• #Bien-être : « Tant qu’on utilisera le #yoga pour être en forme au #travail, on aura un problème »

    Loin de nous apporter le bonheur promis, la sphère bien-être perpétue un système nuisible qui ne peut que nous rendre malheureux. Interview de #Camille_Teste.

    Huiles essentielles, massages et salutations au soleil promettent de nous changer de l’intérieur, et le monde avec. À tort ? C’est le sujet de l’essai Politiser le bien-être (https://boutique.binge.audio/products/politiser-le-bien-etre-camille-teste) publié en avril dernier chez Binge Audio Editions. Selon l’ex-journaliste Camille Teste, non seulement nos petits gestes bien-être ne guériront pas les maux de nos sociétés occidentales, mais ils pourraient même les empirer. Rassurez-vous, Camille Teste, aujourd’hui professeur de yoga, ne propose pas de bannir les sophrologues et de brûler nos matelas. Elle nous invite en revanche à prendre conscience du rôle que jouent les pratiques de bien-être, celui de lubrifiant d’un système capitaliste. Interview.

    Le bien-être est la quête individuelle du moment. C’est aussi un #business : pouvez-vous préciser les contours de ce #marché ?

    Camille Treste : La sphère bien-être recouvre un marché très vaste qualifiant toutes les pratiques dont l’objectif est d’atteindre un équilibre dit « intégral », c’est-à-dire psychologique, physique, émotionnel, spirituel et social, au sens relationnel du terme. Cela inclut des pratiques esthétiques, psychocorporelles (yoga, muscu...), paramédicales (sophrologie, hypnose...) et spirituelles. En plein boom depuis les années 90, la sphère bien-être s’est démultipliée en ligne dans les années 2010. Cela débute sur YouTube avec des praticiens et coachs sportifs avant de s’orienter vers le développement personnel, notamment sur Instagram. Rappelons que le milieu est riche en complications, entre dérives sectaires et arnaques financières : par exemple, sous couvert d’élévation spirituelle, certains coachs autoproclamés vendent très cher leurs services pour se former... au #coaching. Un phénomène qui s’accélère depuis la pandémie et s’inscrit dans une dynamique de vente pyramidale ou système de Ponzi.

    Pourquoi la sphère bien-être se tourne-t-elle autant vers les cultures ancestrales ?

    C. T : Effectivement, les thérapies alternatives et les #néospiritualités ont volontiers tendance à picorer dans des pratiques culturelles asiatiques ou latines, comme l’Ayurveda née en Inde ou la cérémonie du cacao, originaire d’Amérique centrale. Ce phénomène relève aussi bien d’un intérêt authentique que d’une #stratégie_marketing. Le problème, c’est que pour notre usage, nous commercialisons et transformons des pratiques empruntées à des pays dominés, colonisés ou anciennement colonisés avant de le leur rendre, souvent diluées, galvaudées et abîmées, ce qu’on peut qualifier d’#appropriation_culturelle. C’est le cas par exemple des cérémonies ayahuasca pratiquées en Amazonie, durant lesquelles la concoction hallucinogène est originellement consommée par les chamanes, et non par les participants. Pourquoi cette propension à se servir chez les autres ? Notre culture occidentale qui a érigé la #rationalité en valeur suprême voit d’un mauvais œil le pas de côté spirituel. Se dissimuler derrière les pratiques de peuples extérieurs à l’Occident procure un #alibi, une sorte de laissez-passer un peu raciste qui autorise à profiter des bienfaits de coutumes que l’on ne s’explique pas et de traditions que l’on ne comprend pas vraiment. Il ne s’agit pas de dire que les #pratiques_spirituelles ne sont pas désirables, au contraire. Mais plutôt que de nous tourner vers celles d’autres peuples, peut-être pourrions-nous inventer les nôtres ou renouer avec celles auxquelles nous avons renoncé avec la modernité, comme le #néodruidisme. Le tout évidemment, sans renoncer à la #médecine_moderne, à la #science, à la rationalité, et sans tomber dans un #traditionalisme_réactionnaire.

    Vous affirmez que la sphère bien-être est « la meilleure amie du #néolibéralisme. » Où est la connivence ?

    C. T : La #culture_néolibérale précède bien sûr l’essor de la sphère bien-être. Théorisée au début du 20ème siècle, elle s’insère réellement dans nos vies dans les années 80 avec l’élection de Reagan-Thatcher. Avant cette décennie, le capitalisme laissait de côté nos relations personnelles, l’amour, le corps : cela change avec le néolibéralisme, qui appréhende tout ce qui relève de l’#intime comme un marché potentiel. Le capitalisme pénètre alors chaque pore de notre peau et tous les volets de notre existence. En parallèle, et à partir des années 90, le marché du bien-être explose, et l’économiste américain Paul Zane Pilzer prédit à raison qu’au 21ème siècle le marché brassera des milliards. Cela a été rendu possible par la mécanique du néolibéralisme qui pose les individus en tant que petites entreprises, responsables de leur croissance et de leur développement, et non plus en tant que personnes qui s’organisent ensemble pour faire société et répondre collectivement à leurs problèmes. Peu à peu, le néolibéralisme impose à grande échelle cette culture qui nous rend intégralement responsable de notre #bonheur et de notre #malheur, et à laquelle la sphère bien-être répond en nous gavant de yoga et de cristaux. Le problème, c’est que cela nous détourne de la véritable cause de nos problèmes, pourtant clairement identifiés : changement climatique, paupérisation, système productiviste, réformes tournées vers la santé du marché et non vers la nôtre. Finalement, la quête du bien-être, c’est le petit #mensonge que l’on se raconte tous les jours, mensonge qui consiste à se dire que cristaux et autres cérémonies du cacao permettent de colmater les brèches. En plus d’être complètement faux, cela démantèle toujours plus les #structures_collectives tout en continuant d’enrichir l’une des vaches à lait les plus grasses du capitalisme.

    Il semble que le #collectif attire moins que tout ce qui relève l’intime. Est-ce un problème d’esthétique ?

    C. T : La #culture_individualise née avec les Lumières promeut l’égalité et la liberté, suivie au 19ème et 20ème siècles par un effet pervers. L’#hyper-individualisme nous fait alors regarder le collectif avec de plus en plus d’ironie et rend les engagements – notamment ceux au sein des syndicats – un peu ringards. En parallèle, notre culture valorise énormément l’#esthétique, ce qui a rendu les salles de yoga au design soignées et les néospiritualités très attirantes. Récemment, avec le mouvement retraite et l’émergence de militants telle #Mathilde_Caillard, dite « #MC_danse_pour_le_climat » – qui utilise la danse en manif comme un outil de communication politique –, on a réussi à présenter l’#engagement et l’#organisation_collective comme quelque chose de cool. La poétesse et réalisatrice afro-américaine #Toni_Cade_Bambara dit qu’il faut rendre la résistance irrésistible, l’auteur #Alain_Damasio parle de battre le capitalisme sur le terrain du #désir. On peut le déplorer, mais la bataille culturelle se jouera aussi sur le terrain de l’esthétique.

    Vous écrivez : « La logique néolibérale n’a pas seulement détourné une dynamique contestataire et antisystème, elle en a fait un argument de vente. » La quête spirituelle finit donc comme le rock : rattrapée par le capitalisme ?

    C. T : La quête de « la meilleure version de soi-même » branchée sport et smoothie en 2010 est revue aujourd’hui à la sauce New Age. La promesse est de « nous faire sortir de la caverne » pour nous transformer en sur-personne libérée de la superficialité, de l’ego et du marasme ambiant. Il s’agit aussi d’un argument marketing extrêmement bien rodé pour vendre des séminaires à 3 333 euros ou vendre des fringues censées « favoriser l’#éveil_spirituel » comme le fait #Jaden_Smith avec sa marque #MSFTSrep. Mais ne nous trompons pas, cette rhétorique antisystème est très individualiste et laisse totalement de côté la #critique_sociale : le #New_Age ne propose jamais de solutions concrètes au fait que les plus faibles sont oppressés au bénéfice de quelques dominants, il ne parle pas de #lutte_des_classes. Les cristaux ne changent pas le fait qu’il y a d’un côté des possédants, de l’autre des personnes qui vendent leur force de travail pour pas grand-chose. Au contraire, il tend à faire du contournement spirituel, à savoir expliquer des problèmes très politiques – la pauvreté, le sexisme ou le racisme par exemple – par des causes vagues. Vous êtes victime de racisme ? Vibrez à des fréquences plus hautes. Votre patron vous exploite ? Avez-vous essayé le reiki ?

    Le bien-être est-il aussi l’apanage d’une classe sociale ?

    C. T : Prendre soin de soi est un #luxe : il faut avoir le temps et l’argent, c’est aussi un moyen de se démarquer. Le monde du bien-être est d’ailleurs formaté pour convenir à un certain type de personne : blanche, mince, aisée et non handicapée. Cela est particulièrement visible dans le milieu du yoga : au-delà de la barrière financière, la majorité des professeurs sont blancs et proposent des pratiques surtout pensées pour des corps minces, valides, sans besoins particuliers.

    Pensez notre bien-être personnel sans oublier les intérêts du grand collectif, c’est possible ?

    C. T : Les espaces de bien-être sont à sortir des logiques capitalistes, pas à jeter à la poubelle car ils ont des atouts majeurs : ils font partie des rares espaces dédiés à la #douceur, au #soin, à la prise en compte de nos #émotions, de notre corps, de notre vulnérabilité. Il s’agit tout d’abord de les transformer pour ne plus en faire un bien de consommation réservé à quelques-uns, mais un #bien_commun. C’est ce que fait le masseur #Yann_Croizé qui dans son centre masse prioritairement des corps LGBTQI+, mais aussi âgés, poilus, handicapés, souvent exclus de ces espaces, ou la professeure de yoga #Anaïs_Varnier qui adapte systématiquement ses cours aux différences corporelles : s’il manque une main à quelqu’un, aucune posture ne demandera d’en avoir deux durant son cours. Je recommande également de penser à l’impact de nos discours : a-t-on vraiment besoin, par exemple, de parler de féminin et de masculin sacré, comme le font de nombreux praticiens, ce qui, en plus d’essentialiser les qualités masculines et féminines, est très excluant pour les personnes queers, notamment trans, non-binaires ou intersexes. Il faut ensuite s’interroger sur les raisons qui nous poussent à adopter ces pratiques. Tant que l’on utilisera le yoga pour être en forme au travail et enrichir des actionnaires, ou le fitness pour renflouer son capital beauté dans un système qui donne plus de privilèges aux gens « beaux », on aura un problème. On peut en revanche utiliser le #yoga ou la #méditation pour réapprendre à ralentir et nous désintoxiquer d’un système qui nous veut toujours plus rapides, efficaces et productifs. On peut utiliser des #pratiques_corporelles comme la danse ou le mouvement pour tirer #plaisir de notre corps dans un système qui nous coupe de ce plaisir en nous laissant croire que l’exercice physique n’est qu’un moyen d’être plus beau ou plus dominant (une idée particulièrement répandue à l’extrême-droite où le muscle et la santé du corps servent à affirmer sa domination sur les autres). Cultiver le plaisir dans nos corps, dans ce contexte, est hautement subversif et politique... De même, nous pourrions utiliser les pratiques de bien-être comme des façons d’accueillir et de célébrer nos vulnérabilités, nos peines, nos hontes et nos « imperfections » dans une culture qui aspire à gommer nos failles et nos défauts pour nous transformer en robots invulnérables.

    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/bien-etre-tant-quon-utilisera-le-yoga-pour-etre-en-forme-au-travail-on-aura-un-
    #responsabilité

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/817228

  • La collapsologie ou la critique scientiste du capitalisme - Perspectives Printanières
    https://perspectives-printanieres.info/index.php/2019/03/17/la-collapsologie-ou-la-critique-scientiste-du-capitalism

    Comme un écho aux « alertes » de nombreux-ses scientifiques concernant l’extinction de la biodiversité, les dérèglements climatiques ou la raréfaction de l’eau potable à la surface du globe (entre autres), les théories de l’effondrement se diffusent rapidement dans la société, notamment grâce à un important relais médiatique où est prodigué le discours persuasif qui caractérise ce mouvement. Une communauté « effondriste » s’est progressivement constituée autour de ces théories, notamment en France après la parution d’un livre qui a fait date : Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes de Pablo Servigne – ingénieur agronome et docteur en biologie – et Raphaël Stevens – éco-conseiller. Les collapsologistes – ou collapsologues comme iels s’autodésignent, nous discuterons d’ailleurs du nom qu’il nous faut leur donner – semblent se poser en héritier-ères du mouvement pour la décroissance, dont iels reprennent nombre d’analyses et de travers. La collapsologie, la nouvelle « discipline » qu’iels pratiquent, s’avère également être une traduction politique parmi d’autres du concept d’Anthropocène, en reprenant là-aussi ses défauts et son absence de raisonnement politique critique.

    • A rajouter à la liste des articles qui critiquent un aspect de la collapsologie, mais dont j’ai parfois l’impression qu’ils jettent le bébé avec l’eau du bain. Sous prétexte que Pablo Servigne ne parle pas assez de capitalisme, on en vient presque à défendre que le monde ne va pas si mal que ça...

      Jusqu’ici, ce billet était plutôt vindicatif vis-à-vis de la collapsologie puisqu’il visait à détricoter et critiquer certaines analyses formulées (ou non-formulées) au sein de cette mouvance. Cependant, malgré un manque évident d’analyse politique et sociale, un grand nombre de bilans que dresse la collapsologie sont tout à fait dignes d’intérêt. En effet, qu’ils concernent le(s) changement(s) climatique(s), l’extinction massive de la biodiversité ou encore l’appauvrissement accéléré des sols, des constats scientifiques sont repris et les traduire dans la sphère politique est intéressant. Cependant, il semble nécessaire d’assumer le discours politique qui découle de la collapsologie. A première vue, ce travail s’avère plutôt compliqué puisque les collapsologistes semblent « rejeter les idéologies » (sic) dont iels ont des visions souvent caricaturales. Quoiqu’on pense de ce mouvement, il faut également rester prudent-es quant aux récupérations de la collapsologie par certaines personnalités politiques.

      La prédiction d’un effondrement inévitable d’ici quelques années procède d’une logique proprement historiciste, qui n’est pas sans rappeler la rhétorique marxiste d’il y a quelques décennies qui annonçait l’effondrement du système capitaliste sous le poids de ses propres contradictions ou encore qui véhiculait une marche en avant du progrès social (attention, le propos n’est pas de faire du marxisme dans son ensemble un historicisme, simplement ces idées-ci). Au moins deux aspects de l’analyse collapsologiste illustrent cet écueil.

      #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun #Anthropocène #capitalocène
      quand même pour la troisième compilation :
      https://seenthis.net/messages/680147

  • Usul. Développement personnel : pensez positif
    https://www.youtube.com/watch?v=6aWaC4HUJJ8

    Que vous soyez écologiste tendance retour à la terre ou requin des affaires, il y a forcément une méthode de développement personnel qui vous conviendra. Constatant que cette littérature explose et qu’elle est devenue un marché très lucratif, l’équipe d’Ouvrez les guillemets s’est penchée sur ce que racontent ces coachs de vie et autre conférenciers qui passionnent parfois jusqu’aux zadistes les plus new age.

    #bullshit_business

  • Sois heureux et travaille : quand le bonheur devient une injonction de tous les instants - Idées - Télérama.fr
    https://www.telerama.fr/idees/sois-heureux-et-travaille-quand-le-bonheur-devient-une-injonction-de-tous-l

    Selon la sociologue israélienne Eva Illouz, professeure à l’Université hébraïque de Jérusalem et directrice d’études à l’EHESS, auteure avec Edgar Cabanas d’Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, la psychologie positive, née aux Etats-Unis à la fin des années 1990, qui promeut à tout-va l’épanouissement personnel et le bien-être, a fait des ravages. Le bonheur n’est plus une émotion, idéale source de vertu durant des siècles de philosophie, il est devenu une injonction de tous les instants, une norme sociale qui dicte sa loi et enferme l’individu dans un moule. « Le portrait-robot de la personne heureuse correspond point par point au portrait idéal du ­citoyen néolibéral »…

    L’une des caractéristiques de cette « happycratie », c’est d’étouffer toute revendication sociale ou politique…
    L’happycratie est cette injonction permanente au bonheur, considéré comme l’horizon suprême du moi, l’expression la plus haute de l’accomplissement personnel. Qu’elle soit portée par des psys, des coachs, des conférenciers, des manuels, des blogs, des applications pour téléphone ou des émissions télévisuelles, la pseudo-science du bonheur promet d’enseigner à tous l’art d’être heureux, l’art de voir les choses de façon positive. Cette idéologie, centrée sur l’individu, le considère logiquement comme responsable de ses succès et de ses échecs, source de ses biens et de ses maux : il n’y aurait donc jamais de problème structurel, politique ou social, mais seulement des déficiences psychologiques individuelles, pouvant être traitées et améliorées. Nous ne sommes pas loin de la vision néolibérale d’une Margaret Thatcher qui disait que la société n’existait pas, et qu’il n’y avait que des individus… La tyrannie du bonheur fait en effet peser sur le seul individu tout le poids de son destin social.

    A partir du moment où Martin Seligman, l’inventeur de la psychologie positive, professeur à l’Université de Pennsylvanie, a été élu en 1998 à la tête de l’APA (American Psychological ­Association), des multinationales comme Coca-Cola et des institutions comme l’armée ont commencé à financer ce nouveau champ de recher­che, qui optimisait à leurs yeux les chances d’avoir des salariés ou des soldats performants et obéissants. Car ce qu’exalte Martin Seligman, ce sont très étrangement les qualités psychiques nécessaires à l’organisation économique et au mode de travail des gran­des entreprises ; la capacité à être flexible, à passer d’un emploi à un autre ; l’aptitude à gérer cette incertitude sans anxiété et à voir toujours le bon côté des choses ; le fait de pouvoir non seulement accepter un probable licenciement mais de s’en réjouir.

    Comment cette science du bonheur est-elle devenue une industrie ?
    Appliquée à tous les domaines de la vie quotidienne, le travail, la sexualité, le couple, l’alimentation, le sommeil, etc., elle est gouvernée par une pure logique de marché. Avec elle, le marché des consommateurs potentiels de la psychologie n’a cessé de s’élargir. Au départ, la psychologie s’occupait des fous et des névrosés ; elle s’intéresse aujourd’hui à tous ceux qui se sentent bien, ou pas trop mal, et leur vend l’idée qu’ils pourraient maximiser leur bien-être, dans la lignée de la pensée libérale et utilitariste du philosophe anglais Jeremy Bentham (1748-1832). C’est le grand tournant opéré par Martin Seligman : changer le paradigme d’une psychologie centrée sur la pathologie par une psychologie centrée sur le bonheur. C’est comme si on allait chez le médecin pour qu’il nous parle exclusivement des organes qui fonctionnent bien dans notre corps… La psychologie ne cherche plus à remédier à la souffrance — elle la nie au contraire, comme on l’a vu. Elle cherche à maximiser les potentialités de l’individu.

    #Psychologie #Néolibéralisme #Happycratie #Eva_Illouz

  • Heureux qui comme « Moi, Je »
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/heureux-qui-comme-moi-je


    De plus en plus d’ouvrages surfent aujourd’hui sur cette « injonction au bonheur ». Leurs auteurs sont psychiatres, philosophes, sociologues, managers... ils ont la recette d’un bonheur sans illusions, les clés d’un Narcisse retrouvé. Une injonction permanente et une invitation à trouver la voie du #bonheur, en cas d’impasse prolongée.

    Devenu grande cause nationale aux Etats-Unis, dont la figure du « #self_made_man » est la corollaire emblématique, le phénomène s’est mondialisé, au point que les Emirats Arabes Unis aient nommé une ministre du bonheur en 2016.

    Il s’agit de voir ses expériences comme des opportunités pour renforcer notre structure psychique et faire preuve de positivité là où il n’y aurait que de la négativité, comme dans un monde de guerre.
    (Eva Illouz)

    Plus encore, l’injonction au bonheur est le pilier d’une véritable #industrie. Marchandise intangible, le bonheur est une bonne affaire, ce qu’avaient déjà compris des groupes comme Coca-Cola, fort de son Coca-Cola Happiness Institute. Les entreprises actuelles, start-up en tête, se développent de plus en plus dans ce sens, smiley et Chief Happiness Officer à l’appui.

    Nous voyons une affinité entre le #néolibéralisme et cette quête du bonheur. (…) Les individus sont seuls face à eux-mêmes et ne doivent donc demander de comptes qu’à eux-mêmes.
    (Eva Illouz)