DÉSOBÉISSANCE CIVILE !
La violence de la vie n’a rien en commun avec la violence dont la mort se revêt. La vie n’a cure de répondre à la barbarie qui l’opprime.
Vivre humainement est une expérience à la fois intemporelle et, historiquement parlant, radicalement nouvelle. S’y attacher et la poursuivre suffit pour que toute velléité d’entraver sa liberté se heurte à une fin de non-recevoir. Ainsi sommes-nous fondés à passer outre à tout décret liberticide.
La désobéissance civile est une des émanations poétiques de cette fin de non-recevoir. Elle ne tolère aucune forme de prédation, aucune forme de pouvoir. Elle est le non-agir qui s’affirme en rayonnant, elle est la pulsion vitale qui va devant soi et, maillon après maillon, brise, comme par inadvertance, la totalité de ses chaînes.
La guerre civile est un jeu de mort où toutes et tous s’affrontent, la désobéissance civile est le jeu de la vie solidaire où les passions se vivent en s’accordant.
A chaque instant se poser la question : à qui cela profite-t-il ?
La stratégie de la confusion est l’apanage des gouvernements et des puissances financières mondiales. L’art de la communication sert à discréditer les révoltes de la liberté offensée. Le mouvement des Gilets jaunes a été de la sorte assimilé à un populisme où grenouillaient fascistes, antisémites, homophobes, misogynes et fous furieux. Ces grotesques calomnies n’ont guère eu besoin d’être dénoncées. Elles ont été balayées avec une manière de désinvolture sidérante par la tranquille détermination des manifestants d’accorder aux aspirations humaine une priorité absolue. Chose étonnante, l’opposition de gauche, voire gauchiste et libertaire, avait fait montre à l’endroit des Gilets jaunes d’une réticence méprisante, assez proche de l’arrogance oligarchique. Quand les bureaucrates politiques et syndicaux s’avisèrent de leur bévue et ambitionnèrent de rejoindre le mouvement des ronds points, ils se trouvèrent mis à l’écart par la ferme et salutaire résolution de ne tolérer ni chefs ni guides autoproclamés.
L’épidémie est venue à point pour rendre au Pouvoir vacillant un peu de son autorité répressive.
Certes, le coronavirus et ses mutations constantes représentent un danger incontestable. Mais là où des mesures favorables à la santé eussent permis d’en atténuer l’impact, on a assisté à une gestion catastrophique du chaos. La gabegie hospitalière, les mensonges en cascades, les marches et contre-marches, la prévarication des milieux scientifiques ont aggravé le péril. Plus toxique encore a été et reste la panique orchestrée par les médias, serpillières des intérêts privés. La partie était belle pour les grands laboratoires pharmaceutiques dont les actionnaires s’enrichissent chaque fois que les citoyens-cobayes paient le renouvellement des vaccins.
Trois ans de gilets ensoleillés en toutes saisons ont affermi la résistance à une barbarie, qui ne les a pas épargnés. Il y a là de quoi inquiéter et irriter les fantoches étatiques, les derniers politicards, les marchands de pesticides à tous vents.
La brutalité ne suffisant pas, la vieille pratique du bouc-émissaire a pris le relais. Experte en la matière, l’extrême-droite a choisi de mâchouiller les migrants de sa dent unique et branlante. Avec les Gilets jaunes et leurs émules, les gestionnaires de la corruption nationale et mondialiste font face à un projet d’une autre envergure et d’une autre substance.
En 2018, le gouvernement français s’était ridiculisé en traitant le peuple des ronds-points de péquenauds incultes et irresponsables. Que la vogue du coronavirus lui livre l’occasion de reprendre l’offensive avec plus de pertinence n’a rien d’étonnant.
Quant aux résidus de ceux qui bousillèrent le mouvement ouvrier et dont l’électoralisme a fait surgir de sa boite de Pandore un fascisme de pacotille, ils ont une revanche à prendre sur ce peuple qu’ils ne reconnaissent pas parce qu’il refuse de les reconnaître. Ils cautionnent la grossière manoeuvre de culpabilisation par laquelle les responsables de la dévastation sanitaire imputent la propagation de l’épidémie à des insurgés surtout coupables d’avoir compris que l’obligation de se faire vacciner laissait augurer un contrôle social à la chinoise.
Au lieu de dénoncer les fauteurs de la morbidité généralisée, une faction d’intellectuels, de rétro-bolcheviques, de prétendus libertaires ont adopté la novlangue orwellienne, devenue le mode de communication traditionnel des instances gouvernementales. Ils dénient au peuple le droit de choisir ou non les vaccins en cours d’expérimentation. Ils apportent à l’Etat un soutien effarant en taxant d’individualistes les gilets jaunes en lutte pour le droit de vivre et la liberté qu’elle implique. Or, cela fait trois ans que les insurgées et insurgés de la vie quotidienne, n’ont plus à démontrer qu’ils sont des individus autonomes, réfléchissant par eux-mêmes, non des individualistes, à qui la pensée grégaire inspire des propos du genre : « si tout le monde se faisait vacciner, on n’aurait pas besoin de passeport sanitaire ».
Ni peur ni culpabilité. Le vivant aura raison de ce monde à l’envers et de ses complices. Même si le combat pour la joie de vivre subit maints revers, pourquoi s’en inquiéter ? L’embrasement qui s’apaise se ravivera comme par inadvertance au moindre souffle de la vie.
Le retour à la base exclut les faux débats. Il n’y a que la santé de l’Homme abstrait qui accepte d’être traitée par statistiques et par décrets.
Se faire vacciner ou non contre le virus est une décision qui relève du libre choix. Je ne l’impose à personne - soit-il vieux ou vulnérable - et je me battrai pour que personne ne me l’impose.
L’individu autonome tient sa force de lui-même et de la solidarité de ses semblables. L’individualiste est un adepte du calcul égoïste, un vulgaire prédateur, un pur produit du capitalisme.
Délaissant la lice des combats factices, les peuples ont appris dans la souffrance que seuls les marchands d’armes gagnent une guerre. Notre combat n’est pas concurrentiel, il se résume à tenter de vivre selon nos désirs en revendiquant pour tous et toutes un droit identique au bonheur.
La joie de vivre est une inclination naturelle. C’est à sa souveraineté que la nature devra d’être libérée de l’homme prédateur. Seule une absolue liberté anéantira l’absolutisme qui nous tue.
Raoul Vaneigem, août 2021
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