• L’intolérable du présent, l’urgence de la révolution - minorités et classes, entretien avec Maurizio Lazzarato
    https://lundi.am/L-intolerable-du-present-l-urgence-de-la-revolution-minorites-et-classes

    [Dans] son denier livre, L’intolérable du présent, l’urgence de la révolution - minorités et classes, [Maurizio Lazzarato] tente d’analyser le triptyque race-classe-genre sans le vocabulaire de la politique des identités. Tout l’enjeu, selon lui, est de parvenir à lier politique et économie, guerre et capital, production et destruction et de mieux comprendre comment l’exploitation des femmes et des colonies est le complément nécessaire de tout fonctionnement économique « normal ». Le retour du racisme et du sexisme peut alors se lire en parallèle de la crise économique qui ne nous quitte plus depuis quelques années.

    Maurizio : Depuis la crise de 2008, j’essaie de réintroduire dans le débat les concepts de guerre et de révolution. Ils ont été toujours au centre des préoccupations des révolutionnaires, alors que, depuis un certain temps, ils ont été marginalisés. Guerre et révolution sont les deux alternatives que le capitalisme pose encore et toujours, comme on est train de voir en ce moment. La guerre en Ukraine n’est pas celle d’un autocrate contre la démocratie, mais elle exprime les affrontements entre impérialismes qui surgissent à fin du cycle d’accumulation commencé au début des années 70 avec les guerres civiles en Amérique du Sud. Les premiers gouvernements néo–libéraux étaient composés des militaires et des économistes de l’école de Chicago. Nous retrouvons à la fin du cycle économique ce qu’il avait fait démarrer : la guerre entre États et les guerres de classe, de race et de sexe.

    En ce qui concerne la révolution, le plus grand problème qu’elle a rencontré à partir des années soixante, c’est la question de la multiplicité. Multiplicité des rapports de pouvoir, (capital-travail, hommes-femmes, blancs-racisé-e-s), multiplicité aussi des modes de production (capitaliste, patriarcal-hétérosexuel, racial-esclavagiste). Cette multiplicité n’a pas émergé en 68, elle existe depuis la conquête des Amériques qui commence en 1492, mais c’est seulement au XXe siècle que la subjectivisation politique des mouvements des colonisés et des femmes a affirmé son autonomie du mouvement ouvrier.

    Cette multiplicité a été au centre des théories critiques des années soixante et soixante-dix (les minorités chez Deleuze et Guattari, ou bien chez Foucault la population et l’individu, ou encore chez Negri la multitude comme multiplicité des singularités,) mais au prix de ce que j’appelle un refoulement du concept de classe.

    Le féminisme matérialiste français, à contre-courant de cette pensée des années soixante-dix, pense le rapport de domination des hommes sur les femmes comme rapport de classe, comme « rapports sociaux de sexe ». Ce rapport de domination ne profite pas seulement au capital, mais également aux hommes en tant que classe. De la même manière, le rapport de domination raciste ne profite pas seulement au capital, mais également aux blancs en tant que classe.

    Je crois que la « révolution mondiale » qui était devenue possible au XXe siècle (le mot d’ordre de Marx « prolétaires de tous les pays unissez-vous ! » ne concernait que quelques pays européens) a échoué parce qu’on n’a pas été capable de penser et d’organiser le passage de la lutte de classe (capital-travail) aux luttes des classes au pluriel.

    Il faut dire tout de suite que le refoulement des luttes de classe implique le refoulement de la guerre, car elles ne sont qu’une de ses modalités. La guerre entre États et les guerres de classe, de race et de sexe, ont toujours accompagné le développement du capital parce que, à partir de l’accumulation primitive, elles sont les conditions de son existence. La formation des classes (des ouvriers, des esclaves et des colonisés, des femmes) implique une violence extra-économique qui fonde la domination et une violence qui la conserve, stabilisant et reproduisant les rapports entre vainqueurs et vaincus. Il n’y a pas de capital sans guerres de classe, de race et de sexe et sans État qui a la force et les moyens de les mener ! La guerre et les guerres ne sont pas des réalités externes, mais constitutives du rapport de capital, même si nous l’avons oublié. Le capitalisme est production et guerre, accumulation et luttes de classe. Donc il ne faut pas abandonner le concept de classe, mais le reconfigurer.

    H : Quelle différence y a-t-il avec le concept marxiste de la classe ?

    M : Comme dit Fanon, il ne s’agit pas seulement de “distendre” le concept. L’élargissement du concept de classe mine son homogénéité, parce que les classes sont elles-mêmes constituées de multiplicités (des minorités) : la classe ouvrière contient des minorités raciales et sexuelles, la classe des femmes contient à son tour des femmmes riches et pauvres, blanches, noires, indigènes, hétérosexuelles, lesbiennes, etc. A cause de cette multiplicité, le sujet politique n’est pas donné préalablement comme avec la classe ouvrière, mais il est un sujet “imprévu”, dans le sens qu’il faut l’inventer et le construire. Il ne préexiste pas à son action.
    Ce concept de classe permet aussi de critiquer les politiques de l’identité, où les différents mouvements politiques sont toujours prêts à tomber : la classe des femmes, comme la classe ouvrière chez Marx, reussit sa révolution seulement si elle aboutit à sa propre abolition et avec elle l’abolition de l’assujettissement “femme”.

    [...]

    À partir des limites du concept de travail abstrait, on peut tirer plusieurs fils. D’abord un fil politique. Le XXe siècle est celui des révolutions, il n’y jamais eu autant de révolutions concentrées dans un temps si court dans l’histoire de l’humanité. Or, les ruptures les plus importantes ont été pratiquées par les colonisées et les femmes, c’est-à-dire par des sujets qui fournissaient du travail gratuit, du travail dévalorisé, du travail très mal payé. Les salariés, incarnation du travail abstrait, n’étaient pas au centre de ces révolutions. Les marxistes définissent le travail gratuit ou sous payé comme « non libre », comme « improductif », à la différence du travail industriel. Par conséquent, ce travail serait à négliger du point de vue révolutionnaire, car sans lien avec la « production ». Tout au contraire l’importance politique de ce travail s’avère énorme. Pendant tout le XXe siècle, il va mener à bien ses révolutions, tandis que, après 68, les innovations théoriques les plus significatives seront développées par les différents mouvements féministes.

    #Maurizio_Lazzarato #entretien #théorie #livre #classe #travail_abstrait #exploitation #classes #lutte_de_classe #capitalisme #guerre #révolution #racisme #race #colonisés #sexisme #rapports_sociaux_de_sexe #féminisme #colonialité #identités #politiques_de_l’identité #Combahee_River_Collective #Anibal_Quijano

    • cela me semble être un livre politique d’importance (lecture en cours),

      La remontée du racisme et du sexisme en France est moins liée à la question de la laïcité qu’au contrôle de cette colonisation interne. Le racisme et le sexisme reproduisent la violence sans médiation avec laquelle on a toujours contrôlé le travail gratuit, sous payé, précaire et les subjectivités soumises. Les démocraties européennes qui voilaient leur violence sans médiation parce qu’elle s’exerçait loin, au-delà de la mer et des océans, ressemblent de plus en plus aux USA dont la constitution matérielle coïncide avec la « colonisation interne » (l’esclavage des noirs après avoir éliminé les natifs). La démocratie la plus politique (selon H. Arendt) est la plus violemment raciste et génocidaire que l’histoire ait connu. Pour la même raison Israël a une fonction centrale dans la mondialisation : il constitue l’image parfaite de la colonisation interne qui ne cesse de déborder vers l’apartheid.

      #Hannah_Arendt (qui prend très cher, citations à l’appui)
      #Mario_Tronti #Karl_Marx

      #toctoc

    • (...) le capital, contrairement à ce que pensent beaucoup des marxistes est inséparable de l’État (et de la guerre). Le capitalisme est une machine à deux tètes, Capital et État, économie et politique, production et guerre qui, depuis la formation du marché mondial, agissent de concert. L’alliance Capital/État va progressivement s’intégrer, avec une accélération à partir de la Première Guerre mondiale, en produisant une bureaucratie administrative, militaire, politique qui ne se distingue en rien des capitalistes. Bureaucrates et capitalistes, en occupant des fonctions différentes à l’intérieur de la même machine politico-économique, constituent la subjectivation qui instaure et régule le rapport entre guerre de conquête et production, colonisation et ordre juridique, organisation scientifique du travail (abstrait) et pillage des natures humaines et non humaines. Le capitalisme a été toujours politique, mais pour des raisons différentes de celles avancées par Max Weber qui pointe l’imbrication des structures bureaucratiques et capitalistes. Le capitalisme a toujours été politique puisque, pour l’appréhension de sa constitution, il ne faut pas partir de la production économique mais de la distribution violente du pouvoir départageant qui commande et qui obéit. L’appropriation violente des corps des ouvriers, des femmes, des esclaves, des colonisés s’accompagne d’une société normative où l’État administratif et l’État souverain s’intègrent à l’action du Capital. La politique, l’État, l’armée, la bureaucratie administrative sont, depuis toujours, une partie constitutive du capitalisme.

      #Capital #État #guerre

    • Le changement fondamental du capitalisme au XXe siècle n’a pas été la crise financière de 1929, mais la Première Guerre mondiale (1914). La destruction est une condition du développement capitaliste (Schumpeter l’appelle « destruction créative »[créatrice, ndc]) qui, avec la « grande guerre » de relative devient absolue. La guerre de 1914 introduit une grande nouveauté : l’intégration de l’État, de l’économie des monopoles, de la guerre, du travail, de la société, de la science et de la technique dans une méga machine de production pour la guerre, une « mobilisation totale » pour la « production totale » finalisée à la destruction.
      Ernst Jünger dit dans La mobilisation totale, en 1930, que la guerre ressemble moins à un combat qu’à un énorme processus de travail. On crée, à côté des armées qui se battent au front, l’armée des communications, des transports, de la logistique, l’armée du travail, de la science et de la technique etc., pour envoyer 24h sur 24h le produit de cette mega-production, au front qui constitue le marché, lui aussi mécanisé et automatisé, où tout se consomme (se détruit)

      H : La guerre totale en est l’expression.

      M : Totale veut dire que c’est la totalité de la société qui est impliquée dans la production. La subordination de la société à la production n’a pas eu lieu dans les années 50 et 60, mais pendant la Grande Guerre. Ce que Marx appelle General Intellect naît à ce moment et il est marqué, et il le sera toujours, par la guerre.
      La « mobilisation » totale détermine un grand saut dans la production et dans la productivité, mais production et productivité sont pour la destruction. Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme la production est « sociale », mais elle est identique à la destruction. L’augmentation de la production est finalisée à une augmentation de la capacité de détruire.

  • https://www.youtube.com/watch?v=CrstZXEHW2M

    – Jean-Luc Mélenchon, quelle sera la place du handicap dans votre politique et votre gouvernement ?
    – Celle qu’il se donnera à lui-même. Si les citoyens ne font rien, ils n’auront rien.

    Mais alors, pourquoi voter pour un candidat qui prévient d’emblée que lui ne ferait rien un fois élu si on ne l’y contraignait pas par la suite ?

    Il se rend compte de la brutalité désastreuse de sa réponse mais scie un peu plus la branche sur laquelle il se trouve en essayant de s’y raccrocher : en substance, les personnes dominées n’ont pour seule alternative que la soumission ou la lutte à mort. Alors c’est entendu, « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et il n’y a jamais eu de conquêtes sociales sans un mouvement social qui pousse au cul ses soit-disant représentants, mais en l’occurrence, de la part d’un candidat à la présidence, c’est bien l’aveu d’un je m’en foutisme complet. Il dit d’ailleurs explicitement qu’il ne décidera rien de lui-même à ce sujet, qu’il aura autre chose à faire, mais en profite quand même pour glisser par exemple une opinion parfaitement réactionnaire à propos de la langue des signes.

    La vidéo complète (24 mn) : https://www.youtube.com/watch?v=f1elsKobC58

    En fait on se demande ce qu’il est venu faire là, sinon pour discréditer son propre programme pourtant mille fois plus intéressant sur la question que ce qu’il en dit et dont le fond aurait paru bien plus cohérent et crédible s’il avait été présenté par une personne concernée, et l’entorse au dispositif médiatique de présidentialisation d’autant plus symbolique.

    https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/handicap

    Le vrai-faux verbatim de l’entretien est d’ailleurs passé au crible des conseillers idoines sur le site :
    https://informations.handicap.fr/a-jean-luc-melenchon-lfi-quelle-place-pour-handicap-32555.php

    La réponse y est amendée au point où on passerait presque de l’auto-émancipation à l’assistanat :

    « Celle qu’il se donnera à lui-même. Si les citoyens ne font rien, ils n’auront rien. Mais une mesure s’impose particulièrement : la création d’un véritable service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap, avec un nouveau corps de fonctionnaires et un service de 24h pour un temps plein. »

    C’est peu dire que les grands écarts perpétuels de ce machin qui se tire sans cesse des balles dans le pied laissent perplexe...

    #handicap #LFI #Mélenchon

  • Handicap à vendre
    Thibault Petit
    sortie #livre du jour

    Plus de 120 000 Français travaillent sans dépendre du Code du travail.
    Ils sont payés à la moitié du SMIC.
    Qui s’en soucie ?

    « Connaît-on les travailleurs handicapés ? Les écoute-t-on ? Leur donne-t-on la parole ? Le #handicap, c’est comme le chou de Bruxelles, on n’aime pas trop, mais on en prend de temps en temps pour se donner bonne conscience. À la télévision, on en parle trois fois par an, à l’occasion de la semaine européenne, de la journée mondiale ou de la revalorisation de l’Allocation adulte handicapé : + 0,3 % en 2020 ! Mais l’homme, la femme, qui trime pour la moitié d’un SMIC, on ne le voit pas, jamais. Un handicapé, ça pue, ça bégaye, c’est moche, pas soigné, pas télégénique, ça s’exprime mal ou trop lentement. On trouve quelqu’un pour parler à sa place, un spécialiste, un responsable, un porte-parole, un tuteur, un gestionnaire qui chante l’inclusion en costard-cravate en disant qu’un handicapé, ce n’est pas tout à fait ce qu’on croit, c’est capable de bosser aussi durement que vous et moi. »

    #discrimination #exclusion #travail #exploitation

  • Le Bouffon au service de l’extrême droite !

    53 % du temps d’antenne politique de l’émission de Cyril Hanouna est consacré aux idées nationalistes et identitaires.
    https://www.humanite.fr/politique/cyril-hanouna/medias-cyril-hanouna-le-bouffon-au-service-de-lextreme-droite-736498

    Qu’on le veuille ou non, la présidentielle passe aussi par les plateaux de l’animateur star de C8. Claire Sécail étudie les contenus politiques de Touche pas à mon poste depuis la rentrée. Verdict : l’extrême droite y est comme à la maison.

    De son propre aveu, il s’est « fait manœuvrer ». Jean-Luc Mélenchon et ses équipes ont en travers de la gorge le passage du candidat FI chez Cyril Hanouna dans Face à Baba , le 27 janvier. Ils crient au traquenard, à cause entre autres d’un face-à-face avec Éric Zemmour taillé pour le polémiste, qui a duré une heure dix au lieu des vingt minutes prévues.

    Surprenant, sur la chaîne de #Vincent-Bolloré ? Pas vraiment, répond Claire Sécail. La chercheuse au CNRS scrute et répertorie les contenus des émissions de Cyril Hanouna depuis le mois d’août, et notamment le temps d’antenne consacré aux questions politiques (17 % en moyenne).

    Avec environ 1,5 million de téléspectateurs quotidiens, Touche pas à mon poste ( TPMP ) a bien grandi depuis sa création en 2010, où il occupait une obscure case horaire sur France 4. Douze ans plus tard, TPMP est devenu un espace fréquenté de la bataille culturelle, qui se décline avec les autres shows de Cyril Hanouna : l’hebdo Balance ton post et le plus événementiel Face à Baba .

    Or, selon l’universitaire, ces émissions, sous couvert d’un esprit cool, pluraliste et détendu revendiqué par l’animateur, déroulent le tapis rouge aux idées nationalistes et identitaires.

    D’après vos résultats, est-ce qu’on peut conclure que l’#extrême-droite joue « à domicile » chez #Hanouna, comme semble s’en rendre compte, un peu tard, la France insoumise ?

    53 % du temps d’antenne politique de TPMP est consacré à l’extrême droite. Je dis ça, mais il faut noter que sur C8, comme sur #CNews, on ne présente jamais les invités comme d’extrême droite, ce qui contribue à banaliser leurs idées. Éric Zemmour a la meilleure part. C’est autour de lui que se construisent les contenus, les débats, comme a pu l’apprendre à ses dépens Jean-Luc Mélenchon dans Face à Baba . Cela démontre d’ailleurs qu’il y a une #stratégie-idéologique au sein du #groupe-Bolloré dans son ensemble, et non pas seulement sur CNews. Non pas que Cyril Hanouna soit d’accord avec Éric Zemmour. Mais il est le loyal entrepreneur des idées de Vincent Bolloré, qui lui a signé un contrat à 250 millions d’euros sur cinq ans. Hanouna a par ailleurs de bonnes relations avec les insoumis, mais ils ne lui servent qu’à être des contradicteurs idéaux face à la parole d’extrême droite qui, elle, cadre le débat, dans la logique du clash. Cela permet ainsi de faire croire à un #pseudo-pluralisme.

  • Avec les fanzouzes dans la file d’attente de Face à Baba | la revue des médias
    http://larevuedesmedias.ina.fr/cyril-hanouna-fanzouzes-role-politique-presidentielle-face-baba

    Si les téléspectateurs ont l’impression que Cyril Hanouna rend accessible la politique, c’est avant tout grâce au côté psychologisant de l’émission. « Toutes les questions sont liées à la personnalité de l’invité. Il y a du répondant, bien sûr, mais d’un point de vue émotionnel. Les chroniqueurs disent « je suis choqué que vous ayez tenu ces propos » mais leurs arguments ne sont ni techniques, ni politiques », détaille Claire Sécail. Et le public se familiarise avec l’idée qu’un échange politique puisse se jouer sur un mode conversationnel. « En réalité, Hanouna fait du para-politique. Il veut donner les clés non pas d’un débat d’idées mais d’un casting », explique la chercheuse.

    #Télévision #Hanouna #Politique #TalkShow #EMI

  • La Barbie Frida Kahlo a un message pour vous
    https://dieses.fr/la-barbie-frida-kahlo-a-un-message-pour-vous

    « Si une femme avec mono-sourcil et duvet épais défie l’idéal normé de féminité, une femme handicapée est, elle, tout simplement écartée des champs de la séduction et de la féminité. »

    Dans un article de Cámara cívica consacré à la peintre mexicaine #Frida-Kahlo, Mercedes Serrato note que l’histoire (sic) a occulté le #handicap de l’artiste. Pour illustrer ce propos, elle cite un extrait de la description que fait Mattel de la #poupée Frida :

    Avec sa palette vibrante et son mélange de réalisme et de fantaisie, elle a abordé des sujets importants comme l’identité, la classe sociale et la race, faisant entendre sa voix et celle des filles et des femmes.

    Le capitalisme, enclin à tout absorber, s’est aussi lancé sur le marché des minorisé·e·s, ce qui le met en conflit avec les images et modèles dominants.

    Avec la Barbie Frida, Mattel semble avoir résolu cette tension en rapprochant le plus possible la poupée des canons de beauté occidentaux. La Barbie Frida a ainsi été légèrement déracisée : ses yeux et sa peau sont plus clairs que ceux de l’artiste. L’entreprise a également tenté de rapprocher la poupée de l’idéal normé de féminité en effaçant le duvet sus-labial et le mono-sourcil de Frida Kahlo mais ils ont surtout choisi, en effet, de ne pas rendre visible son handicap.

    #validisme

  • Les handicapés vous disent merde | Stéphane Deschamps
    https://nota-bene.org/Les-handicapes-vous-disent-merde

    D’après Laurence Garnier, députée LR, « votre position [sur l’écriture épicène] n’effacera pas les souffrances de certains parcours de vie. En revanche, elle va compliquer l’accès à la lecture pour des personnes en situation de handicap […]. » Ce qui me chagrine dans tout ça, c’est le handicap qu’on sort commodément du chapeau. Ce même appareil législatif a trouvé tout à fait normal, lors du vote de la loi ÉLAN, de ne pas rendre tout nouvel habitat accessible… Source : nota-bene.org

  • La voix des bègues
    https://metropolitiques.eu/La-voix-des-begues.html

    Réunies dans des groupes de self-help, les personnes bègues peuvent parler entre elles, loin de la stigmatisation habituelle. La non-mixité favorise une mise à distance des normes du bien parler, mais elle n’annule pas les inégalités langagières entre personnes bègues. Dossier : Espaces non mixtes : l’entre-soi contre les inégalités ? Dès le début du XXᵉ siècle, des mouvements de patient·e·s ont remis en cause le contrôle social exercé par l’institution médicale (Barbot 2002 ; Pinell et Broqua 2002). Nés aux #Essais

    / non-mixité, #handicap, santé, #stigmate, #langage

    #non-mixité #santé
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_bourguignon.pdf

  • Lecture audio
    Alors, on te voit plus aux soirées ? Pour une santé communautaire.
    + ajout d’un commentaire personnel à la fin de la lecture, en espérant ne pas trahir la parole de Toma
    https://archive.org/details/sante-communautaire

    Lettre ouverte de Toma par temps de pandémie.
    « A tou-te-s les camarades insouciant-e-s qui se demandent pourquoi je n’agis plus avec elleux. »

    Publiée sur Paris-Lutte info le 3 janvier 2022
    https://paris-luttes.info/alors-on-te-voit-plus-aux-soirees-15592
    seenthisé par @tintin : https://seenthis.net/messages/942233
    /.../
    photo d’illustration : @val_k
    Sur la route de ma seule rencontre militante de 2021 où un protocole sanitaire avait été un tant soit peu prévu - Nantes, octobre 2021.

    #audio/opensource_audio #covid | #handicap | #auto-organisation | #coronavirus | #sante | #soin | #care | #sante-communautaire | #auto-defense-sanitaire

  • Le #handicap et ses discriminations
    https://laviedesidees.fr/Le-handicap-et-ses-discriminations.html

    En 2020, pour la quatrième année consécutive, le handicap est le motif de #discrimination pour lequel le Défenseur des droits est le plus souvent saisi, avec plus de 20 % des dossiers. Chiffre qui reflète l’ampleur des traitements défavorables envers les personnes handicapées en France.

    #Société #reconnaissance #droits_civiques

  • La marionnette géante Amal, symbole des enfants réfugiés, arrive à Paris
    https://www.rfi.fr/fr/culture/20211014-la-marionnette-g%C3%A9ante-amal-symbole-des-enfants-r%C3%A9fugi%C3%A9s-

    Elle fait 3,5 mètres de haut et parcourt 8 000 km et 8 pays - de la Turquie jusqu’en Angleterre - à travers un festival itinérant baptisé « The Walk » (« La Marche »). Amal (espoir en arabe), une marionnette géante qui représente une petite fille syrienne, est le symbole de tous les enfants réfugiés dans le monde. Née au cœur de la « jungle » de Calais, le camp de migrants au nord de la France, à partir d’une pièce de théâtre en 2015, Amal débarque ces jours-ci à Paris et en Seine-Saint-Denis.

    Où qu’elle pose le pied, c’est le même accueil : « C’est la petite Amal ! - Amal, Amal, Amal... » Des yeux pétillants d’enfants et des visages émus de parents. D’où vient-elle ? « Je ne sais pas, mais ma maîtresse a dit qu’elle a fait le tour du monde. »

    Sa mission : sensibiliser l’Europe sur le sort des enfants migrants. « Elle cherche sa mère, répondent les enfants d’une seule voix. Elle est déjà allée en Turquie, Grèce, Italie, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique et là elle est en France. »

    Calais : la marionnette Amal, symbole des exilés, marchera au Fort-Nieulay ce dimanche

    Petite Amal, marionnette géante aux traits d’une enfant syrienne, est le symbole de l’exil des migrants à travers le monde. Dimanche après-midi, elle sera au Fort-Nieulay pour sensibiliser sur la crise de l’accueil des réfugiés. Un thème à la résonance forte à Calais et qui donne toujours lieu à des crispations. [...]

    À Calais, ville symbole de la crise migratoire où 1 500 migrants errent au gré des destructions de camps dans l’attente de rejoindre l’Angleterre, ce ne sera pas le cas. La maire (LR) ne souhaite pas entendre parler d’Amal et du message qu’elle porte. L’élue a refusé au Good Chance Theatre

    https://www.lavoixdunord.fr/1085050/article/2021-10-15/calais-la-marionnette-amal-symbole-des-exiles-marchera-au-fort-nieulay-

    • #Petite_Amal | #Marche en soutient des #réfugiés de la Turquie au Royaume-Uni

      Petite #Amal est la #marionnette géante au cœur de #La_Marche qui entame un voyage de 8,000 km pour soutenir les réfugiés. En 2021, la #marionnette_géante d’une jeune réfugiée syrienne va traverser la Turquie, la Grèce, l’Italie, la France, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni à pied pour mettre en lumière le sort des jeunes réfugiés dans le monde. Du haut de ses 3,5 mètres, ‘Petite Amal’ n’est pas si petite que ça. Pour en apprendre plus sur son fonctionnement, consultez la page de #Handspring_Puppet_Company.

      L’histoire de la Petite Amal débute dans la pièce de théâtre primée The Jungle. Cette production Good Chance s’inspire de véritables histoires, que les fondateurs Joe Murphy et Joe Robertson, ont entendu alors qu’ils ont implanté leur premier dôme-théâtre dans la jungle de Calais en 2015. La Petite Amal est un des personnages de The Jungle. Elle représente les centaines de mineurs non-accompagnés à Calais. Suite au succès de la pièce, qui a contribué à un dialogue mondial autour de la crise d’accueil des réfugiés, l’équipe de Good Chance a senti que le Petite Amal avait encore beaucoup à dire.

      A présent, l’histoire de la Petite Amal s’est transformée en voyage épique : son personnage prend la forme d’une marionnette géante extraordinaire, fabriquée par les créateurs de War Horse Handspring Puppet Company. Au cours de son voyage depuis Gaziantep, près de la frontière turco-syrienne, à Manchester au Royaume-Uni, la Petite Amal va mettre en lumière les histoires des millions de personnes déplacés, y compris des mineurs isolés qui sont contraints d’entreprendre des voyages dangereux dans l’espoir d’une vie meilleure.
      Petite Amal va voyager 8,000 km pour mettre en lumière la crise d’accueil des réfugiés.

      La Marche est à la fois un festival international d’art et une véritable épreuve d’endurance. La Petite Amal, une marionnette de 3.5 mètres, de haut, traversera l’Europe à pied pour rappeler le sort des millions d’enfants et de jeunes déracinés. Elle voyagera à travers 8 pays, accueillie lors de centaines d’événements culturels dans les villes et villages tout au long de son parcours. L’ampleur de ce défi a déjà inspiré de nombreux partenaires. Elle marchera pour les enfants – certains isolés et séparés de leur familles, contraints d’entreprendre de dangereux périples. Elle marchera pour qu’on ne les oublie pas.

      “Alors que les débats publics se polarisent et que les voies légales d’accès vers l’Europe se ferment, l’art a un rôle essentiel à jouer : changer le regard sur la migration et rassembler les gens. Nous espérons que La Marche mettra en exergue les routes migratoires que les réfugiés sont contraints d’emprunter et qu’elle renforcera le mouvement de soutien pour des voies légales d’accès plus sûres.”

      https://asile.ch/2021/08/12/petite-amal-une-petite-fille-qui-fait-un-grand-voyage

      #solidarité

  • Stupeurs et embrouilles à l’assemblée : le (non) vote sur l’ AAH - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=bxzwK1XvXjE

    Attention, le débat au Sénat a lieu aujourd’hui (oui, je suis tellement à la bourre que ma vidéo tournée hier arrive sur youtube seulement maintenant). Donc quand hier je disais « demain », je parlais d’aujourd’hui...c’est clair non ?
    Résumé de l’épisode précédent : En juin dernier, les députés devaient se prononcer pour ou contre la déconjugalisation de l’AAH : mais ce vote n’aura jamais lieu...tatatiiin...
    Donc plongez dans l’univers impitoyable des députés l’assemblée, et découvrez par quelles armes fatales, un/une ministre peut leur couper la parole (et les jambes pour tirer des buts) : réserve de vote, vote bloqué...tous les coups sont permis.

    Pour être honnête, il m’a fallu beaucoup beaucoup de temps pour faire cette vidéo (regarder 4h30 de débats, poser des question, tourner et monter sans être Steven Spielberg) : puisse-t-elle vous être utile dans votre compréhension de notre fonctionnement démocratique.
    Bises

    (je remets ici puisque bloquée sur le seen initial)

    #aah #handicap #autonomie #EM #LREM #démocratie_mon_cul

  • Allocation aux adultes handicapés (AAH) : Stop à la dépendance financière dans le couple

    Le 16 septembre, des rassemblements auront lieu dans toute la France pour dire STOP À LA DÉPENDANCE FINANCIÈRE des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

    A Paris : place de la République à 14h30

    Partout en France : Voir la liste des rassemblements prévus

    Aujourd’hui, le montant de l’AAH est calculé en fonction des ressources du couple… Ainsi, 270 000 personnes en situation de handicap en couple perçoivent une AAH réduite ou en sont privées.

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/09/14/allocation-aux-adultes-handicapes-aah-stop-a-la-dependa

    #politique #handicap

  • Rosa Luxemburg’s Berlin - EXBERLINER.com
    https://www.exberliner.com/features/history/rosa-luxemburg-s-berlin/#page=1


    Da hat der Exberliner gute Arbeit gemacht. Inhaltlich und persönlich kommt man Rosa Luxemburg durch seinen Artikel nicht näher, aber die Topgraphie und Zeitablauf sind gut beschrieben. Und dann könnte man kritisieren, dass der eine wunderbare Openstreetmap-Karte enthält, die Links zu den einzelnen Stationen aber zu Google Maps führen? WIeso? Was soll ser Scheiß? Bekommt der Exberliner dafür etwa Geld?

    “Berlin has made the most unfavourable impression on me.” It is 1898 and Rosa Luxemburg has just arrived in the capital of the German Empire. She describes it in a letter as: “cold, tasteless, massive – a real barracks; and the dear Prussians with their arrogance, as though every one of them had swallowed the cane with which one had once been beaten...” Fair to say it isn’t love at first sight, but Luxemburg stays here until the bitter end.

    Für unsere Stadtführung von Bedeutung sind ihre

    Wohnungen, zunächst in Berlin
    #Cuxhavener_Straße 2, im #Hansaviertel am Rande des Tiergartens nahe den Stadtbahn-Bahnhöfen #Bellevue und #Tiergarten

    ab 16. August 1899
    #Wilhelm-Hauff-Straße 41 (R.L. schreibt Hauffstr.41 ) in #Friedenau

    24. Oktober 1899
    #Wielandstraße 23, 2. Stockwerk, Balkon

    August 1902 bis 1911
    #Cranachstraße 53 oder 58, 2. Stockwerk
    http://www.friedenau-aktuell.de/stra%C3%9Fen-pl%C3%A4tze/cranachstra%C3%9Fe nennt die Hausnummer 53, das Eckhaus an der Beckerstraße, andere Quellen sprechen von der Hausnummer 58

    ab 1911
    #Biberacher_Weg (vor 1878 bis 1960 #Lindenstraße) 2 in #Südende – 5 Zimmer, Küche, Haushälterin Gertrud Zlottko und Katze

    Der Exberliner erwähnt noch das Frauengefängnis #Barnimstraße 10 (www.barnimstrasse.de) in #Friedrichshain welches RL ab dem 18.2.1915 ein Jahr lang „bewohnt“. Das Urteil lautet auf 14 Monate für „Aufforderung zum Ungehorsam gegen Gesetze und Anordnungen der Obrigkeit“ wegen ihrer Frankfurter Rede vom 26. September 1913, die später unter dem Titel Militarismus, Krieg und Arbeiterklasse gedruckt wird. Nach drei Monaten in Freiheit beginnt im Juli 1916 ihre „Sicherungsverwahrung“ aufgrund einer Verurteilung nach dem Schutzhaft-Gesetz. Erst am 9.11.1918 kommt sie in Breslau aus dem Gefängnis frei und erreicht einen Tag später Berlin.

    https://www.openstreetmap.org/node/6982962072
    Sie arbeitet und schläft in der Druckerei der Zeitung Rote Fahne #Königgrätzer_Straße Ecke #Möckernstraße. Dieses Gebäude wurde durch die alliierten Bombenangriffe im Frühjahr 1945 zerstört.

    Am 11.1.1919 findet sie bei Dr. Alfred Bernstein in der #Blücherstraße 13 in #Kreuzberg Zuflucht.

    Am 12.1.1919 begibt sie sich gemeinsam mit Karl Liebknecht in ein Versteck in #Neukölln und später nach #Wilmersdorf in die #Mannheimer_Straße 43. Die Wikipedia spricht von einer Wohnung Mannheimer Straße 27 . Dort werden beide denunziert, am 15.1.1919 von Paramilitärs verhaftet.

    https://www.openstreetmap.org/way/564397058
    https://de.wikipedia.org/wiki/N%C3%BCrnberger_Stra%C3%9Fe_(Berlin)#Eden-Hotel
    Sie werden in das Eden-Hotel an der Kreuzung #Budapester_Straße / #Kurfürstenstraße / #Nürnberger_Straße gebracht, gefoltert und ermordet.
    Budapester Straße 35, bis 21.4.1925 Kurfürstendamm 246/247
    https://www.openstreetmap.org/way/25539413

    Rosa Luxemburgs Leiche wird gegen Mitternacht in den #Landwehrkanal in der Nähe der heutigen #Lichtensteinbrücke und des #Rosa-Luxemburg-Steg geworfen.
    https://www.openstreetmap.org/way/579947221#map=19/52.50909/13.34315
    Karl Liebknecht wird als „unbekannter Toter“ den Behörden übergeben.

    #Berlin #Geschichte #Politik #Revolution #Kommunismus #Stadtführungen

  • The first ever Paralympics video game | GamesIndustry.biz
    https://www.gamesindustry.biz/articles/2021-09-06-the-first-ever-paralympics-video-game

    What you may be less aware of is the officially licensed Paralympics game, The Pegasus Dream Tour, which launched back in June and hosted its own in-game concert as a closing ceremony over the weekend.

    […]

    “According to the International Paralympic Committee, about 15% of the world’s population — or 1.2 billion people — are considered to have disabilities. With diversity and inclusion becoming the norm in the world of movies and TV dramas, we believe that diversity in the representation of avatars, the player’s alter ego, is equally necessary in games. We hope that this game will serve as a springboard point and help encourage the games industry to consider this level of inclusivity during their own game development.”

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #handicap #olympiades #jeux_olympiques #jeux_paralympiques #accessibilité #sega #sonic #mario #the_pegasus_dream_tour #jp_games #can_i_play_that #taeko_yoshimoto #

  • Thunderhead / She Walks | The Hangmen
    https://thehangmen.bandcamp.com/album/thunderhead-she-walks

    The Hangmen raid the vault and release cover of Gun Club’s “Thunderhead” and previously unreleased studio version of “She Walks”.

    “My love Jefferey Lee Pierce and Gun Club started with Fire Of Love which completely turned my world upside down. It was everything I thought music should be. It was frightening, dark and dangerous yet I felt comforted by it. Like I had found “My“ music. I couldn’t get enough.” Bryan Small, The #Hangmen

    https://acetate.com/videos

  • Hanns Heinz Ewers - Mein Begräbnis und andere seltsame Geschichten
    https://www.projekt-gutenberg.org/ewers/begraebn/chap003.html

    1905 - Die Tomatensauce

    Das erste Mal: vor fünf Wochen bei der Corrida, als der schwarze Stier von Miura den kleinen Quinito durch den Arm stieß – –

    Und wieder am nächsten Sonntage und am folgenden – – bei jedem Stierkampfe traf ich ihn. Ich saß vorne, unten In der ersten Reihe, um Aufnahmen zu machen; sein Abonnementsplatz war neben dem meinen. Ein kleiner Mann, in rundem Hütchen und schwarzem englischen Pfaffenrock. Blaß, bartlos, eine goldene Brille auf der Nase. Und noch etwas ihm fehlten die Augenwimpern.

    Gleich wurde ich aufmerksam auf ihn. Als der erste Stier den braunen Klepper auf die Hörner nahm und der lange Picador schwerfällig herabfiel. Als die Schindmähre mühsam vom Boden aufsprang, davontrabte mit aufgerissenem Leibe, hineintrat, mit den Beinen sich verwickelte in die eigenen blutigen Eingeweide, die lang herunterhingen und über den Sand schleiften. Da hörte ich neben mir einen leichten Seufzer – so einen Seufzer – – der Befriedigung.

    Wir saßen den Nachmittag zusammen, sprachen aber kein Wort. Das hübsche Spiel der Banderilleros interessierte ihn wenig. Aber wenn der Espada seine Klinge dem Stier in den Nacken stieß, daß der Griff wie ein Kreuz sich über den mächtigen Hörnern erhob, dann griff er mit den Händen nach der Rampe, bog sich weit hinüber. Und die Garocha – das war ihm die Hauptsache. Wenn das Blut in armdickem Strahle aus der Brust des Gaules herausspritzte, oder wenn ein Chulo dem tödlich verwundeten Tiere mit dem kurzen Dolche den Gnadenstoß in das Hirn gab, wenn der rasende Stier die Pferdekadaver in der Arena zerfetzte, mit den Hörnern in den Leibern herumwühlte – – – dann rieb sich dieser Mann leise die Hände.

    Einmal fragte ich ihn:

    »Sie sind ein warmer Anhänger des Stierkampfes – – ein Afficonada?«

    Er nickte, aber sprach kein Wort; er wollte im Schauen nicht gestört sein.

    – – – Granada ist nicht so groß, so erfuhr ich bald seinen Namen. Er war der Geistliche der kleinen englischen Kolonie; seine Landsleute nannten ihn stets den »Popen«. Man nahm ihn augenblicklich nicht für voll, niemand verkehrte mit ihm.

    An einem Mittwoch besuchte ich den Hahnenkampf. Ein kleines Amphitheater, kreisrund, mit aufsteigenden Bänken. In der Mitte die Arena, gerade unter dem Oberlicht. Pöbelgeruch. Kreischen und Speien – – – es gehört ein Entschluß dazu, da hineinzugehen. Zwei Hähne werden hineingebracht, sie sehen aus wie Hühner, da man Kamm und Schwanzfedern ihnen abgeschnitten. Sie werden gewogen, dann aus den Käfigen genommen. Und sie fahren aufeinander los, ohne Besinnen. Die Federn stäuben umher: immer wieder fliegen die beiden Tiere aufeinander, zerfleischen sich mit den Schnäbeln und Sporen – – ohne einen Laut. Nur das Menschenvieh ringsumher johlt und schreit, wettet und lärmt. Ah, der Gelbe hat dem Weißen ein Auge ausgehackt, pickt es vom Boden auf und frißt es! Die Köpfe und Hälse der Tiere, längst zerpflückt, wiegen sich wie rote Schlangen auf den Leibern. Keinen Augenblick lassen sie voneinander, purpurn färben sich die Federn; kaum erkennt man die Formen mehr, wie zwei blutige Klumpen zerhacken sich die Vögel. Der Gelbe hat beide Augen verloren, er hackt blind in der Luft herum und in jeder Sekunde fährt der Schnabel des andern scharf auf seinen Kopf. Endlich sinkt er um; ohne Widerstand, ohne einen Schmerzensschrei erlaubt er dem Feinde, sein Werk zu vollenden. Das geht nicht so rasch; fünf, sechs Minuten noch gebraucht der Weiße dazu, selbst von hundert Sporenhieben und Bissen zu Tode ermattet.

    Da sitzen sie herum, meinesgleichen, lachen über die ohnmächtigen Schnabelhiebe des Siegers, rufen ihm zu und zählen jeden neuen Biß – – der Wetten wegen.

    Endlich! Dreißig Minuten, die vorgeschriebene Zeit, sind vorbei, der Kampf zu Ende. Ein Kerl erhebt sich, der Besitzer des siegenden Hahnes, hohnlachend schlägt er mit seinem Knüppel das Tier des Gegners tot: das ist sein Vorrecht. Und man nimmt die Tiere, wäscht sie an der Pumpe und zählt die Wunden – – der Wetten wegen.

    Da legt sich eine Hand auf meine Schulter.

    »Wie geht’s!« fragt der Pope. Seine wimperlosen Wasseraugen lächeln zufrieden hinter den breiten Gläsern.

    »Nicht wahr, das gefällt Ihnen?« fährt er fort.

    Ich wußte im Augenblick nicht, meinte er das im Ernst? Seine Frage schien mir so maßlos beleidigend, daß ich ihn anstarrte, ohne eine Antwort zu geben.

    Aber er mißverstand mein Schweigen, nahm es für Zustimmung; so überzeugt war er.

    »Ja,« sagte er ruhig und ganz langsam, » es ist ein Genuß.«

    Wir wurden auseinander gedrängt, man brachte neue Hähne in die Arena.

    – – An dem Abende war ich beim englischen Konsul zum Tee geladen. Ich war pünktlich, der erste der Gäste.

    Ich begrüßte ihn und seine alte Mutter, da rief er:

    »Ich bin froh, daß Sie so früh kommen, ich möchte ein paar Worte mit Ihnen sprechen.«

    »Ich stehe ganz zur Verfügung,« lachte ich.

    Der Konsul zog mir einen Schaukelstuhl heran, dann sagte er merkwürdig ernst:

    »Ich bin weit davon entfernt, Ihnen Vorschriften zu machen, lieber Herr! Aber wenn Sie die Absicht haben sollten, länger hier zu bleiben und in der Gesellschaft, nicht nur in der englischen Kolonie zu verkehren, so möchte ich Ihnen einen freundschaftlichen Rat geben.«

    Ich war gespannt, wo er hinaus wollte.

    »Und der wäre!« fragte ich.

    »Sie sind öfters mit unserem Geistlichen gesehen worden – –« fuhr er fort.

    »Verzeihung!« unterbrach ich ihn. »Ich kenne ihn sehr wenig. Heute nachmittag hat er zum erstenmal einige Worte mit mir gewechselt.«

    »Um so besser!« erwiderte der Konsul. »Ich möchte Ihnen also raten, diesen Verkehr, wenigstens öffentlich, so viel wie möglich zu meiden.«

    »Ich danke Ihnen, Herr Konsul,« sagte ich, »Ist es indiskret, nach den Gründen zu fragen!«

    »Ich bin Ihnen wohl eine Erklärung schuldig,« antwortete er, »obwohl ich nicht weiß, ob sie Sie befriedigen wirb. Der Pope – Sie wissen, daß man ihm diesen Spitznamen gab!«

    Ich nickte.

    »Nun gut,« fuhr er fort, »der Pope ist einmal in der Gesellschaft verfemt. Er besucht regelmäßig die Stierkämpfe, – – das ginge noch – – verabsäumt nicht einen einzigen Hahnenkampf, kurz, er hat Passionen, die ihn in der Tat unter Europäern unmöglich machen.«

    »Aber, Herr Konsul,« rief ich, »wenn man ihn deshalb so sehr verurteilt, aus welchem Grunde läßt man ihn dann in seinem, doch gewiß ehrenvollen Amte!«

    »Immerhin – es ist ein Reverend,« sagte die alte Dame. »Und dazu kommt,« bestätigte der Konsul, »daß er niemals seit den zwanzig Jahren, die er hier am Orte ist, auch nur den leisesten greifbaren Grund zur Klage gegeben hat. Endlich ist die Stelle des Geistlichen unserer winzigen Gemeinde die schlechtbezahlteste auf dem ganzen Kontinent – – wir würden so leicht keinen Ersatz finden.«

    »So sind Sie also mit seinen Predigten doch zufrieden,« wandte ich mich an die Mutter des Konsuls und gab mir Mühe, ein etwas malitiöses Lächeln zu unterdrücken.

    Die alte Dame richtete sich im Sessel auf.

    »Ich würde ihm nie erlauben, auch nur ein einziges eigenes Wort in der Kirche zu sprechen,« sagte sie sehr bestimmt. »Er liest Sonntag für Sonntag einen Text aus Dean Harleys Predigtbuch.«

    Die Antwort verwirrte mich etwas, ich schwieg.

    »Uebrigens«, begann der Konsul wieder, »wäre es ungerecht, nicht auch eine gute Seite des Popen zu erwähnen. Er hat ein nicht unbeträchtliches Vermögen, dessen Renten er ausschließlich zu wohltätigen Zwecken verausgabt, während er selbst, von seinen unglücklichen Passionen abgesehen, außerordentlich bescheiden, ja dürftig lebt.«

    »Eine nette Wohltätigkeit!« unterbrach ihn seine Mutter. »Wen unterstützt er denn! Verwundete Toreadores und ihre Familien, oder gar die Opfer einer Salsa.«

    »Einer – was!« fragte ich.

    »Meine Mutter spricht von einer › Salsa de Tomates‹, erläuterte der Konsul.

    »Einer – – Tomatensauce!« wiederholte ich. »Der Pope unterstützt die – – Opfer einer Tomatensauce!«

    Der Konsul lachte kurz auf. Dayn sagte er sehr ernst:

    »Sie haben nie von einer solchen Salsa gehört! – Es handelt sich um eine uralte, furchtbare Sitte in Andalusien, die trotz aller Strafen der Kirche und des Richters leider immer noch besteht. Seitdem ich Konsul bin, hat zweimal nachweislich eine Salsa in Granada stattgefunden; die nähern Umstände hat man aber auch da nicht erfahren, da die Beteiligten trotz der in spanischen Gefängnissen üblichen schlagenden Ermahnungen sich lieber die Zunge abbissen, als ein Wörtchen zu erzählen. Ich könnte daher nur Ungenaues, vielleicht Falsches berichten; lassen Sie sich darüber von dem Popen erzählen, wenn Sie dies schaurige Geheimnis interessiert. Denn er gilt – ohne daß man es ihm beweisen kann – als ein Anhänger dieser entsetzlichen Greuel, und dieser Verdacht ist es hauptsächlich, weshalb man ihm aus dem Wege geht!«

    – – Ein paar Gäste traten ein; unser Gespräch wurde unterbrochen.

    Am nächsten Sonntag brachte ich zum Stierkampfe dem Popen ein paar besonders gut gelungene Photos der letzten Corrida mit. Ich wollte sie ihm zum Geschenk machen, aber er warf nicht einmal einen Blick darauf.

    »Entschuldigen Sie,« sagte er, »aber das interessiert mich gar nicht.«

    Ich machte ein verdutztes Gesicht.

    »Oh, ich wollte Sie nicht verletzen!« lenkte er ein. »Sehen Sie, es ist nur die rote Farbe, die rote Blutfarbe, die ich liebe.«

    Es klang beinahe poetisch, wie dieser bleiche Asket das sprach: » die rote Blutfarbe«.

    Aber wir kamen in ein Gespräch. Und mitten drin fragte ich ihn, ganz unvermittelt: »Ich möchte gern eine Salsa sehen. Wollen Sie mich nicht einmal mitnehmen!«

    Er schwieg, die bleichen zersprungenen Lippen bebten.

    Dann fragte er: »Eine Salsa! – – Wissen Sie, was das ist!«

    Ich log: »Natürlich!«

    Er starrte mich wieder an, da fielen seine Blicke auf die alten Schmisse auf meiner Wange und Stirne.

    Und als ob diese Zeichen kindischen Blutvergießens ein geheimer Freipaß wären, strich er leicht mit dem Finger darüber und sagte feierlich:

    »Ich werde Sie mitnehmen!«

    Ein paar Wochen später klopfte es eines Abends an meiner Türe, so gegen neun Uhr. Ehe ich »herein« rufen konnte, trat der Pope ein.

    »Ich komme Sie abzuholen,« sagte er.

    »Wozu?« fragte ich.

    »Sie wissen ja,« drängte er. »Sind Sie bereit!«

    Ich erhob mich.

    »Sofort!« rief ich. »Darf ich Ihnen eine Zigarre anbieten!«

    »Danke, ich rauche nicht.«

    »Ein Glas Wein!«

    »Danke, ich trinke ebensowenig. Bitte, beeilen Sie sich doch!«

    Ich nahm meinen Hut und folgte ihm die Treppen hinab in die Mondnacht. Schweigend gingen wir durch die Straßen, den Genil entlang unter rotblühenden Pyrrhusbäumen. Wir bogen links ein, stiegen hinauf auf den Mohrenberg und schritten über das Märtyrerfeld. Vor uns strahlten in warmem Silber die Schneekuppen der Sierra, rings herum aus den Hügeln brachen leichte Feuerscheine aus den Erdhöhlen, in denen die Zigeuner hausen und anderes Volk. Wir gingen herum um das tiefe Tal der Alhambra, das ein Meer grüner Ulmen fast bis obenhin ausfüllt, vorbei, an den gewaltigen Türmen der Nassariden, dann die lange Allee uralter Zypressen durch, zum Generalife hin, und weiter hinauf zu dem Berge, von dem der letzte Fürst der Mauren, der strohblonde Boabdil, seine scheidenden Seufzer dem verlorenen Granada sandte.

    Ich schaute meinen seltsamen Begleiter an. Sein Blick, nach innen gekehrt, sah nichts von all dieser nächtlichen Herrlichkeit. Wie der Mondschein auf diesen schmalen blutleeren Lippen spielte, auf diesen eingefallenen Wangen und den tiefen Löchern an den Schläfen – da kam mir das Gefühl, als müßte ich seit Ewigkeiten schon diesen schrecklichen Asketen kennen. Und plötzlich, unvermittelt, fand ich die Lösung, das war ja das Gesicht, das der grauenhafte Zurbaran seinen ekstatischen Mönchen gab!

    Der Weg ging nun zwischen breitblätterigen Agaven daher, die ihre verholzten Blütenschäfte dreimannshoch in die Luft strecken. Wir hörten des Darro Brausen, der hinter dem Berge über die Felsen sprang.

    Drei Kerle kamen auf uns zu, in braunem zerlumptem Mantel; sie grüßten schon von weitem meinen Begleiter.

    »Wachtposten,« sagte der Pope. »Bleiben Sie hier stehen, ich will mit ihnen reden!«

    Er schritt auf die Männer zu, die ihn erwartet zu haben schienen. Ich konnte nicht verstehen, was sie sprachen, doch handelte es sich augenscheinlich um meine Person. Der eine der Männer gestikulierte lebhaft, sah mich mißtrauisch an, schleuderte die Arme in der Luft herum und rief immer wieder: » O jo el Caballero.« Aber der Pope beruhigte ihn, schließlich winkte er mich heran.

    » Sea usted bienvenido, Caballero!« begrüßte er mich und zog seinen Hut. Die beiden anderen Späher blieben auf ihrem Posten zurück, der dritte begleitete uns.

    »Es ist der Patron, sozusagen der Manager der Geschichte,« erklärte der Pope.

    Nach einigen hundert Schritten kamen wir zu einer Höhlenwohnung, die sich durch nichts von den Hunderten anderer der Bergabhänge Granadas unterschied, vor dem Türloch war, wie gewöhnlich, ein kleiner Platz geebnet, von dichten Kaktushecken umgeben. Dort standen einige zwanzig Kerle herum – doch war kein Zigeuner dabei. In der Ecke brannte ein kleines Feuer zwischen zwei Steinen; darüber hing ein Kessel.

    Der Pope langte in die Tasche, zog einen Duro nach dem andern heraus und gab sie unserm Begleiter.

    »Die Leute sind so mißtrauisch,« sagte er, »sie nehmen nur Silber.«

    Der Andalusier kauerte sich an das Feuer und prüfte jedes einzelne Geldstück. Er warf sie auf einen Stein und biß mit den Zähnen darauf. Dann zählte er – hundert Peseten.

    »Soll ich ihm auch Geld geben!« fragte ich.

    »Nein!« sagte der Pope. »Wetten Sie lieber, das wird Ihnen hier eine größere Sicherheit geben.«

    Ich verstand ihn nicht.

    »Eine größere Sicherheit!« wiederholte ich. » Wieso denn!«

    Der Pope lächelte:

    »Oh – – Sie machen sich dann mehr gemein und mehr – schuldig mit diesen Heuten!«

    »Sagen Sie mal, Reverend,« rief ich, »weshalb wetten Sie dann nicht!«

    Er hielt meinen Blick ruhig aus und antwortete nachlässig:

    »Ich! – Ich wette niemals: das Wetten beeinträchtigt die reine Freude am Schauen.«

    Inzwischen war noch ein halbes Dutzend höchst verdächtiger Gestalten gekommen, alle in das unvermeidliche braune Tuch gehüllt, das die Andalusier als Mantel benutzen.

    »Worauf warten wir noch?« fragte ich einen der Leute.

    »Auf den Mond, Caballero,« erwiderte er, »er muß erst untergehen.«

    Dann bot er mir ein großes Glas Aguardiente an. Ich dankte, aber der Engländer schob mir das Glas in die Hand.

    »Trinken Sie, trinken Sie!« drängte er, »Es ist das erstemal für Sie – vielleicht werden Sie es nötig haben!«

    Auch die anderen sprachen dem Branntwein reichlich zu; doch lärmte man nicht, nur ein hastiges Geflüster, ein heiseres Tuscheln drang hinaus in die Nacht. Der Mond barg sich im Nordwesten hinter der Cortadura, man holte lange Pechfackeln aus der Höhle und brannte sie an. Dann baute man mit Steinen einen kleinen Kreis in der Mitte: das war die Arena; rings herum stieß man Löcher in den Boden und steckte die Fackeln hinein. Und in dem roten Feuerschein entkleideten sich langsam zwei Männer. Nur die ledernen Hosen behielten sie an, dann traten sie in den Kreis hinein, setzten sich einander gegenüber und kreuzten die Beine, wie die Türken tun. Nun erst bemerkte ich, daß in dem Boden zwei starke Balken wagerecht eingelassen waren, deren jeder zwei eiserne Ringe trug. Zwischen diese Ringe hatten die beiden Kerle sich hingesetzt. Jemand lief in die Höhle und brachte ein paar dicke Seile mit, umschnürte den Leib der Männer und ihre Beine und band einen jeden an seinen Balken. Sie staken fest wie im Schraubstock, nur den Oberkörper konnten sie frei bewegen.

    Sie saßen da, ohne ein Wort, sogen an ihren Zigaretten oder leerten die Branntweingläser, die man ihnen immer von neuem füllte. Sie waren zweifellos schon stark betrunken, ihre Augen stierten blöde auf den Boden. Und rings herum im Kreise zwischen den qualmenden Pechfackeln lagerten sich die Männer.

    Plötzlich hörte ich hinter mir ein häßliches Kreischen und Knirschen, das die Ohren zerriß. Ich wandle mich um: an einem runden Schleifstein schliff jemand sorgfältig eine kleine Navaja. Er prüfte das Messer am Nagel des Daumens, legte es weg und nahm dann ein anderes.

    Ich wandte mich an den Popen:

    »Diese Salsa ist also eine Art – Duell!«

    »Duell!« antwortete er. »O nein, es ist eine Art – Hahnenkampf!«

    »Was!« rief ich. »Und aus welchem Grunde unternehmen die Männer da diese Art – Hahnenkampf! Haben sie sich beleidigt – ist es Eifersucht!«

    »Keineswegs,« sagte ruhig der Engländer, »sie haben gar keinen Grund, vielleicht sind sie die besten Freunde – vielleicht kennen sie einander gar nicht. Sie wollen nur – ihren Mut beweisen. Sie wollen zeigen, daß sie hinter den Stieren und den Hähnen nicht zurückstehen.«

    Die häßlichen Lippen versuchten ein kleines Lächeln, als er fortfuhr:

    »So etwa – wie bei Ihren deutschen Studentenmensuren.«

    Ich bin – im Auslande – immer Patriot. Das habe ich längst von den Briten gelernt: Right or wrong – my country!

    So antwortete ich ihm scharf:

    »Reverend – der vergleich ist albern! – Sie können das nicht beurteilen.«

    »vielleicht doch,« sagte der Pope. – »Ich habe in Göttingen sehr schöne Mensuren gesehen. – viel Blut, viel Blut –«

    Inzwischen hatte der Patron uns zur Seite Platz genommen. Er zog ein schmutziges Notizbuch aus der Tasche und einen kleinen Bleistift.

    »Wer wettet auf Bombita?« rief er.

    »Ich!« – »Eine Peseta!« – »Zwei Duros!« – »Nein, Auf Lagartijillo will ich wetten!« – Die Branntweinstimmen krächzten durcheinander.

    Der Pope faßte mich am Arm.

    »Richten Sie Ihre Wetten so ein, daß Sie verlieren müssen,« rief er, »legen Sie lange Odds, man kann nicht vorsichtig genug sein mit der Bande.«

    Ich hielt also eine ganze Reihe der angebotenen Wetten, und zwar immer drei zu eins. Da ich auf alle beide setzte, mußte ich so notwendigerweise verlieren. Während der »Manager« mit schwerfälligen Zeichen alle Wetten zu Papier brachte, reichte man die scharfgeschliffenen Navajen herum, deren Klingen etwas über zwei Zoll lang waren. Dann gab man sie zusammengeklappt den beiden Kämpfern.

    »Welche willst du, Bombita Chico, mein Hähnchen!« lachte der Schleifer.

    »Gib her! Gilt mir gleich!« gröhlte der Betrunkene.

    »Ich will mein eigen Messer!« rief Lagartijillo.

    »So gib mir meines! Ist so besser!« krächzte der andere.

    Alle Wetten waren eingetragen, der »Manager« ließ den beiden noch ein großes Glas Aguardiente reichen. Sie tranken es im Zuge aus, warfen dann die Zigaretten fort. Man gab einem jeden ein langes rotes Wolltuch, eine Gürtelbinde, die sie sich fest um den linken Unterarm und die Hand schlangen.

    »Ihr könnt anfangen, kleine Burschen!« rief der Patron. »Klappt die Messer auf!«

    Die Klingen der Navajen schnappten klirrend über die Zahnrädchen und hakten sich fest. Ein helles widerwärtiges Geräusch. – Aber die beiden Männer blieben ganz ruhig, keiner machte eine Bewegung.

    »Fangt doch an, Tierchen!« wiederholte der Patron.

    Die Kämpfer saßen unbeweglich, rührten sich nicht. Die Andalusier wurden ungeduldig:

    »Faß ihn doch, Bombita, mein junger Stier: Stoß ihm das Hörnchen in den Leib!«

    »Fang an, Kleiner, ich habe drei Duros auf dich gesetzt!«

    »Ah, – Hähnchen wollt ihr sein! Hennen seid ihr! Hennen!«

    Und der Chor gröhlte:

    »Hennen! Hennen! – – Legt doch Eier! Feige Hennen seid ihr!«

    Bombita Chico reckte sich hoch und stieß nach dem Gegner, der hob den linken Arm und fing den matten Stoß in dem dicken Tuche auf. Die beiden Kerle waren augenscheinlich so betrunken, daß sie kaum Herren ihrer Bewegungen waren.

    »Warten Sie nur, warten Sie nur,« flüsterte der Pope.

    »Warten Sie nur, bis die Leute Blut sehen!«

    Die Andalusier hörten nicht auf, die beiden zu hetzen, bald mit Aufmunterungen, bald mit beißendem Spott. Und immer wieder zischte es ihnen in die Ohren:

    »Hennen seid ihr! – Legt doch Eier! – Hennen! Hennen!«

    Sie stießen nun beide aufeinander, fast blindlings. In der nächsten Minute erhielt der eine einen leichten Stich an der linken Schulter.

    »Brav lieber Kleiner, brav Bombita! – Zeig ihm, mein Hähnchen, daß du Sporen hast!«

    Sie machten eine kleine Pause, wischten sich mit dem linken Arm den schmutzigen Schweiß von der Stirne.

    »Wasser!« rief Lagartijillo.

    Man reichte ihnen große Kannen, und sie tranken in langen Zügen. Man sah, wie sie sich ernüchterten. Die fast gleichgültigen Blicke wurden scharf, stechend; haßerfüllt schauten sie aufeinander.

    »Bist du fertig, Henne!« krächzte der Kleine.

    Statt aller Antwort stieß der andere zu, zerschnitt ihm die Wange der Länge nach. Das Blut strömte über den nackten Oberkörper.

    »Ah, es fängt an, es fängt an,« murmelte der Pope.

    Die Andalusier schwiegen; gierig verfolgten sie die Bewegungen des Kämpfers, auf den sie ihr Geld gesetzt. Und die beiden Menschen stießen zu, stießen zu – –

    Die blanken Klingen zuckten wie silberne Funken durch den roten Fackelschein, bissen sich fest in den wollenen Schutzbinden der linken Arme. Ein großer Tropfen siedenden Pechs flog dem einen auf die Brust – – er merkte es nicht einmal.

    So schnell schleuderten sie die Arme in der Luft, daß man gar nicht sehen konnte, ob einer getroffen war. Nur die blutigen Rinnen, die überall auf den Körpern sich zeigten, zeugten von immer neuen Rissen und Stichen.

    »Halt! Halt!« schrie der Patron.

    Die Kerle stießen weiter.

    »Halt! Bombitas Klinge ist gebrochen!« rief er wieder, »Trennt sie!«

    Zwei Andalusier sprangen auf, nahmen eine alte Tür, auf der sie saßen, und warfen sie roh zwischen die Kämpfer, richteten sie dann hoch, daß sie einander nicht mehr sehen konnten.

    »Gebt die Messer her, Tierchen!« rief der Patron. Die beiden gehorchten willig.

    Sein scharfes Auge hatte recht gesehen; Bombitas Klinge war in der Mitte gebrochen. Er hatte seinem Gegner die ganze Ohrmuschel durchstochen, an dem harten Schädel war die Klinge zersprungen.

    Man gab jedem ein Glas Branntwein, dann reichte man Ihnen neue Messer und hob die Tür weg.

    Und dieses Mal fuhren sie aufeinander los wie zwei Hähne, ohne Besinnen, blindwütend. Stich um Stich – –

    Die braunen Leiber färbten sich purpurn, aus Dutzenden von Wunden rann das Blut, von der Stirne des kleinen Bombita hing ein brauner Hautlappen herab, feuchte Strähne des schwarzen Haares leckten in die Wunde. Sein Messer verfing sich in der Schutzbinde des Gegners, derweil stieß ihm der andere zwei-, dreimal die Navaja tief in den Nacken.

    »Wirf die Binde weg, wenn du Mut hast!« schrie der Kleine und riß sich selbst mit den Zähnen das Tuch vom linken Arm.

    Lagartijillo zögerte einen Augenblick, dann folgte er dem Beispiel. Unwillkürlich parierten sie nach wie vor mit den linken Armen, die in wenigen Minuten völlig zerfleischt waren.

    Wieder brach eine Klinge, wieder trennte man sie mit der morschen Tür; reichte ihnen neue Messer und Branntwein.

    »Stoß ihn, Lagartijillo, mein starkes Stierchen, stoß ihn!« rief einer der Männer. »Reiß ihm die Eingeweide aus, dem alten Klepper!«

    Der Angerufene gab, unerwartet, in dem Augenblick, als man die Türe wegzog, seinem Gegner von unten her einen furchtbaren Stoß in den Bauch und riß seitlich die Klinge hinauf. Wirklich quoll die ekelhafte Masse der Eingeweide aus der langen Wunde. Und dann, von oben her, stieß er blitzschnell wieder, traf ihn unter dem linken Schultergelenk und zerschnitt die große Ader, die den Arm ernährt.

    Bombita schrie auf, bog sich zusammen, während ein armdicker Blutstrahl aus der Wunde spritzte, dem anderen mitten ins Gesicht. Es hatte den Anschein, als ob er ermattet umsinken wolle; doch plötzlich richtete er noch einmal die breite Brust in die Höhe, hob den Arm und stieß auf den blutgeblendeten Feind. Und er traf ihn, zwischen zwei Rippen durch, mitten ins Herz.

    Lagartijillo schlug mit beiden Armen in die Luft, das Messer entfiel der rechten Hand. Leblos sank der mächtige Körper nach vorn über die Beine hin.

    Und als ob dieser Anblick dem sterbenden Bombita, dessen entsetzlicher Blutstrahl in breitem Bogen auf den toten Gegner spritzte, neue Kräfte verleihe, stieß er wie ein Wahnsinniger immer, immer wieder den gierigen Stahl in den blutigen Rücken.

    »Hör’ auf, Bombita, tapferer Kleiner, du hast gesiegt!« sagte ruhig der Patron.

    Da geschah das Schrecklichste. Bombita Chico, dessen letzter Lebenssaft den Besiegten in ein feuchtes, rotes Leichentuch hüllte, stützte sich mit beiden Händen fest auf den Boden und hob sich hoch, so hoch, daß aus dem handbreiten Riß an feinem Leibe die Fülle der gelben Eingeweide wie eine Brut ekelhafter Schlangen weit hinauskroch. Er reckte den Hals, reckte den Kopf, und durch das tiefe Schweigen der Nacht erscholl sein triumphierendes

    » Kikeri-ki!!«

    Dann sank er zusammen: das war sein letzter Gruß an das Leben – –

    Es war, als ob sich plötzlich ein roter Blutnebel um meine Sinne legte; ich sah, hörte nichts mehr; ich versank in ein purpurnes, unergründlich tiefes Meer. Blut drang mir in Ohren und Nase, ich wollte schreien, aber wie ich den Mund öffnete, füllte er sich mit dickem warmem Blute. Ich erstickte fast – aber schlimmer, viel schlimmer war dieser süße, gräßliche Blutgeschmack auf meiner Zunge. Dann fühlte ich irgendwo einen stechenden Schmerz – doch dauerte es eine unendliche Zeit, bis ich wußte, wo es mich schmerzte. Ich biß auf etwas, und das, worauf ich biß, das schmerzte so. Mit einer ungeheueren Anstrengung riß ich die Zähne voneinander.

    Wie ich den Finger aus dem Munde zog, erwachte ich. Bis zur Wurzel hatte ich während des Kampfes den Nagel abgenagt und nun in das unbeschützte Fleisch gebissen.

    Der Andalusier faßte mich am Knie. »Wollen Sie Ihre Wetten erledigen, Caballero?« fragte er. Ich nickte; dann rechnete er mit vielen Worten vor, was ich verloren und gewonnen hätte. Alle die Männer umdrängten uns – keiner bekümmerte sich um die Leichen. –

    Erst das Geld! Das Geld!

    Ich gab dem Manne eine Handvoll und bat ihn, die Sache zu ordnen. Er rechnete und setzte sich unter heiserem Schreien mit jedem einzelnen auseinander.

    »Nicht genug, Caballero!« sagte er endlich. Ich fühlte, daß er mich betrog, aber ich fragte ihn, wieviel ich noch zu zahlen habe, und gab ihm das Geld.

    Als er sah, daß ich noch mehr in der Tasche hatte, fragte er: »Caballero, wollen Sie nicht das Messerchen des kleinen Bombita kaufen? Es bringt Glück, viel Glück!«

    Ich erstand die Navaja für einen lächerlichen Preis. Der Andalusier schob sie mir in die Tasche.

    Nun achtete niemand mehr auf mich. Ich stand auf und ging taumelnd In die Nacht hinaus. Mein Zeigefinger schmerzte, ich wand fest das Taschentuch herum. In langen, tiefen Zügen trank ich die frische Nachtluft.

    »Caballero!« rief jemand, »Caballero!« Ich wandte mich um. Einer der Männer kam auf mich zu.

    »Der Patron schickt mich, Caballero,« sagte er, »wollen Sie nicht Ihren Freund mit nach Hause nehmen!«

    Ach ja – der Pope! Der Pope! – Während all der Zeit hatte ich ihn nicht gesehen, nicht gedacht an ihn!

    Ich ging wieder zurück, bog durch die Kaktushecken. Noch immer lagen die blutigen Massen angefesselt am Boden. Und darüber bog sich der Pope, streichelte mit schmeichelnden Händen die jämmerlich zerfetzten Leiber. – Aber ich sah wohl, daß er das Blut nicht berührte – – o nein! Nur in der Luft bewegten sich hin und wieder seine Hände.

    Und ich sah, daß es zarte, feine Frauenhände waren – –

    Seine Lippen bewegten sich: »Schone Salsa,« flüsterte er, »schöne rote Tomatensauce!«

    Man mußte ihn mit Gewalt fortziehen, er wollte den Anblick nicht missen. Er lallte und tappte unsicher auf den dürren Beinen.

    »Zuviel Branntwein!« lachte einer der Männer. Aber ich wußte: er hatte keinen Tropfen getrunken.

    Der Patron zog seinen Hut und die anderen folgten seinem Beispiel.

    » Vayan ustedes con Dias, Caballeros!« sagten die Männer – Als wir auf der Landstraße waren, ging der Pope gutwillig mit. Er faßte meinen Arm und murmelte:

    »Oh, so viel Blut! So viel schönes rotes Blut!«

    Wie ein Bleigewicht hing er an mir, mühselig schleppte ich den Berauschten der Alhambra zu. Unter dem Turme der Prinzessinnen machten wir halt, setzten uns auf einen Stein – Nach einer langen Weile sagte er langsam:

    »O das Leben! Wie herrliche Genüsse schenkt uns das Leben! – Es ist eine Lust zu leben!«

    Ein eiskalter Nachtwind feuchtete unsere Schläfen, mich fror. Ich hörte den Popen mit den Zähnen klappern, langsam verflog sein Blutrausch.

    »Wollen wir gehen, Reverend!« fragte ich.

    Ich bot ihm wieder meinen Arm an.

    Er dankte.

    Schweigend stiegen wir zu dem schlafenden Granada hinab.

    #Hanns_Heinz_Ewers #littérature #gore #fascisme #fight_club #poignard

  • Qu’est-ce qu’intervenir ? Une prise de parole de Stéphane Zygart, philosophe, lors des Rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique – Sonic Protest 6 & 7 mars 2020 - Les Voûtes, Paris, publié dans les Cahiers pour la folie n°11

    « Chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre ! »

    « Alors voilà, voilà ce qui c’est passé. Je suis philosophe de formation, je travaille autour des normes, de la question du normal/de l’anormal, de la normativité, en particulier autour de quelques trucs qui ont trait au handicap : les rapports entre institutions et pratiques quotidiennes – je vais essayer d’en parler un peu aujourd’hui –, la question des rapports entre travail et handicap qui longtemps m’a servi de fil conducteur, et des questions du type : étrangeté, singularité ou monstruosité. C’est comme ça donc qu’on s’est rencontrés avec le collectif Encore heureux..., autour de ces questions-là, institutionnelles, professionnelles, jusqu’à aujourd’hui. Les questions que je me pose donc en fait ici, je peux les décliner en trois grands problèmes que je vais vous donner dès le départ. Et dans l’arrière-cuisine, par rapport à tout ça, il y a deux auteurs : Foucault qui est connu maintenant et Canguilhem qui l’est un peu moins, dont les idées que je vais vous présenter viennent également, même si je ne vais pas le signaler sur le moment.

    Les trois problèmes se nouent autour de la notion d’ intervention : qu’est-ce que c’est intervenir aux côtés ou avec les personnes handicapées, qu’est-ce que c’est intervenir sur elles ?

    Le premier problème – c’est le plus massif – c’est : comment est-ce qu’on peut intervenir dans un cadre institutionnel ? Il y a trois grandes pistes que je vais détailler plus tard mais que je peux d’abord présenter rapidement pour clarifier les choses. La première piste évidemment, c’est : quand on est avec des personnes handicapées en institution, il s’agit de les soigner, et la question est : est- ce que le soin médical en institution doit être plus ou moins médicalisé ? La deuxième grande option, c’est : on ne peut pas tout à fait les soigner, donc on va les faire bosser, on va les faire travailler. Là, la question ce n’est pas : est-ce que c’est plus ou moins médical, mais est-ce qu’il faut les faire travailler de manière plus ou moins productive ? Faire travailler une personne handicapée, est-ce que c’est lui faire faire du théâtre ou de la musique, ou est-ce que c’est lui faire faire du jardinage ou du pliage d’enveloppes, est-ce qu’il y a une différence là-dedans ? La troisième option enfin, c’est : soigner en faisant travailler C’est la dimension, non pas médicale, non pas professionnelle des interventions institutionnelles, mais ergothérapeutique ; et l’articulation à faire alors est celle entre soin et travail. C’est là que se pose pleinement la question de la différence entre faire faire des enveloppes et faire faire du théâtre, avec le problème de la rémunération. Mais dans tous les cas, vous le voyez, les problèmes des rapports institutions/pratiques de soin passent toujours par des questions de combinaison : soin plus ou moins médicalisé, travail plus ou moins productif, place du travail dans le soin.

    Le deuxième groupe de problèmes est lié à la question de savoir si on peut réellement accompagner et se livrer à une co-construction avec les personnes handicapées – qu’il s’agisse d’handicapés physiques ou d’handicapés psychiques ou mentaux, d’ailleurs. La question, brutalement, ce serait celle-là : est-ce qu’il y a un rapport et éventuellement une différence entre faire quelque chose à quelqu’un et faire quelque chose avec quelqu’un ? Et est-ce qu’on peut séparer ces deux dimensions- là ou est-ce qu’elles sont tout le temps liées ? Est-ce que quand on agit sur quelqu’un, est-ce que quand on administre un traitement ou une prise en charge, on est encore avec la personne, ou est-ce que quand on est avec la personne, il y a une dimension de neutralité ou de passivité qui peut s’instaurer ? C’est-à-dire, pour le dire autrement, est-ce qu’on peut vraiment saisir l’anormal, est-ce qu’on peut vraiment saisir les gens dits différents dans leur singularité, comme si on les contemplait, ou est-ce qu’on est obligé de les transformer en étant avec eux ? Voilà, c’est le deuxième groupe de questions, plus abstrait.

    Le troisième et dernier ensemble de questions, c’est le rapport entre égalité, identité et intervention. C’est le problème le plus général, ce n’est peut-être pas le plus abstrait par rapport au précédent parce qu’il s’agit là de penser l’expérience vécue de la coexistence entre des valides et des personnes handicapées. Est-ce qu’il est possible au niveau du vécu, au niveau du quotidien, d’effacer les notions de différence , les notions d’ identité , est-ce qu’il est possible à un moment de parvenir à une égalité – j’allais dire réelle , mais en tout cas une égalité quelconque – entre les personnes handicapées et les personnes valides, sans relations asymétriques ? La question alors vaut vraiment le coup d’être posée ici dans ces lieux : comment présenter ou comment faire se représenter le handicap ? Dans une représentation de théâtre, de musique, de cinéma, il y a à la fois collectif parce qu’il y a collectif de travail, il y a collectif d’élaboration du spectacle, etc., il y a activité, mais aussi spectacle , et qui dit spectacle, dit différenciation ; alors comment est-ce qu’on articule le fait que le spectacle redouble la différence entre les handicapés et les valides, et qu’en même temps le fait d’élaborer un spectacle fabrique un collectif où il y a identité de praticiens et identité de personnes qui se livrent à une pratique artistique ? Vous voyez le truc ?
    Je vais parcourir rapidement les trois questions... et mes vertèbres dorsales... J’espère que ça va lancer des discussions.

    Premièrement donc, comment on fait dans les institutions entre la possibilité de soigner, de travailler, etc. Historiquement dans les textes de lois – je vais partir d’abord d’un historique pour vous montrer que le problème se pose vraiment, que ce n’est pas un truc qui sort du ciel. Le handicap dans les textes de lois et dans les institutions n’est pas une question qui est en priorité médicale, il n’y a pas tellement de médecine dans le domaine du handicap ; depuis longtemps et avant tout, le handicap, c’est une question de travail, c’est le rapport au travail qui pose problème. Jevous donne quatre repères juridiques, et il y en a un qui mériterait peut-être discussion – celui de 2005 à cause des bizarreries de sa mise en application, si vous voulez y revenir dans la discussion n’hésitez pas.
    Le premier repère juridique, c’est en 1957, la loi sur le reclassement des travailleurs handicapés ; c’est la première loi générale en France à utiliser le terme de handicap et à considérer ensemble tous les types de handicap indépendamment de leur origine – de naissance ou acquis. Cette loi ne porte donc pas sur le soin des personnes handicapées mais sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés. C’est elle qui officialise les établissements comme les AP (Ateliers Protégés) et les CAT (Centres d’aide par le Travail), qui existaient déjà avant mais en très petit nombre et sans statut clair. La deuxième grande loi – vous la connaissez tous – c’est la loi de 75, ses innovations sont également liées au travail, puisque c’est la loi de 75 qui met en place l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) qui dépend des capacités de travail. Cette loi de 75 met aussi en place l’accessibilité des lieux publics en zone urbaine – je le précise parce que cette prudence initiale sur l’accessibilité montre à quel point le rapport entre égalité des droits et moyens matériels de cette égalité est tendu. Ce sont les deux principales évolutions de cette loi. Vous avez ensuite un espèce de truc bizarre qui est la loi de 2005, qui a pour caractéristique de faire passer le professionnel au second plan, mais qui a aussi pour caractéristique – en dehors du handicap psychique – de ne pas avoir été mise en œuvre, en particulier sur l’accessibilité (encore) et sur l’évaluation médico-légale des causes sociales des handicaps. On pourra revenir sur ce qui a rendu cette loi possible dans sa formulation et ce qui en même temps l’a rendue inopérante – c’est-à-dire qu’elle n’est pas appliquée. Les dernières lois, j’en dirais un mot, ça se passe en ce moment en 2020 : il y un retour du problème entre l’AAH et la mise en place du Revenu Universel d’Activité (RUA), c’est-à-dire qu’on se met à parler au sujet des personnes handicapées – de tout type et de tout degrés – d’ employabilité , ce qui est tout autre chose que de parler de difficultés d’emploi. Tout le monde est employable si vous voulez, par contre une personne handicapée l’est théoriquement moins que d’autres ; c’est cette différence-là qui est en jeu actuellement et qui décide pour beaucoup des dispositifs. Donc il y a ces quatre lois-là.

    Concrètement ça donne quoi, je vous donne un exemple : les établissements pour personnes handicapées adultes portent la marque de cette importance du travail. Vous avez deux grands types d’établissements : les établissements purement médicaux pour les handicaps les plus graves, ce sont les maisons d’accueil médicalisé, et puis les établissements dédiés au travail que sont les Entreprises adaptées qui correspondent aux anciens Ateliers protégés – où il n’y a aucune aide de l’État et une obligation de rentabilité pure – et les ESAT (Établissements et Service d’Aide par le Travail) qui sont les anciens CAT (Centres d’aide par le Travail). Or, pour rentrer en ESAT, il faut une réduction énorme des capacités de travail puisqu’il faut avoir moins de 30% des capacités de travail normales – donc 70% de capacités de travail en moins sur le papier. Les revenus liés à l’ESAT sont entre 50 et 110% du SMIC, et les 110% du SMIC sont rarement atteints, à cause du cumul de l’AAH. Ce qui est important là, c’est que les ESAT ont officiellement un but médical : l’entrée dans les ESAT se fait sur critère médical et le but d’un ESAT, c’est le soin. C’est tellement un enjeu qu’une circulaire est réapparue en 2008 pour le rappeler.

    Les textes de lois dont je vous ai parlé ont un impact sur vos pratiques, parce que sinon vous pourriez me dire : « oui ? ce sont des textes de lois donc quel rapport cela a-t-il exactement avec la réalité ? ». Cela a un rapport avec la réalité pour au moins trois raisons. Première raison : le handicap est défini comme incurable, il se soigne par d’autres moyens que la médecine – on ne peut pas guérir d’un handicap – c’est pourquoi depuis le début, le problème du traitement des personnes handicapées, c’est leur mise en activité, et en particulier leur travail. C’est exactement ce qui est en train de se questionner dans ce lieu et dans d’autres. Deuxième raison pour laquelle le travail et l’activité sont importants : parce que le travail a une utilité sociale, le travail justifie les frais de soin pour les personnes handicapées, il permet de s’occuper d’eux – il permet de payer leur traitement. C’est l’idée depuis la Première Guerre mondiale et ça n’avait pas été le cas depuis la fin du Moyen- Âge, c’est-à-dire qu’avant, les personnes handicapées étaient définies par l’incapacité d’activité ou de travail. Jusqu’en 1905, vous ne pouviez pas être aidé si vous aviez des ressources, vous n’étiez aidé que si vous étiez incapable de travailler et sans ressources. Ce qu’a changé la guerre 14-18, c’est qu’il est désormais possible de dire à une personne handicapée : « tu as des ressources, en même temps tu peux toucher l’AAH, et en même temps tu peux bosser. » La troisième raison pour laquelle le travail est très important, c’est par trois de ses effets, qui ne sont pas financiers. Il a une utilité thérapeutique, il développe des capacités psychiques, physiques et cognitives, il a des effets de reconnaissance sociale – travailler c’est être l’égal de l’autre dans son travail. Vous allez me dire que je parle des personnes handicapées, je ne parle pas des personnes qui ont des troubles mentaux. En fait, historiquement, c’est exactement pareil : la folie a longtemps été considérée comme incurable, c’est d’ailleurs pour cela que les fous n’étaient pas mis en hôpital mais en asile ; on considérait qu’il fallait juste les accueillir et les protéger, mais certainement pas les soigner puisqu’on y arrivait pas. La mise en place des asiles nécessitait d’avoir des finances, donc depuis le 18ème siècle, il y a eu des colonies agricoles, des moyens de faire payer les soins aux personnes folles, ou dites folles. Mise au travail des personnes donc, quand ce n’était pas physiquement impossible. Enfin, ça fait longtemps que dans les asiles, l’appartenance au collectif passe par le travail, ça date au moins de Pinel, et si vous remontez au 19ème siècle, il y avait une obligation de travail pour réapprendre aux gens un principe de réalité – travailler c’est se confronter à la réalité. Vous retrouvez également cette idée dans la psychothérapie institutionnelle puisque le travail a une grande importance par exemple chez Tosquelles. Alors vous allez me dire « qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? »

    Après avoir parlé des lois, après avoir essayé de vous dire que je pense que c’est réellement central, qu’est-ce qu’on peut proposer comme pistes de réflexion ou de recherche ? Il apparaît que le travail est considéré comme une panacée : l’activité et en particulier l’activité professionnelle, ça résout tous les problèmes – je vous le signale parce c’est toujours pareil en matière de handicap, c’est pareil pour les valides et pour les invalides – c’est-à-dire quand quelqu’un a un problème, on lui dit : « ben tu devrais travailler, ça te remettrait les pieds sur terre, et en plus t’aurais un peu d’argent... » C’est le même principe pour les personnes handicapées. Le travail est une panacée économique, sociale, institutionnelle, thérapeutique, et il nous est très difficile de concevoir que l’on puisse avoir une activité sans travailler. Est-ce que vous arrivez à concevoir, est-ce que j’arrive à concevoir que je fais quelque chose qui n’est pas un travail ? C’est tout le problème... Ce qui est difficile à concevoir en général est également difficile à concevoir pour les personnes invalides.
    Le caractère universel du travail est d’autant plus problématique qu’entre le travail de prof, le travail de plieur d’enveloppes ou le travail d’acteur de théâtre, ce sont trois formes d’activité qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Est-ce que l’on peut réussir à démêler là-dedans quelque chose qui donne sa vraie valeur pour les personnes handicapées à l’activité professionnelle, c’est quoi le nœud du truc, qu’est-ce qui est vraiment important dans le travail des personnes handicapées ? L’économie, le social, le thérapeutique, le psychologique, le tout ce que vous voulez, c’est quoi le cœur du noyau ?

    L’autre question qu’on peut se poser à partir de là, c’est que le travail correspond à une demande sociale, il y a une forme de contrainte dans les demandes de mise au travail. C’est très concret. Comment échapper à la question du travail quand on est handicapé ? D’accord, les valides n’échappent pas non plus à la pression du travail mais ils ne sont pas tenus de répondre de manière décisive, et pour de longues années, à la question : « est-ce que tu veux aller travailler en ESAT, ou pas ? » Une personne handicapée est obligée de répondre à la question professionnelle et d’y répondre sur le long terme, ce qui n’est pas le cas pour les personnes valides. Les personnes handicapées se retrouvent à certains moments à des embranchements où elles sont obligées de faire des choix : aller bosser en CAT ou pas, demander l’AAH ou pas, accepter un boulot pourri ou pas, parce que l’accès au marché de l’emploi est plus difficile, ce qui n’est pas du tout pareil pour les valides et qu’il faut absolument prendre en compte parce que cela a un caractère extrêmement contraignant, y compris au niveau des vécus.

    Je vous disais – et ce sera mon dernier mot sur le travail, enfin directement sur lui – tout cela est étroitement lié aux institutions et aux lois. En 2020, les lois françaises – je ne vais pas rentrer dans le détail, on pourra en discuter après si voulez – consistent à mettre en avant l’ employabilité des personnes handicapées. Je vais essayer d’être très clair sur ce point et très rapide : tout le monde est employable ou quasiment. Il n’y a que les handicapés les plus graves qui ne sont pas employables. L’employabilité, c’est une simple possibilité d’exercer un emploi et on trouve dans les textes historiques – pour donner des exemples qui ne soient pas polémiques – des établissements de travail pour les femmes qui viennent d’accoucher ou pour les vieillards, au 17ème ou au 18ème siècle... Donc vous pouvez faire travailler à peu près n’importe qui ! En mettant en avant cette notion d’ employabilité , il s’agit de faire sauter les dispositifs d’aide à l’emploi, et il s’agit actuellement de dire que les personnes handicapées n’ont pas besoin de prestations supplémentaires parce qu’elles peuvent travailler comme tout le monde, donc elles peuvent avoir le même revenu que tout le monde, et si elles veulent en avoir un peu plus, elles n’ont qu’à travailler comme tout le monde ! C’est en ce moment que cela se joue avec pas mal de péripéties politiques effectivement, mais c’est une tendance que l’on retrouve en Angleterre, en Italie. Pour pouvoir y arriver et pour pouvoir affirmer que la plupart des personnes handicapées peuvent travailler comme tout le monde quand elles le veulent, le dispositif joue sur une médicalisation du handicap, c’est-à-dire qu’on va être amené à vous confronter à des avis médicaux standardisés par des médecins d’État – encore une fois pour aller très vite – sur tout le territoire français. Le but étant de discriminer les handicapés les plus graves des autres. D’autres procédés sont aussi essayés, comme la mise sous pression financière des familles pour qu’ils poussent au travail leurs proches invalides. Il y a dans tout ça quelque chose de très important qui se joue en ce moment, surtout pour les handicapés psychiques qui sont en première ligne. Dans le rapport de la Cour des comptes – je pense que c’est le moment d’en parler maintenant – ils attaquent en effet, en première ligne, le handicap psychique. Pourquoi ? Parce que le handicap psychique, ça coûte cher et parce que ce n’est pas médicalisable au sens classique du terme – vous ne pouvez pas démontrer l’étendue d’un trouble schizophrénique par un scanner. Du coup, l’argument du Conseil d’État c’est simple : si ce n’est pas médical, c’est que ce n’est pas un gros handicap, et du coup ça ne mérite pas d’avoir une prestation supplémentaire – vous voyez le système ? C’est l’universalité scientifique de la médecine qui est évoquée au nom d’une exigence de vérité et d’égalité pour réduire le nombre d’handicapés et appauvrir l’évaluation comme les traitements des handicaps – par exemple, vous savez très bien que les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) varient leurs jugements selon les régions, à cause des bassins d’emploi, etc. Le Conseil d’État dit que ça porte atteinte à l’égalité républicaine, qu’il faut que les critères soient les mêmes dans toutes les régions, et que le meilleur critère c’est la médecine, donc qu’il faut se limiter au corps des individus ; et quelques pages plus tard, il disent en plus qu’on s’aperçoit avec le modèle social du handicap que le handicap psychique explose les comptes et donc coûte très très cher, donc qu’il faut absolument re-médicaliser tout ça... Le rapport se termine comment ? Ça termine en disant qu’il y aura toujours un vote au CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) pour les attributions d’invalidité, mais qu’il faut que l’État soit majoritaire au nombre de votants, je vous laisse deviner... Les textes se trouvent sur internet. Donc centralité des questions de travail et de finances pour le handicap, je vais m’arrêter là sur ce sujet.

    Un point rapide sur l’articulation entre médecine et travail avant de passer au second problème dont je voulais parler. Je ne suis pas en train de dire du tout – je pense que cela donne cette impression-là mais ce n’est pas du tout le cas – qu’il ne faudrait pas faire travailler les personnes handicapées, je ne pense pas que la réflexion doive se placer sur ce plan-là. Si j’insiste autant là-dessus c’est pour une raison bien particulière : la question de la normalisation . Est-ce qu’on normalise plus par la médecine ou est-ce qu’on normalise plus par le travail ? En fait, ce sont deux normalisations complètement différentes : la médecine est potentiellement beaucoup plus normalisatrice que le travail puisque vous avez la neurologie, les neuroleptiques, les techniques de rééducation, la méthode ABA pour les personnes porteuses d’autisme, etc. Mais en même temps, les normalisations médicales permettent aux personnes handicapées, d’une, de garder leurs spécificités, c’est-à-dire de garder une singularité sociale, et de pointer la singularité du problème. Oui les techniques médicales sont lourdes mais c’est aussi parce que les problèmes sont lourds ou singuliers. Le travail, c’est beaucoup plus insidieux, le travail, c’est beaucoup moins normalisateur, c’est très ordinaire et ça fournit une identité sociale. Le souci, c’est que ça efface les problèmes et ça efface la spécificité des acteurs du soin. Il y a un risque en mettant l’accent sur l’activité, et en particulier l’activité professionnelle – et en disant qu’il n’y a donc plus besoin d’acteurs du soin – d’aboutir à une invisibilisation sociale du handicap qui à mon sens est l’objectif des politiques actuelles, sous couvert d’ inclusion . Je n’ai aucune solution. On peut passer par le travail comme opérateur social avec tous ses défauts. On peut aussi essayer de maintenir la singularité des personnes handicapées – ce qui les protège –, singulariser les personnes handicapées, ça leur donne une visibilité, le principal risque actuellement étant de rendre les personnes handicapées invisibles, c’est-à-dire que quoiqu’elles deviennent, personne ne le saura. Le problème des valides si vous voulez, c’est de se rendre invisible par rapport aux techniques de contrôle social ; le problème des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées, c’est un peu l’inverse, il ne faut pas chercher l’invisibilité sociale, il faut au contraire essayer d’être vu le plus possible, ce qui garantit une protection. Je ne suis ni pro-médecine, ni pro-travail, j’essaie de voir.
    Par exemple, en matière de handicap psychique, vous êtes obligé, tout le monde est obligé de jouer sur les deux tableaux – c’est-à-dire que la reconnaissance du « handicap psychique » a permis des choses assez bonnes : une dé-institutionnalisation avec les GEM, l’entrée dans les dispositifs de handicap, la folie est devenue « ordinaire », « c’est un handicap comme les autres », etc. Ça a aussi mis l’accent sur la neurologie, les neuroleptiques, le fonctionnalisme... donc vous voyez à chaque fois, il y a à prendre et à laisser. Voilà, c’était le plus long parce que c’est là où je peux être le plus concret et me baser sur des lois, etc.

    Le deuxième groupe de problèmes dont je voulais parler tourne autour de la neutralisation : est-ce qu’on peut être neutre par rapport à une personne handicapée ? – au sens de l’accompagnement. Est- ce qu’on peut faire quelque chose uniquement avec les personnes handicapées ? Pour répondre à cette question, il faut absolument se décaler. Il s’agit d’articuler l’ordinaire et le singulier, l’activité de travail et l’activité quotidienne. Je pense à quelques lieux emblématiques qui ont réussi à articuler ou donner une idée de l’articulation entre faire avec et faire à quelqu’un. Il y a quelques GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle), il y a par exemple ici – même si ce n’est pas un GEM, il me semble que c’est typiquement ce genre de lieu : faire à et faire avec , ça se fait ici, ou à la Fonderie à Encore heureux c’était pareil, à La Borde il me semble que c’est et que c’était pareil, ou chez Deligny vous trouvez le même genre de dispositifs et d’autres choses moins connues comme la colonie de Gheel en Belgique qui remonte au Moyen-Âge, c’est une colonie de soin chez l’habitant – il y a de plus en plus de travaux là-dessus – on rouvre des villes et des villages aux personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques pour les faire soigner chez l’habitant. C’est une solution qui était pratiquée depuis le Moyen-Âge et qui revient en grâce. Vous allez dire « alors super ces lieux-là, il n’y a plus qu’à suivre la recette, secouer et à mettre dans un bol !... » Mais il faut faire attention à plusieurs choses : la temporalité, la spatialité, et la pluralité qu’il y a dans ces institutions et leurs manières d’articuler les normes extérieures à l’institution et les normes intérieures. Je dis bien non pas simplement en terme de topologie l’ extérieur et l’ intérieur , mais les normes extérieures et les normes intérieures.

    Du point de vue du temps , qu’est-ce que je veux dire ? Il s’agit de respecter les normes temporelles des individus. À Namur par exemple, un soignant m’a raconté qu’ils avaient mis deux ans pour faire planter un arbre à un autiste et que ça lui avait fait beaucoup de bien. Deux ans en termes médicaux et en terme de nomenclature médicale, c’est complètement insensé. Donc comment respecter les normes internes temporelles des individus ? Un des éléments de réponse, c’est qu’il faut privilégier l’ œuvre au travail – je ne sais pas si cette distinction célèbre et un peu bourrin vous dit quelque chose – l’œuvre c’est le résultat, c’est-à-dire : quelqu’un met trois ans ou cinq ans à faire un tableau, et à la fin, sa propre norme rentre en contact avec la société : il présente son œuvre, il y a un deal, il y a des échanges, il y a une présentation, une représentation. Alors, la temporalité vient d’abord de l’individu et du fait d’avoir fait quelque chose. La temporalité du travail ce n’est pas du tout ça, ce n’est pas la temporalité de l’œuvre, la temporalité du travail c’est d’abord celle de la productivité et c’est la temporalité de la cadence. Si par exemple vous dites à quelqu’un « dans trois jours je veux un dessin et sur un mois je veux que tu m’en fasses dix », ça c’est du travail. Si par contre vous donnez des crayons et des feutres et vous dites « quand tu veux me donner un truc tu me le donnes », le jugement sur l’œuvre ne porte pas du tout sur la cadence mais sur le résultat et vous avez même tout à fait le droit de dire que c’est pourri. Vous voyez ce n’est pas du tout le même rapport au temps.

    En terme d’ espace , il y aurait deux choses. La première c’est qu’il faut être extrêmement attentifs à l’implantation géographique des institutions. Les institutions quand elles sont éloignées des centres, elles permettent la tranquillité des lieux – typiquement c’est Deligny dans les Cévennes –, mais il y a aussi un avantage à être dans les milieux urbains pour qu’il y ait une confrontation par proximité. Actuellement il faut faire très attention aux endroits où sont installés les nouveaux logements ou les nouvelles institutions, c’est-à-dire éviter à tout prix les zones artisanales et commerciales, les trucs de ce type, sous prétexte que c’est tranquille : en fait, c’est mort... et personne ne voit personne. Ça c’est le problème de l’implantation, il y a des études là-dessus, il y a des gens ou des organismes qui font de la géographie du handicap et qui dressent des cartes qu’on trouve sur le net.
    L’autre aspect en terme de lieu, c’est l’agencement – typiquement c’est le cas ici, et c’est le cas à la Fonderie – l’agencement intérieur des lieux qui accueillent les personnes handicapées doit être en rapport avec les dynamiques qui font passer de l’intérieur à l’extérieur. L’exemple type de ça, c’est hier, quand les gens de la Pépinière parlaient du grand parc. Qu’est-ce que c’est un parc ? C’est une zone de détente mais c’est aussi une zone qui permet de s’approprier l’extérieur. Les institutions les plus efficaces et les plus dynamiques pour les personnes handicapées, ce sont celles qui permettent ça. Vous savez, Foucault a forgé une notion qui a beaucoup de succès qui s’appelle l’ hétérotopie . Qu’est-ce que c’est une hétérotopie ? C’est un lieu qui est en décrochage, qui possède des règles sans rapport avec le reste de l’espace social. C’est le cas ici par exemple. Ce n’est pas un lieu sans règles , c’est un lieu sans règles en rapport avec le reste de l’espace social . Je crois qu’il faut ajouter à cette définition de l’hétérotopie que ces lieux sont des lieux de passage et de transformation, c’est-à-dire qu’un lieu de soin ne doit ni être un parc où on parque les gens, ni une frontière. Dans un lieu de soin on y passe, ça veut dire qu’on y séjourne et qu’on s’y transforme.

    La troisième question sur ce qu’est faire sur ou avec les gens, celle de la multiplicité , est très importante puisque le soin lui-même est normatif. Il est très difficile d’accueillir la multitude des rencontres et de gérer toutes leurs durées. Être avec des personnes handicapées – et pour les personnes handicapées, être avec des valides ! – cela demande des efforts réciproques, et donc cela provoque des conflits. Vous voulez chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre puisque même si vous ne voulez pas être normatif, vous finissez au quotidien par vouloir quand même une part de décision, par vouloir avoir quelque chose à dire dans le mode de vie. Et des modes de vie qui se combinent au quotidien, ce sont forcément des modes de vie qui interviennent l’un sur l’autre. Chez Canguilhem, on trouve cette leçon où il dit que le soin, d’une part, ça n’a pas pour but de faire du bien aux autres, le soin ça a d’abord pour but de remettre les autres en activité. D’autre part, le problème du soin c’est comment faire pour saisir la singularité des personnes et leur permettre de déployer cette singularité-là – c’est hyper compliqué parce que cela ne peut pas être contemplatif. Vous ne pouvez le faire qu’en vivant avec les gens.

    J’en arrive au troisième gros groupe de problèmes que j’avais annoncé au tout début et qui va me permettre de développer ça, au rapport entre coexistence et intervention : comment est-ce qu’on peut penser les rapports entre identité, égalité et différence entre les handicapés et les valides ? Je crois que ce n’est pas plus abstrait que ce que je viens de dire juste avant, c’est même plus proche de ce que l’on vit.

    Alors le but du jeu, c’est qu’il y ait une indifférence qui s’installe entre les valides et les invalides – mais c’est très difficile pour deux raisons. La première, c’est que les rapports de soin et de prise en charge sont dissymétriques : il y en a un qui soigne et l’autre qui est soigné, il y en a un qui prend en charge et l’autre qui est la charge – au moins c’est clair... même si c’est brutal. La première difficulté donc c’est le caractère dissymétrique, la deuxième c’est que même quand il n’y a pas de soin et que vous ne prétendez pas soigner la personne handicapée, il y a ce qu’on appelle le stigmate ou le caractère liminaire des personnes handicapées. Alors ça, ça a rempli des bibliothèques entières de socio ! Qu’est-ce ça veut dire ? Ça veut dire que la personne handicapée ne doit pas choquer et le soignant non plus – c’est la théorie d’Erving Goffman dans Stigmate (à l’époque, dans les années 60, pour Goffman, les handicapés, les prostituées, les homosexuels sont exposés au même « stigmate »). Par exemple, quand quelqu’un arrive dans un restaurant et que vous devez l’accueillir et que vous êtes handicapé, par exemple comme moi, vous vous arrangez pour ne pas vous lever de votre chaise, pour ne pas le gêner. Par contre, à un moment vous allez être obligé de lui faire comprendre que vous avez un problème. C’est du tact, c’est de la négociation sociale, c’est du stigmate, c’est-à-dire que ça consiste à effacer faussement les éventuelles différences.

    La deuxième idée à ce sujet de la différence permanente entre handicapés et valides, même quand il n’y a pas de soins, beaucoup plus complexe, c’est le caractère liminaire , c’est-à-dire qu’une personne handicapée est à la fois identique et différente, et on ne s’en sort pas – elle reste sur le seuil. Ce n’est pas un monstre, mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui est identique à une personne valide.

    Donc il est très difficile pour ces deux raisons-là de prétendre à être indifférent aux personnes handicapées. Est-ce que pour autant il faut dire qu’il n’y a pas de solutions ? Très franchement je vous réponds, je ne crois pas que ces deux notions de stigmate et de liminarité soient réellement valides – c’est le cas de le dire, il faut bien se détendre un peu... Pourquoi elles ne sont pas parfaitement valables ? Les rapports entre valides et invalides sont des rapports pratiques, et ça dépend de ce que l’on fait. Du coup, ils se transforment en fonction des pratiques. Je vais faire un petit détour historique avant d’achever mon propos. Ce qui le montre très clairement c’est l’exemple du freak show. Une des questions qui a été discutée hier, c’était : remplacer les personnes handicapées par des personnes valides ou inversement, est-ce que cela ne reste pas une dynamique de freak show, en particulier dans les dispositifs théâtraux ? Mais en fait, c’est sans doute un problème qui s’est considérablement déplacé et transformé depuis l’époque des freak shows. C’était les expositions de monstres : la femme à barbe, l’homme sans cou, le pied sans tête, etc. Vous aviez deux grandes techniques qui faisaient que les gens venaient et aimaient bien voir les freak show. La première technique c’était de dire : « Oui c’est vraiment un monstre mais regardez il est loin, c’est un monstre asiatique, c’est un monstre indien ! » ; la deuxième technique, c’était de dire : « oui oui c’est un monstre mais il a vraiment dépassé ses différences par des capacités extraordinaires pour finalement réussir à faire comme nous ! » – non pas le dispositif de l’Haïtienne à barbe mais le dispositif de Tom Pouce, qui est un nain et qui se marie, etc. Dans tous les cas, vous avez un mouvement qui vise à rassurer, vous avez un jeu entre l’extraordinaire et l’ordinaire. Ce jeu consistait dans les freak shows à effacer les monstres tout en les montrant – près, mais loin, différents mais pareils, à juxtaposer leur présence et leur absence, l’identité et la différence. C’est ça, le show . Ce type de jeu était déjà incertain, un jeu ça se joue toujours à deux ou sur deux plans, c’est-à-dire que les personnes handicapées jouent également – les valides jouent mais les personnes handicapées jouent aussi. Je développe.

    Si vous avez vu Freaks de Tod Browning, c’est une des grandes idées du film – Browning, lui- même entrepreneur de freak show, raconte avec d’autres que la dimension d’arnaque était connue par les monstres et les handicapés. Il y avait tout un jeu qui consistait à arnaquer le plus possible les valides, tandis que le plaisir du dimanche des valides était aussi d’aller se faire arnaquer. C’est un jeu théâtral qui se joue à deux : vous avez des personnes qui font semblant d’arnaquer les autres, et d’autres qui font semblant de se faire arnaquer. Mais de temps en temps ça tourne mal et on arrête de faire semblant, et c’est le sujet de Freaks ...

    Bon, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Pour ceux d’entre vous qui ont pu assister hier au concert des Turbulents avec Fantasio... quelque chose alors m’a frappé : c’est des moments difficiles à voir dans les spectacles. Il y a eu à un moment donné une identité entre les spectateurs et la scène, identité au sens où dans l’activité commune, les spectateurs sont devenus de vrais spectateurs de concert de rock et les musiciens sont devenus de vrais musiciens, et non plus des personnes handicapées vues par des personnes valides ou inversement. Il ne s’agissait plus de parcourir une distance ; dans l’activité commune, de l’identique a été créé, et de l’égal. Il faudrait expliquer ça plus longuement...

    En tous cas, les jeux restent ouverts, au quotidien comme sur scène. Ce qui m’a frappé principalement hier et aujourd’hui, en autres : les personnes handicapées sont habituées à être visibles – être handicapé c’est être visible , il n’y a pas de handicap invisible, un handicap invisible finit toujours par apparaître parce qu’un handicap, par définition, dure et touche à ce qu’on fait, alors qu’il peut y avoir, c’est vrai, des maladies invisibles. Si vous avez un handicap, même dit invisible, au bout de quelque temps, ça va se voir. Qui dit handicap dit visibilité, et les personnes handicapées savent qu’elles sont visibles. Si elles sont moins visibles que d’autres, par exemple en étant placées dans certains bâtiments fermés, elles savent qu’elles sont surveillées. Et si les surveillances se relâchent, elles ont conscience des troubles qu’elles provoquent en arrivant – c’est la question du stigmate et de la liminarité.

    La question que je me pose, c’est qu’est-ce qui se passe du coup pour une personne qui a l’habitude de toujours être exposée quand elle passe sur une scène ? Comment penser la surexposition des personnes handicapées ? Ce ne sont pas des personnes qui sont cachées habituellement, ce sont des personnes qui sont déjà soumises au spectacle, et donc il y a un redoublement du spectacle. Il y a énormément de possibilités de subversion qu’il m’a semblé voir sur scène et en particulier, une dynamique d’exagération. Qu’est-ce que c’est une personne handicapée qui exagère sur scène ? C’est quelqu’un qui est d’ordinaire sur une scène et qui se retrouve sur une scène où elle sait que les règles sont assouplies parce que ce sont des règles artistiques, et donc elle peut en faire plus que d’habitude.

    Si je dis ça, c’est parce que pour penser ce rapport entre identité et égalité , on est toujours piégé si on met la personne en face dans une situation de passivité. On ne l’est pas à partir du moment où on part du principe que la personne, en fait, elle joue aussi, et c’est là que l’égalité peut réellement s’instaurer.
    Voilà, je vous remercie. »

    Les 6 premiers n° des Cahiers pour la folie sont publiés en ligne
    des https://www.epel-edition.com/lire.html

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