• staatlich gelenkter, autorisierter und ideologisch gefilterter Zent...
    https://diasp.eu/p/17878074

    staatlich gelenkter, autorisierter und ideologisch gefilterter Zentrismus

    #Konformismus #Hegemonie #Zentrismus #Paternalismus #Autoritarismus #Überwachung

    tagesschau.de/investigativ/mdr…

    loma.ml/display/3f0f9f20-b6fe4…

    ♲ CyberEgg - 2025-09-18 15:08:47 GMT

    Bundespolizeiakademie: Umstrittener Professor - auf Lebenszeit?

    Ein Professor mit rechter Vergangenheit unterrichtet wieder an der Bundespolizeiakademie. Nach MDR-Recherchen könnte er nun sogar Professor auf Lebenszeit werden. Die größte deutsche Polizeigewerkschaft protestiert heftig.

  • META - - do it yourself — Irland, oder die selbstregulierenden Kräfte des Marktes

    via https://diasp.eu/p/17876215

    Liebe Iren, warum nicht gleich? - Das hättet Ihr doch alles schon viel früher haben können! Früher oder später leuchtet das jede-m/-r einmal ein: wir kommen alle in den Genuss der selbstregulierenden Kräfte des Marktes - das ist ein Naturgesetz.

    Max Schrems: "We now literally have a US big tech lobbyist policing US big tech for Europe. For 20 years, Ireland did not actually enforce EU law, but at least they had enough shame to undermine enforcement secretly."

    (cf. https://seenthis.net/messages/1135390)

    suizidärer #Neoliberalismus #EU #Irland #META #Hegemonie #USA

    ♲ kaffeeringe.de - 2025-09-18 20:03:57 GMT

    https://kaffeeringe.de/2025/09/18/us-big-tech-reguliert-sich-jetzt-offiziell

    US- #Big-Tech reguliert sich jetzt offiziell selbst

    #Zucker­bergs Chef-Lob­by­is­tin wird die Lei­te­rin der iri­schen Daten­schutz­be­hör­de. (...)

  • Emmanuel Todd : L’armement nucléaire de l’Iran

    via https://diasp.eu/p/17856348

    https://substack.com/inbox/post/173092763

    2025-09-08

    Voici la traduction en français d’un entretien donné récemment au Japon. M’exprimer régulièrement au Japon sur les questions géopolitiques (depuis vingt ans au moins) m’a aidé à développer une vision désoccidentalisée du monde, une conscience géopolitique non-narcissique. On verra ainsi dans cet entretien que c’est ma réflexion déjà ancienne sur l’éventuelle acquisition par le Japon de l’arme nucléaire qui m’a conduit à une vision plutôt sereine de la question iranienne.

    Les démocraties européennes ne vont pas bien. Elles ne peuvent plus être décrites comme pluralistes pour ce qui concerne l’information géopolitique. La possibilité de m’exprimer dans les grands médias japonais m’a permis d’échapper à l’interdit qui pèse en France sur toute interprétation non conforme à la ligne occidentaliste. Les chaines d’État (France-Inter, France-Culture, France 2, France 3, la 5, France-Info etc) sont des agents particulièrement actifs (et incompétents) du contrôle de l’opinion géopolitique.

    [...]

    • [...]

      Si je ne vois pas de problème particulier à ce que le Japon ou l’Iran possèdent l’arme nucléaire, c’est parce que je crois que, fondamentalement, les Japonais et les Iraniens partagent la même « humanité », non suicidaire, que les Français. J’ai étudié la « diversité du monde » à travers les différences de structures familiales, en échappant, je l’espère, au mépris occidentaliste envers les grandes civilisations du monde. Aujourd’hui, le refus de voir la diversité culturelle du monde est devenu la grande faiblesse de l’Occident. Sa défaite dans la guerre en Ukraine résulte d’une mauvaise appréciation de la puissance réelle de la Russie, qui résultait elle-même d’un ridicule sentiment de supériorité occidental. L’Occident commet la même erreur à l’égard de l’Iran.
      Voici la vision dominante des médias occidentaux concernant l’attaque contre l’Iran : au début, Trump hésitait à attaquer. Il souhaitait la paix et avait entamé des négociations avec l’Iran, mais face à leur enlisement, il aurait changé d’avis, galvanisé par les succès militaires spectaculaires d’Israël. Mais Trump a-t-il vraiment hésité ? [mis en valeur par oAnth] Maurice Leblanc, l’auteur d’Arsène Lupin fait dire ceci à son héros, dont je m’inspire parfois : « Si tous les faits que nous possédons concordent avec une interprétation que nous en avons, il est fort probable que cette interprétation est la bonne ». Si l’on part de l’hypothèse que « l’hésitation de Trump n’était qu’un mensonge », on peut suivre les évènements dans leur vraie logique.
      Face au témoignage de la directrice du renseignement national américain, Mme Gabbard, selon laquelle « nous continuons d’analyser que l’Iran ne fabrique pas d’armes nucléaires. Le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei, n’a pas approuvé la reprise du programme d’armement nucléaire gelé en 2003 », Trump a rétorqué le 17 juin : « C’est faux », « ils sont sur le point d’avoir l’arme nucléaire », rejetant ainsi l’analyse de ses propres services de renseignement.
      La veille de l’attaque, Trump déclarait qu’il « déciderait d’agir ou non dans les deux semaines, en tenant compte de la possibilité de négociations imminentes avec l’Iran ». Ce n’était qu’un camouflage et il a réussi son attaque surprise.
      Après douze jours de combats, Trump a amené Israël et l’Iran à accepter un cessez-le-feu, se comportant comme un « médiateur de la paix ». Mais tout cela n’est qu’une farce. Les États-Unis étaient impliqués dans le plan d’attaque contre l’Iran depuis le début.

      [...]

    • [...]

      L’armée israélienne compte environ 23 000 Américains, et 15 % des colons de Cisjordanie (environ 100 000 personnes) sont américains. La fixation pathologique des États-Unis sur Israël est évidente dans le livre du secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, « American Crusade » (La Croisade américaine), publié en 2020.
      Je vous invite d’abord à regarder la couverture de ce livre. Une photo de l’auteur, à l’allure de “macho” tenant le drapeau américain, orne la couverture, et il saute aux yeux qu’il n’est pas la personne adéquate pour être secrétaire à la Défense de la plus grande puissance mondiale.
      Voici ce qu’on peut lire dans le chapitre sur Israël :
      « La ligne de front de l’Amérique, la ligne de front de notre foi, c’est Jérusalem et Israël. Israël est le symbole de la liberté, mais plus encore, il en est l’incarnation vivante. Israël est la preuve, sur la ligne de front de la civilisation occidentale, que la poursuite de la vie, de la liberté et du bonheur peut transformer une région embourbée et offrir un niveau de vie sans égal au Moyen-Orient. Israël incarne l’arme de notre croisade américaine, le “quoi” de notre “pourquoi”. » « Foi, famille, liberté et libre entreprise. Si vous aimez ces choses, apprenez à aimer l’État d’Israël, et trouvez un endroit où vous pouvez vous battre pour lui. »
      Voilà l’homme qui, en tant que secrétaire à la Défense des États-Unis, a mené l’attaque contre l’Iran.
      Quelle sera l’efficacité à long terme de cette attaque militaire, dont l’objectif déclaré était de détruire les installations nucléaires ? La Corée du Nord, qui elle a réussi son développement nucléaire, n’a pas été attaquée par les États-Unis et est parvenue à être considérée comme une puissance nucléaire de facto. Cette attaque ne fera donc que renforcer la motivation de l’Iran à posséder l’arme nucléaire, sans jamais l’éliminer. C’est contre-productif.
      La réalité la plus profonde est que les États-Unis et Israël n’avaient pas d’objectif de guerre rationnel. Il s’agissait d’une action impulsive, une quête de la violence, mue par un goût pour la guerre, en somme, par le nihilisme. La guerre elle-même était le but de la guerre. On ne peut s’empêcher de penser que les États-Unis, meurtris par leur défaite face à la Russie en Ukraine, ont cherché à maintenir leur équilibre psychologique en attaquant un pays plus faible.

      [...]

    • cf.

      La #guerre perpetuelle, ou,
      cela n’a aucune importance, peu importe ce que dit #Trump.

      .... La réalité la plus profonde est que les #États-Unis et #Israël n’avaient pas d’objectif de guerre rationnel. Il s’agissait d’une action impulsive, une quête de la violence, mue par un goût pour la guerre, en somme, par le nihilisme ...

      à ce sujet cf. aussi oAnth ici :

      https://seenthis.net/messages/1133275

      cf. E.Todd sur snth : https://seenthis.net/recherche?recherche=Emmanuel%20Todd&follow=all

      #Iran #Russie #hégémonie_occidentale

    • 4 août 2025

      Dans un discours devant un auditoire du Parti des travailleurs à Brasilia, le président brésilien a accusé Washington de #chantage économique et s’est engagé à défendre la souveraineté nationale. Donald Trump menace le Brésil de droits de douane de 50 %, en plus de 10 % supplémentaires imposés aux membres du BRICS.

      Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a accusé les #États-Unis d’avoir « aidé à fomenter un coup d’État » au #Brésil et a condamné ce qu’il a qualifié de tentative de #Washington de faire usage de la pression politique pour imposer des sanctions économiques à son pays.

      S’exprimant lors d’un rassemblement du Parti des travailleurs à Brasilia le 3 août, Lula a averti que le Brésil n’accepterait pas de traitement injuste et qu’il était prêt à défendre ses intérêts sur la scène internationale.

      Lula contre l’ingérence américaine

      « Tenter d’utiliser une question politique pour nous sanctionner économiquement est inacceptable », a déclaré Lula, faisant référence aux récentes menaces américaines d’imposer des #droits_de_douane de 50 % sur les #exportations brésiliennes.

      « Je n’oublierai pas qu’ils ont déjà contribué à un coup d’État ici », a ajouté Lula, sans préciser s’il faisait référence à l’opération Brother Sam en 1964, à la destitution de l’ancienne présidente Dilma Rousseff en 2016 ou à la récente tentative de l’ancien président Jair Bolsonaro d’annuler les résultats des élections de 2022.

      Le président américain Donald #Trump a justifié la menace de droits de douane par ce qu’il a qualifié de « chasse aux sorcières » contre le « très respecté » Bolsonaro, accusé d’avoir tenté un coup d’État pour se maintenir au pouvoir. Washington a également sanctionné le juge de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, qui supervise une enquête sur le complot présumé.

      Le Brésil prône le multilatéralisme

      Lula a souligné que le Brésil n’était plus économiquement dépendant des États-Unis, invoquant l’expansion des liens commerciaux mondiaux et des fondamentaux nationaux plus solides. Il a également réaffirmé ses efforts pour trouver une alternative au dollar américain dans le commerce international.

      « Ils veulent mettre fin au #multilatéralisme […]. Ils veulent revenir à des accords internationaux où les grands dominent les petits », a déclaré Lula. « Autrement dit, un petit pays qui négocie avec les États-Unis est comme un ouvrier d’usine comptant 80 000 collègues, qui négocie seul avec son patron. L’accord est déséquilibré ; vous n’y gagnerez rien », a-t-il ajouté.

      « Nous avons la taille, nous avons une position dominante, nous avons des intérêts stratégiques et économiques… Nous voulons négocier, mais nous voulons négocier sur un pied d’égalité », a souligné le président brésilien.

      Les #BRICS dans le collimateur

      Avec un tarif de 50 %, le Brésil serait confronté aux droits de douane américains les plus élevés au monde. Par ailleurs, Trump a déjà menacé d’imposer des droits de douane supplémentaires de 10 % aux membres des BRICS, les accusant de tenter de « détruire le dollar comme norme mondiale ».

      Le Brésil est l’un des membres fondateurs des BRICS, formés en 2006 avec la Russie, l’Inde et la Chine. Le bloc s’est depuis élargi avec l’adhésion de l’Afrique du Sud, de l’Égypte, de l’Iran, de l’Éthiopie, des Émirats arabes unis et de l’Indonésie. Ses dirigeants ont toujours affirmé qu’ils n’avaient aucune intention d’affaiblir le dollar, indiquant que Washington lui-même le fragilise par des abus politiques

    • sans paywall : https://archive.ph/4Xrnb

      oAnth :

      Compte tenu de l’omniprésence de la numérisation dans la vie quotidienne, l’article ne présente guère de détails surprenants pour quelqu’un qui a suivi les discussions sur cette thématique des 15 dernières années, y compris dans le domaine de l’éducation et du développement cognitif des enfants et des adolescents.

      En outre, il est bien évident qu’une personne qui s’est penchée sur l’histoire de l’art et les théories esthétiques de ses époques, même de manière limitée, ne peut que secouer la tête devant les prétentions que les milieux transhumanistes attribuent à l’IA.

      Il est d’autant plus grave que l’on se sente obligé de revêtir un manteau scientifique pour des vérités traditionnelles aussi fondamentales ; manifestement, les géants des télécommunications veulent se préserver une marge de manœuvre pour faire avancer l’homogénéisation sans résistance de la société dans le système scolaire et de formation, ainsi dans le système universitaire, sans parler des médias. Les critiques ultérieures à l’encontre de cette approche ne sont accueillies qu’avec un sourire fatigué.

      #hégémonie (Gramsci, Chomsky et al.)

    • The policies now being implemented — from massive rearmament to the escalation of conflict with #Russia — are not rooted in a cold pursuit of German national interests, but in their negation.

      Thomas Fazi Jun 25, 2025

      I’ve written for UnHerd about #Germany’s massive rearmament plan and aggressive anti-Russia posture, and why what we are witnessing is not a return of German nationalism, but its opposite:

      The policies now being implemented — from massive rearmament to the escalation of conflict with Russia — are not rooted in a cold pursuit of German national interests, but in their negation. They are the expression of a political class that has internalised the Atlantic ideology so thoroughly that it can no longer distinguish between national strategy and transatlantic loyalty.

      This is the long-term consequence of how the German question was “resolved” after the Second World War: not through the restoration of sovereignty, but through the absorption of Germany into the “collective West” under US strategic guardianship. As noted, throughout most of the postwar period, German leadership attempted to balance this with the pursuit of the national interest, but in the years following the coup in Ukraine, the “American” wing of the German establishment began taking over — and with Merz, a former BlackRock representative, it is firmly in the driving seat.

      Now the leadership thinks only in terms of alignment with a Western project whose priorities are often defined elsewhere. In an op-ed published yesterday in the Financial Times, for example, Merz and Macron once again reaffirmed their commitment to the transatlantic relationship and NATO — which has always entailed Europe’s strategic subordination to Washington — despite their recent rhetorical gestures toward a more autonomous European policy.

      It is telling in this sense that Merz, while publicly critical of Trump, is in fact executing Trump’s vision: pressuring Germany to drastically increase defence spending, take over leadership in the Ukraine war and sever energy ties with Russia. And yet they are presented as expressions of German and European sovereignty. Contrary to Schröder’s courageous stance against the US invasion of Iraq 20 years ago, Merz has also offered a full-throated endorsement of Trump’s recent attack on Iran.

      The problem today then, is not German ambition, but German submission. And the tragedy is that this submission is being dressed up as strategic autonomy — a grim parody of sovereignty in an age of ideological dependency. If German leaders once understood that peace with Russia was in Germany’s fundamental interest, today’s leaders act as if permanent conflict is a condition of responsible statecraft. That reversal is not only dangerous for Germany, but for Europe as a whole.

  • Kanzler beim G7-Gipfel:Merz: Israel macht in Iran Drecksarbeit für uns

    via https://diasp.eu/p/17695173

    gefunden bei:

    Roland Popp

    https://x.com/RoPoppZurich/status/1935003176333115621

    @RoPoppZurich War Studies. Strategic/Security Studies. Middle East. Nuclear Weapons. Trained Cold War Historian. Borusse. @milak/ETH EN/DEU

    Vielleicht der katastrophalste Fehltritt eines deutschen Regierungschef. Angriffskrieg als „Drecksarbeit“. Und ich will die historische Referenz gar nicht nachschieben, es hilft angesichts der Bittners und Gaschkes ohnehin nichts mehr.

    Kanzler beim G7-Gipfel:Merz: Israel macht in Iran Drecksarbeit für uns 17.06.2025 | 16:51

    https://www.zdfheute.de/politik/g7-gipfel-merz-100.html

    Kanzler Merz bezeichnete das Vorgehen Israels gegen den Iran im ZDF als „Drecksarbeit für uns alle“. Auch Deutschland sei vom Mullah-Regime betroffen.

    #Perversion #Hegemonie #Diplomatie #Iran #Israel

    • Israel has launched an extensive series of airstrikes on Iran.

      The western media are of course unquestioningly regurgitating the Israeli government’s evidence-free claim that these strikes were “preemptive”.

      The Trump regime is attempting to spin this as a completely unilateral Israeli attack which had nothing to do with the United States — a claim you could be forgiven for believing if you were born yesterday.

      Here’s a list of future headlines we can expect from The New York Times:

      – Iranian strikes rock Israel in unprovoked attack.

      – Israeli families take shelter amid antisemitic terror bombing.

      – Israeli defense minister: U.S. campus protesters somehow knew about Iranian strikes in advance, indicating Tehran coordination.

      – Trump privately voices frustration with #Netanyahu over Iran conflict the U.S. is just passively, innocently witnessing.

      – American Jews feeling anxious, unsupported amid spiraling wars in the #MiddleEast.

      – Opinion: I feared for my life during airstrikes on Tel Aviv. Nobody in the world can possibly understand what this is like.

      – Opinion: Is the U.S. at risk of being drawn into another Middle Eastern war?

      – Opinion: Is the U.S. stumbling into another Middle Eastern war?

      – Opinion: Is the U.S. accidentally oopsie poopsie bungling into another Middle Eastern war?

      – Opinion: Is the U.S. being dragged kicking and screaming into a war in the Middle East, something it historically tries to avoid at all cost?

      – US launches strikes on Iran in preemptive attack.

      – Opinion: Is the U.S. being sucked into a third world war?

      – Opinion: Is the U.S. tumbling headlong into a nuclear exchange with Russia and China?

      – Opinion: The sky is darkening as nuclear radiation creeps across our land, so we must all come together and condemn Hamas.

      – Opinion: The earth is a barren wasteland. Nothing remains. Check on your Jewish friends.

  • THE TYRANNY of STRUCTURELESSNESS

    The earliest version of this article was given as a talk at a conference called by the Southern Female Rights Union, held in Beulah, Mississippi in May 1970. It was written up for Notes from the Third Year (1971), but the editors did not use it. It was then submitted to several movement publications, but only one asked permission to publish it; others did so without permission. The first official place of publication was in Vol. 2, No. 1 of The Second Wave (1972). This early version in movement publications was authored by Joreen. Different versions were published in the Berkeley Journal of Sociology, Vol. 17, 1972-73, pp. 151-165, and Ms. magazine, July 1973, pp. 76-78, 86-89, authored by Jo Freeman. This piece spread all over the world. Numerous people have edited, reprinted, cut, and translated “Tyranny” for magazines, books and web sites, usually without the permission or knowledge of the author. The version below is a blend of the three cited here.

    During the years in which the women’s liberation movement has been taking shape, a great emphasis has been placed on what are called leaderless, structureless groups as the main — if not sole — organizational form of the movement. The source of this idea was a natural reaction against the over-structured society in which most of us found ourselves, and the inevitable control this gave others over our lives, and the continual elitism of the Left and similar groups among those who were supposedly fighting this overstructuredness.
    The idea of “structurelessness,” however, has moved from a healthy counter to those tendencies to becoming a goddess in its own right. The idea is as little examined as the term is much used, but it has become an intrinsic and unquestioned part of women’s liberation ideology. For the early development of the movement this did not much matter. It early defined its main goal, and its main method, as consciousness-raising, and the “structureless” rap group was an excellent means to this end. The looseness and informality of it encouraged participation in discussion, and its often supportive atmosphere elicited personal insight. If nothing more concrete than personal insight ever resulted from these groups, that did not much matter, because their purpose did not really extend beyond this.

    The basic problems didn’t appear until individual rap groups exhausted the virtues of consciousness-raising and decided they wanted to do something more specific. At this point they usually foundered because most groups were unwilling to change their structure when they changed their tasks. Women had thoroughly accepted the idea of “structurelessness” without realizing the limitations of its uses. People would try to use the “structureless” group and the informal conference for purposes for which they were unsuitable out of a blind belief that no other means could possibly be anything but oppressive.
    If the movement is to grow beyond these elementary stages of development, it will have to disabuse itself of some of its prejudices about organization and structure. There is nothing inherently bad about either of these. They can be and often are misused, but to reject them out of hand because they are misused is to deny ourselves the necessary tools to further development. We need to understand why “structurelessness” does not work.

    FORMAL AND INFORMAL STRUCTURES

    Contrary to what we would like to believe, there is no such thing as a structureless group. Any group of people of whatever nature that comes together for any length of time for any purpose will inevitably structure itself in some fashion. The structure may be flexible; it may vary over time; it may evenly or unevenly distribute tasks, power and resources over the members of the group. But it will be formed regardless of the abilities, personalities, or intentions of the people involved. The very fact that we are individuals, with different talents, predispositions, and backgrounds makes this inevitable. Only if we refused to relate or interact on any basis whatsoever could we approximate structurelessness — and that is not the nature of a human group.
    This means that to strive for a structureless group is as useful, and as deceptive, as to aim at an “objective” news story, “value-free” social science, or a “free” economy. A “laissez faire” group is about as realistic as a “laissez faire” society; the idea becomes a smokescreen for the strong or the lucky to establish unquestioned hegemony over others. This hegemony can be so easily established because the idea of “structurelessness” does not prevent the formation of informal structures, only formal ones. Similarly “laissez faire” philosophy did not prevent the economically powerful from establishing control over wages, prices, and distribution of goods; it only prevented the government from doing so. Thus structurelessness becomes a way of masking power, and within the women’s movement is usually most strongly advocated by those who are the most powerful (whether they are conscious of their power or not). As long as the structure of the group is informal, the rules of how decisions are made are known only to a few and awareness of power is limited to those who know the rules. Those who do not know the rules and are not chosen for initiation must remain in confusion, or suffer from paranoid delusions that something is happening of which they are not quite aware.

    For everyone to have the opportunity to be involved in a given group and to participate in its activities the structure must be explicit, not implicit. The rules of decision-making must be open and available to everyone, and this can happen only if they are formalized. This is not to say that formalization of a structure of a group will destroy the informal structure. It usually doesn’t. But it does hinder the informal structure from having predominant control and make available some means of attacking it if the people involved are not at least responsible to the needs of the group at large. “Structurelessness” is organizationally impossible. We cannot decide whether to have a structured or structureless group, only whether or not to have a formally structured one. Therefore the word will not be used any longer except to refer to the idea it represents. Unstructured will refer to those groups which have not been deliberately structured in a particular manner. Structured will refer to those which have. A Structured group always has formal structure, and may also have an informal, or covert, structure. It is this informal structure, particularly in Unstructured groups, which forms the basis for elites.

    THE NATURE OF ELITISM

    “Elitist” is probably the most abused word in the women’s liberation movement. It is used as frequently, and for the same reasons, as “pinko” was used in the fifties. It is rarely used correctly. Within the movement it commonly refers to individuals, though the personal characteristics and activities of those to whom it is directed may differ widely: An individual, as an individual can never be an elitist, because the only proper application of the term “elite” is to groups. Any individual, regardless of how well-known that person may be, can never be an elite.
    Correctly, an elite refers to a small group of people who have power over a larger group of which they are part, usually without direct responsibility to that larger group, and often without their knowledge or consent. A person becomes an elitist by being part of, or advocating the rule by, such a small group, whether or not that individual is well known or not known at all. Notoriety is not a definition of an elitist. The most insidious elites are usually run by people not known to the larger public at all. Intelligent elitists are usually smart enough not to allow themselves to become well known; when they become known, they are watched, and the mask over their power is no longer firmly lodged.
    Elites are not conspiracies. Very seldom does a small group of people get together and deliberately try to take over a larger group for its own ends. Elites are nothing more, and nothing less, than groups of friends who also happen to participate in the same political activities. They would probably maintain their friendship whether or not they were involved in political activities; they would probably be involved in political activities whether or not they maintained their friendships. It is the coincidence of these two phenomena which creates elites in any group and makes them so difficult to break.
    These friendship groups function as networks of communication outside any regular channels for such communication that may have been set up by a group. If no channels are set up, they function as the only networks of communication. Because people are friends, because they usually share the same values and orientations, because they talk to each other socially and consult with each other when common decisions have to be made, the people involved in these networks have more power in the group than those who don’t. And it is a rare group that does not establish some informal networks of communication through the friends that are made in it.
    Some groups, depending on their size, may have more than one such informal communications network. Networks may even overlap. When only one such network exists, it is the elite of an otherwise Unstructured group, whether the participants in it want to be elitists or not. If it is the only such network in a Structured group it may or may not be an elite depending on its composition and the nature of the formal Structure. If there are two or more such networks of friends, they may compete for power within the group, thus forming factions, or one may deliberately opt out of the competition, leaving the other as the elite. In a Structured group, two or more such friendship networks usually compete with each other for formal power. This is often the healthiest situation, as the other members are in a position to arbitrate between the two competitors for power and thus to make demands on those to whom they give their temporary allegiance.
    The inevitably elitist and exclusive nature of informal communication networks of friends is neither a new phenomenon characteristic of the women’s movement nor a phenomenon new to women. Such informal relationships have excluded women for centuries from participating in integrated groups of which they were a part. In any profession or organization these networks have created the “locker room” mentality and the “old school” ties which have effectively prevented women as a group (as well as some men individually) from having equal access to the sources of power or social reward. Much of the energy of past women’s movements has been directed to having the structures of decision-making and the selection processes formalized so that the exclusion of women could be confronted directly. As we well know, these efforts have not prevented the informal male-only networks from discriminating against women, but they have made it more difficult.
    Because elites are informal does not mean they are invisible. At any small group meeting anyone with a sharp eye and an acute ear can tell who is influencing whom. The members of a friendship group will relate more to each other than to other people. They listen more attentively, and interrupt less; they repeat each other’s points and give in amiably; they tend to ignore or grapple with the “outs” whose approval is not necessary for making a decision. But it is necessary for the “outs” to stay on good terms with the “ins.” Of course the lines are not as sharp as I have drawn them. They are nuances of interaction, not prewritten scripts. But they are discernible, and they do have their effect. Once one knows with whom it is important to check before a decision is made, and whose approval is the stamp of acceptance, one knows who is running things.
    Since movement groups have made no concrete decisions about who shall exercise power within them, many different criteria are used around the country. Most criteria are along the lines of traditional female characteristics. For instance, in the early days of the movement, marriage was usually a prerequisite for participation in the informal elite. As women have been traditionally taught, married women relate primarily to each other, and look upon single women as too threatening to have as close friends. In many cities, this criterion was further refined to include only those women married to New Left men. This standard had more than tradition behind it, however, because New Left men often had access to resources needed by the movement — such as mailing lists, printing presses, contacts, and information — and women were used to getting what they needed through men rather than independently. As the movement has charged through time, marriage has become a less universal criterion for effective participation, but all informal elites establish standards by which only women who possess certain material or personal characteristics may join. They frequently include: middle-class background (despite all the rhetoric about relating to the working class); being married; not being married but living with someone; being or pretending to be a lesbian; being between the ages of twenty and thirty; being college educated or at least having some college background; being “hip”; not being too “hip”; holding a certain political line or identification as a “radical”; having children or at least liking them; not having children; having certain “feminine” personality characteristics such as being “nice”; dressing right (whether in the traditional style or the antitraditional style); etc. There are also some characteristics which will almost always tag one as a “deviant” who should not be related to. They include: being too old; working full time, particularly if one is actively committed to a “career”; not being “nice”; and being avowedly single (i.e., neither actively heterosexual nor homosexual).
    Other criteria could be included, but they all have common themes. The characteristics prerequisite for participating in the informal elites of the movement, and thus for exercising power, concern one’s background, personality, or allocation of time. They do not include one’s competence, dedication to feminism, talents, or potential contribution to the movement. The former are the criteria one usually uses in determining one’s friends. The latter are what any movement or organization has to use if it is going to be politically effective.
    The criteria of participation may differ from group to group, but the means of becoming a member of the informal elite if one meets those criteria art pretty much the same. The only main difference depends on whether one is in a group from the beginning, or joins it after it has begun. If involved from the beginning it is important to have as many of one’s personal friends as possible also join. If no one knows anyone else very well, then one must deliberately form friendships with a select number and establish the informal interaction patterns crucial to the creation of an informal structure. Once the informal patterns are formed they act to maintain themselves, and one of the most successful tactics of maintenance is to continuously recruit new people who “fit in.” One joins such an elite much the same way one pledges a sorority. If perceived as a potential addition, one is “rushed” by the members of the informal structure and eventually either dropped or initiated. If the sorority is not politically aware enough to actively engage in this process itself it can be started by the outsider pretty much the same way one joins any private club. Find a sponsor, i.e., pick some member of the elite who appears to be well respected within it, and actively cultivate that person’s friendship. Eventually, she will most likely bring you into the inner circle.

    All of these procedures take time. So if one works full time or has a similar major commitment, it is usually impossible to join simply because there are not enough hours left to go to all the meetings and cultivate the personal relationship necessary to have a voice in the decision-making. That is why formal structures of decision making are a boon to the overworked person. Having an established process for decision-making ensures that everyone can participate in it to some extent.
    Although this dissection of the process of elite formation within small groups has been critical in perspective, it is not made in the belief that these informal structures are inevitably bad — merely inevitable. All groups create informal structures as a result of interaction patterns among the members of the group. Such informal structures can do very useful things But only Unstructured groups are totally governed by them. When informal elites are combined with a myth of “structurelessness,” there can be no attempt to put limits on the use of power. It becomes capricious.
    This has two potentially negative consequences of which we should be aware. The first is that the informal structure of decision-making will be much like a sorority — one in which people listen to others because they like them and not because they say significant things. As long as the movement does not do significant things this does not much matter. But if its development is not to be arrested at this preliminary stage, it will have to alter this trend. The second is that informal structures have no obligation to be responsible to the group at large. Their power was not given to them; it cannot be taken away. Their influence is not based on what they do for the group; therefore they cannot be directly influenced by the group. This does not necessarily make informal structures irresponsible. Those who are concerned with maintaining their influence will usually try to be responsible. The group simply cannot compel such responsibility; it is dependent on the interests of the elite.

    THE “STAR” SYSTEM

    The idea of “structurelessness” has created the “star” system. We live in a society which expects political groups to make decisions and to select people to articulate those decisions to the public at large. The press and the public do not know how to listen seriously to individual women as women; they want to know how the group feels. Only three techniques have ever been developed for establishing mass group opinion: the vote or referendum, the public opinion survey questionnaire, and the selection of group spokespeople at an appropriate meeting. The women’s liberation movement has used none of these to communicate with the public. Neither the movement as a whole nor most of the multitudinous groups within it have established a means of explaining their position on various issues. But the public is conditioned to look for spokespeople.
    While it has consciously not chosen spokespeople, the movement has thrown up many women who have caught the public eye for varying reasons. These women represent no particular group or established opinion; they know this and usually say so. But because there are no official spokespeople nor any decision-making body that the press can query when it wants to know the movement’s position on a subject, these women are perceived as the spokespeople. Thus, whether they want to or not, whether the movement likes it or not, women of public note are put in the role of spokespeople by default.
    This is one main source of the ire that is often felt toward the women who are labeled “stars.” Because they were not selected by the women in the movement to represent the movement’s views, they are resented when the press presumes that they speak for the movement. But as long as the movement does not select its own spokeswomen, such women will be placed in that role by the press and the public, regardless of their own desires.
    This has several negative consequences for both the movement and the women labeled “stars.” First, because the movement didn’t put them in the role of spokesperson, the movement cannot remove them. The press put them there and only the press can choose not to listen. The press will continue to look to “stars” as spokeswomen as long as it has no official alternatives to go to for authoritative statements from the movement. The movement has no control in the selection of its representatives to the public as long as it believes that it should have no representatives at all. Second, women put in this position often find themselves viciously attacked by their sisters. This achieves nothing for the movement and is painfully destructive to the individuals involved. Such attacks only result in either the woman leaving the movement entirely-often bitterly alienated — or in her ceasing to feel responsible to her “sisters.” She may maintain some loyalty to the movement, vaguely defined, but she is no longer susceptible to pressures from other women in it. One cannot feel responsible to people who have been the source of such pain without being a masochist, and these women are usually too strong to bow to that kind of personal pressure. Thus the backlash to the “star” system in effect encourages the very kind of individualistic nonresponsibility that the movement condemns. By purging a sister as a “star,” the movement loses whatever control it may have had over the person who then becomes free to commit all of the individualistic sins of which she has been accused.

    POLITICAL IMPOTENCE

    Unstructured groups may be very effective in getting women to talk about their lives; they aren’t very good for getting things done. It is when people get tired of “just talking” and want to do something more that the groups flounder, unless they change the nature of their operation. Occasionally, the developed informal structure of the group coincides with an available need that the group can fill in such a way as to give the appearance that an Unstructured group “works.” That is, the group has fortuitously developed precisely the kind of structure best suited for engaging in a particular project.
    While working in this kind of group is a very heady experience, it is also rare and very hard to replicate. There are almost inevitably four conditions found in such a group;

    1) It is task oriented. Its function is very narrow and very specific, like putting on a conference or putting out a newspaper. It is the task that basically structures the group. The task determines what needs to be done and when it needs to be done. It provides a guide by which people can judge their actions and make plans for future activity.
    2) It is relatively small and homogeneous. Homogeneity is necessary to insure that participants have a “common language” for interaction. People from widely different backgrounds may provide richness to a consciousness-raising group where each can learn from the others’ experience, but too great a diversity among members of a task-oriented group means only that they continually misunderstand each other. Such diverse people interpret words and actions differently. They have different expectations about each other’s behavior and judge the results according to different criteria. If everyone knows everyone else well enough to understand the nuances, these can be accommodated. Usually, they only lead to confusion and endless hours spent straightening out conflicts no one ever thought would arise.
    3) There is a high degree of communication. Information must be passed on to everyone, opinions checked, work divided up, and participation assured in the relevant decisions. This is only possible if the group is small and people practically live together for the most crucial phases of the task. Needless to say, the number of interactions necessary to involve everybody increases geometrically with the number of participants. This inevitably limits group participants to about five, or excludes some from some of the decisions. Successful groups can be as large as 10 or 15, but only when they are in fact composed of several smaller subgroups which perform specific parts of the task, and whose members overlap with each other so that knowledge of what the different subgroups are doing can be passed around easily.
    4) There is a low degree of skill specialization. Not everyone has to be able to do everything, but everything must be able to be done by more than one person. Thus no one is indispensable. To a certain extent, people become interchangeable parts.

    While these conditions can occur serendipitously in small groups, this is not possible in large ones. Consequently, because the larger movement in most cities is as unstructured as individual rap groups, it is not too much more effective than the separate groups at specific tasks. The informal structure is rarely together enough or in touch enough with the people to be able to operate effectively. So the movement generates much motion and few results. Unfortunately, the consequences of all this motion are not as innocuous as the results’ and their victim is the movement itself.
    Some groups have formed themselves into local action projects if they do not involve many people and work on a small scale. But this form restricts movement activity to the local level; it cannot be done on the regional or national. Also, to function well the groups must usually pare themselves down to that informal group of friends who were running things in the first place. This excludes many women from participating. As long as the only way women can participate in the movement is through membership in a small group, the nongregarious are at a distinct disadvantage. As long as friendship groups are the main means of organizational activity, elitism becomes institutionalized.
    For those groups which cannot find a local project to which to devote themselves, the mere act of staying together becomes the reason for their staying together. When a group has no specific task (and consciousness raising is a task), the people in it turn their energies to controlling others in the group. This is not done so much out of a malicious desire to manipulate others (though sometimes it is) as out of a lack of anything better to do with their talents. Able people with time on their hands and a need to justify their coming together put their efforts into personal control, and spend their time criticizing the personalities of the other members in the group. Infighting and personal power games rule the day. When a group is involved in a task, people learn to get along with others as they are and to subsume personal dislikes for the sake of the larger goal. There are limits placed on the compulsion to remold every person in our image of what they should be.

    The end of consciousness-raising leaves people with no place to go, and the lack of structure leaves them with no way of getting there. The women the movement either turn in on themselves and their sisters or seek other alternatives of action. There are few that are available. Some women just “do their own thing.” This can lead to a great deal of individual creativity, much of which is useful for the movement, but it is not a viable alternative for most women and certainly does not foster a spirit of cooperative group effort. Other women drift out of the movement entirely because they don’t want to develop an individual project and they have found no way of discovering, joining, or starting group projects that interest them.
    Many turn to other political organizations to give them the kind of structured, effective activity that they have not been able to find in the women’s movement. Those political organizations which see women’s liberation as only one of many issues to which women should devote their time thus find the movement a vast recruiting ground for new members. There is no need for such organizations to “infiltrate” (though this is not precluded). The desire for meaningful political activity generated in women by their becoming part of the women’s liberation movement is sufficient to make them eager to join other organizations when the movement itself provides no outlets for their new ideas and energies. Those women who join other political organizations while remaining within the women’s liberation movement, or who join women’s liberation while remaining in other political organizations, in turn become the framework for new informal structures. These friendship networks are based upon their common nonfeminist politics rather than the characteristics discussed earlier, but operate in much the same way. Because these women share common values, ideas, and political orientations, they too become informal, unplanned, unselected, unresponsible elites — whether they intend to be so or not.
    These new informal elites are often perceived as threats by the old informal elites previously developed within different movement groups. This is a correct perception. Such politically oriented networks are rarely willing to be merely “sororities” as many of the old ones were, and want to proselytize their political as well as their feminist ideas. This is only natural, but its implications for women’s liberation have never been adequately discussed. The old elites are rarely willing to bring such differences of opinion out into the open because it would involve exposing the nature of the informal structure of the group.
    Many of these informal elites have been hiding under the banner of “anti-elitism” and “structurelessness.” To effectively counter the competition from another informal structure, they would have to become “public,” and this possibility is fraught with many dangerous implications. Thus, to maintain its own power, it is easier to rationalize the exclusion of the members of the other informal structure by such means as “red-baiting,” "reformist-baiting," “lesbian-baiting,” or “straight-baiting.” The only other alternative is to formally structure the group in such a way that the original power structure is institutionalized. This is not always possible. If the informal elites have been well structured and have exercised a fair amount of power in the past, such a task is feasible. These groups have a history of being somewhat politically effective in the past, as the tightness of the informal structure has proven an adequate substitute for a formal structure. Becoming Structured does not alter their operation much, though the institutionalization of the power structure does open it to formal challenge. It is those groups which are in greatest need of structure that are often least capable of creating it. Their informal structures have not been too well formed and adherence to the ideology of “structurelessness” makes them reluctant to change tactics. The more Unstructured a group is, the more lacking it is in informal structures, and the more it adheres to an ideology of “structurelessness,” the more vulnerable it is to being taken over by a group of political comrades.
    Since the movement at large is just as Unstructured as most of its constituent groups, it is similarly susceptible to indirect influence. But the phenomenon manifests itself differently. On a local level most groups can operate autonomously; but the only groups that can organize a national activity are nationally organized groups. Thus, it is often the Structured feminist organizations that provide national direction for feminist activities, and this direction is determined by the priorities of those organizations. Such groups as NOW, WEAL, and some leftist women’s caucuses are simply the only organizations capable of mounting a national campaign. The multitude of Unstructured women’s liberation groups can choose to support or not support the national campaigns, but are incapable of mounting their own. Thus their members become the troops under the leadership of the Structured organizations. The avowedly Unstructured groups have no way of drawing upon the movement’s vast resources to support its priorities. It doesn’t even have a way of deciding what they are.
    The more unstructured a movement it, the less control it has over the directions in which it develops and the political actions in which it engages. This does not mean that its ideas do not spread. Given a certain amount of interest by the media and the appropriateness of social conditions, the ideas will still be diffused widely. But diffusion of ideas does not mean they are implemented; it only means they are talked about. Insofar as they can be applied individually they may be acted on; insofar as they require coordinated political power to be implemented, they will not be.
    As long as the women’s liberation movement stays dedicated to a form of organization which stresses small, inactive discussion groups among friends, the worst problems of Unstructuredness will not be felt. But this style of organization has its limits; it is politically inefficacious, exclusive, and discriminatory against those women who are not or cannot be tied into the friendship networks. Those who do not fit into what already exists because of class, race, occupation, education, parental or marital status, personality, etc., will inevitably be discouraged from trying to participate. Those who do fit in will develop vested interests in maintaining things as they are.
    The informal groups’ vested interests will be sustained by the informal structures which exist, and the movement will have no way of determining who shall exercise power within it. If the movement continues deliberately to not select who shall exercise power, it does not thereby abolish power. All it does is abdicate the right to demand that those who do exercise power and influence be responsible for it. If the movement continues to keep power as diffuse as possible because it knows it cannot demand responsibility from those who have it, it does prevent any group or person from totally dominating. But it simultaneously insures that the movement is as ineffective as possible. Some middle ground between domination and ineffectiveness can and must be found.
    These problems are coming to a head at this time because the nature of the movement is necessarily changing. Consciousness-raising as the main function of the women’s liberation movement is becoming obsolete. Due to the intense press publicity of the last two years and the numerous overground books and articles now being circulated, women’s liberation has become a household word. Its issues are discussed and informal rap groups are formed by people who have no explicit connection with any movement group. The movement must go on to other tasks. It now needs to establish its priorities, articulate its goals, and pursue its objectives in a coordinated fashion. To do this it must get organized — locally, regionally, and nationally.

    PRINCIPLES OF DEMOCRATIC STRUCTURING

    Once the movement no longer clings tenaciously to the ideology of “structurelessness,” it is free to develop those forms of organization best suited to its healthy functioning. This does not mean that we should go to the other extreme and blindly imitate the traditional forms of organization. But neither should we blindly reject them all. Some of the traditional techniques will prove useful, albeit not perfect; some will give us insights into what we should and should not do to obtain certain ends with minimal costs to the individuals in the movement. Mostly, we will have to experiment with different kinds of structuring and develop a variety of techniques to use for different situations. The Lot System is one such idea which has emerged from the movement. It is not applicable to all situations, but is useful in some. Other ideas for structuring are needed. But before we can proceed to experiment intelligently, we must accept the idea that there is nothing inherently bad about structure itself — only its excess use.

    While engaging in this trial-and-error process, there are some principles we can keep in mind that are essential to democratic structuring and are also politically effective:

    1) Delegation of specific authority to specific individuals for specific tasks by democratic procedures. Letting people assume jobs or tasks only by default means they are not dependably done. If people are selected to do a task, preferably after expressing an interest or willingness to do it, they have made a commitment which cannot so easily be ignored.
    2) Requiring all those to whom authority has been delegated to be responsible to those who selected them. This is how the group has control over people in positions of authority. Individuals may exercise power, but it is the group that has ultimate say over how the power is exercised.
    3) Distribution of authority among as many people as is reasonably possible. This prevents monopoly of power and requires those in positions of authority to consult with many others in the process of exercising it. It also gives many people the opportunity to have responsibility for specific tasks and thereby to learn different skills.
    4) Rotation of tasks among individuals. Responsibilities which are held too long by one person, formally or informally, come to be seen as that person’s “property” and are not easily relinquished or controlled by the group. Conversely, if tasks are rotated too frequently the individual does not have time to learn her job well and acquire the sense of satisfaction of doing a good job.
    5) Allocation of tasks along rational criteria. Selecting someone for a position because they are liked by the group or giving them hard work because they are disliked serves neither the group nor the person in the long run. Ability, interest, and responsibility have got to be the major concerns in such selection. People should be given an opportunity to learn skills they do not have, but this is best done through some sort of “apprenticeship” program rather than the “sink or swim” method. Having a responsibility one can’t handle well is demoralizing. Conversely, being blacklisted from doing what one can do well does not encourage one to develop one’s skills. Women have been punished for being competent throughout most of human history; the movement does not need to repeat this process.
    6) Diffusion of information to everyone as frequently as possible. Information is power. Access to information enhances one’s power. When an informal network spreads new ideas and information among themselves outside the group, they are already engaged in the process of forming an opinion — without the group participating. The more one knows about how things work and what is happening, the more politically effective one can be.
    7) Equal access to resources needed by the group. This is not always perfectly possible, but should be striven for. A member who maintains a monopoly over a needed resource (like a printing press owned by a husband, or a darkroom) can unduly influence the use of that resource. Skills and information are also resources. Members’ skills can be equitably available only when members are willing to teach what they know to others.

    When these principles are applied, they insure that whatever structures are developed by different movement groups will be controlled by and responsible to the group. The group of people in positions of authority will be diffuse, flexible, open, and temporary. They will not be in such an easy position to institutionalize their power because ultimate decisions will be made by the group at large. The group will have the power to determine who shall exercise authority within it.

    https://www.jofreeman.com/joreen/tyranny.htm

    traduction en français :
    https://organisez-vous.org/tyrannie-horizontalite-jo-freeman

    #horizontalité #tyrannie #pouvoir #hiérarchie #structure #Jo_Freeman #Joreen #leaders #élitisme #féminisme #militantisme #actions #limites #oppression #organisation #groupe #laisser-faire #écran_de_fumée #hégémonie #structures_formelles #structures_informelles #explicitation #règles #prises_de_décision #pinko #élite #star_system #autorité #rotation_des_tâches #rotation

    • [...]

      Hegseth said that the policy of the previous US administration has driven Russia and China closer together.

      He also claimed that #Beijing would “prefer a prolonged conflict” between Russia and Ukraine that would keep the US
      “tied down.”

      Cette déclaration en dit certainement plus sur le souhait de #Washington sous #Trump, après toutes ces années de campagnes de désinformation haineuses et bellicistes sous l’administration Biden, de réussir à diviser à nouveau l’étroite coopération russo-chinoise (#BRICS+) qu’il n’est réaliste d’espérer dans un avenir prévisible.

      Le monde multipolaire s’est irrévocablement constitué et l’Europe s’est laissée manœuvrer idéologiquement et économiquement contre ses propres intérêts vers l’insignifiance en soutenant dès le début la guerre en #Ukraine initiée par les #Anglo-Américains, coordonnée par tous les moyens manipulateurs de la #guerre_psychologique et de #désinformation (formellement par l’#OTAN).

      Non seulement elle a accepté pas à pas les exigences économiques et militaires de #Kiev sans les questionner, mais l’#Europe s’est en même temps laissée entraîner dans des sanctions antirusses qui ont eu et continuent d’avoir des conséquences suicidaires de grande portée pour les économies européennes et qui cimentent la dépendance énergétique vis-à-vis des États-Unis en termes de prix et de #géopolitique.

      #Russie
      #États_unis & #Royaume_uni
      #hégémonie_occidentale

  • « La pensée Gramsci éclaire les luttes des subalternes dans les périodes sombres » – Entretien avec Yohann Douet
    https://gavrochemedia.fr/pensee-gramsci-entretien-yohann-douet/pierre-cazemajor

    Normalien, agrégé et docteur en philosophie, Yohann Douet consacre ses recherches à la pensée politique d’Antonio Gramsci. Dans cet entretien mené autour de son ouvrage L’hégémonie et la révolution (Éditions Amsterdam, 2023), il déploie avec clarté les grands concepts du théoricien marxiste italien — hégémonie, sens commun, intellectuels organiques, journalisme intégral, bloc historique, Prince moderne… Une grille de lecture précieuse pour penser les formes contemporaines de domination, les luttes d’émancipation et les impasses stratégiques de la gauche.

    (...) Gavroche : Gramsci formule une critique radicale du « journal bourgeois ». Sur quoi repose cette critique, et comment la met-il en relation avec la question de l’hégémonie ?

    Yohann Douet : La critique gramscienne du journalisme bourgeois est multiple. Elle repose à la fois sur une analyse des contenus, des formes, des logiques de production et du rôle que jouent les médias dans l’organisation du consentement.

    Pour Gramsci, même lorsque les journaux bourgeois prétendent être au service d’une information neutre, d’une manière analogue aux intellectuels traditionnels, ils véhiculent en réalité certaines conceptions du monde, de manière implicite ou non questionnée, ne serait-ce qu’en s’intéressant d’une manière biaisée à certains faits (la délinquance des classes populaires par exemple) et beaucoup moins à d’autres (la délinquance « en col blanc »). Ils contribuent ainsi, sous couvert d’objectivité, à stabiliser l’ordre établi en diffusant des représentations conformes à l’idéologie dominante.

    Et dans d’autres cas, bien sûr, les médias assument ouvertement une orientation idéologique au service des intérêts bourgeois : on est face à une propagande assumée, et il faut plutôt établir une analogie avec les intellectuels organiques. Pour Gramsci, ces journaux participent activement à l’organisation de l’hégémonie, en orientant délibérément l’opinion publique dans une direction conservatrice ou réactionnaire.

    Mais sa critique va plus loin. Gramsci a lui-même été journaliste : c’est par l’écriture qu’il entre en politique, d’abord dans des journaux socialistes. Il y polémique contre la presse bourgeoise, non seulement sur le fond idéologique, mais aussi sur sa forme. Il la considère le journal bourgeois comme un « journal-marchandise », comme soumis aux lois du marché. Cela signifie que même un journaliste sans intention idéologique particulière, simplement soucieux de vendre son journal, sera incité à adapter ses contenus au goût dominant.

    Cette logique marchande déforme l’information. Elle pousse à privilégier les faits divers, le sensationnalisme, ou à amplifier certaines thématiques — comme la peur, le terrorisme, ou l’insécurité — au détriment d’une compréhension critique du réel. Pour Gramsci, le problème n’est pas seulement ce que ces médias disent, mais ce qu’ils font à la subjectivité des lecteurs.

    Gramsci théorise ainsi ce qu’on peut appeler une aliénation médiatique. Dans le marxisme, l’aliénation renvoie à une logique d’inversion où ce qu’il y a de plus essentiel et précieux chez les êtres humains est retourné contre eux par le système capitaliste. Chez Marx, l’activité productrice des travailleurs est appropriée par le capitaliste et se retourne contre eux : leur travail n’est plus une manière pour eux d’exprimer leur créativité mais, parce qu’il est exploité et mécanisé, devient la source de souffrance et d’abrutissement. De même, pour Gramsci, la curiosité des classes populaires, leur soif de connaissance, est captée par les journaux bourgeois, pour produire non pas de la conscience, mais de la soumission. Le désir de comprendre le monde est transformé en consommation passive d’une information appauvrie, déformée voire réactionnaire (...)

    • Gavroche : Gramsci écrit qu’il faut une « volonté collective nationale-populaire » pour renverser l’ordre existant. Que signifie cette formule dans son œuvre ?

      Yohann Douet : ​​Cette formule renvoie à une idée forte chez Gramsci : pour qu’une transformation sociale radicale soit possible, une classe en lutte ne peut pas agir seule. Elle doit parvenir à entraîner d’autres classes ou groupes sociaux avec elle — comme la bourgeoisie a su le faire avec la paysannerie lors de la Révolution française, ou comme le prolétariat l’a fait avec les paysans lors de la Révolution russe.

      Lorsque cette classe parvient à construire une hégémonie suffisamment puissante et expansive, elle peut produire ce que Gramsci appelle une « volonté collective » : une unité politique qui dépasse les intérêts immédiats de chaque groupe. Mais cette volonté doit être à la fois « populaire » et « nationale ».

      Elle est « populaire », parce que le changement ne peut pas reposer uniquement sur une alliance entre élites ou groupes restreints : il faut impliquer largement les masses populaires. Sans cela, on ne dépasse pas le cadre d’une simple « révolution passive » — un changement mené par en haut et qui ne remet pas assez en cause l’ordre établi. C’est ce que Gramsci critique à propos du Risorgimento, l’unification italienne au XIXe siècle : un compromis entre anciennes (aristocratie terrienne) et nouvelles classes dominantes (la bourgeoisie), qui a laissé les masses à l’écart et limité la portée des transformations sociales.

      Elle est aussi « nationale », non pas par repli identitaire, mais parce que, selon Gramsci, la lutte politique se joue d’abord sur le terrain national. Bien qu’il soit un militant profondément internationaliste — étroitement lié à l’Internationale communiste, avec un long séjour à Moscou entre 1922 et 1924 — Gramsci insiste sur le fait que les espaces politiques les plus opérants sont les espaces politiques nationaux. Les institutions, les langues, les traditions politiques, les rapports de force concrets sont d’abord nationaux. Ignorer cela reviendrait à mener une lutte abstraite, déconnectée du réel.

      Cela implique que le prolétariat, porteur d’un projet internationaliste, doit construire son hégémonie dans le cadre national, s’il veut entraîner des classes qui, elles, ont des formes de conscience moins universelles. C’est le cas, par exemple, des intellectuels traditionnels, souvent liés à l’État, à une langue, à une culture nationale. C’est aussi le cas de la paysannerie, dont la conscience est souvent fragmentée, enracinée dans des réalités locales, surtout dans l’Italie du Sud à l’époque de Gramsci.

      Construire une « volonté collective nationale-populaire » suppose donc une stratégie politique différenciée, capable de s’adresser à ces divers groupes en prenant en compte leurs spécificités sociales, culturelles et territoriales. Cela ne veut pas dire renoncer à l’universel, mais partir du concret pour y tendre : c’est le travail politique patient de toute construction hégémonique.

      Gavroche : Gramsci associe à cette notion celle de « Prince moderne ». Comment définit-il ce « Prince moderne » dans ses écrits, et quel rôle lui fait-il jouer dans la construction d’une contre-hégémonie politique ?

      Yohann Douet : La notion de « Prince moderne » est une référence au Prince de Machiavel. À la fin de cet ouvrage, Machiavel évoque l’arrivée d’un « prince nouveau » capable d’unifier l’Italie et de la libérer des armées étrangères, notamment française et espagnole. Ce prince, pour réussir, devait selon lui adopter une lecture lucide des rapports de force, agir avec réalisme et parfois à adopter la ruse ou la violence, pour construire un État national moderne.

      Gramsci reprend cette image, mais en la transposant dans un tout autre contexte historique et politique. Pour lui, le « Prince moderne », ce n’est pas un individu, mais une organisation collective : le parti politique révolutionnaire, le Parti communiste idéal tel qu’il devrait être à ses yeux. Celui-ci doit jouer un rôle de direction politique, non pour instaurer un ordre bourgeois comme chez Machiavel (pour qui il s’agissait d’un progrès par rapport à l’époque féodale), mais pour organiser les classes subalternes, construire une hégémonie alternative et ouvrir la voie à une société socialiste .

      Comme le prince machiavélien, le « Prince moderne » gramscien doit adopter une approche matérialiste et stratégique de la politique. Il ne peut se contenter de proclamations morales ou idéales : il faut agir dans un monde traversé de conflits, de rapports de force, de résistances. Cela implique, entre autres, une discipline organisationnelle, un travail d’unification idéologique, et la capacité à se confronter à l’appareil coercitif de l’État, y compris par des formes de lutte radicales. Gramsci ne valorise évidemment pas la violence pour elle-même, mais il reconnaît que toute révolution réelle – non « passive » – se heurtera à la violence des classes dominantes, et qu’il faut donc s’y préparer.

      Mais il y a aussi des différences fondamentales avec Machiavel. Le « Prince moderne » n’est pas une figure autoritaire solitaire, mais une organisation collective démocratique. Même si cette démocratie ne prend pas toujours la forme d’élections internes (surtout en contexte de répression comme dans l’Italie fasciste), elle repose sur un principe fondamental : exprimer les intérêts réels des dominé·es et favoriser leur capacité d’auto-organisation.

      Enfin, là où le prince machiavélien visait la formation d’un État national adéquat à la société bourgeoise, le « Prince moderne » gramscien vise à créer un nouveau type d’État, de nature socialiste, dont la vocation est d’abolir toute domination de classe. À terme, cet État lui-même doit disparaître : car s’il n’existe plus de classe dominante à défendre, l’existence d’une force publique organisée et séparée de la société devient inutile. On retrouve ici une idée classique du marxisme : le dépérissement de l’État une fois les classes abolies et l’égalité sociale réalisée.

      En somme, Gramsci transforme profondément la figure du Prince de Machiavel. Il en conserve l’exigence stratégique et la lucidité politique, mais il en fait un outil collectif d’émancipation, ancré dans une logique de transformation sociale radicale.

      Gavroche : On observe aujourd’hui une stratégie culturelle assumée de la part de certains courants de droite et d’extrême droite. Comment analysez-vous cette offensive idéologique ? Peut-on y voir une forme de contre-hégémonie conservatrice ?

      Yohann Douet : Oui, il y a effectivement une stratégie culturelle consciente du côté de l’extrême droite. Et certains intellectuels de cette mouvance ont d’ailleurs explicitement revendiqué l’usage de la pensée de Gramsci (mal comprise et appauvrie en réalité) : gagner les esprits pour, ensuite, gagner dans les urnes. Mais je ne pense pas que ce soit ce travail idéologique qui explique principalement l’ascension électorale et médiatique de l’extrême droite en France.

      À mes yeux, il ne s’agit pas vraiment d’une contre-hégémonie. En réalité, l’extrême droite et le bloc central macroniste fonctionnent de manière complémentaire, comme les deux mâchoires d’une tenaille politico-idéologique. Ils mettent en scène leur opposition sur des points souvent secondaires, mais convergent sur des enjeux fondamentaux : le soutien au capitalisme néolibéral, un autoritarisme croissant, un racisme toujours plus net, et en particulier une islamophobie toujours plus ouverte. Le bloc central alimente ainsi – à la fois en raison du rejet qu’il suscite et de ces convergences de fonds –la montée de l’extrême droite, tout en s’en servant comme repoussoir pour se maintenir au pouvoir.

      Plutôt que de contre-hégémonie, on pourrait donc parler d’une hégémonie à deux têtes, unie par la défense de l’ordre social existant. L’extrême droite capte l’insatisfaction populaire pendant que le bloc central gère les affaires courantes du Capital. Les grands perdants de cette configuration ce sont les forces de gauche de rupture et, plus encore, les classes subalternes dont la puissance politique autonome est affaiblie.

      Cela ne veut pas dire qu’il faut mettre le macronisme et l’extrême droite sur le même plan : cette dernière représente un danger spécifique, qu’on peut légitimement qualifier de fasciste. Mais sa progression n’est pas due à sa seule efficacité idéologique. Elle est surtout le fruit des renoncements successifs des gouvernements dits « républicains », sur les plans économiques comme démocratiques...

    • La gauche de rupture se heurte à une double difficulté : mener une lutte idéologique dans un espace médiatique largement hostile, et proposer une alternative politique crédible dans un champ institutionnel verrouillé. Le terrain est donc biaisé. Mais cela n’a rien d’exceptionnel dans l’histoire de la lutte des classes, bien au contraire. Il nous faut savoir faire preuve, comme avait coutume de le dire Gramsci, à la fois de pessimisme de l’intelligence et d’optimisme de la volonté. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra briser la tenaille, et rouvrir l’horizon.

      Gavroche : Pour conclure, que permet encore aujourd’hui la pensée de Gramsci ? Quels sont, selon vous, ses apports les plus décisifs pour comprendre le présent et penser une stratégie d’émancipation ?

      Yohann Douet : Il est difficile de choisir, car il y a énormément de choses précieuses chez lui. Ses Cahiers de prison débordent de réflexions sur des domaines très variés. La pensée de Gramsci éclaire les luttes des subalternes dans les périodes sombres, et s’il faut en dégager un fil conducteur, je dirais que son intuition fondamentale c’est l’idée que l’émancipation suppose l’unification politique autonome des classes subalternes.

      Or cette unité ne peut pas être spontanée et n’est jamais acquise, tout au contraire. Les subalternes sont fragmentés : par des différences économiques (entre ouvriers, chômeurs, paysans…), par le racisme systémique, par les oppressions notamment de genre, par l’hétérogénéité culturelle et géographiques, etc. Ils sont souvent séparés, voire opposés entre eux. Toute la pensée de Gramsci part de ce problème : comment parvenir à une unité politique qui ne soit pas imposée d’en haut, mais soit construite par et pour les subalternes eux-mêmes. La notion d’hégémonie répond précisément à ce défi : il s’agit de faire émerger, au sein des subalternes, une force plus avancée politiquement capable d’entraîner derrière elle les autres groupes, en tenant compte de leurs aspirations, de leurs imaginaires et de leurs contradictions.

      Et pour cela, dit Gramsci, il ne suffit pas de faire de beaux discours. Il faut des organisations. L’hégémonie se construit dans la durée, par un travail de terrain, ce qu’il appelle la guerre de position. Et ce travail repose sur des structures collectives : syndicats, associations, coopératives… et surtout, à ses yeux, le parti politique, le « Prince moderne » dont on a parlé.

      Aujourd’hui, il semble y avoir une crise générale des partis politiques. Mais je pense que Gramsci a raison : pour nourrir le processus d’émancipation, il faut un parti populaire, ancré dans les quartiers, sur les territoires, capable de former ses militants, de leur donner les moyens de s’impliquer durablement, et de faire émerger une conscience collective. Un parti qui ne soit pas un simple outil électoral ou un cartel de notables, mais un espace d’apprentissage, de confrontation, d’élaboration démocratique. Bref, un outil au service des subalternes, permettant leur activité politique autonome. Pour ne donner qu’un exemple simple, c’est quand le Parti communiste français était fort — avec toutes ses graves limites évidemment — qu’on a vu le plus de représentants issus des classes populaires à l’Assemblée : cela ne s’est plus jamais vu depuis.

      Aujourd’hui, je pense que la force politique la plus à même de servir efficacement l’émancipation des subalternes, à la fois en raison de son dynamisme et de sa radicalité, est la France insoumise. Mais il est regrettable qu’elle n’ait pas, à ce jour, fait sienne l’idéal gramscien du Prince moderne, et qu’elle ne cherche pas à se transformer en un véritable parti démocratique de masse. Cela me semble être un vrai frein, une limite dans la lutte pour l’hégémonie.

  • La #Syrie est-elle entre les mains d’Erdoğan ?
    https://lvsl.fr/la-syrie-est-elle-entre-les-mains-derdogan

    L’ampleur de l’ingérence turque en Syrie fait peu de doutes. Les partisans d’Erdoğan ne manquent pas de voir la main d’Ankara derrière le renversement de #Bachar_al-Assad. Si la conquête de Damas par le groupe islamiste sunnite Hay’at Tahrir al-Sham (HTS -Organisation de libération du Levant) est une bonne nouvelle pour la #Turquie, celle-ci devra […]

    #International #Erdogan #Golan #hégémonie #HTS #impérialisme #Israël

  • Les #viols de #Mazan et le juste #silence des #hommes

    Au beau milieu du #procès des viols de Mazan, surgit la question de la #parole_masculine. Si l’on doit reconnaître que l’expression des hommes est peu présente aux côtés de celle des féministes, il faut s’interroger sur les raisons de notre #mutisme et sur certains de ses bienfaits.

    Il serait erroné de penser que le #silence_masculin face à l’étalage d’une #brutalité comme celle des viols de Mazan ne serait que le signe d’une #indifférence, voire d’une sorte #complicité inconsciente vis-à-vis des accusés. Bien sûr, il n’est plus à démontrer qu’une partie d’entre nous continue de rêver de viol, de brutalité et de torture. L’analyse que j’avais faite des sites de Punters (sorte de Trip Advisor de la prostitution où les « clients » partagent leurs commentaires sur les femmes prostituées, dont ils parlent comme d’animaux à consommer1) montre combien certains peuvent s’extraire de toute forme de compassion, dès qu’il s’agit de s’approprier le corps d’une femme.

    Pour le reste, face à cette affaire, c’est, chez beaucoup d’entre nous, la #sidération qui domine. Que #Dominique_Pélicot ait pu endormir sa femme, Gisèle, à coups de somnifères pour la louer à des dizaines d’inconnus demeure éloigné des fantasmes de beaucoup d’hommes, peut-être de la majorité d’entre nous, en tout cas on peut l’espérer.

    Du coup, exprimer notre #dégoût, notre #incompréhension, voire notre #colère vis-à-vis de la #souffrance ainsi infligée à des #femmes, peut rapidement se transformer en un discours « #not_all_men ». Beaucoup d’intellectuels masculins ont peut-être compris que le temps où l’on pouvait dire « je suis un homme bien et je condamne toutes ces violences » est peut-être terminé.

    En effet, si, individuellement notre comportement est exempt de toute forme de #violence_sexuelle, cela ne postule pas pour autant notre non-participation à une #culture_de_domination_masculine qui trouve son expression dans toutes sortes de domaines et de situations possibles. La plupart des hommes occidentaux, nous condamnerons facilement l’interdiction faite aux petites afghanes d’aller à l’école et de s’instruire, soucieux que nous sommes d’envoyer nos filles à l’université. Sommes-nous, pour autant, sortis d’un mode de #domination_patriarcale, collectivement et individuellement ? Notre société est-elle égalitaire ? C’est un raisonnement souvent entendu.

    La #justification par « l’autre » est au cœur de la #stratégie_de_défense de nos #privilèges (comme j’en parlerai bientôt dans des vidéos à propos de ce sujet 2). A côté des Talibans, nous ressemblons à des hommes égalitaires. Face à la violence raciste systémique des États-Unis, nous pouvons nous bercer dans l’illusion que la France, par exemple, est un refuge universaliste où la République chérit tous ses enfants. Nous savons qu’il n’en est rien. Mais pourtant le problème est toujours à rechercher chez « l’autre » : l’étranger, l’homme des quartiers populaires, l’alcoolique, le Musulman...

    Dans cette perspective, la figure du « #monstre » de Mazan, du "#détraqué", est bien commode car elle permet d’oublier que certains « faits divers » représentent seulement la partie saillante d’un système où, même l’homme le plus doux sur le plan intime, joue un rôle de premier plan, parfois même malgré lui, dans la domination. Et cette fois « #all_men ».

    Car on peut être le plus respectueux des compagnons et à la fois terroriser ses collègues femmes, les harceler, les discriminer. Comme le montrent souvent ces affaires médiatiques, il est possible d’être un père aimant tout en consommant en cachette de la pédopornographie, en ne pouvant ignorer l’existence de victimes bien réelles. On peut être un « saint vivant » statufié de son vivant et dans le même temps, un violeur en série. Combien d’hommes autoproclamés « féministes » finissent par se retrouver sur la longue liste des personnalités qui ont agressé ou violé des femmes ? On se souvient d’un député écologiste qui posait pour des campagnes féministes, du rouge aux lèvres, avant d’apparaître comme un des « porcs » de la saga #MeToo. On ne peut oublier tel humoriste, tel sportif, tel artiste. Tous tellement formidables avec les femmes… On a connu des hommes merveilleux qui tabassaient leur compagne jusqu’à la tuer. On se souvient des hommes « universalistes » qui militaient contre la parité en politique. On se souvient. Et nous devons en tirer les leçons, même si nous n’en venons personnellement à aucune de ces extrémités.

    La seule question qui devrait nous occuper consiste à découvrir, face à l’affaire de Mazan et puisque nous appartenons au groupe hiérarchiquement valorisé, quels sont les domaines où, individuellement, nous sommes en position de provoquer de l’#injustice, de la #souffrance, en tant qu’hommes, en tant que blancs (et blanches), hétérosexuel.le.s, sans handicap, etc.

    L’accumulation de tous nos silences, de toutes nos indifférences et surtout de toutes nos petites #participations au renforcement de notre position privilégiée pourrait monter jusqu’au ciel. Avec pour avantage que cette montagne passe inaperçue, en permanence, en toute légitimité et dans le sentiment d’être du bon côté de la #masculinité et de la #blanchité. Le camp dont l’#hégémonie et la #toxicité sont émiettées, mosaïques, invisibilisées derrière des discours « universalistes », « féministes » au masculin. Derrière les « justes » et les « alliés ».

    Une certaine forme de silence des hommes face au procès de Mazan pourrait être une bonne chose s’il consiste, même inconsciemment, à se sentir personnellement impliqué dans cette culture dont nous jouissons en secret et qui parfois prend les formes les plus inouïes, jusqu’à occuper la Une des chaines d’information.

    C’est dans la coulisse qu’il nous faut chercher, dans nos angles morts. Mais ça, c’est une autre question.

    https://blogs.mediapart.fr/patricjean/blog/130924/les-viols-de-mazan-et-le-juste-silence-des-hommes

  • Specific Authors of the Ukrainian War
    https://diasp.eu/p/17094528

    Specific Authors of the Ukrainian War

    In the early 80s, our ambassador Alexander #Yakovlev (a classic example of the genre - bed and whiskey) was recruited in Canada. In 1985, he became Mikhail #Gorbachev's chief adviser, and it was through Yakovlev that the last General Secretary was instilled with a plan to reform the USSR economy. In essence, the plan was very simple - to get rid of the superfluous Union republics and then, with the help of the USA, to become a prosperous capitalist state. It was this plan that Gorbachev proposed to Ronald #Reagan at his very first meeting.

    And here is the first remark - historians will probably argue endlessly whether Gorbachev knew or not that this plan was foisted on him by the Americans themselves, or was simply a fool. Personally, I think (...)

  • „Wir sind im postfaktischen Journalismus angekommen“ – Ehem. NDR-Jo...
    https://diasp.eu/p/17114473

    „Wir sind im postfaktischen Journalismus angekommen“ – Ehem. NDR-Journalist Patrik Baab im Gespräch

    Druschba FM Geteilt September 7, 2024

    Der #Krieg in der #Ukraine zieht sich zunehmend in die Länge – ein Ende ist weiterhin nicht in Sicht. Die #EU hat nun kürzlich, trotz des Widerstandes von Viktor Orbán aus Ungarn, ein weiteres Hilfspaket in Höhe von 50 Milliarden Euro verabschiedet. Damit wird zum einen der Staatsbankrott der Ukraine verhindert und zum anderen das Kriegsgeschehen in die Länge gezogen. Weitere zahlreiche Menschen müssen für diese #Politik mit ihrem Leben bezahlen und das, obwohl der russische Präsident Wladimir Putin erst kürzlich in einem Interview mit Tucker Carlson betont hat, dass er offen für eine friedliche Beilegung des Konfliktes ist. Mit dem Ausbruch des Krieges in der (...)

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • #Gramsci, défenseur des subalternes dans « un monde grand et terrible »

    Avec « L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci », Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini nous plongent dans les combats et le laboratoire intellectuel d’une figure majeure de la tradition marxiste. Victime du fascisme et opposant au tournant stalinien du communisme, il a développé une pensée encore stimulante.

    « Gramsci« Gramsci, ça vous dit quelque chose ? Il était né en Sardaigne, dans une famille pauvre. À deux ans, une tuberculose osseuse le frappa à la moelle épinière, si bien qu’il ne mesura jamais plus d’un mètre et demi. Vous comprenez ? Un mètre et demi. Et pourtant, c’était un géant ! » Voilà comment, dans Discours à la nation (Les Éditions Noir sur Blanc, 2014), le dramaturge Ascanio Celestini présente le membre fondateur du Parti communiste italien (PCI), martyr du régime fasciste de Mussolini, aujourd’hui considéré comme un monument de la pensée marxiste.

    La même admiration pour « un des plus grands [philosophes] de son siècle » se ressent à la lecture du livre de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, consacré à L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (Éditions La Découverte). S’il existe déjà des biographies du révolutionnaire sarde (notamment celle de Jean-Yves Frétigné) ou des introductions de qualité à son œuvre (aux Éditions sociales ou à La Découverte), les deux spécialistes en études italiennes proposent, avec cet ouvrage de plus 500 pages, une enquête lumineuse et inégalée.

    Ils suivent pas à pas l’élaboration de la pensée gramscienne, liée aux événements de sa vie personnelle et militante, elle-même affectée par les soubresauts d’une époque que Gramsci a décrite comme un « monde grand et terrible ».

    Les deux auteurs embrassent ainsi tous les textes produits depuis ses premières années de militantisme socialiste dans les années 1910, jusqu’aux Cahiers de prison rédigés dans les années 1930, en passant par son implication dans le mouvement turinois des conseils d’usine en 1919-1920, puis son engagement comme responsable et chef du PCI dans les années 1920.

    « Sa vie, son action et sa pensée, écrivent Descendre et Zancarini, l’ont conduit à produire un corpus de textes ayant une double caractéristique rare : il conserve aujourd’hui encore une grande pertinence théorique et politique, en même temps qu’il hisse son auteur au rang des plus grands “classiques” européens. »

    Si c’est le cas, c’est parce que Gramsci a suivi une évolution intellectuelle singulière. Nourri de la lecture de philosophes italiens de son temps, il est imprégné d’une culture très idéaliste lorsqu’il découvre le marxisme. Tout en dépassant ses premières conceptions, il a développé une pensée subtile sur l’ordre politique et les moyens de le subvertir, en intégrant l’importance des conditions socio-économiques, mais en accordant toujours un rôle crucial aux idées et à la culture.
    La culture et l’organisation, clés de l’émancipation

    Certes, « Gramsci n’a jamais écrit ni pensé qu’il suffisait de gagner la bataille des idées pour gagner la bataille politique ». Pour autant, les deux auteurs repèrent chez lui une réflexion constante « sur les mots (idées ou images) qui permettent de mettre en mouvement une volonté collective et sur l’articulation entre pensée et action, entre interprétation et transformation du monde ».

    L’émancipation des groupes subalternes est le moteur de Gramsci, au sens où « possibilité [devrait être] donnée à tous de réaliser intégralement sa propre personnalité ». La chose est cependant impossible dans une société capitaliste, sans parler des autres dominations qui se combinent à l’exploitation du prolétariat ouvrier et paysan.

    Pour changer cet état de fait, la prise du pouvoir est nécessaire. Elle requiert des tâches d’organisation auxquelles Gramsci consacrera une bonne partie de sa vie, mais présuppose aussi un minimum de conscience, par les subalternes eux-mêmes, de leur condition, des tâches à accomplir pour la dépasser et de l’idéal de société à poursuivre. C’est pourquoi Gramsci insiste régulièrement dans son œuvre sur l’importance de s’approprier la culture classique existante, afin de la dépasser dans un but révolutionnaire.

    Citant un texte de 1917, Descendre et Zancarini pointent que selon Gramsci, « l’ignorance est le privilège de la bourgeoisie. […] Inversement, l’éducation et la culture sont un devoir pour les prolétaires, car la “civilisation socialiste”, qui vise la fin de toutes les formes de privilèges catégoriels, exige “que tous les citoyens sachent contrôler ce que décident et font tour à tour leurs mandataires” ». Avant que ce contrôle s’exerce à l’échelle de la société, Gramsci pensait nécessaire qu’il se déploie dans le parti révolutionnaire lui-même.

    À la même époque, des auteurs comme Roberto Michels délivrent des diagnostics sans concession sur les tendances oligarchiques qui finissent par affecter les partis de masse, y compris ouvriers. Or Gramsci est attaché à la forme-parti, qu’il juge indispensable pour affronter de manière « réaliste » la domination sociale et politique de la bourgeoisie. Contre tout fatalisme, il veut donc croire en la possibilité d’une dialectique démocratique, propre à éviter les « phénomènes d’idolâtrie, […] qui font rentrer par la fenêtre l’autoritarisme que nous avons chassé par la porte ».
    Un opposant au « tournant sectaire » de Staline

    Certes, Gramsci a été le dirigeant d’un parti de l’Internationale communiste dans lequel on ne plaisantait pas avec la discipline une fois l’orientation tranchée. Mais son attachement à la libre discussion n’était pas feint, et lui-même n’a pas hésité à interpeller de manière critique le parti frère russe, dans une missive d’octobre 1926 fort mal reçue par les intéressés, à l’époque où la majorité dirigée par Staline attendait un alignement sans discussion.

    L’épisode peut se lire comme un prélude à son rejet du « tournant sectaire » imprimé par Staline au mouvement communiste en 1928 – rejet qui l’a placé en porte-à-faux avec ses propres camarades, qui eux s’y sont ralliés. Gramsci était alors incarcéré, et doutait que tout soit fait, à l’extérieur, pour faciliter sa libération. Le constat de son « isolement », affirment Descendre et Zancarini, a en tout cas été « un élément déclencheur de sa réflexion » dans les Cahiers de prison.

    Les deux auteurs restituent bien les conditions compliquées dans lesquelles Gramsci a travaillé, en devant lutter contre la maladie, négocier l’accès aux lectures multiples qui le nourrissaient, et déjouer la surveillance de ses écrits. La ligne qu’il développait était originale, en ce qu’elle s’opposait tout autant au stalinisme qu’au trotskisme, sans se replier sur un réformisme social-démocrate. Mais « cette opposition de l’intérieur [ne devait] surtout pas être comprise ni récupérée par les autorités fascistes. D’où le caractère partiellement crypté – et donc ardu – de l’écriture de Gramsci. »

    Appuyés sur une nouvelle édition en cours des Cahiers de prison, Descendre et Zancarini décryptent comment le penseur sarde a élaboré un réseau de notions telles que « l’hégémonie politique », « la révolution passive », ou encore la « guerre de position » distinguée de la « guerre de mouvement ».

    En raison de la puissance de sa réflexion, ces notions peuvent encore nous aider à penser notre situation politique. Mais les deux spécialistes préviennent : « Le travail théorique de Gramsci ne produit jamais de catégories abstraites, encore moins un système à visée universelle : toute son élaboration critique et conceptuelle […] est en prise sur la réalité internationale autant qu’italienne. »

    Un exemple permet de bien le comprendre. Fin 1930, Gramsci défend auprès des autres détenus communistes une proposition hétérodoxe. Face au régime de Mussolini, estime-t-il, le PCI devrait travailler avec les autres forces antifascistes derrière le mot d’ordre de Constituante républicaine. Puisque « l’inutilité de la Couronne est désormais comprise par tous les travailleurs, même par les paysans les plus arriérés de Basilicate ou de Sardaigne », il s’agit d’un point de départ intéressant pour politiser des masses, avant d’aller plus loin.

    Au-delà du cas italien, il ne croit pas que la crise du capitalisme fournisse les conditions suffisantes à une offensive du prolétariat, du moins à court terme. Le refus du déterminisme économique est renforcé par le constat, préalable aux Cahiers de prison, des différences qui existent entre les pays d’Europe de l’Ouest et la Russie de 1917. Dans les premiers, la société civile et la société politique apparaissent beaucoup plus denses, et les élites dirigeantes sont mieux parvenues à reproduire le consentement des populations.

    C’est ce qui convainc Gramsci que la priorité est à la « guerre de position », c’est-à-dire une période longue d’apprentissages, d’accumulation de force, et d’élaboration d’une « contre-hégémonie ». Il ne croit certes pas à une transition pacifique vers le socialisme. Mais même après la dimension « militaire » de la prise du pouvoir, il estime qu’il restera beaucoup à faire pour qu’émerge un État nouveau, permettant à la société de s’autogouverner. Une « perspective anti-autoritaire et anti-bureaucratique » en contradiction avec l’évolution de l’État soviétique, que Gramsci cible en mettant en garde contre « le fanatisme aveugle et unilatéral de “parti” » et les risques d’une « statolâtrie » prolongée.

    Dans leur conclusion, Descendre et Zancarini rappellent que Gramsci s’était lui-même défini, dans une phrase terrible, comme « un combattant qui n’a pas eu de chance dans la lutte immédiate ». Si ses efforts n’ont toujours pas suffi à ce que triomphe une hégémonie des subalternes, ils lui auront néanmoins assuré une postérité impressionnante dans le champ de la pensée critique, bien au-delà de l’Italie et même de l’Occident.

    Pour les deux auteurs, Gramsci appartient à une génération « broyée dans les affrontements de cette époque, entre fascisme et communisme et au sein même du communisme ». Il se distingue cependant par « la force de [sa] résistance morale et intellectuelle ».

    C’est ce que traduit, à sa façon, le texte théâtral d’Ascanio Celestini par lequel nous avons commencé, et qui se poursuit ainsi : « Je suis en train de parler de Gramsci, le type qui fonda le Parti communiste italien et qui fit un seul discours au Parlement vu qu’ensuite les fascistes l’arrêtèrent et le jetèrent en prison où il passa dix années pendant lesquelles il transforma la pensée socialiste. Il sortit de prison cinq jours avant de mourir et pourtant, près d’un siècle plus tard, il nous rappelle que nous devons nous opposer au pessimisme de la raison en ayant recours à l’optimisme de la volonté. »

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/101223/gramsci-defenseur-des-subalternes-dans-un-monde-grand-et-terrible
    #Antonio_Gramsci #marxisme #culture #émancipation #organisation #exploitation #capitalisme #dominations #privilèges #civilisation_socialiste #éducation #ignorance #dialectique_démocratique #autoritarisme #idolâtrie #tournant_sectaire #Staline #hégémonie_politique #révolution_passive #guerre_de_position #guerre_de_mouvement #contre-hégémonie #socialisme #statolâtrie

    • L’Oeuvre-vie d’Antonio Gramsci

      Antonio Gramsci (1891-1937) reste l’un des penseurs majeurs du marxisme, et l’un des plus convoqués. L’Œuvre-vie aborde les différentes phases de son action et de sa pensée – des années de formation à Turin jusqu’à sa mort à Rome, en passant par ses activités de militant communiste et ses années d’incarcération – en restituant leurs liens avec les grands événements de son temps : la révolution russe, les prises de position de l’Internationale communiste, la montée au pouvoir du fascisme en Italie, la situation européenne et mondiale de l’entre-deux-guerres. Grâce aux apports de la recherche italienne la plus actuelle, cette démarche historique s’ancre dans une lecture précise des textes – pour partie inédits en France –, qui permet de saisir le sens profond de ses écrits et toute l’originalité de son approche.
      Analysant en détail la correspondance, les articles militants, puis les Cahiers de prison du révolutionnaire, cette biographie intellectuelle rend ainsi compte du processus d’élaboration de sa réflexion politique et philosophique, en soulignant les leitmotive et en restituant « le rythme de la pensée en développement ».
      Au fil de l’écriture des Cahiers, Gramsci comprend que la « philosophie de la praxis » a besoin d’outils conceptuels nouveaux, et les invente : « hégémonie », « guerre de position », « révolution passive », « subalternes », etc. Autant de concepts qui demeurent utiles pour penser notre propre « monde grand et terrible ».

      https://www.editionsladecouverte.fr/l_oeuvre_vie_d_antonio_gramsci-9782348044809
      #livre

  • Une relecture de #Antonio_Gramsci pour lutter contre la subversion de l’idéologie capitaliste à l’encontre de nos sociétés.

    Qu’est-ce que la notion d’hégémonie pour Antonio Gramsci ? - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/11/30/quest-ce-que-la-notion-dhegemonie-pour-antonio-gramsci

    La constitution de l’hégémonie bourgeoise

    L’enquête historique de Gramsci sur la constitution de l’hégémonie bourgeoise est une des spécificités de sa réflexion sur l’hégémonie. Bien des évolutions dans les usages et les significations qu’il imprime à la notion dans les Cahiers viennent de sa réflexion sur la façon dont la constitution d’une nouvelle conception du monde propre à la bourgeoisie est devenue dominante avant les révolutions modernes et a été l’une des principales conditions de possibilité de la Révolution française. Cette réflexion lui vient notamment de la lecture d’un ouvrage, Aux origines de l’esprit bourgeois en France, qu’il lit dès sa parution en 1927 chez Gallimard, alors qu’il est emprisonné à Milan dans l’attente de son procès – il n’a pas encore le droit d’écrire mais il lit abondamment et commence à élaborer un programme d’études. Comme en témoignent plusieurs lettres, il est très admiratif de ce livre de Bernard Groethuysen, philosophe et historien allemand installé en France, et il entend développer quelque chose de semblable pour l’Italie, sous la forme de ce qu’il appelle par ailleurs une histoire des intellectuels. Gramsci en vient ainsi à donner un sens plus large à l’hégémonie : elle est désormais ce qui fait société, ce qui conduit à la diffusion et au partage de valeurs qui, bien qu’émanant d’une classe précise, tendent à une forme d’universalité. Elle est en ce sens le propre de la société civile plutôt que de la société politique, selon la division qu’il établit à partir de 1931 entre les deux parties de l’État « dans sa signification intégrale » (« État = société civile + société politique, c’est-à-dire hégémonie cuirassée de coercition »). Partis, journaux, clubs, écoles, églises etc. sont autant d’appareils d’hégémonie indispensables au fonctionnement de l’État.

    - Lénine et l’hégémonie du prolétariat
    - Direction et domination
    - Guerre de position et hégémonie
    - La constitution de l’hégémonie bourgeoise
    - Hégémonie et démocratie

    https://justpaste.it/8hg4s

    #hégémonie #guerre_de_position #communisme #révolutions_prolétariennes

  • Patrick Boucheron : « Le temps impose parfois à l’historien d’entrer dans la mêlée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/03/patrick-boucheron-le-temps-impose-parfois-a-l-historien-d-entrer-dans-la-mel

    Si un dirigeant occidental n’a pas l’âge du président américain, Joe Biden, il verra donc les conséquences de ses actes ; ou plus précisément de l’absence de ses actes. Et peut-être même sera-t-il jugé. Auparavant, il y avait toujours plus urgent que l’urgence climatique. Nous sommes maintenant dans un moment stupéfiant où ce qu’on pensait inaccessible est désormais à notre portée : on peut agir dans les temps et en percevoir le bénéfice immédiat, ce qui devrait faciliter la décision politique.
    [...]
    Mais cessons là. Je tente de me désintoxiquer de cette indignation morale que suscite en moi l’arrogance de ceux qui nous gouvernent. Ce n’est pas si facile, car je n’ai pas l’expérience d’un gouvernement qui ait à ce point méprisé les sciences sociales, l’université, l’exercice collectif de l’intelligence, le mouvement social : tant de suffisance pour tant d’insuffisances.
    [...]
    l’effondrement de l’esprit public, qui passe notamment par la barbarie télévisuelle, la mainmise de groupes financiers sur l’information et le saccage de la diversité culturelle, est un préalable à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Et que celle-ci produit toujours une fatigue des défenses démocratiques de la société, et même une obéissance anticipée à ses penchants autoritaires, par le traitement indigne qu’elle réserve aux populations immigrées. Voilà pourquoi la question des réfugiés me semble un des dossiers critiques de notre temps, celui sur lequel nous serons jugés.

    #Macron #changement_climatique #extrême_droite #histoire

  • The Worst 2024 Election Interference Won’t Come From Russia Or China
    https://caitlinjohnstone.com/2023/07/12/the-worst-2024-election-interference-wont-come-from-russia-or-chin

    12.7.2023 by Caitlin Johnstone - The New York Times has been churning out an amazing number of hit pieces on Robert F Kennedy Jr lately.

    On Tuesday the Times published an audio essay titled “Why I Regret Debating Robert F. Kennedy Jr.” by opinion columnist Farhad Manjoo. Manjoo debated Kennedy in 2006 about the legitimacy of George W Bush’s 2004 win against John Kerry, believing that Kennedy’s skepticism of the election results was dangerous.

    “Disputing elections is just not good for democracy,” Manjoo says, joining the rest of the American liberal political/media class in rewriting history to pretend they didn’t just spend the entire Trump administration doing exactly that.

    Manjoo cites his experience debating Kennedy (whom he repeatedly refers to as a “conspiracy theorist”) to argue that nobody should debate the presidential candidate on the topic of Covid vaccines, adding yet another entry to the countless articles and news segments which were published in the mass media last month saying that vaccine scientist Peter Hotez should reject Joe Rogan’s offer of $100,000 to a charity of his choice if he’d debate Kennedy on the subject.

    Last week The New York Times published an article titled “5 Noteworthy Falsehoods Robert F. Kennedy Jr. Has Promoted,” along with a Paul Krugman article which opens with the line “Robert F. Kennedy Jr. is a crank” and an opinion piece titled “Pro-Vaccine Views Are Winning. Don’t Fear the Skeptics.” which opens with a stab at Kennedy. The week before that there was a standard hit piece by Gail Collins. The week before that there was another piece by Farhad Manjoo about how nobody should debate Kennedy about vaccines.

    Sometimes they’re presented as opinion pieces, sometimes they’re presented as hard news stories despite brazenly biased language and overt editorializing, and all are slanted against Kennedy in some way. The New York Times plainly dislikes RFK Jr, and makes no secret of working to make sure its audience dislikes him too.

    And this is pretty much what we can expect from American mass media until Kennedy has either lost his presidential race or had his reputation so thoroughly destroyed among the electorate that he can be safely ignored. The message will be hammered and hammered and hammered home until the illusory truth effect causes readers to mistake rote repetition for truth, and Kennedy’s campaign will fizzle.

    And Silicon Valley is playing, too. Last month YouTube took down multiple videos featuring two different interviews with Kennedy on the grounds that they violated the platform’s policies against “vaccine misinformation”. Youtube is owned by Google, which has had ties to the CIA and NSA since its inception and is now a full-fledged Pentagon contractor.

    Kennedy tweeted some interesting comments about YouTube’s removal of his interviews.

    “People made a big deal about Russia supposedly manipulating internet information to influence a Presidential election. Shouldn’t we be worried when giant tech corporations do the same?” asked Kennedy, adding, “When industry and government are so closely linked, there is little difference between ‘private’ and ‘government’ censorship. Suppression of free speech is not suddenly OK when it is contracted out to the private corporations that control the public square.”

    This is a point I’ve been emphasizing for years: in a corporatist system of government, where there’s no real separation between corporate power and state power, corporate censorship is state censorship.

    And it really is interesting how almost everyone seems to be pretty much okay with corporations in the media and Silicon Valley interfering in a US election like this. Everyone shrieked their lungs out about the (now wholly discredited) narrative that Russian bots had influenced the US election with tweets and Facebook memes, but immensely wealthy corporations with universes more influence manipulating the way people think and vote is perfectly fine?

    That does seem to be the way of it, though. This past April the Obama administration’s acting CIA director Mike Morell admitted to using his intelligence connections to circulate a false story in the press during the 2020 presidential race that the Hunter Biden laptop leak was a Russian disinfo op, because he wanted to ensure that Joe Biden would win the election. And absolutely nothing happened to him; Morell just went on with his day.

    It’s just taken as a given that it’s fine for US oligarchs and empire managers to interfere in an election with brazen psyops and mass media propaganda, even as more and more internet censorship gets put in place on the grounds of protecting election security. If an ordinary American circulated disinformation to manipulate the election, imperial spinmeisters would cite that as evidence that online communication needs to be more aggressively controlled. But when Obama’s acting CIA director does it, it’s cool. Election interference for me but not for thee.

    This is where the most election interference will come from in this presidential race: not from Russia, not from China, but from the rich and powerful drivers of the US-centralized empire. The operation of a globe-spanning power structure is simply too important to be left in the hands of the electorate.

    I don’t have any strong opinions about RFK Jr and won’t be supporting any presidential candidate in America’s pretend election. But these presidential races do often provide opportunities to highlight the ways our rulers have got everything locked down.

    #USA #élections #hégémonie_idéologique

  • Racisme et #domination des Etats méditerranéens

    Le #racisme en #Tunisie, loin d’être un #fait_culturel, est la conséquence de #politiques_frontalières

    La #violence contre les personnes noires en situation irrégulière en Tunisie reflète une manie de domination et un jeu de pouvoir lâche d’un petit État en crise. Mais elle est aussi le résultat d’un récit populiste et d’une approche gouvernementale cruelle à l’égard des indésirables, typique de tous les États méditerranéens.

    En 1982, le célèbre intellectuel tunisien Albert Memmi écrivait un essai intitulé Racisme, dans lequel on trouve sa fameuse définition du phénomène qui donne son titre au livre : “l’exploitation généralisée et définitive des différences, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de la victime, pour justifier une agression”. A l’époque de Memmi, né à Tunis d’une mère d’origine juive berbère et d’un père d’origine tunisienne italienne, la Tunisie était un protectorat français et sa population était beaucoup plus hétérogène qu’aujourd’hui, avec des Français, des Italiens, des Maltais et une présence juive bimillénaire. Dans les années 1950, le racisme des colons français à l’égard de la population majoritairement arabo-musulmane justifiait l’occupation du pays. Aujourd’hui, cent ans après la naissance de Memmi, le racisme de la majorité arabo-musulmane à l’égard des minorités et des étrangers noirs justifie la répression de ces derniers. Fondé sur un récit nationaliste très homogénéisant, le racisme en Tunisie, comme dans le reste de l’Afrique du Nord, est une réalité difficile à éradiquer parce qu’elle est omniprésente dans la politique et la culture, et parce qu’elle joue sur des problèmes réels.

    Le racisme anti-noir en Tunisie, s’il est une réalité presente depuis des années 1, a explosé ces derniers mois depuis le discours du Président Kaïs Saïed du 21 février contre les personnes subsahariennes en situation d’irrégularité. La Tunisie a été choquée par une violence raciste sans précédent. En représailles au meurtre d’un citoyen Tunisien par un homme d’origine de l’Afrique dite Subsaharienne, des hordes d’hommes armés de couteaux et de bâtons ont attaqué les maisons de familles innocentes. Cette violence a été précédée, légitimée et suivie par une répression organisée de l’État contre les personnes noires sans papiers : au cours des deux dernières semaines, des centaines d’arrestations et d’expulsions ont été dénombrées à la frontière, au milieu du désert 2. Beaucoup de Tunisiens sont consternés par le comportement de leurs concitoyens et la brutalité de leur Etat. Et beaucoup voudraient être solidaires, offrir un logement et une assistance aux expulsés et aux déportés, mais toute tentative de solidarité est empêchée, bloquée ou déjouée par une police omniprésente et capillaire.

    Et dans un état de non-droit comme la Tunisie, où la loi se négocie avec l’arbitraire des policiers, parmi les victimes les plus malheureuses se trouvent précisément ceux que les politiciens Italiens appellent les migrants, qui fuient les guerres, les persécutions et la pauvreté et que le gouvernement italien continue à renvoyer en Afrique du Nord, en finançant les garde-côtes tunisiens pour qu’ils empêchent à tout prix leur départ. Ce sont ces mêmes personnes qui, arrivées en Europe, deviennent des réfugiés : Soudanais, Erythréens, Ethiopiens, Nigérians, ou qui deviennent des clandestins enfermés dans les Centres de Rétention Administratives Italiens, renvoyés dans leur pays, relégués dans la misère. Migrants, réfugiés ou sans-papiers, la différence n’est pas grande si vous avez la peau noire en Tunisie, puisque la violence – d’Etat – est exercée sans distinction. D’ailleurs, parmi les personnes amenées dans le désert ces derniers jours, il y aurait aussi des étudiants et des personnes ayant des documents de séjour valides, ainsi que des réfugiés et des demandeurs d’asile. Et dans l’Union européenne, voulons-nous encore croire que nous pouvons créer des plateformes de débarquement 3 en Afrique du Nord pour décider qui est un vrai réfugié – qui peut venir chez nous ! – et qui est un migrant économique – qui doit rester là-bas ? Et pendant ce temps, des centaines de personnes dans les rues, battues ou abandonnées dans le désert.

    À l’origine des événements récents, il y a les politiques économiques et militaires des frontières. Fondamentalement, les gens ne quitteraient pas leur pays si leurs perspectives de vie n’étaient pas menacées par la famine, la guerre et la pauvreté. Et pour soutenir la poursuite des conflits au Mali, au Niger, en Libye ou en Ukraine, ou la pauvreté au Tchad, en Tunisie ou en Côte d’Ivoire, ce sont les armées et les politiques extractives néocoloniales françaises, italiennes, britanniques, allemandes, américaines, auxquelles s’ajoutent celles des nouvelles grandes puissances, comme la Chine et la Turquie, qui sont en cause. A leur arrivée en Tunisie, la fermeture des frontières méditerranéennes est un mur qui empêche ces “déplacés en quête de vie” de partir. Ne pouvant plus repartir, ils restent bloqués dans un pays pauvre, un petit Etat en crise économique, sans ressources massives, avec peu d’industries et un tourisme en déclin, et un passé récent perturbé par la révolution. Un pays qui doit pourtant compter avec ses voisins arrogants et puissants : Italie, France, Allemagne, Pays-Bas, Union européenne. Des voisins qui veulent à tout prix arrêter ces personnes en transit, et qui paient des millions à la Tunisie pour le faire 4. Et s’il n’y avait pas de frontières, s’il n’y avait pas la militarisation de la Méditerranée, ces personnes seraient déjà en Italie : problème résolu.

    Aujourd’hui, la Tunisie en a assez de jouer ce rôle infâme et coûteux. Dans un contexte de crise économique écrasante et déprimante, d’inflation massive et de chômage endémique, l’arrivée de milliers de personnes s’installant dans les grandes villes tunisiennes compromet encore davantage la capacité de l’État à subvenir aux besoins de sa population. D’autant plus que cet État ne s’est jamais montré disposé à le faire. La colère monte chez un peuple affamé et frustré de voir s’installer dans ses villes des “Africains“, comme on appelle paradoxalement les Noirs subsahariens. La xénophobie sévit dans toutes les couches de la société, mais surtout parmi les plus démunis et les plus touchés par la crise. Les mêmes personnes qui ont peu de perspectives d’avenir, qui se sentent emprisonnés dans un pays qui les piétine et les écrase avec sa police, un pays où tout – travailler dignement, ouvrir un commerce, étudier, recevoir des soins médicaux de qualité – est difficile, nié, empêché. Un peuple écrasé par les frontières, un peuple qui n’a qu’un seul espoir : partir. Un espoir qui lui est refusé par la difficulté d’obtenir un visa et qui est criminalisé par les politiques euro-tunisiennes de lutte contre l’immigration irrégulière. Un peuple qui se souvient bien de l’époque prérévolutionnaire, où au moins il n’y avait qu’un seul voleur. Aujourd’hui, tout le monde est voleur (interview avec un chauffeur de taxi à Sfax). L’anarchie est généralisée, la méfiance règne, la colère monte.

    “Faddina”, (nous en avont assez) depuis des années, disent les Tunisiens. Assez de la corruption du parti islamiste el Nahda, assez de vendre du sel à la France pour une somme dérisoire, selon une convention qui remonte à l’époque coloniale 5. Alors, quand Kais Saied, un honnête professeur de droit, a fait nettoyage général 6 en 2019, de larges pans de ce peuple se sont réjouis. Mais au fil des années, sans une politique économique forte pour relever le pays, le professeur perd de sa popularité. Et donc aujourd’hui, ce dictateur incompétent – on dit qu’au moins l’autre était intelligent (interview avec un étudiant à Tunis) – s’accroche de toutes ses forces au peu qu’il a pour affirmer sa souveraineté. Il a d’abord jeté en pâture à la foule des députés corrompus, puis des islamistes ; il a ensuite inventé des complots contre l’État, des journalistes-espions et des organisations financées par l’Europe pour faire tomber le pays. Aujourd’hui, sa dernière carte est aussi la plus en vogue. La méthode la plus rapide, la plus facile et la plus indolore pour revenir dans les bonnes grâces de son peuple est de mener une lutte sans merci contre les personnes noires sans papiers. Cette lutte sert aussi bien la politique extérieure que la politique intérieure : d’une part, gagner en crédibilité (et attirer l’attention et donc des fonds) auprès des partenaires européens dans la lutte contre l’immigration irrégulière, d’autre part, renforcer la légitimité du gouvernement. Et ce, en éliminant ceux qui ne correspondent pas à la définition de l’identité nationale.
    Pouvoir raciste, pouvoir populiste

    La Tunisie, qui dispose d’un État-providence très pauvre, où il n’y a pas de protection économique et sociale des citoyens, où le pouvoir est concentré dans les mains des oligarques de la classe dirigeante, est la “démocratie du mécontentement”. Tout le monde se plaint, personne ne fait confiance à l’État. Beaucoup se souviennent de l’époque de Ben Ali, où au moins il y avait lui, un homme fort qui affirmait sa position. Aujourd’hui, l’homme fort Kais Saied tente de se créer une hégémonie, au sens gramscien (voir pour ce concept Gherib Baccar, 2017), c’est-à-dire une légitimation populaire et incontestée de son pouvoir, de son autorité, basée sur la répression des indésirables, les personnes irrégulières noires.

    Premier objectif du racisme de Saied : jouer les durs avec l’Europe. Ce n’est certes pas la première fois que les corps des migrants sont utilisés comme une arme de politique internationale : voir la Turquie en 2016 dans les négociations avec l’Europe, l’Italie et la Grèce au cours de la dernière décennie dans les négociations avec d’autres États européens. Au contraire, nous pouvons identifier des approches anti-migrants communes à toutes les politiques méditerranéennes. La lutte contre les migrants irréguliers par tous les moyens – rejets aux frontières, réadmission dans le pays d’origine, détention, marginalisation – est la variable commune de la politique régionale dans et autour de la mer Méditerranée, de l’Europe du Nord à l’Afrique subsaharienne. A travers cette lutte sans merci, les Etats forgent une part de leur souveraineté, alors que le thème des migrations est aujourd’hui au cœur des débats dans de nombreux pays européens. Gouverner les mouvements humains est donc une façon d’être et de fonctionner de l’État méditerranéen, une forme de gouvernement méditerranéenbasée sur le nationalisme populiste et le racisme. Ces derniers, héritiers du passé colonial et frères de toutes les occupations autour de cette mer, des colonies israéliennes illégales sur les terres palestiniennes, à l’occupation du Sahara occidental par le gouvernement marocain.

    Le racisme et le populisme sont en effet les cartes avec lesquelles se joue ce jeu impitoyable. Par le passé, les puissances coloniales européennes ont tenté de justifier leur domination et de légitimer leur occupation par des arguments scientifiques et rationnels. Les écrivains européens – principalement français et anglais – du XVIIIe siècle, tels que Voltaire, Goethe, Chateaubriand, Renan, ont contribué à la création d’un “savoir orientaliste” (Said, 1978) qui caractérisait les Arabes musulmans comme arriérés et légitimait ainsi l’intervention occidentale. Le racisme, c’est-à-dire la valorisation des différences, réelles ou imaginaires (Memmi, 1982), est l’outil approprié pour soutenir ce type de discours. Selon la définition de Memmi, le racisme est un instrument d’agression qui utilise les différences entre les hommes : “Quelle que soit la voie empruntée, le but du racisme est la domination. […] Comme au billard, où l’on vise une boule pour en mettre une autre dans le trou, on accuse sous divers prétextes, mais toujours pour rejeter, spolier, opprimer. […] Le racisme illustre et symbolise l’oppression”. Le racisme, c’est donc le mépris et le sentiment de supériorité du colonialiste qui a justifié l’invasion de la Tunisie ou de l’Algérie ; c’est aussi l’antisémitisme qui a conduit à l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; c’est encore les récents événements de Sfax, où des hordes de bandits armés de machettes ont attaqué des familles d’immigrés subsahariens. Tout comme l’action odieuse des forces de sécurité tunisiennes qui ont emmené de force ces mêmes familles dans le désert, à la frontière libyenne, sans eau ni nourriture. Derrière tous ces événements se cache une volonté de domination et de pouvoir. “L’action raciste n’est jamais désintéressée, même si la nature du profit n’est pas immédiatement claire”. (Memmi, 1982).

    Les images et les vidéos des événements de Sfax, qui ont secoué la Méditerranée comme le massacre de Melilla l’avait fait en 2021, amènent à réfléchir une fois de plus sur les frontières et l’Etat-nation. En effet, ce qui unit les Etats aujourd’hui, malgré d’énormes différences dans leurs spécificités culturelles, géographiques et politiques, c’est le récit fortement identitaire et populiste avec lequel le pouvoir gouvernemental est légitimé. C’est pourquoi on les appelle des États-nations : parce que chaque État crée et entretient une identité nationale spécifique et limitée qui différencie ceux qui font partie de l’État de ceux qui n’en font pas partie. La raison de cette “nationalité” des États s’explique par la nécessité de définir le pouvoir de l’État, son monopole de la violence, comme le dit Weber. L’identité nationale sert également à définir à qui fournir des services tels que la santé, l’éducation et le travail, c’est-à-dire l’aide sociale : il est plus facile de le faire avec une division claire entre ceux qui sont inclus et ceux qui sont exclus. Enfin, elle est également utile en temps de crise, lorsqu’il faut économiser, mobiliser, faire la guerre, car il est plus facile de convaincre quelqu’un de défendre quelque chose de proche, de cher et d’intime, plutôt qu’une entité lointaine, froide et incolore. Ce caractère nationaliste de l’État est aussi son caractère raciste, comme le dirait Etienne Balibar, car les États-nations sont, par définition, des États racistes, dans lesquels l’identité nationale peut être utilisée pour justifier une agression : c’est cela le racisme d’État.

    Mais l’équation fonctionne aussi dans l’autre sens : s’il est vrai que l’identité nationale sert la violence de l’État, l’inverse est également vrai son opposé, à savoir que la violence renforce la nation. Les exemples historiques sont nombreux : l’identité nationale des puissances européennes s’est renforcée et renouvelée après les guerres mondiales ; les conflits interethniques revigorent souvent la perception des différences entre les peuples, comme ce fut le cas en Bosnie où, aujourd’hui encore, après la guerre, l’État est toujours divisé entre musulmans et catholiques. Demandons-nous donc si la Tunisie de Saïed ne cherche pas à faire la guerre, à sa manière, aux citoyens subsahariens présents sur son territoire, pour consolider la force de son gouvernement, pour renforcer l’identité nationale tunisienne. La création d’un bouc émissaire, d’un “autre” à combattre, à chasser, à tuer, n’est-elle pas une source de force pour la nation, pour l’individualité collective du citoyen qui se reconnaît dans son État et veut le protéger ?

    Et en effet, le deuxième objectif du racisme de Saïed est de calmer les foules en colère. Les criminels qui ont commis ces actes brutaux étaient eux-mêmes victimes d’un système inégalitaire, fortement touché par la crise. Cela ne justifie pas l’agressivité ou la haine raciale, mais explique comment la colère et la frustration peuvent facilement être dirigées vers les plus faibles, d’autant plus si cette violence est soutenue par l’Etat. Ce n’est pas seulement la nation qui est revigorée par le choc avec l’autre, mais aussi le narcissisme du moi collectif dans la société. Ce qui nous interroge, c’est le sens de la violence, qui est toujours dirigée vers les plus délaissés et les plus pauvres. Memmi explique que “le raciste va instinctivement contre l’opprimé : il est plus facile d’ajouter de la souffrance à ceux qui en ont déjà”. La violence ne se manifeste pas, comme il serait peut-être plus logique, à l’égard des forts, des dirigeants européens, des puissances coloniales. Le sentiment de cette violence est légitimé par le fait que “les Africains sont différents, ils ont une culture différente de la nôtre” (entretien avec un chauffeur de taxi à Sfax), oubliant par exemple les différences culturelles évidentes entre Tunisiens et Italiens. Au contraire : combien les filles et les garçons italiens sont beaux, gentils et intelligents, nos frères et nos sœurs ! Une vision influencée par les perspectives de classe et le désir d’Occident (Wael Garnaoui, 2022). Les différences, réelles ou imaginaires, sont créées et recréées dans le discours collectif et dans les perceptions individuelles. Dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux, une femme tunisienne dit à une personne noire : “Tu dois aller dans ton pays, nous sommes un pays pauvre ici, il n’y a rien pour toi. Vous arrivez, vous vivez à 50 dans une maison, vous apportez des maladies. Il n’y a pas de place pour vous ici”. C’est le racisme des opprimés qui s’exprime, l’ignorance des personnes affamées manipulées par les “fake news” et les informations fallacieuses des médias de propagande modernes.
    Un besoin urgent d’un antiracisme d’État

    Albert Memmi affirme que “dans chacun de nous, il y a un raciste qui est ignoré. […] Le racisme est l’une des attitudes les plus partagées au monde”. Le racisme est tellement omniprésent dans la culture et la société, dans les médias et dans l’éducation, qu’il est difficile, voire impossible, de l’éliminer complètement. Comme le dit Memmi, le racisme est un fait social. Mais si le racisme à l’encontre des personnes noires est la direction “naturelle” vers laquelle se dirige la colère des personnes frustrées par la crise, les frontières et la corruption, le racisme est également un discours qui peut être utilisé, manipulé ou éliminé. Le fait que des bandes d’hommes armés aient attaqué des familles subsahariennes n’est, en soi, rien d’autre que la manifestation d’une tension sociale alimentée par la crise économique et un substrat culturel mono-identitaire, exclusif et fermé aux minorités. Ce substrat, omniprésent dans la société tunisienne, de l’éducation à la socialisation, créé par l’Etat depuis l’independence, est aujourd’hui légitimé par le discours raciste de Saïed. Il ne s’élimine pas du jour au lendemain : il faut une éducation antiraciste pour éviter que les victimes d’une crise économique et politique ne deviennent les auteurs d’un génocide. Au lieu de cela, l’État soutient et attise les sentiments racistes parce que cela l’arrange.

    Un tournant antiraciste est donc nécessaire, non seulement en Tunisie, mais aussi en Méditerranée. Tout d’abord, les lois et les tribunaux pourraient éliminer immédiatement – en condamnant les auteurs, à commencer par les chefs d’État et les ministres de l’intérieur – le racisme institutionnel des États méditerranéens, y compris la Tunisie. Pour ce motif là, l’independence du système juridique et pénal, très ménacé aujourd’hui en Tunisie, est d’importance centrale. Il faut un pouvoir independant et forte pour denoncer ce racisme vil et mesquin qui est dû à la volonté de domination dans un contexte historique et régional qui fait de la lutte contre les personnes noires en situation irrégulière le motif de l’expression de la souveraineté, intérieure et extérieure.

    Ce n’est pas seulement une question d’éthique, mais aussi d’efficacité – la propagande anti-noire de Kaïs Saïed est totalement incompétente pour résoudre – je dirais même contourner – les vrais problèmes : inflation, manque de produits de première nécessité, chômage. En déportant des innocents dans le désert, Saïed ne peut recevoir que des condamnations, internationales et internes. Memmi écrit : “Solution fallacieuse, certes, compensation vaine, mesquine et inique surtout, qui compromet les valeurs et se trompe sur elle-même, détruit la dignité de l’un pour assurer illusoirement celle de l’autre. Mais il faut admettre que c’est une sorte de solution à des problèmes réels, un tranquillisant face à des enjeux indéniables”.

    Ajoutons que l’Etat tunisien, comme d’autres Etats méditerranéens, ne persécute pas ces personnes uniquement parce qu’elles sont noires. En d’autres termes, à l’instar d’Annah Arendt (1951), les personnes persécutées par l’État sont avant tout des personnes sans droits politiques, donc des personnes déshumanisées à qui l’on refuse les droits de l’homme. Le racisme d’État est donc une répression des droits politiques que ces personnes réclament : droit à la citoyenneté, au travail, à la santé, à la scolarisation. Des droits qui ne sont accordés qu’à ceux qui possèdent la citoyenneté, tandis que ceux qui en sont exclus – sur une large base raciale – se voient non seulement refuser l’accès au système de protection sociale, mais sont classés comme “indésirables”. Si les nationalistes italiens de droite s’éloignent aujourd’hui du comportement raciste “classique” en adoptant une attitude politiquement correcte et en évitant de discriminer ouvertement sur la base de la couleur de peau, ils restent convaincus que le fait de ne pas posséder de documents de voyage ou de visa de séjour et de ne pas être éligible à la protection internationale disqualifie les personnes de la protection de l’État, c’est-à-dire de leurs droits politiques. On passe ainsi d’une droite ethno-nationaliste à une droite administrative-nationaliste, ce qui est dans l’air du temps. Mais la violence demeure : les indésirables doivent être enfermés, éloignés, éliminés, ou au mieux traités comme des victimes du jour à qui il faut offrir un minimum de charité (Agier, 2017).

    Nous concluons donc en disant que le racisme en Tunisie n’est pas un fait culturel, mais une évolution géographique, politique, historique et sociale. Aujourd’hui en Tunisie, le gouvernement méditerranéen des indésirables se double d’une expression raciste du nationalisme arabo-musulman. C’est dans une région, le Maghreb, historiquement “séparée” du reste de l’Afrique par un immense désert. L’indépendance, avec ses récits nationalistes nécessaires pour chasser l’occupant et créer une nation, a créé un terreau fertile pour une xénophobie généralisée. Aujourd’hui, les Tunisiens, attirés par l’Europe, se sentent plus de ce côté-ci de la Méditerranée que de l’autre. Les uns après les autres, les dirigeants tunisiens n’ont cessé d’alimenter ce sentiment pro-européen et anti-africain et de faire le jeu d’une Europe qui parle en faveur des pauvres, mais qui les piétine ensuite.

    Au lieu de changer l’histoire et de passer pour un illuminé, Saïed décide de suivre ses prédécesseurs. Il serait beaucoup plus honnête de dire, comme certains parlementaires et militants tunisiens l’ont fait à plusieurs reprises, que la Tunisie n’est pas un pays tiers sûr, qu’elle ne peut plus jouer le rôle de garde-frontière et qu’il n’y a pas de possibilité de loger et de travailler pour les réfugiés sur son territoire. Que l’Europe, avec tout son argent, les prenne en charge, en somme ! Mais Saïed ne le dira jamais. C’est trop tard : un accord entre l’Union européenne et la Tunisia à déjà été signé le 16 Juillet 2023.

    Il faudrait alors, à tout le moins, promouvoir une forme d’antiracisme humanitaire à l’égard des personnes bloquées dans le pays. Ce serait un discours éthique et noble que l’Europe, avec ses traités sur les droits de l’homme, serait obligée d’accepter. D’autre part, pendant la guerre d’Algérie (1967) et la guerre en Libye (2011), des milliers de familles ont accueilli, nourri et aidé des milliers de réfugiés des pays voisins. En Tunisie, beaucoup sont prêts à recommencer, car l’hospitalité et l’aide aux autres font partie intégrante de la culture du pays. Mais Saïed décide de suivre le mauvais exemple des Européens, et cela, parce que c’est plus facile, c’est moins risqué. En se fichant éperdument de l’hospitalité, il accuse les Noirs d’être responsables des problèmes du pays, en diffusant des “fake news” et en expulsons des centaines de personnes. Il semble avoir bien appris de Macron, Meloni, Minniti, Salvini et bien d’autres. Disons-le haut et fort : les choses doivent changer en Tunisie, mais pour qu’elles changent, il faut d’abord qu’elles changent chez l’Europe. Tant que l’aide sera réservée à nos voisins, nous ne résoudrons pas les crises mondiales et la violence qui secouent notre monde aujourd’hui. Ler gouvernements Européens devons permettre à ces personnes, bloquées en Afrique du Nord, de faire leur vie en Europe. Et les gouvernements du Sud devront s’efforcer de donner aux Tunisiens, aux Nigérians, aux Tchadiens, aux Soudanais… une chance et un avenir chez eux. Les deux choses doivent être faites, main dans la main. Mais pour cela, nous avons besoin de toute urgence, en Tunisie comme en Italie, d’un discours antiraciste omniprésent, fort et oppositionnel, et d’une gauche qui sache s’affirmer selon les valeurs du vrai cosmopolitisme et de l’humanisme.

    https://www.meltingpot.org/fr/2023/07/racisme-et-domination-des-etats-mediterraneens

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    ping @_kg_

  • G. Friedman "..c’est cynique, immoral, mais ça marche ». Extraits du discours.

    Stratfor : comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Extraits du discours de George Friedman, directeur de la société de renseignement et d’analyse Stratfor, au Council on Foreign Relations de Chicago.
    Dans son discours au Council il explique comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Il identifie également les ennemis potentiels des USA.

    Friedman voudrait que le monde actuel soit exclusivement sous le contrôle direct ou indirect des USA
    Le président de Stratfor déclare que les USA n’ont pas de relations avec l’Europe. « Nous avons des relations avec la Roumanie, la France et ainsi de suite. Il n’y a pas d’Europe avec laquelle les USA ont des relations quelconques". Cela rappelle forcément la conversation de la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland avec l’ambassadeur des USA à Kiev en 2014. Nuland avait alors expliqué à son interlocuteur en des termes très crus ce qu’elle pensait de l’Europe unie et de ses dirigeants : • Ukraine, la manip... 33] Plus tard, elle a présenté ses excuses pour la forme de ses propos, mais pas sur le fond. Il faut savoir que Mme Nuland est une lectrice des notes analytiques de Stratfor.
    « Les USA contrôlent tous les océans de la terre. Personne n’avait encore réussi à le faire. Par conséquent, nous pouvons nous ingérer partout sur la planète, mais personne ne peut nous attaquer. Le contrôle des océans et de l’espace est la base de notre pouvoir", a déclaré Friedman à Chicago,
    Selon lui, "la priorité des USA est d’empêcher que le capital allemand et les technologies allemandes s’unissent avec les ressources naturelles et la main d’œuvre russes pour former une combinaison invincible".Créer un "cordon sanitaire" autour de la Russie permettra à terme aux USA de tenir en laisse l’Allemagne et toute l’Union européenne

    https://www.youtube.com/watch?v=emCEfEYom4A


    #USA #UE #Russie