Janvier 2022, un "colloque" (soi-disant) est organisé par l’#Observatoire_du_décolonialisme et le #Collège_de_philosophie.
Sont entre autres présents à ce "colloque" #Jean-Michel_Blanquer et #Thierry_Coulhon (patron de l’HCERES)...
Titre du colloque « Après la #déconstruction : reconstruire les sciences et la culture »
▻https://decolonialisme.fr/?p=6333
Ci-dessous un fil de discussion à son propos.
#Université : « L’#universalisme_républicain ne se décrète pas, il se construit »
Dans une tribune au « Monde », soixante-quatorze universitaires expliquent pourquoi le colloque organisé par l’Observatoire du décolonialisme, les 7 et 8 janvier à la Sorbonne, constitue une caricature de son objet, car il conduit à observer pour ne rien voir !
Tribune :
L’#Observatoire_du_décolonialisme et le #Collège_de_philosophie organisent les 7 et 8 janvier, avec l’aval de #Jean-Michel_Blanquer, un #colloque à la #Sorbonne, intitulé « Après la #déconstruction : reconstruire les #sciences et la #culture » dont l’objectif affiché est de dénoncer l’« #ordre_moral » que la « “pensée” décoloniale », également nommée « #woke » ou « #cancel_culture », introduit dans le domaine éducatif en contradiction avec « l’#esprit_d’ouverture, de #pluralisme et de #laïcité qui en constitue l’essence ».
Il s’agit, est-il précisé, de « favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des #repères_culturels fondamentaux » et de « faire un état des lieux, aussi nuancé que possible ». Cette recommandation laisse perplexe lorsque l’on constate que les animateurs des tables rondes sont les intervenants et vice-versa, et la quasi-totalité d’entre eux membres de l’Observatoire. Il serait vain dès lors d’attendre #débat_contradictoire ou mise en perspective.
On pourrait s’étonner de la participation annoncée du président de l’agence gouvernementale chargée d’évaluer la recherche dans l’enseignement supérieur, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), dont dépend l’avenir des laboratoires de sciences humaines et sociales. On sait toutefois que la dénonciation du #wokisme, ou d’autres chimères comme l’« #islamo-gauchisme », est un cheval de bataille du ministre de l’éducation nationale comme de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Une #police_de_la pensée
La caution quasi officielle apportée par le président du #HCERES à l’Observatoire du décolonialisme laisse-t-elle présager l’apparition d’une police de la pensée qui sanctionnerait toute recherche suspectée d’être contaminée par le prétendu wokisme ? Admettons, bien qu’il soit infondé, le postulat de réduction du #décolonialisme à l’idéologie woke et à la cancel culture.
De quoi est-il donc question ? On sait que l’expression « #being_woke » s’est popularisée aux Etats-Unis dans la communauté afro-américaine tout au long du XXe siècle pour désigner une nécessité : celle d’être éveillé aux #injustices, principalement alors de nature socio-économique. Le slogan, repris par le mouvement #Black_Lives_Matter (« les vies noires comptent »), gagne en popularité avant d’être récupéré par les conservateurs américains pour le dénigrer et disqualifier ceux qui en font usage.
C’est ainsi que s’impose #wokisme, lequel suggère l’existence d’un mouvement politique homogène chargé de propager l’#idéologie_woke. Il est d’ailleurs assez cocasse que la dénonciation de l’américanisation du débat s’accommode de l’importation (fautive) de mots américains.
Les nouveaux inquisiteurs
Désormais, le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT, etc. Sous couvert d’alerter sur le nouveau danger qui menacerait l’école républicaine, il s’agit de réprouver ceux qui dénoncent les #discriminations fondées sur la couleur et qui font un lien entre celles-ci et notre passé colonial et/ou esclavagiste.
Dans la rhétorique réactionnaire des nouveaux inquisiteurs, on pratique une stratégie d’#éradication_lexicale visant à éliminer du vocabulaire des #sciences_sociales des termes tels que #racisme_systémique, #privilège_blanc, #racisation, #intersectionnalité, #décolonialisme, termes prétendument dénués de toute rationalité. A de nombreux égards, la querelle ressemble à celle de la #political_correctness (le #politiquement_correct) du début des années 1990.
En effet, cette dernière fut avant tout, aux Etats-Unis, l’occasion d’une offensive des conservateurs et de l’extrême droite contre le pouvoir supposé des #minorités. En France, le terme désigne, dans la méconnaissance du contexte américain, un ensemble hétérogène composé de marxistes, de multiculturalistes, de féministes, de postmodernistes, etc., tous accusés, entre autres vices, de #puritanisme, de #censure, de #dictature_des_minorités.
Le #cyberharcèlement moralisateur
A l’inverse, celui qui se veut politiquement incorrect fonde ses jugements sur la #liberté_de_penser, la #rationalité, le #courage_intellectuel. Qui ne s’en réclamerait ? Quelle est donc la valeur d’une position qui rassemble tout le monde et chasse des fantômes ? La « #wokeness » doit en réalité être comprise comme une dynamique inhérente à la #démocratie et, au-delà, l’indice des manquements de celle-ci à ses principes fondamentaux.
Le sort réservé à la cancel culture (#culture_de_l’annulation) illustre ce point de vue. Comme le wokisme, il s’agit essentiellement d’un terme polémique, lequel a servi, d’abord à la droite américaine puis aux néoconservateurs français, à disqualifier toute interpellation progressiste. Ses adversaires pensent que son invocation relève du tribunal populaire et s’accompagne nécessairement de #cyberharcèlement_moralisateur.
Il convient plutôt de l’interpréter comme une modalité de la protestation à l’usage de ceux qui disposent du seul pouvoir de marquer leur indignation en dénonçant certains dysfonctionnements dont la société s’accommode si souvent. Peut-on réellement penser que la cancel culture exprime, comme l’écrivent sans vergogne l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, la tentation de faire « table rase du passé, de l’histoire, de l’art, de la littérature, et de l’ensemble de l’héritage civilisationnel occidental » ? Nuance, disent-ils ?
Les choses commencent à changer
Plutôt que des effets de la cancel culture, ne faudrait-il pas s’inquiéter de la culture de l’#impunité, laquelle préfère la #disqualification à la dispute argumentée ? Que les choses commencent à changer, nous ne pouvons que nous en réjouir et non redouter la « dictature des minorités ». C’est, au contraire, des droits de ces dernières que nous devrions nous soucier si nous voulons combattre la dérive droitière à laquelle les organisateurs, en invitant #Mathieu_Bock-Côté à s’exprimer, sont coupablement inattentifs.
L’#universalisme_républicain ne se décrète pas, il se construit. Cela passe par la lutte contre les discriminations de classe, sexistes, homophobes ou ethnoraciales, comme contre les #préjugés racistes, antisémites et islamophobes, aujourd’hui de nouveau en vogue dans les espaces publics. Nier leur existence, c’est nuire gravement à l’idéal républicain.
Les signataires de cette tribune sont : Nicolas Bancel, professeur ordinaire, université de Lausanne ; Gilles Bastin, professeur, Sciences Po Grenoble ; Hourya Bentouhami, maîtresse de conférences, université Toulouse-II-Jean-Jaurès ; Magali Bessone, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Pascal Blanchard, chercheur associé, CRHIM/UNIL Lausanne ; Philippe Blanchet, professeur, université Rennes-II ; Fabienne Bock, professeure émérite, Paris-XIII ; Gilles Boëtsch, directeur de recherche émérite, INEE-CNRS ; Olivier Borraz, directeur de recherche, IEP Paris ; Ahmed Boubeker, professeur, université de Saint-Etienne ; Michel Cahen, directeur de recherche émérite, IEP Bordeaux ; François Calori, maître de conférences, Rennes-I ; Philippe Chanial, professeur, université de Caen ; Sébastien Chauvin, professeur associé, université de Lausanne ; Christiane Chauviré, professeure émérite, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Catherine Coquio, professeure, Université de Paris ; Philippe Corcuff, maître de conférences, IEP Lyon ; James Costa, maître de conférences, université Sorbonne-Nouvelle ; Bruno Cousin, professeur assistant, IEP Paris ; Pierre Crétois, maître de conférences, université Bordeaux-Montaigne ; Martine de Gaudemar, professeure émérite, université Paris-Nanterre ; Thierry Deshayes, chercheur postdoctoral, université de Neuchâtel ; Stéphane Dufoix, professeur, membre senior de l’IUF, université Paris-Nanterre ; Estelle Ferrarese, professeure de philosophie, université de Picardie Jules-Verne ; Franck Fischbach, professeur, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Vincent Foucher, chargé de recherche, IEP Bordeaux ; Jean-Louis Fournel, professeur, université Paris-VIII ; Pierre François, directeur de recherche, IEP Paris ; Claude Gautier, professeur, ENS Lyon ; Jean-Christophe Goddard, professeur, université de Toulouse-II Jean-Jaurès ; Sophie Guérard de Latour, professeure, ENS Lyon ; Jacques Haiech, professeur honoraire, université de Strasbourg ; Abdelhafid Hammouche, professeur, université de Lille ; Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure, Paris-Nanterre ; François Héran, professeur, Collège de France ; Philippe Huneman, directeur de recherche, IHPST ; Chantal Jaquet, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences, université Paris-VIII ; Stefan Kristensen, professeur, université de Strasbourg ; Sandra Laugier, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Jeanne Lazarus, directrice du département de sociologie, IEP Paris ; Olivier Le Cour Grandmaison, professeur, université d’Evry ; Patrick Le Galès, directeur de recherche, IEP Paris ; Claire Lemercier, directrice de recherche, IEP Paris ; Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite, université d’Aix-Marseille ; Pascal Maillard, professeur agrégé, université de Strasbourg ; Philippe Marlière, professeur, University College London ; Nonna Mayer, directrice de recherche émérite, IEP Paris ; Catherine Miller, directrice de recherche, université d’Aix-Marseille ; Yann Moulier-Boutang, professeur émérite, UTC-Alliance Sorbonne-Université ; Laure Murat, professeure, université de Californie à Los Angeles (UCLA) ; Christine Musselin, directrice de recherche, IEP Paris ; Etienne Nouguez, chargé de recherche, IEP Paris ; Janie Pélabay, chargée de recherche, IEP Paris ; Roland Pfefferkorn, professeur émérite, université de Strasbourg ; Alain Policar, chercheur associé, IEP Paris ; Clotilde Policar, professeure, ENS Paris ; Jean-Yves Pranchère, professeur, ULB Bruxelles ; Alain Renaut, professeur émérite, Sorbonne-Université ; Jacob Rogozinski, professeur, université de Strasbourg ; Diane Roman, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Laurence Rosier, professeure, ULB Bruxelles ; Emma Rubio-Milet, professeure agrégée, université Sorbonne-Nouvelle ; Haoues Seniguer, maître de conférences, IEP Lyon ; Réjane Sénac, directrice de recherche, IEP Paris ; Vincent Tiberj, professeur associé, IEP Bordeaux ; Julien Talpin, Chargé de recherche, université de Lille ; Fabrice Virgili, directeur de recherche, UMR Sirice/CNRS ; Tommaso Vitale, professeur associé, IEP Paris ; Albin Wagener, maître de conférences, université Rennes-II ; Patrick Werly, maître de conférences HDR, université de Strasbourg ; Aline Wiame, maîtresse de conférences, université Toulouse-II Jean-Jaurès ; Charles Wolfe, professeur, université de Toulouse Jean-Jaurès ; Geneviève Zoïa, professeure, université de Montpellier ; Valentine Zuber, directrice d’études, EPHE.
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/05/universite-l-universalisme-republicain-ne-se-decrete-pas-il-se-construit_610
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ajouté à ce fil de discussion :
Projet de #loi sur les #principes_républicains : le niveau des eaux continue de monter
►https://seenthis.net/messages/908798
C’est reculer que d’être stationnaire…
Jean-Pierre Duteuil
▻https://blogs.mediapart.fr/jpd/blog/120720/entrer-dans-le-monde-de-la-trans-especite
▻http://acontretemps.org/spip.php?article798
▻https://lavoiedujaguar.net/C-est-reculer-que-d-etre-stationnaire
À mes amis,
Cela fait plus de trente ans que le virus « genre » est sorti des éprouvettes des laboratoires universitaires américains, venu, dit-on, d’Europe, par le biais de la « french theory ». Jusque-là, on appelait sexe social les comportements et les fonctions qu’une société assignait au sexe biologique. Cela signifiait tout simplement qu’il n’y avait rien de « naturel » aux attributions que les unes et les autres devaient assumer dans un milieu et à une époque donnée et qu’il ne s’agissait là que d’un rapport de forces en faveur de l’un des deux sexes au sein de la division sexuelle du travail.
Pour toute personne persistant à se projeter dans un autre futur collectif et égalitaire il était alors évident qu’il fallait combattre, et si possible abolir, ce sexe social et non en changer, quand bien même l’appellerait-on autrement.
Transformer le « sexe social » en « genre » a pourtant permis un génial coup double. Éradiquer à la fois le sexe et le social ne manquait pas de classe : se couler dans le moule d’un puritanisme renaissant regardant d’un sale œil la libération sexuelle des années 1970 et, en même temps, mettre au rancart tout ce qui pouvait suggérer la lutte des classes et un élan prolétarien ! La fin d’une époque en somme, où se rejoignent postmodernes et thermidoriens de l’après-68. (...)
#french_theory #Jean-Pierre_Duteuil #genre #social #prolétarien #postmodernité #université #animalité #trans-espécité
]]>Le Moine Bleu : Miguel Amorós : Critique de la philosophie postmoderne et de ses effets sur la pensée critique et sur la pratique révolutionnaire
▻http://lemoinebleu.blogspot.com/2018/02/miguel-amoros-critique-de-la.html
Le recul théorique causé par la disparition de l’ancien mouvement ouvrier a permis l’hégémonie d’une philosophie surprenante, la première qui ne se fonde pas sur l’amour de la vérité, objet primordial du savoir. La pensée faible (ou philosophie de la postmodernité) relativise ce concept, qu’elle fait dériver d’un mélange de conventions, de pratiques et de coutumes instables dans le temps, quelque chose de « construit », et, par conséquent, d’artificiel, sans aucun fondement. Et dans la foulée, toute idée rationnelle de réalité, de nature, d’éthique, de langage, de culture, de mémoire, etc. De plus, certaines autorités du petit monde postmoderne n’ont pas manqué de qualifier certaines d’entre elles de « fascistes ». Finalement, en récupérant Nietzsche, il n’y a donc plus de vérité, seulement des interprétations. En fait, une telle démolition systématique d’une pensée qui naît avec les Lumières et réclame la constitution de la liberté, et qui donnera naissance, plus tard avec l’apparition de la lutte des classes moderne, à la critique sociale – et pour ceux, principalement professeurs et étudiants, qui préfèrent plutôt que se baigner dans l’eau claire de l’authenticité, se vautrer dans la boue de l’imposture aux idéologies révolutionnaires – a toutes les apparences d’une démystification radicale menée à bien par de véritables penseurs incendiaires, dont la finalité ne serait rien d’autre que le chaos libérateur de l’individualité exacerbée, la prolifération d’identités et l’abrogation de toute norme de conduite commune.
]]>Vent debout contre le mal français
Miquel Amorós
▻https://lavoiedujaguar.net/Vent-debout-contre-le-mal-francais
Critique de la philosophie postmoderne et de ses effets
sur la pensée critique et sur la pratique révolutionnaire
Le recul théorique causé par la disparition de l’ancien mouvement ouvrier a permis l’hégémonie d’une philosophie surprenante, la première qui ne se fonde pas sur l’amour de la vérité, objet primordial du savoir. La pensée faible (ou philosophie de la postmodernité) relativise ce concept, qu’elle fait dériver d’un mélange de conventions, de pratiques et de coutumes instables dans le temps, quelque chose de « construit », et, par conséquent, d’artificiel, sans aucun fondement. Et dans la foulée, toute idée rationnelle de réalité, de nature, d’éthique, de langage, de culture, de mémoire, etc. De plus, certaines autorités du petit monde postmoderne n’ont pas manqué de qualifier certaines d’entre elles de « fascistes ». Finalement en récupérant Nietzsche, il n’y a donc plus de la vérité, mais seulement de l’interprétation. (...)
#Miquel_Amorós #anarchisme #postmodernité #French_Theory #discussion #Mexique
]]>Entretien avec Renaud Garcia par Cédric Biagini, 2015
▻https://sniadecki.wordpress.com/2015/12/27/biagini-garcia
Interview de Garcia par Biagini (pour La Décroissance…). Pas super intéressant je trouve, et Biagini de toujours ramener sur le truc de la PMA/GPA, dont il faut parler je trouve aussi mais pas en ces termes et lui continue d’en parler toujours de la même façon qu’avant.
Pourtant le livre et les idées de Renaud Garcia sont plus intéressantes et plus vastes que juste ramenées à ça.
#interview #Renaud_Garcia #Cédric_Biagini #déconstructionnisme #Derrida #Foucault #PMA
cc @aude_v …
Recension du Désert de la critique de Renaud Garcia par @tranbert
▻https://sniadecki.wordpress.com/2015/11/20/louart-garcia
Totalement à l’opposé d’un Jean-Marc Mandosio qui dans Longévité d’une imposture (éd. de l’Encyclopédie des Nuisances, 2010) faisait une attaque ad hominem du personnage dans la plus pure tradition situationniste, Renaud Garcia avec Le désert de la critique, déconstruction et politique (éd. L’Échappée, 2015) élargit le propos et tente de comprendre les raisons profondes de cette fascination et les conséquences politiques pour les personnes et les groupes engagés dans des luttes.
[…]
Il ne fait pas dans la polémique, mais tente de mener une controverse, c’est-à-dire en participant à un débat public sur le sens et la pertinence de ces idées, essayer de faire comprendre un certain nombre de choses, et notamment mettre en garde contre certaines dérives idéologiques qui aboutissent finalement à participer, par des voies détournées, au système que l’on prétend combattre.
#Foucault #french_theory #déconstructionnisme #philosophie #controverse #Renaud_Garcia #émancipation #critique_techno cc @aude_v
▻https://zilsel.hypotheses.org/2103
Dans le présent texte consacré à des réflexions contemporaines sur la question du réalisme, Pascal Engel pointe les limites de différentes perspectives philosophiques, qui, à défaut de partager les fantasmagories anthropologico-sociologiques des postmodernes susnommés, partagent toutefois avec ces derniers un goût prononcé pour le kitsch. L’auteur de La Dispute et de La norme du vrai vise en effet à montrer, avec une certaine efficacité nous semble-t-il, et après avoir identifié les principales acceptions de la notion philosophique et épistémologique de « réalisme », que le « carnaval ontologique » dans lequel s’illustrent cette fois-ci le « réalisme spéculatif » de Quentin Meillassoux, les « réalismes accueillants » de Markus Gabriel, de Tristan Garcia ou de Bruno Latour[3], et, dans une moindre mesure, le « réalisme contextualisé » de Jocelyn Benoist ou encore le « nouveau réalisme » de Maurizio Ferraris, ne sont en réalité ni particulièrement « réalistes » (ils semblent bien plutôt incarner diverses formes d’idéalisme), ni ne sont spécialement « nouveaux » — sauf peut-être en ce qui concerne, pour les premiers d’entre eux, une aptitude particulière à la grandiloquence, elle-même favorisée par des moyens de médiatisation jusqu’alors inédits en philosophie (blogs, conférences sur internet, réseaux sociaux électroniques, etc.).
Il y a une chose au moins dont les nouveaux réalistes ne semblent pas dépourvus, c’est du sens de la publicité.
Un Beaujolais nouveau n’est pas nécessairement du Beaujolais (cela peut être de la piquette). De même un réalisme nouveau n’est pas nécessairement nouveau : ce qui peut sembler nouveau à l’un peut apparaître comme une vieille lune à l’autre, et on ne sait jamais si ce qui nous apparaît nouveau maintenant sera considéré comme nouveau plus tard. Le problème est que, plus encore que la plupart des termes philosophiques, celui de « réalisme » est d’une plurivocité qui défie les classifications. Sans parler des sens de ce terme en art, qui sont légion, bien des philosophes dans le passé ont été ou se sont appelés « réalistes », même si ce terme n’est vraiment entré dans le vocabulaire qu’après Kant : Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Descartes, Locke, Reid, Bolzano, Frege, Brentano, Ingarden, Bertrand Russell, Moore, Mackie, Smart, Armstrong, etc. Une école de philosophie américaine, aujourd’hui bien oubliée, s’est jadis appelée « New Realism » (R.B. Perry, R.W.Sellars et alii). Mais on est très rarement « réaliste » tout court. La plupart du temps on est en philosophie un réaliste dans tel ou tel domaine ou sujet : quant au monde extérieur, quant aux universaux, quant aux entités mathématiques ou scientifiques, quant aux valeurs morales ou esthétiques, quant aux vérités logiques ou quant aux vérités juridiques (on parle de « réalisme scandinave » en droit), etc. On est rarement réaliste globalement, et dans tous les domaines, et un même auteur peut être réaliste dans un domaine et pas dans un autre. Platon par exemple est dit « idéaliste » quant aux Idées, mais aussi réaliste quant à sa conception des entités abstraites. Aristote est réaliste en éthique, mais ne l’est pas quant aux entités mathématiques. On est aussi réaliste relativement à un problème. Par exemple on classe souvent Descartes et Locke comme des réalistes indirects quant à la perception, et Reid comme un réaliste direct. Le réalisme généralisé est une notion tout aussi incongrue que celle de « génie universel » ou de couteau suisse intégral. De plus, la notion de ce qui est réel ou pas est, comme nous le rappelle le dialogue d’Alice avec Tweedledum et Tweedledee, souvent égarante :
“You know very well you’re not real.”
“I am real !” said Alice, and began to cry.
“You won’t make yourself a bit realler by crying,” Tweedledee remarked : “there’s nothing to cry about.”
“If I wasn’t real,” Alice said – half laughing through her tears, it all seemed so ridiculous – “I shouldn’t be able to cry.”
“I hope you don’t suppose those are real tears ?” Tweedledum interrupted in a tone of great contempt.
La situation n’est pas plus claire pour les philosophes que chez Alice. Comme l’a remarqué Crispin Wright : « S’il y a jamais eu un consensus sur le mot “réalisme” comme terme philosophique technique, ce consensus s’est indubitablement fragmenté sous les pressions exercées par les divers débats – en sorte qu’un philosophe qui viendrait affirmer qu’il est un réaliste en sciences, ou en éthique, n’aurait sans doute, pour la plupart des publics philosophiques, fait rien de plus que se racler la gorge
Les nouveaux réalistes d’aujourd’hui entendent manifestement réagir, de près ou de loin, au postmodernisme. Ils ont peur de ce dont Rorty n’avait pas peur, d’avoir « perdu le monde »[10]. Mais en même temps, ce qui frappe, dans leurs livres, c’est que les doctrines dont ils nous disent qu’elles portent la marque du réalisme paraissent souvent, pour ceux qui ont une éducation classique en philosophie, assez peu conformes à l’image courante du réalisme. Comment un auteur qui nous dit qu’il n’y a qu’une nécessité, c’est la contingence, un autre qui nous dit que tout existe sauf le monde, un autre qui nous dit que l’activité scientifique ne porte que sur une réalité qui a son mode d’existence propre alors que d’autres discours ont le leur, ou d’autres encore qui nous disent que le vrai réalisme n’a pas à se prononcer sur la réalité de quoi que ce soit, sont-ils encore des réalistes ? N’a-t-on pas envie de leur dire, à la manière de Régis Laspalès dans un sketch fameux : « Tu m’embrouilles ! »
#philosophie #epistemologie #realisme #french_theory #relativisme #Bruno_Latour #affaire_maffesoli
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