétés du CAC40 ont placé des experts chez nous », promeut Michel Van Den Berghe. Autrement dit, des grands groupes dont l’activité principale n’est pas la cybersécurité se sont aussi greffés au projet. A titre d’exemple, un groupe interbancaire -avec des experts issus des 8 plus grosses banques françaises- va se réunir sur le campus pour créer des solutions communes.

      En tout, plus de 90 organisations vont s’installer dans le bâtiment, qui regroupera ainsi plus de 1.800 experts de la cybersécurité. « Il ne nous reste que 25 postes sur toutes les places que nous avons commercialisées », se réjouit Michel Van Den Berghe. Pour autant, le Campus ne serait pas encore victime de son succès. « Nous nous sommes arrangés pour que personne ne reste à la porte », rassure-t-il. Pour permettre cette mixité d’organisation, il a fallu s’adapter : le campus se loue à 750 euros du mètre carré, une somme élevée pour une petite entreprise, mais modérée pour le quartier de la Défense, dixit Michel Van Den Berghe. « Les grandes sociétés ont joué le jeu : elles paient leur loyer un petit peu plus cher pour que les petites sociétés paient un peu moins cher. Je trouve que c’est un bel exemple de solidarité. »

      Une vitrine pour la cybersécurité française

      L’architecture de l’immeuble se prête bien à cette cohabitation. Comme une fleur, chaque étage se divise en trois « pétales », accessibles depuis une même colonne centrale -la tige en quelque sorte- où se trouvent les ascenseurs. Les locataires s’installent soit sur un étage entier -c’est le cas d’Orange Cyberdéfense et de Capgemini-, soit sur une ou deux pétales -comme les ministères de l’Intérieur et des Armées-, soit sur des postes dans les espaces collaboratifs opérés par Campus Cyber. Dans le détail, 35% des espaces sont occupés par des grands groupes, 20% par l’Etat ou encore 10% par les écoles (Epita, Simplon...). Bien que le bâtiment serve à mettre en avant les expertises françaises et à créer des synergies entre elles, un des 13 étages est dédié à l’accueil d’entreprises étrangères. On y retrouve les incontournables Google, Amazon Web Services, Microsoft, IBM ou encore Cisco.

      « Quand j’ai signé le bail de l’immeuble, beaucoup de gens m’ont regardé en se disant que c’était un petit peu dingue. Il faut dire que lorsqu’on avait remis l’étude d’opportunité, on parlait de 10.000 à 12.000 mètres carrés », se souvient Michel Van Den Berghe. Finalement, l’immeuble de 26.000 mètres carrés est deux fois plus grand que prévu, ce qui permet à la société de proposer des espaces peu densifiés. Par exemple, le bureau de 8 postes de travail mesure environ 90 mètres carrés, et certains lieux sont dédiés aux échanges. Cette faible densité donne aussi un effet de prestige aux bureaux, essentiel aux yeux de Michel Van Den Berghe. « Notre état d’esprit, c’est de faire de ce lieu un lieu totem, un lieu extrêmement visitable, un lieu le plus ouvert possible pour susciter des vocations ».

      Le précédent Station F

      En France, dès qu’on parle de lieu totem, #StationF apparaît comme un exemple évident. « La #French-Tech est pour moi une réussite car c’est un mouvement qui fédère l’écosystème et crée des dynamiques. Station F c’est 30.000 mètres carrés pour tout le numérique, nous c’est 26.000 mètres carrés rien que pour la cyber, on peut être fiers de ça », fait remarquer le dirigeant du Campus Cyber. Pour endosser sa fonction de vitrine de l’écosystème, le nouveau bâtiment va pouvoir s’appuyer sur une salle de conférence, un auditorium, ou encore un « showroom » équipé en technologies -avec notamment une salle à 360° et des dispositifs de réalité virtuelle- où des démonstrateurs seront installés.

      Le campus intègre aussi une brasserie, un réfectoire sur le modèle des « food courts » américains, un espace de massage ou encore un espace de coiffure. L’objectif : rendre le lieu le plus attractif possible pour les employés des sociétés locataires.

      Délocalisations dans les autres régions

      En s’installant à cinq minutes de l’esplanade de La Défense, le Campus Cyber n’échappe pas aux critiques sur le parisiano-centrisme de la profession. « Le prérequis était que l’immeuble soit extrêmement bien desservi et accessible car sinon, les locataires n’auraient pas réussi à convaincre leurs experts cyber de venir », se défend Michel Van Berghe. D’après lui, le campus israélien Cyber Spark -modèle du genre- installé à Beer-Sheva, peine à faire venir les ingénieurs à cause de l’heure de route qui le sépare de Tel-Aviv.

      Pour autant, un groupe de travail est déjà en discussion avec dix des treize régions françaises pour créer des antennes régionales partout dans l’Hexagone. L’objectif : amener les expertises au plus près du terrain. Campus Cyber prend en charge le processus de labellisation et participera à l’animation du réseau, mais ce n’est pas lui qui gèrera ces autres campus. « C’est la région qui décide de l’implantation du campus et de son statut (GIP, société, association...) », précise Michel Van Den Berghe.

      Pour ce qui est du campus parisien, une extension est déjà prévue dans les Yvelines à l’horizon 2024, à un emplacement à déterminer sur le futur tronçon du RER E (baptisé Eole), qui passera à La Défense. L’ancien patron d’Orange Cyberdéfense projette « un campus à l’américaine, très vert, avec des terrains de sport et une piscine ». Cet espace, plus grand, permettra d’adresser les questions de cybersécurité industrielle -avec des démonstrateurs imposants- ou encore celle des drones -qui ne peuvent pas voler en ville. Mais chaque chose en son temps. « Mon rôle c’est déjà de faire que le projet initial tienne dans la durée », conclut Michel Van Den Berghe.

    • #CampusCyber, capitale de la cybersécurité
      https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/campus-cyber-capitale-de-la-cybersecurite-20220213

      Inauguré ce 15 février, ce lieu innovant doit permettre de renforcer le niveau de sécurité numérique en France.

      « Le porte-avions de la cybersécurité française », « le vaisseau amiral de l’écosystème cyber », « la caserne des casques bleus du réseau » … Les métaphores militaires ne manquent pas pour qualifier le Campus Cyber qui ouvrira ses portes mardi 15 février. Cette tour de 13 étages, située dans le quartier de la Défense, regroupera en un même lieu tout ce que compte l’écosystème cyber en France : les grands industriels privés, des services de l’État comme l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), des PME et des start-up spécialisées, des sociétés utilisatrices, des centres de recherche, des écoles de formation… Après plus de deux ans de gestation, le projet devient opérationnel. L’objectif : faire travailler ensemble acteurs privés et publics, pour développer l’écosystème français, être à la pointe technologique dans ce domaine hautement stratégique et former les compétences nécessaires. L’enjeu ? Élever in fine le niveau de sécurité informatique de la France.