L’histoire de ce musée remonte à 2002 lorsque Georges Frêche, président de la communauté d’agglomération de Montpellier, décide de créer un « musée de l’histoire de la France en Algérie ». « Il avait cédé au lobby des rapatriés qui voulaient faire un lieu à la gloire de l’Algérie française », explique Georges Morin. En 2010, son successeur, Jean-Pierre Moure, choisit de nommer une conservatrice, de solliciter des historiens et de réorienter le projet en rebaptisant le musée « histoire de la France et de l’Algérie ». « Il s’agissait d’élargir la problématique initiale, de tout mettre sur la table afin de prendre en compte toutes les mémoires », insiste M. Morin. Deux ans de travaux scientifiques et d’aménagement, trois mille pièces rassemblées, trois millions d’euros déboursés pour l’achat de tableaux, de photographies et d’objets, des prêts calés avec le Musée du quai Branly et le MuCEM, une exposition permanente en cours d’élaboration et une première exposition temporaire (« L’Algérie et la France au miroir de la Grande Guerre »), labellisée par la Mission du centenaire : le musée semblait sur les rails. Sur le blog qu’il tenait pendant la campagne des municipales, Philippe Saurel s’était dit favorable au projet : « J’estime qu’en histoire il n’y a rien de pire que le non-dit. »
Pourquoi ce revirement ? Un membre du conseil scientifique du musée, qui ne veut pas être cité, y voit un effet Front national. « La victoire de Ménard à Béziers a terrorisé tout le monde dans la région. Pour avoir la paix, on refuse de regarder l’histoire en face. » Un autre évoque « un retour de la politique clientéliste à la Georges Frêche » et la pression des associations de rapatriés. « Les pieds-noirs ont bien compris que ce projet était vicié depuis l’origine », finit par lâcher le maire qui qualifie le dossier d’« extrêmement polémique ». Et ajoute : « Je ne marcherai pas sur la mémoire des Français d’Algérie. Le projet a changé d’âme le jour où Frêche est mort ; il est devenu moins chargé de sens, plus historique et plus général. »
Benjamin Stora ne décolère pas : « La France ne veut pas entendre parler d’une présence culturelle algérienne, c’est inouï. » Pour ce spécialiste du Maghreb et des guerres de décolonisation, « les élus municipaux anticipent d’éventuelles réactions non consensuelles, il y a comme une forme de peur ».