Les tricoteuses ou l’engagement politique des femmes
L’année 1793 est marquée à Paris par un fort engagement politique de femmes issues des milieux populaires dans la lutte contre les Girondins, le fédéralisme et les modérés. On les retrouve alors dans les tribunes publiques des assemblées de section ou de la Convention, aux côtés des sans-culottes, pour défendre l’action des Jacobins, ainsi que le montre cette gouache haute en couleur récemment attribuée aux frères Jean-Baptiste et Pierre-Étienne Lesueur. D’un grand intérêt documentaire, elle appartient à un ensemble de gouaches représentant des scènes et des personnages de l’époque révolutionnaire et probablement destinées à un petit théâtre. La légende, sans doute ajoutée postérieurement, identifie les figures représentées comme des tricoteuses jacobines en l’an II. Surnommées ainsi péjorativement en référence à une occupation à laquelle elles auraient normalement dû se livrer en privé, au sein de leur foyer, au lieu de s’afficher sur la scène publique, ces trois femmes prêtent une oreille attentive aux délibérations de la Convention. L’expression farouche de la femme debout à droite, mains sur les hanches, est à la mesure de son engagement politique et de sa détermination contre les Girondins.
Ces femmes furent l’un des maillons les plus actifs du mouvement révolutionnaire, à Paris et en province. Tandis qu’elles soutenaient les motions révolutionnaires dans la tribune des Jacobins à la Convention et se réunissaient au sein de clubs politiques, comme celui des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires, créé le 10 mai 1793, elles entretenaient sur le terrain une agitation populaire permanente, appelant à l’insurrection contre les Girondins, en particulier du 31 mai au 2 juin 1793, journées qui virent la chute de la Gironde, et s’attroupant autour de la guillotine chaque fois que celle-ci était utilisée contre les ennemis de la Révolution. De ce fait, ces « tricoteuses » ont laissé dans la mythologie collective une image fantasmatique souvent faussée, celle de monstres assoiffés de sang, aux antipodes d’un ordre naturel dans lequel la femme doit remplir son rôle de mère et d’épouse aimante, sans s’engager dans une quelconque activité politique qui la ferait sortir de la sphère privée. - See more at : ▻http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=951#sthash.SM6WIeso.dpuf