• Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes | Bulletin des bibliothèques de France
    https://bbf.enssib.fr/critiques/grandir-informes-les-pratiques-informationnelles-des-enfants-adolescents-

    Valentine Favel-Kapoian
    Anne Cordier
    Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes
    Caen, C&F éditions, mai 2023
    Collection « Les enfants du numérique »
    ISBN 978-2-37662-065-5

    Le nouveau livre d’Anne Cordier, Grandir informés, est un prolongement de l’ouvrage Grandir connectés publié par la même auteure dans la même maison d’édition en 2015. La démarche de cette enseignante-chercheuse en sciences de l’information et communication (SIC) reste la même : à partir de ses recherches, renouveler le regard sur les pratiques numériques juvéniles. Dans ce second ouvrage, il s’agit « de voir comment l’information 1

    et les objets numériques participent de l’être-au-monde de ces acteurs, dans leur quotidienneté et à travers l’évolution de leur parcours biographique » (p. 14) et de « proposer des pistes pédagogiques pour accompagner les élèves dans l’acquisition de compétences informationnelles » (p. 35).
    L’auteure structure son propos autour de 12 chapitres : présentation de sa méthodologie de recherche ; place des émotions dans les pratiques informationnelles ; rôle de la famille et des familiers dans ces pratiques ; état des lieux des apprentissages informationnels à l’école ; regard des jeunes sur le paysage informationnel et médiatique ; rapport des jeunes aux espaces documentaires ; apprentissages informels ; inégalités sociales et culturelles ; crédibilité face à l’information ; stratégies des jeunes face aux designs des plateformes numériques ; formats d’information et de médiation des savoirs ; perspectives pour un déploiement de la culture informationnelle des élèves.

    Bien que cet ouvrage soit résolument scientifique, les entrées thématiques et le ton employé (texte écrit à la première personne du singulier) le rendent accessible à tous. Les résultats des recherches sont présentés en annexe et les références bibliographiques sont indiquées en bas de page. Ces choix éditoriaux rendent l’ouvrage convivial et centrent l’attention sur les résultats des recherches.

    Le parti pris de cet ouvrage est d’accorder une place centrale à la parole des jeunes. De longs extraits des échanges entre la chercheuse et les jeunes sont en effet retranscrits. Ce choix, en adéquation avec la démarche quasiment ethnographique d’Anne Cordier, nous invite à écouter les jeunes nous faire part de leurs émotions, de leurs plaisirs, de leurs expériences, de leurs craintes. Ainsi, au fil des pages, les individus prennent le dessus sur les chiffres, les pratiques numériques s’incarnent dans des parcours, des identités, des contextes et le regard se fait plus intime, plus humain. Comme en écho à ce processus de personnalisation, l’auteure, par ses prises de position et son regard critique sur les politiques éducatives et les discours médiatiques, nous invite, nous, les adultes, les parents, les professionnels de l’information et de l’éducation, à nous engager activement dans l’acquisition par les élèves d’une culture informationnelle. Cet engagement nécessite de déconstruire les représentations, de privilégier une approche par l’expérience subjective de l’autre et de prendre en compte les individualités et les inégalités. Au fil des chapitres, Anne Cordier nous accompagne dans ce changement de posture et prolonge les résultats de ses recherches par des recommandations pour éduquer aux médias et à l’information.

    Déconstruire les représentations
    Tout au long de son ouvrage, Anne Cordier nous invite à « nuancer les fantasmes » (p. 10), dépasser le débat (p. 13), battre en brèche les idées reçues (p. 46), déconstruire les mythes (dont celui des digital natives, p. 222) véhiculés par les médias et par quelques chercheurs en neurosciences. Cette déconstruction est rendue possible par une approche méthodologique exceptionnelle : croisement des résultats obtenus par un suivi longitudinal de 12 enquêtés (des adolescents devenus adultes) pendant 10 ans (depuis 2012) à ceux obtenus dans le cadre de 3 enquêtes de terrain auprès d’élèves du 1er et 2nd degré, réalisées en établissement scolaire de 2015 à 2022.

    Cette méthodologie permet une compréhension plus fine des pratiques numériques juvéniles et déconstruit les idées reçues. Par exemple, les jeunes s’informent, mais pas forcément comme les adultes le souhaiteraient. Ces pratiques informationnelles reposent sur des outils et portent sur des sujets différents de ceux présentés dans le cadre scolaire. Mais elles n’en démontrent pas moins un intérêt pour l’actualité. Autre exemple, les jeunes s’interrogent sur leurs pratiques et sur leurs univers informationnels et ceux-ci sont d’abord culturels avant d’être générationnels. Ou encore, les échanges et les médiations au sein des familles, des familiers et des pairs sont majeurs et les enfants et adolescents n’ont pas des pratiques isolées, isolantes.

    Approche par l’expérience subjective des jeunes
    Afin de considérer toutes les dimensions (sociales, affective, culturelle, économique, etc.) des pratiques informationnelles des jeunes, la chercheuse recourt à plusieurs procédés d’enquêtes originaux : leur donner rendez-vous dans un lieu en lien avec leurs pratiques documentaires ; leur demander d’apporter un objet informationnel essentiel selon eux dans la construction de leur culture numérique ; convoquer leurs souvenirs personnels afin de retracer leur histoire informationnelle. Lors de ces rencontres, l’auteure récolte la parole des jeunes sans jugement (p. 12). Cette démarche méthodologique accorde une grande place à l’intime et met en avant la place des émotions dans la recherche d’information (p. 26). On y apprend que celle-ci est source de plaisir et d’angoisse. Lors des séances d’Éducation aux médias et à l’information (EMI), cette dimension émotionnelle est souvent niée au profit d’une dimension technique alors qu’elle permet d’appréhender les êtres au monde informationnel des jeunes. Celui-ci est constitué de pratiques ancrées dans des lieux et des objets qui forgent une mémoire documentaire différente pour chacun (p. 137), et s’organisent autour d’écosystèmes personnels (p. 139).

    Pour autant, cette dimension personnelle doit aussi être croisée avec les pratiques de groupes. Si la place des sociabilités entre pairs dans les pratiques numériques juvéniles est désormais bien documentée, celle de la famille et des familiers l’est moins. Anne Cordier nous renseigne sur le rôle des sociabilités familiales autour de l’information (p. 43). On y apprend qu’elles sont riches et variées : des liens intergénérationnels existent aussi en dehors de la cellule familiale restreinte (p. 43) ; les héritages informationnels sont au cœur des pratiques (p. 44), la famille est constitutive de rites informationnels ; les transmissions familiales dans le domaine des pratiques informationnelles sont majeures (transmission d’habitudes, d’appétences et/ou de ressources – p. 53) ; les jeunes portent un regard critique sur les pratiques parentales ; il existe différentes modalités d’intervention des familles (encadrement, accompagnement et formation, p. 62).

    Considération des diversités et des inégalités
    Les enquêtés partagent des pratiques, des représentations et des valeurs, même si chaque individu est différent. Certains résultats déjà connus sont confirmés par ces entretiens : le Web est glorifié par ces jeunes comme porte d’entrée de l’information (p. 107), les réseaux sociaux sont bien le premier vecteur de flux informationnels (p. 110), les formats vidéo sont les plus prisés. Mais ces entretiens mettent au jour d’autres réalités : le regard critique que les adolescents posent sur les pratiques et productions télévisuelles (p. 99), leur attrait pour la presse mais uniquement sous format numérique (p. 126) ou encore leur soif d’apprendre grâce aux youtubeurs, nouveaux médiateurs des savoirs (p. 288). Les travaux présentés dans cet ouvrage donnent des portraits très fins des pratiques informationnelles juvéniles et révèlent des nuances qui, à y regarder de plus près, reflètent les inégalités sociales.

    Si l’être-au-monde informationnel des adolescents est avant tout familial et culturel, il s’inscrit tout de même dans des pratiques sociétales et scolaires. Pour beaucoup, cela produit un sentiment de décalage entre les préférences culturelles de leur milieu social d’origine et le système de référence que prône l’école (p. 188). L’école valorise la culture informationnelle des classes supérieures et exhorte les élèves à sacrifier la leur (p. 203). Adopter les pratiques informationnelles académiques devient un signe d’intégration sociale, économique et politique (p. 216). Plutôt que de chercher à modifier les pratiques, l’auteure préconise de leur donner les moyens d’enrichir leur univers personnel (p. 271) par la diversification des accès et par l’acquisition des clés nécessaires à la compréhension et à l’appropriation de nouveaux espaces informationnels (p. 209). Cette démarche est, selon elle, cruciale pour garantir l’égalité des chances et de réussite des élèves.

    Recommandations pour l’EMI
    C’est aussi en tant qu’ancienne professeure-documentaliste et enseignante en master Métiers de l’enseignement et de l’éducation (MEEF) qu’Anne Cordier se positionne face à la formation des élèves. Elle préconise de dépasser l’approche par les risques, encore très répondue lorsqu’il s’agit de former aux compétences numériques et informationnelles, et propose une médiation qui ne porte pas sur la peur et la défiance (p. 318) et tienne compte des expériences des jeunes. Pour l’auteure, il s’agit là d’une réelle reconnaissance sociale à laquelle chaque individu a droit (p. 176).

    C’est un véritable plaidoyer en faveur de l’EMI que livre Anne Cordier à travers cet ouvrage et c’est avec regret et lucidité qu’elle dresse un bilan des formations actuellement en EMI : souvent cantonnées à la recherche d’information et la presse à l’école primaire (p. 76) et à la question de l’évaluation des sources dans le secondaire (p. 80) ; souvent proposée tardivement dans le parcours des élèves (p. 82) et globalement de façon ponctuelle et clairsemée (p. 89). En résumé, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce bilan nuancé n’est pas à mettre sur le compte des professionnels de l’éducation et encore moins des professeurs documentalistes généralement bien seuls face à la tâche. Pour l’auteure, il est imputable aux politiques éducatives qui ne donnent pas aux enseignants le moyen de déployer une formation en adéquation avec les besoins.

    Dans chaque chapitre, l’auteure tire de ses observations des recommandations pour une EMI agissante : abolir la frontière qui sépare dans et hors la classe, considérer les héritages familiaux, partir des acteurs pour saisir leur environnement informationnel et modes d’action en lien avec l’information (p. 175), partager le territoire informationnel des élèves, prendre en compte les inégalités genrées, appréhender la problématique de l’évaluation de l’information au prisme de la confiance, les accompagner pour les aider à acquérir les codes et les ressources attendues, valoriser les expériences sans nier la hiérarchisation des ressources informationnelles (p. 209), associer détente et acquisition de connaissances (p. 280), lutter contre les inégalités en évitant les « allants de soi » (p. 209), amener les élèves à comprendre le renouvellement de l’ordre documentaire contemporain puis valoriser une posture réflexive et critique face à l’information (p. 301), consacrer du temps à l’analyse d’un format d’information et d’un dispositif technique, d’une image, d’un reportage et lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la validation de l’information, proposer d’autres activités que celles basées sur l’application artificielle de listes d’évaluation aux critères souvent inapplicables (p. 302), etc.

    Conclusion
    Les enseignements de cet ouvrage sont nombreux et satisferont un large public. Il permettra aux néophytes d’acquérir les savoirs essentiels à la compréhension de la culture numérique juvénile. Les initiés affineront leurs connaissances. Les professionnels de l’éducation et de la formation trouveront dans cet ouvrage de nombreuses pistes pédagogiques. En plus de ces apports, à travers cet ouvrage, Anne Cordier nous interroge sur notre posture et notre regard d’éducateur. En fin d’ouvrage, elle nous interpelle en employant le « vous ». Comment faire société avec ces jeunes (autrement que par le mépris et la méfiance – p. 308) ? Comment répondre aux défis de l’éducation à l’information (p. 179) ? Elle met en question la position du chercheur et son rôle dans la société. Anne Cordier a pris le parti de nous faire partager ses colères et ses joies, de défendre son point de vue, de s’engager. Elle nous propose de construire tous ensemble (chercheurs, éducateurs, parents) la société de demain en y associant les jeunes d’aujourd’hui.

    Référence bibliographique
    Valentine FAVEL-KAPOIAN, «  Anne Cordier, Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes  », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 14 novembre 2023.
    En ligne : https://bbf.enssib.fr/critiques/grandir-informes-les-pratiques-informationnelles-des-enfants-adolescents-

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #BBF

  • Anne Cordier, Grandir informés
    https://journals.openedition.org/dms/9673

    Les deux premiers chapitres exposent la spécificité de sa méthode de terrain au long court et explicitent sa posture de chercheuse, une annexe méthodologique étant également proposée à la fin de l’ouvrage. Les entretiens individuels menés sous forme de rendez-vous ponctuels, et dont de longs extraits sont proposés en entrée de chaque chapitre, mettent ainsi en lumière une expérience éprouvée de pratiques d’information dessinant peu à peu les portraits de l’être au monde informationnel1des enquêtés. Ces résultats sont discutés et éclairés par d’autres recherches en cours. Pour chaque rendez-vous, une consigne spécifique permet de revenir sur le parcours biographique informationnel de chaque jeune suivi à travers le choix d’un lieu ou d’objets représentatifs de leurs rapports à l’information. Si certaines propositions sont attendues (téléphone portable, médiathèque) d’autres restent plus surprenantes, comme Amélie présentant… un billet de train (p. 200). En partant de l’acteur pour saisir son environnement informationnel et ses modes d’action, Anne Cordier analyse l’activité d’information comme une expérience sensible (chapitre 2) et donne à voir la richesse des expériences informationnelles juvéniles par le prisme de leurs rapports intimes à l’information et aux déploiements de leurs « arts de faire »2.

    La méthode de l’enquête longitudinale donne à voir les traces laissées par les enseignements en lien avec l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) dont les jeunes adultes interrogés ont pu bénéficier dans leur cursus scolaire (chapitre 4). Au-delà de souvenirs positifs de figures ou d’activités marquantes liées à une démarche active de recherche d’information ou de rituels informationnels, il en ressort un sentiment de formations ponctuelles et parsemées, parfois artificielles ou aux temporalités décalées par rapport aux besoins ressentis. La pratique de l’évaluation de l’information est intégrée plus comme une injonction académique que comme un processus intellectuel (chapitre 8), qui occulte toutes les autres étapes de la démarche informationnelle. Le cadre des exigences académiques exprimées laisse chez certains un sentiment d’illégitimité informationnelle tenace, qui qui creuse l’écart avec des pratiques et des sources plus informelles, tenues à l’écart des bibliographies et qui renvoie à la question du poids de la légitimité culturelle (Lahire, 19953). Une culpabilité s’exprime vis-à-vis des représentations des « bonnes pratiques » attendues (« Lire la presse, c’est important » p. 179) mais dont l’acquisition est rarement explicitée, ce qui creuse les inégalités scolaires et influe sur la réussite universitaire. Le statut économique, le genre des enquêtés entrainent une distinction, voire une exclusion informationnelle (chapitre 9). En dehors de l’expérience scolaire, d’autres sphères sociales ou professionnelles se révèlent être d’autres « école[s] de l’information » (chapitre 7) et permettent de développer des activités informationnelles variées : s’informer sur l’actualité, les centres d’intérêts ou engagements personnels, développer une veille professionnelle, se laisser guider par sa curiosité. L’ouvrage d’Anne Cordier montre que s’informer peut être un loisir, un besoin mais répond surtout à une volonté de partage de sens. Les témoignages recueillis montrent qu’acquérir et diffuser des ressources informationnelles est une activité éminemment sociale ainsi qu’un levier pour l’action. « On ne recherche pas de l’information pour soi mais pour occuper une place dans le monde » (p. 318).

    Cet ouvrage appelle à une réflexion sur la mise en place d’une EMI partagée de la maternelle à l’université en co-construction avec les acteurs de l’Éducation populaire et bien sûr les parents.

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  • Médias : oui, les ados s’informent aussi – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/education/medias-oui-les-ados-sinforment-aussi-20240125_HJX5XG2JJZAVZJMA7TYBGYPCXY
    https://www.liberation.fr/resizer/OJhtZq0rjwwQV_KPLLjesTXgdus=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(1553x1282:1563x1292)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/K6HXFSP6G5AGBKAVGPSDJLQBFE.jpg

    La nouvelle génération n’a rien de décérébrée. Elle a simplement des habitudes différentes.

    (Elodie Lascar/Libération)
    par Cécile Bourgneuf
    publié le 25 janvier 2024 à 23h56

    Pas de panique, les enfants et les ados ne débranchent pas leurs cerveaux devant les écrans. Leur intelligence n’est pas menacée. Mieux encore, ils sont tout à fait capables de s’informer le nez collé à leurs portables. « Les jeunes ne sont pas des crétins digitaux », tranche Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, en référence au livre best-seller du neuroscientifique Pierre Desmurget, pour qui les écrans abrutissent les jeunes. Un discours alarmiste qui inquiète jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Le 16 janvier, Emmanuel Macron a déclaré vouloir réguler l’accès des mineurs aux écrans, en envisageant même « des interdictions » et « des restrictions ».

    En réalité, « les jeunes s’informent sur les écrans, beaucoup plus qu’on ne le dit, sur des sujets bien plus variés qu’on ne le croit et beaucoup plus sur l’actualité, au sens général du terme, qu’on ne veut l’entendre », rassure Anne Cordier. Se focaliser sur leur temps d’écran n’a aucun sens si on ne s’intéresse pas à ce que les jeunes en font, estime la chercheuse qui en connaît un rayon sur le sujet. Cela fait des années qu’elle étudie leurs usages numériques, en les interrogeant de leur enfance à l’âge adulte. D’abord, « il faut cesser de plaquer nos représentations d’adultes sur ce que sont leurs pratiques d’information, qui sont riches, quotidiennes et beaucoup plus larges que celles qu’on entend ». Les jeunes répondent souvent qu’ils ne s’informent pas, simplement parce qu’ils se sentent jugés sur ce qui les intéresse. Comme si seule l’actualité nationale et internationale était digne d’intérêt. Or, chercher à savoir comment nourrir sa tortue ou faire des constructions Lego sont des sujets très sérieux quand on a neuf ans, rappelle Anne Cordier. « Il y a souvent une bascule à partir de la quatrième avec la projection vers le lycée et l’âge adulte. Là, on s’informe sur l’actualité parce qu’il le faut. Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas par plaisir mais ils ont cette mauvaise conscience de ne pas s’informer assez », rapporte Anne Cordier. Au lycée, nouvelle étape, « on s’informe surtout pour prendre position, pour pouvoir échanger avec les autres ».

    Sans surprise, les jeunes s’informent d’abord sur leurs portables. 70 % des 15-34 ans utilisent quotidiennement les réseaux sociaux pour s’informer – Instagram, TikTok et Snapchat (au collège) en tête de gondole – selon Médiamétrie. « Ils s’informent sur des supports différents de leurs aînés, via les réseaux sociaux, avec un sens de la hiérarchisation des informations. Mais ils utilisent aussi des médias traditionnels liés aux pratiques générationnelles de leurs parents », éclaire Serge Barbet, directeur du centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi).

    Le repas du soir devant le JT du 20 heures reste effectivement un rituel très partagé dans de nombreuses familles, notamment dans les milieux populaires. « Les jeunes trouvent ce moment important parce que c’est un moment de partage, de sociabilisation familiale », précise Anne Cordier. C’est ce que décrit Rémi, en terminale dans un lycée à Libourne (Gironde). Avec ses parents, il dîne chaque soir devant BFM ou l’émission Touche pas à mon poste. « Je ne valide pas ce qu’ils regardent mais ce moment me plaît parce qu’on a des discussions animées et j’aime bien débattre avec eux », explique-t-il.

    Rémi a aussi ses petites habitudes pour s’informer sur les réseaux sociaux, loin du regard de ses parents. Dès son réveil, il ouvre Instagram et Twitter « pour voir ce qu’il s’y passe, parce que j’aime être au courant du monde qui m’entoure et c’est mieux de connaître les sujets pour en parler avec les autres ». « Les jeunes partagent ces moments avec leurs pairs pour discuter des cinq actus d’Hugo décrypte [une référence chez les ados, encore plus depuis son interview du président en septembre dernier ndlr], de la vidéo du jour de Docteur Nozman, d’une grosse info relayée dans les médias… », décrypte Anne Cordier. Louise, 16 ans, dit se tenir « au courant de ce qui se passe » sur les réseaux sociaux « parce que je vois direct quand un film ou un morceau prend de l’ampleur, vu que ça remonte dans mon fil d’actu », explique-t-elle. Et quand elle a une recherche précise à faire, elle regarde notamment sur le canal TikTok : « Ça me met plein de comptes associés à ma recherche, avec des vidéos par exemple. C’est comme ça que j’ai mieux compris ce qu’est le mouvement LGBT. »

    Contrairement à un autre préjugé, les jeunes ne sont pas plus soumis aux fake news que les autres. « Ce sont les plus de 50 ans qui sont plus poreux aux fausses informations », rappelle Serge Barbet. Les jeunes ont plutôt tendance à douter, parfois trop même. « On a pris l’habitude de leur présenter l’info comme quelque chose de dangereux, comme s’il fallait se méfier de tout, regrette Anne Cordier. Il faut au contraire leur donner envie de s’informer et d’entrer en résonance avec leurs expériences informationnelles quotidiennes, qui sont joyeuses et partagées. »

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes - Educavox, Ecole, pédagogie, enseignement, formation
    https://educavox.fr/formation/outils/les-pratiques-informationnelles-des-enfants-adolescents-et-jeunes-adultes

    C’est bien évidemment sur leur téléphone que les adolescents et les jeunes adultes s’informent. Mais comment le font-ils et elles ? Anne Cordier a suivi les adolescents rencontrés pour son précédent ouvrage Grandir connectés, sur le long terme et dans la confiance. Comment leurs pratiques informationnelles ont-elles évolué sur cette durée ?
    Les témoignages présentés dans ce livre et les analyses d’Anne Cordier dévoilent les difficultés rencontrées pour accéder à une information de qualité.

    On y découvre chez ces jeunes un désir de « bien faire avec l’information » autant que l’importance des inégalités dans l’accès, les compétences de traitement de l’information, ou les relations avec les parents.

    Cet ouvrage souligne les responsabilités essentielles de l’école et particulièrement de l’éducation aux médias et à l’information. Une plongée dans les pratiques réelles et diverses de la jeunesse, un souffle vivifiant et porteur d’espoir.
    Anne Cordier :

    Après avoir été professeure documentaliste, Anne Cordier est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine. Chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM), elle participe activement à la recherche sur les pratiques numériques à l’école, et l’éducation aux médias et à l’information en contextes éducatifs pluriels. Anne Cordier est l’autrice de Grandir connectés, chez C&F éditions (2015).

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  • Anne Cordier, Grandir informés
    https://journals.openedition.org/dms/9673

    Huit ans après « Grandir Connectés », le dernier ouvrage d’Anne Cordier « Grandir informés », est paru en juin 2023 aux éditions C&F dans la collection « Les enfants du numérique ». Elle y fait le bilan du suivi pendant sept ans de 12 enquêtés sur les15 rencontrés dans le précédent opus. Anne Cordier est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM). En douze chapitres thématiques à travers lesquels elle invite le lecteur à circuler librement, c’est une carte de l’écosystème informationnel juvénile qui se dresse à travers ses lieux, ses objets et ses usages.

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  • Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes | Bulletin des bibliothèques de France
    https://bbf.enssib.fr/critiques/grandir-informes-les-pratiques-informationnelles-des-enfants-adolescents-

    Le nouveau livre d’Anne Cordier, Grandir informés, est un prolongement de l’ouvrage Grandir connectés publié par la même auteure dans la même maison d’édition en 2015. La démarche de cette enseignante-chercheuse en sciences de l’information et communication (SIC) reste la même : à partir de ses recherches, renouveler le regard sur les pratiques numériques juvéniles. Dans ce second ouvrage, il s’agit « de voir comment l’information 1

    et les objets numériques participent de l’être-au-monde de ces acteurs, dans leur quotidienneté et à travers l’évolution de leur parcours biographique » (p. 14) et de « proposer des pistes pédagogiques pour accompagner les élèves dans l’acquisition de compétences informationnelles » (p. 35).
    L’auteure structure son propos autour de 12 chapitres : présentation de sa méthodologie de recherche ; place des émotions dans les pratiques informationnelles ; rôle de la famille et des familiers dans ces pratiques ; état des lieux des apprentissages informationnels à l’école ; regard des jeunes sur le paysage informationnel et médiatique ; rapport des jeunes aux espaces documentaires ; apprentissages informels ; inégalités sociales et culturelles ; crédibilité face à l’information ; stratégies des jeunes face aux designs des plateformes numériques ; formats d’information et de médiation des savoirs ; perspectives pour un déploiement de la culture informationnelle des élèves.

    Bien que cet ouvrage soit résolument scientifique, les entrées thématiques et le ton employé (texte écrit à la première personne du singulier) le rendent accessible à tous. Les résultats des recherches sont présentés en annexe et les références bibliographiques sont indiquées en bas de page. Ces choix éditoriaux rendent l’ouvrage convivial et centrent l’attention sur les résultats des recherches.

    Le parti pris de cet ouvrage est d’accorder une place centrale à la parole des jeunes. De longs extraits des échanges entre la chercheuse et les jeunes sont en effet retranscrits. Ce choix, en adéquation avec la démarche quasiment ethnographique d’Anne Cordier, nous invite à écouter les jeunes nous faire part de leurs émotions, de leurs plaisirs, de leurs expériences, de leurs craintes. Ainsi, au fil des pages, les individus prennent le dessus sur les chiffres, les pratiques numériques s’incarnent dans des parcours, des identités, des contextes et le regard se fait plus intime, plus humain. Comme en écho à ce processus de personnalisation, l’auteure, par ses prises de position et son regard critique sur les politiques éducatives et les discours médiatiques, nous invite, nous, les adultes, les parents, les professionnels de l’information et de l’éducation, à nous engager activement dans l’acquisition par les élèves d’une culture informationnelle. Cet engagement nécessite de déconstruire les représentations, de privilégier une approche par l’expérience subjective de l’autre et de prendre en compte les individualités et les inégalités. Au fil des chapitres, Anne Cordier nous accompagne dans ce changement de posture et prolonge les résultats de ses recherches par des recommandations pour éduquer aux médias et à l’information.

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  • TOTEM - L’invité de TOTEM du 11/10/23 : Anne Cordier, professeur en Science sde l’Information et de la Commu
    https://www.radiototem.net/l-invite-de-totem-du-11-10-23-anne-cordier-professeur-en-science-sde-l-i

    11 octobre 2023 - 4 min 10 sec
    L’invité de TOTEM du 11/10/23 : Anne Cordier, professeur en Science sde l’Information et de la Commu

    Auteur du livre « Grandir informés », Anne Cordier explique que les jeunes s’informent toujours, contrairement à ce que certains pensent, mais différemment des adultes.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • « On demande aux enfants d’être plus raisonnables que les adultes ! » | Chut !
    https://chut.media/education/on-demande-aux-enfants-detre-plus-raisonnables-que-les-adultes

    Anne Cordier est enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication. Dans son nouvel ouvrage, Grandir informés (C&F éditions), cette spécialiste de la façon dont les jeunes s’informent s’attache à déconstruire les idées reçues sur ces générations prétendument débilisées par leurs usages numériques.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Comment « éduquer aux médias » en 2023 ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/comment-eduquer-aux-medias-aujourd-hui-7548028

    la citation

    « Il faut rappeler que l’accès à l’information est un droit, que c’est une chance de pouvoir s’informer aujourd’hui, et on pourrait même aller plus loin en disant que c’est une chance de prendre le risque de tomber sur une mauvaise information et d’exercer son esprit critique. On parle de stress et de fatigue, mais il y a une notion qui est importante c’est celle de plaisir, la joie de s’informer en famille ou à l’école, ensemble », Anne Cordier

    Comment parler de l’actualité avec les élèves et répondre à leurs questions dans ce moment si conflictuel ? Et au long cours ?
    Avec

    Isabelle Feroc-Dumez Directrice scientifique et pédagogique du CLEMI
    Sophie Bocquet Professeure documentaliste au collège (académie de Rouen)
    Marion Thibaut Directrice du bureau de l’AFP (Agence France-Presse) à Montréal, membre du Conseil d’administration de l’association d’éducation aux médias et à l’information Entre les lignes
    Anne Cordier Professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine
    Bernard Heizmann Ancien professeur-documentaliste à l’ÉSPÉ de Lorraine et ancien responsable de la préparation au concours interne dans l’académie de Nancy-Metz

    Dans cette émission, Louise Tourret vous propose de revenir sur ce qu’on appelle l’éducation à l’information, alors que le Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information, le CLEMI, fête ses 40 ans, et que s’ouvre la semaine annuelle de la presse et des médias à l’école. Comment l’actualité et les émotions qu’elle provoque – l’année dernière il s’agissait de la guerre en Ukraine, cette année du mouvement social contre les retraites et il est encore possible d’évoquer le covid ou les gilets jaunes - peuvent devenir un sujet de conversation et de réflexion en classe, alors que le ministre de l’Education appelle de ses vœux la généralisation de l’EMI (éducation à l’information). Quelles sont les ressources pour les professeurs suivant le niveau d’enseignement ? Quel est le rôle spécifique des professeurs documentalistes qui s’occupent plus précisément de ce sujet ? Et quel peut être celui des journalistes, de plus en plus nombreux à intervenir auprès des élèves dans les établissements ?

    Louise Tourret en débat avec ses invités, enseignants, journaliste, et chercheuses, qui travaillent sur la question depuis de nombreuses années : Anne Cordier, ancienne professeure documentaliste, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM), coresponsable du Master SIDOC Meef Documentation à Nancy, autrice de Grandir Connectés (C & F Editions, 2015) et de Grandir Informés : Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes (C & F Editions, à paraître en mai), Sophie Bocquet-Tourneur, professeure documentaliste au collège (académie de Rouen), Isabelle Feroc-Dumez, directrice scientifique et pédagogique du CLEMI, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Poitiers et membre du laboratoire Techné (Technologies Numériques pour l’Education), Marion Thibaut, directrice du bureau de l’AFP (Agence France-Presse) à Montréal, membre du Conseil d’administration de l’association d’éducation aux médias et à l’information Entre les lignes, et Bernard Heizmann, ancien professeur-documentaliste à l’ÉSPÉ de Lorraine et ancien responsable de la préparation au concours interne dans l’académie de Nancy-Metz, coauteur avec Elodie Royer de Le professeur documentaliste (Réseau Canopé, 2019).

    #Anne_Cordier #Education_Médias_Information #France_culture #Grandir_informés

  • « Au début, les élèves me disaient "non, je ne m’informe pas". Ils avaient honte » | la revue des médias
    https://larevuedesmedias.ina.fr/enfants-adolescents-education-information-usage-medias-actualit

    L’universitaire Anne Cordier poursuit son travail de recherche sur le rapport des enfants et adolescents (7 à 18 ans) à l’information. Dans Grandir informés, son dernier livre, elle souligne notre focalisation collective sur l’actualité qui discrédite tout autre forme d’information et génère des complexes. Entretien.
    propos recueillis par Xavier Eutrope

    Anne Cordier est professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM). Depuis 2012, elle a rencontré 250 élèves de trois régions (Hauts-de-France, Normandie, Pays-de-la-Loire), du CE1 jusqu’à la première pour enquêter en profondeur sur le rapport aux médias et à l’information des adolescents et jeunes adultes. Il lui a fallu se faire accepter, s’immerger dans leur quotidien. Et leur faire comprendre qu’elle n’était pas là pour juger. Débarrassés de la pression des normes sociales, les élèves se sont ouverts à elle. Elle en tire un livre riche d’enseignements, Grandir informés (C&F).

    On se rend compte en vous lisant que la famille joue un rôle prépondérant dans la construction des pratiques d’information des jeunes. Vous attendiez-vous à ça en commençant à enquêter ?

    Anne Cordier : Non, pas vraiment. Entre les cours, les enfants parlent beaucoup d’information, ils se montrent des choses sur leurs téléphones : ça participe d’un lien social entre eux. Ils ne sont donc pas seuls face à l’information sur leur portable, comme on peut le croire. Cette socialisation par l’information se voit aussi dans la famille. Je dirais même qu’ils sont en demande de cette sociabilité : certains vont jusqu’à se lever plus tôt le matin pour prendre un café en même temps que le beau-père qui regarde « Télé Matin » [l’émission matinale de France 2, NDLR]. Quelque chose d’intergénérationnel se crée autour de l’information. C’est un bien commun, on en a besoin pour vivre ensemble. Même si les jeunes ne manquent pas de critiquer les pratiques des plus âgés.

    Le rapport à l’information se bâtit aussi autour de moments forts. Quels sont ceux qui ressortent le plus ?

    Il y a des évènements joyeux, comme les Coupes du monde de football, mais des évènements, assez durs, reviennent systématiquement et se démarquent : les attentats. Pour les jeunes nés en 1995-96, ce sont ceux de 2001, et ceux de Charlie Hebdo en 2015 pour la génération suivante. Ces événements marquants, communs à une génération, interrogent le rapport au monde de l’enfant, qui prend conscience que tout est bien plus vaste et complexe que ce qu’il pensait.

    Cette construction des parcours informationnels est aussi façonnée par les inégalités sociales, notamment en ce qui concerne l’accès à des appareils électroniques, mais pas seulement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Il y a un lien très clair entre les pratiques informationnelles et les pratiques culturelles : on retrouve les questions d’héritage et de biens économiques. Lorsque l’on a une tablette gagnée via un service de vente par correspondance, on n’est pas doté de la même façon que si l’on avait le dernier produit Apple à la mode. On est encore dans le mythe du « ils ont tous un téléphone, ils sont très adroits avec les nouvelles technologies ». Mais d’abord de quels téléphones parlons-nous ? Dans les collèges d’éducation prioritaire, les enfants équipés de téléphones ne sont pas si nombreux, et il n’est pas sûr que ceux qui en ont puissent lire des PDF dessus. Ce sont souvent des compétences qui se transmettent en famille : si les parents n’en ont pas besoin dans leur cadre professionnel, les enfants ne développent pas ces compétences par héritage familial.

    Mais il y a aussi des écarts en termes de culture des sources. Les élèves en troisième dans des collèges favorisés sont déjà capables de donner des sources très précises pour s’informer, là où les autres n’ont pas de petite valise de sources connues. Et ça fera la différence sur le long terme.

    Comment évolue le rapport à l’information entre l’enfance et l’adolescence ?

    Les enfants s’informent sur l’univers qui est le leur et qui leur plaît (les animaux, les chanteuses, le sport...), et privilégient l’information documentaire. Au collège, ils élargissent leur champ, notamment sous l’impulsion de l’école, mais aussi parce que c’est le début de la socialisation adolescente. Les premières individuations des pratiques apparaissent, avec une envie plus grande de compréhension du monde, des intérêts qui émergent pour des sujets sociétaux, des questions sur « comment être adolescent » (rapport au corps, à la sexualité…). Les sensibilités à l’information d’actualité montent en puissance durant cette période. Au lycée, tout cela s’accentue avec une conscience qu’il faut s’informer davantage sur l’actualité pour répondre aux attentes académiques, mais aussi mieux agir dans le monde. Ils font des recherches sur les sujets de société, avec parfois une finesse de la connaissance développée sur des questions comme le genre, la sexualité, ou encore sur des thématiques politiques qui les touchent comme l’environnement, le racisme. C’est aussi au lycée que l’information dite de service s’impose, dans le cadre par exemple des recherches de stages, de localisations pour les déplacements…

    « Ce qu’ils lisent ne leur paraît pas légitime »

    Vous expliquez dans votre livre qu’une partie des élèves ont honte de leurs pratiques informationnelles.

    Ce n’est pas quelque chose que je cherchais particulièrement, c’est arrivé au fil des échanges. L’enquête sur le temps long permet de briser la carapace des enquêtés. Au début, ils me disaient « non, je ne m’informe pas ». Et puis en les suivant, en les observant, je me suis bien rendu compte qu’ils s’informent. Les pratiques informationnelles sont comme toutes les pratiques culturelles : on n’ose pas dire qu’on lit des romans de vampires par exemple, car ce n’est pas légitime, ça ne fait pas sérieux. Une des élèves que j’ai suivis lisait Biba et Doctissimo tout en disant qu’elle savait qu’il ne le fallait pas. Élise, qui apparaît dans le livre, essayait désespérément de lire Courrier international, sans y arriver, et elle culpabilisait. Le discours porté sur soi est à chaque fois très négatif.

    Comment en arrive-t-on là ?

    Un ensemble de discours dans la société converge pour parler d’une génération qualifiée de « crétins digitaux », qui seraient irresponsables sur les réseaux sociaux, sensibles aux théories complotistes. C’est en réalité une idée récurrente, qui revient de façon cyclique, selon laquelle le jeune est moins intelligent, moins curieux que ses aînés. C’est socialement acceptable de le dire. Et partagé par les médias, les politiques et les discours éducatifs de façon générale. Les parents les entendent, culpabilisent, fantasment sur les pratiques de leurs enfants, enfants qui perçoivent ensuite les signaux et se disent qu’il ne vaudrait mieux pas parler de leurs pratiques, pour se protéger. Cette question de la honte et du sentiment d’illégitimité est centrale, c’est une vraie source de démission éducative et d’incompréhension. Une norme sociale héritée de l’école, assez dogmatique sur le sujet, s’exerce : il faut s’informer sur l’actualité politique, nationale et internationale. Tous les autres types d’information sont complètement mis en retrait.

    Lesquels ?

    Le type privilégié, c’est l’information d’actualité : politique nationale et internationale, l’information d’actualité locale (très utilisée par les jeunes), régionale. C’est intégré par les élèves au point que la sortie du disque d’une chanteuse très à la mode n’est pas une actualité. De la même manière, ils peuvent suivre la KPop avec assiduité et être au courant de tout ce qu’il se passe, mais comme ça ne rentre pas dans les normes qu’on leur donne de ce qu’est l’actualité, ils estiment ne pas s’informer.

    On peut ensuite discerner l’information documentaire, qui va englober les sujets sur lesquels il n’y pas une actualité vive. Ce peut être des sujets de société, comme l’avortement, ou tous les questionnements autour de la sexualité. J’ai rencontré des jeunes filles extrêmement informées sur ces sujets-là, notamment via le média Brut. Dans l’information documentaire, il y a également les recherches que l’on fait pour des problématiques quotidiennes et pour les loisirs.

    Enfin, on a l’information service, qui est très importante et concerne notamment la recherche d’aide sociale et de logement. Elle est socialement discriminante : si j’ai du mal à accéder aux outils et à comprendre où trouver les pièces que l’on me demande, le dossier Pôle emploi va être compliqué à constituer, la demande de logements étudiants ne sera pas simple non plus, etc. Et ça a beaucoup de conséquences.

    Comment les enfants et les adolescents choisissent-ils d’accorder leur confiance à une source d’information ?

    Le plus fiable reste pour eux la presse écrite, avec le journal de 20 heures juste derrière. C’est assez paradoxal car ils ne consultent spontanément ni l’un ni l’autre. Ils se tournent plutôt vers des formats qui les séduisent, tout en restant vigilants sur le contenu de ces mêmes formats. C’est assez ambigu. C’est lorsqu’ils doivent faire un travail pour l’école que l’écart entre ce qu’ils considèrent comme fiable et ce qu’ils consultent se résorbe : ils se forcent à aller voir du côté de la presse. L’évaluation de l’information est vécue comme une injonction scolaire. Dans le même temps, Wikipédia est toujours décriée dans le cadre scolaire, désignée comme une source peu sûre. Ce qui est à la fois injuste et tout à fait contreproductif, car la stigmatisation d’une ressource leur laisse entendre que toutes les autres sources sont bonnes.

    « Pour bon nombre d’élèves s’informer est un risque à prendre, une gageure »

    Revenons à ce sentiment de honte, et au rôle de l’école : l’éducation aux médias telle qu’elle est proposée actuellement a-t-elle une responsabilité ?

    Il ne faut pas généraliser, de très bonnes choses sont faites un peu partout. Mais on voit quand même que l’éducation aux médias et à l’information est avant tout une éducation aux médias d’information, d’actualité politique, car on part du principe que c’est elle qui fait de nous des citoyens. C’est un rétrécissement de ce que doit être cette éducation. Et souvent, on entre dans ces sujets par « il faut faire attention aux réseaux sociaux, car vous y êtes tout le temps » et « attention à la désinformation ». Résultat : pour bon nombre d’élèves s’informer est un risque à prendre, une gageure.

    Que faudrait-il changer ?

    La désinformation obsède la société et l’école. La question de l’égalité des chances passe au second plan, ce qui est regrettable. Il faudrait éveiller la curiosité sur le monde, susciter une appétence pour l’information. Développer une culture des sources communes. Travailler autour de la fabrique de l’information, comprendre les registres langagiers, les codes médiatiques, sans dire qu’il y en a qui sont meilleurs que d’autres.

    Aujourd’hui, on observe des enseignements qui se confondent avec une recherche de légitimité de certaines pratiques journalistiques. On entend beaucoup que l’éducation aux médias devrait conduire les enfants vers la presse écrite. C’est comme si l’on disait que l’objectif de la langue française était de lire les œuvres complètes de Proust. Ça n’a pas de sens.

    Dans votre livre, vous esquissez la nécessité d’étendre les réflexions autour de l’éducation aux médias à toutes les classes d’âges.

    C’est tout le problème : dès que l’on parle d’éducation, on ne pense qu’aux enfants. Or ils ont besoin que les adultes partagent avec eux des clés de compréhension, d’explication. On peut espérer que cette génération, qui devrait être davantage éduquée aux médias et à l’information (j’insiste sur le terme « information » dans toute sa diversité), pourra transmettre elle-même ses connaissances.

    De nombreuses actions sont menées à destination des parents, par des associations. Certains médias s’emparent de ces problématiques en déconstruisant les informations, pour comprendre leur traitement. La responsabilité est partagée, et si chacun prend sa part de façon pédagogique, sans faire peur, sans angoisser et sans stigmatiser, nous réussirons à toucher un public plus large que celui des enfants et des adolescents. Ça ne peut pas fonctionner autrement.
    Xavier Eutrope
    Xavier Eutrope

    Journaliste à La Revue des médias

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #Revue_médias #Interview

  • ENTRETIEN. « Les jeunes attendent beaucoup des médias, il ne faut pas les décevoir »
    https://www.ouest-france.fr/education/entretien-les-jeunes-attendent-beaucoup-des-medias-il-ne-faut-pas-les-d
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMzA5ODc4NmU1ZjlmZDZkMDQxYmFjMDFiN2NkYTFhNjk0MWQ?width=1260&he

    Depuis 2012, Anne Cordier a rencontré 250 élèves, du CE1 jusqu’à la première. Professeure en sciences de l’information et de la communication, elle a ainsi enquêté en profondeur sur le rapport aux médias et à l’information des adolescents et jeunes adultes et en a tiré un livre, « Grandir informés ». Elle nous livre ici ses conclusions.
    Les jeunes générations sont encore friandes d’informations, selon la chercheuse Anne Cordier. Mais sur des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte. (Photo d’illustration)
    Les jeunes générations sont encore friandes d’informations, selon la chercheuse Anne Cordier. Mais sur des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte. (Photo d’illustration) | PIXABAY
    Ouest-France Propos recueillis par Emile BENECH. Publié le 28/09/2023 à 15h01

    Elle les suit depuis plus de dix ans. Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem), étudie le rapport aux médias et à l’information de 250 élèves des Hauts-de-France, de Normandie et des Pays-de-la-Loire, du CE1 jusqu’à la première. Elle en tire un livre, Grandir informés (éditions C & F), où elle explique les pratiques informationnelles des jeunes et leur évolution sur cette durée.

    [Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem).]
    Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem). | DR

    Anne Cordier, commençons par une idée reçue : est-ce que les jeunes ont arrêté de s’informer ?

    Pas du tout. En fait, lorsque l’on dit que les jeunes ne s’informent pas, on estime qu’ils devraient s’intéresser à des sujets dits « sérieux », comme l’actualité politique, internationale, etc.

    Les « jeunes » s’informent en fait sur plein de sujets. Mais ce sont des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte

    Les « jeunes » s’informent en fait sur plein de sujets, comme les questions de genre, celles liées au climat, ou des questions de sociétés, avec notamment les questions des violences faites aux enfants. Mais ce sont des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte.

    Comment les jeunes s’informent-ils ?

    D’abord, c’est difficile de figer les jeunes dans une catégorie sociale homogène. Le milieu social, le parcours académique, professionnel ou encore personnel va modifier les besoins informationnels de chacun.

    Cette veille se fait principalement via les réseaux sociaux et les médias 100 % vidéos [Brut, Konbini, Loopsider, etc.]. Au contraire, ils vont trouver que ces sujets sont peu – ou mal – traités, dans les médias plus traditionnels.

    Qu’est-ce que ça veut dire, de s’informer depuis les réseaux sociaux ?

    En fait, le réseau social est un canal qui est utilisé pour pouvoir accéder à toutes sortes de sources d’information. On y retrouve les médias traditionnels, comme Ouest-France, La Voix du Nord ou Libération, mais aussi des créateurs de contenus (Hugo Décrypte, Micode, etc.).

    Les jeunes ont délégué leurs systèmes de veille de l’actualité à ces réseaux sociaux. Bien sûr, ça nécessite de développer une forte culture des sources

    Les jeunes – et parfois les moins jeunes aussi – ont délégué leurs systèmes de veille de l’actualité à ces réseaux sociaux. Bien sûr, ça nécessite de développer une forte culture des sources, pour séparer la bonne info de l’ivraie.

    Mais ils ne subissent pas forcément cette relation avec eux ?

    Non, les jeunes connaissent le fonctionnement des algorithmes des réseaux sociaux [qui « optimisent » l’affichage des publications sur les fils d’actualités, en fonction des centres d’intérêt des utilisateurs, NdlR], et jouent avec. Ils vont « liker » une page, en suivre une autre ou aimer une vidéo, afin que ces contenus reviennent plus fréquemment dans leurs flux.

    Ils délèguent leurs systèmes de veilles aux réseaux sociaux, mais prennent quand même soin de les configurer en amont.

    À côté des réseaux sociaux, on trouve les médias 100 % vidéos. Ils sont eux aussi devenus la norme ?

    Oui, ces nouveaux médias sont extrêmement cités par les nouvelles générations. Mais ils font bien la distinction entre deux notions lorsqu’ils en parlent : le plaisir et la confiance. Pour eux, ces pure players sont extrêmement plaisants à regarder, mais ce ne sont pas systématiquement les médias dans lesquels ils ont le plus confiance.

    Et quels sont les médias investis de cette confiance ?

    Principalement la presse, qu’ils décrivent comme une présence rassurante. Paradoxalement, d’ailleurs, puisqu’ils indiquent que c’est le média dans lequel ils ont le plus confiance, que c’est important qu’elle existe, mais ils ne la lisent presque pas, dans sa version imprimée s’entend.

    Quelles sont les raisons ?

    C’est clairement parce qu’il y manque le côté audiovisuel. Et, lire un article, ça prend du temps. Cette question de la temporalité est devenue centrale dans le regard que portent les jeunes sur l’information.

    L’information est désormais choisie non pas en fonction de son intérêt, mais en fonction du temps qu’on souhaite lui accorder.

    Sur le site des médias 100 % vidéo, le temps des contenus est clairement indiqué, et les jeunes générations vont s’appuyer sur cette référence pour choisir ce qu’ils vont regarder. L’information est désormais choisie non pas en fonction de son intérêt, mais en fonction du temps qu’on souhaite lui accorder.

    Ça, c’est symboliquement fort, et ça montre la puissance du dispositif technique.

    Est-ce que l’information est perçue comme anxiogène par les jeunes ?

    Oui, et c’est quelque chose qui m’a beaucoup frappée dans mes entretiens avec eux. En fait, la notion de plaisir est très importante dans leur recherche d’informations. Et, d’ailleurs, les jeunes adorent s’informer, notamment sur des sujets documentaires, que ce soit la santé, les pyramides, la sexualité, etc. Là, ils prennent du plaisir, même sur des sujets pas rigolos en soi.

    Mais alors, dès qu’on parle de l’information d’actualité, donc qui, entre guillemets, leur tombe dessus, ils disent tous qu’elle est hyper anxiogène, que ça les angoisse, que, parfois, ils ont besoin de couper ou que ça ne leur donnait pas envie de vivre.

    Quel serait le média idéal pour les jeunes générations ?

    Alors ça, c’est toujours le vrai problème. En fait, le média idéal, ce serait presque un média totalitaire. Les plus jeunes rêvent souvent d’un média unique. Ils voudraient un grand média en lequel ils puissent avoir confiance de façon absolue. Et donc, c’est forcément problématique !

    Plus largement, ils souhaitent pouvoir consulter un média qui les prend au sérieux, et qui fait écho à leur quotidien. Sur les questions liées au climat par exemple, ils expliquent avoir du mal à se représenter les faits très lointains. En revanche, lorsque l’information est axée sur le quotidien et qu’on l’ouvre sur la question du climat, là ça prend plus de sens pour eux.

    Le lien entre les jeunes et le monde médiatique n’est donc pas si distendu qu’on pourrait le penser ?

    Non, au contraire, les jeunes attendent beaucoup des médias, beaucoup plus qu’on ne le pense. Et les grandes figures d’autorités qu’ils citent ne sont pas que des créateurs de contenus, loin de là, mais aussi des figures traditionnelles. La figure de référence est d’ailleurs Élise Lucet. Il ne faut pas les décevoir.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #Ouest-France

  • Quelle transposition didactique pour l’éducation aux médias et à l’information ? Réflexions depuis la lecture d’Anne Cordier (2023. Grandir informés : Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes. C&F Editions) – Dé montages
    https://demontages.phl-lab.uliege.be/quelle-transposition-didactique-pour-leducation-aux-medias

    Néanmoins, éduquer aux médias et à l’information suppose peut-être, avant toute chose, de cerner le profil des publics à qui l’on s’adresse ; d’anticiper, autant que faire se peut, le destinataire de l’action éducative afin de mieux comprendre ses représentations initiales, ses résistances éventuelles, le rapport qu’il entretient avec les médias dans sa vie quotidienne, les pratiques qu’il met en place pour s’informer et communiquer. De ce point de vue, l’ouvrage d’Anne Cordier se révèle un adjuvant précieux : huit ans après Grandir connectés, l’autrice poursuit ses recherches auprès d’un public composé d’adolescents et de jeunes adultes, parmi lesquels on retrouvera, dans les retours d’enquêtes longitudinales, les douze participants de la première étude.

    L’angle choisi par Cordier sera celui des activités des enquêtés, des expériences vécues dans ce contexte, morceaux de biographies informationnelles à travers lesquelles le lecteur est invité à déambuler au fil des onze chapitres thématiques.

    Une première ligne qui traverse l’ouvrage est la dimension affective et relationnelle de l’information : elle se partage, en famille ou avec des amis ; elle est une manière de nourrir le lien, de négocier des représentations structurantes, des impressions, d’intégrer des communautés :

    les sociabilités informationnelles rompent avec la considération psychologique et individuelle de la démarche informationnelle : on ne recherche pas de l’information pour soi mais pour occuper une place dans le monde ainsi que pour partager du sens avec autrui. (p. 33)

    La sociabilité est, en premier lieu, familiale : Cordier relève ici l’importance des processus de socialisation primaire dans l’élaboration des pratiques informationnelles, dès lors que la famille apparaît comme un premier lieu d’échange, d’évaluation et de transmission des ressources informationnelles.

    À ces constats s’ajoute celui d’une obsession typiquement institutionnelle (politique, médiatique) relayée dans le monde scolaire, qu’est la chasse aux fake news. Davantage qu’un phénomène de société global (objet de préoccupations légitimes, au demeurant), les pratiques de désinformation sont présentées comme étant le propre des jeunes générations, et devant être corrigées durant le cursus éducatif. Il en résulte qu’évaluer l’information apparaît désormais comme « une injonction académique et non comme un processus intellectuel participant d’une démarche informationnelle critique plus globale, adoptée au quotidien. » (p. 240). La consultation de l’information de type news, celle de l’actualité vive, devient alors chez les jeunes une source d’anxiété en raison de la culture de la défiance (p. 255) qui se déploie dans le monde éducatif. Par contraste, Cordier souligne les émotions souvent positives associées aux pratiques d’information documentaires (soit, une recherche d’information de type knowledge), qui transparaissent des interviews.

    Ces représentations du milieu médiatique, immédiat, ouvert, interactif, orientent la saisie et la compréhension des formats d’information, dont le design joue un rôle de premier plan. Il contribue en effet à charger d’affectivité les pratiques informationnelles, en particulier lorsqu’elles se trouvent outillées numériquement[3] à des fins de captation attentionnelle et économique. Ce qui n’échappe en aucune manière aux enquêtés, qui oscillent, dans leur attitude face aux dispositifs, entre attraction et résistance. Le design des formats d’information numérique, visant la fluidité et l’instantanéité des propositions informationnelles, nourrit dans le même mouvement des imaginaires de démédiation et de transparence

    or, rappelle l’autrice, on gagnerait à réinterroger avec les jeunes le rôle que joue la presse dans leurs pratiques informationnelles, dès lors qu’ils continuent à la percevoir comme un média de référence. Cordier propose de la replacer dans une économie intermédiatique (Jeanneret [2000] 2017) qui prendrait en compte sa circulation sur différents supports. Plus généralement, elle réfute toute ligne de partage qui isolerait l’information en ligne dans les actions éducatives :

    L’erreur commise actuellement, et depuis hélas trop de temps, est d’opérer une focalisation obsessionnelle sur ledit numérique, isolant celui-ci au sein des pratiques informationnelles juvéniles, ce qui nuit à la véritable compréhension de l’épaisseur de ces pratiques mais aussi à la mise en place d’une éducation aux médias et à l’information ayant un sens social effectif car faisant écho à la véritable expérience des acteurs. (p. 131)

    L’une des conséquences de ce partage est la disqualification, par le monde scolaire, de certains sites où s’exercent les pratiques informationnelles (réseaux sociaux, Wikipédia) ; en d’autres termes, une stigmatisation de la ressource au détriment d’une culture des sources (p. 242) qui devrait pourtant prendre en considération l’économie intermédiatique.

    Discussion et pistes pour une exploitation didactique

    On décèle déjà, à la lecture de ces axes, tout le potentiel de l’enquête pour une approche didactique de l’éducation aux médias. Le travail est d’ailleurs préparé par Cordier qui, au terme de chaque chapitre et dans sa conclusion, émet une série de propositions pédagogiques tirées des analyses présentées (on en retrouvera les grandes lignes dans une interview récente dans le Café pédagogique). Il s’agit à proprement parler d’un appel à un changement de paradigme culturel dans l’enseignement des médias et de l’information :

    culture des sociabilités informationnelles, consolidées par la fréquentation des lieux de savoir (vs. culture de pratiques individuelles de l’information décontextualisées) ;
    culture de la confiance et du plaisir (vs. culture de la défiance et de l’angoisse de se tromper) ;
    culture des sources informationnelles (vs. stigmatisation des ressources informationnelles) ;
    culture technique du web attentive aux enjeux du capitalisme de surveillance et à ses logiques de captation (vs. culture instrumentale centrée sur l’outillage) ;
    culture intermédiatique explicitant la fabrication de l’information et les « systèmes d’intentions et de valeur des formats médiatiques » (p. 300) (vs. culture des médias numériques pensés comme isolés) ;
    culture valorisant les savoirs informels et les pratiques extra-scolaires (vs. culture académique) ;
    culture des légitimités informationnelles (vs. culture des bons usages normés dont les implicites renforcent les inégalités).

    La démarche de Cordier, résolument compréhensive, vise en réalité à mieux saisir l’expérience informationnelle de l’usager des médias. L’autrice exploite ici à bon escient tout le potentiel de l’approche qualitative, donnant accès au matériau vivant et concret de l’expérience, tout en étant étayée méthodologiquement (l’annexe en donne un aperçu). On appréciera la posture éthique de l’autrice, marquée d’un profond respect pour les enquêtés en tant que personnes, dans la diversité de leurs positions — qu’il s’agisse du militant antifa ou du gamer sympathisant du RN — mais aussi, par exemple, pour les enseignants et acteurs de l’action éducative qui, tant bien que mal, s’ajustent aux injonctions institutionnelles. L’approche résolument bienveillante n’empêche en rien la considération critique de ces injonctions, de leurs faiblesses intrinsèques ou de leur difficile applicabilité. La reconnaissance de la pluralité de pratiques informationnelles (incluant les pratiques amateur) évitant la reconduction des hiérarchies consacrées (qui sont toutefois pensées analytiquement) donne également matière à réflexion.

    En guise de conclusion…

    La transposition didactique repose sur la transformation adaptative de savoirs savants ou de pratiques sociales de référence en savoirs enseignables. Cette transformation d’un objet social ou scientifique en objet scolaire passe par une mise en texte du savoir, que l’on retrouvera par exemple dans les textes institutionnels (programmes, référentiels, etc.), les manuels et autres supports de cours (Reuter et al. 2013, 221). À ce titre, la transposition didactique consiste en une pratique discursive du savoir au sens de (Badir 2022), soit la manière dont un savoir est, par le discours, constitué en objet susceptible d’être transmis et enseigné. Elle est donc affaire, notamment, de précision lexicale.

    De notre lecture d’Anne Cordier, nous retiendrons donc cette idée d’un étayage terminologique et conceptuel indispensable à l’éducation aux médias et à l’information, qui pourrait servir de filtre pour la sélection de pratiques sociales de référence pertinentes

    Ces quelques considérations sont loin d’épuiser le potentiel de Grandir informés pour penser les aspects didactiques de l’éducation aux médias et à l’information. Par exemple, la prise en compte du rôle essentiel des émotions dans la saisie de l’information pourra faire l’objet d’activités réflexives intégrant les théories du design de l’information et de l’énonciation éditoriale — ce qu’on trouvera par ailleurs dans les propositions méthodologiques de la sémiotique sociale (Saemmer, Tréhondart, et Coquelin 2022). Dans un autre registre, celui de la scénarisation didactique, l’identification des représentations préalables associées aux médias numériques (immatérialité, démédiation, immédiateté, interactivité, dualisme, etc.) fournira des points d’appuis précieux pour initier une activité pédagogique. On continuera donc avec plaisir à suivre l’autrice dans ses nombreuses interventions médiatiques, adressées aux chercheurs mais également, bien souvent, aux parents, enseignants et adolescents, tout à la fois acteurs et bénéficiaires de l’action éducative.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Le “#navi_quarantena” sono costate più di 130 milioni di euro in due anni

    Tra l’aprile 2020 e il giugno 2022 almeno 56mila persone sono transitate dalle imbarcazioni messe a disposizione da operatori privati su volere del governo, per una spesa pro-capite di 220 euro al giorno. Dati inediti evidenziano un esborso pubblico molto più elevato di quanto avrebbe richiesto una più dignitosa accoglienza a terra

    Le “navi quarantena” utilizzate per oltre due anni dal governo italiano per l’isolamento preventivo dei richiedenti asilo arrivati sulle coste italiane durante l’emergenza sanitaria sono costate, in totale, quasi 132 milioni di euro: 220 euro a persona al giorno. “Una follia fuori da ogni logica, un simile costo è più di quattro volte quello che si sarebbe speso utilizzando soluzioni residenziali a terra. Un paradosso, considerando che oggi si grida all’emergenza ma si continua a spendere pochissimo per creare un sistema d’accoglienza dignitoso”, spiega Gianfranco Schiavone, presidente del Consorzio italiano solidarietà di Trieste (Ics) e membro dell’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi).

    L’86% di quanto speso è andato a Grandi navi veloci Spa, la principale azienda che ha fornito le navi, ma il conto potrebbe essere parziale: dai documenti consultati da Altreconomia non è chiaro se la rendicontazione dei soggetti coinvolti sia già conclusa. Quel che è certo è che vanno aggiunti a questa cifra almeno 420mila euro per i costi sostenuti per la Raffaele Rubattino, proprietà della Compagnia italiana navigazione Spa, per l’accoglienza di 180 profughi tra il 17 aprile e il 5 maggio 2020.

    Ma andiamo con ordine. Nel pieno della pandemia da Covid-19, con il lockdown nazionale proclamato il 9 marzo 2020, un doppio decreto istituisce il sistema delle cosiddette “navi quarantena”: da un lato, il 7 aprile 2020 un decreto interministeriale emanato dai ministeri dell’Interno, della Salute e delle Infrastrutture stabilisce che, per tutta la durata dell’emergenza sanitaria, i porti italiani non potevano essere considerati “luoghi sicuri” per lo sbarco dei migranti; dall’altro cinque giorni dopo, il 12 aprile, la Protezione civile affida al Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione del Ministero dell’Interno la gestione dell’isolamento e della quarantena dei cittadini stranieri soccorsi o arrivati autonomamente via mare. È sulla base di questo decreto che il Viminale, insieme alla Croce rossa italiana, viene autorizzato a utilizzare navi per lo svolgimento della sorveglianza sanitaria “con riferimento alle persone soccorse in mare e per le quali non è possibile indicare il “Place of Safety” (luogo sicuro)”. Quelle, quindi, non sbarcate autonomamente. Comincia così la stagione delle navi quarantena: tra il 17 aprile e il 5 maggio 183 persone vengono “ospitate”, come detto, sulla nave Rubattino seguita dal traghetto Moby Zaza (attivo dal 12 maggio), che può ospitare fino a 250 persone appartenente anche esso alla Compagnia di navigazione italiana. Sarà poi Grandi navi veloci, successivamente, a fornire quasi tutti i servizi.

    Traghetti su cui, in totale, dal 17 aprile 2020 al 7 giugno 2022 secondo i dati forniti ad Altreconomia dall’ufficio del Garante nazionale delle persone private della libertà personale, sono salite in totale 56.007 persone, per una permanenza media nel 2021 e 2022 di 10,7 giorni. Considerando un costo totale di 132 milioni di euro significa quindi più di 2.300 euro a persona e 220 al giorno.

    “Ipotizziamo di aumentare da 30 a 50 euro il costo pro-capite pro-die per l’accoglienza di queste persone in strutture residenziali sul territorio -osserva Schiavone-. Aumentiamo la diaria perché consideriamo l’oggettiva situazione di emergenza sanitaria che alza i costi. Ebbene, anche così facendo e considerando che comunque la spesa totale potrebbe essere al ribasso significa un costo quattro volte più alto. È irragionevole”. Di questi soldi, ricavati da Altreconomia dai giustificativi di pagamento dei servizi effettuati dal Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione, in seno al ministero dell’Interno, come detto 113 milioni sono stati destinati a Grandi navi veloci (tra nave, carburante e personale), quasi sei milioni a Moby Zaza e poco più di 12 alla Croce rossa italiana (Cri) che assisteva le persone trattenute sulle navi. La stessa Croce rossa a gennaio 2022 aveva minacciato di non garantire più il servizio a seguito del ripetuto superamento del periodo massimo di permanenza sulla nave -10 giorni- per almeno mille persone e che, anche per questo motivo, aveva preoccupato tra gli altri l’Asgi che in un dettagliato report aveva pubblicato le sue perplessità sui rischi di un simile sistema.

    “L’accoglienza a terra avrebbe evitato note criticità logistiche, violazioni di alcune procedure e soprattutto, da un punto di vista strettamente economico avrebbe fatto risparmiare il ministero e aiutato, per esempio, albergatori in difficoltà che si sono trovati a dover chiudere le proprie attività. Chi non avrebbe accettato le accoglienze a 50 euro? Di certo, nessuno, ai 220 costati per le navi”. E forse si sarebbero anche evitate le morti di Bilal, ragazzo tunisino di 22 anni che si è suicidato dalla Moby Zaza a maggio 2020; Abou Diakite, 15 anni, nato in Costa d’Avorio e deceduto nell’ospedale di Palermo dopo essere stato trasportato d’urgenza dalla Gnv Allegra; Giorgio Carducci, psicologo volontario di 47 anni stroncato da un arresto cardiaco. E poi Abdallah Said deceduto a settembre 2020 all’ospedale di Catania dopo due settimane di permanenza sulla Gnv Azzurra.

    Abbiamo chiesto a Croce rossa italiana se era già terminata la rendicontazione delle spese effettuate ma non abbiamo ricevuto risposta nel merito. Il periodo di riferimento dei pagamenti effettuati va dall’ottobre 2020 al 24 febbraio 2023. Mancano però le informazioni del primo trimestre del 2021 che hanno una tabella “vuota”: non è chiaro se perché non sono state effettuati pagamenti o per un errore di caricamento.

    Un capitolo chiuso che ha ancora molto da “insegnare” anche per il presente. “Evidenzia come non ci sia nessun tipo di ragionata pianificazione che consenta di trovare delle soluzioni adeguate anche in contesti straordinari, come è indubbiamente stato il Covid-19, ma sulla base di criteri e paletti di ragionevolezza -conclude Schiavone-. Passiamo dalla spesa folle fatta con le navi quarantena al rifiuto attuale di adeguare e prevedere un corrispettivo pro die-pro capite dignitoso per l’accoglienza nei Centri di accoglienza straordinaria (Cas) con la conseguenza che le gare vanno deserte perché le condizioni sono economicamente insostenibili. La stessa amministrazione, certo con tempi diversi e governi, sembra non abbia nessun parametro logico su come operare in emergenza, su cosa e quanto sia ragionevole spendere per conseguire gli obiettivi pubblici. Tutto sembra invece avvenire in modo molto casuale in contrasto con il principio di efficienza che deve guidare l’operato della pubblica amministrazione”.

    https://altreconomia.it/le-navi-quarantena-sono-costate-piu-di-130-milioni-di-euro-in-due-anni
    #budget #coût #asile #migrations #réfugiés #Italie #privatisation #covid #Grandi_navi_veloci #navires #bateaux #Raffaele_Rubattino #Compagnia_italiana_navigazione #lockdown #confinement #isolement #quarantaine #Place_of_Safety #Rubattino #Moby_Zaza #ferry #Croce_rossa_italiana #croce_rossa #hébergement #accueil #GNV

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    voir aussi ce fil de discussion:
    Rights in route. The “#quarantine_ships” between risks and criticisms
    https://seenthis.net/messages/866072

  • Anne Cordier : Repenser l’éducation à l’information ?
    https://www.cafepedagogique.net/2023/06/16/anne-cordier-repenser-leducation-a-linformation

    Peut-on éduquer les jeunes sans les connaitre ? Comment dépasser en particulier certains stéréotypes qui obsèdent et aveuglent : celui du « digital native » (le jeune serait expert dans les environnements numériques) et celui du « crétin digital » (le jeune serait assujetti et abêti par « les-z-écrans ») ? C’est l’enjeu essentiel du passionnant travail d’Anne Cordier, professeure-documentaliste désormais professeure des universités en Sciences de l’Information et de la Communication. Elle publie un nouvel ouvrage amené à faire date : « Grandir informés ». Son travail d’enquête, patient, rigoureux, bienveillant, éclaire les pratiques et représentations des enfants, adolescents et jeunes adultes en matière d’information. Ses décapantes et vivifiantes analyses transformeront peut-être les représentations et pratiques des enseignant.es dans la mission qui leur est confiée : l’Education aux Médias et à l’Information…

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Non, les jeunes ne sont pas des crétins passifs face à l’information - Interview de Anne Cordier
    https://www.ladn.eu/media-mutants/non-jeunes-cretins-passifs-information

    Une interview indispensable.

    Vous pensez que les adolescents sont juste bons à regarder des influenceurs débiles sur YouTube ? Au terme de 10 ans d’enquête sur les pratiques informationnelles des jeunes, la sociologue Anne Cordier n’est pas du tout du même avis.

    Loin du cliché qui voudrait que les enfants et adolescents soient des victimes complaisantes des réseaux sociaux incapables de s’informer correctement, le livre Grandir informés de la sociologue Anne Cordier a de quoi rassurer. Depuis 2012, cette enseignante-chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Lorraine, suit la vie connectée de jeunes de 6 à 20 ans afin de comprendre leur rapport au numérique et à l’information au fur et à mesure de leur parcours et de leur entrée dans le monde adulte. Il en ressort un constat qui va bien souvent à l’encontre des idées reçues. Pour beaucoup d’ados, il est important – et même plaisant – de bien s’informer même si cette action ne se fait pas sans difficulté. Forgées par le Web et un écosystème d’information décentralisé, les pratiques des jeunes sont pourtant toujours mal perçues par une majorité d’adultes. Explications.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

    • Quand toute l’industrie mondiale du sucre fait tout pour en mettre partout, être pédagogue ne suffit pas, expliquer que « le sucre c’est mal » n’empêche pas de vouloir en manger toujours plus : il faut être proactifs, et interdire au max le sucre transformé à la maison, et manger des brocolis à table. Et de temps en temps quand c’est la fête, anniv, noel etc, on sort un peu de bonnes confiseries et bons chocolats qu’on a choisit si possible avec soin.

      Du coup la comparaison tient plutôt bien : il faut être proactifs aussi et ne pas laisser de chamalows numériques librement à disposition en permanence. Et donc manger des brocolis informationnels en priorité = de la presse papier ou numérique choisie avec vraiment des nutriments informationnels dedans càd du vrai travail journalistique et pas du temps de cerveau pour les publicitaires = Mediapart plutôt que Brut pour schématiser mais yen a d’autres. Avoir des infos ingurgitables en 2min, 5min max, c’est la mort de l’information et de l’analyse. Ne pas laisser le portable et l’ordi dispo en continu. Faire lire des romans, des essais, de la presse totalement papier sans aucune distraction autour.

      Le goût complexe et la diététique (et il faut les deux) ça s’apprend, un enfant n’aimant pas forcément immédiatement sans apprentissage le roquefort et les champignons.

      Cela dit la pression sociale est tellement forte pour le sucre (alimentaire et informationnel) qu’il faut être super surveillant et pointilleux.

      J’ai un bon exemple d’ado à la maison, qui a totalement décliné en capacité d’expression oral/écrite depuis qu’il a le portable disponible en permanence. Et c’est marrant car la comparaison avec le sucre continue de marcher.
      – Toute son enfance ya jamais eu de bonbons et trop de trucs sucrés à la maison. Et bien il mangeait du roquefort à 1 an, et il préfère toujours un bout de comté ou du houmous de papa qu’une sucrerie.
      – Toute son enfance il avait accès à uniquement du papier, des dizaines de livres, et pas youtube bien sûr mais pas de télé non plus : les vidéos étaient uniquement des DVD choisis (et donc à demander pour y accéder). Et bien il a lu ultra tôt, avait un vocabulaire deux fois plus que le moyenne, etc. Il n’y avait pas besoin de surveillance, on pouvait le laisser seul dans sa chambre ou dans la maison, puisque ce qu’il avait accès c’était plein de trucs de qualité en papier.

      À partir de fin collège, sa mère lui a pris un mobile, et il a eu aussi ordi, youtube, tiktok, tous les « médias de flux », etc. Depuis il ne lit plus de papier par lui-même, seulement quand on le force, et il a des difficultés scolaires importantes dans les matières de socle (français, expression, argumentation, etc).

      Alors on pourrait dire « bah fallait pas juste lui donner, fallait surveiller plus ». Certes, mais déjà c’était pas mon choix, et surtout on n’a pas forcément le temps et l’énergie (charge mentale, travail, courses, manger, loyer, etc). Alors que quand il n’y avait pas le mobile du tout, cette surveillance de tous les instants pour ne pas se gaver de sucre pourri n’avait pas lieu d’être. C’est une charge mentale énorme qui s’ajoute aux parents !
      (Perso quand j’étais ado, je jouais énormément aux jeux vidéos, collège et lycée. Mais il y avait la presse papier dans le salon toujours dispo, Libé, Télérama, etc, que je lisais toujours.)

    • Figure toi que le notre, en 1ère, il ne parle plus beaucoup spontanément, et il a du mal quand il faut argumenter, aussi ; c’est aussi l’âge. Mais quand il faut qu’il raconte un film qu’il a vu, c’est affligeant la difficulté qu’il a à synthétiser les éléments importants. A l’approche du bac, on est en train de se dire que bon, mais pourquoi ils ne rédigent plus rien en français au collège et au lycée ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés. Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice. C’est très bien que la charge de travail à la maison soit moindre, mais... si l’exercice n’est pas réalisé non plus en cours, quand est-ce que le gamin va s’y frotter ? C’est ça la fameuse « baisse de niveau » ?

    • Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés.

      Aah mais purée ça fait 3 ans que je me demande la même chose depuis fin collège !

      Moi au collège au moins depuis la 4ème, on nous demandait de faire des « fiches de lecture » super longues, qui devaient avoir un résumé de plusieurs pages A4 + avis personnel long et argumenté (et je détestais ça). Là, même en seconde ils ont pas ça ! WTF pour faire le bac ensuite… Il a dû faire 2 pauvres commentaires en un an…

    • De notre côté, on a retiré le portable depuis plus d’un an à la grande, malgré une nouvelle tentative à Noël. Donc elle l’a au compte-goutte. Parce que c’était totalement ingérable : les gamins ont encore moins de moyens que nous de résister au fait que l’« économie de l’attention », depuis des années, c’est le principal investissement de la Silicon Valley. Les meilleurs psys, comportementalistes, ingénieurs, que sais-je, et des milliards de dollars sont consacrés à la seule et unique tâche de savoir comment capter l’attention. Notre ado est rigoureusement incapable d’y résister (même si elle a conscience du problème, comme c’est dit par Anne Cordier). Les confinements n’ont sans doute pas aidé, d’ailleurs, ce sont des périodes où les mauvaises habitudes semblent s’être lourdement installées.

      Et la différence du smartphone avec la téloche, c’est que c’est rigoureusement incontrôlable : tu te retrouves avec une gamine qui semble épuisée, tu crois qu’elle couve quelque chose et tu te rends compte seulement à la fin de la semaine que c’est parce qu’elle binge-watchait des « les Gacha commentent des animés » jusqu’à 4 heures du mat toutes les nuits sous la couette. (Je me souviens que je bouquinais en loucedé sous ma couette, avec la lampe-poche destinée à aller pisser la nuit ; mais tu peux pas bouquiner tous les soirs jusqu’à 4 heures du mat avec une lampe-poche, tu finis forcément par roupiller avec la loupiotte allumée. Par contre, le smartphone, c’est redoutable.)

      Du coup on a repris le smartphone et les petits n’en auront pas. La grande a un dumbphone pour… téléphoner (ce qu’elle ne fait quasiment jamais, téléphoner apparemment c’est beaucoup trop intrusif). Anne Cordier le dit d’ailleurs à la fin de l’article : les gamins ont bien conscience des pièges, mais n’ont aucun moyen de ne pas y céder. (On a tenté pendant trop longtemps de contrôler grâce aux contrôles parentaux, qui sont directement intégrés dans les trucs Apple, mais c’est un échec retentissant – alors même qu’on est loin d’être des parents analphabètes en matière d’interwebz…).

      La difficulté se déplace alors sur l’ordinateur, parce que là aussi dès qu’on a le dos tourné ça te me binge watch des conneries au lieu de faire les devoirs (c’est pas qu’on voudrait qu’elle ne fasse que ses devoirs avec l’ordi : c’est qu’on voudrait qu’elle ne passe pas 4 heures chaque soir à glander parce que les devoirs prennent des plombes et que tout ça est d’une inefficacité épouvantable). Et qu’on aimerait bien, aussi, qu’elle fasse autre chose dans sa vie d’ado que de rester à glander devant l’ordinateur avec les devoirs toujours à faire, et à n’avoir plus le temps pour rien (ne serait-ce que sortir avec les ami·es).

      Les petits (en sixième), pour l’instant les mauvaises habitudes ne sont pas totalement prises (vu que pas de smartphone), mais ça commence : le collège leur fournit un ipad chacun, qui est relativement bridé, mais ça n’empêche que ça commence à devenir un problème.

      Dans tous les cas, on constate en plus les comportements pénibles. C’est pas totalement surprenant que ça se développe avec l’âge, mais pour le coup, je pense que l’accès aux écrans accentue les mensonges, les tromperies et les dissimulations. Quand la grande arrive à récupérer le smartphone (parce qu’un besoin ponctuel le justifie), derrière on peut être certains qu’on va se fader des méthodes de brigande pour planquer le truc, mentir (« nan, je sais pas où il est… »), attendre qu’on soit couchés pour binge-watcher des merdes, nous entuber pour réussir à faire sauter les limitations parentales…

      Je trouve Anne Cordier légère sur cette partie de l’entretien :

      Après, dans les faits, ils sont comme nous tous. On a conscience qu’on se fait avoir par ces applications : ça nous arrive de tomber facilement dans un tunnel de TikTok. Ils reconnaissent qu’ils sont victimes de ce genre de pratiques et ils se sentent démunis face à ça. Ils parlent de fermer le téléphone, de le mettre en silencieux, mais ils n’ont pas de solutions efficaces. Ce que je trouve difficile, c’est surtout de leur déléguer la responsabilité des pièges tendus par ces applications.

      Je comprends qu’elle ne développe pas parce que ce n’est pas le cœur du sujet, mais pour les parents, à nous lire je vois bien que c’est indissociable du sujet de l’accès à l’information. Elle dit : « ils se sentent démunis », « ils n’ont pas de solutions efficaces », et c’est « difficile de leur déléguer la responsabilité ». Certes, mais les parents n’ont pas de solution non plus, et le fait même que le smartphone soit un objet personnel et incontrôlable fait qu’il n’y a aucune autre solution que de leur « déléguer » la responsabilité de leur usage - sauf à confisquer l’objet…

      Sinon, pour revenir à la consommation d’info par les gamins, je suis assez d’accord sur le fait qu’ils peuvent utiliser les écrans de manière tout à fait constructive pour alimenter leurs centres d’intérêt. Certes on bloque les réseaux sociaux et on surveille pour limiter les comportements de binge-watching de trucs débiles, donc nos 3 gamins, dans le tram, ont l’habitude de discuter ou de dessiner plutôt que de scroller vainement de vidéos rigolotes en vidéos rigolotes sur Insta. Mais du côté de l’« information », franchement, je trouve pas les gamins d’aujourd’hui (y compris les gamins de nos amis) plus nuls que nos générations, qui ont été élevées avec la téloche.

      Après, les parents qui trouvent que leurs gamins sont incultes en matière d’information, ne s’intéressent pas aux « bons » sujets, faut peut-être un peu discuter d’autre chose avec ses gamins que du dernier épisode de Kolantha. On n’attend pas des niards qu’ils se passionnent spontanément pour l’information « noble », m’enfin si tu discutes à table de l’Ukraine, de la réforme des retraites et du SNU, les gamins ils s’intéressent, histoire de participer à la conversation. De plus, de la même façon qu’on n’attend pas qu’ils aillent au musée tous seuls où qu’ils apprennent spontanément le programme de math sans passer par l’école, l’accès à l’information c’est surtout quelque chose qui se fait en famille : outre discuter avec eux, tu peux regarder des documentaires avec eux, choisir un film sur tel sujet qui a éveillé leur intérêt, faire une recherche ensemble sur le Web…

    • Chaque enfant est unique décidément.

      Ici, il a son mobile depuis je ne sais plus quand au collège. En 4è ou 3è. Il se l’est acheté avec ses sous. Et il avait ordre de le déposer hors de sa chambre à 22h00 dernier délai. C’est plus souple désormais, au-delà de 22h je veux dire, mais il ne doit jamais le garder avec lui la nuit. Et il ne tente pas de contourner.

      En ce moment, il me demande de supprimer le contrôle parental de la Switch. Mais il n’a pas encore compris que ce n’était pas pour lui que je le conserve :-))

      On est du genre à faire confiance. Mais quand on détecte qu’il a abusé de cette confiance, on le pourrit. Et ça suffit. Jusqu’alors.

    • Dans ce que vous dites, il y a un mélange entre les ruptures de l’adolescence (qui n’ont pas besoin du smartphone pour cela), les préceptes éducatifs (qui viennent de votre haute conception du travail intellectuel) et les manipulations massives des oligopoles de l’attention.

      Ce qui fait que ce n’est pas forcément facile à suivre.

      Pour mes enfants, c’était avant le numérique, et je n’avais pas la télé... mais j’ai vécu des choses semblables à ce que vous décrivez. Et pour mes petits-enfants, j’ai vu la manière dont elles se redressent après un plongeon dans le youtubisme.

      C’est tout l’intérêt de la sociologie de s’écarter des choses que l’on peut observer autour de soi pour prendre en compte de multiples éléments.

      Et dans le cas du livre de Anne Cordier, c’est sur plus de dix ans en longitudinal... le temps de voir des choses changer.

      Enfin, quand elle dit que les enfants sont démunis, elle dit autant des parents... sa cible est plutôt les pouvoirs politiques (et éducatifs, pouvoirs, pas profs) qui restent les bras croisés devant les méga-machines.

    • Sauf que ceux qui vivent au quotidien avec ces enfants puis ados, ce sont bien les parents, puis en deuxième ligne les profs. Donc on ne peut pas toujours attendre une solution de l’État et des pouvoirs publics/politiques. Surtout à partir du moment où le médium est majoritairement un objet purement personnel comme le smartphone, comme le rappel @arno plus haut, donc bien plus difficilement surveillable/controlable (que la télé ou un ordinateur central, que ce soit à la maison ou dans l’éducation).

      On se doute bien qu’il y a des choses propres à l’adolescence… Mais il faut quand même arriver à distinguer ce qui est propre à cette époque précise avec les objets et médias précis du moment (internet, smartphone, youtube, rézosocios, etc).

      Je trouve pour l’instant toujours que son analogie finale avec le sucre et les brocolis, correspond plutôt bien à la chose, même si je ne sais pas si elle en mesure vraiment toutes les conséquences pratiques.

      Avoir un smartphone dès le collège en libre accès, avec youtube etc, c’est donc très exactement comme si nous les parents on leur laissait un ÉNORME paquet de chamallows en libre accès dans leur chambre et leur sac à dos en permanence. Un paquet virtuellement sans fond. Et on les laisse s’auto-réguler avec ça.

      Pour le sucre, il y a à la fois l’éducation personnel au goût, au fait de pas juste laisser librement l’accès et le choix entre chamallow et brocoli sur une table, donc des actes durant l’éducation des parents et de la cantine de l’école ; et des actions politiques de grande échelle, sur les restrictions au sucre dans les produits transformés, aux lois sur la publicité, à l’organisation de campagne de santé nationale et dans l’éducation nationale, etc. Mais ya bien les deux et en premier lieu les parents au quotidien dès la petite enfance.

      Et je persiste à penser que l’éducation à la lecture, à l’analyse critique et à l’argumentation, ne peut être la même entre des générations qui ont appris ça sur papier et sans distractions puis ont été ensuite sur internet et ont appliqué ce qui avait déjà été intégré dans leur tête, et des générations a qui on tente d’apprendre ça directement dans la profusion d’écrans et des internets.
      Pour filer encore, c’est comme si on avait des générations éduquées à manger pas trop mal, doucement, et sans télé à table, avec peu de sucre accessible, un peu en fin de repas ; et d’autres générations où pendant tous les repas depuis l’enfance, ya des écrans et de la publicité flashy pour des trucs sucrés en continu, et ya des bols de bonbons et de trucs à l’huile de palme tout le long sur la table. On peut pas avoir le même rapport (personnel et social) à la nourriture entre ces deux manières.

    • Un aspect assez rigolo : depuis l’année dernière pour la grande, le sujet « Les réseaux sociaux » revient souvent en classe. Soit sous forme de débat organisé en classe (notamment en anglais pour faire causer les gamin·es), soit sous forme d’épreuve écrite.

      Du coup la grande vient en discuter, et la première chose qui me vient à l’esprit, c’est : « m’enfin tu as à peine 14 ans, les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans, et avec l’autorisation des parents avant 15 ans ; donc je ne comprends pas qu’on t’impose un sujet sur lequel tu n’as potentiellement rigoureusement aucune expérience… ». Bientôt un sujet « Est-ce que vous pensez que vous payez trop d’impôts ? » au Brevet ?

    • Bah ouais mais rien à voir avec l’accès facile permanent de tous en 2 clics dès google. Là aussi c’est la diff entre « moi j’ai connu ci » et la moyenne d’âge d’une génération entière (rien qu’en 2017 c’était encore 14 ans, là 10 ans maintenant… en 1985 c’était largement plus de 14 la moyenne pour ça).

    • Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice.

      @biggrizzly pour répondre à ton interrogation, il faut se rappeler que le « sujet d’invention » a été supprimé du bac il y a 4 ou 5 ans.
      L’imagination n’est plus au programme !

  • Vers une majorité numérique fixée à 15 ans - Les visiteurs du soir du 05/03/2023 | CNEWS
    https://www.cnews.fr/emission/2023-03-05/les-visiteurs-du-soir-du-05032023-1329407

    Une partie de l’émission Les visiteurs du soir animée par Frédéric Taddei.

    L’extrait concerné débute à 52’30.
    Avec comme invités :
    Anne Cordier
    Charleyne Biondi
    Tariq Krim

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

    • Est-il interdit de regarder CNews et C8 sans l’autorisation de ses parents ? Quelles sont les amendes prévues pour Hanouna et Praud s’ils ne mettent pas en place les outils pour vérifier qu’ils sont pas regardés sans autorisation par des mineurs de moins de 15 ans ? :-)

      Sinon y’a Tarik Krim dans l’émission.

      Plus sérieusement : je suis tout à fait pour le contrôle de l’accès par les parents, c’est ce qu’on fait chez nous, et de manière plutôt drastique par rapport aux copains/copines. Mais dans le même temps, l’aspect « une loi pour que les parents s’occupent de leurs gosses », avec encore une fois un contrôle sans autre intérêt que de renforcer le monopole des grosses plateformes qui seules sont en mesure de faire le truc. Et d’aller encore plus dans le sen de ces plateformes qui (entre autres) se rêvent comme certificateurs d’identité numérique.

    • Oui, un maire à son deuxième mandat et qui a des visées plus hautes désormais...
      C’était des bruits, ça devient petit à petit plus concret...
      Ici une rencontre récente de Piolle avec Mélenchon...

      Merci @JLMelenchon pour l’accueil. Notre pays doit relever d’immenses défis. Identifions nos convergences, travaillons. Notre objectif est commun : gagner et changer la vie, pour la justice sociale et climatique. Notre adversaire est commun : Macron et la droite.

      https://twitter.com/EricPiolle/status/1296845806478282755

      #Piolle #Eric_Piolle #France_insoumise #Mélenchon #EELV #Verts #Les_Verts

    • Éric Piolle, maire EELV de Grenoble, présenté par les médias comme l’adversaire de la ligne libérale de Yannick Jadot chez les Verts. Lui et Jean-Luc Mélenchon ont déambulé à travers les stands avant de monter ensemble sur scène. Le député de Marseille a réaffirmé le combat des insoumis contre la loi du marché. Le tribun a aussi rappelé que les insoumis n’étaient pas seulement « contre » un système. Mais bien également « pour » un programme. Le leader des insoumis a aussi rappelé que l’écologie populaire portait la défense des biens communs : l’air, l’eau, la science, etc., et que ces combats rassemblaient largement le peuple. Il a enfin redit l’attachement des insoumis aux concepts de République et de Nation.

      Éric Piolle a affirmé un même attachement à ces deux concepts et a rappelé qu’il avait été un soutien engagé de Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle de 2017. Le maire de Grenoble a expliqué vouloir rassembler un arc humaniste tout en affirmant très clairement : « Si nous voulons transformer le pays, nous le transformerons pas avec les 10% d’en haut (…) mais pas non plus juste avec ceux qui sont bien installés, qui viennent me voir et qui me disent : « Ok Éric, on comprend ton projet politique, tu es radical, ok, on est d’accord pour y aller, mais qu’est-ce que tu fais là avec l’extrême gauche, c’est quoi le problème ? ». Et moi je leur dis : « Les amis, c’est juste que je ne changerai pas le monde avec vous. Voilà. Nous changerons le monde ensemble, avec ceux qui sont insoumis, avec ceux qui s’indignent, avec ceux qui ont dans leurs tripes l’envie et le désir de changer le monde. » Le message a sans doutes été bien reçu chez les insoumis.

      https://linsoumission.fr/2020/08/21/piolle-eelv-aux-amfis-nous-changerons-le-pays-avec-ceux-qui-sont-insou

    • #Mélenchon et Piolle s’affichent ensemble pour plaider le dialogue entre LFI et EELV

      Le chef de file de LFI et le maire EELV de Grenoble ne veulent pas se voir comme des concurrents et évoquent un rapprochement

      Ne pas se voir comme des « concurrents ». Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, ont ensemble plaidé le dialogue, vendredi aux Amphis d’été des Insoumis à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme).

      Les deux hommes se sont entretenus en privé à l’arrivée de l’écologiste avant de traverser ensemble les stands de l’événement et de prendre la parole sur scène, devant les militants Insoumis.
      « Savourer ce sur quoi on est d’accord »

      Jean-Luc Mélenchon a salué en Eric Piolle un « ami » et « l’un des porte-parole les plus notoires » d’EELV, déclarant que « sa présence ici a une signification » : « Il faut aller à l’essentiel, certes discuter sur les désaccords mais aussi savourer ce sur quoi on est d’accord ».

      EELV a remporté plusieurs grandes villes aux élections municipales en juin, tandis que le poids de LFI, très discrète dans la campagne, a été faible. Jean-Luc Mélenchon a cependant envoyé plusieurs signaux, ces dernières semaines, sur une probable candidature à la présidentielle de 2022.

      Eric Piolle, un contrepoids aux ambitions de l’eurodéputé Yannick Jadot

      Très applaudi à son arrivée, Eric Piolle, dont la majorité est composée d’Insoumis, a quant à lui rappelé : « si nous avons gagné à Grenoble en 2014, c’est que nous avions la conviction que l’envie de faire ensemble dépassait tout ». « Ce poids, je veux aujourd’hui le mettre au service d’une ambition collective qui aille encore plus loin que ce que tu as fait en 2017 » (lorsque le leader Insoumis avait récolté 19,58 % des voix), a lancé l’édile grenoblois.

      « Si nous voulons transformer le pays, nous le ferons » avec les « foules qui se sont alors levées », a plaidé Eric Piolle. Celui-ci multiplie les apparitions médiatiques depuis quelques mois, apportant un contrepoids au sein d’EELV aux ambitions de l’eurodéputé Yannick Jadot, jugé trop libéral par LFI.
      Une alliance dans au moins quatre régions pour les élections de 2021 ?

      Jean-Luc Mélenchon a affirmé que les Insoumis seraient importants dans les prochaines échéances : « On a besoin de leur capacité d’indignation ». « Certes, nous avons une dette à l’égard du courant historique de l’écologie politique, mais de votre côté, vous ne pouvez pas faire comme si tout vous était réservé », a-t-il insisté.

      Eric Piolle a proposé qu’EELV et LFI « fassent la démonstration qu’ensemble on peut gagner » en s’alliant dans quatre régions pour les élections de 2021. « Piolle est la seule personne (à EELV) qui dit que c’est possible », s’est réjoui Jean-Luc Mélenchon, qui veut cependant aller plus loin : « Il y a 13 régions, nous sommes pour que ce soit la même chose partout ».

      https://www.20minutes.fr/politique/2843939-20200821-melenchon-piolle-affichent-ensemble-plaider-dialogue-entr

    • Pendant ce temps là, à droite, Bruno Retailleau sera candidat à une primaire dans la course à la présidentielle.
      https://twitter.com/BrunoRetailleau/status/1297116992265244674
      Xavier Bertrand se prépare aussi à l’élection présidentielle de 2022 mais, lui, se refuse à l’idée de se plier à une quelconque primaire. selon le Canard il a dit dans « Corse-Matin » 10/08 : « Je ne veux plus de filtre entre le peuple et moi, et je ne me soumettrai pas à des règles fixées par les partis politiques. » Xavier et Jean-Luc, c’est un peu kif-kif bourricot.
      #dans_les_starting_bloks

    • Xavier et Jean-Luc, c’est un peu kif-kif bourricot

      J’essaie, mais j’y arrive pas.
      Je bute par exemple, c’est juste pour illustrer et pour dire qu’il y a des choses qui font que j’y arrive pas au « kif-kif », et donc par exemple, d’un côté, t’as un type qui a été au pouvoir, et qui a démontré sa capacité de nuisance, de l’autre, il a eu des postes de pouvoir et il n’a pas démontré de telle capacité. D’un côté, il y en a un qui explique qu’il veut un programme de droite, privatisation des profits, socialisation des pertes. De l’autre, un type qui parle collectif et progrès humain.

      Après, je comprends. Il y a un cadre institutionnel, et si tu souhaites prendre le pouvoir, t’es bien obligé de t’y soumettre... et de faire avec ses contraintes.

    • Et cet article du Figaro...

      Les folies des nouveaux maires écolos : leurs obsessions, leur idéologie, leurs dégâts

      Élus en juin avec des taux d’abstention records, ils se sont empressés d’imprimer leur marque sur la vie quotidienne de leurs administrés. #Transports, #urbanisme, #alimentation, #rapports_hommes-femmes : pas un domaine n’échappe à leur ardeur réformatrice. Florilège.

      Vite, vite, vite ! Les nouveaux maires estampillés #EELV (Europe Écologie Les Verts) de #Lyon, #Bordeaux, #Strasbourg ou #Besançon, mais aussi leurs collègues de gauche écolo-compatibles de #Marseille ou de #Rennes n’ont pas perdu une minute pour engager le « changement de modèle » dont ils rêvent. Malgré ou parfois grâce à la crise sanitaire, à l’instar d’Anne Hidalgo qui a chassé les voitures de plusieurs grands axes parisiens au nom de la lutte contre le coronavirus, ils ont profité de leurs premières semaines de mandat pour modifier la physionomie de leur ville. C’est que le temps presse : quand on caresse des projets aussi ambitieux que, par exemple, l’autosuffisance énergétique et alimentaire - l’objectif d’Anne Vignot pour Besançon - six ans risquent de ne pas suffire.

      La politique est d’abord affaire de messages. La maire de Paris y avait déclaré l’ « état d’urgence climatique » en 2019. Pierre Hurmic, à Bordeaux, et Jeanne Barseghian, à Strasbourg, l’ont imitée dès leur prise de fonction, et la plupart de leurs collègues écolos ont suivi. Le concept ne repose sur aucune base juridique. Il vise simplement à légitimer une restriction des libertés individuelles au nom d’un intérêt proclamé supérieur. « Défendre une limitation des libertés au nom du changement climatique n’est pas liberticide », a résumé, fin août, devant les Verts, Manon Aubry, ex-tête de liste aux européennes d’une France insoumise qui rivalise de zèle écologiste avec EELV. Le secrétaire national du parti écolo David Cormand a approuvé.

      “Assemblées citoyennes”

      Mais rien n’énerve plus les écologistes que d’être traités de « Khmers verts » . Ne sont-ils pas des apôtres de la « démocratie participative » ? Dans les municipalités qu’ils ont conquises, il n’est question que d’ « assises du pouvoir partagé » (Bordeaux), d’ « assemblées citoyennes » (Besançon) et de « codécision » (Poitiers), de référendums et de « droit de pétition » ou d’ « interpellation citoyenne » . En plus de cette panoplie, Anne Vignot va doter Besançon d’un conseil de scientifiques et d’experts, sur le modèle du Giec (Groupement intergouvernemental d’experts sur les évolutions du climat), appelé à se prononcer sur « tous les projets de la ville » . Elle compte notamment sur lui pour mener à bien le projet d’écoquartier qui doit remplacer les jardins des Vaîtes. Elle le portait déjà au sein de la majorité précédente en tant qu’adjointe à l’environnement, mais il est contesté par… plus écolo qu’elle ! L’avis des experts primera car, a prévenu la maire, « ça serait quand même aberrant que l’on prenne des décisions justes parce que l’on aime bien avoir des jardins autour de soi ! »

      À Tours, Emmanuel Denis n’a consulté personne quand il a interdit les voitures, mi-août, sur le pont Wilson, qui enjambe la Loire dans le centre-ville. Tollé de l’opposition, que le nouveau maire a traitée par le mépris : « C’est le vieux monde qui résiste ! » L’arrêté a été pris pour trois mois, à titre expérimental, mais Emmanuel Denis envisage déjà d’y installer les villages du marché de Noël cet hiver. Des mesures comparables ont été prises cet été dans toutes les villes écolos, sans concertation véritable.

      Quand les commerçants ont protesté, on leur a répondu « expérimentation » ! Et l’expérience n’en finit jamais, comme à Annecy, où le maire écolo sans étiquette François Astorg vient de prolonger la période-test pour des pistes cyclables, au grand dam des ambulanciers qui dénoncent des ralentissements préjudiciables à leurs patients. La méthode Piolle fait des émules. Seul maire écolo d’une ville de plus de 120.000 habitants élu dès 2014, Éric Piolle a déployé à Grenoble des « autoroutes à vélo » à un rythme à faire pâlir de jalousie Anne Hidalgo avec ses « corona pistes » .

      Les maires écologistes ont beau se revendiquer champions du « pluralisme » , ils répugnent à partager les vrais leviers de pouvoir, au niveau de la municipalité comme de la métropole quand ils y sont majoritaires. Pierre Hurmic à Bordeaux, Grégory Doucet à Lyon ou, encore, Jeanne Barseghian à Strasbourg n’ont attribué qu’à des proches les postes de décision stratégiques, notamment les délégations des intercommunalités. Ils ont aussi revisité les attributions de leurs adjoints et, surtout, leurs intitulés. Pour changer la réalité, changeons les mots ! Éric Piolle avait lancé le mouvement en se dotant notamment d’une « adjointe à la tranquillité publique et au temps de la ville » en lieu et place d’une adjointe à la sécurité. Ses émules l’ont parfois dépassé : « transition écologique » , « résilience » et « inclusion » sont partout à l’honneur.

      “Résilience alimentaire”

      À Marseille, où Michèle Rubirola a été élue grâce à un accord tardif avec EELV, l’organigramme municipal a des accents orwelliens : le premier adjoint est « en charge de l’action municipale pour une ville plus juste, plus verte et plus démocratique » et le portefeuille de la culture devient celui de « la culture pour tous et toutes » , entre autres exemples. À Strasbourg, la « ville résiliente » et la « ville inclusive » ont chacune leur adjointe. À Poitiers, Léonore Moncond’huy a une adjointe « à l’économie circulaire et à l’économie de proximité » . Bordeaux annonce la couleur avec une première adjointe « en charge des finances, du défi climatique et de l’égalité entre les femmes et les hommes » , une autre « chargée de la démocratie permanente, de la vie associative et de la gouvernance par l’intelligence collective » , un adjoint à « l’urbanisme résilient » , des conseillers municipaux délégués à la « sobriété du numérique » et la « résilience alimentaire » , à l’ « économie circulaire » , au « zéro déchet » et au développement d’une « monnaie locale ». À Annecy, François Astorg a lui aussi décidé de développer une monnaie locale « complémentaire et solidaire » .

      En attendant de donner de la consistance à leurs ambitions, les élus écolos se sont empressés de faire un grand ménage dans les projets de leurs prédécesseurs. Si ce n’est pas de la « décroissance » , concept difficile à vendre à une population qui voit venir l’explosion du chômage, ça y ressemble fort. À Lyon, le projet de bouclage du périphérique et le développement de l’aéroport de Saint-Exupéry sont officiellement abandonnés. Grégory Doucet l’a dit à la Tribune de Lyon avant même de s’installer dans son fauteuil de maire : « Ce que je souhaite, c’est qu’on puisse avoir en valeur absolue beaucoup moins de gens qui viennent à Lyon en avion. » Y compris la clientèle d’affaires internationale, qu’il assume de voir baisser. Plus question, donc, d’ouvrir les lignes prévues avec Montréal et Dubaï. Le nouveau maire aurait aussi voulu en finir avec le projet de LGV Lyon-Turin, qui doit permettre de supprimer des poids lourds au profit du rail, mais il n’en a pas le pouvoir. En revanche, il lui a suffi d’un trait de plume pour annuler le projet de construction de tours à la Part-Dieu de Gérard Collomb. Pierre Hurmic, lui, est allé jusqu’à décréter le gel de tous les programmes immobiliers. À Grenoble, la politique mise en œuvre par Éric Piolle s’est traduite par une dégringolade de près de 40 % des permis de construire des logements depuis 2014.

      À Tours, Emmanuel Denis a promis de ne pas renouveler le contrat qui lie la municipalité à la compagnie Ryanair et qui s’achève en 2021. Des militants de Greenpeace et d’Extinction Rebellion avaient bloqué l’accès à l’aéroport début juillet pour exiger l’arrêt des subventions « écocides » au transport aérien. À Besançon, Anne Vignot a pris position contre le projet de dédoublement de la RN57, qui contourne la ville. Elle entend « travailler avec le préfet » pour trouver des solutions alternatives, au premier rang desquelles « désynchroniser les heures de travail » . Y a qu’à… Toutes les villes « verdies » ont décrété un gel, plus ou moins rigoureux, de l’artificialisation des sols et un moratoire sur l’installation de grandes surfaces sur des terrains non bâtis.

      Haro contre la 5G

      L’objectif général est d’emmener les entreprises sur le chemin de la vertu environnementale, en alternant incitations et contrainte. À Strasbourg, Jeanne Barseghian va flécher sur la rénovation thermique et énergétique l’essentiel des 350 millions d’euros d’emprunt qu’elle a annoncés. À Lyon, Grégory Doucet réservera les aides de la ville aux entreprises qui réduiront leur empreinte carbone. Tous ces maires veulent choyer « l’économie sociale et solidaire » , que le programme de Pierre Hurmic, « Bordeaux respire ! » , promeut en tant qu’ « alternative à la privatisation des profits » .

      Tous, aussi, crient haro contre la 5G, cette technologie « qui sert à regarder du porno en HD dans les ascenseurs » selon Éric Piolle. Le plus virulent sur le sujet est aussi Pierre Hurmic. « Il y a des dangers de la 5G » , a-t-il affirmé à plusieurs reprises, sans s’appuyer sur la moindre donnée scientifique. Et pour cause : il n’en existe pas. Ce qui n’empêche pas le maire de Bordeaux de promettre un moratoire, le temps que la population ait « un vrai débat » sur le passage à la 5G dans sa ville, où l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a autorisé des entreprises à l’expérimenter. Pierre Hurmic est un adepte du « low-tech » (par opposition au high-tech), autrement dit d’un progrès technique économe en énergie, peu coûteux et qui produit des outils que des non-spécialistes peuvent réparer, voire construire eux-mêmes. Il a même confié un poste de conseiller municipal délégué à l’un des fondateurs de l’association Low-tech Bordeaux.

      Réélue à Nantes grâce à un accord avec la liste verte, la socialiste Johanna Rolland a dû se rallier elle aussi à la demande d’un moratoire sur la 5G, également réclamé par Anne Vignot à Besançon. Cette campagne a bien peu de chances d’aboutir, puisque le Conseil d’État, saisi, a déjà précisé que les maires ne disposent pas du pouvoir de « réglementer l’installation des antennes relais sur le territoire de leur commune » , qui relève d’ « une compétence exclusive » des « autorités de l’État » . Emmanuel Denis, tout aussi remonté contre la 5G, mais plus pessimiste que ses collègues sur l’issue du bras de fer, a promis aux Tourangeaux de « créer des logements protégés pour les personnes électrosensibles » . Rappelons que si l’OMS a bien identifié une « hypersensibilité électromagnétique » , personne n’a encore réussi à établir un lien entre ces ondes et la liste de symptômes divers et variés que présentent les personnes qui s’en plaignent. Le maire de Tours, lui, est convaincu de la nocivité de la 5G. Il faut dire qu’il a longtemps milité au sein de l’association Robin des toits, qui lutte contre l’expansion du téléphone portable et les installations d’antennes relais…

      De tous les aspects de la vie quotidienne, il en est un qui passionne beaucoup moins les nouveaux élus : la sécurité. Éric Piolle n’a pas réagi la semaine dernière aux vidéos d’autopromotion diffusées par les dealers locaux, mais il a regretté l’opération de police qui s’est ensuivie en parlant de « coup de com’ » du gouvernement. Le maire de Grenoble, où le niveau de délinquance était déjà supérieur de 53 % à celui enregistré en moyenne dans les agglomérations de même taille en 2018 (notre enquête dans Le Figaro Magazine du 17 février 2020), ne s’est pas non plus ému outre mesure des sept fusillades, dont trois mortelles, qui se sont produites dans sa ville depuis fin juin. Son réflexe est toujours le même : pointer les défaillances de l’État. « Nous avons demandé des effectifs supplémentaires au début du confinement parce que nous savions que ça allait créer des tensions, a-t-il affirmé sur BFMTV. Nous n’avons pas eu de réponse. » Ausitôt, Gérald Darmanin a publié le courrier sanglant qu’il lui a envoyé pour lui rappeler que l’État s’est mobilisé mais que la ville, elle, se distingue par « un niveau particulièrement bas d’investissement dans la sécurité » .

      À Lyon, où un policier municipal s’est fait rouer de coups par une bande début juillet, Grégory Doucet envisage d’augmenter les effectifs d’une vingtaine d’agents seulement (ils sont actuellement 335) pendant son mandat. Pendant la campagne, il avait estimé que « la première sécurité des Lyonnaises et des Lyonnais, c’est d’être en bonne santé, d’avoir accès aux soins, mais aussi de ne pas tomber malade du fait des conditions environnementales » car « les incivilités ne forment pas le seul enjeu qui conditionne la paix dans la cité » . Pour améliorer la « tranquillité publique de tous » , il avait parlé de créer un « budget sensible au genre » .

      Conseillère voilée

      À Bordeaux en revanche, Amine Smihi, l’adjoint chargé de la sécurité, espère doubler les effectifs municipaux sur le terrain d’ici à la fin du mandat de Pierre Hurmic. Des « faits graves » dus essentiellement à des « conflits de territoire entre dealers » se sont produits « de façon quasi quotidienne entre le 28 juin et le 28 juillet » dans les quartiers bordelais les plus sensibles, rapporte-t-il. Très sévère pour le bilan du juppéiste Nicolas Florian sous la mandature précédente, où il affirme que « la police municipale était l’un des services les moins dotés » , il s’insurge contre la « caricature des écolos en beatniks » indifférents à la délinquance. « La sécurité est évidemment une préoccupation pour nous, mais pas un étendard » , corrige-t-il. Même s’il juge nécessaire dans certains cas une « réponse sociale » , il reconnaît volontiers que « ce ne sont pas des médiateurs qui vont régler les problèmes de trafic de drogue ! » Pour autant, il n’envisage pas d’armer les policiers municipaux, ni de multiplier les caméras dans les rues « comme Christian Estrosi à Nice » . « Je ne parle pas de vidéosurveillance mais de vidéoprotection, et la nuance sémantique est importante, précise Amine Smihi. Les caméras ont un outil au service d’une police de proximité et d’îlotage que nous souhaitons développer. S’il s’avère qu’il faut les augmenter dans ce but, aucun souci, d’autant que dans le cadre de notre plan “Bordeaux marchable”, la vidéoverbalisation aura toute sa place » . Problème : la Commission nationale informatique et liberté a déjà rappelé àl’ordre plusieurs communes qui abusaient de la vidéoverbalisation par reconnaissance des plaques d’immatriculation, autorisée seulement en cas d’infractions au stationnement payant.

      Selon l’adjoint à la sécurité, les problèmes de radicalisation islamiste, eux, sont « de loin le sujet le moins préoccupant à Bordeaux » . « Nous sommes relativement épargnés, mis à part quelques problèmes très localisés » , affirme-t-il. En matière de communautarisme, sujet connexe, les écolos sont en général très accommodants, surtout quand ils sont alliés à La France insoumise. Les Grenoblois avaient pu apprécier l’embarras et les contorsions d’Éric Piolle sur le port du burkini dans les piscines municipales. Ce défenseur autoproclamé de l’égalité des sexes n’a aucune opinion sur les symboles de la soumission de la femme dans l’islam. Jeanne Barseghian, elle, a été plus claire : les Strasbourgeois ont désormais une conseillère municipale voilée. On peut encore voir sur les réseaux sociaux une vidéo, tournée pendant la campagne, où un soutien de la candidate EELV vante au pied d’une cité « la seule liste avec une daronne voilée » . Comble de l’ironie : il se fait rembarrer par les habitants présents, choqués qu’il utilise le voile comme argument électoral.

      Dans ce domaine comme dans d’autres, les élus écolos ne peuvent encore donner leur pleine mesure, puisqu’ils sont obligés de faire avec les budgets votés par leurs prédécesseurs. Rendez-vous l’an prochain !

      Élucubrations vertes

      • « Dégenrer » les cours de récréation. C’est l’un des grands chantiers lancés cet été par Éric Piolle à Grenoble. Il estime que les cours d’écoles sont « trop réservées aux pratiques des garçons » . Mais au fait, dire que les jeux de ballon sont des jeux de garçon, ce ne serait pas un stéréotype sexiste ?

      • Interdire la voiture en ville. Ils en rêvent tous, mais Pierre Hurmic a commis la maladresse de le dire tout haut, en précisant que sa stratégie consisterait à « dégoûter progressivement l’automobiliste » de circuler à Bordeaux.

      • Réquisitionner les logements vides. Sur ce sujet-là aussi, Pierre Hurmic s’est montré le plus directif, en pointant du doigt les odieux spéculateurs : « Quand vous êtes investisseur, même un logement vide rapporte de l’argent » , a-t-il affirmé.

      • Le Tour de France indésirable. Officiellement, c’est pour des raisons financières que la maire PS de Rennes a refusé d’accueillir le départ du Tour, mais ses alliés écolos lui reprochent de polluer et de dégrader l’image de la femme. En revanche, la Cyclonudista naturiste et écologiste programmée le 13 septembre est la bienvenue.

      • Lyon zone interdite pour la Patrouille de France. Les Alpha Jet devaient survoler Lyon le 13 juillet avant de participer au défilé le lendemain à Paris, mais Grégory Doucet a décidé de priver les Lyonnais du spectacle, pour ne pas provoquer d’attroupement en période de crise sanitaire. Quand le coronavirus sert d’alibi à l’antimilitarisme.

      • Généraliser l’écriture inclusive. Pourtant dénoncée comme un « péril mortel » pour notre langue par l’Académie française, l’écriture inclusive s’est imposée à tous les étages dans les villes écolos. Les « électeur·rice·s » leur en seront sûrement reconnaissants.

      https://www.lefigaro.fr/politique/les-folies-des-nouveaux-maires-ecolos-leurs-obsessions-leurs-ideologies-leu

    • La vague verte a des reflets bleus
      http://cqfd-journal.org/La-vague-verte-a-des-reflets-bleus

      Les nouveaux maires Europe Écologie-Les Verts mettront-ils fin à la surenchère technosécuritaire à l’échelle locale ? L’analyse de leurs programmes, déclarations et premières décisions ne laisse augurer aucun changement majeur. En termes de vidéosurveillance, comme d’armement ou d’effectifs des polices municipales, la désescalade attendra.

      paru dans CQFD n°190 (septembre 2020), par Tom Vieillefond, illustré par Gautier Ducatez

  • POINT DE VUE. « Les jeunes et les réseaux sociaux : n’importe quoi ! Vraiment ? »
    https://www.ouest-france.fr/reflexion/point-de-vue/point-de-vue-les-jeunes-et-les-reseaux-sociaux-n-importe-quoi-vraiment-
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMDAxYzRlZTdlMTdlZjRlZDYxN2UyMWNiY2U3YzEzNGIxNTU?width=1260&he

    Tribune par Anne Cordier

    Ah, les jeunes et les réseaux sociaux ! Combien d’heures perdues à ne rien faire ! À ne pas vivre la vraie vie ! À se gargariser d’images violentes et de sous-informations ! À chercher à faire mal aux autres par des insultes ! À s’exposer et parler de tout et surtout n’importe quoi ! Voilà bien des discours répandus, n’est-ce pas ?

    Et si l’on cessait de fantasmer les usages et pratiques juvéniles des réseaux sociaux numériques (RSN) pour les considérer dans leur réalité effective ?

    Il ne s’agit pas, surtout pas, de balayer d’un revers de main des inquiétudes, légitimes, quant aux comportements de harcèlement existant sur les réseaux, la gestion personnelle de l’identité numérique ni quant aux stratégies marchandes reposant sur la captation et l’exacerbation des émotions. Bien sûr que non. Mais il s’agit de prendre en considération véritablement ces enfants et adolescents aux prises avec ces objets qui ont intégré leur quotidien (qui est aussi le nôtre) et de comprendre le sens que l’usage des RSN a pour eux, sans les juger ni – encore moins – les condamner.

    Succès de Youtube

    Les chiffres sont sans appel : 71 % des 15-34 ans utilisent quotidiennement les réseaux sociaux pour accéder à l’information (1). Cela signifie aussi que ce sont les publications d’amis qui constituent grandement le réservoir informationnel dans lequel puisent les jeunes. Quoi qu’il en soit, ils s’y informent, et pas uniquement – comme on veut trop souvent le laisser croire – à grands coups d’images ou vidéos sensationnalistes. À ce titre, le succès de la plateforme YouTube doit retenir notre attention : que ce soit pour apprendre pour ses loisirs, son développement personnel, pour s’amuser et se détendre, mais aussi pour les apprentissages académiques, YouTube est convoqué quotidiennement.

    Ces pratiques d’information sur les réseaux sociaux se caractérisent par des émotions très positives confiées par les jeunes : plaisir d’assouvir une curiosité, plaisir d’un choix de format d’information qui les séduit (la vidéo, notamment), plaisir de découvertes. Elles se caractérisent aussi par le partage et le sens social donné à l’information ainsi accédée : des sociabilités informationnelles par le numérique s’instaurent, qui donnent sens à la pratique personnelle mais aussi responsabilisent (plusieurs expliquent qu’ils font attention de ne pas relayer d’informations qui leur paraissent suspectes, car d’autres vont les lire et ils s’en sentent responsables).

    Toutefois, ces enfants et adolescentes confient aussi leur crainte face au flux informationnel qui se déverse sur les réseaux sociaux numériques. Comment faire confiance à l’information ? Comment être certain de ne pas relayer une information fausse ? Comment réguler son activité de façon à ne pas dépendre des notifications constantes ?

    Toutes ces questions, nous ne pouvons les laisser se les poser seuls ou entre eux. Il nous revient de les accompagner, de les aider à aborder sereinement ce flux et la multitude de canaux d’information, de les outiller cognitivement et émotionnellement pour mettre à distance les stratégies de séduction des plateformes. Il nous revient aussi de nous appuyer sur ce plaisir ressenti et confié par les enfants et adolescents à propos de leurs pratiques sur les RSN, car en s’appuyant sur cette sensation de plaisir, on le sait bien, l’éducation a d’autant plus de chance d’être efficace et constructive.

    (1) Ministère de la Culture, 2018.

    (*) Maîtresse de conférences HDR en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Rouen-Normandie, Autrice de Grandir Connectés : Les adolescents et la recherche d’information.

    #Anne_Cordier #Grandir_Connectés #Médias_sociaux #Pratiques_numériques #Jeunesse

  • Filippo Grandi: UN-Hochkommissar sieht keine echte Flüchtlingskrise...
    https://diasp.eu/p/7575726

    Filippo Grandi: UN-Hochkommissar sieht keine echte Flüchtlingskrise in der EU

    Andere Regionen seien von den Folgen der Migration stärker betroffen als Europa, sagt Filippo Grandi. Zugleich warnt der UN-Flüchtlingskommissar vor der rechten Rhetorik.

    #filippo #grandi #deutschland #un-hochkommissar #hochkommissar #unhochkommissar #flüchtlingskrise #andere #regionen #folgen #migration #europa #rhetorik #news #bot #rss

  • Emmanuel #Macron veut créer des « hotspots » pour gérer les demandes d’asile en #Libye

    « La France va créer dès cet été en Libye des #hotspots », des centres d’examen pour les candidats à l’asile, a annoncé le président Emmanuel Macron ce matin en marge d’une visite d’un centre d’hébergement de réfugiés à Orléans (Loiret). « L’idée est de créer en Libye des hotspots afin d’éviter aux gens de prendre des risques fous alors qu’ils ne sont pas tous éligibles à l’asile. Les gens, on va aller les chercher. Je compte le faire dès cet été », avec ou sans l’Europe, a-t-il ajouté.

    http://www.liberation.fr/direct/element/emmanuel-macron-veut-creer-des-hotspots-pour-gerer-les-demandes-dasile-en
    #hotspot #externalisation #asile #migrations #réfugiés #France

    cc @i_s_

    –---

    voir la métaliste sur les tentatives de certains pays européens d’externaliser la #procédure_d'asile :
    https://seenthis.net/messages/900122

    • Ah bon ?!?

      La mise en place de Hotspots en Libye n’est finalement « pas possible » cet été comme l’avait annoncé Emmanuel Macron

      La mise en place en Libye de centres pour examiner les demandes d’asile n’est « pas possible aujourd’hui », a jugé l’Elysée, jeudi 27 juillet, dans la soirée. Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron avait annoncé la création, cet été, de « hotspots » dans ce pays devenu un lieu de passage pour des milliers de migrants tentant de traverser la Méditerranée vers l’Europe.

      http://mobile.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/la-mise-en-place-de-hotspots-en-libye-n-est-finalement-pas-possible-cet-ete-comme-l-avait-annonce-emmanuel-macron_2302719.html#xtref=http://m.facebook.com

    • Migrants : « Trier les gens avant leur arrivée en France serait intolérable »

      Identifier les personnes vulnérables, comme cela se fait au Liban ou en Grèce sous la supervision du HCR, est une option -bien que ce n’est qu’une goutte dans l’océan. Mais si l’objectif est de trier les gens -entre migrants économiques et réfugiés- avant leur arrivée en France, c’est intolérable. Pouvoir déposer sa demande d’asile avant d’arriver sur le territoire ne doit pas déboucher sur une restriction du droit de venir en France, que ce soit pour des raisons d’asile ou de migration économique. Ce serait contraire à la convention de Genève qui impose aux signataires d’assurer l’accueil des réfugiés.

      http://www.lexpress.fr/actualite/societe/migrants-trier-les-gens-avant-leur-arrivee-en-france-serait-intolerable_193

    • Déclaration de Filippo #Grandi, chef du #HCR, sur la réunion de Paris le 28 août

      Je me félicite de l’annonce d’un plan d’action complet pour l’appui à des solutions à long terme au problème complexe de la migration mixte ainsi que la résolution de ses causes profondes, en étroite coopération avec les pays d’origine et de transit, et conformément au droit international.

      http://www.unhcr.org/fr/news/press/2017/8/59a55689a/declaration-filippo-grandi-chef-hcr-reunion-paris-28-ao-t.html

      Le HCR se félicite... sic

    • Parigi e i migranti: quale idea di Europa? Ascolta la puntata

      Dal vertice di Parigi sembrano arrivare novità importanti sul grande tema dei nostri giorni, quello dei migranti. Italia, Spagna, Germania e Francia, insieme a Ciad, Niger e Libia, sono forse arrivati a un punto di svolta nella gestione dei flussi migratori. Una strategia complessa dal punto di vista politico e soprattutto umanitario, che mette di fronte l’aspetto della sicurezza e quello morale. Gli sbarchi nel mese di agosto sono diminuiti, ma cosa succede a chi rimane dall’altra parte del mare? L’Italia sembra finalmente non essere più sola, ma qual è l’Europa che viene fuori da questo accordo?

      http://lacittadiradio3.blog.rai.it/2017/08/29/19762

    • Parigi: l’accordo che “li ferma a casa loro”

      L’accordo è raggiunto (per il momento), la strategia definita: teniamoli lontani da noi, costi quello che costi: in termini di risorse pubbliche (le nostre), ma soprattutto in termini di vite e diritti umani, calpestati. Cosa succederà alle persone che resteranno intrappolate nei loro paesi o in quelli di transito? Non sembra preoccupare i Capi di Stato e di Governo che oggi si sono riuniti a Parigi.

      http://www.cronachediordinariorazzismo.org/parigi-laccordo-li-ferma-casa

    • Au Niger, les rescapés du nouveau poste-frontière de l’Europe

      Pour éviter les traversées périlleuses, décourager les réseaux de passeurs et rendre moins visible le flux de migrants, des dizaines de demandes d’asile sont examinées au Sahel depuis octobre. A Niamey, Moussa et Eden font partie des rares personnes acceptées. Loin des 10 000 qu’Emmanuel Macron a promis d’accueillir d’ici fin 2019.

      Au Niger, les rescapés du nouveau poste-frontière de l’Europe
      « Bonjour », articule Moussa, sourire un peu crispé, un sourcil levé en signe d’hésitation. Dans sa bouche, ces deux syllabes résonnent comme celles d’un mot-valise qui porterait tous ses espoirs et ses incertitudes. Le seul mot de français qu’il connaît. De la France, ce père de famille érythréen de 43 ans, à la petite moustache bien taillée et aux yeux fatigués, a « vu quelques photos », entendu parler de « la tour Eiffel ». Dans quelques jours ou quelques semaines, c’est sur cette terre européenne, aussi inconnue que fantasmée, qu’il sera « relocalisé », selon le terme employé par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
      Moussa est l’un des rares gagnants de la loterie de l’asile, désormais mise en place bien loin de l’Europe : à Niamey, au Niger. Avec le récit d’une vie pour seul laissez-passer, Moussa a convaincu les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), venus l’interroger dans le même conteneur préfabriqué où nous le rencontrons. Une enceinte sécurisée gérée par le HCR, au fond d’une ruelle poussiéreuse de cette capitale poussiéreuse, située au cœur du Sahel. Après deux entretiens, de nombreuses questions et vérifications, Moussa a obtenu le sésame auquel il n’osait plus croire : sa demande d’asile a été approuvée. « Je leur ai simplement dit la vérité, dit-il. J’ai beaucoup souffert. »
      Que font des fonctionnaires français chargés de l’examen des demandes d’asile loin de leurs locaux du Val-de-Marne, sur le sol africain ? Depuis octobre, l’Ofpra a effectué trois « missions de protection » au Sahel, deux au Niger et une au Tchad, pour une durée d’environ une semaine à chaque fois. L’objectif affiché : la réinstallation de réfugiés africains en France, après les avoir évalués dans ces « pays sûrs ». En principe, pour leur éviter « de prendre des risques inconsidérés » en traversant la Méditerranée. Mais il s’agit aussi de décourager les réseaux de passeurs clandestins qui ont longtemps prospéré dans ce pays au carrefour de l’Afrique noire et de l’Afrique du Nord.
      Sans laisser de traces

      Depuis deux ans, d’importants financements versés par l’Union européenne ont persuadé le gouvernement nigérien d’accepter de devenir de facto un de ses postes-frontières. Une loi criminalise désormais les passeurs : transporter des migrants au-delà d’Agadez, la « porte du désert » au nord du pays, est passible d’emprisonnement. Avec la mise en place de mesures répressives dans les pays qu’ils traversent, le nombre de migrants qui atteignent l’Europe a diminué, même si beaucoup empruntent à présent des routes plus dangereuses, à travers le désert, où ils disparaissent sans laisser de traces. Mais pour les gouvernements de l’UE, l’objectif est accompli, avec des migrants moins nombreux et en tout cas moins visibles. Reste en échange à accepter d’en accueillir quelques-uns pour que la logique de cette nouvelle plateforme en terre africaine fonctionne. L’an dernier, Emmanuel Macron s’est engagé à accueillir en France 10 000 réfugiés supplémentaires d’ici la fin de l’année 2019, dont 3 000 personnes en provenance du Tchad et du Niger.
      « Je n’ai absolument aucun doute que nous atteindrons ce nombre », affirme Pascal Brice, directeur de l’Ofpra. Pour l’instant, on est loin du compte. Environ 160 personnes, présélectionnées par le HCR, ont été vues par les agents de l’Ofpra lors de ces deux missions à Niamey. Après ces entretiens, 114 hommes, femmes et enfants - majoritairement érythréens, soudanais et somaliens - sont partis en France. Le nombre est dérisoire, mais le message politique est fort : ceux qui ont des revendications justifiées à l’asile ont une alternative légale et sûre à la dangereuse traversée de la Méditerranée, qui engloutit chaque année des milliers de personnes et leurs espoirs. Si la France leur ouvre ses portes, ils se verront offrir un billet d’avion, un titre de séjour et des mesures d’accompagnement pour faciliter leur intégration, telles qu’une aide au logement ou des cours de langue. Tous les autres devraient rebrousser chemin.
      « La rhétorique qui vise à tracer une distinction claire entre migrants et réfugiés recouvre des enjeux d’ordre politique majeurs, constate Jocelyne Streiff-Fénart, sociologue et directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste des migrations. L’opposition entre le réfugié, qui aurait des raisons légitimes de fuir et pour cela doit être accueilli, et le migrant économique, qui doit être repoussé, est devenue un élément essentiel d’une politique migratoire qui est clairement configurée comme une entreprise de triage. » Cette distinction entre « les bons et les mauvais migrants », qui appartiendraient à deux catégories imperméables, apparaît pour la chercheuse comme « une tentative de légitimation » de mesures de plus en plus restrictives, « voire brutales ».
      A Niamey, dans l’attente de son départ, Moussa fait les cent pas dans sa tête. Il a envie de parler. Les agents de l’Ofpra voulaient avant tout s’assurer de sa nationalité. Ce qui le prend aux tripes, qu’il régurgite d’une voix monocorde, ce sont les épreuves qu’il a traversées. La ligne de front lors de la guerre contre l’Ethiopie, la pauvreté, ses enfants qu’il ne voit qu’une fois par an, les frustrations, et le service militaire, quasi esclavagiste, qui n’en finit pas. En Erythrée, petit pays de la corne de l’Afrique dirigé par un régime autoritaire, celui-ci est obligatoire pour tous les citoyens. Sa durée est indéterminée. Moussa a passé douze ans sous les drapeaux. Puis, en 2011, il a craqué. « Une nuit, je me suis enfui, raconte-t-il. Je n’ai rien dit à ma femme. J’ai pris un chemin peu fréquenté, et j’ai traversé la frontière, dans l’obscurité. » Il part d’abord au Soudan puis au Soudan du Sud, à Juba, où il se fait embaucher dans un hôtel par un compatriote. Mais la guerre le rattrape. Avec ses économies, et un peu d’aide d’un beau-frère au pays, il prend finalement la décision qui le taraude depuis qu’il est parti : aller en Europe.
      Cul-de-sac libyen

      Une éprouvante traversée du désert le mène jusqu’en Libye, le principal point de départ pour les côtes italiennes. Un pays en plein chaos depuis la chute de Kadhafi, en 2011, où les migrants sont devenus une marchandise à capturer, à vendre et à exploiter. « Nous étions plusieurs centaines, peut-être 500, dans un hangar, raconte Moussa dans un anglais presque impeccable. J’y ai passé plusieurs mois, puis on nous a déplacés dans un autre endroit, puis encore un autre. Chaque fois, nous étions gardés par des hommes en armes. » Trafiquants, miliciens, gardes-côtes, bandits… tout se mêle et devient flou. Les geôliers aboient des ordres en arabe, une langue que la plupart des migrants ne comprennent pas. « Ils nous ont menacés, frappés avec des bâtons de bois ou des câbles. Quand ils étaient nerveux, ou défoncés, ils tiraient à nos pieds. Juste parce que ça les amusait, raconte-t-il. Mais, le pire c’était la faim. »
      Un soir, deux hommes s’emparent d’une jeune femme et l’emmènent à l’écart. « Quand ils l’ont ramenée, elle a pleuré toute la nuit. Que pouvait-on faire ? » dit-il, le regard sombre. Ceux qui peinent à rassembler l’argent dû pour le voyage sont maltraités avec une brutalité systématique, torturés, forcés de rester debout sous le soleil pendant des heures. Par téléphone, ils supplient leurs proches d’envoyer de l’argent, de les sortir de là. Moussa, lui, a déjà versé 3 500 dollars (environ 2 900 euros), mais son départ se fait attendre. La collaboration controversée de l’UE et de la Libye pour endiguer la venue de migrants africains en Europe, y compris par la détention de ces derniers et l’interception des bateaux en mer, a rendu la traversée plus compliquée. Elle a aussi accru la clandestinité dans laquelle opèrent les migrants et leur dépendance aux réseaux organisés de trafiquants.
      Parmi les milliers de personnes bloquées dans le cul-de-sac libyen, dans des conditions abominables, quelques centaines, comme Moussa, peuvent prétendre au statut de réfugiés. Le HCR travaille à les identifier et les faire relâcher. L’an dernier, l’agence onusienne a initié une procédure unique : l’évacuation par avion des demandeurs d’asile jugés les plus vulnérables vers un pays de transit où ils seraient en sécurité, le Niger. Un retour en arrière censé être temporaire, en vue de leur réinstallation, selon le bon vouloir de quelques pays occidentaux. L’enveloppe d’aide européenne ne venant pas sans contrepartie, les autorités nigériennes ont donné leur feu vert non sans émettre quelques craintes de voir leur pays devenir un « hotspot » où tous les recalés à l’examen de l’asile se retrouveraient coincés. « Nous avons environ 1 000 personnes sous notre protection en ce moment sur le territoire nigérien, dit Alessandra Morelli, représentante du HCR au Niger. Nous attendons que ces personnes puissent être accueillies par des pays tiers. Le succès de la démarche dépend de l’engagement des Etats membres de l’UE et de la communauté internationale. C’est seulement à travers cette solidarité que ces gens peuvent avoir l’espoir de reconstruire leur vie. »
      « On sait ce qui nous attend »

      L’initiative lancée par la France suscite l’intérêt d’autres pays. La Suisse et les Pays-Bas ont récemment effectué une mission au Niger. La Finlande, le Canada, l’Allemagne et le Royaume-Uni pourraient prochainement faire de même. Eden, 22 ans, doit bientôt être accueillie en Suisse. Avec ses traits fins, ses yeux brun profond soulignés d’un trait d’eye-liner et ses petites boucles d’oreilles mauves assorties à son vernis à ongles, la jeune Erythréenne mêle la coquetterie d’une adolescente à l’assurance de celles qui en ont déjà trop vu pour se laisser impressionner. Elle raconte son calvaire, parle de ses rêves d’avenir, son envie de « devenir esthéticienne. Ou médecin, si je peux aller à l’université ». La détermination ponctue chacun de ses mots. « Bien sûr qu’on sait ce qui nous attend lorsqu’on part », dit-elle en amharique, qu’une interprète traduit. Sur les réseaux sociaux, des photos circulent de ceux, tout sourire, qui ont réussi à atteindre le mythe européen. Mais les récits d’horreur, d’abandons dans le désert, de bateaux qui sombrent au milieu des vagues, de tortures dans les camps libyens, ont aussi fait leur chemin jusque dans les villages de la corne de l’Afrique. Dans leur bagage, certaines femmes emportent des contraceptifs parce qu’elles s’attendent à être violées. « Ça ne veut pas dire que l’on sait comment on va réagir, si l’on tiendra le coup, mais on sait que ce sera horrible. De toute façon, quelles sont les autres options ? »
      Pour quelques élus, extraits du flux migratoire au terme d’un processus de sélection en entonnoir, le voyage prend bientôt fin, à leur grand soulagement. A son arrivée en France, Moussa devrait obtenir la protection subsidiaire, un statut un cran en dessous de celui de réfugié. Il pourra le renouveler au bout d’un an, si ses raisons de ne pas rentrer en Erythrée sont toujours jugées légitimes. Aux yeux des autorités européennes, l’espoir d’une vie meilleure ne suffit pas.

      *Les prénoms ont été changés

      http://www.liberation.fr/planete/2018/05/03/au-niger-les-rescapes-du-nouveau-poste-frontiere-de-l-europe_1647600

    • EU to consider plans for migrant processing centres in north Africa

      Leaked draft document says idea could ‘reduce incentive for perilous journeys’

      The EU is to consider the idea of building migrant processing centres in north Africa in an attempt to deter people from making life-threatening journeys to Europe across the Mediterranean, according to a leaked document.

      The European council of EU leaders “supports the development of the concept of regional disembarkation platforms”, according to the draft conclusions of an EU summit due to take place next week.

      The EU wants to look at the feasibility of setting up such centres in north Africa, where most migrant journeys to Europe begin. “Such platforms should provide for rapid processing to distinguish between economic migrants and those in need of international protection, and reduce the incentive to embark on perilous journeys,” says the document seen by the Guardian.

      Although the plan is winning influential support, it faces political and practical hurdles, with one expert saying it is not clear how the EU would get foreign countries to agree to be “vassal states”.

      Migration is high on the agenda of the two-day summit, which opens on 28 June. EU leaders will attempt to reach a consensus on how to manage the thousands of refugees and migrants arriving each month.

      The German and French leaders, Angela Merkel and Emmanuel Macron, met near Berlin on Tuesday to agree on a common approach, amid fears in their camps that the European project is unravelling.

      Before the meeting France’s finance minister, Bruno Le Maire, said Europe was “in a process of disintegration. We see states that are turning inward, trying to find national solutions to problems that require European solutions.”

      He called for “a new European project” on immigration, as well as economic and financial issues, “to consolidate Europe in a world where you have the United States on one side, China on the other and we are trapped in the middle”.

      At the end of the meeting, which was dominated by eurozone reform, Macron said the EU would “work with countries of origin and transit” to cut off illegal people-smuggling routes, and build “solidarity mechanisms, both externally and internally”. The EU border and coastguard agency Frontex would be expanded to become “a true European border police”.

      Merkel is under pressure from her hardline interior minister, Horst Seehofer, to come up with a European plan by the end of the month. Germany continues to receive more applications for asylum than any other EU member state. Seehofer wants German border guards to start turning people away if there is no EU-wide progress.

      It was not immediately clear how the EU document’s proposal for “regional disembarkation platforms” would work, or where they might be set up.

      Elizabeth Collett, the director of the Migration Policy Institute in Brussels, said it was a “watered-down version” of Austrian-Danish proposals that had called for arrivals in Europe to be sent back to their point of departure to have their claims processed.

      “What has clearly changed is the level of political backing for this,” she said.

      The plan prompted questions about how it would work and the cost involved, she said. “It looks great on paper, but can you get countries to sign up from outside Europe and basically be vassal states?”

      The other big problem was ensuring the centres met EU standards, she said. “The conditions, the processing, all of the things that require a high degree of knowledge and are quite hard to manage within the EU, these are big questions.”

      The plan, however, appears to be helping unite EU countries that are deeply divided on migration.

      Italy and France support the idea of asylum centres outside EU territory, an idea that helped defuse diplomatic tensions after the two countries clashed when the new populist government in Rome refused to allow the docking of a ship carrying 630 migrants.

      Macron, who has previously raised the idea, proposed it when he met the Italian prime minister, Giuseppe Conte, last week.

      The EU struck a deal with Turkey in 2016 that drastically reduced migrant flows, but the bloc has found it harder to work with north African governments, especially Libya, from where most sea crossings begin.

      The European commission has rejected a Turkey-style deal with Libya because of instability in the country. But Italy’s previous government struck deals with Libyan militia and tribes and helped relaunch the Libyan coastguard. These actions contributed to a sharp reduction in the number of people crossing the central Mediterranean, but critics reported an increase in human rights violations.

      According to the draft document, the EU would like to set up the centres in collaboration with the UN refugee agency and the International Organization for Migration, a UN-related body that has previously criticised the paucity of legal routes for African migrants to travel to Europe.

      Dimitris Avramopoulos, the EU migration commissioner, is expected to spell out details of the disembarkation centres later this week.

      https://www.theguardian.com/world/2018/jun/19/eu-migrant-processing-centres-north-africa-refugees?CMP=share_btn_tw
      #Afrique_du_nord

  • Mes Datas et Moi : l’Observatoire
    https://www.mesdatasetmoi-observatoire.fr/article/adolescents-et-internet-des-pratiques-non-hegemoniques

    Lecture critique par Cécile Dolbeau-Bandin

    Dans son ouvrage Grandir connectés. Les adolescents et la recherche d’information, Anne Cordier nous éclaire sur la place occupée par internet dans la construction des imaginaires des adolescents et le développement de leurs pratiques d’information.

    A. Cordier montre ici que les pratiques informationnelles et communicationnelles des adolescents sont évolutives, profondément dépendantes d’un contexte à la fois social, culturel et académique.

    Ces adolescents ont bien des savoir-faire et des compétences liés au numérique mais ils ont aussi des doutes, des réticences, des inquiétudes et des comportements de fuite. Ce livre fait écho à celui de D. Boyd qui considère la complexité des dynamiques interpersonnelles des adolescents lors de leurs pratiques numériques. Les adolescents soulignent le plaisir qu’ils ont à être accompagnés par un tiers. Les médiateurs (enseignants, professeurs documentalistes, éducateurs, parents) ont bien leur place dans ce processus. Proposer aux jeunes des tablettes, des cartables numériques, des ENT (espace numérique de travail), TBI (tableau blanc interactif) ne suffit pas à l’école. Il leur faut des « mentors » pour guider, éduquer, former, informer, favoriser des échanges, identifier, nommer, repérer, classer, repérer les différents types de documents, aider, « faire du lien », démystifier, favoriser un regard critique, apprendre à questionner le réseau et ses principaux acteurs (8) et écouter avec bienveillance leurs requêtes. Il faut faire des ponts entre les adultes et les adolescents tout en ayant connaissance de leur pratique ordinaire de l’information numérique, afin de mettre à distance les outils numériques et la mystification dont ils font l’objet, et de favoriser un enrichissement mutuel entre les générations.

    #C&Féditions #Anne_Cordier #Grandir_Connectés #Education

  • Grandir connectés | Bulletin des bibliothèques de France
    http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2016-08-0145-004

    Lecture critique du livre de Anne Cordier « Grandir connectés »

    Grandir connectés » est déjà en réimpression chez C & F Éditions, et c’est une bonne nouvelle. On ne peut que se réjouir du fait qu’un ouvrage qui repose sur des données originales (essentiellement qualitatives), un travail de terrain rigoureux et surtout une posture de chercheuse soucieuse de ses informateurs ait pu trouver rapidement son public. Il faut dire que le sujet traité prête à questions et controverses  : les pratiques de recherche d’information des adolescents (collégiens et lycéens) ; la culture numérique qu’ils parviennent à se forger individuellement et collectivement ; la confrontation entre les pratiques non formelles ou ordinaires (essentiellement expérimentées au sein du milieu familial, par transmission et imitation) et les pratiques plus formelles ou académiques (construites en milieu scolaire). Et l’un des grands mérites de l’auteure du livre – Anne Cordier, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication après avoir été professeur documentaliste –, c’est de se tenir à bonne distance des discours globalisants sur les « digital natives » et la « rupture anthropologique » qu’ils sont censés illustrer. Des discours oublieux du fait que la culture numérique se construit, s’expérimente à travers des interactions sociales, oublieux du fait que les frontières générationnelles sur ces questions ne sont plus aussi clivantes, et enfin des discours laissant souvent de côté le fait que certains jeunes sont exclus ou fort mal insérés dans cette culture numérique.

    #C&Féditions #Anne_Cordier #Grandir_connectés