Rappelez-vous le fameux document extraordinaire de l’ADEME intitulé : "1er Bilan Carbone® ferroviaire global, La Ligne à Grande Vitesse Rhin-Rhône au service d’une Europe durable" dans lequel RFF était arrivé à la conclusion que le développement de la LGV Rhin-Rhône allait être carbone positive après 12 ans d’exploitation.
Cette conclusion était basée sur les hypothèses suivantes.
A la page 11 on pouvait lire : "Le mix énergétique retenu pour les évaluations est celui de la France, avec une évolution prospective sur la période 2012 – 2042 basée sur les hypothèses suivantes :
• passage progressif de 80 geCO2/kWh en 2007 à 60 geCO2/kWh en 2020 (prévision RTE) ;
• passage progressif de 60 geCO2/kWh en 2020 à 50 geCO2/kWh en 2050 (prévision ADEME)."
puis à la page 12 :
"En moyenne, 1,2 million de personnes devraient être détournées annuellement de la route et de l’air grâce à la nouvelle offre TGV Rhin-Rhône. Pour les reports de la route, les émissions ont été évaluées en considérant une amélioration carbone du parc de véhicules français, selon les hypothèses suivantes :
• 145 g CO2/km et 2,2 passagers/véhicule.km en 2007 ;
• 107 g CO2/km et 2,5 passagers/véhicule.km en 2020 ;
• 91 g CO2/km et 2,7 passagers/véhicule.km en 2050.
Pour le report air-fer, le scénario étudié projette le facteur d’émission par passager.km sur la période 2012-2042, à partir du calculateur DGAC pour 2009 et des extrapolations de l’ADEME pour 2020 et 2040 :
• 301 g CO2/passager.km en 2009 ;
• 240 g CO2/passager.km en 2020 ;
• 150 g CO2/passager.km en 2040."
En ayant accepté toutes les hypothèses de l’ADEME et RFF on pouvait donc croire à ce bilan carbone favorable à la construction de cette LGV.
Or, le dernier rapport de la Cour des Comptes, qui confirme en tous points les travaux du CADE, nous apprend également que le contenu en CO2 de l’électricité utilisé pour calculer ce facteur d’émission est fixé par un décret et un guide méthodologique[1] de 2012 : 53 gCO2/kWh pour les kilomètres réalisés en France, mais 420 gCO2/kWh en Europe.
Bien que la propulsion à base d’électricité soit parfois considérée comme non émettrice en CO2, elle est en fait aussi « propre » que peut l’être la production de l’électricité qui l’alimente. Or, du fait de la prépondérance de sa production nucléaire et hydroélectrique, l’électricité délivrée par EDF en France est exceptionnellement peu émettrice, (45 gCO2/kWh), comparée à la plupart des producteurs européens.
Mais bien que la SNCF puisse s’approvisionner en base chez EDF, elle s’approvisionne aussi sur le marché.
Dès lors, une approche à partir des valeurs spécifiques d’émission par fournisseur d’électricité, tel que réalisée dans d’autres pays, donnerait mécaniquement des émissions de CO2 nettement plus élevées.
Le guide méthodologique du MEDDE considère que les raisons de ne pas suivre cette approche par fournisseur correspondent à des difficultés concrètes, à la fois pour définir la procédure de calcul et pour rassembler les données nécessaires : origine difficile à établir de l’électricité consommée, les fournisseurs étant aussi bien producteurs que revendeurs.
Il n’en reste pas moins que l’électricité provenant de fournisseurs autres qu’EDF implique bien des émissions supérieures de CO2, probablement ailleurs qu’en France. Considérant toutefois la difficulté pratique du calcul, il paraîtrait raisonnable d’utiliser un intervalle de confiance plutôt qu’une valeur unique. C’est bien ce qu’avait fait l’ADEME dans l’étude de 2008[2], avec un facteur d’émission qui variait de 48 à 101,7 g CO2/kWh.
Alors, voilà que même sur ce chapitre, en ayant caché ses méthodes de calcul détaillé, RFF n’est pas encore crédible.
Deuxième remarque
N’ayant pas voulu connaitre l’étude de 2009, de Jan-Eric Nilsson et Roger Pyddoke concluant que la grande vitesse était une politique climatique erronée , l’évaluation environnementale du SNIT montre que le gain en émission de gaz à effet de serre de l’ensemble des projets, LGV incluses et représentantes 43% de l’ensemble des projets, est minime par rapport au niveau des investissements :
de 2 à 3 MteqCO2 évités par an, soit 150 MteqCO2 évités sur les 50 ans de durée de vie des infrastructures, pour un investissement dépassant 240 Md€.
Soit 32 € la tonne de CO2 évitée par an alors le cours moyen du droit d’émission est autour de 5€.
Ceci est d’autant plus grave que, comme le rappelle la Cour des Comptes, l’État, jusqu’en 2013, considérait que les projets de LGV étaient réalisés à 50 % pour lutter contre le réchauffement climatique.
Troisième remarque
Nous savons tous, maintenant, que, l’exemple de la LGV Rhin-Rhône l’ayant démontré, la durée d’amortissement de 30 ans des infrastructures est sujette à caution car différents travaux ont été nécessaires sur cette ligne aussi bien au niveau du ballast que des infrastructures aériennes, ceci avant la fin de la période de 30 ans.
Ceci est à garder en tête quand RFF annonce 50 ans dans le dossier de l’enquête publique actuelle.
[1] Information CO2 des prestations de transport, Application de l’article L. 1431-3 du code des transports, décembre 2012.
[2] ADEME, Efficacités énergétique et environnementale des modes de transports, 2008.