• Pourquoi cette crise économique sera différente – Bue Rübner Hansen, rédacteur au magazine Viewpoint. ACTA
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    Les choses vont incroyablement vite. Il y a une semaine, le gouvernement social-démocrate du Danemark a annoncé qu’il couvrirait 75 % des salaires des travailleurs qui seraient autrement licenciés. J’avais espéré que cela donnerait des munitions à ceux qui essayent de faire pression sur le gouvernement conservateur darwiniste social du Royaume-Uni. Mais je pense que personne ne s’attendait à ce que le Royaume-Uni annonce, quelques jours plus tard, une politique qui couvrirait 80 % des salaires des travailleurs sur le point d’être licenciés.

    Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Pour faire court, le fait que les gouvernements renflouent non seulement les banques, mais aussi les consommateurs et les détenteurs de prêts hypothécaires n’est pas un signe qu’ils se sont ramollis, mais plutôt un signe du type de crise dans laquelle nous entrons. Cette crise est très différente de la précédente, et il est probable qu’elle remodèlera la politique et l’économie du Nord pour les années à venir.

    (...) Quelle est la gravité exacte de la situation ? L’économiste Nouriel Roubini, célèbre pour avoir prédit la dernière crise financière, le dit avec audace : « Le risque d’une nouvelle Grande Dépression, pire que la première – une Plus Grande Dépression – augmente de jour en jour » .

    Les monstres financiers JP Morgan et Goldman Sachs ont prédit que le PIB des États-Unis chuterait de 14 % et 25 % respectivement au cours des trois prochains mois. Ils prédisent avec optimisme un rebond rapide, mais il est difficile de voir comment il sera possible de revenir rapidement d’un crash qui obligera des millions d’entreprises et de particuliers à ne pas honorer leurs dettes et leurs loyers. Mais les prévisions sont toujours difficiles, et de nos jours, elles le sont encore plus que d’habitude. Mais nous pouvons discerner les grandes lignes de la crise dans laquelle nous entrons maintenant et en quoi elle est différente de la grande crise financière de 2007-2008.

    Les marchés financiers se comportent bizarrement à un niveau jamais vu depuis 2008. L’argent s’écoule des actions, mais pas vers des actifs plus sûrs comme les obligations ou l’or, comme c’est habituellement le cas. Si l’argent ne circule pas, ce n’est pas parce qu’il est bloqué dans des investissements ou dans l’épargne. Le problème, c’est que l’argent n’est tout simplement pas là. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une crise de liquidité, mais de solvabilité. Le nombre d’entreprises, de travailleurs et de consommateurs incapables de payer leurs dettes et leurs dépenses augmente rapidement.

    L’insolvabilité est une pandémie

    Cela fait de la crise actuelle une bête très différente de la crise de liquidité essentiellement financière qui a débuté fin 2007. Bien sûr, cette dernière trouvait son origine dans une crise de solvabilité plus étroite parmi les détenteurs de prêts hypothécaires à risque, enracinée dans des prix du pétrole extraordinairement élevés, mais cette fois-ci, le problème de la solvabilité est omniprésent.

    Aujourd’hui, la condition généralisée d’insolvabilité a créé les conditions d’une réponse politique radicalement différente de celle de 2008-2010. En 2008, les liquidités ont été gelées, les sociétés financières n’étant plus disposées à prêter et à investir. Aujourd’hui, peu importe le nombre de billions que la Réserve fédérale américaine et d’autres banques centrales injectent dans l’économie fiévreuse, cela ne compensera pas comme par magie les heures de travail qui ne sont pas effectuées et les biens et services qui ne sont pas produits et consommés en ce moment. Pour reprendre les mots de James Meadway : « Il n’y a pas de somme d’argent qui puisse simplement faire naître des produits. »

    Pour comprendre cette crise de l’offre et de la demande, et en fin de compte de la solvabilité, nous devons examiner les blocages, la pénurie de main-d’œuvre qui en résulte et les faiblesses préexistantes de l’économie mondiale.

    La main-d’œuvre en quarantaine

    Les premiers chocs sont venus des lock-out en Chine, qui ont affecté les chaînes mondiales de produits de base. Avec la gestion à flux tendus, les entreprises ne disposent pas de stocks qui peuvent compenser les arrêts de travail, même temporaires, qu’ils soient dus à des grèves ou à une contagion massive. Aujourd’hui, un nombre croissant de villes, de régions et de pays, dont l’Inde avec ses 1,3 milliard d’habitants, tentent de fermer des secteurs « non essentiels » de l’économie (comme toujours, les plus pauvres seront les moins à même de trouver la sécurité et les plus susceptibles de souffrir). Les gens ont cessé d’aller dans les cafés, les bars et les restaurants, les cinémas, les croisières et les vacances. La plupart ont cessé de prendre l’avion. Les travailleurs mis en quarantaine ou licenciés consomment moins, et auront bientôt du mal à payer leur loyer ou leur hypothèque.
    Plus important encore, les quarantaines, les maladies et les lock-out retirent une grande partie de la force de travail des lieux de production. Les grèves sauvages des travailleurs qui ne veulent pas travailler dans des conditions dangereuses viennent s’ajouter à ce nombre. Beaucoup travaillent à domicile avec leurs enfants, de façon improductive lorsqu’ils s’occupent d’eux et péniblement lorsqu’ils les ignorent. La fermeture des frontières entrave le commerce international et les flux de travailleurs migrants, qui sont essentiels à la production alimentaire et au secteur de la santé et des soins dans de nombreux pays.

    En bref, Covid-19 a donné au capitalisme mondial un choc de pénurie de main-d’œuvre, qui frappe simultanément la demande et l’offre. Les travailleurs ne peuvent pas travailler pendant les quarantaines et les lock-out, et donc les entreprises ne peuvent pas produire et les travailleurs ne peuvent pas consommer1. Les capitalistes et les travailleurs deviennent simultanément insolvables. La crise de la dette hypothécaire de 2007-2008 a été extrêmement limitée par rapport à la crise de la dette généralisée qui se profile à l’horizon.
    Le résultat est la destruction d’une énorme quantité de valeur. La destruction de la valeur des remboursements de la dette se fera d’abord sentir – tandis que la dépréciation des stocks de capital et du « capital humain » se fera plus subtilement – à mesure que les chaînes de production s’empoussiéreront et rouilleront, et que les routines et les compétences s’atrophieront. En bref, l’insolvabilité pandémique est le signe d’une crise de reproduction capitaliste et sociale à part entière. (...)

    #toctoc

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