#haïlé_sélassié

  • L’oublieuse mémoire coloniale italienne

    Commencée avant le fascisme, galvanisée par Mussolini, la colonisation par l’Italie de la Libye, de la Somalie et de l’Ethiopie fut marquée par de nombreuses atrocités,loin du mythe d’une occupation douce. Longtemps refoulés, ces souvenirs commencent à ressurgir

    Tout commence dans le centre de Rome, sur l’Esquilin, la plus haute des sept collines antiques. Plus précisément dans la cage d’escalier d’un immeuble sans ascenseur, situé à deux pas de la piazza Vittorio. Dans ce quartier à deux pas de la gare Termini, les prix de l’immobilier sont beaucoup plus modestes que dans le reste du centre, si bien que l’Esquilin est devenu, depuis une vingtaine d’années, un lieu de concentration de l’immigration africaine et asiatique, ce qui n’est pas sans provoquer des tensions le squat, occupé depuis 2003 par les militants néofascistes de CasaPound, est juste à côté.

    C’est donc là, en rentrant chez elle, épuisée, dans la touffeur d’une après-midi de fin d’été 2010, qu’Ilaria Profeti se retrouve nez à nez avec un jeune homme arrivé d’Ethiopie par la route des migrants. Dans un italien presque sans accent, celui-ci lui assure, documents à l’appui, qu’il est le petit-fils de son père, Attilio, un homme de 95 ans qui est resté, sa longue vie durant, plus que discret sur ses jeunes années de « chemise noire » fasciste, en Abyssinie.

    Levons toute ambiguïté : la scène qui vient d’être décrite est tout à fait vraisemblable, mais elle est issue d’une oeuvre de fiction. Il s’agit en réalité des premières pages d’un roman, le superbe Tous, sauf moi (Sangue giusto), de Francesca Melandri (Gallimard, 2019), qui dépeint avec une infinie subtilité les angles morts de la mémoire coloniale italienne. Le fil conducteur de la narration est le parcours sinueux d’un vieil homme dont le destin finalement assez ordinaire a valeur d’archétype.

    Issu d’un milieu plutôt modeste, Attilio Profeti a su construire à sa famille une position plutôt enviable, en traversant le mieux possible les différents mouvements du XXe siècle. Fasciste durant sa jeunesse, comme l’immense majorité des Italiens de son âge, il est parti pour l’Ethiopie, au nom de la grandeur impériale. Après la chute de Mussolini et la fin de la guerre, il parviendra aisément à se faire une place au soleil dans l’Italie du miracle économique, jouant de son physique avantageux et de ses amitiés haut placées, et enfouissant au plus profond de sa mémoire le moindre souvenir de ses années africaines, les viols, les massacres, les attaques chimiques. C’est ce passé, refoulé avec une certaine désinvolture, qui revient hanter ses enfants, trois quarts de siècle plus tard, sous les traits d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, arrivé à Rome après une interminable traversée.

    Comme l’héroïne de Tous, sauf moi, Francesca Melandri vit sur l’Esquilin, au dernier étage d’un immeuble à la population mélangée. Et à l’image d’Ilaria, c’est sur le tard qu’elle a découvert ce pan escamoté de l’histoire italienne. « Quand j’étais à l’école, on ne parlait pas du tout de ce sujet-là, confie-t-elle depuis sa terrasse dominant les toits de la ville. Aujourd’hui ça a changé, il y a eu une prise de conscience, et de nombreux travaux universitaires. Pourtant cette histoire n’est jamais rappelée par les médias. Lorsqu’on parle du dernier attentat à la bombe à Mogadiscio, qui se souvient des liens entre Italie et Somalie ? Quand des bateaux remplis de migrants érythréens sont secourus ou coulent avant d’être sauvés, qui rappelle que l’Erythrée, nous l’appelions "l’aînée des colonies" ? »

    Le plus étrange est qu’à Rome, les traces du passé colonial sont légion, sans que personne n’ait jamais pensé à les effacer. Des stèles près desquelles personne ne s’arrête, des bâtiments anonymes, des noms de rue... rien de tout cela n’est explicité, mais tout est à portée de main.

    Comprendre les raisons de cette occultation impose de revenir sur les conditions dans lesquelles l’ « Empire » italien s’est formé. Création récente et n’ayant achevé son unité qu’en 1870, alors que la plus grande partie du monde était déjà partagée en zones d’influence, le royaume d’Italie s’est lancé avec du retard dans la « course » coloniale. De plus, il ne disposait pas, comme l’Allemagne qui s’engage dans le mouvement à la même époque, d’une puissance industrielle et militaire susceptible d’appuyer ses prétentions.

    Visées impérialistes

    Malgré ces obstacles, l’entreprise coloniale est considérée par de nombreux responsables politiques comme une nécessité absolue, à même d’assurer une fois pour toutes à l’Italie un statut de grande puissance, tout en achevant le processus d’unification du pays nombre des principaux avocats de la colonisation viennent de la partie méridionale du pays. Les visées impérialistes se dirigent vers deux espaces différents, où la carte n’est pas encore tout à fait figée : la Méditerranée, qui faisait figure de champ naturel d’épanouissement de l’italianité, et la Corne de l’Afrique, plus lointaine et plus exotique.

    En Afrique du Nord, elle se heurta vite à l’influence française, déjà solidement établie en Algérie. Ses prétentions sur la Tunisie, fondées sur la proximité de la Sicile et la présence sur place d’une importante communauté italienne, n’empêcheront pas l’établissement d’un protectorat français, en 1881. Placé devant le fait accompli, le jeune royaume d’Italie considérera l’initiative française comme un véritable acte de guerre, et la décennie suivante sera marquée par une profonde hostilité entre Paris et Rome, qui poussera le royaume d’Italie à s’allier avec les grands empires centraux d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie plutôt qu’avec sa « soeur latine .

    Sur les bords de la mer Rouge, en revanche, la concurrence est plus faible. La première tête de pont remonte à 1869, avec l’acquisition de la baie d’Assab (dans l’actuelle Erythrée) par un armateur privé, pour le compte de la couronne d’Italie. Cette présence s’accentue au cours des années 1880, à mesure du recul de l’influence égyptienne dans la zone. En 1889, est fondée la colonie d’Erythrée, tandis que se structure au même moment la Somalie italienne. Mais l’objectif ultime des Italiens est la conquête du my thique royaume d’Abyssinie, qui s’avère plus difficile que prévu.

    En 1887, à Dogali, plusieurs centaines de soldats italiens meurent dans une embuscade menée par un chef abyssin, le ras Alula Engida. Cette défaite marque les esprits, mais ce n’est rien à côté de la déconfiture des forces italiennes lors de la bataille d’Adoua, le 1er mars 1896, qui porte un coup d’arrêt durable aux tentatives italiennes de conquête.

    Seul pays africain indépendant (avec le Liberia), l’Ethiopie peut désormais se targuer de devoir sa liberté à une victoire militaire. Le négus Menelik II y gagne un prestige considérable. Côté italien, en revanche, cette défaite est un électrochoc. Ressentie comme une honte nationale, la déroute des troupes italiennes entraîne la chute du gouvernement Crispi et freine durablement l’im périalisme italien.

    Adoua est un tournant. L’historien et ancien sénateur de gauche Miguel Gotor est l’auteur d’une remarquable synthèse sur le XXe siècle italien, L’Italia nel Novecento. Dalla sconfitta di Adua alla vittoria di Amazon (« L’Italie du XIXe siècle. De la défaite d’Adoua à la victoire d’Amazon » Einaudi, 2019, non traduit). Pour lui, c’est là-bas, sur les hauteurs de la région du Tigré, par cette humiliation retentissante, que le XXe siècle italien a commencé.

    L’aventure coloniale italienne s’est ouverte de façon peu concluante, mais l’aspiration à l’empire n’a pas disparu. La décomposition de l’Empire ottoman offrira à Rome une occasion en or, en lui permettant, en 1911-1912, de s’implanter solidement en Cyrénaïque et en Tripolitaine. « Souvent la conquête de ce qui allait devenir la Libye est évacuée un peu vite, mais c’est un moment très important. Pour l’armée italienne, c’est une répétition, un peu comme a pu l’être la guerre d’Espagne, juste avant la seconde guerre mondiale », souligne Miguel Gotor. Ainsi, le 1er novembre 1911, un aviateur italien lâche quatre grenades sur des soldats ottomans, réalisant ainsi le premier bombardement aérien de l’histoire mondiale.

    « La conquête des côtes d’Afrique du Nord est importante, certes, mais la Libye est juste en face de la Sicile, au fond c’est du "colonialisme frontalier". La colonie au sens le plus "pur", celle qui symboliserait le mieux l’idée d’empire, ça reste l’Abyssinie », souligne Miguel Gotor. Aussi les milieux nationalistes italiens, frustrés de ne pas avoir obtenu l’ensemble de leurs revendications territoriales au sortir de la première guerre mondiale, continueront à nourrir le rêve de venger l’humiliation d’Adoua.

    Le fascisme naissant ne se privera pas d’y faire référence, et d’entretenir le souvenir : les responsables locaux du parti se feront appeler « ras », comme les chefs éthiopiens. A partir de la fin des années 1920, une fois le pouvoir de Mussolini solidement établi, les prétentions coloniales deviendront un leitmotiv des discours officiels.

    Aussi la guerre de conquête déclenchée contre l’Ethiopie en 1935 est-elle massi vement soutenue. L’effort est considérable : plus de 500 000 hommes sont mobilisés. Face à un tel adversaire, le négus Haïlé Sélassié ne peut résister frontalement. Le 5 mai 1936, les soldats italiens entrent dans la capitale, Addis-Abeba, et hissent le drapeau tricolore. Quatre jours plus tard, à la nuit tombée, depuis le balcon du Palazzo Venezia, en plein coeur de Rome, Mussolini proclame « la réapparition de l’Empire sur les collines fatales de Rome » devant une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes.

    « C’est bien simple, à ce moment-là, en Italie, il est à peu près impossible d’être anti fasciste », résume Miguel Gotor. Dans la foulée de ce succès, le roi Victor-Emmanuel III est proclamé empereur d’Ethiopie ; Benito Mussolini peut désormais se targuer d’avoir bâti un empire. La faillite d’Adoua avait été causée par un régime parle mentaire inefficace et désorganisé ? La victoire de 1936 est due, elle, aux vertus d’une Italie rajeunie et revigorée par le fascisme. La machine de propagande tourne à plein régime, l’assentiment populaire est à son sommet. « Ce moment-là est une sorte d’apogée, et à partir de là, la situation du pays se dégrade, analyse Miguel Gotor. Ar rivent les lois raciales, l’entrée en guerre... tout est réuni pour nourrir une certaine nostalgie de l’épopée éthiopienne. »

    Mécanisme de refoulement

    Le rêve impérial sera bref : il ne survivra pas à la défaite militaire et à la chute du fascisme. L’Ethiopie est perdue en 1941, la Libye quelques mois plus tard... Le traité de Paris, conclu en 1947, met officiellement un terme à une colonisation qui, dans les faits, avait déjà cessé d’exister depuis plusieurs années. Tandis que l’Ethiopie indépendante récupère l’Erythrée, la Libye est placée sous la tutelle de la France et du Royaume-Uni. Rome gardera seulement une vague tutelle sur la Somalie, de 1949 à 1960.

    Le projet d’empire colonial en Méditerranée et en Afrique, qui fut un des ciments de l’assentiment des Italiens à Mussolini, devient associé pour la plupart des Italiens au régime fasciste. L’un et l’autre feront l’objet du même mécanisme de refoulement dans l’Italie de l’après-guerre. Les dirigeants de l’Italie républicaine font rapidement le choix de tourner la page, et ce choix est l’objet d’un profond consensus qui couvre tout le spectre politique (le premier décret d’amnistie des condamnations de l’après-guerre remonte à 1946, et il porte le nom du dirigeant historique du Parti communiste italien Palmiro Togliatti). Les scènes de liesse de la Piazza Venezia ne seront plus évoquées, et avec elles les faces les plus sombres de l’aventure coloniale. Même la gauche transalpine, qui prendra fait et cause pour les mouvements anticoloniaux africains (notamment le FLN algérien) n’insistera jamais sur le versant italien de cette histoire.

    « Cela n’est pas étonnant, la mémoire est un phénomène sélectif, et on choisit toujours, consciemment ou non, ce qu’on va dire à ses enfants ou ses petits-enfants », remarque le jeune historien Olindo De Napoli (université de Naples-Frédéric-II), spécialiste de la période coloniale. « Durant l’immédiat après-guerre, ce sont les témoins qui parlent, ce sont eux qui publient », remarque l’his torien. Ainsi de la collection d’ouvrages L’Italia in Africa éditée sous l’égide du ministère des affaires étrangères, emblématique de la période. « Ces volumes sont passionnants, mais il y a certains oublis, qui vont vite poser des problèmes. »

    Parmi ces « oublis », la question la plus centrale, qui fera le plus couler d’encre, est celle des massacres de civils et de l’usage de gaz de combat, malgré leur interdiction par les conventions de Genève, lors de la guerre d’Ethiopie. Dans les années 1960, les études pionnières d’Angelo Del Boca et Giorgio Rochat mettront en lumière, documents officiels à la clé, ce pan occulté de la guerre de 1935-1936. Ils se heurteront à l’hostilité générale des milieux conservateurs.

    Un homme prendra la tête du mouvement de contestation des travaux de Del Bocaet Rochat : c’est Indro Montanelli (1909-2001), considéré dans les années 1960 comme le journaliste le plus important de sa géné ration. Plume du Corriere della Sera (qu’il quittera pour fonder Il Giornale en 1974), écrivain d’essais historiques à l’immense succès, Montanelli était une figure tutélaire pour toute la droite libérale.

    Comme tant d’autres, il avait été un fasciste convaincu, qui s’était porté volontaire pour l’Ethiopie, et il n’a pris ses distances avec Mussolini qu’en 1943, alors que la défaite était apparue comme certaine. Ra contant « sa » guerre à la tête d’une troupe de soldats indigènes, Montanelli la décrit comme « de longues et belles vacances », et qualifie à plusieurs reprises d’ « anti-Italiens » ceux qui font état de massacres de civils et d’usage de gaz de combat. La polémique durera des années, et le journaliste sera bien obligé d’admettre, à la fin de sa vie, que les atrocités décrites par Rochat et Del Bocaavaient bien eu lieu, et avaient même été expressément ordonnées par le Duce.

    A sa manière, Montanelli incarne parfaitement la rhétorique du « bon Italien » (« Italia brava gente »), qui sera, pour toute une génération, une façon de disculper l’homme de la rue de toute forme de culpabilité collective face au fascisme. Selon ce schéma, contrairement à son allié allemand, le soldat italien ne perd pas son humanité en endossant l’uniforme, et il est incapable d’actes de barbarie. Ce discours atténuant la dureté du régime s’étend jusqu’à la personne de Mussolini, dépeint sous les traits d’un chef un peu rude mais bienveillant, dont le principal tort aura été de s’allier avec les nazis.

    Ce discours trouve dans l’aventure coloniale un terrain particulièrement favorable. « Au fond, on a laissé s’installer l’idée d’une sorte de colonisation débonnaire, analyse Olindo De Napoli, et ce genre de représentation laisse des traces. Pourtant la colonisation italienne a été extrêmement brutale, avant même le fascisme. En Ethiopie, l’armée italienne a utilisé des soldats libyens chargés des basses oeuvres, on a dressé des Africains contre d’autres Africains. Et il ne faut pas oublier non plus que les premières lois raciales, préfigurant celles qui seront appliquées en 1938 en Italie, ont été écrites pour l’Ethiopie... Il ne s’agit pas de faire en sorte que des enfants de 16 ans se sentent coupables de ce qu’ont fait leurs arrière-grands-pères, il est seulement question de vérité historique. »

    Désinvolture déconcertante

    Malgré les acquis de la recherche, pour le grand public, la colonisation italienne reste souvent vue comme une occupation « douce », par un peuple de jeunes travailleurs prolétaires, moins racistes que les Anglais, qui se mélangeaient volontiers avec les populations locales, jusqu’à fonder des familles. L’archétype du colon italien tombant amoureux de la belle Abyssine, entretenu par les mémoires familiales, a lui aussi mal vieilli. Là encore, le parcours d’Indro Montanelli est plus qu’éclairant. Car aujourd’hui, si sa défense de l’armée italienne apparaît comme parfaitement discréditée, ce n’est plus, le concernant, cet aspect de sa vie qui fait scandale.

    En effet, on peut facilement trouver, sur Internet, plusieurs extraits d’entretiens télévisés remontant aux années 1970 et 1980, dans lesquelles le journaliste raconte avec une désinvolture déconcertante comment, en Ethiopie, il a « acheté régulièrement » à son père, pour 350 lires, une jeune fille de 12 ans pour en faire sa femme à plusieurs reprises, il la qualifie même de « petit animal docile », devant un auditoire silencieux et appliqué.

    Célébré comme une gloire nationale de son vivant, Indro Montanelli a eu l’honneur, à sa mort et malgré ces déclarations sulfureuses, de se voir dédié à Milan un jardin public, au milieu duquel trône une statue de lui. Au printemps 2019, cette statue a été recouverte d’un vernis de couleur rose par un collectif féministe, pour rappeler cet épisode, et en juin 2020, la statue a de nouveau été recouverte de peinture rouge, en lointain écho au mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») venu des Etats-Unis.

    Indro Montanelli mérite-t-il une statue dans l’Italie de 2021 ? La question a agité les journaux italiens plusieurs jours, au début de l’été, avant que la polémique ne s’éteigne d’elle-même. Pour fondée qu’elle soit, la question semble presque dérisoire eu égard au nombre de témoignages du passé colonial, rarement explicités, qui subsistent un peu partout dans le pays.

    Cette situation n’est nulle part plus visible qu’à Rome, que Mussolini rêvait en capitale d’un empire africain. L’écrivaine italienne Igiaba Scego, née en 1974 de parents réfugiés somaliens, y a dédié un passionnant ouvrage, illustré par les photographies de Rino Bianchi (Roma negata, Ediesse, réédition 2020, non traduit).

    Passant par la stèle laissée à l’abandon de la piazza dei Cinquecento, face à la gare Termini, dont la plupart des Romains ignorent qu’elle a été baptisée ainsi en mémoire des 500 victimes italiennes de l’embuscade de Dogali, ou l’ancien cinéma Impero, aujourd’hui désaffecté, afin d’y évoquer l’architecture Art déco qui valut à la capitale érythréenne, Asmara, d’être classée au patrimoine de l’Unesco, la romancière fait une station prolongée devant le siège romain de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), construit pour abriter le siège du puissant ministère de l’Afrique italienne.

    Devant ce bâtiment tout entier dédié à l’entreprise coloniale, Benito Mussolini avait fait ériger en 1937 un obélisque haut de 24 mètres et vieux d’environ seize siècles, ramassé sur site d’Axoum, en Ethiopie. Il s’agissait, rappelle Igiaba Scego, de faire de ce lieu « le centre de la liturgie impériale .

    La république née sur les ruines du fascisme s’était engagée à restituer cette prise de guerre à la suite des traités de 1947, mais après d’innombrables vicissitudes, le monument est resté en place jusqu’en 2003, où le gouvernement Berlusconi choisit de le démonter en trois morceaux avant de le renvoyer à Axoum, à ses frais.

    En 2009, la mairie de Rome a fait installer sur la même place, à deux pas de cet espace vide, une stèle commémorative afin « de ne pas oublier le passé . Mais curieusement, celle-ci a été dédiée... à la mémoire des attentats du 11-Septembre. Comme s’il fallait enfouir le plus profondément possible ce souvenir du rêve impérial et de la défaite, la ville a choisi de faire de ce lieu le symbole d’une autre tragédie. « Pourquoi remuer ces his toires horribles ? Pensons plutôt aux tragédies des autres. Le 11-Septembre était parfait », note, sarcastique, Igiaba Scego.

    A une quinzaine de kilomètres de là, dans le décor grandiose et écrasant du Musée de la civilisation romaine, en plein centre de ce quartier de l’EUR où la mémoire du fascisme est omniprésente, l’ethno-anthropologue Gaia Delpino est confrontée à un autre chantier sensible, où s’entrechoquent les mémoires. Depuis 2017, elle travaille à fusionner en un même lieu les collections du vieux musée ethnologique de Rome (Musée Pigorini) et du sulfureux Musée colonial inauguré en 1923, dont les collections dormaient dans des caisses depuis un demi-siècle.

    D’une fascinante complexité

    Lorsqu’on lui parle de l’odyssée de l’obélisque d’Axoum, elle nous arrête tout de suite : « C’est bien simple : ce qui a été réalisé là-bas, c’est exactement l’inverse de ce qu’on veut faire. » Restituer ces collections dans leur contexte historique tout en articulant un message pour l’Italie d’aujourd’hui, permettre à toutes les narrations et à toutes les représentations de s’exprimer dans leur diversité... L’entreprise est d’une fascinante complexité.

    « Les collections du MuséePigorini ont vieilli bien sûr, comme tous ces musées ethnographiques du XIXe siècle qui véhiculaient l’idée d’une supériorité de la civilisation occidentale. Le Musée colonial, lui, pose d’autres problèmes, plus singuliers. Il n’a jamais été pensé comme autre chose qu’un moyen de propagande, montrant à la fois les ressources coloniales et tout ce qu’on pourrait en tirer. Les objets qui constituent les collections n’ont pas vu leur origine enregistrée, et on a mis l’accent sur la quantité plus que sur la qualité des pièces », expliqueGaia Delpino.

    Sur des centaines de mètres de rayonnages, on croise pêle-mêle des maquettes de navires, des chaussures, des outils et des objets liturgiques... L’accumulation donne le vertige. « Et ce n’est pas fini, nous recevons tous les jours des appels de personnes qui veulent offrir des objets ayant appartenu à leur père ou à leur grand-père, qu’ils veulent nous confier comme une réparation ou pour faire un peu de place », admet l’anthropologue dans un sourire.

    Alors que le travail des historiens peine à se diffuser dans le grand public, où les représentations caricaturales du système colonial, parfois instrumentalisées par la politique, n’ont pas disparu, le futur musée, dont la date d’ouverture reste incertaine pour cause de pandémie, risque d’être investi d’un rôle crucial, d’autant qu’il s’adressera en premier lieu à un public scolaire. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que parallèlement à ce difficile travail de mémoire, la population change. Aujourd’hui, dans nos écoles, il y a aussi des descendants de victimes de la colonisation, italienne ou autre. Nous devons aussi penser à eux », précise Gaia Delpino.

    Retournons maintenant au centre de Rome. En 2022, à mi-chemin du Colisée et de la basilique Saint-Jean-de-Latran, une nouvelle station de métro doit ouvrir, dans le cadre du prolongement de la ligne C. Depuis le début du projet, il était prévu que celle-ci soit baptisée « Amba Aradam », du nom de la large artère qui en accueillera l’entrée, appelée ainsi en souvenir de la plus éclatante des victoires italiennes en Ethiopie.

    Ce nom était-il opportun, alors que les historiens ont établi que cette victoire écrasante de l’armée fasciste avait été obtenue au prix de 10 000 à 20 000 morts, dont de nombreux civils, et que les troupes italiennes avaient obtenu la victoire en faisant usage d’ypérite (gaz moutarde), interdit par les conventions de Genève ? Le 1er août 2020, la mairie a finalement fait savoir que la station serait dédiée à la mémoire de Giorgio Marincola.

    Pour le journaliste Massimiliano Coccia, qui a lancé cette proposition avec le soutien de collectifs se réclamant du mouvement Black Lives Matter, « revenir sur notre passé, ce n’est pas détruire ou incendier, mais enrichir historiquement notre cité . Et on peut choisir de célébrer la mémoire d’un résistant italo-somalien tué par les nazis plutôt que celle d’une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale italienne.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/libye-somalie-ethiopie-l-oublieuse-memoire-coloniale-italienne_6068846_3232.

    #Italie #colonialisme #colonisation #Mussolini #fascisme #Libye #Somalie #Ethiopie #atrocités #occupation_douce #mémoire #mémoire_coloniale #occultation #impérialisme #Corne_de_l'Afrique #baie_d'Assab #royaume_d'Abyssinie #Alula_Engida #bataille_d'Adoua #Menelik_II #Crispi #Adoua #Tigré #Cyrénaïque #Tripolitaine #colonialisme_frontalier #Abyssinie #Haïlé_Sélassié #propagande #traité_de_Paris #refoulement #mémoire #massacres #gaz #Indro_Montanelli #gaz_de_combat #bon_Italien #Italia_brava_gente #barbarie #humanité #lois_raciales #vérité_historique #culpabilité #viol #culture_du_viol #passé_colonial #Igiaba_Scego #monuments #toponymie #toponymie_politique #Axoum #stèle #Musée_Pigorini #musée #Musée_colonial #Amba_Aradam #ypérite #gaz_moutarde #armes_chimiques #Giorgio_Marincola #Black_Lives_Matter

    L’article parle notamment du #livre de #Francesca_Melandri, « #sangue_giusto » (traduit en français par « Tous, sauf moi »
    https://seenthis.net/messages/883118

    ajouté à la métaliste sur le #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    ping @cede

  • #Ethiopie : la terre promise des derniers rastas

    Ils sont aujourd’hui quelques centaines de #Jamaïcains, à vivre dans les faubourgs de #Shashaméné. Un monde à part, un lieu sacré, dans lequel le non-rasta, le profane, noir ou blanc, ne pénètre que difficilement. On n’efface pas trois siècles d’#histoire_coloniale.

    Après la découverte des Caraïbes et de l’Amérique par Christophe Colomb, 15 millions d’hommes et de femmes sont arrachés au continent africain. En 1930, #Rastafari_Makonnen, 225e descendant du roi Salomon et de la reine de Saba, selon la légende, est couronné empereur d’Ethiopie sous le nom d’#Hailé_Sélassié, roi des rois. En 1935, les troupes italiennes de #Mussolini envahissent l’Ethiopie. Chassés par la résistance intérieure, avec le soutien des Rastas, l’Empereur retrouve son trône. Pour les remercier, il abolit l’#esclavage et leur offre 500 hectares de ses #terres personnelles, au sud de l’Ethiopie, à Shashaméné.

    Pour les rastas, Haïlé Sélassié, le dernier Négus, est le messie rédempteur, Dès lors, l’Ethiopie est le paradis…

    https://www.arte.tv/fr/videos/081611-000-A/ethiopie-la-terre-promise-des-derniers-rastas
    #rasta #rastas #documentaire #film_documentaire #film #colonisation #colonialisme #Italie

  • Pour Haïlé Sélassié, « la modernisation était un impératif absolu » - RFI

    http://www.rfi.fr/emission/20150827-gerard-prunier-haile-selassie-modernisation-etait-imperatif-absolu-ethiopie-negus/?ns_mchannel=fidelisation&ns_source=newsletter_rfi_fr_afrique&ns_campaign=email&

    Il y a quarante ans aujourd’hui, #Haïlé_Sélassié était assassiné, vraisemblablement étouffé, un an après avoir été déposé par la junte militaire révolutionnaire de Mengistu. C’est alors la fin d’un règne commencé en 1930. Son combat contre l’agression de l’Italie fasciste, sa position aux côtés des pays non-alignés, son rôle dans la fondation de l’Union africaine font de lui une figure centrale de l’histoire du XXe siècle, malgré un bilan bien plus mitigé de sa gestion de l’Ethiopie. Gérard Prunier, spécialiste de la Corne de l’Afrique, revient sur les années Hailé Sélassié avec Laura martel.

    « Il avait une vision de la nécessité de la modernisation. Son modèle, c’était le Japon de l’ère Meiji. Il était conscient qu’il régnait dans un système extrêmement archaïque, conscient de la pression du colonialisme européen sur le continent africain. Pour lui la modernisation était un impératif absolu. »

    #éthiopie #

  • #Haile_Selassie, Speech to #UN October 6 1963 - YouTube
    http://www.youtube.com/watch?v=wszwI1E24eM

    H.I.M. Haile Selassie address to the #Unted_Nations Oct 6, 1963
    http://www.nazret.com/history/him_un.php

    Mr. President, Distinguished Delegates:
    Twenty-seven years ago, as Emperor of #Ethiopia, I mounted the rostrum in Geneva, Switzerland, to address the League of Nations and to appeal for relief from the destruction which had been unleashed against my defenseless nation, by the Fascist invader.I spoke then both to and for the conscience of the world. My words went unheeded, but history testifies to the accuracy of the warning that I gave in 1936.

    Today, I stand before the world organization which has succeeded to the mantle discarded by its discredited predecessor. In this body is enshrined the principle of collective security which I unsuccessfully invoked at Geneva. Here, in this Assembly, reposes the best - perhaps the last - hope for the peaceful survival of mankind.

    In 1936, I declared that it was not the Covenant of the League that was at stake, but #international_morality. Undertakings, I said then, are of little worth if the will to keep them is lacking. The Charter of the United Nations expresses the noblest aspirations of man: abjuration of force in the settlement of disputes between states; the assurance of human rights and fundamental freedoms for all without distinction as to race, sex, language or religion; the safeguarding of international peace and security.

    But these, too, as were the phrases of the Covenant, are only words; their value depends wholly on our will to observe and honor them and give them content and meaning. The preservation of peace and the guaranteeing of man’s basic freedoms and rights require courage and eternal vigilance: courage to speak and act - and if necessary, to suffer and die - for truth and justice; eternal vigilance, that the least transgression of international morality shall not go undetected and unremedied. These lessons must be learned anew by each succeeding generation, and that generation is fortunate indeed which learns from other than its own bitter experience. This Organization and each of its members bear a crushing and awesome responsibility: to absorb the wisdom of history and to apply it to the problems of the present, in order that future generations may be born, and live, and die, in peace.

    The record of the United Nations during the few short years of its life affords mankind a solid basis for encouragement and hope for the future. The United Nations has dared to act, when the League dared not in Palestine, in Korea, in Suez, in the Congo. There is not one among us today who does not conjecture upon the reaction of this body when motives and actions are called into question. The opinion of this Organization today acts as a powerful influence upon the decisions of its members. The spotlight of world opinion, focused by the United Nations upon the transgressions of the renegades of human society, has thus far proved an effective safeguard against unchecked aggression and unrestricted violation of human rights.

    The United Nations continues to sense as the forum where nations whose interests clash may lay their cases before world opinion. It still provides the essential escape valve without which the slow build-up of pressures would have long since resulted in catastrophic explosion. Its actions and decisions have speeded the achievement of freedom by many peoples on the continents of Africa and Asia. Its efforts have contributed to the advancement of the standard of living of peoples in all corners of the world.

    For this, all men must give thanks. As I stand here today, how faint, how remote are the memories of 1936.How different in 1963 are the attitudes of men. We then existed in an atmosphere of suffocating pessimism. Today, cautious yet buoyant optimism is the prevailing spirit. But each one of us here knows that what has been accomplished is not enough.

    The United Nations judgments have been and continue to be subject to frustration, as individual member-states have ignored its pronouncements and disregarded its recommendations. The Organization’s sinews have been weakened, as member-states have shirked their obligations to it. The authority of the Organization has been mocked, as individual member-states have proceeded, in violation of its commands, to pursue their own aims and ends. The troubles which continue to plague us virtually all arise among member states of the Organization, but the Organization remains impotent to enforce acceptable solutions. As the maker and enforcer of the international law, what the United Nations has achieved still falls regrettably short of our goal of an international community of nations.

    This does not mean that the United Nations has failed. I have lived too long to cherish many illusions about the essential highmindedness of men when brought into stark confrontation with the issue of control over their security, and their property interests. Not even now, when so much is at hazard would many nations willingly entrust their destinies to other hands.

    Yet, this is the ultimatum presented to us: secure the conditions whereby men will entrust their security to a larger entity, or risk annihilation; persuade men that their salvation rests in the subordination of national and local interests to the interests of humanity, or endanger man’s future. These are the objectives, yesterday unobtainable, today essential, which we must labor to achieve.

    Until this is accomplished, mankind’s future remains hazardous and permanent peace a matter for speculation. There is no single magic formula, no one simple step, no words, whether written into the Organization’s Charter or into a treaty between states, which can automatically guarantee to us what we seek. Peace is a day-to-day problem, the product of a multitude of events and judgments. #Peace is not an “is”, it is a “becoming.” We cannot escape the dreadful possibility of catastrophe by miscalculation. But we can reach the right decisions on the myriad subordinate problems which each new day poses, and we can thereby make our contribution and perhaps the most that can be reasonably expected of us in 1963 to the preservation of peace. It is here that the United Nations has served us - not perfectly, but well. And in enhancing the possibilities that the Organization may serve us better, we serve and bring closer our most cherished goals.

    I would mention briefly today two particular issues which are of deep concern to all men: disarmament and the establishment of true equality among men. Disarmament has become the urgent imperative of our time. I do not say this because I equate the absence of arms to peace, or because I believe that bringing an end to the nuclear arms race automatically guarantees the peace, or because the elimination of nuclear warheads from the arsenals of the world will bring in its wake that change in attitude requisite to the peaceful settlement of disputes between nations. Disarmament is vital today, quite simply, because of the immense destructive capacity of which men dispose.

    Ethiopia supports the atmospheric nuclear test ban treaty as a step towards this goal, even though only a partial step. Nations can still perfect weapons of mass destruction by underground testing. There is no guarantee against the sudden, unannounced resumption of testing in the atmosphere.

    The real significance of the treaty is that it admits of a tacit stalemate between the nations which negotiated it, a stalemate which recognizes the blunt, unavoidable fact that none would emerge from the total destruction which would be the lot of all in a nuclear war, a stalemate which affords us and the United Nations a breathing space in which to act.

    Here is our opportunity and our challenge. If the nuclear powers are prepared to declare a truce, let us seize the moment to strengthen the institutions and procedures which will serve as the means for the pacific settlement of disputes among men. Conflicts between nations will continue to arise. The real issue is whether they are to be resolved by force, or by resort to peaceful methods and procedures, administered by impartial institutions. This very Organization itself is the greatest such institution, and it is in a more powerful United Nations that we seek, and it is here that we shall find, the assurance of a peaceful future.

    Were a real and effective disarmament achieved and the funds now spent in the arms race devoted to the amelioration of man’s state; were we to concentrate only on the peaceful uses of nuclear knowledge, how vastly and in how short a time might we change the conditions of mankind. This should be our goal.

    When we talk of the #equality of #man, we find, also, a challenge and an opportunity; a challenge to breathe new life into the ideals enshrined in the Charter, an opportunity to bring men closer to freedom and true equality. and thus, closer to a #love of #peace.

    The goal of the equality of man which we seek is the antithesis of the exploitation of one people by another with which the pages of history and in particular those written of the African and Asian continents, speak at such length. Exploitation, thus viewed, has many faces. But whatever guise it assumes, this evil is to be shunned where it does not exist and crushed where it does. It is the sacred duty of this Organization to ensure that the dream of equality is finally realized for all men to whom it is still denied, to guarantee that exploitation is not reincarnated in other forms in places whence it has already been banished.

    As a free Africa has emerged during the past decade, a fresh attack has been launched against exploitation, wherever it still exists. And in that interaction so common to history, this in turn, has stimulated and encouraged the remaining dependent peoples to renewed efforts to throw off the yoke which has oppressed them and its claim as their birthright the twin ideals of liberty and equality. This very struggle is a struggle to establish peace, and until victory is assured, that brotherhood and understanding which nourish and give life to peace can be but partial and incomplete.

    In the United States of America, the administration of President Kennedy is leading a vigorous attack to eradicate the remaining vestige of racial discrimination from this country. We know that this conflict will be won and that right will triumph. In this time of trial, these efforts should be encouraged and assisted, and we should lend our sympathy and support to the American Government today.

    Last May, in Addis Ababa, I convened a meeting of Heads of African States and Governments. In three days, the thirty-two nations represented at that Conference demonstrated to the world that when the will and the determination exist, nations and peoples of diverse backgrounds can and will work together. in unity, to the achievement of common goals and the assurance of that equality and brotherhood which we desire.

    On the question of racial discrimination, the Addis Ababa Conference taught, to those who will learn, this further lesson: That until the philosophy which holds one race superior and another inferior is finally and permanently discredited and abandoned: That until there are no longer first-class and second class citizens of any nation; That until the color of a man’s skin is of no more significance than the color of his eyes; That until the basic human rights are equally guaranteed to all without regard to race; That until that day, the dream of lasting peace and world citizenship and the rule of international morality will remain but a fleeting illusion, to be pursued but never attained; And until the ignoble and unhappy regimes that hold our brothers in Angola, in Mozambique and in South Africa in subhuman bondage have been toppled and destroyed; Until bigotry and prejudice and malicious and inhuman self-interest have been replaced by understanding and tolerance and good-will; Until all #Africans stand and speak as free beings, equal in the eyes of all men, as they are in the eyes of Heaven; Until that day, the African continent will not know peace. We Africans will fight, if necessary, and we know that we shall win, as we are confident in the victory of good over evil.

    The United Nations has done much, both directly and indirectly to speed the disappearance of discrimination and oppression from the earth. Without the opportunity to focus world opinion on Africa and Asia which this Organization provides, the goal, for many, might still lie ahead, and the struggle would have taken far longer. For this, we are truly grateful.

    But more can be done. The basis of racial discrimination and colonialism has been economic, and it is with economic weapons that these evils have been and can be overcome. In pursuance of resolutions adopted at the Addis Ababa Summit Conference, African States have undertaken certain measures in the economic field which, if adopted by all member states of the United Nations, would soon reduce intransigence to reason. I ask, today, for adherence to these measures by every nation represented here which is truly devoted to the principles enunciated in the Charter.

    I do not believe that Portugal and South Africa are prepared to commit economic or physical suicide if honorable and reasonable alternatives exist. I believe that such alternatives can be found. But I also know that unless peaceful solutions are devised, counsels of moderation and temperance will avail for naught; and another blow will have been dealt to this Organization which will hamper and weaken still further its usefulness in the struggle to ensure the victory of peace and liberty over the forces of strife and oppression. Here, then, is the opportunity presented to us. We must act while we can, while the occasion exists to exert those legitimate pressures available to us, lest time run out and resort be had to less happy means.

    Does this Organization today possess the authority and the will to act? And if it does not, are we prepared to clothe it with the power to create and enforce the rule of law? Or is the Charter a mere collection of words, without content and substance, because the essential spirit is lacking? The time in which to ponder these questions is all too short. The pages of history are full of instances in which the unwanted and the shunned nonetheless occurred because men waited to act until too late. We can brook no such delay.

    If we are to survive, this Organization must survive. To survive, it must be strengthened. Its executive must be vested with great authority. The means for the enforcement of its decisions must be fortified, and, if they do not exist, they must be devised. Procedures must be established to protect the small and the weak when threatened by the strong and the mighty. All nations which fulfill the conditions of membership must be admitted and allowed to sit in this assemblage.

    Equality of representation must be assured in each of its organs. The possibilities which exist in the United Nations to provide the medium whereby the hungry may be fed, the naked clothed, the ignorant instructed, must be seized on and exploited for the flower of peace is not sustained by poverty and want. To achieve this requires courage and confidence. The courage, I believe, we possess. The confidence must be created, and to create confidence we must act courageously.

    The great nations of the world would do well to remember that in the modern age even their own fates are not wholly in their hands. Peace demands the united efforts of us all. Who can foresee what spark might ignite the fuse? It is not only the small and the weak who must scrupulously observe their obligations to the United Nations and to each other. Unless the smaller nations are accorded their proper voice in the settlement of the world’s problems, unless the equality which Africa and Asia have struggled to attain is reflected in expanded membership in the institutions which make up the United Nations, confidence will come just that much harder. Unless the rights of the least of men are as assiduously protected as those of the greatest, the seeds of confidence will fall on barren soil.

    The stake of each one of us is identical - life or death. We all wish to live. We all seek a world in which men are freed of the burdens of ignorance, poverty, hunger and disease. And we shall all be hard-pressed to escape the deadly rain of nuclear fall-out should catastrophe overtake us.

    When I spoke at Geneva in 1936, there was no precedent for a head of state addressing the League of Nations. I am neither the first, nor will I be the last head of state to address the United Nations, but only I have addressed both the League and this Organization in this capacity. The problems which confront us today are, equally, unprecedented. They have no counterparts in human experience. Men search the pages of history for solutions, for precedents, but there are none. This, then, is the ultimate challenge. Where are we to look for our survival, for the answers to the questions which have never before been posed? We must look, first, to Almighty God, Who has raised man above the animals and endowed him with intelligence and reason. We must put our faith in Him, that He will not desert us or permit us to destroy humanity which He created in His image. And we must look into ourselves, into the depth of our souls. We must become something we have never been and for which our education and experience and environment have ill-prepared us. We must become bigger than we have been: more courageous, greater in spirit, larger in outlook. We must become members of a new race, overcoming petty prejudice, owing our ultimate allegiance not to nations but to our fellow men within the human community.

    #The_Lion_of_Judah #jah #Rastafari #War

    http://en.wikipedia.org/wiki/War_%28Bob_Marley_song%29

    http://www.youtube.com/watch?v=ZCFHYyErkA0


    #Bob_Marley #musique #audio