L’homme est rasé de près. Il embrasse la pièce d’un geste circulaire. Les murs sont couverts de moisissures, suintant l’humidité, une odeur âcre saisit le visiteur en raison des fuites en provenance des toilettes communes. D’un geste vif, il envoie valser le cafard qui grimpait le long de sa veste de costume noir, un peu élimée, certes, mais propre. Une bouteille brisée trône sur la table. « C’est un rat qui l’a cassée : il est monté sur la table où j’avais laissé une banane et deux yaourts. J’en n’ai pas dormi de la nuit », raconte l’homme, arrivé à Paris depuis la Kabylie le « 14 mars 1971 », à l’âge de vingt ans. Une carrière dans la restauration plus tard, le chômage pour la conclure, il se retrouve en fin de droits aux 115 (le service d’accueil d’urgence). En 2011, il déniche cette petite chambre dans un immeuble vétuste, à la façade lépreuse, où une quarantaine d’autres travailleurs migrants, tous en règle, vivent depuis parfois plus de vingt ans. « J’ai accepté, c’était toujours mieux que de dormir dehors », explique Hamid Harir. Sa petite retraite – « 500 euros plus 117 euros de complémentaire, chaque mois » – lui permet tout juste de payer les 360 euros de loyer mensuel. Malgré quarante annuités de labeur, son statut de travailleur immigré ne lui a pas ouvert les mêmes droits qu’un travailleur de nationalité française. Mais, digne, ce veuf souligne qu’il a « toujours payé » son dû, tout en montrant les quittances manuscrites, tamponnées au nom de la société de gérance « SARL Voltaire-Bastille ».