#hagra

  • Entretien avec #Youv. La Vie de #voyou | VICE | France,
    http://www.vice.com/fr/read/la-vie-de-voyou-933

    - J’ai cru comprendre qu’à l’avenir, tu voulais te consacrer à l’#écriture ?

    Oui, parce que j’ai grandi dans la violence, et cette violence m’a amené à faire vingt piges de placard. J’ai compris qu’en écrivant, je pouvais avoir cette même #violence, sauf que là, on m’écoute – et on m’applaudit. Mais je t’ai dit la même chose, hier ! J’ai insulté ta mère, et tu m’as mis au #mitard. Là, je le refais, mais avec des virgules et un point à la fin, et tu m’applaudis ? Alors je vais arrêter de faire le fou et de braquer... Et ils vont aller l’acheter ! Ceux qui me détestent, ils vont me donner de l’#oseille. C’est simple ! (...)

    Et je suis un miraculé. Malgré mes vingt ans de ballon j’ai encore toute ma tête. Mais sur mon affaire, on était six, et les cinq autres sont en #psychiatrie. (...)

    – J’ai l’impression qu’à l’époque de tes braquages, ta motivation première n’était pas l’appât du gain, mais plutôt une volonté de défier l’État et l’autorité.

    C’est tout à fait ça. Un procureur me l’a dit : « vous n’avez pas besoin d’argent, vous prenez 100 000 euros tous les mercredis ! » Et il avait raison, c’était pas une question d’oseille. Je suis d’une génération qui a vu la #hagra qu’ils ont faite à nos parents. Mes parents ne savaient pas lire, et c’est moi qui les accompagnais à la #CAF ou dans les administrations. Je faisais le traducteur, j’étais un peu le tampon entre eux et la société. J’entendais des trucs, style : « ces Noirs, ils sont venus pour les #allocs. » J’avais pas encore l’âge de répondre, mais je comprenais tout. Alors quand j’ai eu l’âge de tout niquer – ça a été avec grand plaisir.

    Quand je montais sur un #braquage, c’était toujours avec des mecs qui étaient là pour l’oseille. Moi, c’était par conviction. C’était une manière de défier la société. C’est pourquoi je m’attendais à une grosse peine. Quand t’es en #guerre_contre_la_société, elle est sans pitié avec toi. J’ai anticipé mes années de placard, voilà pourquoi j’ai tenu le coup. Alors que quand tu fais ça pour t’acheter un Porsche et frimer avec les meufs, tu peux pas tenir onze ans enfermé. T’as pas la mentalité pour !

    D’où vient cette mythologie du braquage, selon toi ?

    Quand tu braques des banques, tu prends l’#État à la gorge. Donc le jour où ils vont te péter, ils vont pas rigoler avec toi. Ils préfèrent que tu violes, que tu tues. Personne ne prend plus de dix ans pour un viol ! En prison, j’ai vu des violeurs de petites filles qui étaient là pour deux fois moins de temps que moi ! Ce système marche sur la tête. À la barre, je risquais 30 ans. J’ai braqué, d’accord, mais je n’ai jamais tué personne ! Braquer, c’est le summum, et moi j’y allais avec cette conscience. Même si ça avait été pour 1 000 euros, j’aurais continué à braquer. Je voulais juste monter au front et les tacler là où ça leur fait le plus mal : au porte-monnaie.