• #Nice. L’#Ordre_des_avocats attaque l’État pour obtenir des #gants, des #masques et du #gel_hydroalcoolique

    Me #Thierry_Troin, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Nice, a lancé une #procédure_d’urgence ce mercredi 15 avril devant le tribunal administratif de Nice. L’objectif est de demander une meilleure prise en charge sanitaire des métiers du droit par l’État.

    Une procédure d’urgence a été lancée, ce mercredi 15 avril, devant le tribunal administratif de Nice (Alpes-Maritimes). À l’initiative de cette action judiciaire, Me Thierry Troin, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Nice, estime que sa profession ne dispose pas de tous les moyens sanitaires pour exercer, rapporte Nice Matin.

    https://www.ouest-france.fr/provence-alpes-cote-dazur/nice-06000/nice-l-ordre-des-avocats-attaque-l-etat-pour-obtenir-des-gants-des-masq
    #justice #travail

  • A l’Ehpad des Quatre-Saisons, la vie et la mort au jour le jour
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/31/coronavirus-a-l-ehpad-des-quatre-saisons-la-vie-et-la-mort-au-jour-le-jour_6

    Les Quatre-Saisons, où vivent 65 résidents, fait partie des quelque 7 000 Ehpad que compte la France. Dans cette maison de retraite de Bagnolet, en banlieue proche de Paris, le quotidien a été totalement bouleversé, à partir de la mi-mars, par les mesures de protection contre le virus. Les visites étant interdites, récit de la vie confinée.

    Florence Aubenas, grande reporter au « Monde », a passé les onze premiers jours de confinement avec des personnes âgées à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la progression du coronavirus, le personnel tente de faire face.

    « Vous seriez en droit de m’engueuler »

    Mardi 17 mars, 1er jour de confinement. Le couple s’est planté sur le trottoir, juste devant la façade. Ils doivent avoir la cinquantaine, et c’est elle qui se met à crier la première, mains en porte-voix : « Maman, montre-toi, on est là ! » Aux fenêtres, rien ne bouge. Alors le mari vient en renfort, mimant une sérénade d’une belle voix fausse de baryton : « Je vous aime, je suis sous votre balcon ! » Un volet bouge. « Maman » apparaît derrière la vitre ; ses lèvres remuent, mais elle parle trop doucement pour qu’ils l’entendent. « Tu as vu ? Elle a mis sa robe de chambre bleue », constate madame. Puis ils ne disent plus rien, se tenant juste par les yeux, eux en bas et elle en haut, qui agite délicatement la main, façon reine d’Angleterre. Quand le couple finit par s’en aller, elle fait pivoter son fauteuil roulant pour les apercevoir le plus longtemps possible.

    Cela fait près d’une semaine que les visites des proches sont interdites aux Quatre-Saisons, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) public situé à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la pandémie, cette maison de retraite – un immeuble de trois étages construit dans les années 2000 – fonctionne désormais à huis clos, comme les 7 000 autres de France. Les animations extérieures – sophrologie, chorale, coiffeur ou pédicure – étaient déjà suspendues, mais le confinement général vient d’être déclaré de l’autre côté des portes aussi : plus de 60 millions de Français sont bouclés chez eux à travers le pays.

    Il est 11 heures aux Quatre-Saisons, la décision vient d’être prise de mettre maintenant les administratifs à distance. Même l’accueil sera fermé. « De toute façon, on n’accueille plus personne. » La gestionnaire remet son manteau, la responsable des ressources humaines aussi. Elles devraient déjà être parties, mais elles grappillent quelques instants encore. Sale impression d’abandonner le navire. Il faut presque les pousser dehors.

    Désert, le hall prend des sonorités de cathédrale. Réunion dans la salle à manger pour ceux qui vont se relayer auprès des 65 résidents : les soignants, la cuisine, l’entretien, la direction, soit une petite quarantaine de personnes par rotation. Au stade 3, le plus haut de la pandémie, un masque de protection est obligatoire en Ehpad. La raison est double : le coronavirus s’attaque aux voies respiratoires, et les personnes âgées sont les premières victimes.

    « Je ne vais pas vous mentir : je n’ai pas de quoi vous distribuer des masques. Il faudra se débrouiller sans », commence Laurent Garcia, cadre de santé et bras droit du directeur, Edouard Prono. Il lui en reste 200 en réserve, de quoi tenir trois jours s’il fallait appliquer les consignes. Lui-même n’en porte pas, le directeur non plus. Qui comprendrait que la hiérarchie soit seule à pouvoir s’équiper ? « Vous seriez en droit de m’engueuler. A votre place, je serais même tenté d’aller mettre le souk dans mon bureau », continue Laurent Garcia. On rit, tout paraît irréel. « Pas grave, M. Garcia », lâche l’une. Lui, désespéré : « Mais si c’est grave. »

    Tous ici se souviennent des gants, des masques ou du gel hydroalcoolique, royalement distribués à l’accueil il y a quinze jours à peine, comme par temps de grippe ou de gastro. C’était le début de la contagion sur le territoire français. Une ou deux soignantes s’étaient aventurées dans le bus avec leur masque. On les avait toisées comme des extraterrestres, elles l’avaient retiré avant la fin du trajet. « On nous expliquait que le risque était faible, on ne se rendait pas compte », explique Laurent Garcia. Lui venait de renouveler sa commande, 500 masques, histoire d’assurer. Début mars , coup de fil du fournisseur : l’Etat a préempté tout le stock , plus rien de disponible, priorité aux hôpitaux et à la région Grand-Est, la plus touchée. Pour les Ehpad, même réponse évasive à tous : « C’est en cours. » Une infirmière des Quatre-Saisons coupe net : « On voit bien ce qu’ils pensent. Là-bas, ce sont des vieux, ils ont déjà vécu. »

    Par la grande baie vitrée, les résidents regardent passer des familles à rollers, un monsieur qui porte un gâteau cérémonieusement. Les petits dealeurs du quartier font des slaloms en quad au bout de la rue. Plus loin, un match de foot commence au stade des Rigondes. Les premiers moments du confinement respirent l’insouciance candide d’un long dimanche ensoleillé.

    Dans les couloirs de l’Ehpad, Rosa, l’animatrice, tend par réflexe la main à tous ceux qu’elle rencontre. Le directeur sursaute : « Ne me touchez pas, Rosa. Pensez aux consignes, pas de contacts. » Elle : « Vous êtes sérieux, M. Prono ? » Rosa a du mal à se dire que c’est pour de vrai. La veille du confinement encore, elle faisait la queue dans un restaurant algérien bondé vers Ménilmontant et se noyait avec délice dans la cohue du marché de Romainville. « Nous sommes en guerre », a répété le président Emmanuel Macron, la veille, à la télévision. Dans la salle de pause, un agent d’entretien approuve : « C’est vrai, au Leclerc de Rosny-sous-Bois, les gens se battent ».

    « Le Désert des Tartares »

    Mercredi 18 mars, 2e jour de confinement. Pas un bruit ne sort du bureau d’Edouard Prono. Depuis le matin, il est en train d’essuyer un bombardement terrible, mais silencieux, venu de sa boîte mail. Un collègue fait savoir que 16 résidents sur 20 sont touchés par le virus dans son établissement. Près de Montpellier, ils sont 47 sur 86, 3 en sont morts. De leur côté, les pompes funèbres viennent d’envoyer une note détaillée sur les types de cercueil autorisés pendant la pandémie. Deux possibilités seulement : « l’hermétique, qui permet un enterrement classique, mais il n’y en aura pas forcément assez vu la demande ». Ou alors, « le modèle simple, destiné à la crémation ». Conseil aux Ehpad : commandez déjà vos housses mortuaires. « Vous en avez pris ? », se risque à demander Edouard Prono à la docteure Claire Bénichou, médecin-coordonnateur de l’établissement.

    Sur un forum professionnel, des vieux de la vieille échangent en boucle des messages, dans lesquels chacun assure n’avoir « jamais vu ça ». Edouard Prono traduit immédiatement : « On n’arrivera pas à accompagner tout le monde. » Lui, c’est un garçon timide et bien élevé, 34 ans, jeune comme beaucoup de directeurs d’Ehpad aujourd’hui. « Il y a une question de génération. Comment on fait quand on vient de sortir de l’école et qu’on se prend ça de plein fouet ? »

    La porte de son bureau s’entrouvre : Laurent Garcia, le cadre de santé, annonce que la pharmacie ne livrera pas les 15 litres de gel hydroalcoolique. La commande a été oubliée, et plus rien n’est disponible maintenant. Les gants ? Fini aussi, ou presque. D’heure en heure, les infos changent, ordres et contre-ordres se succèdent. Le ministère de la santé vient d’envoyer la troisième version de son guide méthodologique, très strict au départ, la doctrine officielle s’assouplit à mesure que les stocks fondent au niveau national. En Ehpad, les masques ne sont finalement plus obligatoires au stade 3 de la pandémie, sauf infection déclarée. « Bref, pas de masques, mais des housses mortuaires : vous voyez le message ? », s’étrangle Laurent Garcia.

    Assis à son bureau, très pâle et très droit, les mains sur le clavier de l’ordinateur, Edouard Prono se met à pleurer. « Excusez-moi, ça ne m’arrive jamais. » Les alertes de messages carillonnent l’une derrière l’autre sur son téléphone, mais il ne les entend plus. « On est dans Le Désert des Tartares, à attendre les mains nues que la catastrophe nous tombe dessus. »

    Au troisième étage, Mme X., 90 ans, vient de se mettre à tousser, un des symptômes les plus classiques du virus. L’accès à sa chambre est aussitôt limité. « On ne va pas se mentir : il faut se préparer à avoir des cas. Si ça vous stresse, je m’occuperai moi-même de Mme X. », annonce Laurent Garcia à l’équipe. Dans un coin, la télévision psalmodie le nombre de décès du jour, en France et à travers le monde. Zineb sent ses jambes se dérober. Elle doit s’asseoir : « Il faut déjà que je meure, moi qui n’ai jamais voyagé, jamais profité de la vie, même pas été à l’école. » Elle a 45 ans, elle est agent d’entretien. Mais déjà, elle se relève, son chariot cahote vers les chambres, dans un tintement de vaisselle. Par-dessus son épaule, elle lance à Stéphanie, son binôme : « Tu viens, ma bichette ? » Eternels oubliés d’un secteur médical lui-même en crise, les Ehpad ont toujours manqué de tout – personnel, salaires, budgets. « On est habitués à passer derrière, à prendre sur nous. »

    Dans la salle à manger, les résidents attaquent la paella. « Et mon verre de rouge ? Marre de cette baraque, marre de ce putain de virus », tonne Daniel, bretelles noires tendues sur le ventre. Un serpent tatoué ondoie sur son avant-bras gauche, Brigitte Bardot croise haut les jambes sur le mur de sa chambre, sous un drapeau tricolore souligné d’un « Vive la France ». Ça se met à chahuter. « M. Daniel est volontiers grossier, mais il faut reconnaître qu’il met de l’ambiance », commentent poliment deux dames très sages à la table d’à côté. Charlotte attaque le yaourt : « Un virus ? Ah bon ? Je l’ai pas vu passer. » Ici, elle mange à sa faim, et son mari, « un fêlé, du genre qui cognait », a enfin disparu du paysage. Maintenant, elle se sent tranquille. Un ange passe avant que Charlotte relance, faisant rouler son accent des faubourgs : « Trop tranquille, même. » Sa voisine hausse les épaules. « Moi, j’ai été privée de jeunesse avec la guerre. Alors, je vais pas me laisser piquer ma vieillesse par un virus. » Sous l’auvent de l’entrée, Laurent Garcia allume une cigarette. « Je crois que, ce soir, je vais prendre quelque chose pour dormir. Un whisky, peut être. »

    « Ni complotiste, ni franc-maçon »

    Jeudi 19 mars, 3e jour de confinement. « Bonjour, je ne suis ni complotiste, ni franc-maçon », annonce un petit bonhomme filmé en gros plan dans son salon. Sur une vidéo, il promet de prouver « par A plus B » que le coronavirus a été volontairement créé par des chercheurs français. Ça dure vingt-deux minutes, et l’infirmier de service aux Quatre-Saisons se repasse une nouvelle fois la démonstration sur son portable. Le monde scientifique l’a unanimement dénoncé comme la « fake news » en vogue du confinement. Mais l’infirmier ne croit plus les discours officiels. « On saura la vérité un jour, dans vingt ou trente ans. » Si ça se trouve, un antidote a déjà été mis au point. Il l’envisage. « Mais on ne nous le donne pas. » Pourquoi ? Sourire entendu, hochement de tête. « Faites fonctionner votre cerveau. » Il regarde sa montre. Bientôt la distribution de médicaments.

    Dans les couloirs, des rumeurs et des doutes ont commencé à s’insinuer doucement. Un chauffeur à la retraite feuillette le bulletin des anciens d’Algérie. « De toute façon, on ne nous dit pas la vérité. C’est le problème en France. » Son regard plonge dans la rue. En deux jours, elle s’est vidée. Une voiture passe au ralenti, un homme en costume seul au volant, mais affublé d’un masque et de gants comme pour se protéger de lui-même. Sur les trottoirs, personne, à l’exception des petits dealeurs, plus discrets sous les porches mais en panoplie intégrale de bloc opératoire. L’un s’est rajouté un flacon de gel hydroalcoolique à la ceinture. L’autre manie une béquille, « par solidarité avec les malades du corona », dit-il mystérieusement. Le troisième tient un chiot en laisse, en cas de contrôle de police. Un copain le lui a loué. La bête a été baptisée « #Attestation ».

    « En fait, il n’y a que nous à ne pas avoir de matériel », dit Laurent Garcia, le cadre de santé. Il doit passer chercher trois tubes d’aloe vera chez sa cousine pour fabriquer du gel dans la cave des Quatre-Saisons. Francis, le responsable maintenance, s’en chargera après la panne d’ascenseur et avant le coup de main en cuisine. Le commis aussi a arrêté de venir.

    « Vous avez combien de morts chez vous ? »

    Vendredi 20 mars, 4e jour de confinement. Dans une aile du bâtiment, Zineb et Stéphanie, agents de service, aménagent une zone fermée en cas de propagation, de grandes chambres où la lumière se déverse à flot. En nettoyant les tiroirs, un papier oublié leur tombe sous la main, au nom d’un résident, décédé l’été dernier. Soupir. « C’était avant, du temps où on mourait encore d’autre chose. »

    Plus la pandémie progresse, plus elle paraît mystérieuse. « On avance dans le brouillard », signalent les échanges entre médecins. La liste des premiers symptômes n’en finit pas de s’allonger : diarrhée, confusion, chutes inhabituelles ou rhinites sont désormais répertoriées comme des signes possibles avant que se déclenchent les problèmes respiratoires et la fièvre, caractéristiques d’une infection due au coronavirus. « Mais, dans un Ehpad, presque tous les résidents présentent au moins un de ces symptômes », s’alarme Karim, un infirmier.

    A faire le tour des chambres, le Covid-19 semble maintenant à chaque chevet. Des chiffres ont commencé à circuler en sous-main, d’autant plus alarmants qu’ils sont impossibles à vérifier : 170 Ehpad seraient touchés sur les 700 en région parisienne. « Vous avez combien de morts chez vous ? », demande un journaliste au téléphone.

    « Ça y est, la vague arrive : la semaine prochaine va être terrible », se dit Edouard Prono. Aux Quatre-Saisons, onze personnes sont préventivement placées à l’isolement, après avis de la docteure Bénichou. Une résidente regarde la feuille rose sur sa porte, qui décrète l’accès très restreint à sa chambre. « Le directeur est venu la coller en personne. Je ne me fais pas d’illusions. Je me suis condamnée moi-même. »

    Désormais, un seul soignant dans chaque équipe prendra en charge ces 11 résidents-là, afin de limiter les contacts. Qui s’en chargera parmi les soignants ? Passe un frisson. « Marie-Jeanne, j’ai pensé à vous », ose Laurent Garcia. Marie-Jeanne secoue la tête, lentement, et la mèche blonde de sa perruque balaie son visage en mesure. « Non, je le ferai pas », elle dit. Il y a quelques mois, des punaises de lit avaient envahi 25 chambres de l’Ehpad, notamment à l’étage dont elle s’occupe. Marie-Jeanne se revoit un dimanche à la messe, quand elle avait ouvert sa bible : des insectes s’étaient échappés d’entre les pages. Elle avait affronté la honte, les reproches de la famille – même ceux restés à Kinshasa –, la peur que l’école ou les voisins l’apprennent. « Non », répète Marie-Jeanne.

    La main d’Ephline se lève : « Moi je peux. » Ephline avait la vocation des chiffres, une formation de comptable pour travailler dans un cabinet juridique. Quand elle cherchait du travail dans son secteur, elle précisait toujours au téléphone : « Je suis noire. » Il y a vingt-cinq ans, « les gens refusaient carrément, on avait du mal à trouver des Noirs dans les bureaux. On me conseille souvent de ne pas le dire, mais c’est vrai ». Elle a fini par suivre Mylène, sa sœur, aide-soignante aux Quatre-Saisons.

    Dans l’autre équipe, c’est d’ailleurs Mylène qui s’est portée volontaire pour s’occuper des 11 « isolés ». Les deux sœurs se relaieront donc en tandem, affaire conclue sans une parole, ni entre elles, ni avec les autres. « Normal, ça ne pouvait être que nous », explique Mylène. Dans ce petit Ehpad familial, chacun sait tout des autres, les vies sont aussi transparentes que l’aquarium à l’entrée. Les deux sœurs ont des enfants déjà grands, elles sont les plus âgées du groupe, 47 et 49 ans. Or, une question obsède les salles de pause : les gamins. Les médecins ont beau se montrer rassurants sur la capacité des jeunes à résister au coronavirus, la méfiance domine. « Est-ce qu’on nous dit vraiment tout ? Qui s’occupera des petits au cas où ? »

    A la réunion, Taoufik, un aide-soignant, alpague une des deux sœurs. La gratitude le transporte : « Je te jure, si j’avais un masque, je te le donnerais. » Laurent Garcia s’est assis. Il y a des histoires qui le cassent en deux, celle des masques en est une. Il ne cherche pas à s’en cacher. Gorge étranglée, il lance : « Pardon, pardon. Et merci d’être là, je vous aime. Vous avez des questions ? » Une voix féminine se risque : « Est-ce qu’on va augmenter les salaires, surtout pour celles qui vont faire ça ? On est courageuses, tout de même. » Laurent Garcia ne répond pas. La tête dans la main, il s’est endormi sur sa chaise.

    Il est 15 h 30. Dans la salle à manger, Rosa commence l’animation de l’après-midi pour les résidents. C’est la dernière avant un nouveau confinement dans le confinement. Comme beaucoup d’Ehpad, les Quatre-Saisons ont dû s’y résoudre : les regroupements de résidents aussi vont être suspendus, y compris pour les repas, que chacun prendra désormais dans sa chambre. Pour combien de temps ? On ne sait pas. L’infirmier-stagiaire lance la musique, un vieux succès de La Compagnie créole, tandis que Rosa, en blouse rouge éclatante, un minuscule chignon piqué sur la nuque, se met à danser en saisissant le micro : « On y va, tout le monde chante avec moi. » Alors, d’un parterre de fauteuils roulants et de déambulateurs s’élève un chœur de voix frêles, certaines ne tenant que par un fil, mais toutes reprenant comme un cantique : « C’est bon pour le moral, c’est bon pour le moral… »

    « Au revoir, madame »

    Samedi 21 mars, 5e jour de confinement. Dans le hall de l’Ehpad, deux employés des Pompes funèbres ont étalé leur tenue : combinaison, trois paires de gants, charlotte, protège-pieds, lunettes. « T’es sûr qu’on n’oublie rien ? » Ils commencent à se harnacher, minutieusement, quand l’un s’arrête soudain, doigt pointé vers un personnel de l’Ehpad : « Vous ne portez pas de masque ?

    – On n’en a pas. »

    Sous sa charlotte, l’employé n’en croit pas ses oreilles : « Mais vous êtes un secteur à risque, avec des personnes âgées.

    – On n’en a pas », répète l’autre.

    L’employé insiste : « Moi, si j’ai pas au moins un masque, je le fais pas. Et c’est tout le monde pareil chez nous. »

    Aux Quatre-Saisons, une résidente est morte dans la nuit.

    Son état avait commencé à inquiéter une semaine plus tôt, mais les urgences avaient refusé de l’accueillir : elle n’entrait pas dans les critères instaurés avec la crise. Le médecin avait promis de passer vers minuit. Sur le coup de 4 heures du matin, toujours personne. Panique à l’Ehpad. La résidente est finalement transférée au petit jour. Un test de dépistage du Covid-19 est demandé par l’équipe des Quatre-Saisons. Réponse : « Ici, on ne teste pas, on applique la politique de l’autruche. » Qui leur en voudrait ? L’hôpital craque, qui ne le sait pas, services à bout, des lits rajoutés partout, y compris dans les couloirs, visites interdites, sauf quinze minutes parfois chez les malades en fin de vie. On espère qu’une clinique privée pourra accueillir certains convalescents pour éviter l’explosion. Finalement, le test est accordé : négatif. Selon le vœu de ses enfants, la résidente est rapatriée à l’Ehpad, où une disposition spéciale les autorise à passer du temps avec elle.

    Il est 10 heures quand le cercueil sort des Quatre-Saisons. A la fenêtre du premier étage, deux femmes regardent la scène.

    « Vous avez vu la tenue des employés ? On dirait des cosmonautes.

    – J’ai l’impression de ne rien reconnaître, comme si on était maintenant dans un pays étranger. »

    Le cercueil est chargé sur le corbillard.

    « Moi, j’ai 87 ans. Je m’en fiche de mourir du corona ou d’autre chose. Et vous ?

    – Je voudrais être enterrée dans le Jura, mais est-ce que j’aurais le droit avec cette histoire-là ? Dans le doute, je préfère attendre un peu. »

    Le convoi démarre.

    « Regardez, elle s’en va. Ça me fait quelque chose quand même.

    – Au revoir, madame. »

    « Tu l’as eu où, ton masque ? »

    Dimanche 22 mars, 6e jour de confinement. Ça y est, Myriam aura été la première à l’avoir. Elle vient d’arriver au boulot le visage barré d’un masque, un FFP2, plus protecteur encore que le modèle classique, généralement utilisé dans les Ehpad. Son mari lui a acheté au pied de l’immeuble, dans leur cité à Bagnolet, 50 euros la boîte de 20. L’infirmier de permanence esquisse une moue d’expert : « Pas excessif, le prix. » Il valait 1 euro pièce en pharmacie avant le coronavirus. D’un même mouvement, les collègues se penchent vers Myriam pour scruter la merveille de plus près. Ses yeux roulent comme des billes par-dessus le FFP2. Ici, le masque est devenu le symbole de la crise sanitaire : en avoir ou pas. « Aujourd’hui, si tu poses ton portable et ton masque, on te vole ton masque », lance quelqu’un.

    Myriam l’admet : « Je suis une meuf qui fait beaucoup d’arrêts maladie. » Quatre gamins pas bien grands, la maison à faire tourner, la vie, tout simplement. Mais, en ce moment, elle se découvre une énergie inépuisable pour partir au boulot. Il y a cette envie d’être là, tout le temps, l’adrénaline qui monte en traversant la ville déserte, l’impression que son boulot d’agent d’entretien a pris une autre dimension. Chez elle, les rôles se sont inversés avec le confinement : son mari reste à la maison et elle file travailler. L’autre jour, il s’est retrouvé à baigner les enfants, pour la première fois de sa vie. En douce, il pousse les petits à la supplier : « Maman, reste avec nous ! »

    Son portable sonne. C’est lui, le premier coup de fil de l’interminable série qu’ils échangent pendant la journée. « Tu ne lâches pas l’affaire ? », demande le mari. Elle se marre. « Arrête de psychoter. Comment les autres vont faire si je ne viens pas ? » Lui : « T’as mis ton masque au moins ? »

    Dans les étages, c’est l’heure du café au lait, des tartines beurrées et du jus d’orange. Non, pas de jus d’orange, la livraison n’a pas eu lieu. Manque aussi la charcuterie, dont M. Daniel raffole au petit-déjeuner. Il jaillit de sa chambre, en marcel et bretelles. « Qu’est-ce qui nous reste comme plaisir ? Donnez-moi un flingue directement, j’ai hâte de crever pour ne plus vous voir ! » Une résidente arpente le couloir en chemise de nuit, répétant toujours, sur la même note : « Maman, j’ai peur, il va me battre. » Derrière son FFP2, Myriam l’attrape par le bras, s’époumonant pour se faire entendre. « Qui va vous battre, ma chérie ? Montrez-le-moi et je le défonce. » Elle tombe nez à nez avec une collègue portant un masque, elle aussi. Moment de saisissement. Toutes les deux s’exclament en même temps : « Tu l’as eu où ? » La collègue fait des manières pour donner le prix. « Je ne peux pas le dire, c’est un cadeau de mon fils. Je le mets pour lui. » M. Prono, le directeur, s’en mêle. « Je vois des masques, mesdames ? Si vous avez un filon, n’hésitez pas à me le dire. »

    Rosa, qui n’est pas de service, est venue quand même après le marché de Romainville. Poches pleines de mandarines qu’elle distribue dans les chambres : les prix ont doublé après une semaine de confinement. Seuls trois vendeurs avaient dressé leur étal. « Ça dure toujours, cette histoire de virus ? », demande un homme, allongé sur son lit.

    Depuis le passage des Pompes funèbres, la rumeur s’est répandue d’un décès aux Quatre-Saisons. Les familles appellent, l’une derrière l’autre. « Le corona est là ? » Rosa, à pleine voix dans le combiné : « Non, non, on n’a pas de cas chez nous. »

    Un fils insiste : « Y a un problème ? Ma mère va bien ? Pourquoi vous criez ?

    – C’est l’habitude de parler fort aux résidents, monsieur. Maintenant, je parle comme ça même chez moi. »

    Dans le petit jardin de l’établissement – quelques massifs que surplombent les HLM voisins –, des filles fument, d’autres discutent. Myriam attend le moment pour appeler son mari. Elle lui dira : « Prépare-toi, j’arrive. » Et ce sera la même scène que tous les autres soirs. Elle ouvrira la porte et lancera aux enfants : « Mettez les mains devant vos yeux. » Puis, dès l’entrée, elle enlèvera ses habits, très vite, pour ne contaminer personne et courra toute nue vers la douche. Le portable sonne. C’est lui.

    « T’as entendu ?, demande le mari.

    – Quoi ? »

    Un urgentiste de Compiègne vient de mourir, le premier hospitalier à succomber. Grace écrase sa cigarette. Voix glacée. « Hier, ça touchait la Chine, aujourd’hui, nos collègues. Ça y est, le virus vient sur nous. »

    « Si elle l’a, je l’ai »

    Lundi 23 mars, 7e jour de confinement. Accroupie près de l’ascenseur, Sihem répare le déambulateur de Mme Dupont. Une toux secoue la vieille dame, et Sihem sent quelques postillons lui tomber sur le visage. « Cette fois, c’est fait, elle pense. Si elle l’a, je l’ai. » Sihem se relève. Se ressaisir. Empêcher le film catastrophe de lui envahir la tête. Continuer la tournée du matin en se disant : « On est l’armée, il y a une guerre, il faut être courageuse. »

    A l’étage, elle croise Tiana. L’infirmière regarde son thermomètre. « Attention, Mme Dupont est en train de faire un pic de fièvre à 39, 1 °C. » Sihem se sent vaciller. Même quand elle dort, sa tête reste ici, à l’Ehpad, depuis le confinement. Elle se demande : « Qui est malade ? Qui ne l’est pas ? Comment le savoir quand on entre dans une chambre ? » Les Ehpad n’ont droit qu’à trois dépistages pour les résidents, et aucun n’a été réalisé aux Qautres-Saisons, après avis de la docteure Claire Benichou et d’un infectiologue.

    Dans le hall, Arnaud Dubédat, le médecin de Mme Dupont, arrête Sihem.

    « Vous savez qui s’est occupé d’elle aujourd’hui ?

    – Moi.

    – Vous avez quel âge ?

    – 37 ans.

    – Des enfants ?

    – Une fille de 12 ans. »

    A la pensée de la petite merveille, quelque chose se gonfle dans la poitrine de Sihem. Elle la revoit la veille, quand elle lui avait proposé de descendre la poubelle. L’enfant avait voulu se coiffer, s’habiller, tout excitée à la simple idée de mettre le nez dehors. C’était sa première sortie en une semaine. Sihem ne veut prendre aucun risque. Sa propre mère est morte quand elle était petite. Sa hantise serait que sa fille vive la même situation.

    Le médecin la regarde. « Je vais vous dire la vérité : Mme Dupont a peut-être des symptômes du Covid-19. »

    Il est 14 heures quand deux soignantes sont envoyées pour se faire dépister. Toux, fièvres, fatigue intense. Le test a lieu dans un labo à côté, un fauteuil planté sur un coin de parking derrière des draps tendus. Un infirmier des Quatre-Saisons vient déjà d’y passer. Pas de réponse avant trois jours, le circuit est engorgé. Sihem demande à passer le test aussi, mais, là encore, le matériel manque. Il faut déjà présenter des symptômes pour avoir droit au dépistage. Pourtant indispensable auprès des résidents, le personnel d’entretien en a d’abord été exclu : il a fallu la protestation de plusieurs médecins, dont la docteure Bénichou, pour qu’il finisse par en bénéficier.

    Au bout de la rue, les petits dealeurs ont disparu. Rupture de stock, la marchandise n’arrive plus.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ? »

    Mardi 24 mars, 8e jour de confinement. Il faut un certain temps pour comprendre à quoi tient le silence qui règne dans les étages. En fait, les télés sont éteintes, toutes ou presque. Il n’y a plus que M. Daniel encore planté devant Premier Baisers, sa série préférée, les tribulations amoureuses d’une bande de lycéens. « Pourquoi pas ? Voir des petits jeunes, ça fait du bien dans ce mouroir. » Les autres résidents ont coupé l’image et le son, malgré les mesures d’isolement. « Ça ne parle que de morts, j’en peux plus du virus », dit une infirmière à la retraite.

    Dans sa chambre, Mme X. regarde son plateau-repas sans comprendre. C’est la première à avoir été isolée. « Qu’est-ce que je dois faire ? », elle demande. Elle prend la fourchette, la repose, perdue, repères qui semblent s’effacer un à un à force de solitude. Selon Hervé, le cuistot, les résidents mangent moitié moins depuis le confinement. « Si ça continue, il faudra peut-être permettre à certains proches de venir », suggère Lorette, la psychologue.

    Elle passe de chambre en chambre.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ?

    – Je ne sais pas si je vais trouver quelque chose à lui dire, c’est flou. Dites-lui que je ne suis pas maltraitée. »

    Une soignante commence les toilettes. Quel jour on est ? Elle n’arrive pas à le dire. Même pour l’équipe, le calendrier commence à se mélanger, temps en apesanteur que ne rythment plus l’école ou les activités. Les magasins autorisés ouvrent et ferment à leur guise. « Chaque minute est devenue un combat, dit la soignante. J’ai du mal à voir plus loin. »

    A la réunion du matin, Tiana l’infirmière ouvre le bal : « Je ne vous le cache pas, j’ai pleuré avant de venir. » Sara vient d’arriver, déposée en voiture par son fils. « Il ne veut pas que je me mette à côté de lui. Il me fait monter derrière comme une chienne. J’ai honte. » Elle est agent d’entretien, 56 ans. Pour la première fois depuis son mariage, son mari a appelé sa mère : « Votre fille préfère son travail à moi. » Lui est vigile, il devient fou à force de rester à la maison. Tous les soirs, il répète : « Tu vas me ramener le virus et on est dans le même lit. » Lui, le confiné, se réveille la nuit, secoué de toux. C’est nerveux, assure le médecin. Une autre dort sur le canapé. Chez une vacataire, un traversin sépare en deux le matelas conjugal. « Chez moi, on me traite comme une pestiférée. » Sa mère l’appelle tous les soirs pour la supplier de se mettre en arrêt maladie. Elle n’est pas sûre de pouvoir continuer à venir. « Je vous en demande beaucoup, vous pouvez me détester, explique Laurent Garcia. Personne ne vous en voudra si vous restez chez vous. Mais je vous en supplie, pour les résidents et les collègues, ne me prévenez pas au dernier moment. » Dans le hall, une banderole a été tendue et l’équipe pose derrière : « Merci à nos familles de nous laisser sortir. »

    « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    Mercredi 25 mars, 9e jour de confinement. Pour rien au monde, Martine ne raterait le rendez-vous de 20 heures, quand les Français se mettent aux balcons pour applaudir ensemble le personnel de santé. Elle en a fait une fête avec ses filles, chacune se remaquille pour apparaître au mieux devant les voisins. Cette fois, un type l’a alpaguée à travers la chaussée, celui qui habite le pavillon en face et conduit une Volvo. « Dites-moi, vous ne seriez pas infirmière ou quelque chose comme ça ? » Martine a rougi. « Je suis aide-soignante. » Elle a encore baissé d’un ton pour préciser qu’elle travaille en Ehpad, aux Quatre-saisons, à Bagnolet. Quand le type a applaudi plus fort, en la regardant droit dans les yeux et en criant « Bravo ! », Martine a cru qu’il se moquait d’elle. Pas du tout. « C’est vous aussi qu’on remercie tous les soirs », a précisé le voisin. Elle n’y avait jamais pensé. Elle n’aurait pas osé. En général, ceux des Ehpad se trimballent une image de sous-soignants par rapport aux hôpitaux, où se ferait la « vraie » médecine. « Toi, tu torches le cul des vieux », a rigolé un jour une copine. Martine a l’habitude, à force. Elle dit même qu’elle s’en fout. A 20 h 5, en refermant la fenêtre, elle a demandé à sa grande fille : « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes »

    Jeudi 26 mars, 10e jour de confinement. Le gel hydroalcoolique vient d’être livré, les 15 litres à 130 euros au lieu de 75, de quoi tenir une semaine. En revanche, plus un thermomètre sur le marché. Mais la grande nouvelle est venue de M. Prono, le directeur. « A 14 heures, je vais récupérer une dotation de 350 masques. Désormais, on en aura toutes les semaines. » Il a lâché l’info à sa manière, voix contenue, l’air de ne pas y toucher, comme si c’était tout à fait normal. La docteure Bénichou et Laurent Garcia ont attendu de voir la caisse sur la table pour le croire.

    A 16 h 30 commence la première réunion où toute l’équipe porte un masque. Il y en aura deux par jour pour le personnel d’entretien et trois pour les soignants. Dommage que les embrassades soient interdites.

    Et puis, d’un coup, l’ambiance vire au tragique. Les résultats des dépistages viennent d’arriver : deux des collègues sur trois ont été testés positifs, les premiers aux Quatre-Saisons. Les yeux bougent par-dessus les masques, à toute vitesse, chacun se cherche du regard. On discute entre soi, à voix basse.

    « Tu vas le dire à ton mari ?

    – Je suis pas sûre.

    – Tu crois qu’on est obligée ?

    – En tout cas, on a franchi une étape. Qu’est-ce qui va se passer ? »

    Rosa, l’animatrice, se lève : « Je n’avais pas peur, mais oui, je vais le dire : maintenant, j’ai peur. » D’ailleurs, elle ne se sent pas très bien. « Vous me voyez ? Je pèse 90 kilos, mais j’ai une petite santé, en fait. » A bien y réfléchir, elle cumule même tous les signes du virus. La voilà qui se palpe le ventre, la tête, la gorge. « Arrêtez, Rosa : ce n’est pas la première fois que vous nous annoncez votre mort », plaisante Laurent Garcia, alias l’ambianceur – c’est son surnom depuis qu’il a abandonné sa blouse d’infirmier pour devenir cadre de santé, il y a douze ans. Lui aussi, comme tout le monde, a eu son petit coup de fatigue, un peu plus tôt dans la journée. D’une voix mourante, il a demandé à l’infirmière : « Vous pouvez me prendre ma température, s’il vous plaît ? » 36,4 °C. Retour du sourire. « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes. » Une aide-soignante le coupe. « Jurez-nous quelque chose, M. Garcia : chaque fois que quelqu’un sera touché, vous nous le direz ? »

    « Dommage, ma famille ne pourra pas venir »

    Vendredi 27 mars, 11e jour de confinement. Dans sa chambre, une résidente a mis ses photos sur ses genoux et, un à un, elle caresse les visages. Les moments lui reviennent, les mariages et les drames, la guerre aussi. Et alors ? Ils vivaient les uns avec les autres, tous ensemble. « Ne quittez pas votre chambre, vous êtes à l’isolement », lui a recommandé la soignante chargée de son étage. La résidente a pris un air penaud : « Dommage, ma famille ne pourra pas venir. » La soignante n’a rien dit. Toutes les deux savent très bien qu’elle n’a jamais aucune visite. La résidente se lève de son fauteuil. Elle monte dans l’ascenseur. Personne dans le hall en bas. Quelques pas seulement la séparent de la porte vitrée qui ouvre sur la rue. Si elle sortait ? Coups d’œil sur le trottoir. Désert aussi. C’est vrai, elle s’en souvient maintenant, la France entière est confinée. Elle l’a vu aux infos. De l’autre coté de la fenêtre, elle aperçoit une femme qui se hâte de rentrer. Une pensée lui traverse l’esprit. Et si tout le pays était devenu un gigantesque Ehpad, chacun chez soi, interdiction de sortir, rien à faire sauf manger ? Et elle se met à rire, comme elle n’avait pas ri depuis une éternité.

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    #vieux #Ehpad #société_d'abandon #le_travail_tue #masque_de_protection #gants #isolement #housses_mortuaires #soignantes #soignants #agents_d'entretien #premiers_de_corvée #Noirs #Arabes #soin #Soins_palliatifs #courage #torcher_le cul_des_vieux #in_retrospect

  • Imogen Heap : NPR Music Tiny Desk Concert
    https://www.youtube.com/watch?v=3QtklTXbKUQ

    à partir de 9’10" la chanteuse ingénieure présente les #gants et le logiciel Glover qu’elle a créés. Cyber super.

    #chant #musique #beau

    on peut acheter les gants sur https://mimugloves.com à partir d’août 2019 pour 3000$ (mais tout est déjà vendu, argl)

    plus d’infos et de vidéos
    https://www.engadget.com/2019/04/26/mi-mu-imogen-heap-musical-gloves-price-launch-date
    https://www.youtube.com/results?search_query=mimugloves

  • J – 168 : Fuocoammare de Giafranco Rosi est un film virtuose, c’est admirablement filmé, c’est monté d’une façon extrêmement précise et avec un rythme lent magnifique, c’est un film intelligent, les images sont souvent très bien composées, poétiques pour certaines, et pleines d’une suggestion remarquable, ainsi le petit garçon de douze ans, originaire de l’île, souffre d’un mal qui porte le nom d’œil paresseux - quelle métaphore ! - et c’est un film documentaire qui se situe résolument à l’extrême frontière du genre, un pas de plus dans cette direction et le film devient une fiction. Sauf que je me demande si ce point fusionnel entre les deux genres n’entre pas de plain-pied dans le domaine de l’art, non sans avoir survolé les territoires de l’esthétique.

    Or, voilà qui est problématique.

    Dans un film de fiction on peut très bien demander à quelques figurants de faire les morts ou encore à des acteurs de feindre le trépas. En y réfléchissant bien ce doit même être l’essentiel de la production fictionnelle de cinéma : il y a des morts, mais c’est un contrat tacite et implicite entre le réalisateur et le spectateur, personne, en dehors des accidents de tournage, ne meure vraiment.
    Dans un film documentaire, on peut aussi, avec un minimum de discernement, filmer des morts, mais cela reste quelque chose de périlleux, par exemple, dans Nuit et Brouillard , Alain Resnais produit un plan très ambigu où l’on voit un engin mécanique pousser une brassée de cadavres faméliques, et nus, vers une fosse commune au moment de la libération des camps : qui étaient ces personnes dont tout ce qu’il restera à la postérité, finalement, c’est cette image destinée à marquer les esprits, appuyée, qui plus est, par le commentaire lyrique de Jean Cayrol — une horreur —, c’est comme si toute l’existence de ces personnes était cantonnée à un effet cinématographique. Shoah de Claude Lanzmann et S21 de Rithy Pahn sont des documentaires qui traitent de génocides et donc de morts nombreux, mais les morts n’y sont pas filmés, dans S21 , c’est même l’absence de ces derniers qui est filmée, les anciens tortionnaires du camp miment les mauvais traitements qu’ils infligeaient aux détenus, le corps de la victime n’est plus là, il est absent.

    Or, se servir de l’image de la dépouille d’Autrui pour l’incorporer dans une œuvre d’art revient à annexer l’Autre, en faire un objet, ce qu’il n’est pas, ce qu’il ne sera jamais, ce qu’il ne devra jamais être, qui plus est pour servir un but personnel, ici esthétique, rendre plus percutantes des images qui ne manquaient par ailleurs pas de force et certainement pas d’esthétisme, souci d’un traitement esthétique de la lumière, fortes sous-expositions pour dramatiser les scènes nocturnes et saturer les couleurs, cadrages adroits, admirablement composés, tels des tableaux bien souvent.

    Certes ce n’est pas l’obscénité d’un Aï Wei Wei ( https://seenthis.net/messages/461146 ) qui se met en scène dans la pose du cadavre du petit Eylan sur les côtes Turques, ou encore qui pare les colonnes doriques de je ne sais quelle institution culturelle allemande de gilets de sauvetage, mais c’est un pas résolu dans cette direction, dans celle de l’usage que l’on fait de la dépouille de son prochain pour servir une cause personnelle que l’on estime, finalement, supérieure.

    Dans le cas de cette projection au Kosmos de Fontenay-sous-Bois, le film était suivi d’un débat animé par quelques personnes d’Amnesty International et de Maryline Baumard. Je me pose la question de la pertinence de cette saisie d’un tel film tel un étendard pour une organisation non gouvernementale, il me semble que c’est au mieux, improductif, quant à Maryline Baumard du Monde , non contente d’avoir tenu un blog récemment en accompagnant un navire de sauvetage des réfugiés ( https://seenthis.net/messages/506345 ), dans lequel un ton trépidant donne à lire le reportage d’une nouvelle aventure , celle nécessairement bien fondée du sauvetage, assure donc le service après-vente d’une entreprise, Fuocoammare de Giafranco Rosi, aussi fautive que la sienne qu’elle concluait lyrique et triomphante au printemps 2016 : on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas … sauf que cela fait, hélas, très longtemps que l’on sait. J’ai donc efficacement résisté à ne pas participer au débat après le film pour ne pas créer de scandale dans le cinéma de mon ami Nicolas, mais il y a des limites.

    Au premier rang, pendant tout le film, les commentaires pas vraiment mezzo voce de cette dame ont résonné, ah oui, ça c’était comme tel ou tel jour ... de son reportage infâme. Cette insistance à vouloir en être, à le faire savoir, comment dire en évitant la grossièreté ?, est d’une telle obscénité anti éthique. La même, en voiture, à la sortie de je ne sais quelle porte du boulevard périphérique, remonte son carreau devant des mendiants brandissant des pancartes Syrian families au motif que l’on voit bien que ce sont des Rroms sans doute.

    J’ai le souvenir prégnant, en 1994, si mes souvenirs sont bons, de voir Bernard-Henri Lévy écarter du bras un Bosniaque d’une tribune où il était venu témoigner du siège de Sarajevo, pour pouvoir prendre la parole.

    Exercice #33, #34 et # 35 de Henry Carroll : #33 Prenez une photographie de vous en train de faire semblant d’être quelqu’un d’autre, # 34 Prenez une photographie de vous en train de faire semblant d’être vous-même et # 35 Prenez une photographie de vous en train d’être vous même.

    #qui_ca

    • #Fuocoammare... longue discussion avec une amie et @albertocampiphoto sur ce film...
      En clé post-coloniale ce film est très problématique... C’est la reproduction des mêmes images, toujours les mêmes... Rosi montre des arrivées d’une #masse_anonyme de #corps #noirs (#mythe/#préjugé de l’#invasion), des #blancs avec #masques et #gants qui les « accueillent »...
      Les gens du village, dont le petit gamin à l’oeil paresseux, qui paraissent avec nom et prénom dans les #génériques, comme si c’était des acteurs, mais pas un seul migrant a l’honneur d’avoir son nom qui défile dans les génériques...
      Aucune contextualisation politique. Alors que ce film se veut un documentaire. Aucune dénonciation, même pas subtile, des politiques migratoires européennes. La seule information qui est donnée, celle des morts en Méditerranée en ouverture du film, n’est pas correcte, un chiffre décidément sous-estimé (je me demande bien où il a sorti ce chiffre, le réalisateur)...
      Réalisateur qui, présent à une projection à Genève, confond allégrement Mare Nostrum, avec Frontex et avec l’opération Triton. Ils les utilisent comme si c’était des synonymes... Cela montre bien qu’il y a un problème dans la préparation du film, car, je le répète, Rosi se présente comme une documentariste !

      Le mérite, à mes yeux, de ce #film, c’est d’avoir montré de façon très claire que migrants et habitants de #Lampedusa, ne se rencontrent jamais... sauf un personnage, le plus intéressant de l’histoire, le médecin... qui soigne l’oeil paresseux du petit gamin, et les brûlures des migrants...

      Bref, des images très très belles, mais beaucoup de réticences quand même vis-à-vis de ce film...

      Voilà.

      #post-colonialisme

    • @cdb_77 C’est étonnant pur moi de constater qu’une personne comme toi qui connais bien le sujet tiques sur tant de choses, ce qui tend à valider mes soupçons qui sont plutôt du côté des images, du vocabulaire visuel, et qui ne sont que des intuitions.

      Merci mille fois de me donner de telles confirmations.

      D’après ce que j’ai vu par la suite, lorsque Rosi a reçu je ne sais quel prix, il était accompagné des « acteurs » de son film, dont le petit garçon, mais effectivement d’aucun réfugié, aucun, qui ne soit, de fait, mentionné au générique. C’est donc une entreprise aussi coupable et égotique que cette de Maryline Baumard ! Ben c’est pas beau.

    • En fait, ce qui m’énerve, c’est que ce film a été montré devant le parlement européen, que Rosi était très fier de le dire.
      Un film qui ne fait qu’alimenter les mêmes préjugés n’a pas de place au parlement européen...

      Autre chose, toujours pendant la prise de parole à la projection, a souvent parlé de #complexité. La migration, les morts en Méditerranée, c’est une sujet complexe, difficile à comprendre...
      En fait, c’est aussi un mensonge, c’est plutôt facile, ça peut s’expliquer en moins de 30 secondes :
      « Chère Europe, tu as fermé les frontières, voilà pourquoi des dizaines de milliers de personnes meurent en Méditerranée ».
      That’s it. Easy.
      Mais dire que c’est complexe, c’est ne pas pointer du doigt les responsables...

      Quelques mots, ou une carte, celle de @reka :


      http://visionscarto.net/mourir-aux-portes-de-l-europe
      That’s it. Easy.

    • J’adhère à 100 à ce qui développe Cristina @cdb_77 et jue veux juste ajouter en plus que j’ai en effet travaillé avec une étudiante à Genève lors d’un atelier de carto à la HEAD qui a très bien montré les stratégies spatiales sur Lampedusa pour « laccueil » des réfugiés et p^ouvé que les habitants de Lampedusa — à moins de fa-ire un gigantesque effort -pour aller à leur rencontre — ne voient pratiquement jamais ne serait-ce que l’ombre d’un·e réfugié·e. Je recherche l’étude.

    • @reka En fait, le fait que les habitants de l’île soient imperméables à ce qu’il se passe autour d’eux est plutôt bien dit dans le film, avec même une certaine élégance, la deuxième séquence du film montre des antennes de radio et des radars qui tournent et diffusent un dialogue invisible, celui d’un naufrage en train de se produire, et , par la suite, il y a ce syndrome de « l’oeil paresseux » du petit garçon qui est une métaphore assez parfaite (et pas trop appuyée).

      Pour le coup, je ne pense pas que ce soit par ce biais là que le film soit attaquable, mais bien davantage dans ce que Christina énumère et qui dit le caractère générique des naufragés.

      Dans le deuxième commentaire de Chrsitina, avec ta carte, oui, la question se pose, at-t-on besoin d’un film élégant et trompeur pour que l’on « prenne conscience » (comme c’est le but de Maryline Baumard dans son blog à la con), quand en fait il n’y a pas de complexité, que celle que l’on voudrait pouvoir agiter à la façon d’un écran de fumée pour rester caché à l’accusation, qui, elle, est irréfutable.

      De la même manière, il y a queques temps il y avait eu un très beau signalement sur seenthis à propos du regain de croissance économique en Suède suite à l’accueil que les suédois avaient fait à de nombreux réfugiés (personnellement je ne suis pas spécialement attaché à la croissance économique, mais bon), et c’est un concept, le concept économique, en faveur d el’accueil des réfugiés, qui est régulièrement démontré et expliqué, mais jamais entendu. C’est même pire que cela, il est entièrement détourné, on dira que l’on na pas les moyens économiques d’accueillir les réfugiés quand en fait cela serait une aubaine (et presque chaque fois on citera la fameuse phrase de Rocard en la tronquant, « la France ne peut accueullir toute la misère du Monde, mais », partie qui saute dans la citation, « elle doit en accueillir sa juste part »). Le raisonnement économique est uniquement là, personne n’y comprend jamais rien à l’économie (alors que ce n’est que de l’extrapolation de comptabilité, autant dire une matière sans mystère), pour cacher une peur culturelle, la peur de l’Autre.

    • Oui oui, je ne me suis peut-être pas bien exprimée, mais le film montre TRES bien (et c’est son mérite, à mes yeux) ces non-rencontres possibles/souhaitées entre migrants et habitants.
      C’est le point fort du film.
      Avec une seule figure de la rencontre : le médecin.
      On aurait peut-être plus en trouver quelques-uns de plus : les travailleurs du hotspot. Ils sont aussi très probablement des habitants de l’île.

    • #Bartòlo e l’incubo che ritorna: «In quei sacchi c’erano i bambini»

      I racconti del «#medico_di_Lampedusa», oggi europarlamentare, premiato a Lerici per la Solidarietà. Trenta anni passati a salvare vite di naufraghi e a dirigere il piccolo poliambulatorio dell’isola

      «Non è perché sono medico che non ho paura. Io ho paura quando devo aprire quei sacchi. Ne ho lì venti, cinquanta, cento, e solo nel momento in cui li apro scopro chi troverò dentro... La mia paura peggiore è che ci sia un bambino. Non sono numeri, sono persone, le vedo in faccia. Il bambino con i pantaloncini rossi mio malgrado l’ho guardato negli occhi, non lo avessi mai fatto, l’ho scosso, volevo si svegliasse, ed oggi è il mio incubo». È denso di umile umanità il racconto del dottor Pietro Bartòlo, noto al mondo come ’il medico di Lampedusa’. Il tendone bianco sulla riva del mare di Lerici (La Spezia) straripa di gente che è lì per sapere, anche per vedere (se lo sguardo regge le immagini proiettate): le parole non bastano, l’assuefazione ci ha anestetizzati, non piangiamo più come ai tempi della «strage di Lampedusa», quando il 3 ottobre del 2013 il mare inghiottì a due passi dalla terraferma 368 viaggiatori, e allora servono le foto, i corpi, i segni delle sevizie, gli sguardi che implorano.

      «Lerici legge il mare», rassegna di letteratura e cultura marinaresca promossa dalla Società Marittima di Mutuo Soccorso assieme al Comune, e curata da Bernardo Ratti, quest’anno ha consegnato a lui il premio per la «Solidarietà in mare», e Bartòlo – che oggi è europarlamentare perché «mi sono detto qua non cambia niente, ho provato come medico, ho scritto libri, ho fatto l’attore in «Fuocoammare», ho girato le scuole e l’Europa, posso ancora provare con la politica, una politica di servizio, una politica come arte nobile » – Bartòlo, dicevamo, condivide il premio con i ragazzi della Capitaneria di porto, i carabinieri, la polizia, i vigili del fuoco «che nei trent’anni in cui ho diretto il poliambulatorio di Lampedusa hanno rischiato la vita tutti i giorni per salvare i naufraghi».
      Scuoiati vivi per renderli bianchi

      Lampedusa è croce e delizia, bellissima e atroce. Per natura è a forma di zattera, si direbbe destinata. «Come arrivano i migranti dalla Libia lo sappiamo solo noi», continua Bartòlo, «lì i neri non hanno lo status di esseri umani, le donne ancora meno. Se sono donne e nere potete immaginarlo», dice scorrendo le diapositive. È passato il tempo in cui si chiedeva se fosse il caso di mostrarle, ora lo ritiene un dovere. Così vediamo le lacrime di Nadir, 13 anni, nero, solo una gamba è bianca: il gioco osceno dei carcerieri libici che scuoiano i vivi per renderli chiari (il fratellino è tutto bianco. Ma lui è tra i morti).

      Vediamo le lacrime di Bartòlo stesso, sceso nella stiva quel 3 ottobre del 2013 al buio, «camminavo su cuscini, non capivo. Poi ho acceso la pila e sono scappato fuori, stavo calpestando i 368 morti»: i più giovani e forti erano stati stivati là sotto senza oblò, nella ghiacciaia per il pesce, e quando avevano cercato di uscire per respirare la botola era stata bloccata da fuori. «Non avevano più polpastrelli né unghie, li avevano consumati prima di soffocare. Capii solo allora il pianto di quelli di sopra: erano i loro fratelli, le madri impotenti».

      Vediamo gli occhi profondi di una giovane madre sdraiata senza abiti sulla lettiga, magrissima, il seno vuoto, gli arti abbandonati come non le appartenessero, «ha perso l’uso delle gambe perché dove era tenuta prigioniera non le ha potute muovere per sei mesi». Un lungo tempo in cui ad accudirla è stata la sua bambina, diventata sua madre a quattro anni. «Abbiamo dato dei biscotti a quella bimba, invece di mangiarli li ha sminuzzati e li ha messi nella bocca della mamma». Il peluche invece lo ha lasciato lì senza guardarlo, «non era più una bambina, cosa se ne faceva? Era stata anche lei violentata, come la madre» (che oggi sta meglio e comincia a camminare). Quante volte ha pensato di mollare e si è rivolto «a chi è sopra di me...», trovando sempre la forza di andare avanti «nelle tante cose belle che comunque accadono».
      Nata due volte

      Perché Bartòlo resta anche una fonte dirompente di speranza, uno che non si arrende e sa che il bene contagia più del male. Così tra le foto passa anche quella di Pietro, che non è Bartòlo ma un bimbo appena nato dopo il salvataggio, ancora a bordo, cui il medico ha legato l’ombelico con il laccio delle sue scarpe. «A quest’altro neonato lo ha legato sua madre strappandosi una lunga ciocca di capelli... Mi ero accorto che a quella ragazza si vedeva la pelle del cranio e pensavo fosse stata torturata, come al solito, invece non avendo le forbici non aveva esitato a strapparseli per il suo bambino. Sono persone straordinarie, non so quanti di noi...».

      E poi vediamo Kebrat, bella come un’attrice: «Nel gruppo di cadaveri ho sentito un battito nel cuore di una donna, impercettibile, pensavo di sbagliarmi. Ho fatto subito il massaggio cardiaco e l’ho inviata in elicottero all’ospedale di Palermo, ma aveva i polmoni pieni d’acqua, era un caso disperato, per quaranta giorni è rimasta in coma. Due anni fa me la sono trovata in aeroporto, veniva per ringraziare: era sposata, madre di due figli, una bella casa in Svezia, un lavoro. Non l’ho riconosciuta, io l’avevo vista morta...».

      Lasciati affogare. Per legge

      Con lui a Lerici c’è l’ammiraglio Vittorio Alessandro, 40 anni di carriera nelle Capitanerie di porto, comandante in varti porti, a lungo responsabile della comunicazione per la Guardia Costiera, un anno intero a Lampedusa. «Nella attuale tempesta di slogan urlati e punti esclamativi, ho potuto non solo raccontare ma vivere esperienze che ti cambiano la vita. A Lampedusa ho compreso come l’energia delle persone a volte si rivela più grande di loro: il rapporto tra i lampedusani e il loro mare è stupefacente. Così come è stato nel naufragio della Costa Concordia, in una notte d’inverno l’Isola del Giglio si è fatta madre di una cosa enorme... Il privilegio – ricorda allora Alessandro – non è di essere buoni, ma di compiere un dovere istituzionale». Perché in mare la solidarietà è legge, e le regole sono «un patrimonio che si è sedimentato, guai a perderlo». Il primo oltraggio «è stato confondere il soccorso, che è senza se e senza ma, e l’accoglienza». Il soccorso non ha vie di mezzo, è un interruttore, o è sì oppure è no, o rispondi o decidi di lasciar morire, «ma se oggi una legge ci dice che salvare l’uomo in mare è reato, che se lo fai ti sequestrano la barca e ti sanzionano, magari tiri dritto. È già successo, hanno chiamato aiuto, nessuno ha risposto. Per legge».
      Le antiche leggi del soccorso in mare

      La spiegazione dell’ammiragiio è tecnica: una operazione di soccorso ha un inizio e una fine, «secondo la norma, è finita solo quando le persone raccolte in mare arrivano a terra. L’emergenza non prevede attese, ve la vedete un’ambulanza costretta a fermarsi per giorni con il malato a bordo, perché in ospedale si fanno riunioni per decidere il da farsi? Se rinunciamo ai codici del mare antichi di secoli, se una legge ci dice che chi è in mare può aspettare, perdiamo la nostra cultura, perdiamo noi stessi». Impressiona un paragone: sulla Costa Concordia c’erano 4.200 persone, «quanti giorni sarebbero stati necessari per portarli in salvo e chiudere l’operazione di soccorso, con i ritmi imposti oggi quando ad arrivare sono 30 o 40 migranti? Lo Stato è riuscito ad autosequestrarsi le navi, a fermare le proprie motovedette... Il ritorno alle regole è fondamentale, non per tornare necessariamente a come eravamo prima, non bisogna essere ideologici, credo si debbano trovare nuove soluzioni, che non possono essere solo italiane, devono essere europee e dell’Onu. Ma nel frattempo dobbiamo esserci!».

      E’ il motivo per cui il dottor Bartòlo oggi siede in Europa, convinto che il trattato di Dublino sia «il nostro capestro. Sono stato uno dei più votati in Italia, mi hanno dato un mandato e non lo deluderò - promette -. Quando la riforma di Dublino sarà varata, tornerò a fare solo il medico». Si capisce che non vede l’ora. Il medico di Lampedusa.

      https://www.avvenire.it/attualita/pagine/bartolo-e-lincubo-che-ritorna-in-quei-sacchi-cerano-i-bambini
      #témoignage du #médecin de Lampedusa... qu’on voit dans Fuocoammare...

  • La FDA veut bannir les #gants_poudrés
    http://www.dm-experts.fr/2016/03/la-fda-veut-bannir-les-gants-poudres

    Banned Devices; Proposal To Ban Powdered Surgeon’s Gloves, Powdered Patient Examination Gloves, and Absorbable Powder for Lubricating a Surgeon’s Glove
    https://www.federalregister.gov/articles/2016/03/22/2016-06360/banned-devices-proposal-to-ban-powdered-surgeons-gloves-powdered-pa

    4. Risks of Powdered Synthetic Patient Examination Gloves

    Although the powder on patient examination gloves is not exposed to internal organs during surgery, these gloves still present a substantial risk of illness or injury because they are nevertheless exposed to internal tissue when employed in procedures such as oral, vaginal, gynecological, and rectal examinations. Powder may be introduced to the female reproductive tract during gynecological exams (Refs. 45 to 47), which may lead to female reproductive complications (Refs. 18, 48 to 50). The migration of powder into the reproductive tract was demonstrated in an animal model and human clinical studies (Refs. 21, 40, 51). The wearers of these gloves can also facilitate the migration of powder from these gloves into the body when handling instruments such as endoscopes or when performing postsurgical wound care. Thus, the powder on synthetic patient exam gloves presents risks similar to those of the powder on synthetic surgeon’s gloves, including granulomas and adhesions, and the resulting complications. Finally, as with synthetic surgeon’s gloves, powdered patient examination gloves also can expose those in their proximity to the risk of powder inhalation, even if not carrying NRL.

    #santé