• “Bernie Sanders propose qu’au-delà d’un milliard tous les revenus soient captés par l’impôt” - Le monde bouge - Télérama.fr
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    a richesse, c’est le pouvoir ; l’extrême concentration des richesses, c’est l’extrême concentration des pouvoirs. La capacité d’influencer les politiques publiques, d’étouffer la concurrence, de façonner les idéologies. » Depuis quarante ans, explique le jeune économiste français Gabriel Zucman (33 ans), professeur à l’Université de Berkeley aux États-Unis, une
    infime partie de la population américaine dévore sans vergogne une part croissante de la richesse nationale, transformant peu à peu le pays en oligarchie : 0,1 % des Américains possèdent à eux seuls la même portion du patrimoine national que… 90 % du reste de la population. Comment ce scandale est-il possible ? Surtout aux États-Unis qui, rappelle Zucman dans Le Triomphe de l’injustice, coécrit avec son collègue Emmanuel Saez, ont été pendant longtemps le pays le plus exigeant du monde en matière de fiscalité progressive (les riches y payaient proportionnellement plus que les pauvres) ? Il y a quelques mois, les deux « Frenchies » ont tapé dans l’œil d’Elizabeth Warren et de Bernie Sanders, les candidats les plus à gauche de la primaire démocrate. L’un et l’autre se sont appuyés sur leurs travaux pour inscrire dans leurs programmes une plateforme fiscale radicale – dans laquelle le fameux « 1 % » des plus fortunés se verrait lourdement taxé, comme il l’a été jusque dans les années 1970. « L’impôt, c’est le vol », disait Ronald Reagan il y a quarante ans. Ne pas payer les impôts que l’on doit, montre Zucman, est un hold-up bien plus grave, qui affecte directement la santé, la sécurité et l’éducation des plus pauvres. Et fragilise la démocratie.

    Si on regarde l’ensemble des prélèvements obligatoires américains, on voit que, peu ou prou, tous les groupes sociaux – classes populaires ou supérieures – payent entre 25 et 30 % de leurs revenus en impôts… sauf les milliardaires. Ces derniers ont un taux d’imposition effectif de 23 % ! C’est une rupture majeure dans l’histoire des États-Unis, longtemps à l’avant-garde avec leur système fiscal redistributif. Songez un peu que, dans l’après-guerre, le taux effectif d’imposition était supérieur à 50 % pour les plus fortunés et inférieur à 20 % pour le reste de la population. En 2018, pour la première fois depuis plus d’un siècle, les milliardaires américains ont, en proportion de leurs revenus, payé moins d’impôts que leur secrétaire !
    En quatre décennies, les inégalités sont devenues vertigineuses…
    Trois chiffres disent leur ampleur. En 1980, 1 % des plus hauts revenus captaient 10 % du revenu national ; aujourd’hui, ils en aspirent 20 %. Si on se concentre sur le patrimoine, on découvre que le top 0,1 % de la population américaine possède désormais 20 % du patrimoine national (contre 7 % en 1980). Autrement dit, la même chose que 90 % des Américains ! Il faut enfin savoir qu’en 1980 les classes populaires avaient en moyenne un revenu annuel de 18 000 dollars par an. À combien s’élève-t-il aujourd’hui ? 18 500 dollars. En quarante ans, les revenus de 122 millions d’Américains n’ont absolument pas augmenté alors que ceux des 1 % les plus riches explosaient.

    Comment les multimilliardaires font-ils pour payer moins d’impôts que leur secrétaire ?
    À la baisse du taux marginal supérieur d’imposition s’est ajouté depuis quarante ans un déclin général de l’imposition du capital sous toutes ses formes – dividendes, plus-values, profits des sociétés. Comme ces types de revenus bénéficient surtout aux riches, ce sont eux, et plus particulièrement les grands actionnaires de sociétés, qui ont profité de cette baisse. Mais deux autres choses expliquent l’explosion des inégalités : le boom de l’optimisation, ou plutôt de l’évasion fiscale, et le triomphe de la concurrence fiscale entre des pays. À partir des années 1980, le célèbre leitmotiv de Reagan à propos des impôts (« qui ne sont pas la solution à nos problèmes ; c’est le gouvernement, le problème ») a légitimé du jour au lendemain les montages fiscaux et l’évasion. Résultat : craignant que les riches s’en aillent, de nombreux gouvernements ont décidé de baisser leurs impôts. Un véritable engrenage.

    Google est une bonne illustration de cette évasion fiscale…
    En effet. Quelques mois avant d’être cotée sur le marché américain des actions, en 2003, l’entreprise a vendu sa propriété intellectuelle, et en particulier ses algorithmes autour de la publicité, à sa propre filiale localisée aux Bermudes. Pour avoir le droit d’utiliser ces algorithmes, les autres filiales de la firme, en Allemagne, en France, partout, doivent donc désormais payer des royalties à Google Bermudes. Ces redevances réduisent considérablement l’assiette fiscale de Google dans les pays où la fiscalité est « forte », et l’augmentent d’autant aux Bermudes où l’impôt sur les sociétés est… nul. En 2018, Google a déclaré sur l’île 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires, alors qu’il n’y exerce strictement aucune activité économique, juste des mouvements de bénéfices sur le papier. Ce type de montages n’est pas une fatalité : toute une industrie s’est construite pour aider les multinationales à les réaliser. Mais elle n’existe que parce que les gouvernements la tolèrent, et pourrait être régulée. Dans les lois fiscales américaines ou françaises, des clauses anti-abus soulignent en effet expressément que toutes les transactions qui n’ont pour finalité que d’économiser des impôts sont illégales. Le gouvernement américain pourrait attaquer Google. S’il ne le fait pas, c’est un choix politique.

    Il fut une époque où ne pas payer ses impôts quand on est un particulier riche ou une entreprise florissante aurait semblé honteux…
    Quand Franklin Roosevelt crée le système fiscal progressif, avec un taux marginal supérieur de 90 % et un impôt sur les sociétés de 50 %, il donne des ressources à l’administration fiscale pour effectuer des contrôles rigoureux. Mais surtout, il tente d’infléchir les normes sociales dans un sens « pro-impôts », soulignant dans ses allocutions radiophoniques qu’ils sont le prix à payer pour vivre dans une société civilisée, et s’attaquant aux grandes fortunes qui font de l’évasion fiscale. Les successeurs de Roosevelt poursuivront cette politique et le consentement à l’impôt sera largement acquis jusqu’à Ronald Reagan. Comme quoi, pour que l’impôt fonctionne, il faut que les normes sociales suivent.

    Pour quelqu’un comme Bill Gates, qu’est-ce que cet impôt changerait ?
    Appliqué sur trente ans, il ferait passer sa fortune de 97 milliards à 4 milliards de dollars – ce qui lui laisserait tout de même de quoi vivre.
    Il vous répondra qu’il veut bien donner sa fortune, mais à sa fondation, pas au gouvernement américain…
    La philanthropie pose plusieurs problèmes. D’abord, si vous additionnez les sommes que les milliardaires américains donnent aux œuvres de bienfaisance, vous constatez que, tous ensemble, ils ne se défont en réalité que de… 0,4 % de leur fortune chaque année. C’est beaucoup moins qu’un tout petit impôt sur la fortune. La philanthropie est aussi un déni de démocratie flagrant : Bill Gates ou Warren Buffett sont bien aimables, mais s’ils pensent qu’ils doivent décider seuls de la meilleure façon de lutter contre la pauvreté, autant revenir à l’Angleterre du xviiie siècle ! Dans une démocratie, c’est par la délibération collective, la levée d’impôts, les débats parlementaires et budgétaires, que ces questions sont tranchées. Le principe de base, c’est que la collectivité sait mieux qu’un petit groupe fortuné ce qui est bon pour l’ensemble du pays. Sinon, on vit dans une oligarchie.

    #Inégalités #Impôts #Gabriel_Zucman

  • Le Triomphe de l’#injustice. #Richesse, #évasion_fiscale et #démocratie

    Pour la première fois depuis plus d’un siècle, les milliardaires américains paient moins d’impôts, en proportion de leurs #revenus, que chacun des autres groupes sociaux.

    Écrit par deux économistes qui ont révolutionné l’étude des inégalités, ce livre présente une analyse au scalpel de cette grande transformation.

    Mêlant récit historique et analyse économique, #Emmanuel_Saez et #Gabriel_Zucman analysent les choix (et non-choix) qui ont conduit au triomphe de cette #injustice_fiscale, de l’exonération progressive des revenus du #capital au développement d’une nouvelle #industrie_de_l’évasion_fiscale, en passant par l’engrenage de la #concurrence_fiscale internationale. Avec clarté et concision, ils expliquent comment l’Amérique, qui a été à la pointe du combat pour la #justice_fiscale pendant la moitié du xxe siècle, a tourné le dos à sa propre tradition.

    Si l’on veut éviter que l’#Europe ne s’enfonce dans la dérive inégalitaire et oligarchique qui a amené Donald Trump au pouvoir, il y a urgence à tirer les leçons de cette histoire. Car même si ce phénomène a été extrême de l’autre côté de l’Atlantique, le déclin de la #progressivité_fiscale dans un contexte de montée des inégalités n‘est en rien spécifique aux États-Unis, et appelle des solutions globales.

    Le Triomphe de l’injustice propose une refondation de l’#impôt à la fois visionnaire et pragmatique, à même d’apporter des solutions concrètes aux défis inégalitaires contemporains et de réconcilier la #mondialisation et la #justice_économique.

    https://www.seuil.com/ouvrage/le-triomphe-de-l-injustice-emmanuel-saez/9782021412123
    #livre #économie #fiscalité #Etats-Unis #USA

  • Les #paradis_fiscaux : visite guidée. Entretien avec #Gabriel_Zucman

    Quelles sommes sont cachées dans les paradis fiscaux ? Par qui ? Et comment ? À l’aide d’une méthodologie originale et de données jusqu’alors sous-exploitées, Gabriel Zucman apporte une lumière nouvelle et crue sur ces problèmes, en espérant que cela puisse aider à améliorer la lutte contre les paradis fiscaux.

    https://laviedesidees.fr/Les-paradis-fiscaux-visite-guidee.html
    #données #chiffres #statistiques #paradis_fiscal #Suisse

    –-> Un article de 2011, mais toujours utile d’avoir sous la main