Durant trois ans, ce faux photographe de guerre a berné le monde entier avec des images volées
Un crime parfait pour une histoire ahurissante. Un faux photographe a trompé des médias du monde entier en vendant des images de guerre volées, avant de disparaître dans la nature.
Il a piégé Al-Jazeera, le Deutsche Welle, le Wall Street Journal, Le Point, France Culture, BBC Brazil, directement ou via des agences comme Getty ou l’AFP, auxquels sont abonnés nombre de médias. Un faux photographe brésilien est devenu maître dans l’art de l’arnaque en revendant ses images à de respectables médias à travers le monde… Avant de disparaître dans la nature.
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Il est supposé se nommer #Eduardo_Martins, être originaire de Sao Paulo et être âgé de 32 ans. Mais l’on ne sait rien de sa véritable identité. Ce que l’on sait, c’est que depuis trois ans, cet homme se présente comme un photographe et documentariste de guerre affilié aux Nations unies.
Il se serait rendu sur les terrains de conflits les plus chauds, comme la bande de Gaza, la Syrie, l’Irak, où il affirmait même avoir observé et photographié la bataille de Mossoul. Sur Instagram, son profil cumulait plus de 120 000 abonnés incluant, notamment, des photographes très connus et le compte officiel des Nations unies. Le compte a désormais été supprimé.
L’arnaque du siècle
L’histoire de ce #photographe_arnaqueur est totalement surréaliste. Le pot aux roses a été raconté en détail par la BBC Brazil dans une enquête en portugais publiée vendredi 1er septembre. Le média australien SBS l’a relayé en anglais.
Ils expliquent que l’homme vendait des images d’autres photographes, en utilisant un renversement horizontal et en les photoshopant afin que les médias ne se rendent pas compte de la supercherie. Il donnait aussi des interviews dans le monde entier en expliquant son histoire : Eduardo Martins, passionné de surf et photographe de guerre par vocation, aurait eu une leucémie à l’âge de 25 ans, à laquelle il aurait survécu par miracle.
Tout ceci est évidemment faux. Selon la BBC, la personne sur l’image ci-dessus se nomme Max Hepworth-Povey, un professeur de surf pour Ticket to Ride et un collaborateur du magazine Wavelenght Surf Mag. Dans une interview avec BBC Brazil, datant du 4 septembre, il explique qu’il était « en train de se relaxer, en buvant du vin, lorsqu’un ami de Walenght magazine m’a appelé en me disant que quelqu’un me volait mon identité pour une sorte de blague sur Internet ».
Comment ne pas se faire attraper
Avant la BBC, le premier à avoir repéré la supercherie d’ #Eduardo_Martins est Fernando Costa Netto, photographe de guerre et reporter occasionnel pour le site de surf brésilien Waves. Il avait noué, un mois plus tôt, une certaine amitié en ligne avec notre arnaqueur. Il l’avait même interviewé pour son magazine, racontant une vie qui lui semblait hallucinante et faisant l’éloge d’un « talent exceptionnel ».
Un jour, après avoir vu son article, deux journalistes, l’un anglophone et l’autre brésilien, lui téléphonent coup sur coup pour lui demander s’il a déjà rencontré Eduardo Martins dans la vie réelle. Ce n’est pas le cas. Les journalistes lui expliquent leurs doutes sur le personnage puis, après avoir raccroché, Fernando Costa Netto fait l’erreur de demander des comptes à son « ami » sur l’appli WhatsApp.
Quelques minutes plus tard, Eduardo Martins supprimait son compte #Instagram et son site Web. Il répondit à Netto : « Je suis en Australie. J’ai pris la décision de passer un an dans un van. Je vais supprimer tout ce qui est en ligne sur moi et je n’aurais pas Internet. Je vais être en paux, on se verra quand je reviens [au Brésil]. Pour quoi que ce soit, écris-moi à dudumartisn23@yahoo.com. Un gros calin. Je vais supprimer l’appli. Dieu soit avec toi. »
Peu de temps après, le 31 août dernier, Fernando Costa Netto publia un article en ligne, intitulé « Edu Martins est mort », pour dénoncer la supercherie. Le photographe brésilien Ignacio Aronovich, qui n’avait jamais entendu parler d’Eduardo Martins, tomba sur l’article et le lut par pure curiosité. En voyant ses images en ligne, il comprit immédiatement comment le faux photographe procédait pour voler les images.
En faisant des recherches inversées des photographies, il découvrit que le véritable auteur de la majorité des images était l’américain Daniel C. Britt, qui vit en Turquie. Sur sa page Facebook, #Ignacio_Aronovich publia les images manipulées et les originales :
Selon SBS Portugese, les images d’Eduardo Martins étaient vendues à 575 dollars l’unité sur #GettyImages, qui n’a pas souhaité s’exprimer sur l’argent touché par le faux reporter. Vice News et BBC Brazil affirment ne pas avoir payé pour utiliser les images et l’on ne sait pas quelle somme l’homme a empoché. Avait-il également simulé une identité bancaire parallèle ? On ne sait pas. Personne, aucune autorité publique, ni en Irak, ni en Syrie ou à Gaza, n’a jamais entendu parler du soi-disant photographe. Et aucune de ses petites amies en ligne ne l’a jamais vu réellement, selon la BBC.
Il a disparu dans la nature. Le crime parfait.
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▻http://mashable.france24.com/monde/20170905-durant-trois-ans-ce-faux-photographe-de-guerre-berne-le-
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