• #HopitalPublic : [Pétition]> "Mes dents ne sont pas un commerce" ! [des dentiers]> ça c’est Hollande / [des soins remboursés]> c’est le socialisme, c’est Ambroize !
    https://www.flickr.com/photos/valkphotos/50061002423

    Flickr

    ValK. a posté une photo : « Mes dents ne sont pas un commerce » ! [des dentiers]> ça c’est Hollande / [des soins remboursés]> c’est le socialisme, c’est Ambroize !"> « Mes dents ne sont pas un commerce » ! [des dentiers]> ça c’est Hollande / [des soins remboursés]> c’est le socialisme, c’est Ambroize !" />

    Nantes, manifestation de soutien pour l’Hopital Public, le 16 juin 2020. . #photo : ValK. | en voir+> frama.link/valk | me soutenir+> liberapay.com/ValK

  • Relatives of Kurdish coronavirus victim blame death on frail Iraqi health system - Rudaw

    More than 30,000 coronavirus cases have been recorded in Iraq so far, and more than 1,100 people have lost their lives. Baghdad’s hospitals are full and health workers warn the situation has gotten out of control.

    Doctors across the country have said the facilities they work at are overstretched, and the construction of field hospitals is not proving enough to absorb the influx of new cases.

    One Baghdad health worker partly blamed the spike in cases on the public’s failure to adhere to health guidelines.

    #Covid-19#Iraq#Crisesanitaire#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://www.rudaw.net/english/middleeast/iraq/230620201

  • Dans l’enfer de la psychiatrie covidienne | Cécile Kiefer
    http://cqfd-journal.org/Dans-l-enfer-de-la-psychiatrie

    Tout autant que les autres services médicaux, l’hôpital psychiatrique est à l’agonie depuis des années. Il n’a pas non plus été épargné par le Covid-19. Pourtant, tout au long de la crise sanitaire, il est resté cantonné au silence. Pire, les murs de l’asile n’attendaient que cet épisode pour se redresser, condamnant les patients à encore plus d’enfermement dans l’enfermement. Source : CQFD

  • Nous y voilà, je viens d’avoir confirmation que je ne bénéficierai pas de cette fameuse prime de 1500 euros, mel reçu.

    Nous y voilà, je viens d’avoir confirmation que je ne bénéficierai pas de cette fameuse prime de 1500 euros annoncée en grande pompe par notre président de la république en direct au JT de 20h le 25 mars dernier et destinée à, je cite : « l’ensemble des personnels soignants mobilisés sous forme d’une prime exceptionnelle pour accompagner financièrement cette reconnaissance ».

    Pour rappel, je suis partie à Paris sur la base du volontariat en renfort à l’hôpital [...] pour deux semaines prolongées de deux semaines supplémentaires à la demande de l’APHP devant des services qui ne désemplissaient pas. J’ai donc travaillé en secteur COVID du 11 avril au 10 mai.
    Mais voilà, le décret relatif à cette prime publié le 14 mai stipule que, pour bénéficier de cette prime, les personnels hospitaliers devaient être présents au moins 30 jours entre le 1 mars et 30 avril.
    J’ai attendu le 13 juin que le décret soit publié au journal officiel pour réaliser que cette non éligibilité invraisemblable était bien réelle.

    Alors qu’entendait notre président par « personnels mobilisés » ce 25 mars ?

    Est ce que prendre le train du jour au lendemain sur demande urgente de l’APHP pour débarquer la boule au ventre dans une ville inconnue n’est pas être mobilisé ?
    Est ce qu’abandonner son boulot en se faisant remplacer par ses collègues pour aller travailler dans un établissement inconnu alors que j’ai cessé de travailler à l’hôpital depuis 6 ans n’est pas être mobilisé ?
    Est ce qu’accepter de travailler dans des secteurs COVID avec 1 seul masque par jour, des surblouses artisanales, des surchaussures un jour sur deux et un chaos organisationnel à peine imaginable n’est pas être mobilisé ?
    Est ce qu’accepter de rester deux semaines de plus seule, loin des siens et de son confort n’est pas être mobilisé ?

    Je n’ai pas fait ça pour l’argent, bien heureusement puisqu’à ce jour, plus d’un mois après mon retour, je n’ai toujours pas perçu l’intégralité de mon salaire, la première partie m’ayant été versée seulement la semaine dernière. Il semblerait que les éphémères héros puissent vivre simplement d’applaudissements !
    J’ai fait ça par solidarité avec mes consœurs et confrères parce que je pouvais imaginer leur détresse, j’ai fait ça par amour de mon métier... Mais aujourd’hui, je suis encore une fois déçue par ce manque de considération, abasourdie par tant d’injustice, je me sens trahie et en viens à regretter d’avoir choisi ce métier que j’aimais tant.

    Je voudrais que tout le monde sache que ces belles paroles n’étaient encore une fois que du vent et que beaucoup de réservistes dévoués sont dans la même situation que moi même si cela parait parfaitement inimaginable.

    Soyez sûrs, chers dirigeants que lors de la deuxième vague ou de la prochaine pandémie, les appels incessants et larmoyants de l’ARS, vos belles promesses et hypocrites flatteries demeureront sans réponse et que je resterais au chaud chez moi, près des miens !

    #nibonnesninonnesnipigeonnes

    #crise_sanitaire #hôpital #soignants

  • Hôpitaux psychiatriques : l’indignation d’Adeline Hazan sur les conditions de confinement des patients
    https://www.franceinter.fr/hopitaux-psychiatriques-l-indignation-d-adeline-hazan-sur-les-conditions

    Alertée sur des « violations graves des droits des personnes » dans un établissement public de santé mentale du Val-d’Oise, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a organisé une visite « surprise » le 18 mai dernier. Elle a permis de constater des traitements indignes, décrits dans un rapport cinglant.

    En venant visiter l’établissement Roger Prévot de Moisselles (dans le Val-d’Oise) avec trois de ses collaborateurs, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ne s’attendait sans doute pas à un si triste spectacle. Des patients privés de leurs effets personnels, habillés d’un pyjama en tissu déchirable, parfois sans sous-vêtements. Des chambres sans douche, sans télé ni radio, sans horloge, voire sans chaise (sauf pour les repas). Et surtout, des patients parfois « enfermés à clé 24 heures sur 24 », sans aucune décision liée à leur état psychiatrique et « dans des espaces dangereux car non aménagés à cet effet ».

    L’une d’elle a même fini aux urgences après avoir tenté vraisemblablement de s’enfuir par la fenêtre de sa chambre, au deuxième étage.

    Dans son rapport publié ce vendredi, Adeline Hazan dénonce "une confusion entre le régime de l’isolement psychiatrique [...] et le confinement sanitaire". Autrement dit, l’établissement a restreint de manière excessive les libertés de ses patients, sans aucune autre justification que le risque de contamination par le Covid-19 . Une situation en partie corrigée depuis, constate-t-elle, mais qui justifie d’émettre en urgence plusieurs recommandations à suivre et de montrer l’exemple à ne pas suivre à d’autres établissements du même type. Une procédure très rare.

    Officiellement, cette décision d’enfermer à clé les patients a été prise sur la base d’une circulaire détaillant des mesures de confinement lié à l’épidémie de coronavirus, mais la Contrôleure générale note que "le confinement strict en chambre fermée à clé n’est pas mentionné dans cette circulaire". "Les praticiens l’ont décidé en lui donnant un caractère systématique, prétendant que les patients de psychiatrie ne seraient pas à même de comprendre et de respecter les gestes barrière." Une « mauvaise compréhension prétendue », selon le rapport, qui n’est "pas démontrée, et en tout cas, loin d’être générale".

    "Ces privations de liberté injustifiées et illégales ont été mises en œuvre dans des conditions indignes", assène encore le texte.
    Adeline Hazan adresse donc plusieurs recommandations de principe : un patient en soins libres qui refuserait d’être hospitalisé en unité « Covid » doit pouvoir quitter l’hôpital ; l’enfermement dans une chambre ne peut reposer que "sur une décision d’isolement motivée par la mise en danger immédiate ou imminente du patient ou d’autrui" ; enfin "une telle contrainte ne peut être imposée ni à un patient en soins libres ni pour une durée excédant quelques heures" .

    Elle prohibe également "les mesures d’enfermement, de sédation ou de contention" justifiées uniquement par "les moyens dont dispose l’établissement", comme le manque de personnel ou d’infrastructures. _" Aucune mesure de privation de liberté ne peut être prise ni aggravée pour des raisons d’organisation, principe qui ne peut souffrir aucune exception."_

    Ces recommandations ont été adressées au ministre des Solidarités et de la Santé, qui n’y a pour l’instant pas répondu. La direction générale de l’offre de soins (qui dépend du ministère) a de son côté rappelé l’existence d’une fiche relative à la liberté d’aller et venir des patients dans les services de psychiatrie en période de déconfinement.

    (graisses d’origine)

    #psychiatrie #psychiatrisés #psychiatres #hôpital #enfermement #isolement #contention #privation_de_liberté

  • Timely $10 million USAID contribution protects more communities against COVID-19 outbreak - UN development programme

    The United States Agency for International Development (USAID) has committed over US$10 million recently to fight the COVID-19 pandemic in Iraq, allowing the United Nations Development Programme (UNDP) to scale-up its response to the pandemic into three additional governorates.

    The funds – pledged under UNDP’s Funding Facility for Stabilization for activities implemented in partnership with the Government of Iraq – will be used to rehabilitate healthcare facilities and provide medical equipment and furniture to hospitals in the originally-identified priority locations of Basra, Duhok, Karbala, Kirkuk, Najaf, and Ninewa, as well as three additional areas: Babil, Dhi Qar and Maysan.

    Funding will also be used to rehabilitate the East Mosul Medical Fluid Factory – one of the largest in Iraq, and a critical source of medical supplies to government hospitals, primary healthcare centres and pharmacies. The factory was severely damaged in the ISIL conflict.

    #Covid-19#Iraq#Aide#ONU#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://reliefweb.int/report/iraq/timely-10-million-usaid-contribution-protects-more-communities-against-co

  • Violence des Protectas au #Centre_Fédéral d’Asile de Giffers : Les requérant-e-s d’asile sont en danger…en #Suisse !

    Après les #violences des #Protectas contre les mineurs du Foyer de l’Etoile (GE), puis contre les réquérant-e-s du #CFA de Bâle, voici venu le tour des requérant-e-s du CFA de Giffers (FR) :

    Le 3 mai 2020, Ali, requérant camerounais, demande aux Protectas du CFA de Giffers, où il réside, de bien vouloir le laisser entrer rapidement (fouille obligatoire à l’entrée du CFA). Etant convalescent (COVID-19), il se sent faible et n’arrive plus à attendre que les Protectas aient terminé de discuter entre eux. Le ton s’enflamme immédiatement : deux Protectas le poussent violemment et le frappent. Ali se rend à l’hôpital : le constat fait état de multiples contusions. A son retour au centre vers 22h, les Protectas lui interdisent l’entrée : il doit dormir sur un banc à l’entrée.

    Ce même 3 mai 2020, Abdalim, requérant marocain, se voit intimer l’ordre de regagner sa chambre. N’ayant pas obtempéré suffisamment rapidement aux yeux du Protectas, celui-ci le pousse violemment contre une vitre, ce qui lui sectionne les tendons de la jambe. Il est hospitalisé puis opéré. Aujourd’hui encore, il marche difficilement avec des béquilles.

    Le 4 mai 2020, Mohamed, requérant algérien qui souffre d’épilepsie, subit lui aussi une agression de la part des Protectas. Ceux-ci veulent fouiller sa chambre et ils lui disent qu’elle est sale. Mohamed refuse. Deux Protectas l’agressent en l’empêchant de respirer. La situation provoque chez Mohamed une crise d’épilepsie et il est emmené à l’hôpital : le constat médical fait état d’une agression par étranglement avec une marque antérieure au niveau du cou.

    Aujourd’hui encore, Ali, Abdalim et Mohamed doivent chaque jour obtempérer aux ordres de leurs agresseurs : les Protectas incriminés travaillent toujours au CFA de Giffers !

    Ces violences ne sont pas des actes isolés. Le système des Centre Fédéraux d’Asile est fondé sur la répression et l’isolement. Les sommes allouées par la Confédération à la « sécurité » dans les CFA sont supérieures aux montants dédiés à l’encadrement social et sanitaire. Ce ne sont pas quelques heures de formation sur la thématique de l’asile qui vont transformer un agent de sécurité en travailleur social.

    Il y a urgence : les requérant-e-s d’asile qui viennent en Suisse pour y trouver refuge sont en DANGER dans les CFA ! Le système dit de sécurité, mis en place soi-disant pour les protéger, les met en réalité en danger.

    Pour Ali, Abdalim et Mohamed, nous demandons au Secrétariat d’Etat aux Migrations :

    Un déplacement URGENT dans un autre centre, hors de portée de leurs agresseurs et à proximité des transports publics ;
    Une suspension de leurs renvois en attendant le résultat des plaintes pénales déposées contre leurs agresseurs.

    Nous demandons aux autorités compétentes et avant qu’un drame ne se produise :

    L’ouverture des portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit ;
    L’engagement de travailleurs sociaux et soignants en nombre suffisant et ayant pour mission de SOUTENIR et de répondre aux besoins des requérant-e-s d’asile ;
    L’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou autre) dans le cadre des CFA et autres foyers.

    Face à la gravité de ces évènements, nous exigeons que Mario Gattiker, actuel directeur du Secrétariat d’Etat aux migrations et ancien directeur du service juridique de Caritas Suisse, réponde immédiatement aux questions suivantes :

    Est-ce que le personnel de sécurité responsable des maltraitances dénoncées est toujours en place ? Et si ou pourquoi ?
    Pourquoi la police n’a pas enquêté sur ces actes de violence ?
    Quel système de contrôle va mettre en place le SEM pour éviter ce genre de violences ?

    Solidarité Tattes et Droit de Rester Fribourg

    Reçu via la mailing-list Solidarité Tattes (https://solidaritetattes.ch), le 18.06.2020

    #centres_fédéraux #Giffers #Gouglera #Fribourg #asile #migrations #réfugiés

    Un centre géré par... #ORS of course !

    voir aussi la métaliste sur ORS :
    https://seenthis.net/messages/802341

    ping @cede @isskein

    • Le Courrier | Violences à #Chevrilles

      Trois requérants d’asile portent plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et actives au centre fédéral d’asile de Chevrilles (#Giffers en allemand). Les trois plaignants accusent les agents de sécurité de violences physiques et d’agressions fréquentes envers les habitants du centre. Le Courrier relaie les témoignages d’Ali, Mohamed et Abdalim, victimes des violences dans le centre de Chevrilles, ainsi que ceux de deux agents de sécurité, qui déplorent leurs conditions de travail, qualifiées de “lamentables”, ainsi qu’une formation insuffisante du personnel de sécurité. Les agressions dans le centre de Chevrilles ont également été dénoncées par Solidarité Tattes et Droit De Rester Fribourg dans la newsletter publiée le 18 juin 2020 et relayée sur notre site. Ces trois plaintes surviennent en même temps que l’enquête de la WOZ et de la SRF sur les violences dans le centre fédéral d’asile de Bâle et dont nous nous faisions l’écho le 27 mai 2020.

      –-

      Trois plaintes pénales ont été déposées contre des agents de sécurité mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations à Chevrilles (FR). Des vigiles dénoncent une banalisation de la violence.

      Ils ont décidé de briser le silence assourdissant qui règne au lieu dit la Gouglera. Trois requérants d’asile ont porté plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) au Centre fédéral de Chevrilles (Giffers en allemand), situé en Haute-Singine (FR). Les trois hommes confient avoir été victimes de violences physiques de la part d’agents de sécurité. Blessés, ils ont été pris en charge par les urgences de l’hôpital de Fribourg, photos et constats médicaux à l’appui. Des employés de la sécurité font état d’une banalisation de la violence dans le centre.

      Le 4 mai, vers 17 h 15, Ali rentre à la Gouglera après s’être rendu à Fribourg. Lui qui a été atteint du Covid souffre encore de vertiges et souhaite se coucher. Il attend que le service de sécurité le fouille et effectue le protocole d’entrée dans le centre. D’après ses propos, les agents l’ignorent et le font attendre trente longues minutes. Malade, il s’impatiente, cogne contre la vitre et demande aux vigiles de faire leur travail. Vexés par cette interpellation, deux agents l’auraient poussé au sol et roué de coups.

      En sang devant le centre

      « Lorsque j’ai dit au personnel de sécurité de faire leur travail, ils ont réagi comme si je les avais insultés, raconte Ali. Je leur ai dit d’arrêter, que j’avais du mal à respirer. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient rien à faire. » L’homme raconte avoir erré la tête en sang devant le bâtiment, Il aurait appelé la police qui lui aurait répondu qu’il devait négocier lui-même avec les vigiles son retour dans le centre.

      Grâce à l’aide d’un autre requérant, il parvient à prendre le bus pour Fribourg, mais perd connaissance avant d’arriver aux urgences. Des militaires l’escortent jusqu’à l’hôpital. Après quelques heures en observation, l’hôpital paie un taxi pour le ramener à la Gouglera. Aux portes du centre, il se serait vu refuser l’entrée et aurait passé la nuit sur un banc. « Pourquoi les autorités nous traitent-elles ainsi ? » s’interroge-t-il.

      Cette même journée du 4 mai, Mohamed affirme avoir aussi subi l’ire de vigiles. Il fait la sieste dans sa chambre lorsque deux agents lui demandent d’évacuer les lieux. L’un d’eux lui fait remarquer que sa chambre est sale, Mohamed décrit un ton agressif et injurieux. Il s’en plaint auprès du directeur du centre. Lorsqu’il sort de l’entretien, deux agents le prennent à part. L’un l’aurait attrapé à la gorge, tandis que l’autre lui aurait pris les pieds pour le sortir du bâtiment. Il est soudain pris d’une crise d’épilepsie.

      « Au lieu de me venir en aide, les agents ont ri. J’ai marché jusqu’à la route, mais j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé à l’hôpital. » Le constat médical mentionne une marque d’étranglement au niveau du cou. Selon la version des agents, Mohammed aurait été « agressé par un ami ». Celui-ci affirme pourtant que des témoins étaient présents. « Les agressions sont très fréquentes, personne n’ose rien dire. D’autres gens viendront après nous, je porte plainte pour que cela ne se reproduise plus. »

      Hospitalisé

      Abdalim marche difficilement avec des béquilles depuis sa sortie de l’hôpital le 7 mai. Il considère que des vigiles de Chevrilles ont « bousillé sa vie ». « Une bagarre a éclaté, moi je discutais tranquillement avec d’autres et on m’a demandé de rentrer dans ma chambre. » Abdalim ne s’est peut-être pas exécuté aussi rapidement que le souhaitait le personnel de sécurité. Il affirme avoir été violemment poussé contre une vitre, qui s’est brisée sous le choc et l’a grièvement blessé à la jambe.

      Le verre a sectionné plusieurs tendons, ce qui a nécessité une opération et une hospitalisation de cinq jours. « J’ai traversé 23 pays, tout ça pour perdre l’usage de ma jambe en Suisse », lance l’homme en colère. D’après les agents, il aurait perdu l’équilibre et serait tombé de lui-même sur la vitre.

      La police fribourgeoise affirme être intervenue une trentaine de fois au centre fédéral de Chevrilles en 2020. Depuis janvier 2019, quatre plaintes pénales ont été déposées pour des lésions corporelles simples. Les enquêtes sont en cours. D’après nos informations, le personnel impliqué dans ces agressions serait toujours en poste à Chevrilles. Contacté, le SEM affirme prendre la situation très au sérieux mais n’est pas autorisé à commenter les affaires en cours.

      La Gouglera n’est pas le seul centre d’asile concerné par la violence. Mi-mai, l’émission alémanique Rundschau et la Wochenzeitung dénoncent une violence structurelle au sein du centre fédéral d’asile de Bâle. Viviane Luisier, de l’association Solidarité Tattes, considère ces agressions comme l’une des conséquences de la nouvelle procédure d’asile. Elle dénonce la concentration des requérants dans des centres fédéraux. « Les réfugiés sont soumis à un régime carcéral, loin des centres urbains. Je crains que ces centres deviennent des zones de non-droit. »
      « Tolérance zéro »

      Les requérants d’asile ne sont pas seuls à juger la situation intolérable. Des employés des entreprises de sécurité mandatées par la Confédération, Securitas et Protectas, jugent également certains comportements inacceptables. Révoltés par l’attitude de certains de leurs collègues, deux ont décidé de témoigner anonymement.

      « Ce printemps, la situation est devenue très tendue. Certains agents sont allés trop loin », confie Julien*. « Le personnel de sécurité est très peu formé. Il faut de l’expérience pour immobiliser un individu. Les interventions dont je suis témoins sont très ‘sales’, elles peuvent souvent blesser les personnes que l’on cherche à immobiliser », relate Paul*. Il déplore aussi une attitude répressive. « Dans les scénarios d’exercice, les requérants d’asile sont présentés comme des gens violents en qui nous ne pouvons pas avoir confiance. »

      D’après les deux agents, le recours à la violence serait régulièrement valorisé au détriment du dialogue. « On nous demande d’appliquer la tolérance zéro, sans nous expliquer ce que cela signifie. Lorsque quelque chose ne va pas, on ne cherche pas à réfléchir, on tape dedans », constate Paul. Le SEM explique que le personnel a pour instruction de désamorcer verbalement les différends chaque fois que cela est possible. La contrainte est sensée n’être utilisé qu’en dernier recours. Pour Paul, cette théorie est peu mise en pratique. « Lors de notre formation, on nous a dit qu’il fallait recourir dans un premier temps à la stratégie de désescalade, mais il n’y a aucun protocole. »

      Le SEM affirme que le recours à des mesures coercitives non proportionnées n’est pas toléré et sanctionnée. Les vigiles peuvent se voir interdire de fournir des services au nom du SEM si des comportements illégaux ou intolérables sont identifiés. La responsabilité d’éventuelles autres sanctions revient aux entreprises de sécurité. « Lorsque les événements dérapent, les rapports sont rédigés par les agents eux-mêmes. Ils y mettent ce qu’ils veulent et sont couverts par la hiérarchie », commente Paul. Les deux vigiles affirment avoir été témoins de scènes lors desquelles certains de leurs collègues ont envenimé la situation, en provoquant les requérants d’asile. « On place des humains sous la surveillance d’enfants, c’est déplorable. » JJT

      Prénom fictif.
      « Nos conditions de travail sont lamentables »

      Maigre salaire, contrats à durée déterminée, horaires éreintants, planification tardive, le tableau que décrivent les agents de sécurité est peu reluisant. « Les journées de treize heures, les horaires qui fluctuent, les services de nuit qui s’enchaînent, ça fatigue et ça rend agressif, témoigne Julien. Depuis que je travaille dans le centre d’asile de Chevrilles, j’ai vu beaucoup de casse : des burn-out, des accidents, du harcèlement. La gestion du personnel est catastrophique. »

      Il affirme ne pas être serein, en raison du manque de matériel. « J’ai un collègue de 20 ans qui a travaillé sans gilet de protection. A plusieurs reprises, je n’ai pas eu de spray au poivre durant mes services et je n’avais pas de radio portative. » S’il n’excuse pas la violence, Julien pointe du doigt les entreprises de sécurité mandatées par la Confédération qui visent à maximiser les profits. « Nous ne sommes pas suffisamment formés pour gérer une telle pression. Il ne faut pas la même formation pour surveiller un parking que pour encadrer une population qui va du nourrisson à la grand-mère. », regrette-t-il.

      Une nouvelle convention de travail dans le domaine de la sécurité est entrée en vigueur le 1er juin. Si les salaires d’entrée ont été augmentés de 0,5 à 1% et le travail limité à deux cent dix heures par mois, ces améliorations restent très insuffisantes pour le syndicat Unia. « Les conditions de travail offertes par le SEM et le manque de formation sont extrêmement problématiques. Les adjudications des mandats de sécurité reposent essentiellement sur le prix, non sur la compétence et la formation des agents », regrette Arnaud Bouverat, secrétaire syndical.

      « Une formation solide constitue le seul rempart contre les violences. Economiser dans ce domaine n’est pas anodin : cela entraîne un danger pour la sécurité des habitants des centres et celle du personnel de sécurité » dénonce-t-il. JJT

      *Prénom fictif.

      https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles

    • Violences à #Chevrilles

      Trois #plaintes_pénales ont été déposées contre des agents de sécurité mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations à Chevrilles (FR). Des vigiles dénoncent une banalisation de la violence.

      Ils ont décidé de briser le silence assourdissant qui règne au lieu dit la Gouglera. Trois requérants d’asile ont porté plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le #Secrétariat_d’Etat_aux_migrations (#SEM) au Centre fédéral de Chevrilles (Giffers en allemand), situé en #Haute-Singine (FR). Les trois hommes confient avoir été victimes de #violences_physiques de la part d’agents de sécurité. Blessés, ils ont été pris en charge par les urgences de l’hôpital de #Fribourg, photos et constats médicaux à l’appui. Des employés de la sécurité font état d’une banalisation de la #violence dans le centre.

      Le 4 mai, vers 17 h 15, Ali rentre à la Gouglera après s’être rendu à Fribourg. Lui qui a été atteint du #Covid-19 souffre encore de vertiges et souhaite se coucher. Il attend que le #service_de_sécurité le fouille et effectue le #protocole_d’entrée dans le centre. D’après ses propos, les agents l’ignorent et le font attendre trente longues minutes. Malade, il s’impatiente, cogne contre la vitre et demande aux vigiles de faire leur travail. Vexés par cette interpellation, deux agents l’auraient poussé au sol et roué de coups.

      En sang devant le centre

      « Lorsque j’ai dit au personnel de sécurité de faire leur travail, ils ont réagi comme si je les avais insultés, raconte Ali. Je leur ai dit d’arrêter, que j’avais du mal à respirer. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient rien à faire. » L’homme raconte avoir erré la tête en sang devant le bâtiment, Il aurait appelé la #police qui lui aurait répondu qu’il devait négocier lui-même avec les #vigiles son retour dans le centre.

      Grâce à l’aide d’un autre requérant, il parvient à prendre le bus pour Fribourg, mais perd connaissance avant d’arriver aux urgences. Des militaires l’escortent jusqu’à l’#hôpital. Après quelques heures en observation, l’hôpital paie un taxi pour le ramener à la Gouglera. Aux portes du centre, il se serait vu refuser l’entrée et aurait passé la nuit sur un banc. « Pourquoi les autorités nous traitent-elles ainsi ? » s’interroge-t-il.

      Cette même journée du 4 mai, Mohamed affirme avoir aussi subi l’ire de vigiles. Il fait la sieste dans sa chambre lorsque deux agents lui demandent d’évacuer les lieux. L’un d’eux lui fait remarquer que sa chambre est sale, Mohamed décrit un ton agressif et injurieux. Il s’en plaint auprès du directeur du centre. Lorsqu’il sort de l’entretien, deux agents le prennent à part. L’un l’aurait attrapé à la gorge, tandis que l’autre lui aurait pris les pieds pour le sortir du bâtiment. Il est soudain pris d’une crise d’épilepsie.

      « Au lieu de me venir en aide, les agents ont ri. J’ai marché jusqu’à la route, mais j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé à l’hôpital. » Le constat médical mentionne une marque d’#étranglement au niveau du cou. Selon la version des agents, Mohammed aurait été « agressé par un ami ». Celui-ci affirme pourtant que des témoins étaient présents. « Les #agressions sont très fréquentes, personne n’ose rien dire. D’autres gens viendront après nous, je porte plainte pour que cela ne se reproduise plus. »

      Hospitalisé

      Abdalim marche difficilement avec des béquilles depuis sa sortie de l’hôpital le 7 mai. Il considère que des vigiles de Chevrilles ont « bousillé sa vie ». « Une bagarre a éclaté, moi je discutais tranquillement avec d’autres et on m’a demandé de rentrer dans ma chambre. » Abdalim ne s’est peut-être pas exécuté aussi rapidement que le souhaitait le personnel de sécurité. Il affirme avoir été violemment poussé contre une vitre, qui s’est brisée sous le choc et l’a grièvement blessé à la jambe.

      Le verre a sectionné plusieurs tendons, ce qui a nécessité une opération et une #hospitalisation de cinq jours. « J’ai traversé 23 pays, tout ça pour perdre l’usage de ma jambe en Suisse », lance l’homme en colère. D’après les agents, il aurait perdu l’équilibre et serait tombé de lui-même sur la vitre.

      La police fribourgeoise affirme être intervenue une trentaine de fois au centre fédéral de Chevrilles en 2020. Depuis janvier 2019, quatre plaintes pénales ont été déposées pour des #lésions_corporelles simples. Les enquêtes sont en cours. D’après nos informations, le personnel impliqué dans ces agressions serait toujours en poste à Chevrilles. Contacté, le SEM affirme prendre la situation très au sérieux mais n’est pas autorisé à commenter les affaires en cours.

      La Gouglera n’est pas le seul centre d’asile concerné par la violence. Mi-mai, l’émission alémanique Rundschau et la Wochenzeitung dénoncent une violence structurelle au sein du centre fédéral d’asile de Bâle. Viviane Luisier, de l’association Solidarité Tattes, considère ces agressions comme l’une des conséquences de la nouvelle procédure d’asile. Elle dénonce la concentration des requérants dans des centres fédéraux. « Les réfugiés sont soumis à un #régime_carcéral, loin des centres urbains. Je crains que ces centres deviennent des #zones_de_non-droit. »

      –-

      « #Tolérance_zéro »

      Les requérants d’asile ne sont pas seuls à juger la situation intolérable. Des employés des entreprises de sécurité mandatées par la Confédération, #Securitas et #Protectas, jugent également certains comportements inacceptables. Révoltés par l’attitude de certains de leurs collègues, deux ont décidé de témoigner anonymement.

      « Ce printemps, la situation est devenue très tendue. Certains agents sont allés trop loin », confie Julien*. « Le personnel de sécurité est très peu formé. Il faut de l’expérience pour immobiliser un individu. Les interventions dont je suis témoins sont très ‘sales’, elles peuvent souvent blesser les personnes que l’on cherche à immobiliser », relate Paul*. Il déplore aussi une attitude répressive. « Dans les scénarios d’exercice, les requérants d’asile sont présentés comme des gens violents en qui nous ne pouvons pas avoir confiance. »

      D’après les deux agents, le recours à la violence serait régulièrement valorisé au détriment du dialogue. « On nous demande d’appliquer la tolérance zéro, sans nous expliquer ce que cela signifie. Lorsque quelque chose ne va pas, on ne cherche pas à réfléchir, on tape dedans », constate Paul. Le SEM explique que le personnel a pour instruction de désamorcer verbalement les différends chaque fois que cela est possible. La #contrainte est sensée n’être utilisé qu’en dernier recours. Pour Paul, cette théorie est peu mise en pratique. « Lors de notre formation, on nous a dit qu’il fallait recourir dans un premier temps à la stratégie de #désescalade, mais il n’y a aucun protocole. »

      Le SEM affirme que le recours à des #mesures_coercitives non proportionnées n’est pas toléré et sanctionnée. Les vigiles peuvent se voir interdire de fournir des services au nom du SEM si des comportements illégaux ou intolérables sont identifiés. La #responsabilité d’éventuelles autres sanctions revient aux entreprises de sécurité. « Lorsque les événements dérapent, les rapports sont rédigés par les agents eux-mêmes. Ils y mettent ce qu’ils veulent et sont couverts par la hiérarchie », commente Paul. Les deux vigiles affirment avoir été témoins de scènes lors desquelles certains de leurs collègues ont envenimé la situation, en provoquant les requérants d’asile. « On place des humains sous la surveillance d’enfants, c’est déplorable. » JJT

      Prénoms fictif.

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      « Nos #conditions_de_travail sont lamentables »

      Maigre salaire, contrats à durée déterminée, horaires éreintants, planification tardive, le tableau que décrivent les agents de sécurité est peu reluisant. « Les journées de treize heures, les horaires qui fluctuent, les services de nuit qui s’enchaînent, ça fatigue et ça rend agressif, témoigne Julien. Depuis que je travaille dans le centre d’asile de Chevrilles, j’ai vu beaucoup de casse : des burn-out, des accidents, du harcèlement. La #gestion_du_personnel est catastrophique. »

      Il affirme ne pas être serein, en raison du manque de matériel. « J’ai un collègue de 20 ans qui a travaillé sans gilet de protection. A plusieurs reprises, je n’ai pas eu de spray au poivre durant mes services et je n’avais pas de radio portative. » S’il n’excuse pas la violence, Julien pointe du doigt les entreprises de sécurité mandatées par la Confédération qui visent à maximiser les profits. « Nous ne sommes pas suffisamment formés pour gérer une telle pression. Il ne faut pas la même formation pour surveiller un parking que pour encadrer une population qui va du nourrisson à la grand-mère. », regrette-t-il.

      Une nouvelle #convention_de_travail dans le domaine de la sécurité est entrée en vigueur le 1er juin. Si les #salaires d’entrée ont été augmentés de 0,5 à 1% et le travail limité à deux cent dix heures par mois, ces améliorations restent très insuffisantes pour le syndicat Unia. « Les conditions de travail offertes par le SEM et le manque de #formation sont extrêmement problématiques. Les adjudications des mandats de sécurité reposent essentiellement sur le prix, non sur la compétence et la formation des agents », regrette Arnaud Bouverat, secrétaire syndical.

      « Une formation solide constitue le seul rempart contre les violences. Economiser dans ce domaine n’est pas anodin : cela entraîne un danger pour la sécurité des habitants des centres et celle du personnel de sécurité » dénonce-t-il. JJT

      *Prénom fictif.

      https://lecourrier.ch/2020/06/18/malaise-a-chevrilles

    • Violence des protectas au Centre Fédéral de Chevrilles/Giffers : STOP au renvoi des victimes ! Non au déni de justice !

      Après les violences contre Ali, Abdalim et Mohamed, une nouvelle plainte pénale contre certains agents de sécurité du Centre Fédéral d’Asile de Giffers (Chevrilles) a été déposée par Bodo, également victime de violences physiques.

      À partir d’aujourd’hui, Ali, Abdalim, Mohamed et Bodo risquent d’être renvoyés de Suisse à tout moment, alors même que leurs plaintes pénales contre ces violences sont en cours !

      L’avocate des plaignants a pourtant demandé la suspension des renvois pendant la procédure pénale mais le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a refusé cette demande. Selon le SEM, les plaignants pourront bénéficier d’une brève autorisation de séjour pour revenir en Suisse si cela est nécessaire dans le cadre de la procédure pénale.

      Ceci porte un nom : c’est un #déni_de_justice ! Les autorités ne peuvent garantir que les quatre hommes pourront revenir en Suisse pour participer en tant que plaignants à la procédure en cours. Le cours de la justice est donc entravé et ne peut se dérouler dans des conditions correctes.

      Ce déni de justice envers les requérants d’asile n’est pas nouveau : on le retrouve dans le cas des victimes de l’incendie du Foyer des Tattes, qui a eu lieu à Genève en 2014. Cing ans après les faits, la procédure n’est toujours pas terminée et les victimes, renvoyées pour la plupart aux quatre coins du globe, sont totalement hors de portée des autorités.

      Pour que la justice puisse suivre son cours, pour que les responsabilités puissent être établies, pour que la lumière soit faite sur les violences au CFA de Giffers (Chevrilles) :

      nous demandons aux autorités fédérales de suspendre immédiatement les renvois d’Ali, Abdalim, Mohamed et Bodo !

      Avant que d’autres violences ne se produisent, nous demandons également au Secrétariat d’État aux Migrations (SEM) :

      d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile afin de rompre l’isolement et de mettre fin à ces zones de non-droit ;
      d’engager des travailleurs sociaux et soignants en nombre suffisant et ayant pour mission de SOUTENIR et de répondre aux besoins des requérant-e-s d’asile ;
      d’arrêter toute collaboration avec des entreprises de sécurité privées, (telles que Protectas, Securitas ou autre), dans le cadre des CFA et autres foyers de requérants, tant que les mandats d’engagement de ces entreprises ne sont pas sérieusement révisés, garantissant la sécurité des requérants.
      de mettre en place des formations complètes et obligatoires pour tout le personnel engagé, mettant l’accent sur l’encadrement social, l’intégration et le vivre-ensemble, et non sur la répression et l’isolement des requérants d’asile.

      Solidarité Tattes, Droit de rester Fribourg, ACAT-Suisse

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 30.07.2020

    • Mesures de rétorsions, clinique psychiatrique et renvoi ! Visite aux requérants qui ont dénoncé les violences dans le Centre Fédéral d’Asile de Giffers

      Mercredi 16 septembre, 3 membres du comité de Solidarité Tattes sont allé-e-s à Fribourg pour faire suite aux échanges avec les 4 requérants d’asile hébergés au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Giffers, à Fribourg. Requérants qui ont été assez courageux pour porter plainte contre les agents de sécurité de ce centre qui les ont violentés à divers moments et à divers degrés, suffisamment pour les envoyer à l’hôpital. Bref : ce sont ces 4 requérants qui ont levé le voile sur ce qui peut se passer dans ce CFA, à l’insu des citoyen-enne-s suisses dont certain-e-s pensent que cette nouveauté (la création des CFA) allait simplifier les démarches pour les requérant-e-s et pour les autorités.

      Suite à la plainte déposée face à la justice par 4 requérants victimes d’agressions de la part des agents de sécurité, la vie dans le CFA ne s’est pas améliorée pour eux : les agents agresseurs sont restés en place encore plusieurs jours et semaines. Pour les 4 requérants, cela a signifié angoisse, stress, cauchemars et aussi humiliation. Deux d’entre eux ont été hospitalisés en clinique psychiatrique. De ces deux, l’un est sorti de la clinique et du CFA pour entrer en procédure nationale, enfin. C’est la seule bonne nouvelle que nous avons des 4 plaignants. Notre visite à Fribourg devait donc consister à voir les 3 requérants qui se trouvent encore dans le canton : l’un toujours en clinique psychiatrique, à qui nous avons rendu une visite de soutien, lui qui pense au suicide dès que le médecin lui parle de retourner au CFA ; et 2 autres, toujours hébergés au #CFA.

      De ces deux derniers, seul l’un d’eux est venu nous retrouver au buffet de la gare de Fribourg. Il nous a dit que les 2 agents agresseurs n’étaient plus au CFA de Giffers et que cela rendait la vie moins difficile. Mais aussi, il nous a donné un nombre d’exemples stupéfiant des règles à respecter dans ce centre et dont le but ne peut être que celui de tenir les requérant-e-s en respect, de leur rappeler qu’ils-elles n’ont aucun droit et qu’ils-elles doivent se taire, se faire oublier, disparaître. Par exemple :

      - Interdiction d’amener de la nourriture à l’intérieur du centre, ce qui pousse les requérants qui arrivent à s’acheter une friandise à la cacher dans les prés (!) et à la manger quand ils sont hors du centre !
      - Punition dès qu’on arrive 5 minutes en retard au repas ou à l’entrée du centre après une sortie dans les environs.
      - Fouilles corporelles à l’entrée et à la sortie du centre et fouilles fréquentes dans les chambres.
      – Pénalités infligées mais jamais notifiées par écrit. A la question : « Pourquoi avez-vous été puni dernièrement ? Pourquoi vous prélève-t-on fréquemment de l’argent sur les 21 fr par semaine auxquels vous avez droit, au point qu’il ne vous reste jamais rien ? », la réponse est : « Je ne sais pas ! ».

      Car les « pénalités » ne sont jamais assorties d’un papier qui dise la raison de la punition, la date où elle a lieu et qui l’inflige. Centre Fédéral d’Asile ? On nous parle d’un lieu fermé où règne l’arbitraire.

      Quant au second requérant plaignant toujours hébergé à au CFA de Giffers, il ne viendra pas à notre rencontre. Il n’a pas le droit de sortir du centre car il a ce jour-là un rendez-vous médical, puis il devra aller au SPOMI (l’office de la population fribourgeois). A notre retour à Genève, nous apprenons… qu’il a été arrêté et emmené à l’aéroport de Genève pour son renvoi en Allemagne ! Cette personne était NEM-Dublin-Allemagne et son délai se situait à la fin de l’année. Mais il a été renvoyé maintenant, alors que la procédure de sa plainte pénale est encore en cours. Nos démarches juridiques et politiques pour demander à M. Gattiker, directeur du SEM, de ne pas renvoyer cette personne alors que la procédure pénale n’est pas close, ont été totalement inutiles. Gattiker a été inflexible.

      De notre côté, nous sommes bien décidé-e-s à ne pas lâcher les 4 plaignants qui ont eu le courage de dénoncer les violences dans le CFA de Giffers et à ne pas lâcher non plus la mise au grand jour du fonctionnement inacceptable de ces zones de non-droit.

      Alors c’est simple et logique : si les CFA sont déjà pareillement iniques, le Centre de renvoi prévu pour Genève en bord de piste d’atterrissage pour rendre fous adultes, adolescents et enfants ne doit jamais voir le jour.

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 22.09.2020

    • Le « #procès_de_Giffers », pour donner la parole à 4 requérants violentés

      Ce lundi 23 mai 2022 débute à Fribourg le « procès de Giffers ». En mai 2020, en plein premier confinement, 4 requérants d’asile hébergés au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Giffers portent plainte contre des violences subies à l’intérieur de ce centre.

      Rappel des faits

      Le 3 mai 2020, Ali, requérant camerounais, demande aux Protectas du CFA de Giffers, où il réside, de bien vouloir le laisser entrer rapidement (fouille obligatoire à l’entrée du CFA). Etant convalescent (COVID-19), il se sent faible et n’arrive plus à attendre que les Protectas aient terminé de discuter entre eux. Le ton s’enflamme immédiatement : deux Protectas le poussent violemment et le frappent. Ali se rend à l’hôpital : le constat fait état de multiples contusions. A son retour au centre vers 22h, les Protectas lui interdisent l’entrée : il doit dormir sur un banc à l’entrée.

      Ce même 3 mai 2020, Abdalim, requérant marocain, se voit intimer l’ordre de regagner sa chambre. N’ayant pas obtempéré suffisamment rapidement aux yeux du Protectas, celui-ci le pousse violemment contre une vitre, ce qui lui sectionne les tendons de la jambe. Il est hospitalisé puis opéré. Il doit ensuite marcher avec des béquilles pendant de long moins et souffre encore aujourd’hui de douleurs à la jambe.

      Le 4 mai 2020, Mohamed, requérant algérien qui souffre d’épilepsie, subit lui aussi une agression de la part des Protectas. Ceux-ci veulent fouiller sa chambre et ils lui disent qu’elle est sale. Mohamed refuse. Deux Protectas l’agressent en l’empêchant de respirer. La situation provoque chez Mohamed une crise d’épilepsie et il est emmené à l’hôpital : le constat médical fait état d’une agression par étranglement avec une marque antérieure au niveau du cou.

      Le dernier plaignant, Bodo, est un requérant ivoirien. Il s’est quant à lui fait violenter alors que les agents cherchaient à l’emmener de force à l’isolement. Son seul tort était de se soucier d’un rendez-vous médical qu’il ne voulait pas manquer, au risque de voir ce rendez-vous reporté plusieurs semaines après.

      Giffers, un cas isolé ?

      Mais Giffers n’est pas le seul CFA concerné. Les CFA de Bâle, Boudry, Altstätten et Vallorbe sont touchés par des faits similaires. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’asile et l’ouverture des CFA en 2019, de nombreux cas de violences ont été dénoncés et documentés par diverses associations. Certaines de ces violences ont largement été relayées par les médias.

      Courant 2021, Amnesty International a publié un rapport dénonçant les violations des droits humains ayant lieu dans les CFA. Émission phare de la RTS, Temps Présent a diffusé en février dernier une enquête faisant état de dysfonctionnements systémiques dans la gestion des CFA et de dérapages répétés de la sécurité. Les petites associations de défense des droits des personnes migrantes ont de leur côté joué un rôle déterminant, de par leur travail et connaissance du terrain, dans l’éclatement au grand jour de la triste réalité des CFA.

      Les CFA, un système diysfonctionnel

      En ce qui concerne le « procès de Giffers », les violences dénoncées illustrent tristement les conditions d’accueil dans les CFA. Et ces violences ne sont pas des actes isolés, puisque le système des CFA est fondé sur la répression et l’isolement.

      En effet, les sommes allouées par la Confédération à la « sécurité » dans les CFA sont supérieures aux montants dédiés à l’encadrement social et sanitaire. Ce ne sont pas quelques heures de formation sur la thématique de l’asile qui vont transformer un agent de sécurité en travailleur social. Les requérant-es d’asile ne sont pas libres de sortir et de rentrer au centre en dehors de certains horaires, ils sont soumis à des fouilles à leur retour au centre, ils n’ont pas le droit d’amener leur propre nourriture à l’intérieur du centre, etc. La gestion des CFA se fait dans un contexte de suspicion généralisée à l’égard des requérant-es. C’est par exemple au moment de se faire fouiller à son retour au centre qu’un des quatre plaignants qui passe en jugement dès aujourd’hui déclare s’être fait frapper.

      À relever : les faits qui seront jugés datent d’il y a deux ans. Depuis lors, 3 des 4 requérants ayant déposé plainte ont quitté la Suisse, car ils avaient reçu des décisions négatives concernant leur procédure d’asile. À l’évidence, l’accès à la justice est beaucoup plus limité pour des personnes requérantes que pour des personnes disposant d’un droit de séjour en Suisse. En l’absence de preuves (le SAS d’entrée du centre où ont eu lieu certains des faits qui seront jugés est pourtant équipé d’une caméra de surveillance), les requérants ayant eu le courage de porter plainte n’ont que peu de chances d’obtenir gain de cause dans leur cas précis.

      Alors un procès… pourquoi ? Ces 4 plaignants requérants et déboutés ont contribué à dévoiler au grand jour la réalité du système des CFA et des violences qui s’y déroulent habituellement dans le silence. C’est entre autre grâce à leur détermination que la société civile suisse a été mise au courant des traitements inhumains qui se déroulent dans notre pays. Même si les 4 plaignants, qui ne pourront pas tous être présents lors du procès, ne gagneront probablement rien à son issue, le « procès de Giffers » forcera l’attention publique à se tourner encore du côté des CFA.

      La Suisse accueille par milliers et dans la dignité les personnes fuyant le conflit russo-ukrainien. Un accueil humain est donc possible ! Espérons que ce procès servira à démontrer que les CFA induisent forcément des violences et qu’un accueil digne passe par la fermeture des centres fédéraux d’asile !

      Droit de Rester Fribourg & Solidarité Tattes

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 17.05.2022

    • LE « PROCES DE GIFFERS » : RENVOYÉ !

      Il y a quelques jours, on vous annonçait l’ouverture du "procès de Giffers" agendé le lundi 23 mai à Fribourg. Ce procès devait donner la parole à Ali, Arkab, Mohammed et Bodo, les quatre personnes violentées par des agents de sécurité du Centre fédéral d’asile du même nom, en 2020. Ces quatre personnes requérantes d’asile avaient eu le courage de porter plainte pour les mauvais traitements qui leur avaient été infligés par les agents de sécurité, ce qui avait contribué à dévoiler les graves exactions commises dans les CFA partout en Suisse.

      Pourtant, le procès n’a pas pu avoir lieu, notamment parce que ni Ali ni Arkab ni Mohammed n’étaient présents. Pas étonnant : trois de ces personnes ont dû fuir les autorités suisses peu après le dépôt de leur plainte afin d’éviter un renvoi musclé ! Ils se sont donc retrouvés à la rue, dispersés dans différents pays d’Europe. Nous avions pourtant alerté le SEM en 2020 : il semblait évident que la menace de renvoi était une entrave à la justice. Mais le SEM nous avait répondu, à nous mais également aux conseillers nationaux les ayant alertés, que non, que ce n’était pas un problème, qu’un renvoi n’entravait en rien la justice et que le jour du procès ces personnes pourraient alors revenir en Suisse. L’avocate aussi avait demandé au SEM de suspendre les expulsions des requérants concernés, le temps de la procédure, mais en vain.

      Alors nous pouvons redire aujourd’hui que, oui, l’intimidation et le renvoi de 3 des requérants-victimes- plaignants vivant hors de Suisse est un obstacle à la justice. Tout d’abord parce que ces personnes vivent dans la rue et ne sont pas facilement atteignables, parce qu’elles n’ont pas toujours l’argent pour manger et à plus forte raison pour recharger leur téléphone, parce qu’elles préfèrent disparaître à tout jamais pour ne plus avoir à faire avec les autorités suisses.

      Pour les 2 hommes hors de Suisse encore en contact avec l’avocate (le 3ème ne répond plus), un sauf-conduit a été émis. Mais rien n’a été pris en charge en termes de frais de voyage et d’hébergement à Fribourg. Il s’agit pourtant de personnes indigentes et allophones, qui de toute manière n’auraient eu aucun espace ni moment pour préparer le procès avec leur avocate.

      Le 23 mai, l’avocate a eu toutefois la possibilité de dire que ses mandants n’avaient pas eu droit à un procès équitable, ni droit à une enquête sur les violations des droits humains qu’ils dénoncent. Ils n’ont pas été protégés par le SEM qui les a fait taire en les intimidant et les expulsant, avant même que l’autorité pénale ne les entende. Toute l’instruction s’est faite dans leur dos, sans qu’ils puissent assister ni aux auditions des témoins ni à celles de leurs accusateurs. En bref, l’autorité pénale a créé toutes les conditions pour faire voir dans cette procédure une affaire de droit commun, alors qu’on était confronté à la violence d’état.

      Le procès a donc été ajourné, il aura lieu en septembre ! On vous tiendra au courant de la suite.

      « Je ne savais pas que les humains pouvaient nous faire ça ».

      Citation d’un des 4 requérants plaignants ayant subi des violences par les Protectas de Giffers

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 30.05.2022

    • Renvoi du « #procès de Giffers » : l’injustice suit son cours

      Les humiliations, les coups : de quoi déposer plainte. Les 4 requérants d’asile insultés et agressés par des agents de sécurité au centre fédéral d’asile de Giffers ont osé faire usage de leur droit en mai 2020. Un premier procès devait débuter le 23 mai 2022, mais il n’a pas eu lieu parce que… le procureur ne s’est pas présenté ! A relever que 3 des 4 plaignants non plus n’étaient pas là : expulsés ou disparus, avalés par le système d’asile. Le procès a alors été agendé pour septembre 2022, mais il n’aura finalement pas lieu parce que le tribunal vient de se rendre compte que l’instruction n’a pas été menée comme il se doit : les prévenus n’ont pas été entendus… Bref : le système judiciaire suisse n’a visiblement pas réussi à réaliser le B.A. BA de la procédure !

      En 2020, suite au dépôt de leur plainte, les 4 requérants d’asile étaient sûrs que justice leur serait rendue. Ils étaient sûrs que les violences qu’ils venaient de subir, ici en Suisse, étaient des faits exceptionnels que leur pays d’accueil n’allait pas excuser sans autres : les agents de sécurité incriminés allaient être jugés, punis, licenciés de leur travail. Le fait d’obtenir un dédommagement financier n’était pas dans leurs préoccupations ni dans leurs discussions, ils ne voulaient pas d’argent, ils voulaient la justice et ils étaient sûr de l’obtenir.

      Entre mai 2020 et septembre 2022, un des requérants a été expulsé, un autre n’a pas attendu d’être chassé manu militari pour partir. Un troisième, ayant compris au cours d’une discussion que la justice ne se prononcerait pas facilement en faveur des plaignants, a « disparu » également. Seul un des plaignants est encore atteignable à ce jour.

      Par deux fois, le « procès de Giffers » s’est agendé mais n’a pas eu lieu. Pendant ce temps, les plaignants vivent dans la rue hors de Suisse (« disparaître » signifie bien cela : sortir des radars de l’asile et dormir dans la rue, quelque part dans une ville européenne), leur droit fondamental n’est pas respecté, les violences exercées à leur encontre se perdent dans les sables, et si ce procès devait avoir lieu un jour, ce serait une triste farce qui énoncerait des noms, des responsabilités, des peines, des dédommagements pour des personnes qui sont inatteignables et ne le sauraient même pas. Sans parler du fait que les véritables coupables ne sont jamais pointés du doigt ! La violence inhérente au système d’asile, ce système orchestré par le SEM et les autorités suisse, mis en œuvre par l’Hospice général à Genève ou des sociétés privées dans les CFA, sortent de là sans une égratignure.

      Difficile de ne pas faire le rapprochement entre le « procès de Giffers » et le « procès des Tattes » à Genève : même lenteur pour organiser les audiences (il y a 8 ans que la catastrophe a eu lieu), même irrespect du droit des sinistrés (sur les 40 défenestrés, la plupart sont partis apeurés ou ont été expulsés). Un jugement a été rendu en 2021, il est remis en question par l’avocate chargée de l’affaire. Mais on peut relever déjà que ce premier jugement met la faute sur… l’homme décédé dans le feu, les irresponsables qui ne respectent pas les précautions anti-incendie, les indisciplinés qui ont sauté par la fenêtre !

      Des procédures qui traînent, des procès qui ne peuvent même pas avoir lieu et, surtout, les véritables coupables (ceux qui tirent les ficelles de ce système d’asile) jamais incriminés…
      Que ce soit cette année ou dans 10 ans, ce procès n’amènera qu’une seule preuve irréfutable : un-e requérant-e d’asile n’a aucun droit en Suisse, il ne peut pas se défendre et n’importe qui peut impunément l’insulter, le tabasser, le violenter.

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 21 septembre 2022

  • « On passe des heures à essayer de trouver une place aux malades » : le douloureux retour à la normale des urgences à l’hôpital
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/15/c-est-la-qu-il-y-a-les-tremblements-de-terre-les-urgences-epicentre-de-la-co

    Après des mois de pandémie, les urgences retrouvent leurs difficultés structurelles. Une journée d’action des personnels hospitaliers est prévue le 16 juin.

    Les maux de l’hôpital 6/6. Elle ne le dit pas trop fort parce que son hôpital a vécu les mêmes drames qu’ailleurs, mais Sheila Gasmi regretterait presque le temps du Covid-19 : « Pendant cette période, on a retrouvé notre âme d’urgentistes. » Depuis dix ans, elle exerce comme médecin aux urgences de l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), et ne s’était jamais sentie aussi utile. « On a renoué avec notre cœur de métier : la gestion de crise. Pour une fois, on a eu l’impression de faire notre travail. »

    Et maintenant ? Dans sa main, les dossiers des patients venus aux urgences ce mercredi 10 juin, avec leur motif d’admission. Sheila Gasmi lit : « Bourdonnement de l’oreille depuis quatre semaines, dorsalgie, œil rouge, constipation sans gaz depuis une semaine (déjà venu pour ce motif le 6 juin), douleurs abdominales et vomissements depuis une semaine, abcès fesse depuis trois semaines, plaie index gauche, ivresse… » Un dernier : « Retard de règles. Elle, je lui ai dit : “C’est pas possible. Vous allez chez Carrefour et vous achetez un test de grossesse.” »

    Le retour progressif à la normale, après la vague épidémique, n’est pas facile. Derrière Sheila Gasmi, un homme de 91 ans arrive sur un brancard dans la salle de déchocage, dévolue aux cas graves, une plaie profonde dans la jambe droite. Il a trébuché sur son déambulateur, fracture ouverte du tibia. Mais le retour à la normale, ce n’est pas tant ce qui se passe en salle de déchocage que tout autour.

    « Il y a urgence aux urgences »

    Le retour à la normale, ce sont les patients qui s’entassent pour de la « bobologie » dans la petite salle voisine – « la zone des consultations médicales » –, ce sont ceux qu’il faut hospitaliser, mais qui gisent des heures durant sur un brancard dans les couloirs en attendant un lit, ce sont ceux qui deviennent violents. Un grand panneau de bois remplace une des vitres du guichet d’accueil. Fin mai, un homme excédé par l’attente l’a fait exploser avec une chaise. L’agente qui se trouvait derrière est en arrêt jusqu’au 30 juin.

    En 2018, l’observatoire national des violences en milieu de santé a reçu des services d’urgences 3 450 signalements d’atteintes aux personnes et 513 d’atteintes aux biens – seule la psychiatrie en déclare plus. C’est à la suite de plusieurs faits de violence à Saint-Antoine que les urgences de cet hôpital du centre de Paris se sont mises en grève, en mars 2019, entraînant un immense mouvement de contestation, qui a mis en lumière le malaise dans ces services dont la fréquentation explose : 10 millions de passages aux urgences en 1996, 22 millions en 2018. Les effectifs n’ont pas suivi et les services saturent, aggravant le risque de mortalité ou de complications chez les patients.

    « Il y a urgence aux urgences » a été le refrain de l’année en 2019. Quelque 300 des 474 services des urgences publics se sont déclarés en grève. La secousse avait été puissante − et devrait connaître une réplique mardi 16 juin, journée de mobilisation nationale du personnel soignant. François Braun, président du syndicat SAMU-Urgences de France, résume la situation : « Il y a la plaque tectonique de la médecine de ville et la plaque tectonique de l’hôpital qui bougent, qui dysfonctionnent et, à la jonction des deux, il y a les urgences. C’est là qu’il y a les tremblements de terre. » Les urgences, poste d’observation sans pareil des maux du système de santé français, tant côté ville – « l’amont » – que côté hôpital – « l’aval ».

    « Une sorte de supermarché ouvert 24 heures sur 24 »

    Dans leur rapport intitulé « Pour un pacte de refondation des urgences », établi à la suite du mouvement de grève, le député (LRM) de Charente Thomas Mesnier et le professeur Pierre Carli ont largement souligné que le mal aux urgences était lié à un mal en amont. Ils ont identifié plusieurs causes à la forte hausse de la fréquentation. Parmi elles, « le consumérisme », cette idée selon laquelle, comme le résume Mathias Wargon, chef des urgences de l’hôpital de Saint-Denis, elles sont devenues pour les citoyens « une sorte de supermarché ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, où vous êtes sûr de trouver tout ce dont vous avez besoin », de la prise de sang au scanner.

    Mais le rapport s’attarde surtout sur « ces patients qui ne trouvent pas d’autre accès aux soins ». Ceux pour qui les urgences pallient les manques de la médecine de ville, ceux qui ne savent ou ne peuvent faire autrement, que ce soient les résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pas assez médicalisés, ou tous ceux qui n’ont pas de médecin traitant, pas de papiers, pas d’argent.

    Ce 10 juin, sur un brancard au milieu d’autres patients hagards, dans le couloir d’Avicenne, ronfle un clochard que les pompiers ont trouvé ivre mort dans la rue. Il y retournera dès qu’il aura dessoûlé. « J’ai voulu lui trouver une structure d’accueil, il ne veut pas qu’on s’occupe de lui » , soupire Khaïna Daoud, l’assistante sociale du service, qui voit passer à longueur de journée « des SDF, des femmes battues, des mineurs isolés, des personnes âgées vulnérables ».

    « La grève, c’est aussi parce qu’on n’est pas faits pour recevoir ce type de patientèle », explique Laura Michalet, aide-soignante qui ne compte plus les malades psychiatriques « qui errent dans les couloirs, qui se mettent tout nus, qui urinent par terre, qui font des crises de démence ». Avicenne les garde : l’hôpital psychiatrique voisin de Ville-Evrard est toujours plein.

    3,6 millions de passages « inutiles » aux urgences en 2017

    Un rapport de la Cour des comptes estimait, en 2017, à 3,6 millions le nombre de passages « inutiles » aux urgences, des demandes de soins non programmés, sans détresse vitale, « qui auraient pu être pris en charge par la médecine de ville ». Problème : si les urgences sont saturées, souvent, la médecine de ville l’est aussi.

    « S’il y avait une médecine de ville organisée et un maillage important, on aurait moins de visites aux urgences » , affirme Frédéric Adnet, qui dirige celles d’Avicenne. Le problème est ancien. « Je suis persuadé que si l’on avait une permanence de soins en ville correctement organisée, les services hospitaliers d’urgences pourraient travailler dans de bien meilleures conditions », disait déjà, en 2003, le ministre de la santé, Jean-François Mattei.

    La densité déclinante de la médecine de ville qui crée des déserts médicaux – en Seine-Saint-Denis notamment – doit beaucoup au numerus clausus qui a limité le nombre d’étudiants en médecine depuis 1971. Sa levée, à la rentrée 2020, n’inversera pas la tendance avant dix ans. En attendant, le gouvernement mise sur une réorganisation du système de soins en ville, autour de communautés professionnelles territoriales de santé – des réseaux d’acteurs de la santé sur une zone donnée – et réfléchit à la mise en place d’un numéro unique de régulation médicale ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour apporter aux malades une réponse adaptée : l’envoi du SAMU pour l’urgence vitale, un rendez-vous avec un généraliste dans les vingt-quatre heures, ou une téléconsultation.

    Les urgences, la tirelire de l’hôpital

    Le rapport Carli-Mesnier suggère enfin de multiplier les « maisons médicales de garde » à proximité des services des urgences, qui pourraient alors envoyer vers ces lieux, regroupant des médecins libéraux, les patients aux problèmes non urgents. Mais le feront-ils, sachant que cela leur ferait perdre de l’argent ? « La tarification à l’activité et le forfait en fonction du nombre de passages ont encouragé l’hôpital à faire des urgences leur tirelire », dit agacé Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français, premier syndicat de médecins libéraux.

    Chaque passage aux urgences rapporte en moyenne 161,50 euros à l’hôpital, a estimé la Cour des comptes en 2014. Résultat, explique le docteur Braun : « Quand les urgentistes râlent parce qu’ils ont trop de patients à prendre en charge, les directeurs d’hôpitaux disent : “C’est très bien, continuez à bosser.” C’est un peu perturbant. » La réforme du financement des urgences est au cœur du Ségur de la santé, qui doit déboucher d’ici à mi-juillet à une « refondation du système de santé » français.

    A cette situation kafkaïenne, Olivier Véran, pas encore ministre de la santé, a proposé, en 2018, une solution kafkaïenne qui devait entrer en vigueur au moment où le Covid-19 est arrivé : un « forfait de réorientation hôpital-ville » de plusieurs dizaines d’euros. Autrement dit : payer l’hôpital pour qu’il accepte de renvoyer les patients vers la médecine de ville.

    « Le flux de patients qu’on doit caser »

    « En réalité, le problème n’est pas le flux de patients qui arrivent, assure cependant le professeur Adnet, c’est le flux de patients qu’on doit caser. » L’aval. Mercredi 10 juin, à Avicenne, une dizaine de personnes attendaient qu’un lit se libère dans un service. « Ils sont parfois vingt ou vingt-deux », confie-t-il. Dans ces cas-là, le couloir déborde, et les brancards sont mis « en double file », dans un couloir perpendiculaire.

    Les urgences pâtissent par ricochet de la fermeture, entre 1993 et 2018, de près de 100 000 lits dans les hôpitaux. « C’est indécent, un papi qu’on ne peut pas mettre dans une piaule parce qu’il n’y a pas de lit, se désole l’infirmière Virginie Moneo. Les gens passent parfois vingt-quatre heures dans le couloir, c’est devenu normal. On a parfois l’impression d’être dans la maltraitance, mais on subit nous-mêmes la maltraitance gouvernementale depuis vingt-cinq ans. »

    « Les urgentistes ne disent pas qu’ils travaillent trop, ils disent qu’ils travaillent trop dans une fonction qui n’est pas médicale. On passe des heures à essayer de trouver une place aux malades. » Faute de place au bloc opératoire d’Avicenne, ou dans un hôpital des départements voisins, le vieil homme à la fracture ouverte du tibia a attendu six heures pour être opéré.

    Outre des lits et du personnel supplémentaires, les urgentistes réclament 300 euros supplémentaires par mois pour les paramédicaux. Lorsqu’elle était encore ministre de la santé, Agnès Buzyn leur en a accordé 100, sous forme de prime qui ne comptera pas pour la retraite. Laura Michalet, aide-soignante depuis sept ans, touche 1 350 euros net par mois. Virginie Moneo, infirmière depuis dix-huit ans, 2 170 euros. « C’est une honte », dit Mme Gasmi. Après dix ans comme médecin aux urgences, elle-même pourrait, dans le privé, prétendre à deux fois plus que ses 4 000 euros mensuels. « Si je reste là, c’est parce que j’aime mon hôpital, j’aime mon 93, j’aime le service public. »

    #hôpital #santé_publique #urgences #médecine_de_ville #soin

  • Imen Mellaz
    @Mellazimen
    https://twitter.com/Mellazimen/status/1272929930611953666

    Cette femme, c’est ma mère. 50 ans, infirmière, elle a bossé pendant 3 mois entre 12 et 14 heures par jour. A eu le covid. Aujourd’hui, elle manifestait pour qu’on revalorise son salaire, qu’on reconnaisse son travail. Elle est asthmatique. Elle avait sa blouse. Elle fait 1m55.

    On ose me dire au téléphone, évidemment, « qu’on ne sait pas ce qu’il s’est passé avant ces vidéos, mais ayez confiance, si elle n’a rien fait on la relâche ». Oui, comme #AdamaTraore par exemple ? Bien sûr, « ayez confiance ». Elle est actuellement en garde à vue.

    Rien ne justifie de TOUTE FACON une telle interpellation. Pas quand on est désarmée, pas en blouse, pas quand on fait 1m55, pas face à autant de robocop. Non, non et non.

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    Remy Buisine
    @RemyBuisine
    https://twitter.com/RemyBuisine/status/1272935058630983681

    Une femme en blouse blanche, tirée par les cheveux, durant une interpellation, finira évacuée le visage en sang durant la manifestation aux Invalides. Elle réclamera à plusieurs reprises sa Ventoline.

    Images issue de mon direct sur @brutofficiel
    (1H45). #soignants

    #manif16juin #soignants #soignantes

  • « Aller à l’hôpital, y passer sa vie, y mourir », Douleur et souffrance 5/7 : l’#hôpital - Recherche de notre temps - (1ère diffusion : 09/04/1963). au moment de Naissance de la clinique
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/recherche-de-notre-temps-douleur-et-souffrance-57-lhopital-1ere-diffus

    «Un malade intelligent, c’est bien plus difficile à soigner.» un infirmier.

    Par Harold Portnoy - Présentation Michel Foucault - Avec Claude Revault d’Allones et Alfred Métraux - Réalisation José Pivin

    On aura beau décrier, dénoncer et conchier tant et plus #Michel_Foucault, ce à quoi il a contribué reste inoubliable.

    Toute la série vaut la peine.

    #douleur #souffrance #institution #clinique #soin

  • À L’HÔPITAL DE MONTAUBAN, LA TOMBOLA DE LA HONTE POUR LES SOIGNANTS
    https://www.humanite.fr/lhopital-de-montauban-la-tombola-de-la-honte-pour-les-soignants-689986

    Au lieu de voir leur salaire augmenter, les hospitaliers sont invités à participer à un jeu-concours pour se partager des dons effectués en remerciement de leur mobilisation.

    #salaire #primes #mérite (le concours, ah ah ah) #soignants #hôpital #tombola #égalité_des_chances #paywall

    • Je suis assurée puisque c’est obligatoire, mon assureur m’a écrit pour me dire que la crise du coronavirus lui a fait faire des économies (moins d’accidents sur les routes) et donc … je peux choisir de reverser ce gain (ou pas) à une association d’aide aux soignants. Comme tout assuré·e, je dois donc me sentir coupable de leur dire que j’emmerde les assurances et leur façon de me soutirer mon fric et pour en faire ce que je veux je dois leur téléphoner. Dommage, c’est une machine qui me répond, cliquez sur 2 si vous êtes une sale égoïste qui n’a pas applaudit à sa fenêtre et ne veut pas pallier aux dérives politiques.
      #énorme
      #responsabilité_politique
      #charity_business

  • UN secretary-general praises Kurdish doctor’s contribution to COVID-19 response - Rudaw
    Secretary-General of the United Nations António Guterres commended a Kurdish former refugee and doctor for his contribution to the global COVID-19 response in a video call Wednesday .

    #Covid-19#Iraq#KRG#Medecin#ONU#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://www.rudaw.net/english/world/04062020

  • Coronavirus : à l’hôpital, une parenthèse « extraordinaire » se referme, Elisabeth Pineau, François Béguin, le 11 mai 2020

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/11/a-l-hopital-une-parenthese-extra-ordinaire-se-referme_6039275_3244.html

    Contraintes de se réinventer au fur et à mesure de l’avancée de l’épidémie, les équipes de soignants mesurent les « miracles » accomplis et les largesses financières inédites dont elles ont pu bénéficier.

    Avec près de 100 000 patients atteints du Covid-19 pris en charge depuis le 1er mars, l’hôpital public a subi en quelques semaines un « électrochoc » qui l’a obligé à se réinventer dans l’urgence. A l’heure de la décrue, les personnels hospitaliers décrivent cette période comme une « parenthèse extraordinaire » , certes « douloureuse » , « stressante » et « fatigante » , mais où furent possibles un « formidable bouillonnement d’idées » et un « fonctionnement miraculeux » , selon les termes de plusieurs d’entre eux.

    « Les personnels ont goûté à autre chose : il y a eu de l’invention et de l’autonomisation, ça a complètement changé la façon de voir leur métier » , témoigne François Salachas, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du Collectif inter-hôpitaux (CIH). « Nous obtenions tout ce que nous demandions, jamais nous n’entendions parler de finance… Je me suis demandé s’il s’agissait d’un miracle ou d’un mirage » , a raconté Hélène Gros, médecin au service des maladies infectieuses de l’hôpital Robert-Ballanger, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), lors d’une conférence de presse du CIH, le 5 mai.

    C’est donc avec appréhension que les soignants voient aujourd’hui cette parenthèse se refermer, les mesures du « plan massif d’investissement et de revalorisation » en faveur de l’hôpital, promis par Emmanuel Macron, le 25 mars, à Mulhouse, n’étant toujours pas connues. Jeudi 7 mai, quelques membres du CIH ont défilé en blouse blanche dans les couloirs de l’hôpital Robert-Debré, à Paris, l’un d’entre eux portant une pancarte sur laquelle était écrit : « Pas de retour à l’anormal » .

    Le matériel. A l’hôpital, tout le monde a en tête les propos tenus par le chef de l’Etat lors de son allocution solennelle du 12 mars. « Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte. » Un feu vert présidentiel immédiatement répercuté sur le terrain. Dès le début, « les barrières financières ont sauté. On (…) a dit : “Ce sera oui à tout” » , selon un directeur médical de crise à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

    Si la pénurie d’équipements de protection, comme les masques ou les surblouses, a suscité la colère dans de nombreux établissements, d’autres besoins ont été immédiatement satisfaits. « Toute l’année, notre référente logistique se bat pour avoir le moindre matériel, là elle m’a dit : “C’est open bar !” J’ai pu commander ce dont j’ai besoin, comme des stéthoscopes, des thermomètres… alors même que le budget mensuel alloué avait été dépassé » , relate Claire Guil-Paris, infirmière au CHU de Nantes.

    « Etonnamment, tout pouvait se commander en urgence » , renchérit Florence Pinsard. Sept ans que cette cadre en gériatrie au centre hospitalier de Pau demandait en vain des thermomètres sans contact. « On a presque dit “vive le Covid-19 !” » , lance-t-elle. Le 28 avril, la Fédération hospitalière de France a chiffré entre 600 et 900 millions d’euros le surcoût de la crise pour les hôpitaux publics. Une cadre supérieure d’un hôpital de l’AP-HP rappelle toutefois que de nombreux matériels (pousse-seringues, respirateurs, etc.) ont été obtenus grâce la solidarité privée, notamment de la part d’associations comme Protège ton soignant.

    Les effectifs. Dans certains hôpitaux, la crise est survenue dans une situation tendue en ce qui concerne les effectifs de personnels. Faute de candidats, il manquait, par exemple, près de neuf cents infirmiers début mars dans les trente-neuf établissements de l’AP-HP, entraînant la fermeture de plusieurs centaines de lits.

    La suspension des activités hors Covid non urgentes a d’abord permis de réquisitionner du personnel supplémentaire. Dans le Grand-Est ou en Ile-de-France, des renforts – payés en moyenne à l’AP-HP 30 % de plus que les titulaires, selon nos informations – sont en outre venus d’autres régions moins exposées. « En trois jours, on a pu recruter un collègue de Rouen pour nous aider à monter un système permettant de surveiller en continu la saturation des patients dans le secteur Covid de pneumologie, avec l’aide de sociétés privées qui ont prêté de l’appareillage » , explique Thomas Gille, pneumologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Beaucoup de soignants sont également venus travailler en intérim.

    Alors que les hôpitaux redémarrent leur activité sans rapport avec le Covid-19, les personnels titulaires s’inquiètent de voir repartir ces effectifs. « Ce ne sont pas des moyens exceptionnels. Ils sont juste à peine à la hauteur de ce qu’il faudrait le reste du temps pour s’occuper des malades non-Covid » , estime Mme Pinsard. « Alors même qu’ils se sont souvent plu chez nous, ces renforts ne veulent pas rester, ils nous disent qu’ils ne peuvent pas se loger à Paris. Les conditions ne sont pas là pour qu’ils se disent que ça vaut le coup de revenir » , regrette sous le couvert de l’anonymat une cadre supérieure d’un grand hôpital de l’AP-HP.

    Le sens du métier. Les médecins hospitaliers saluent le changement de discours de leur direction pendant ces quelques semaines. « D’habitude, on ne nous parle que de tarification d’activité, de rentabilité, de fermeture de lits, d’augmentation de l’activité et de réduction du personnel. Là, d’un seul coup il n’était plus question de tout ça, mais de l’intérêt des malades » , relève Isabelle Simon, pneumologue au Centre hospitalier de Compiègne-Noyon (Oise). « On a eu l’impression d’être libérés, comme si on avait ouvert une porte de prison » , a fait valoir, le 5 mai, Agnès Hartemann, la chef du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

    Au cours de cette période où il leur a fallu gérer un afflux massif et soudain de patients atteints du Covid-19, les personnels hospitaliers disent avoir retrouvé le sens de leur métier. « On arrivait à une saturation de cet #hôpital-entreprise avec des tableaux Excel et des alignements de chiffres pour taper sur les médecins en leur disant : “Vous ne travaillez pas assez” » , résume François Braun, chef du service des urgences du centre hospitalier régional de Metz-Thionville (Moselle) et président du syndicat SAMU-Urgences de France. « C’est une parenthèse où on a pu faire notre métier comme on aurait envie de le faire tous les jours » , ajoute Mme Guil-Paris.

    S’ils se sont sentis enfin écoutés, les médecins ont également eu le sentiment de reprendre l’organisation des services en main, avec les paramédicaux, et de ne plus se voir imposer des schémas directeurs d’organisation. « On a redécouvert les vertus de la gestion locale, décentralisée, ça va être difficile pour tout le monde de revenir en arrière quand le siège central va resserrer la bride » , souligne le docteur Gille.

    La coopération entre services. La crise a vu se dessiner une synergie inédite à l’hôpital. L’arrêt de toutes les activités programmées a conduit tout le corps médical à se concentrer sur un objectif commun. La concurrence entre médecins, entre disciplines, entre personnels médicaux et paramédicaux, entre seniors et internes, s’est subitement évaporée, relèvent de nombreux soignants. « C’était comme une grande famille qui se retrouve, la glace qui se brise, des distanciations et hiérarchies qui n’existent plus, il y avait plus d’attention pour les brancardiers, les infirmières, les aides-soignants… C’est ce qui nous a permis de tenir, alors qu’on était dans l’œil du cyclone », décrit la docteure Simon, à Compiègne, le premier centre hospitalier, avec celui de Creil, à avoir accueilli des patients atteints du Covid-19.

    A l’hôpital, une question est désormais dans tous les esprits : à quoi ressemblera l’« après-Covid » ? « Le temps n’est plus aux tergiversations » , a mis en garde le professeur Jean-Luc Jouve, chirurgien orthopédiste à Marseille, lors de la conférence de presse du CIH. « Notre système a pu résister à cette vague en laissant l’hôpital à genoux. Il ne résistera pas à des vagues successives » , a-t-il fait valoir, en rappelant que « les personnels hospitaliers ont besoin d’une revalorisation immédiate » et qu’il n’y a eu, selon lui, pour le moment, « aucune annonce gouvernementale qui permette d’avoir un véritable espoir » .

    #Crise-sanitaire #Collectif_inter-hôpitaux #hôpital #staff_and_stuff #politique_du_soin #capitalisme vs #coopération #soigner_l'institution #hôpital #santé_publique

  • Covid-19 : ces consultants au cœur de la « défaillance organisée » de l’État - Basta !
    https://www.bastamag.net/Gestion-de-crise-McKinsey-Capgemini-Boston-Consulting-Group-lobbying-RGPP

    Après avoir accompagné et encouragé la réduction du nombre de personnels et la soumission de l’hôpital public aux contraintes gestionnaires, les grands cabinets de conseil – Boston Consulting Group, Capgemini, McKinsey… – se sont assuré un rôle clé auprès du pouvoir exécutif et de l’administration pour façonner la réponse à la crise sanitaire.

    Ce sont des acteurs méconnus de la gestion de l’épidémie du Covid-19. On les retrouve partout : auprès des hôpitaux et des autorités de santé pour les conseiller sur leur organisation, auprès du pouvoir exécutif pour aider à mettre en place le confinement et le déconfinement et à faire face à l’urgence et aux pénuries, auprès du ministère de l’Économie aujourd’hui pour flécher les aides aux entreprises et contribuer à l’élaboration des plans de relance. C’est l’un des grands enseignements du rapport « Lobbying : l’épidémie cachée » que l’Observatoire des multinationales a publié le 3 juin en partenariat avec les Amis de la Terre France.
    https://multinationales.org/Lobbying-l-epidemie-cachee

    « Ils », ce sont le grands cabinets de conseil en gestion : McKinsey basé à New York, Boston Consulting Group (BCG) et Bain à Boston, Accenture à Dublin, Roland Berger à Munich, Capgemini à Paris, ou encore Strategy& (ex Booz, appartenant aujourd’hui à PwC) et Parthenon (filiale d’Ernst & Young). Leur rôle est de conseiller leurs clients – des entreprises, des institutions publiques et privées, et même des États - sur leur stratégie et leur organisation.

    On pourrait les comparer aux « Big Four » de l’audit et de la comptabilité - PwC, Ernst & Young, KPMG et Deloitte –
    https://multinationales.org/Les-grands-cabinets-d-audit-moteurs-de-la-financiarisation-et-de-l-
    auxquels ils sont parfois directement liés. Travaillant comme ces derniers à la fois pour le public et – surtout – pour le privé, ils contribuent à aligner le premier sur le fonctionnement et la vision de monde du second. Très impliqués dans la « révision générale des politiques publiques » de Nicolas Sarkozy, puis dans la « modernisation de l’action publique » de François Hollande, aujourd’hui dans la « transformation de l’action publique » d’Emmanuel Macron, ils sont à la fois les artisans et les profiteurs de la « réforme de l’État », selon l’euphémisme en vigueur pour désigner les politiques de réduction du nombre de fonctionnaires et de repli du secteur public. C’est-à-dire ces politiques mêmes qui apparaissent aujourd’hui comme l’une des principales causes des carences constatées face au Covid-19.

    Quand les consultants organisent la réponse à l’épidémie

    Un exemple, relaté par Mediapart, résume à lui seul le problème. L’un des principaux acteurs de la réforme de l’État depuis des années, le cabinet McKinsey, a été mobilisé en plein pic épidémique pour aider à mettre en place une task force interministérielle en vue du déploiement de tests sur le territoire français. Cette task force a rapidement confié une mission d’évaluation des capacités des laboratoires français à... une autre firme de conseil, Bain. Pendant ce temps, des dizaines de laboratoires publics et privés qui avaient offert leurs services dès le début de la crise attendaient, incrédules, que le gouvernement veuille bien leur répondre. Bref, les firmes qui ont accompagné les politiques d’austérité et de suppressions d’emploi dans la fonction publique se voient aujourd’hui confier la mission de pallier les défaillances qui en résultent. Les résultats ne semblent pas, en l’occurrence, très probants.

    D’après le site spécialisé Consultor, les cabinets ont été très sollicités pendant l’épidémie et ont eux-mêmes volontairement offert leurs services. On les retrouve auprès des hôpitaux parisiens de l’APHP (BCG et Roland Berger), du ministère de la Santé (Strategy& et Bain), et de celui de l’Économie (Roland Berger, EY-Parthenon et Strategy&). Leur rôle auprès de Bercy ? Aider à identifier les vulnérabilités dans l’industrie, élaborer les plans de relance, soutenir les PME, aider à gérer les achats de l’État, mettre en place les conditions d’une plus grande « souveraineté économique »

    Certaines de ces missions semblent avoir été réalisées gratuitement (peut-être pour maintenir les bonnes relations), d’autres ont été rémunérées. Une grande opacité règne sur ces contrats de conseil et leurs tarifs. Ils ne doivent être déclarés qu’à partir d’un certain seuil, et restent pour partie éparpillés entre différentes administrations. On ne dispose donc pas d’un chiffre global sur les montants dépensés chaque année par l’État pour s’acheter les services de ces consultants. D’après les informations recueillies et les estimations de la Cour des comptes, il s’agit pourtant de centaines de millions d’euros. La teneur des « conseils » ainsi livrés à l’État est, elle-aussi, rarement rendue publique.

    #santé_publique #hôpital #cabinets_de_conseil_en_gestion #consultants #Ecole_des_hautes_études_en_santé_publique #économie #RGPP #politiques_publiques #lean_management #management #restructuration_permanente #réforme_de_l’État #réduction_des_coûts #gestionnite #T2A

    • Plus Gala/ENA/HEC, et sans l’Observatoire des multinationales : Des restructurations au coronavirus, l’apport controversé des cabinets de consulting à l’hôpital, Samuel Laurent

      https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/06/05/des-restructurations-au-covid-19-l-apport-controverse-des-cabinets-de-consul

      Durant une décennie, des sociétés comme Capgemini ont accompagné les réductions de lits et les plans d’économies. Le coronavirus leur a donné un nouveau terrain d’exercice.


      AUREL

      « Nous vivons et travaillons dans une période sans précédent » , constate Capgemini sur la page d’accueil de son site. Et le groupe français, leader du consulting dans l’Hexagone avec 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, s’est adapté. Il multiplie les initiatives et il les affiche.

      La société fait partie des groupes qui ont été sélectionnés pour le développement de la fameuse application de « tracking » StopCovid, qui permet de référencer les malades et leurs contacts. Elle a déjà réalisé une application de suivi à domicile pour les patients, Covidom, développée avec l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (#AP-HP).

      Capgemini a aussi mis sur pied durant la crise, toujours pour l’AP-HP, un centre d’appels dédié pour « accélérer le processus de mobilisation des professionnels de santé d’Ile-de-France » . La société réalise aussi de l’analyse de données pour l’Institut Pasteur ou encore une prestation de services auprès de la centrale d’achats hospitaliers RESAH pour « sécuriser les approvisionnements » en masques et autres matériels médicaux cruciaux.

      Ce volontarisme fait grincer des dents chez quelques anciens du groupe, pour qui l’entreprise vient au secours d’hôpitaux dont elle a bien souvent contribué par le passé à réduire les moyens. « On demande à ces personnes de venir résoudre des problèmes qu’elles ont souvent contribué à créer » , résume un ancien consultant.

      « La stratégie de Pénélope »

      Durant une décennie en effet, Capgemini fut, avec d’autres gros cabinets de consulting, une cheville ouvrière de la « transformation » et de la « modernisation » du secteur hospitalier, auquel il proposait ses services pour y appliquer le « lean management » : la réduction des coûts à tous les échelons. « On appelle les mêmes pour faire une chose et ensuite faire son contraire, c’est la stratégie de Pénélope, on tricote puis on détricote » , s’amuse le sociologue des organisations François Dupuy [ou viennent mourir les assoiffés, ndc]. Sollicité par Le Monde, le groupe Capgemini n’a pas souhaité nous répondre : « Il nous est difficile de nous exprimer à la place de nos clients. »

      Cette omniprésence « pose question » , estime Anne Meunier, secrétaire générale du Syncass-CFDT, qui représente les personnels des directions hospitalières, qui a « toujours connu des cabinets de consultants dans le paysage ; leur essor correspond à l’enchaînement des réformes depuis quinze ans. » Pour elle, « les nouvelles techniques de management » imposées pour accompagner les politiques de réduction des coûts sont « très gourmandes en consulting » .

      Le français Capgemini s’est fait une spécialité d’accompagner les hôpitaux dans le cadre de plans de retour à l’équilibre financier, souvent exigés par les Agences régionales de santé (#ARS) en contrepartie d’aide ou de modernisation.

      « Poussés par l’évolution des soins, la démographie médicale et la contrainte financière grandissante qui pèse sur eux, les hôpitaux sont engagés dans de multiples projets de développement ou de restructuration de leur offre de soins : communautés hospitalières de territoire, fusions d’établissements, redéfinition des périmètres de pôles, optimisation d’activités cliniques et médico-technique, etc. » , note l’entreprise dès 2010 dans un document sur la « conduite des projets de transformation à l’hôpital » .

      Le jugement sévère de la Cour des comptes

      Les mises en place, en 1996, de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (#Ondam), de la « tarification à l’activité » renforcée, en 2007, puis de la loi Hôpital patients santé territoires de 2009, qui a créé les ARS, sont autant d’étapes politiques et administratives au service d’une cause : limiter les dépenses de santé.

      Dès 2008, Capgemini qui, selon d’anciens consultants, mettait volontiers en avant « son savoir-faire et sa connaissance des interlocuteurs au ministère » , et particulièrement la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), se voit confier une mission d’ « assistance à la maîtrise d’ouvrage » pour accompagner la création des ARS. Un rôle national qui n’empêche pas la même société de se positionner également sur des marchés plus locaux.

      En 2018, la Cour des comptes se livrait à une synthèse sévère sur cette pratique, « désormais répandue au sein de tous les établissements publics de santé » et qui concerne « la quasi-totalité de l’activité de gestion hospitalière, aussi bien dans les domaines financier, juridique, stratégique, managérial, d’organisation, de ressources humaines que d’investissement » .

      La Cour critique des missions qui « ne donnent que rarement des résultats à la hauteur des prestations attendues. Les études financières sont peu approfondies et leurs appréciations parfois erronées. (…) En matière de conseil stratégique, la qualité des travaux est souvent faible, les préconisations très générales et laconiques et les livrables peu satisfaisants ». Pire encore, « ces nombreux contrats de conseil appauvrissent les compétences internes au sein des établissements, (…) qui parviennent de moins en moins à assurer leur rôle essentiel de maître d’ouvrage, dans la conduite de ces marchés ».

      « Tableaux Excel et diaporamas »

      « On veut bien faire dans toute la chaîne en se faisant aider, et on auto-alimente le système » , estime Mme Meunier, ce qui crée parfois des « rentes de situation » pour les cabinets de consulting, sollicités à la fois pour aider à concevoir des plans de réduction des coûts et pour mettre en place des stratégies d’optimisation de la tarification à l’activité.

      « On est focalisés sur le taux de marge brut des établissements, seul indicateur de performance. Il faut dégager des recettes, donc trouver de l’activité et faire pression sur la masse salariale. Enormément de cabinets de consulting sont mobilisés là-dessus. »

      Nancy est un cas emblématique : mi-2019, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de la ville obtient la mise en place d’un plan de réorganisation massif, validé par le Comité interministériel de performance et de modernisation de l’offre de soins (Copermo).

      Ce plan, qui succède à des années de mesures d’économies, prévoit un effacement de la dette du CHRU ainsi que près d’un demi-milliard d’euros d’investissements venus de l’ARS du Grand Est, principalement dédiés au regroupement des activités hospitalières de la ville sur un seul site. Mais cet investissement a une contrepartie : une réduction de la capacité d’accueil de 174 lits et le non-remplacement de départs en retraite, aboutissant à la suppression de près de 600 postes. Parmi les concepteurs de ce plan de réorganisation, on trouve le cabinet Capgemini Invent Santé, qui s’est fait une spécialité d’obtenir les validations du Copermo.

      Bernard Dupont, directeur du CHRU de Nancy, n’a pas gardé que des bons souvenirs des consultants. Il relate ainsi une intervention de Capgemini en 2015-2016 pour une mission visant à rationaliser l’achat de médicaments : « L’équipe n’était pas terrible, on a fini par les mettre dehors. » Mais Capgemini revient deux ans plus tard, missionné par l’ARS pour accompagner le plan de réorganisation.
      « Ils arrivent avec partout les mêmes tableaux Excel, les mêmes diaporamas, mais ils connaissent mal la réalité du terrain », regrette le directeur, pour qui « on finit par avoir ces boîtes qui ne sont responsables devant personne, mais qui définissent le bon nombre de lits ». « Qu’on se fasse aider, c’est parfois intéressant, cela offre un regard extérieur , poursuit M. Dupont, mais ce qui me gêne, c’est que les consultants finissent par définir la politique publique. »

      Porosités entre public et privé

      Le directeur d’hôpital évoque aussi les « cercles incestueux » entre Agences régionales de santé, ministère, directions hospitalières et sociétés de consulting. Nombre de consultants dans le domaine hospitalier sont ainsi passés par des formations publiques, comme l’Ecole des hautes études en santé publique.

      Le parcours d’Etienne Grass, actuel vice-président exécutif de l’équipe « services aux citoyens » de Capgemini Consulting, est exemplaire de ces porosités : M. Grass fut un camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA, avant d’occuper plusieurs postes dans des cabinets ministériels, notamment auprès de Martin Hirsch, ancien Haut-Commissaire aux solidarités actives et actuel directeur de l’AP-HP. En 2015, M. Grass est nommé dans son sillage directeur de la stratégie de l’AP-HP, un poste qu’il quittera deux ans plus tard pour intégrer Capgemini. Sollicité par Le Monde , ce dernier n’a pas souhaité nous répondre, se contentant de préciser : « Nous réalisons de nombreuses missions pour les acteurs du système de santé, mais notre apport est principalement sur le digital, pas en “rationalisation”. »

      A l’inverse, Philippe Grangeon, ex-directeur de la communication de Capgemini et membre du comité directeur de La République en marche, a rejoint l’Elysée fin 2018 comme conseiller spécial [Sur la réforme des retraites, entre autres, ndc]. Autant de liens de proximité qui aident Capgemini à assurer le succès des plans de réorganisation auxquels la société participe.

      « Quand les boîtes de conseil viennent nous voir, elles nous disent qu’elles connaissent tel ou tel à la DGOS. On reçoit aussi des invitations à des séminaires de ces sociétés de conseil où l’on retrouve des gens des ministères, regrette M. Dupont. Tout cela crée un microcosme de gens qui pensent la même chose et finissent par créer une sorte de #doctrine. »

      Faut-il bannir les consultants de l’hôpital ? Le sociologue François Dupuy est plus nuancé : « Le problème n’est pas qu’ils aillent trop loin, ils font ce qu’on leur demande. Ce sont ceux qui pilotent ces consultants qui sont à blâmer. » Pour lui, « ces grands cabinets de conseil ont une fonction de légitimation, ils permettent d’évacuer sa propre responsabilité derrière un nom connu. Les organisations achètent cette légitimation autant qu’elles achètent du conseil » .

      #coast_killers #managers

  • « Le contrôle de gestion est-il la vraie maladie de l’hôpital ? », Stéphanie Chatelain-Ponroy, Aude Deville
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/04/stephanie-chatelain-ponroy-aude-deville-le-controle-de-gestion-est-il-la-vra

    La gestion est d’abord l’outil d’une stratégie et il faut s’interroger sur les missions de l’hôpital, relèvent les universitaires Stéphanie Chatelain-Ponroy et Aude Deville.

    Tribune. Avec la crise sanitaire, le « Ségur de la santé », le manifeste pour des jours heureux, les bilans sur l’hôpital se multiplient. Les critiques fusent et les propositions affluent. Une partie d’entre elles relève de la sphère médicale et soignante ou de la régulation financière politique (Ondam), et n’est donc pas dans l’objet de cette tribune, mais d’autres concernent les dispositifs de gestion qui sont au centre de nombreuses critiques.

    Que nous disent les soignants des dispositifs mis en place ? Le centre de gravité de l’hôpital est passé des soignants aux administratifs. Les lourdeurs administratives entravent l’exercice de la médecine. Les tutelles administratives imposent aux personnels des objectifs de rentabilité les conduisant à user de techniques de valorisation déconnectées des besoins en santé. Aspirés par la technique et l’administratif, les soignants perdent le sens de leur activité. En filigrane se dessine un système inspiré de techniques de management, et plus particulièrement de dispositifs de contrôle de gestion.

    L’hôpital est ainsi marqué par le mouvement de « modernisation de la gestion publique » et ses réformes visant à faire de la gestion par les résultats la pierre angulaire de son pilotage. Or les recherches menées dans les entreprises ont montré depuis longtemps que l’application stricte de la gestion par les résultats engendre un surinvestissement des objectifs chiffrés, du stress, des comportements opportunistes et des manipulations visant à améliorer l’apparence des résultats.

    Retirer les roues des brancards

    Christopher Hood décrivait ainsi, en 2005 ( « Comment l’administration britannique cultive la performance » , Sociétal, n°47), certaines dérives du National Health Service pour satisfaire aux objectifs fixés, au prix d’abandon des efforts pour tout ce qui n’était pas exprimé sous forme d’objectifs, de transferts des problèmes d’une organisation vers une autre, voire de falsifications de données (retirer les roues des brancards pour pouvoir considérer ceux-ci comme des lits, et ainsi diminuer un indicateur de suivi : les heures passées par les malades dans « l’attente d’un lit »).

    Les soignants français ont aussi souligné de nombreux effets pervers, à commencer par la diminution recherchée des personnels dans les services – conduisant à des sous-effectifs délétères pour la qualité de la prise en charge des patients et la santé au travail des soignants –, le manque de lits vides dédiés à l’accueil aval des urgences (pour la T2A un lit vide coûte et ne rapporte rien), ou encore la création de postes administratifs consacrés à la seule optimisation du codage des soins nécessaire pour la sécurité sociale. Ils indiquent aussi, selon le psychiatre Christophe Dejours dans une tribune au « Monde » daté du 17 février 2018, que « les gestionnaires ne connaissent pas le travail et ne veulent pas le connaître […], tout ce qui importe, c’est de mesurer les performances » , et que si les activités programmées standardisées, notamment les actes chirurgicaux, se prêtent bien au dénombrement et à la quantification, il n’en est pas de même des pathologies complexes, des maladies chroniques ou encore des soins palliatifs.

    Mais la gestion par les résultats n’est heureusement pas la seule manière de mettre en place des dispositifs de contrôle de gestion. Dans un papier fondateur, William G. Ouchi ( A conceptual framework for the design of organizational control mechanisms . Management Science, 1979) définissait trois mécanismes de contrôle : le contrôle par le marché, le contrôle par le clan et le contrôle par la bureaucratie. Il prenait l’exemple de l’hôpital pour illustrer le contrôle clanique marqué par la reconnaissance par les pairs, le partage des valeurs et la validation de compétences par le groupe.

    Avec les réformes de la gestion publique, le pouvoir politique tente de remplacer le contrôle clanique historiquement en vigueur dans les communautés de pairs (l’Université, l’Hôpital, les Tribunaux, etc.) par un contrôle bureaucratique. Le gestionnaire devient un bureaucrate surveillant des acteurs qui appartiennent à un clan dont lui-même ne fait pas partie et dont il ne partage pas l’expertise.

    Le pouvoir retrouvé des équipes

    Or que nous disent les soignants de cette période de crise sanitaire ? Que le codage, les barrières financières, les reporting, les questions tarifaires et de rentabilité ont disparu pour laisser le champ libre à la responsabilité des professionnels de santé, à leur inventivité, que le pouvoir est revenu au sein des équipes soignantes. Autrement dit, que les dispositifs de contrôle par les résultats et la bureaucratie ont laissé la place à nouveau au contrôle par le clan, c’est-à-dire un contrôle fondé sur une implication forte, une adhésion aux objectifs de l’organisation, une culture partagée, une internalisation et un engagement moral concernant les normes, les valeurs, les objectifs et la manière de faire les choses au sein de l’organisation, bref, tout ce qui donne un sens à leur métier.

    Le contrôle de gestion n’est donc pas une maladie. Ses outils déclinent la stratégie décidée par les dirigeants. C’est son rôle, et la logique de gestion par les résultats peut conduire à la mise en œuvre de décisions politiques non explicitées : elle fait alors passer pour une mesure technique ce qui relève d’un choix politique. Dans son ouvrage Les fondements du contrôle de gestion (PUF, Que sais-je ?, 2011), Henri Bouquin le rappelait très bien : « Le contrôle de gestion d’aujourd’hui est né du besoin de manœuvrer efficacement des organisations complexes. »

    L’hôpital public est une organisation complexe, et pour savoir comment le manœuvrer efficacement, il faut avant tout s’interroger sur ses missions, son efficacité et savoir qui sont les acteurs de cette efficacité qui lui donnent sa raison d’être.

    Stéphanie Chatelain-Ponroy, professeure des universités en sciences de gestion et du management au Conservatoire national des arts et métiers ; Aude Deville, professeure des universités en sciences de gestion et du management à l’Université Côte d’Azur-IAE de Nice.

    Redite nécessaire du constat bien connu : Un organisme de santé... malade de « #gestionnite », Mathieu Detchessahar, Anouk Grevin, 2009
    https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre1-2009-4-page-27.htm#

    #hôpital #système_de_santé #management #économie #bureaucratie #contrôle_de_gestion #santé_publique #soigner_l'institution

  • [Radio PANdemIK] Radio PANdemIK #48
    http://www.radiopanik.org/emissions/radio-pandemik/radio-pandemik-48

    Tambours, fifres, flûtes,... les esprits sont de sortie et accompagnent le retour à la vie des rues bruxelloises. N’en déplaise aux gouvernements les #luttes ont leur propre calendrier de déconfinement. Elles n’attendent pas septembre pour rendre visibles les invisibilisés du confinement : marchands oubliés du Jeu de Balle, soignants méprisés, #sans-papiers, milieu culturel , étudiants artistes précarisés,...

    Les néolibéraux voient dans chaque crise une opportunité d’expérimenter, mais sur ce terrain ils ont peut-être de la concurrence, et ça n’est pas dit que cette concurrence-là, ils apprécient …

    « C’est maintenant qu’il faut faire de nos utopies des réalités »

    [0’50’’] Rendez-nous les brols du Jeu-de-Balle [4’00’’] Appel à se rassembler [7’00’’] Entretien avec Françoise Vergès, extrait

    source : Radio (...)

    #culture #carnaval_sauvage #coronavirus #hôpital #sans-papiers,luttes,culture,carnaval_sauvage,coronavirus,hôpital
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/radio-pandemik/radio-pandemik-48_09197__1.mp3

  • Pour défendre l’hôpital public, SUD Santé Sociaux claque la porte du Ségur !
    http://solidaires.org/Pour-defendre-l-hopital-public-SUD-Sante-Sociaux-claque-la-porte-du-Segu

    LES BELLES PROMESSES DU PRESIDENT FACE A LA CRISE COVID

    Les déclarations présidentielles pendant la crise COVID étaient sans ambiguïté.

    Le Président Macron a défendu tour à tour “l’Etat Providence” et les services publics comme des “biens précieux”, “la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession” “un plan massif d’investissement et de revalorisation des carrières pour l’hôpital”. Il a reconnu “une erreur dans la stratégie annoncée”, erreur qu’il qualifie comme très “cruelle” pour “lui-même”.

    C’est pourquoi la Fédération SUD Santé Sociaux s’est impliquée dans le Ségur de la santé. Malheureusement, dès la réunion plénière introductive du 26 mai 2020, la position ministérielle n’était plus en phase avec les engagements présidentiels.

    LA TRAHISON DES ENGAGEMENTS PRÉSIDENTIELS !

    Il ne s’agissait plus pour le gouvernement que de se satisfaire de la politique menée avant et pendant la crise COVID… et de l’accélérer, avec, peut-être, quelques mesurettes tirées du Ségur pour donner l’apparence d’une concertation réussie.

    Face à ce changement de paradigme, la Fédération SUD Santé Sociaux a donc posé un préalable à toute négociation supplémentaire, préalable issu des revendications unitaires portées pendant les mois de mobilisation hospitalière :
    • L’obtention immédiate de 300 euros de salaire net par mois pour tou.te.s les hospitalier.e.s
    • La mise en stage de tou.te.s les contractuel.le.s présent.e.s dans nos établissements
    • Un moratoire sur les fermetures de lits et la réouverture de moyens là où c’est nécessaire.

    Comme nous le craignions, à la place de négociations et de l’urgence à répondre aux attentes des hospitalier.e.s, on nous a présenté un concept de réunion “brainstorming” national, en nous mettant face à une page blanche ignorant toutes les mobilisations hospitalières de 2019 et 2020…

    Dans ce Ségur, Nicole Notat est animatrice sans moyens ni marge de négociation :
    • Pas de propositions
    • Aucune enveloppe destinée aux augmentations de salaires
    • Disparition de la gratuité du soin
    • Rien sur l’objectif d’extraire la Santé des “lois du marché”
    Bref, au-delà d’un désaveu du président, une véritable insulte aux hospitalier.e.s et à la population.

    Dans ces conditions, le Ségur fait partie intégrante du problème, et pas de la solution. Y rester, ce serait cautionner le stratagème du gouvernement et trahir les hospitalier.e.s en lutte depuis plus d’un an, et ne pas tenir compte de l’urgence de leur situation.

    LA SOLUTION, C’EST LA MOBILISATION !

    La fédération SUD Santé Sociaux quitte l’impasse du Ségur pour continuer à construire le rapport de force qui permettra de renverser la vapeur, obligeant le gouvernement à se mettre autour de la table, sans intermédiaire et à ouvrir de véritables négociations.

    Elle appelle les collectifs professionnels et citoyens, mais aussi les syndicats de lutte à en faire de même.
    Donnons-nous rendez-vous le 16 juin 2020. Notre nombre est notre force !

    #hôpital

  • Kurdistan reports all-time high 104 new COVID-19 infections - Kurdistan 24

    The Kurdistan Region’s health ministry on Sunday announced 104 new coronavirus infections over the previous 24 hours, the highest daily count since the virus first crossed into the region’s borders.

    #Covid-19#Iraq#KRG#Chiffre_officiel#Seconde_vague#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://www.kurdistan24.net/en/news/e8d29081-c5d1-423d-8f78-04edc1b495db

  • KRG to impose region-wide lockdown amid spiking COVID-19 cases: Interior Ministry - Kurdistan 24
    On late Sunday, the Kurdistan Regional Government (KRG) Ministry of Interior announced a complete lockdown for six days following a record-breaking infections rate in a single day to curb the further spread of the highly infectious disease, formally known as COVID-19.

    The lockdown decision comes as the region witnessed a sudden spike in the numbers of coronavirus infections in a day. The KRG’s health ministry on Sunday announced 104 new coronavirus infections over the previous 24 hours, the highest daily count since the virus first crossed into the region’s borders.

    #Covid-19#Iraq#KRG#Quarantaine#Seconde_vague#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://www.kurdistan24.net/en/news/e13550fc-b610-44a2-a205-67b920cfa09a

  • Kurdistan Region has 200 ventilators for COVID-19 patients, says health official - Esta

    The Kurdistan Region has only 200 ventilators for COVID-19 patients, a spokesman for the ministry of health said on Sunday, as the Region records daily spike in coronavirus cases.

    Dr. Mohammed Khoshnaw told Esta Media Network that the number of coronavirus infections is increasing every day because people do not follow the medical instructions against the coronavirus.

    The health official warned that if the coronavirus cases kept increasing in the Region, only patients in critical conditions would be admitted to the hospitals dedicated to COVID-19 patients.

    #Covid-19#Iraq#KRG#Quarantaine#Seconde_vague#Pandémie#Santé#hôpital#migrant#migration

    https://esta.krd/En/news.aspx?id=1384&mapid=1

  • #Hôpital : les embauches absentes des pistes du Ségur de la santé - Rapports de Force
    https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/hopital-les-embauches-absentes-des-pistes-du-segur-de-la-sante-05267


    Mais qu’est-ce qu’ils espèrent  ? C’est toujours une annonce tête de gondole et derrière, on continue à appliquer le plan initial de liquidation tout en l’habillant d’éléments de langages en pensants que les gens sont tellement cons qu’ils n’y verront que du feu.

    Au-delà d’un changement de ton et de quelques mesures vraiment nouvelles, Édouard Philippe a finalement recyclé une grande partie de celles prises par le gouvernement depuis son plan santé de 2018, et ses différentes tentatives de déminer la mobilisation des soignants depuis un an. Ainsi, il annonce « un vaste plan d’aide à l’investissement » venant compléter les 10 milliards de reprises de dette des hôpitaux déjà décidés l’an dernier, tout en précisant qu’une partie sera « dédiée aux investissements au niveau des territoires, pour accélérer les coopérations entre la ville, l’hôpital, le médico-social et entre le public et le privé ». Un mélange des genres privés et publics à hauts risques qui effectivement ne présente pas un changement de cap dans les politiques publiques.

    Autre sujet sur la table, la « modernisation par le numérique » de l’hôpital, déjà présente dans les propositions d’un gouvernement très 2.0, et ce depuis deux ans. S’appuyant sur le développement de la télémédecine pendant le confinement, le Premier ministre a mis en avant son souhait de « mieux exploiter nos données » partagées par les hôpitaux pour créer un « écosystème », et de rendre prioritaire l’espace numérique de santé (ENS) prévu pour 2022. Enfin, l’exécutif à mis sur la table la question des 35 h à l’hôpital dans un axe appelé « agilité retrouvée » qui ne sonne pas très service public.

  • « L’élimination des masques réutilisables est un choix historique discutable », Bruno Strasser, propos recueillis par Patricia Jolly, 25 mai 2020
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/25/l-elimination-des-masques-reutilisables-est-un-choix-historique-discutable_6


    Personnel de la Croix-Rouge réassemblant des masques après stérilisation lors de la pandémie de grippe espagnole, à Boston, en mars 1919. U.S. States National Archives (165-WW-269B-37)

    L’historien des sciences Bruno Strasser a retracé avec son collègue Thomas Schlich l’avènement des masques chirurgicaux jetables dans les années 1960. Un tournant qui lui semble préjudiciable.

    Dans un article coécrit avec le médecin et historien de la chirurgie Thomas Schlich, et paru dans la revue médicale The Lancet le 22 mai, le biologiste et historien des sciences Bruno Strasser retrace l’histoire, l’évolution et l’adaptation des masques médicaux à la culture du « tout-jetable ». Pour le chercheur et son homologue, ils sont devenus, au fil du temps, à la fois le symbole de la fragilité de la médecine moderne et de la santé publique.

    La pandémie de Covid-19 vous a inspiré un travail de recherche sur les masques. Pourquoi ?

    C’est surtout la question de la pénurie de masques qui nous a intrigués, car on sait depuis très longtemps que le masque est indispensable dans la lutte contre les maladies infectieuses, qu’il ne coûte pas cher et est facile à produire. Il est donc étonnant qu’on se soit retrouvé pris au dépourvu quand la pandémie est arrivée, avec des situations dramatiques pour le personnel soignant dans de nombreux hôpitaux.

    Au-delà de la façon dont nous nous sommes préparés et des raisons pour lesquelles on ne disposait pas de stocks plus importants, nous nous sommes demandé pourquoi le masque était devenu un objet de consommation jetable alors qu’il ne l’a pas toujours été.
    Jusque dans les années 1970, c’est-à-dire très récemment, les masques médicaux étaient presque tous réutilisables. Ils faisaient l’objet de recherches poussées, ils étaient évalués scientifiquement, et leur développement a conduit à des modèles dont les performances étaient considérées comme très satisfaisantes, souvent même supérieures à celle des masques jetables. C’est ce paradoxe qui a motivé nos recherches.

    Quelles étapes avez-vous distinguées dans l’histoire du masque de protection faciale ?

    Le masque est apparu sous sa forme moderne dans le contexte de la chirurgie à la fin XIXe siècle, en Pologne actuelle, quand le chirurgien Johann Mikulicz-Radecki a appris d’un collègue bactériologiste que les gouttelettes de salive regorgent de microbes vivants. Il a alors commencé à porter un masque lorsqu’il opérait et a constaté que cela diminuait le nombre d’infections post-opératoires chez ses patients.
    En soi, le masque n’était pas nouveau. Avant les découvertes de Louis Pasteur, au milieu du XIXe siècle, on croyait que la contagion était causée par des « miasmes » présentes dans l’air vicié. C’est pour cela que les médecins de la peste du XVIIe siècle ont porté les fameux masques en forme de bec d’oiseau, contenant des épices et des herbes aromatiques pour neutraliser les miasmes.

    Jusqu’à la toute fin du XIXe siècle, il n’existait pas de distinction ferme entre les masques destinés à éviter les infections et les masques utilisés par les pompiers opérant au milieu de fumées toxiques par exemple. C’est pourquoi on retrouve à ce moment-là, en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, une multitude de brevets d’invention de masques à usages multiples utilisés tout à la fois contre les fumées toxiques, les poussières et les infections. Mais c’est la chirurgie qui invente le masque « moderne », destiné exclusivement à empêcher la transmission de microbes du porteur de masque vers le patient.

    Le masque pour se protéger des personnes infectieuses dans un contexte épidémique ou pandémique se généralise ensuite lors de l’épidémie de peste en Mandchourie en 1910, et surtout pendant la grippe dite « espagnole » de 1918-1919. Dans certaines villes aux Etats-Unis, comme San Francisco, chacun était légalement obligé de porter un masque dans l’espace public.

    Vous identifiez ensuite les années 1960 comme le virage technologique à l’origine de la pénurie que nous connaissons aujourd’hui…

    Jusqu’aux années 1960, quasiment tous les masques étaient en tissu. Il y avait de nombreux modèles différents, composés de superpositions de couches et souvent dotés d’une partie métallique qui se fixait sur le nez. Tous étaient stérilisables, ce qui ne posait aucun problème en milieu hospitalier où, comme aujourd’hui, les infrastructures de stérilisation étaient en place et permettaient la réutilisation des masques. Et, pour quasiment tous les brevets de l’époque que j’ai pu voir, les inventeurs mettaient en avant comme un avantage cette possibilité de stérilisation et donc de réutilisation.

    C’est alors que s’est produit une révolution technologique avec l’arrivée sur le marché des textiles en fibres synthétiques non tissées. Ces nouvelles matières permettent de produire des masques, notamment les respirateurs FFP2/FFP3 et N95 comme on les appelle aujourd’hui, dont les pores sont beaucoup plus petits et devraient donc mieux filtrer les bactéries et les virus. Ces nouveaux masques s‘imposent en l’espace d’une décennie et remplacent alors intégralement les masques réutilisables. Nous avons cherché à comprendre les raisons de cette transition.

    Confinés chez nous, sans accès aux bibliothèques scientifiques, nous avons pu néanmoins étudier, grâce au récent travail de numérisation, de nombreuses revues médicales – y compris leurs publicités. Nous avons constaté que ce n’est pas l’argument de l’hygiène, comme on aurait pu s’y attendre, qui a été déterminant, puisque nous n’avons retrouvé dans la littérature médicale aucune étude qui rapporte des problèmes de stérilité liés aux masques réutilisables.

    En revanche, nous nous sommes aperçus que les journaux médicaux et infirmiers étaient inondés de pleines pages de publicité, notamment de la société 3M, qui fait figure de mastodonte dans ce domaine et qui pousse puissamment à la consommation de ces nouveaux masques jetables grâce à des campagnes de marketing très agressives. Cette entreprise impose également les masques jetables en réalisant des études « comparatives » qui désignent, sans surprise, les nouveaux masques comme « supérieurs » aux anciens.

    Le passage au masque jetable n’est donc aucunement lié à un défaut de qualité et d’efficacité des masques industriels en tissus ?

    Apparemment pas ou alors de manière secondaire. La transition est évidemment liée au fait que les matières premières synthétiques sont peu chères et qu’il est plus pratique d’avoir du jetable que du réutilisable, qui exige du personnel à la laverie et au réassemblage, puisqu’il faut réinsérer la pièce métallique nasale dans le tissu.

    Mais, c’est plus fondamentalement la logique de la gestion des stocks qui a permis au masque jetable de s’imposer. Il apparaît largement dans la littérature que les administrateurs d’hôpitaux trouvent beaucoup plus simple de gérer des stocks de jetables. Cela facilite grandement la circulation des matériels dans l’institution hospitalière.

    Quelle leçon tirer de ce constat pour la crise du masque qui nous touche aujourd’hui ?

    Après la pandémie de Covid-19 et dans l’optique d’autres pandémies à venir, nous devons nous garder de considérer qu’il faut stocker toujours plus de masques jetables, même si l’industrie nous pousse à le faire, sans oublier d’ajouter qu’il y a des dates de péremption et qu’il faut donc régulièrement renouveler les stocks.

    Stocker n’est pas une solution envisageable à l’échelle d’une pandémie quand on considère qu’aux Etats-Unis, selon la réserve stratégique de matériels médicaux, il faudrait 500 millions de masques par mois juste pour les hôpitaux du pays et que cette réserve n’en contenait que 30 millions en janvier 2020. Il faut cesser de créer notre propre vulnérabilité en stockant des millions de masques jetables et périssables.

    Une solution serait donc de renouer avec la fabrication de masques réutilisables de qualité industrielle ?

    Oui. Notre article n’a rien d’un brûlot contre l’industrie, au contraire. Elle possède un savoir-faire énorme, l’évidente capacité de produire des millions de masques réutilisables tout en garantissant un contrôle-qualité élevé. Il faut solliciter les partenaires industriels tout en leur signifiant qu’on veut surtout des masques réutilisables. Et qu’on veut soutenir, dans ce domaine, la recherche qui a été interrompue dans les années 1960, créant ainsi une ignorance sur la façon de produire des masques réutilisables efficaces.

    De cette façon, nous disposerons toujours de la quantité de masques indispensable plutôt que de devoir les bricoler soi-même sur un coin de table, dans l’urgence d’une pandémie, à partir de tutoriels souvent très approximatifs.

    C’est aussi une petite pique pour le mouvement DIY (« do it yourself ») : produire des masques artisanaux à domicile est évidemment utile et sympathique, mais c’est un emplâtre sur une jambe de bois quand on est confronté à l’ampleur d’une pandémie.
    Les masques jetables auront toujours un rôle à jouer dans certaines situations hospitalières, car ils possèdent des propriétés spécifiques, mais leur généralisation et l’élimination complète des masques réutilisables est un choix historique discutable dont nous payons le prix aujourd’hui.

    Les Etats ont donc un rôle prépondérant à jouer dans ce changement d’orientation…

    Oui, car l’Etat est un client-consommateur qui achète en énormes quantités, à la fois pour ses réserves stratégiques et pour ses hôpitaux. Il est bien placé pour comprendre le risque de la culture du jetable, puisqu’il a réfléchi depuis longtemps aux situations de guerre dont certains aspects ressemblent aux situations de pandémie, avec des interruptions du commerce international et donc à la notion d’autonomie en ce qui concerne les matériaux stratégiques. Les pharmacies de guerre, par exemple, ont parfois encore des seringues stérilisables dans l’optique où, en situation de conflit, il serait impossible de les fabriquer à cause de pénuries de matériaux.

    L’Etat doit poursuivre aujourd’hui cette même réflexion, mais en prévision d’un contexte de crise environnementale ou sanitaire. Cette proposition n’a rien de radicale, elle n’est ni de droite ni de gauche, mais il est urgent de s’y employer. La perspective de guerre s’estompe heureusement depuis un moment en Europe, mais les menaces de crise environnementale et sanitaire ne sont que trop présentes.

    Un article éclairant, malgré le parti pris étatiste qui plombe ici encore la politique du soin en refusant de concéder quelque intérêt que ce soit aux pratiques sociales, comme si la réduction des risques ne pouvait que dépendre d’opérateurs centraux chargés de civiliser et guider un troupeau de bipèdes incapables d’inventer et de s’approprier des techniques pas si compliquées (déterminer les meilleurs matériaux, procédés, ergonomie, etc pour produire autre chose que les ersatz de protection). Dénier cette capacité collective, en faire une propriété des professionnels de la profession, c’est laisser le champs libre à la privatisation de ces enjeux, État ou pas. Relever le rôle joué par 3M, l’inscrire partiellement dans son contexte (fordiste : production de masse et gestion de flux), ok. Mais sans sortir du tête à tête État garant de l’intérêt général et industrie comme pourvoyeuse de la seule possible, c’est plus que court. La "neutralité axiologique" à bon dos, c’est une prise de parti.

    #Histoire_des_sciences #masques #masques_réutilisables #crise_sanitaire #écologie