• Le #lobbying sans #frontières de #Thales
    (publié en 2021, ici pour archivage)

    Pour vendre ses systèmes de surveillance aux confins de l’Union européenne, l’entreprise use de son influence. Indirectement, discrètement, efficacement.

    Ce 23 mai 2017, au sixième étage de l’immense tour vitrée qui héberge les locaux de #Frontex à Varsovie, en Pologne, les rendez-vous sont réglés comme du papier à musique. L’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes reçoit des industriels pour des discussions consacrées à l’utilisation de la biométrie aux confins de l’Union. Leonardo, Safran, Indra… Frontex déroule le tapis rouge aux big boss de la sécurité et de la défense. Juste après la pause-déjeuner, c’est au tour de #Gemalto, qui sera racheté deux ans plus tard par Thales (lire l’épisode 5, « Thales s’immisce dans ta face »), de déballer pendant quarante-cinq minutes ses propositions. Un document PowerPoint de 14 pages sert de support visuel. L’entreprise franco-néerlandaise y développe diverses utilisations de la reconnaissance faciale aux frontières : en collectant un selfie grâce à son téléphone avant de voyager, en plein vol dans un avion ou dans un véhicule qui roule. Oubliant de s’interroger sur la légalité et le cadre juridique de cette technologie, la présentation conclut : « La reconnaissance faciale en mouvement n’a pas été testée dans les essais de “frontières intelligentes” mais devrait. » Une manière à peine voilée de dire que Frontex devrait coupler des logiciels de reconnaissance faciale aux caméras de surveillance qui lorgnent les frontières extérieures de l’Europe, afin de mieux identifier et surveiller ceux qui tentent de pénétrer dans l’UE.

    Ce document est l’un des 138 dévoilés le 5 février dernier par les « Frontex Files », enquête diligentée par la chaîne de télévision publique allemande ZDF, en collaboration avec l’ONG européenne Corporate Europe Observatory. Ce travail lève le voile sur des réunions menées par Frontex avec 125 lobbyistes, reçus entre 2018 et 2019… ainsi que sur leur opacité, puisque 72 % d’entre elles se sont tenues très discrètement, en dehors des règles de transparence édictées par l’Union européenne.

    Depuis 2016, Frontex joue un rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. Son budget atteint 544 millions en 2021

    Fondée en 2004 pour aider les pays européens à sécuriser leurs frontières, Frontex est devenue une usine à gaz de la traque des réfugiés. Depuis 2016 et un élargissement de ses fonctions, elle joue désormais un rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. Alors qu’il plafonnait à 6 millions d’euros en 2005, son budget atteint 544 millions en 2021. Pour le prochain cycle budgétaire de l’UE (2021-2027), la Commission européenne a attribué une enveloppe de 12,7 milliards d’euros à la gestion des frontières et de 9,8 milliards à la migration.

    Thales et Gemalto trônent dans le top 10 des entreprises ayant eu le plus d’entretiens avec l’agence européenne : respectivement trois et quatre réunions. Mais les deux sociétés devraient être comptées comme un tout : en rachetant la seconde, la première a logiquement profité des efforts de lobbying que celle-ci avait déployés auparavant. Pour le géant français, l’enjeu des frontières est majeur, ainsi que nous le racontions précédemment (lire l’épisode 6, « Thales police les frontières »). #Murs, #clôtures, #barbelés, #radars, #drones, systèmes de reconnaissance d’#empreintes_digitales biométriques… Chaque année, les marchés attribués se comptent en millions d’euros. L’ONG Transnational Institute parle de « business de l’édification de murs », du nom d’un de ses rapports, publié en novembre 2019. Celui-ci met la lumière sur les trois entreprises qui dévorent la plus grosse part du gâteau : l’espagnole #Leonardo (ex-#Finmeccanica), #Airbus et bien sûr Thales. Un profit fruit de plus de quinze années de lobbying agressif.

    Thales avance à couvert et s’appuie sur l’#European_Organisation_for_Security, un think tank qui regroupe ses principaux alliés et concurrents

    Flash-back en 2003. Le traumatisme des attentats du 11-Septembre est encore vif. L’Union européenne aborde l’épineuse question de la sécurisation de ses frontières. Elle constitue un « groupe de personnalités », dont la mission est de définir les axes d’un futur programme de recherche européen sur la question. Au milieu des commissaires, chercheurs et représentants des institutions s’immiscent les intérêts privés de sociétés spécialisées dans la défense : Thales, Leonardo, mais aussi l’allemande #Siemens et la suédoise #Ericsson. Un an plus tard, le rapport suggère à l’UE de calquer son budget de recherche sur la sécurité sur celui des États-Unis, soit environ quatre dollars par habitant et par an, raconte la juriste Claire Rodier dans son ouvrage Xénophobie business : à quoi servent les contrôles migratoires ? (La Découverte, 2012). En euros, la somme s’élève à 1,3 milliard par an. La machine est lancée. Les lobbyistes sont dans la place ; ils ne la quitteront pas.

    Au sein du registre de transparence de l’Union européenne, Thales publie les détails de ses actions d’influence : un lobbyiste accrédité au Parlement, entre 300 000 et 400 000 euros de dépenses en 2019 et des réunions avec des commissaires et des membres de cabinets qui concernent avant tout les transports et l’aérospatial. Rien ou presque sur la sécurité. Logique. Thales, comme souvent, avance à couvert (lire l’épisode 1, « Nice, le “little brother” de Thales ») et s’appuie pour faire valoir ses positions sur l’#European_Organisation_for_Security (EOS), un think tank qui regroupe ses principaux alliés et concurrents : #Airbus, Leonardo ou les Français d’#Idemia. Bref, un lobby. L’implication de Thales dans #EOS est tout à fait naturelle : l’entreprise en est la créatrice. Un homme a longtemps été le visage de cette filiation, #Luigi_Rebuffi. Diplômé en ingénierie nucléaire à l’université polytechnique de Milan, cet Italien au crâne dégarni et aux lunettes rectangulaires doit beaucoup au géant français. Spécialisé dans la recherche et le développement au niveau européen, il devient en 2003 directeur des affaires européennes de Thales. Quatre ans plus tard, l’homme fonde EOS. Détaché par Thales, il en assure la présidence pendant dix ans avant de rejoindre son conseil d’administration de 2017 à 2019.

    Depuis, il a fondé et est devenu le secrétaire général de l’#European_Cyber_Security_Organisation (#Ecso), représentant d’influence enregistré à Bruxelles, dont fait partie #Thales_SIX_GTS France, la filiale sécurité et #systèmes_d’information du groupe. À la tête d’Ecso, on trouve #Philippe_Vannier, également président de la division #big_data et sécurité du géant français de la sécurité #Atos… dont l’ancien PDG #Thierry_Breton est depuis 2019 commissaire européen au Marché intérieur. Un jeu de chaises musicales où des cadres du privé débattent désormais des décisions publiques.

    Entre 2012 et 2016, Luigi Rebuffi préside l’European Organisation for Security… et conseille la Commission pour ses programmes de recherche en sécurité

    Luigi Rebuffi sait se placer et se montrer utile. Entre 2012 et 2016, il occupe, en parallèle de ses fonctions à l’EOS, celle de conseiller pour les programmes de recherche en sécurité de la Commission européenne, le #Security_Advisory_Group et le #Protection_and_Security_Advisory_Group. « C’est une position privilégiée, analyse Mark Akkerman, chercheur et coauteur du rapport “Le business de l’édification de murs” de l’ONG Transnational Institute. Rebuffi faisait partie de l’organe consultatif le plus influent sur les décisions de financement par l’UE de programmes de recherche et d’innovation dans le domaine de la sécurité. »

    Ce n’est donc pas un hasard si, comme le note le site European Research Ranking, qui compile les données publiées par la Commission européenne, Thales est l’un des principaux bénéficiaires des fonds européens sur la #recherche avec 637 projets menés depuis 2007. La sécurité figure en bonne place des thématiques favorites de la société du PDG #Patrice_Caine, qui marche main dans la main avec ses compères de la défense Leonardo et Airbus, avec lesquels elle a respectivement mené 48 et 109 projets.

    Entre 2008 et 2012, l’Union européenne a, par exemple, attribué une subvention de 2,6 millions d’euros à un consortium mené par Thales, dans le cadre du projet #Aspis. Son objectif ? Identifier des systèmes de #surveillance_autonome dans les #transports_publics. Des recherches menées en collaboration avec la #RATP, qui a dévoilé à Thales les recettes de ses systèmes de sécurité et les coulisses de sa première ligne entièrement automatisée, la ligne 14 du métro parisien. Un projet dont l’un des axes a été le développement de la #vidéosurveillance.

    Thales coordonne le projet #Gambas qui vise à renforcer la #sécurité_maritime et à mieux repérer les bateaux de réfugiés tentant de rejoindre l’Europe

    À la même période, Thales s’est impliqué dans le projet #Oparus, financé à hauteur de 1,19 million d’euros par la Commission européenne. À ses côtés pour penser une stratégie européenne de la surveillance terrestre et maritime par #drones, #EADS (ancien nom d’#Airbus) ou #Dassault_Aviation. Depuis le 1er janvier dernier, l’industriel français coordonne aussi le projet Gambas (1,6 million de financement), qui vise à renforcer la sécurité maritime en améliorant le système de surveillance par #radar #Galileo, développé dans le cadre d’un précédent #projet_de_recherche européen pour mieux repérer les bateaux de réfugiés tentant de rejoindre l’Europe. Une #technologie installée depuis 2018 aux frontières européennes.

    Des subventions sont rattachées aux derniers programmes de recherche et d’innovation de l’Union européenne : #PR7 (2007-13) et #Horizon_2020 (2014-20). Leur petit frère, qui court jusqu’en 2027, s’intitule, lui, #Horizon_Europe. L’une de ses ambitions : « La sécurité civile pour la société ». Alors que ce programme s’amorce, Thales place ses pions. Le 23 novembre 2020, l’entreprise s’est entretenue avec #Jean-Éric_Paquet, directeur général pour la recherche et l’innovation de la Commission européenne. Sur quels thèmes ? Ont été évoqués les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe, et notamment « dans quelles mesures [les] actions [de la Commission] pourraient susciter l’intérêt de Thales, en vue d’un soutien renforcé aux PME mais aussi aux écosystèmes d’innovation au sein desquels les groupes industriels ont un rôle à jouer », nous a répondu par mail Jean-Éric Paquet.

    L’European Organisation for Security s’intéresse aussi directement aux frontières européennes. Un groupe de travail, coprésidé par #Peter_Smallridge, chef des ventes de la division « #borders_and_travel » de Thales et ancien de Gemalto, poursuit notamment l’ambition « d’encourager le financement et le développement de la recherche qui aboutira à une industrie européenne de la sécurité plus forte ». Entre 2014 et 2019, EOS a organisé 226 réunions pour le compte d’Airbus, Leonardo et Thales, dépensant 2,65 millions d’euros pour la seule année 2017. Le chercheur Mark Akkerman est formel : « Toutes les actions de lobbying sur les frontières passent par l’EOS et l’#AeroSpace_and_Defence_Industries_Association_of_Europe (#ASD) », l’autre hydre de l’influence européenne.

    L’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe a particulièrement souligné la nécessité de renforcer les liens entre les politiques de sécurité européennes et l’industrie de la sécurité.
    Sonya Gospodinova, porte-parole de la Commission chargée de l’industrie de la défense

    Dans ses derniers comptes publiés, datés de 2018, EOS déclare des dépenses de lobbying en nette baisse : entre 100 000 et 200 000 euros, un peu moins que les 200 000 à 300 000 euros de l’ASD. La liste des interlocuteurs de ces structures en dit beaucoup. Le 12 février 2020, des représentants d’EOS rencontrent à Bruxelles #Despina_Spanou, cheffe de cabinet du Grec #Margarítis_Schinás, vice-président de la Commission européenne chargé des Migrations. Le 11 juin, c’est au tour de l’ASD d’échanger en visioconférence avec Despina Spanou, puis début juillet avec un autre membre du cabinet, #Vangelis_Demiris. Le monde de l’influence européenne est petit puisque le 30 juin, c’est Ecso, le nouveau bébé de Luigi Rebuffi, d’organiser une visioconférence sur la sécurité européenne avec le trio au grand complet : Margarítis Schinás, Despina Spanou et Vangelis Demiris. Pour la seule année 2020, c’est la troisième réunion menée par Ecso avec la cheffe de cabinet.

    Également commissaire chargé de la Promotion du mode de vie européen, Margarítis Schinás a notamment coordonné le rapport sur la « stratégie de l’UE sur l’union de la sécurité ». Publié le 24 juillet 2020, il fixe les priorités sécuritaires de la Commission pour la période 2020-2025. Pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, le texte indique que « des mesures sont en cours pour renforcer la législation sur la sécurité aux frontières et une meilleure utilisation des bases de données existantes ». Des points qui étaient au cœur de la discussion entre l’ASD et son cabinet, comme l’a confirmé aux Jours Sonya Gospodinova, porte-parole de la Commission chargée de l’industrie de la défense. « Lors de cette réunion, l’ASD a particulièrement souligné la nécessité de renforcer les liens entre les politiques de sécurité européennes et l’industrie de la sécurité », confie-t-elle. Difficile d’avoir le son de cloche des lobbyistes. Loquaces quand il s’agit d’échanger avec les commissaires et les députés européens, Luigi Rebuffi, ASD, EOS et Thales n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Pas plus que l’une des autres cibles principales des lobbyistes de la sécurité, Thierry Breton. Contrairement aux Jours, l’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe a décroché deux entretiens avec l’ancien ministre de l’Économie de Jacques Chirac en octobre dernier, pour aborder des sujets aussi vastes que le marché international de l’#aérospatiale, la #défense ou la #sécurité. À Bruxelles, Thales et ses relais d’influence sont comme à la maison.

    https://lesjours.fr/obsessions/thales-surveillance/ep7-lobbying-europe

    #complexe_militaro_industriel #surveillance_des_frontières #migrations #réfugiés #contrôles_frontaliers #lobby

    • Thales police les frontières

      De Calais à Algésiras, l’entreprise met ses technologies au service de la politique antimigratoire de l’Europe, contre de juteux contrats.

      Cette journée d’octobre, Calais ne fait pas mentir les préjugés. Le ciel est gris, le vent âpre. La pluie mitraille les vitres de la voiture de Stéphanie. La militante de Calais Research, une ONG qui travaille sur la frontière franco-anglaise, nous promène en périphérie de la ville. Un virage. Elle désigne du doigt un terrain poisseux, marécage artificiel construit afin de décourager les exilés qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne. À proximité, des rangées de barbelés brisent l’horizon. Un frisson claustrophobe nous saisit, perdus dans ce labyrinthe de clôtures.

      La pilote de navire marchand connaît bien la région. Son collectif, qui réunit chercheurs et citoyens, effectue un travail d’archiviste. Ses membres collectent minutieusement les informations sur les dispositifs technologiques déployés à la frontière calaisienne et les entreprises qui les produisent. En 2016, ils publiaient les noms d’une quarantaine d’entreprises qui tirent profit de l’afflux de réfugiés dans la ville. Vinci, choisi en septembre 2016 pour construire un mur de 4 mètres de haut interdisant l’accès à l’autoroute depuis la jungle, y figure en bonne place. Tout comme Thales, qui apparaît dans la liste au chapitre « Technologies de frontières ».

      Thales vend son dispositif comme un outil pour protéger les employés, mais on voit bien que c’est pour empêcher les réfugiés de passer.
      Stéphanie, militante de l’ONG Calais Research

      Stéphanie stoppe sa voiture le long du trottoir, à quelques mètres de l’entrée du port de Calais. Portes tournantes et lecteurs de badges, qui permettent l’accès aux employés, ont été conçus par Thales. Le géant français a aussi déployé des dizaines de caméras le long de la clôture de 8 000 mètres qui encercle le port. « Thales vend son dispositif comme un outil pour protéger les employés, glisse Stéphanie, mais on voit bien que c’est pour empêcher les réfugiés de passer. » Le projet Calais Port 2015 – année initialement fixée pour la livraison –, une extension à 863 millions d’euros, « devrait être achevé le 5 mai 2021 », d’après Jean-Marc Puissesseau, PDG des ports de Calais-Boulogne-sur-Mer, qui n’a même pas pu nous confirmer que Thales en assure bien la sécurité, mais chiffre à 13 millions d’euros les investissements de sécurité liés au Brexit. Difficile d’en savoir plus sur ce port 2.0 : ni Thales ni la ville de Calais n’ont souhaité nous répondre.

      Les technologies sécuritaires de Thales ne se cantonnent pas au port. Depuis la mise en place du Brexit, la société Eurotunnel, qui gère le tunnel sous la Manche, a mis à disposition de la police aux frontières les sas « Parafe » (« passage automatisé rapide aux frontières extérieures ») utilisant la reconnaissance faciale du même nom, conçus par Thales. Là encore, ni Eurotunnel ni la préfecture du Pas-de-Calais n’ont souhaité commenter. L’entreprise française fournit aussi l’armée britannique qui, le 2 septembre 2020, utilisait pour la première fois le drone Watchkeeper produit par Thales. « Nous restons pleinement déterminés à soutenir le ministère de l’Intérieur britannique alors qu’il s’attaque au nombre croissant de petits bateaux traversant la Manche », se félicite alors l’armée britannique dans un communiqué. Pour concevoir ce drone, initialement déployé en Afghanistan, Thales a mis de côté son vernis éthique. Le champion français s’est associé à Elbit, entreprise israélienne connue pour son aéronef de guerre Hermes. En 2018, The Intercept révélait que ce modèle avait été utilisé pour bombarder Gaza, tuant quatre enfants. Si le patron de Thales, Patrice Caine, appelait en 2019 à interdire les robots tueurs, il n’éprouve aucun état d’âme à collaborer avec une entreprise qui en construit.

      Du Rafale à la grande mosquée de la Mecque, Thales s’immisce partout mais reste invisible. L’entreprise cultive la même discrétion aux frontières européennes

      À Calais comme ailleurs, un détail frappe quand on enquête sur Thales. L’entreprise entretient une présence fantôme. Elle s’immisce partout, mais ses six lettres restent invisibles. Elles ne figurent ni sur la carlingue du Rafale dont elle fournit l’électronique, ni sur les caméras de vidéosurveillance qui lorgnent sur la grande mosquée de la Mecque ni les produits informatiques qui assurent la cybersécurité du ministère des Armées. Très loquace sur l’efficacité de sa « Safe City » mexicaine (lire l’épisode 3, « Thales se prend un coup de chaud sous le soleil de Mexico ») ou les bienfaits potentiels de la reconnaissance faciale (lire l’épisode 5, « Thales s’immisce dans ta face »), Thales cultive la même discrétion sur son implication aux frontières européennes. Sur son site francophone, une page internet laconique mentionne l’utilisation par l’armée française de 210 mini-drones Spy Ranger et l’acquisition par la Guardia civil espagnole de caméras Gecko, œil numérique à vision thermique capable d’identifier un bateau à plus de 25 kilomètres. Circulez, il n’y a rien à voir !

      La branche espagnole du groupe est plus bavarde. Un communiqué publié par la filiale ibérique nous apprend que ces caméras seront installées sur des 4x4 de la Guardia civil « pour renforcer la surveillance des côtes et des frontières ». Une simple recherche sur le registre des appels d’offres espagnols nous a permis de retracer le lieu de déploiement de ces dispositifs. La Guardia civil de Melilla, enclave espagnole au Maroc, s’est vue attribuer une caméra thermique, tout comme celle d’Algésiras, ville côtière située à quelques kilomètres de Gibraltar, qui a reçu en complément un logiciel pour contrôler les images depuis son centre de commandement. Dans un autre appel d’offres daté de novembre 2015, la Guardia civil d’Algésiras obtient un des deux lots de caméras thermiques mobiles intégrées directement à un 4x4. Le second revient à la police des Baléares. Montant total de ces marchés : 1,5 million d’euros. Des gadgets estampillés Thales destinés au « Servicio fiscal » de la Guardia civil, une unité dont l’un des rôles principaux est d’assurer la sécurité aux frontières.

      Thales n’a pas attendu 2015 pour vendre ses produits de surveillance en Espagne. D’autres marchés publics de 2014 font mention de l’acquisition par la Guardia civil de Ceuta et Melilla de trois caméras thermiques portables, ainsi que de deux systèmes de surveillance avec caméras thermiques et de quatre caméras thermiques à Cadix et aux Baléares. La gendarmerie espagnole a également obtenu plusieurs caméras thalesiennes « Sophie ». Initialement à usage militaire, ces jumelles thermiques à vision nocturne, dont la portée atteint jusqu’à 5 kilomètres, ont délaissé les champs de bataille et servent désormais à traquer les exilés qui tentent de rejoindre l’Europe. Dans une enquête publiée en juillet dernier, Por Causa, média spécialisé dans les migrations, a analysé plus de 1 600 contrats liant l’État espagnol à des entreprises pour le contrôle des frontières, dont onze attribués à Thales, pour la somme de 3,8 millions d’euros.

      Algésiras héberge le port le plus important du sud de l’Espagne, c’est depuis des années l’une des portes d’entrées des migrants en Europe.
      Salva Carnicero, journaliste à « Por Causa »

      Le choix des villes n’est bien sûr pas anodin. « Algésiras héberge le port le plus important du sud de l’Espagne, c’est depuis des années l’une des portes d’entrées des migrants en Europe », analyse Salva Carnicero, qui travaille pour Por Causa. Dès 2003, la ville andalouse était équipée d’un dispositif de surveillance européen unique lancé par le gouvernement espagnol pour contrôler sa frontière sud, le Système intégré de surveillance extérieure (SIVE). Caméras thermiques, infrarouges, radars : les côtes ont été mises sous surveillance pour identifier la moindre embarcation à plusieurs dizaines de kilomètres. La gestion de ce système a été attribuée à l’entreprise espagnole Amper, qui continue à en assurer la maintenance et a remporté plusieurs appels d’offres en 2017 pour le déployer à Murcie, Alicante et Valence. Une entreprise que Thales connaît bien, puisqu’elle a acquis en 2014 l’une des branches d’Amper, spécialisée dans la création de systèmes de communication sécurisés pour le secteur de la défense.

      Ceuta et Melilla, villes autonomes espagnoles ayant une frontière directe avec le Maroc, sont considérées comme deux des frontières européennes les plus actives. En plus des caméras thermiques, Thales Espagne y a débuté en septembre 2019, en partenariat avec l’entreprise de sécurité suédoise Gunnebo, l’un des projets de reconnaissance faciale les plus ambitieux au monde. Le logiciel thalesien Live Face Identification System (LFIS) est en effet couplé à 35 caméras disposées aux postes-frontières avec l’Espagne. L’objectif : « Surveiller les personnes entrant et sortant des postes-frontières », et permettre « la mise en place de listes noires lors du contrôle aux frontières », dévoile Gunnebo, qui prédit 40 000 lectures de visages par jour à Ceuta et 85 000 à Melilla. Une technologie de plus qui complète l’immense clôture qui tranche la frontière. « Les deux vont de pair, le concept même de barrière frontalière implique la présence d’un checkpoint pour contrôler les passages », analyse le géographe Stéphane Rosière, spécialisé dans la géopolitique et les frontières.

      Chercheur pour Stop Wapenhandel, association néerlandaise qui milite contre le commerce des armes, Mark Akkerman travaille depuis des années sur la militarisation des frontières. Ses rapports « Border Wars » font figure de référence et mettent en exergue le profit que tirent les industriels de la défense, dont Thales, de la crise migratoire. Un des documents explique qu’à l’été 2015, le gouvernement néerlandais a accordé une licence d’exportation de 34 millions d’euros à Thales Nederland pour des radars et des systèmes C3. Leur destination ? L’Égypte, un pays qui viole régulièrement les droits de l’homme. Pour justifier la licence d’exportation accordée à Thales, le gouvernement néerlandais a évoqué « le rôle que la marine égyptienne joue dans l’arrêt de l’immigration “illégale” vers Europe ».

      De l’Australie aux pays du Golfe, l’ambition de Thales dépasse les frontières européennes

      L’ambition de Thales dépasse l’Europe. L’entreprise veut surveiller aux quatre coins du monde. Les drones Fulmar aident depuis 2016 la Malaisie à faire de la surveillance maritime et les caméras Gecko – encore elles –, lorgnent sur les eaux qui baignent la Jamaïque depuis 2019. En Australie, Thales a travaillé pendant plusieurs années avec l’entreprise publique Ocius, aidée par l’université New South Wales de Sydney, sur le développement de Bluebottle, un bateau autonome équipé d’un radar dont le but est de surveiller l’espace maritime. Au mois d’octobre, le ministère de l’industrie et de la défense australien a octroyé à Thales Australia une subvention de 3,8 millions de dollars pour développer son capteur sous-marin Blue Sentry.

      Une tactique rodée pour Thales qui, depuis une quinzaine d’années, profite des financements européens pour ses projets aux frontières. « L’un des marchés-clés pour ces acteurs sont les pays du Golfe, très riches, qui dépensent énormément dans la sécurité et qui ont parfois des problèmes d’instabilité. L’Arabie saoudite a barriérisé sa frontière avec l’Irak en pleine guerre civile », illustre Stéphane Rosière. En 2009, le royaume saoudien a confié la surveillance électronique de ses 8 000 kilomètres de frontières à EADS, aujourd’hui Airbus. Un marché estimé entre 1,6 milliard et 2,5 milliards d’euros, l’un des plus importants de l’histoire de la sécurité des frontières, dont l’attribution à EADS a été vécue comme un camouflet par Thales.

      Car l’entreprise dirigée par Patrice Caine entretient une influence historique dans le Golfe. Présent aux Émirats Arabes unis depuis 45 ans, l’industriel y emploie 550 personnes, principalement à Abu Dhabi et à Dubaï, où l’entreprise française est chargée de la sécurité d’un des plus grands aéroports du monde. Elle y a notamment installé 2 000 caméras de vidéosurveillance et 1 200 portillons de contrôle d’accès.

      Au Qatar, où elle comptait, en 2017, 310 employés, Thales équipe l’armée depuis plus de trois décennies. Depuis 2014, elle surveille le port de Doha et donc la frontière maritime, utilisant pour cela des systèmes détectant les intrusions et un imposant dispositif de vidéosurveillance. Impossible de quitter le Qatar par la voie des airs sans avoir à faire à Thales : l’entreprise sécurise aussi l’aéroport international d’Hamad avec, entre autres, un dispositif tentaculaire de 13 000 caméras, trois fois plus que pour l’intégralité de la ville de Nice, l’un de ses terrains de jeu favoris (lire l’épisode 1, « Nice, le “little brother” de Thales »).

      La prochaine grande échéance est la Coupe du monde de football de 2022, qui doit se tenir au Qatar et s’annonce comme l’une des plus sécurisées de l’histoire. Thales participe dans ce cadre à la construction et à la sécurisation du premier métro qatari, à Doha : 241 kilomètres, dont 123 souterrains, et 106 stations. Et combien de milliers de caméras de vidéosurveillance ?

      https://lesjours.fr/obsessions/thales-surveillance/ep6-frontieres-europe

  • #Pre-frontier_information_picture

    Je découvre dans un billet de blog que j’ai lu ce matin, cette info :

    From the information gathered, Frontex produces, in addition to various dossiers, an annual situation report, which the agency calls an “Pre-frontier information picture.”

    https://digit.site36.net/2023/08/27/what-is-frontex-doing-in-senegal-secret-services-also-participate-in-t
    https://seenthis.net/messages/997841#message1014789

    ... et du coup, ce terme de « pre-frontier information picture ».

    ça me rappelle, évidemment, la carte de @reka de la #triple_frontière européenne (où une « pré-frontière » est dessinée au milieu du désert du Sahara) :


    https://visionscarto.net/mourir-aux-portes-de-l-europe

    Je découvre ainsi, en faisant un peu de recherches, qu’il y a un #projet_de_recherche financé par #Horizon_2020 dédié à cette #pré-frontière, #NESTOR :

    aN Enhanced pre-frontier intelligence picture to Safeguard The EurOpean boRders

    Un système intégré de #surveillance des #frontières de l’UE

    Les frontières de l’Europe sont soumises à une pression considérable en raison des flux migratoires, des conflits armés dans les territoires avoisinants, du trafic de biens et de personnes, et de la criminalité transnationale. Toutefois, certains obstacles géographiques, tels que les forêts denses, les hautes montagnes, les terrains accidentés ou les zones maritimes et fluviales entravent la surveillance des itinéraires empruntés par les réseaux criminels. Le projet NESTOR, financé par l’UE, fera la démonstration d’un #système_global_de_surveillance des frontières de nouvelle génération, entièrement fonctionnel et proposant des #informations sur la situation #en_amont des frontières et au-delà des frontières maritimes et terrestres. Ce système repose sur le concept de la gestion européenne intégrée des frontières et recourt à des #technologies d’analyse d’#images_optiques et du spectre de fréquences radio alimentées par un réseau de #capteurs_interopérables.

    Objectif

    For the past few years, Europe has experienced some major changes at its surrounding territories and in adjacent countries which provoked serious issues at different levels. The European Community faces a number of challenges both at a political and at a tactical level. Irregular migration flows exerting significant pressure to the relevant authorities and agencies that operate at border territories. Armed conflicts, climate pressure and unpredictable factors occurring at the EU external borders, have increased the number of the reported transnational crimes. Smuggling activity is a major concern for Eastern EU Borders particularly, as monitoring the routes used by smugglers is being hindered by mountainous, densely forested areas and rough lands aside with sea or river areas. Due to the severity and the abrupt emergence of events, the relevant authorities operate for a long-time interval, under harsh conditions, 24 hours a day. NESTOR aims to demonstrate a fully functional next generation holistic border surveillance system providing pre-frontier situational awareness beyond maritime and land border areas following the concept of the European Integrated Border Management. NESTOR long-range and wide area surveillance capabilities for detection, recognition classification and tracking of moving targets (e.g. persons, vessels, vehicles, drones etc.) is based on optical, thermal imaging and Radio Frequency (RF) spectrum analysis technologies fed by an interoperable sensors network including stationary installations and mobile manned or unmanned vehicles (aerial, ground, water, underwater) capable of functioning both as standalone, tethered and in swarms. NESTOR BC3i system will fuse in real-time border surveillance data combined with web and social media information, creating and sharing a pre-frontier intelligent picture to local, regional and national command centers in AR environment being interoperable with CISE and EUROSUR.

    https://cordis.europa.eu/project/id/101021851/fr

    Projet de 6 mio. d’euro et coordonné par la #police_grecque (#Grèce) :

    Les participants (#complexe_militaro-industriel) au projet :


    #business

    #données #technologie #interopérabilité #frontières #migrations #asile #réfugiés #surveillance_des_frontières #_Integrated_Border_Management #fréquence_radio #NESTOR_BC3i_system #CISE #EUROSUR

  • Migrations : l’Union européenne, droit dans le mur

    La Commission européenne affirme que l’UE ne finance pas de « murs » anti-migrants à ses #frontières_extérieures, malgré les demandes insistantes d’États de l’est de l’Europe. En réalité, cette « ligne rouge » de l’exécutif, qui a toujours été floue, s’efface de plus en plus.

    Le 14 juin dernier, le naufrage d’un bateau entraînait la noyade de centaines de personnes exilées. Quelques jours auparavant, le 8 juin, les États membres de l’Union européenne s’enorgueillissaient d’avoir trouvé un accord sur deux règlements essentiels du « Pacte européen pour l’asile et la migration », qui multipliera les procédures d’asile express dans des centres de détention aux frontières de l’Europe, faisant craindre aux ONG une nouvelle érosion du droit d’asile.

    Dans ce contexte délétère, un groupe d’une douzaine d’États membres, surtout d’Europe de l’Est, réclame que l’Union européenne reconnaisse leur rôle de « protecteurs » des frontières de l’Union en autorisant le financement européen de murs, #clôtures et #barbelés pour contenir le « flux migratoire ». Le premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, avait même estimé que son pays était en première ligne face à « l’invasion de migrants ».

    Officiellement, la Commission européenne se refuse toujours à financer les multiples projets de clôtures anti-migrants qui s’érigent le long des frontières extérieures de l’UE. « Nous avons un principe bien établi : nous ne finançons pas de murs ni de barbelés. Et je pense que cela ne devrait pas changer », avait encore déclaré Ylva Johansson, la commissaire européenne aux affaires intérieures, le 31 janvier. Pourtant, la ligne rouge semble inexorablement s’effacer.

    Le 7 octobre 2021, les ministres de douze États, dont la #Grèce, la #Pologne, la #Hongrie, la #Bulgarie ou les #Pays_baltes, demandaient par écrit à la Commission que le financement de « #barrières_physiques » aux frontières de l’UE soit une « priorité », car cette « mesure de protection » serait un outil « efficace et légitime » dans l’intérêt de toute l’Union. Une demande qu’ils réitèrent depuis à toute occasion.

    Les États membres n’ont pas attendu un quelconque « feu vert » de la Commission pour ériger des clôtures. Les premières ont été construites par l’Espagne dans les années 1990, dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Mais c’est en 2015, après l’exil de centaines de milliers de Syrien·nes fuyant la guerre civile, que les barrières se sont multipliées. Alors que l’Union européenne comptait 315 kilomètres de fil de fer et barbelés à ses frontières en 2014, elle en totalisait 2 048 l’an passé.

    Depuis 2021, ce groupe d’États revient sans cesse à la charge. Lors de son arrivée au sommet des dirigeants européens, le 9 février dernier, Victor Orbán (Hongrie) annonçait la couleur : « Les barrières protègent l’Europe. » Les conclusions de ce sommet, ambiguës, semblaient ouvrir une brèche dans la politique européenne de financement du contrôle aux frontières. Les États demandaient « à la Commission de mobiliser immédiatement des fonds pour aider les États membres à renforcer […] les infrastructures de protection des frontières ».

    Dans ses réponses écrites aux questions de Mediapart, la Commission ne mentionne plus aucune ligne rouge : « Les États membres ont une obligation de protéger les frontières extérieures. Ils sont les mieux placés pour définir comment le faire en pratique d’une manière qui […] respecte les droits fondamentaux. »

    Si l’on en croit le ministre de l’intérieur grec, Panagiótis Mitarákis, les dernières résistances de la Commission seraient en train de tomber. Le 24 février, il affirmait, au sujet du projet grec d’#extension et de renforcement de sa clôture avec la Turquie, le long de la rivière #Evros, que la Commission avait « accepté que certaines dépenses pour la construction de la barrière soient financées par l’Union européenne ».

    Pour Catherine Woollard, de l’ONG Ecre (Conseil européen pour les réfugiés et exilés), « c’est important que la Commission résiste à ces appels de financement des murs et clôtures, car il faut respecter le droit de demander l’asile qui implique un accès au territoire. Mais cette position risque de devenir symbolique si les barrières sont tout de même construites et qu’en plus se développent des barrières d’autres types, numériques et technologiques, surtout dans des États qui utilisent la force et des mesures illégales pour refouler les demandeurs d’asile ».

    D’une ligne rouge à une ligne floue

    Au sein de l’ONG Statewatch, Chris Jones estime que « cette “ligne rouge” de la Commission européenne, c’est du grand n’importe quoi ! Cela fait des années que l’Union européenne finance des dispositifs autour ou sur ces clôtures, des #drones, des #caméras, des #véhicules, des #officiers. Dire que l’UE ne finance pas de clôtures, c’est uniquement sémantique, quand des milliards d’euros sont dépensés pour fortifier les frontières ». Même diagnostic chez Mark Akkerman, chercheur néerlandais au Transnational Institute, pour qui la « #ligne_rouge de la Commission est plutôt une ligne floue ». Dans ses travaux, il avait déjà démontré qu’en 2010, l’UE avait financé l’achat de #caméras_de_vidéosurveillance à #Ceuta et la construction d’un #mirador à #Melilla.

    Lorsqu’il est disponible, le détail des dépenses relatives au contrôle des frontières montre que la politique de non-financement des « murs » est une ligne de crête, car si la Commission ne finance pas le béton ni les barbelés, elle finance bien des #dispositifs qui les accompagnent.

    En 2021, par exemple, la #Lituanie a reçu 14,9 millions d’euros de fonds d’aide d’urgence pour « renforcer » sa frontière extérieure avec la Biélorussie, peut-on lire dans un rapport de la Commission. Une frontière qui, selon le ministère de l’intérieur lituanien, contacté par Mediapart, est « désormais longée d’une clôture de 530 km et d’une barrière surmontée de fils barbelés sur 360 kilomètres ». Si la barrière a pesé 148 millions d’euros sur le #budget de l’État, le ministère de l’intérieur affirme que la rénovation de la route qui la longe et permet aux gardes-frontières de patrouiller a été financée à hauteur de « 10 millions d’euros par des fonds européens ».

    En Grèce, le détail des dépenses du gouvernement, dans le cadre du fonds européen de sécurité intérieur, de 2014 à 2020, est éclairant. Toujours le long de la rivière Evros, là où est érigée la barrière physique, la police grecque a pu bénéficier en 2016 d’un apport de 15 millions d’euros, dont 11,2 millions financés par le fonds européen pour la sécurité intérieure, afin de construire 10 #pylônes et d’y intégrer des #caméras_thermiques, des caméras de surveillance, des #radars et autres systèmes de communication.

    Cet apport financier fut complété la même année par 1,5 million d’euros pour l’achat d’#équipements permettant de détecter les battements de cœur dans les véhicules, coffres ou conteneurs.

    Mais l’enjeu, en Grèce, c’est avant tout la mer, là où des bateaux des gardes-côtes sont impliqués dans des cas de refoulements documentés. Dans son programme d’action national du fonds européen relatif à la gestion des frontières et des visas, écrit en 2021, le gouvernement grec envisage le renouvellement de sa flotte, dont une dizaine de bateaux de #patrouille côtière, équipés de #technologies de #surveillance dernier cri, pour environ 60 millions d’euros. Et malgré les refoulements, la Commission européenne octroie les fonds.

    Technologies et barrières font bon ménage

    Les États membres de l’UE qui font partie de l’espace Schengen ont pour mission de « protéger les frontières extérieures ». Le droit européen leur impose aussi de respecter le droit d’asile. « Les exigences du code Schengen contredisent bien souvent l’acquis européen en matière d’asile. Lorsqu’un grand nombre de personnes arrivent aux frontières de l’Union européenne et qu’il existe des pressions pour faire baisser ce nombre, il est presque impossible de le faire sans violer certaines règles relatives au droit d’asile », reconnaît Atanas Rusev, directeur du programme « sécurité » du Centre pour l’étude de la démocratie, basé en Bulgarie.

    La Bulgarie est au cœur de ces tiraillements européens. En 2022, la police a comptabilisé 164 000 passages dits « irréguliers » de sa frontière, contre 55 000 l’année précédente. Des demandeurs d’asile qui, pour la plupart, souhaitent se rendre dans d’autres pays européens.

    Les Pays-Bas ou l’Autriche ont fait pression pour que la #Bulgarie réduise ce nombre, agitant la menace d’un report de son intégration à l’espace Schengen. Dans le même temps, des ONG locales, comme le Helsinki Committee Center ou le Refugee Help Group, dénoncent la brutalité qui s’exerce sur les exilé·es et les refoulements massifs dont ils sont victimes. Le pays a construit une clôture de 234 kilomètres le long de sa frontière avec la Turquie.

    Dans son plan d’action, le gouvernement bulgare détaille son intention de dépenser l’argent européen du fonds relatif à la gestion des frontières, sur la période 2021-2027, pour renforcer son « système de surveillance intégré » ; une collecte de données en temps réel par des caméras thermiques, des #capteurs_de_mouvements, des systèmes de surveillance mobiles, des #hélicoptères.

    Philip Gounev est consultant dans le domaine de la gestion des frontières. Il fut surtout ministre adjoint des affaires intérieures en Bulgarie, chargé des fonds européens, mais aussi de l’érection de la barrière à la frontière turque. Il explique très clairement la complémentarité, à ses yeux, des différents dispositifs : « Notre barrière ne fait que ralentir les migrants de cinq minutes. Mais ces cinq minutes sont importantes. Grâce aux caméras et capteurs qui détectent des mouvements ou une brèche dans la barrière, l’intervention des gardes-frontières est rapide. »

    L’appétit pour les technologies et le numérique ne fait que croître, au point que des ONG, comme l’EDRi (European Digital Rights) dénoncent la construction par l’UE d’un « #mur_numérique ». Dans ce domaine, le programme de recherche européen #Horizon_Europe et, avant lui, #Horizon_2020, tracent les contours du futur numérisé des contrôles, par le financement de projets portés par l’industrie et des centres de #recherche, au caractère parfois dystopique.

    De 2017 à 2021, « #Roborder » a reçu une aide publique de 8 millions d’euros. L’idée est de déployer une armada de véhicules sans pilotes, sur la mer ou sur terre, ainsi que différents drones, tous munis de caméras et capteurs, et dont les informations seraient croisées et analysées pour donner une image précise des mouvements humains aux abords des frontières. Dans son programme d’action national d’utilisation du fonds européen pour la gestion des frontières, la Hongrie manifeste un intérêt appuyé pour « l’adaptation partielle des résultats » de Roborder via une série de projets pilotes à ses frontières.

    Les #projets_de_recherche dans le domaine des frontières sont nombreux. Citons « #Foldout », dont les 8 millions d’euros servent à développer des technologies de #détection de personnes, à travers des #feuillages épais « dans les zones les plus reculées de l’Union européenne ». « Le développement de technologies et de l’#intelligence_artificielle aux frontières de l’Europe est potentiellement plus puissant que des murs, décrypte Sarah Chandler, de l’EDRi. Notre inquiétude, c’est que ces technologies soient utilisées pour des #refoulements aux frontières. »

    D’autres projets, développés sous l’impulsion de #Frontex, utilisent les croisements de #données et l’intelligence artificielle pour analyser, voire prédire, les mouvements migratoires. « Le déploiement de nouvelles technologies de surveillance, avec la construction de barrières pour bloquer les routes migratoires, est intimement lié à des dangers accrus et provoque davantage de morts des personnes en mouvement », peut-on lire dans un rapport de Statewatch. Dans un contexte de droitisation de nombreux États membres de l’Union européenne, Philip Gounev pense de son côté que « le financement de barrières physiques par l’UE deviendra inévitable ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/170723/migrations-l-union-europeenne-droit-dans-le-mur
    #murs #barrières_frontalières #migrations #financement #UE #EU #Union_européenne #technologie #complexe_militaro-industriel

  • « Les #réfugiés sont les #cobayes des futures mesures de #surveillance »

    Les dangers de l’émigration vers l’Europe vont croissant, déplore Mark Akkerman, qui étudie la #militarisation_des_frontières du continent depuis 2016. Un mouvement largement poussé par le #lobby de l’#industrie_de_l’armement et de la sécurité.

    Mark Akkerman étudie depuis 2016 la militarisation des frontières européennes. Chercheur pour l’ONG anti-militariste #Stop_Wapenhandel, il a publié, avec le soutien de The Transnational Institute, plusieurs rapports de référence sur l’industrie des « #Safe_Borders ». Il revient pour Mediapart sur des années de politiques européennes de surveillance aux frontières.

    Mediapart : En 2016, vous publiez un premier rapport, « Borders Wars », qui cartographie la surveillance aux frontières en Europe. Dans quel contexte naît ce travail ?

    Mark Akkerman : Il faut se rappeler que l’Europe a une longue histoire avec la traque des migrants et la sécurisation des frontières, qui remonte, comme l’a montré la journaliste d’investigation néerlandaise Linda Polman, à la Seconde Guerre mondiale et au refus de soutenir et abriter des réfugiés juifs d’Allemagne. Dès la création de l’espace Schengen, au début des années 1990, l’ouverture des frontières à l’intérieur de cet espace était étroitement liée au renforcement du contrôle et de la sécurité aux frontières extérieures. Depuis lors, il s’agit d’un processus continu marqué par plusieurs phases d’accélération.

    Notre premier rapport (https://www.tni.org/en/publication/border-wars) est né durant l’une de ces phases. J’ai commencé ce travail en 2015, au moment où émerge le terme « crise migratoire », que je qualifierais plutôt de tragédie de l’exil. De nombreuses personnes, principalement motivées par la guerre en Syrie, tentent alors de trouver un avenir sûr en Europe. En réponse, l’Union et ses États membres concentrent leurs efforts sur la sécurisation des frontières et le renvoi des personnes exilées en dehors du territoire européen.

    Cela passe pour une part importante par la militarisation des frontières, par le renforcement des pouvoirs de Frontex et de ses financements. Les réfugiés sont dépeints comme une menace pour la sécurité de l’Europe, les migrations comme un « problème de sécurité ». C’est un récit largement poussé par le lobby de l’industrie militaire et de la sécurité, qui a été le principal bénéficiaire de ces politiques, des budgets croissants et des contrats conclus dans ce contexte.

    Cinq ans après votre premier rapport, quel regard portez-vous sur la politique européenne de sécurisation des frontières ? La pandémie a-t-elle influencé cette politique ?

    Depuis 2016, l’Europe est restée sur la même voie. Renforcer, militariser et externaliser la sécurité aux frontières sont les seules réponses aux migrations. Davantage de murs et de clôtures ont été érigés, de nouveaux équipements de surveillance, de détection et de contrôle ont été installés, de nouveaux accords avec des pays tiers ont été conclus, de nouvelles bases de données destinées à traquer les personnes exilées ont été créées. En ce sens, les politiques visibles en 2016 ont été poursuivies, intensifiées et élargies.

    La pandémie de Covid-19 a certainement joué un rôle dans ce processus. De nombreux pays ont introduit de nouvelles mesures de sécurité et de contrôle aux frontières pour contenir le virus. Cela a également servi d’excuse pour cibler à nouveau les réfugiés, les présentant encore une fois comme des menaces, responsables de la propagation du virus.

    Comme toujours, une partie de ces mesures temporaires vont se pérenniser et on constate déjà, par exemple, l’évolution des contrôles aux frontières vers l’utilisation de technologies biométriques sans contact.

    En 2020, l’UE a choisi Idemia et Sopra Steria, deux entreprises françaises, pour construire un fichier de contrôle biométrique destiné à réguler les entrées et sorties de l’espace Schengen. Quel regard portez-vous sur ces bases de données ?

    Il existe de nombreuses bases de données biométriques utilisées pour la sécurité aux frontières. L’Union européenne met depuis plusieurs années l’accent sur leur développement. Plus récemment, elle insiste sur leur nécessaire connexion, leur prétendue interopérabilité. L’objectif est de créer un système global de détection, de surveillance et de suivi des mouvements de réfugiés à l’échelle européenne pour faciliter leur détention et leur expulsion.

    Cela contribue à créer une nouvelle forme d’« apartheid ». Ces fichiers sont destinés certes à accélérer les processus de contrôles aux frontières pour les citoyens nationaux et autres voyageurs acceptables mais, surtout, à arrêter ou expulser les migrantes et migrants indésirables grâce à l’utilisation de systèmes informatiques et biométriques toujours plus sophistiqués.

    Quelles sont les conséquences concrètes de ces politiques de surveillance ?

    Il devient chaque jour plus difficile et dangereux de migrer vers l’Europe. Parce qu’elles sont confrontées à la violence et aux refoulements aux frontières, ces personnes sont obligées de chercher d’autres routes migratoires, souvent plus dangereuses, ce qui crée un vrai marché pour les passeurs. La situation n’est pas meilleure pour les personnes réfugiées qui arrivent à entrer sur le territoire européen. Elles finissent régulièrement en détention, sont expulsées ou sont contraintes de vivre dans des conditions désastreuses en Europe ou dans des pays limitrophes.

    Cette politique n’impacte pas que les personnes réfugiées. Elle présente un risque pour les libertés publiques de l’ensemble des Européens. Outre leur usage dans le cadre d’une politique migratoire raciste, les technologies de surveillance sont aussi « testées » sur des personnes migrantes qui peuvent difficilement faire valoir leurs droits, puis introduites plus tard auprès d’un public plus large. Les réfugiés sont les cobayes des futures mesures de contrôle et de surveillance des pays européens.

    Vous pointez aussi que les industriels qui fournissent en armement les belligérants de conflits extra-européens, souvent à l’origine de mouvements migratoires, sont ceux qui bénéficient du business des frontières.

    C’est ce que fait Thales en France, Leonardo en Italie ou Airbus. Ces entreprises européennes de sécurité et d’armement exportent des armes et des technologies de surveillance partout dans le monde, notamment dans des pays en guerre ou avec des régimes autoritaires. À titre d’exemple, les exportations européennes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord des dix dernières années représentent 92 milliards d’euros et concernent des pays aussi controversés que l’Arabie saoudite, l’Égypte ou la Turquie.

    Si elles fuient leur pays, les populations civiles exposées à la guerre dans ces régions du monde se retrouveront très certainement confrontées à des technologies produites par les mêmes industriels lors de leur passage aux frontières. C’est une manière profondément cynique de profiter, deux fois, de la misère d’une même population.

    Quelles entreprises bénéficient le plus de la politique européenne de surveillance aux frontières ? Par quels mécanismes ? Je pense notamment aux programmes de recherches comme Horizon 2020 et Horizon Europe.

    J’identifie deux types d’entreprises qui bénéficient de la militarisation des frontières de l’Europe. D’abord les grandes entreprises européennes d’armement et de sécurité, comme Airbus, Leonardo et Thales, qui disposent toutes d’une importante gamme de technologies militaires et de surveillance. Pour elles, le marché des frontières est un marché parmi d’autres. Ensuite, des entreprises spécialisées, qui travaillent sur des niches, bénéficient aussi directement de cette politique européenne. C’est le cas de l’entreprise espagnole European Security Fencing, qui fabrique des fils barbelés. Elles s’enrichissent en remportant des contrats, à l’échelle européenne, mais aussi nationale, voire locale.

    Une autre source de financement est le programme cadre européen pour la recherche et l’innovation. Il finance des projets sur 7 ans et comprend un volet sécurité aux frontières. Des programmes existent aussi au niveau du Fonds européen de défense.

    Un de vos travaux de recherche, « Expanding the Fortress », s’intéresse aux partenariats entre l’Europe et des pays tiers. Quels sont les pays concernés ? Comment se manifestent ces partenariats ?

    L’UE et ses États membres tentent d’établir une coopération en matière de migrations avec de nombreux pays du monde. L’accent est mis sur les pays identifiés comme des « pays de transit » pour celles et ceux qui aspirent à rejoindre l’Union européenne. L’Europe entretient de nombreux accords avec la Libye, qu’elle équipe notamment en matériel militaire. Il s’agit d’un pays où la torture et la mise à mort des réfugiés ont été largement documentées.

    Des accords existent aussi avec l’Égypte, la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, le Liban ou encore l’Ukraine. L’Union a financé la construction de centres de détention dans ces pays, dans lesquels on a constaté, à plusieurs reprises, d’importantes violations en matière de droits humains.

    Ces pays extra-européens sont-ils des zones d’expérimentations pour les entreprises européennes de surveillance ?

    Ce sont plutôt les frontières européennes, comme celle d’Evros, entre la Grèce et la Turquie, qui servent de zone d’expérimentation. Le transfert d’équipements, de technologies et de connaissances pour la sécurité et le contrôle des frontières représente en revanche une partie importante de ces coopérations. Cela veut dire que les États européens dispensent des formations, partagent des renseignements ou fournissent de nouveaux équipements aux forces de sécurité de régimes autoritaires.

    Ces régimes peuvent ainsi renforcer et étendre leurs capacités de répression et de violation des droits humains avec le soutien de l’UE. Les conséquences sont dévastatrices pour la population de ces pays, ce qui sert de moteur pour de nouvelles vagues de migration…

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040822/les-refugies-sont-les-cobayes-des-futures-mesures-de-surveillance

    cité dans l’interview, ce rapport :
    #Global_Climate_Wall
    https://www.tni.org/en/publication/global-climate-wall
    déjà signalé ici : https://seenthis.net/messages/934948#message934949

    #asile #migrations #complexe_militaro-industriel #surveillance_des_frontières #Frontex #problème #Covid-19 #coronavirus #biométrie #technologie #Idemia #Sopra_Steria #contrôle_biométrique #base_de_données #interopérabilité #détection #apartheid #informatique #violence #refoulement #libertés_publiques #test #normalisation #généralisation #Thales #Leonardo #Airbus #armes #armements #industrie_de_l'armement #cynisme #Horizon_Europe #Horizon_2020 #marché #business #European_Security_Fencing #barbelés #fils_barbelés #recherche #programmes_de_recherche #Fonds_européen_de_défense #accords #externalisation #externalisation_des_contrôles_frontaliers #Égypte #Libye #Tunisie #Maroc #Jordanie #Liban #Ukraine #rétention #détention_administrative #expérimentation #équipements #connaissance #transfert #coopérations #formations #renseignements #répression

    ping @isskein @karine4 @_kg_

    • Le système électronique d’#Entrée-Sortie en zone #Schengen : la biométrie au service des #frontières_intelligentes

      Avec la pression migratoire et la vague d’attentats subis par l’Europe ces derniers mois, la gestion des frontières devient une priorité pour la Commission.

      Certes, le système d’information sur les #visas (#VIS, #Visa_Information_System) est déployé depuis 2015 dans les consulats des États Membres et sa consultation rendue obligatoire lors de l’accès dans l’#espace_Schengen.

      Mais, depuis février 2013, est apparu le concept de « #frontières_intelligentes », (#Smart_Borders), qui recouvre un panel ambitieux de mesures législatives élaborées en concertation avec le Parlement Européen.

      Le système entrée/sortie, en particulier, va permettre, avec un système informatique unifié, d’enregistrer les données relatives aux #entrées et aux #sorties des ressortissants de pays tiers en court séjour franchissant les frontières extérieures de l’Union européenne.

      Adopté puis signé le 30 Novembre 2017 par le Conseil Européen, il sera mis en application en 2022. Il s’ajoutera au « PNR européen » qui, depuis le 25 mai 2018, recense les informations sur les passagers aériens.

      Partant du principe que la majorité des visiteurs sont « de bonne foi », #EES bouleverse les fondements mêmes du #Code_Schengen avec le double objectif de :

      - rendre les frontières intelligentes, c’est-à-dire automatiser le contrôle des visiteurs fiables tout en renforçant la lutte contre les migrations irrégulières
      - créer un #registre_central des mouvements transfrontaliers.

      La modernisation de la gestion des frontières extérieures est en marche. En améliorant la qualité et l’efficacité des contrôles de l’espace Schengen, EES, avec une base de données commune, doit contribuer à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ainsi que les formes graves de criminalité.

      L’#identification de façon systématique des personnes qui dépassent la durée de séjour autorisée dans l’espace Schengen en est un des enjeux majeurs.

      Nous verrons pourquoi la reconnaissance faciale en particulier, est la grande gagnante du programme EES. Et plus seulement dans les aéroports comme c’est le cas aujourd’hui.

      Dans ce dossier web, nous traiterons des 6 sujets suivants :

      - ESS : un puissant dispositif de prévention et détection
      - La remise en cause du code « frontières Schengen » de 2006
      - EES : un accès très réglementé
      - La biométrie faciale : fer de lance de l’EES
      - EES et la lutte contre la fraude à l’identité
      - Thales et l’identité : plus de 20 ans d’expertise

      Examinons maintenant ces divers points plus en détail.

      ESS : un puissant dispositif de prévention et détection

      Les activités criminelles telles que la traite d’êtres humains, les filières d’immigration clandestine ou les trafics d’objets sont aujourd’hui la conséquence de franchissements illicites de frontières, largement facilités par l’absence d’enregistrement lors des entrées/ sorties.

      Le scénario de fraude est – hélas – bien rôdé : Contrôle « standard » lors de l’accès à l’espace Schengen, puis destruction des documents d’identité dans la perspective d’activités malveillantes, sachant l’impossibilité d’être authentifié.

      Même si EES vise le visiteur « de bonne foi », le système va constituer à terme un puissant dispositif pour la prévention et la détection d’activités terroristes ou autres infractions pénales graves. En effet les informations stockées dans le nouveau registre pour 5 ans– y compris concernant les personnes refoulées aux frontières – couvrent principalement les noms, numéros de passeport, empreintes digitales et photos. Elles seront accessibles aux autorités frontalières et de délivrance des visas, ainsi qu’à Europol.

      Le système sera à la disposition d’enquêtes en particulier, vu la possibilité de consulter les mouvements transfrontières et historiques de déplacements. Tout cela dans le plus strict respect de la dignité humaine et de l’intégrité des personnes.

      Le dispositif est très clair sur ce point : aucune discrimination fondée sur le sexe, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion.

      Sont également exclus du champ d’investigation l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle des visiteurs.​

      La remise en cause du Code frontières Schengen

      Vu la croissance attendue des visiteurs de pays tiers (887 millions en 2025), l’enjeu est maintenant de fluidifier et simplifier les contrôles.

      Une initiative particulièrement ambitieuse dans la mesure où elle remet en cause le fameux Code Schengen qui impose des vérifications approfondies, conduites manuellement par les autorités des Etats Membres aux entrées et sorties, sans possibilité d’automatisation.

      Par ailleurs, le Code Schengen ne prévoit aucun enregistrement des mouvements transfrontaliers. La procédure actuelle exigeant seulement que les passeports soient tamponnés avec mention des dates d’entrée et sortie.

      Seule possibilité pour les gardes-frontières : Calculer un éventuel dépassement de la durée de séjour qui elle-même est une information falsifiable et non consignée dans une base de données.

      Autre contrainte, les visiteurs réguliers comme les frontaliers doivent remplacer leurs passeports tous les 2-3 mois, vue la multitude de tampons ! Un procédé bien archaïque si l’on considère le potentiel des technologies de l’information.

      La proposition de 2013 comprenait donc trois piliers :

      - ​La création d’un système automatisé d’entrée/sortie (Entry/ Exit System ou EES)
      - Un programme d’enregistrement de voyageurs fiables, (RTP, Registered Traveller Program) pour simplifier le passage des visiteurs réguliers, titulaires d’un contrôle de sûreté préalable
      – La modification du Code Schengen

      Abandon de l’initiative RTP

      Trop complexe à mettre en œuvre au niveau des 28 Etats Membres, l’initiative RTP (Registered Travelers Program) a été finalement abandonnée au profit d’un ambitieux programme Entry/ Exit (EES) destiné aux visiteurs de courte durée (moins de 90 jours sur 180 jours).

      Précision importante, sont maintenant concernés les voyageurs non soumis à l’obligation de visa, sachant que les détenteurs de visas sont déjà répertoriés par le VIS.

      La note est beaucoup moins salée que prévue par la Commission en 2013. Au lieu du milliard estimé, mais qui incluait un RTP, la proposition révisée d’un EES unique ne coutera « que » 480 millions d’EUR.

      Cette initiative ambitieuse fait suite à une étude technique menée en 2014, puis une phase de prototypage conduite sous l’égide de l’agence EU-LISA en 2015 avec pour résultat le retrait du projet RTP et un focus particulier sur le programme EES.

      Une architecture centralisée gérée par EU-LISA

      L’acteur clé du dispositif EES, c’est EU-LISA, l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle dont le siège est à Tallinn, le site opérationnel à Strasbourg et le site de secours à Sankt Johann im Pongau (Autriche). L’Agence sera en charge des 4 aspects suivants :

      - Développement du système central
      - Mise en œuvre d’une interface uniforme nationale (IUN) dans chaque État Membre
      - Communication sécurisée entre les systèmes centraux EES et VIS
      - Infrastructure de communication entre système central et interfaces uniformes nationales.

      Chaque État Membre sera responsable de l’organisation, la gestion, le fonctionnement et de la maintenance de son infrastructure frontalière vis-à-vis d’EES.

      Une gestion optimisée des frontières

      Grâce au nouveau dispositif, tous les ressortissants des pays tiers seront traités de manière égale, qu’ils soient ou non exemptés de visas.

      Le VIS répertorie déjà les visiteurs soumis à visas. Et l’ambition d’EES c’est de constituer une base pour les autres.

      Les États Membres seront donc en mesure d’identifier tout migrant ou visiteur en situation irrégulière ayant franchi illégalement les frontières et faciliter, le cas échéant, son expulsion.

      Dès l’authentification à une borne en libre–service, le visiteur se verra afficher les informations suivantes, sous supervision d’un garde-frontière :

      - ​Date, heure et point de passage, en remplacement des tampons manuels
      - Notification éventuelle d’un refus d’accès.
      - Durée maximale de séjour autorisé.
      - Dépassement éventuelle de la durée de séjour autorisée
      En ce qui concerne les autorités des Etats Membres, c’est une véritable révolution par rapport à l’extrême indigence du système actuel. On anticipe déjà la possibilité de constituer des statistiques puissantes et mieux gérer l’octroi, ou la suppression de visas, en fonction de mouvements transfrontières, notamment grâce à des informations telles que :

      - ​​​Dépassements des durées de séjour par pays
      - Historique des mouvements frontaliers par pays

      EES : un accès très réglementé

      L’accès à EES est très réglementé. Chaque État Membre doit notifier à EU-LISA les autorités répressives habilitées à consulter les données aux fins de prévention ou détection d’infractions terroristes et autres infractions pénales graves, ou des enquêtes en la matière.

      Europol, qui joue un rôle clé dans la prévention de la criminalité, fera partie des autorités répressives autorisées à accéder au système dans le cadre de sa mission.

      Par contre, les données EES ne pourront pas être communiquées à des pays tiers, une organisation internationale ou une quelconque partie privée établie ou non dans l’Union, ni mises à leur disposition. Bien entendu, dans le cas d’enquêtes visant l’identification d’un ressortissant de pays tiers, la prévention ou la détection d’infractions terroristes, des exceptions pourront être envisagées.​

      Proportionnalité et respect de la vie privée

      Dans un contexte législatif qui considère le respect de la vie privée comme une priorité, le volume de données à caractère personnel enregistré dans EES sera considérablement réduit, soit 26 éléments au lieu des 36 prévus en 2013.

      Il s’agit d’un dispositif négocié auprès du Contrôleur Européen pour la Protection des Données (CEPD) et les autorités nationales en charge d’appliquer la nouvelle réglementation.

      Très schématiquement, les données collectées se limiteront à des informations minimales telles que : nom, prénom, références du document de voyage et visa, biométrie du visage et de 4 empreintes digitales.

      A chaque visite, seront relevés la date, l’heure et le lieu de contrôle frontière. Ces données seront conservées pendant cinq années, et non plus 181 jours comme proposé en 2013.

      Un procédé qui permettra aux gardes-frontières et postes consulaires d’analyser l’historique des déplacements, lors de l’octroi de nouveaux visas.
      ESS : privacy by design

      La proposition de la Commission a été rédigée selon le principe de « respect de la vie privée dès la conception », mieux connue sous le label « Privacy By Design ».

      Sous l’angle du droit, elle est bien proportionnée à la protection des données à caractère personnel en ce que la collecte, le stockage et la durée de conservation des données permettent strictement au système de fonctionner et d’atteindre ses objectifs.

      EES sera un système centralisé avec coopération des Etats Membres ; d’où une architecture et des règles de fonctionnement communes.​

      Vu cette contrainte d’uniformisation des modalités régissant vérifications aux frontières et accès au système, seul le règlement en tant que véhicule juridique pouvait convenir, sans possibilité d’adaptation aux législations nationales.

      Un accès internet sécurisé à un service web hébergé par EU-LISA permettra aux visiteurs des pays tiers de vérifier à tout moment leur durée de séjour autorisée.

      Cette fonctionnalité sera également accessible aux transporteurs, comme les compagnies aériennes, pour vérifier si leurs voyageurs sont bien autorisés à pénétrer dans le territoire de l’UE.

      La biométrie faciale, fer de lance du programme EES

      Véritable remise en question du Code Schengen, EES permettra de relever la biométrie de tous les visiteurs des pays tiers, alors que ceux soumis à visa sont déjà enregistrés dans le VIS.

      Pour les identifiants biométriques, l’ancien système envisageait 10 empreintes digitales. Le nouveau combine quatre empreintes et la reconnaissance faciale.

      La technologie, qui a bénéficié de progrès considérables ces dernières années, s’inscrit en support des traditionnelles empreintes digitales.

      Bien que la Commission ne retienne pas le principe d’enregistrement de visiteurs fiables (RTP), c’est tout comme.

      En effet, quatre empreintes seront encore relevées lors du premier contrôle pour vérifier que le demandeur n’est pas déjà répertorié dans EES ou VIS.

      En l’absence d’un signal, l’autorité frontalière créera un dossier en s’assurant que la photographie du passeport ayant une zone de lecture automatique (« Machine Readable Travel Document ») correspond bien à l’image faciale prise en direct du nouveau visiteur.

      Mais pour les passages suivants, c’est le visage qui l’emporte.

      Souriez, vous êtes en Europe ! Les fastidieux (et falsifiables) tampons sur les passeports seront remplacés par un accès à EES.

      La biométrie est donc le grand gagnant du programme EES. Et plus seulement dans les aéroports comme c’est le cas aujourd’hui.

      Certains terminaux maritimes ou postes frontières terrestres particulièrement fréquentés deviendront les premiers clients de ces fameuses eGates réservées aujourd’hui aux seuls voyageurs aériens.

      Frontex, en tant qu’agence aidant les pays de l’UE et les pays associés à Schengen à gérer leurs frontières extérieures, va aider à harmoniser les contrôles aux frontières à travers l’UE.

      EES et la lutte contre la fraude à l’identité

      Le dispositif EES est complexe et ambitieux dans la mesure où il fluidifie les passages tout en relevant le niveau des contrôles. On anticipe dès aujourd’hui des procédures d’accueil en Europe bien meilleures grâce aux eGates et bornes self-service.

      Sous l’angle de nos politiques migratoires et de la prévention des malveillances, on pourra immédiatement repérer les personnes ne rempliss​​ant pas les conditions d’entrée et accéder aux historiques des déplacements.

      Mais rappelons également qu’EES constituera un puissant outil de lutte contre la fraude à l’identité, notamment au sein de l’espace Schengen, tout visiteur ayant été enregistré lors de son arrivée à la frontière.

      Thales et l’identité : plus de 20 ans d’expertise

      Thales est particulièrement attentif à cette initiative EES qui repose massivement sur la biométrie et le contrôle des documents de voyage.

      En effet, l’identification et l’authentification des personnes sont deux expertises majeures de Thales depuis plus de 20 ans. La société contribue d’ailleurs à plus de 200 programmes gouvernementaux dans 80 pays sur ces sujets.

      La société peut répondre aux objectifs du programme EES en particulier pour :

      - Exploiter les dernières technologies pour l’authentification des documents de voyage, l’identification des voyageurs à l’aide de captures et vérifications biométriques, et l’évaluation des risques avec accès aux listes de contrôle, dans tous les points de contrôle aux frontières.
      - Réduire les coûts par l’automatisation et l’optimisation des processus tout en misant sur de nouvelles technologies pour renforcer la sécurité et offrir davantage de confort aux passagers
      - Valoriser des tâches de gardes-frontières qui superviseront ces dispositifs tout en portant leur attention sur des cas pouvant porter à suspicion.
      - Diminuer les temps d’attente après enregistrement dans la base EES. Un facteur non négligeable pour des frontaliers ou visiteurs réguliers qui consacreront plus de temps à des activités productives !

      Des bornes d’enregistrement libre-service comme des frontières automatiques ou semi-automatiques peuvent être déployées dans les prochaines années avec l’objectif de fluidifier les contrôles et rendre plus accueillant l’accès à l’espace Schengen.

      Ces bornes automatiques et biométriques ont d’ailleurs été installées dans les aéroports parisiens d’Orly et de Charles de Gaulle (Nouveau PARAFE : https://www.thalesgroup.com/fr/europe/france/dis/gouvernement/controle-aux-frontieres).

      La reconnaissance faciale a été mise en place en 2018.

      Les nouveaux sas PARAFE à Roissy – Septembre 2017

      Thales dispose aussi d’une expertise reconnue dans la gestion intégrée des frontières et contribue en particulier à deux grand systèmes de gestion des flux migratoires.

      - Les systèmes d’identification biométrique de Thales sont en particulier au cœur du système américain de gestion des données IDENT (anciennement US-VISIT). Cette base de données biographiques et biométriques contient des informations sur plus de 200 millions de personnes qui sont entrées, ont tenté d’entrer et ont quitté les États-Unis d’Amérique.

      - Thales est le fournisseur depuis l’origine du système biométrique Eurodac (European Dactyloscopy System) qui est le plus important système AFIS multi-juridictionnel au monde, avec ses 32 pays affiliés. Le système Eurodac est une base de données comportant les empreintes digitales des demandeurs d’asile pour chacun des états membres ainsi que des personnes appréhendées à l’occasion d’un franchissement irrégulier d’une frontière.

      Pour déjouer les tentatives de fraude documentaire, Thales a mis au point des équipements sophistiqués permettant de vérifier leur authenticité par comparaison avec les modèles en circulation. Leur validité est aussi vérifiée par connexion à des bases de documents volés ou perdus (SLTD de Interpol). Ou a des watch lists nationales.

      Pour le contrôle des frontières, au-delà de ses SAS et de ses kiosks biométriques, Thales propose toute une gamme de lecteurs de passeports d’équipements et de logiciels d’authentification biométriques, grâce à son portefeuille Cogent, l’un des pionniers du secteur.

      Pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter.​

      https://www.thalesgroup.com/fr/europe/france/dis/gouvernement/biometrie/systeme-entree-sortie
      #smart_borders #Thales #overstayers #reconnaissance_faciale #prévention #détection #fraude_à_l'identité #Registered_Traveller_Program (#RTP) #EU-LISA #interface_uniforme_nationale (#IUN) #Contrôleur_Européen_pour_la_Protection_des_Données (#CEPD) #Privacy_By_Design #respect_de_la_vie_privée #empreintes_digitales #biométrie #Frontex #bornes #aéroport #PARAFE #IDENT #US-VISIT #Eurodac #Gemalto

  • Prédire les flux migratoires grâce à l’intelligence artificielle, le pari risqué de l’Union européenne
    https://disclose.ngo/fr/article/union-europeenne-veut-predire-les-flux-migratoires-grace-a-lintelligence-a

    Depuis plusieurs mois, l’Union européenne développe une intelligence artificielle censée prédire les flux migratoires afin d’améliorer l’accueil des migrants sur son sol. Or, selon plusieurs documents obtenus par Disclose, l’outil baptisé Itflows pourrait vite se transformer en une arme redoutable pour contrôler, discriminer et harceler les personnes cherchant refuge en Europe. Lire l’article

    • C’est un logiciel qui pourrait sa place dans une dystopie. Une intelligence artificielle capable de compiler des milliers de données afin de prédire des flux migratoires et identifier les risques de tensions liées à l’arrivée de réfugiés aux frontières de l’Europe. Son nom : Itflows, pour « outils et méthodes informatiques de gestion des flux migratoires ». Financé à hauteur de 5 millions d’euros par l’Union européenne et développé par un consortium composé d’instituts de recherche, d’une société privée (Terracom) et d’organisations caritatives, Itflows qui est en phase de test devrait rentrer en service à partir d’août 2023. Et ce, malgré des alertes répétées quant aux risques de détournement de ses capacités prédictives à des fins de contrôle et de restrictions des droits des réfugiés sur le sol européen.

      Encore méconnu, ce programme doit venir compléter un dispositif technologique destiné à la surveillance des frontières, notamment espagnoles, italiennes et grecques. Financé sur le budget d’« Horizon 2020 », le programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne, Itflows s’ajoutera alors aux drones de surveillance autonome, aux détecteurs de mensonges dans les zones de passages ou à l’utilisation de logiciels d’extraction de données cellulaires.

      D’après notre enquête, les deux ONG contribuent à nourrir l’intelligence artificielle de Itflows en lui fournissant des informations précieuses. Des données directement issues d’entretiens réalisés dans des camps de réfugiés, auprès de Nigérians, de Maliens, d’Érythréens ou encore de Soudanais. Il pourra s’agir d’éléments liés à l’origine ethnique, l’orientation sexuelle ou encore la religion des personnes interrogées. Pour leur contribution, les branches italiennes de la Croix-Rouge et d’Oxfam ont respectivement reçu 167 000 euros et 116 000 euros de fonds publics européens.

      « Nous avons contribué à réaliser trente entretiens de migrants arrivés en Italie au cours des six dernières années », confirme la Croix rouge Italie, sollicitée par Disclose. Une fois analysées, puis rendues accessibles via une application baptisée EUMigraTool, ces informations serviront aux autorités italiennes dans leur analyse « des routes migratoires et des raisons qui poussent les gens à faire le voyage », ajoute l’association. Même son de cloche du côté de Oxfam Italie, qui salue l’intérêt pour « les responsables politiques des pays les plus exposés aux flux migratoires. » Les dirigeants pourront également s’appuyer sur l’analyse des risques politiques liés à l’arrivée de migrants sur leur sol. Le projet inclut en effet la possibilité d’étudier l’opinion publique dans certains pays européens vis-à-vis des migrants à travers une veille sur le réseau social Twitter.
      Des rapports internes alarmants

      En réalité, les risques de détournement du programme existent bel et bien. C’est ce que révèlent des rapports internes (https://www.documentcloud.org/projects/logiciel-itflows-208987) au consortium que Disclose a obtenu à la suite d’une demande d’accès à des documents administratifs. Lesdits rapports, datés de janvier et juin 2021, ont été rédigés par les membres du comité éthique du projet Itflows. Leurs conclusions sont alarmantes. Le premier document, une somme de 225 pages, révèle que « le consortium Itflows est pleinement conscient des risques et des impacts potentiels en matière de droits de l’homme, que les activités de recherche empirique sur les migrations (…) et les développements technologiques prévus dans le projet peuvent poser ». Plus loin, les auteurs enfoncent le clou. Selon eux, les informations fournies par l’algorithme pourraient servir, si elles devaient être utilisées « à mauvais escient », à « stigmatiser, discriminer, harceler ou intimider des personnes, en particulier celles qui sont vulnérables comme les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile ».

      Cinq mois plus tard, le comité éthique rend un second rapport. Il détaille un peu plus le danger : « Les États membres pourraient utiliser les données fournies pour créer des ghettos de migrants » ; « risque d’identification physique des migrants » ; « discrimination sur la base de la race, du genre, de la religion, de l’orientation sexuelle, d’un handicap ou de l’âge » ; « risque que les migrants puissent être identifiés et sanctionnés pour irrégularités ». Et le régulateur d’alerter sur un autre péril : la poussée des « discours de haine » que pourrait induire une éventuelle diffusion des prédictions du logiciel dans « les zones où les habitants sont informés de déplacements » de populations.
      L’Europe fait la sourde oreille

      Des alertes qui ne semblent pas avoir été entendues. Comme en atteste un bilan dressé lors d’une réunion (https://www.documentcloud.org/documents/22120596-emt-symposium-agenda-16-sep-2021?responsive=1&title=1) en ligne le 16 septembre 2021 par la coordinatrice du comité éthique de Itflows, #Alexandra_Xanthaki, devant des responsables européens, dont #Zsuzsanna_Felkai_Janssen, rattachée à la direction générale des affaires intérieures de la Commission. « Nous avons passé six mois à travailler jour et nuit pour rédiger un rapport instaurant un cadre qui intègre les droits de l’homme », débute la responsable du comité éthique, selon un enregistrement que Disclose s’est procuré. Elle poursuit : « Il me semble pourtant que ce que disent les techniciens de l’équipe aujourd’hui c’est : nous n’en tenons pas compte ». Un manque de précaution qui inquiète jusqu’au sein du conseil d’administration d’Itflows. Joint par Disclose, Alexander Kjærum, analyste pour le conseil danois pour les réfugiés et membre du conseil de surveillance estime en effet qu’il existe « un risque important que des informations se retrouvent entre les mains d’États ou de gouvernements qui les utiliseront pour implanter davantage de barbelés le long des frontières. »

      Sollicitée, la coordinatrice du programme, #Cristina_Blasi_Casagran, assure que le logiciel « ne sera pas utilisé à mauvais escient ». Selon elle, Itflows « devrait même faciliter l’entrée des migrants [dans l’Union européenne] en permettant une meilleure affectation des ressources engagées dans l’#accueil ».

      #Frontex inquiète

      Un dernier point vient renforcer le risque d’un détournement du logiciel : l’intérêt de Frontex pour Iflows. D’après des documents internes, l’agence en charge de la surveillance des frontières de l’UE suit étroitement les avancées du programme. Jusqu’à y contribuer activement via la fourniture de données récoltées dans le cadre de ses missions. Or, depuis plusieurs années, l’agence européenne est régulièrement accusée d’expulsions illégales et de violations des droits de l’homme. Interrogée sur ce point, l’ONG Oxfam considère qu’il n’y a pas de risque de détournement du logiciel au profit de l’agence. La branche italienne de la Croix rouge déclare quant à elle que « la convention de subvention régissant la mise en œuvre du projet Itflows ne désigne pas Frontex comme utilisateur de l’outil, mais simplement comme source de données ouvertes ». En 2021, Frontex a élu l’interface Itflows parmi les projets d’Horizon 2020 au « potentiel opérationnel et innovant » le plus élevé.

      #AI #IA #intelligence_artificielle #complexe_militaro-industriel #asile #migrations #frontières #EU #UE #Union_européenne #prédiction #Itflows #contrôle #logiciel #risques #Terracom #surveillance #Espagne #Italie #Grèce #horizon_2020 #camps_de_réfugiés #Croix-Rouge #Oxfam #religion #origine_ethnique #ethnie #orientation_sexuelle #données #EUMigraTool #risques #risques_politiques #twitter #réseaux_sociaux #opinion_publique #technologie #algorithme #discrimination #identification #Croix_Rouge

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  • Artificial intelligence : #Frontex improves its maritime surveillance

    Frontex wants to use a new platform to automatically detect and assess „risks“ on the seas of the European Union. Suspected irregular activities are to be displayed in a constantly updated „threat map“ with the help of self-learning software.

    The EU border agency has renewed a contract with Israeli company Windward for a „maritime analytics“ platform. It will put the application into regular operation. Frontex had initially procured a licence for around 800,000 Euros. For now 2.6 million Euros, the agency will receive access for four workstations. The contract can be extended three times for one year at a time.

    Windward specialises in the digital aggregation and assessment of vessel tracking and maritime surveillance data. Investors in the company, which was founded in 2011, include former US CIA director David Petraeus and former CEO’s of Thomson Reuters and British Petroleum. The former chief of staff of the Israeli military, Gabi Ashkenazi, is considered one of the advisors.

    Signature for each observed ship

    The platform is based on artificial intelligence techniques. For analysis, it uses maritime reporting systems, including position data from the AIS transponders of larger ships and weather data. These are enriched with information about the ship owners and shipping companies as well as the history of previous ship movements. For this purpose, the software queries openly accessible information from the internet.

    In this way, a „fingerprint“ is created for each observed ship, which can be used to identify suspicious activities. If the captain switches off the transponder, for example, the analysis platform can recognise this as a suspicuous event and take over further tracking based on the recorded patterns. It is also possible to integrate satellite images.

    Windward uses the register of the International Maritime Organisation (IMO) as its database, which lists about 70,000 ships. Allegedly, however, it also processes data on a total of 400,000 watercraft, including smaller fishing boats. One of the clients is therefore the UN Security Council, which uses the technology to monitor sanctions.

    Against „bad guys“ at sea

    The company advertises its applications with the slogan „Catch the bad guys at sea“. At Frontex, the application is used to combat and prevent unwanted migration and cross-border crime as well as terrorism. Subsequently, „policy makers“ and law enforcement agencies are to be informed about results. For this purpose, the „risks“ found are visualised in a „threat map“.

    Windward put such a „threat map“ online two years ago. At the time, the software rated the Black Sea as significantly more risky than the Mediterranean. Commercial shipping activity off the Crimea was interpreted as „probable sanction evasions“. Ship owners from the British Guernsey Islands as well as Romania recorded the highest proportion of ships exhibiting „risky“ behaviour. 42 vessels were classified as suspicious for drug smuggling based on their patterns.

    Frontex „early warning“ units

    The information from maritime surveillance is likely to be processed first by the „Risk Analysis Unit“ (RAU) at Frontex. It is supposed to support strategic decisions taken by the headquarters in Warsaw on issues of border control, return, prevention of cross-border crime as well as threats of a „hybrid nature“. Frontex calls the applications used there „intelligence products“ and „integrated data services“. Their results flow together in the „Common Integrated Risk Analysis Model“ (CIRAM).

    For the operational monitoring of the situation at the EU’s external borders, the agency also maintains the „Frontex Situation Centre“ (FSC). The department is supposed to provide a constantly updated picture of migration movements, if possible in real time. From these reports, Frontex produces „early warnings“ and situation reports to the border authorities of the member states as well as to the Commission and the Council in Brussels.

    More surveillance capacity in Warsaw

    According to its own information, Windward’s clients include the Italian Guardia di Finanza, which is responsible for controlling Italian territorial waters. The Ministry of the Interior in Rome is also responsible for numerous EU projects aimed at improving surveillance of the central Mediterranean. For the training and equipment of the Libyan coast guard, Italy receives around 67 million euros from EU funds in three different projects. Italian coast guard authorities are also installing a surveillance system for Tunisia’s external maritime borders.

    Frontex now wants to improve its own surveillance capacities with further tenders. Together with the fisheries agency, The agency is awarding further contracts for manned maritime surveillance. It has been operating such a „Frontex Aerial Surveillance Service“ (FASS) in the central Mediterranean since 2017 and in the Adriatic Sea since 2018. Frontex also wants to station large drones in the Mediterranean. Furthermore, it is testing Aerostats in the eastern Mediterranean for a second time. These are zeppelins attached to a 1,000-metre long line.

    https://digit.site36.net/2021/01/15/artificial-intelligence-frontex-improves-its-maritime-surveillance
    #intelligence_artificielle #surveillance #surveillance_maritime #mer #asile #migrations #réfugiés #frontières #AI #Windward #Israël #complexe_militaro-industriel #militarisation_des_frontières #David_Petraeus #Thomson_Reuters #British_Petroleum #armée_israélienne #Gabi_Ashkenazi #International_Maritime_Organisation (#IMO) #thread_map #Risk_Analysis_Unit (#RAU) #Common_Integrated_Risk_Analysis_Model (#CIRAM) #Frontex_Situation_Centre (#FSC) #Frontex_Aerial_Surveillance_Service (#FASS) #zeppelins

    ping @etraces

    • Data et nouvelles technologies, la face cachée du contrôle des mobilités

      Dans un rapport de juillet 2020, l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle (#EU-Lisa) présente l’intelligence artificielle (IA) comme l’une des « technologies prioritaires » à développer. Le rapport souligne les avantages de l’IA en matière migratoire et aux frontières, grâce, entre autres, à la technologie de #reconnaissance_faciale.

      L’intelligence artificielle est de plus en plus privilégiée par les acteurs publics, les institutions de l’UE et les acteurs privés, mais aussi par le #HCR et l’#OIM. Les agences de l’UE, comme Frontex ou EU-Lisa, ont été particulièrement actives dans l’#expérimentation des nouvelles technologies, brouillant parfois la distinction entre essais et mise en oeuvre. En plus des outils traditionnels de surveillance, une panoplie de technologies est désormais déployée aux frontières de l’Europe et au-delà, qu’il s’agisse de l’ajout de nouvelles #bases_de_données, de technologies financières innovantes, ou plus simplement de la récupération par les #GAFAM des données laissées volontairement ou pas par les migrant·e·s et réfugié∙e∙s durant le parcours migratoire.

      La pandémie #Covid-19 est arrivée à point nommé pour dynamiser les orientations déjà prises, en permettant de tester ou de généraliser des technologies utilisées pour le contrôle des mobilités sans que l’ensemble des droits des exilé·e·s ne soit pris en considération. L’OIM, par exemple, a mis à disposition des Etats sa #Matrice_de_suivi_des_déplacements (#DTM) durant cette période afin de contrôler les « flux migratoires ». De nouvelles technologies au service de vieilles obsessions…

      http://www.migreurop.org/article3021.html

      Pour télécharger le rapport :
      www.migreurop.org/IMG/pdf/note_12_fr.pdf

      ping @karine4 @rhoumour @_kg_ @i_s_

    • La #technopolice aux frontières

      Comment le #business de la #sécurité et de la #surveillance au sein de l’#Union_européenne, en plus de bafouer des #droits_fondamentaux, utilise les personnes exilées comme #laboratoire de recherche, et ce sur des #fonds_publics européens.

      On a beaucoup parlé ici ces derniers mois de surveillance des manifestations ou de surveillance de l’espace public dans nos villes, mais la technopolice est avant tout déployée aux #frontières – et notamment chez nous, aux frontières de la « forteresse Europe ». Ces #dispositifs_technopoliciers sont financés, soutenus et expérimentés par l’Union européenne pour les frontières de l’UE d’abord, et ensuite vendus. Cette surveillance des frontières représente un #marché colossal et profite grandement de l’échelle communautaire et de ses programmes de #recherche_et_développement (#R&D) comme #Horizon_2020.

      #Roborder – des essaims de #drones_autonomes aux frontières

      C’est le cas du projet Roborder – un « jeu de mots » entre robot et border, frontière en anglais. Débuté en 2017, il prévoit de surveiller les frontières par des essaims de #drones autonomes, fonctionnant et patrouillant ensemble. L’#intelligence_artificielle de ces drones leur permettrait de reconnaître les humains et de distinguer si ces derniers commettent des infractions (comme celui de passer une frontière ?) et leur dangerosité pour ensuite prévenir la #police_aux_frontières. Ces drones peuvent se mouvoir dans les airs, sous l’eau, sur l’eau et dans des engins au sol. Dotés de multiples capteurs, en plus de la détection d’activités criminelles, ces drones seraient destinés à repérer des “#radio-fréquences non fiables”, c’est-à-dire à écouter les #communications et également à mesurer la #pollution_marine.
      Pour l’instant, ces essaims de drones autonomes ne seraient pas pourvus d’armes. Roborder est actuellement expérimenté en #Grèce, au #Portugal et en #Hongrie.

      Un #financement européen pour des usages « civils »

      Ce projet est financé à hauteur de 8 millions d’euros par le programme Horizon 2020 (subventionné lui-même par la #Cordis, organe de R&D de la Commission européenne). Horizon 2020 représente 50% du financement public total pour la recherche en sécurité de l’UE. Roborder est coordonné par le centre de recherches et technologie de #Hellas (le #CERTH), en Grèce et comme le montre l’association #Homo_Digitalis le nombre de projets Horizon 2020 ne fait qu’augmenter en Grèce. En plus du CERTH grec s’ajoutent environ 25 participants venus de tous les pays de l’UE (où on retrouve les services de police d’#Irlande_du_Nord, le ministère de la défense grecque, ou encore des entreprises de drones allemandes, etc.).

      L’une des conditions pour le financement de projets de ce genre par Horizon 2020 est que les technologies développées restent dans l’utilisation civile, et ne puissent pas servir à des fins militaires. Cette affirmation pourrait ressembler à un garde-fou, mais en réalité la distinction entre usage civil et militaire est loin d’être clairement établie. Comme le montre Stephen Graham, très souvent les #technologies, à la base militaires, sont réinjectées dans la sécurité, particulièrement aux frontières où la migration est criminalisée. Et cette porosité entre la sécurité et le #militaire est induite par la nécessité de trouver des débouchés pour rentabiliser la #recherche_militaire. C’est ce qu’on peut observer avec les drones ou bien le gaz lacrymogène. Ici, il est plutôt question d’une logique inverse : potentiellement le passage d’un usage dit “civil” de la #sécurité_intérieure à une application militaire, à travers des ventes futures de ces dispositifs. Mais on peut aussi considérer la surveillance, la détection de personnes et la #répression_aux_frontières comme une matérialisation de la #militarisation de l’Europe à ses frontières. Dans ce cas-là, Roborder serait un projet à fins militaires.

      De plus, dans les faits, comme le montre The Intercept (https://theintercept.com/2019/05/11/drones-artificial-intelligence-europe-roborder), une fois le projet terminé celui-ci est vendu. Sans qu’on sache trop à qui. Et, toujours selon le journal, beaucoup sont déjà intéressés par Roborder.

      #IborderCtrl – détection d’#émotions aux frontières

      Si les essaims de drones sont impressionnants, il existe d’autres projets dans la même veine. On peut citer notamment le projet qui a pour nom IborderCtrl, testé en Grèce, Hongrie et #Lettonie.

      Il consiste notamment en de l’#analyse_d’émotions (à côté d’autres projets de #reconnaissances_biométriques) : les personnes désirant passer une frontière doivent se soumettre à des questions et voient leur #visage passer au crible d’un #algorithme qui déterminera si elles mentent ou non. Le projet prétend « accélérer le #contrôle_aux_frontières » : si le #détecteur_de_mensonges estime qu’une personne dit la vérité, un code lui est donné pour passer le contrôle facilement ; si l’algorithme considère qu’une personne ment, elle est envoyée dans une seconde file, vers des gardes-frontières qui lui feront passer un #interrogatoire. L’analyse d’émotions prétend reposer sur un examen de « 38 #micro-mouvements du visage » comme l’angle de la tête ou le mouvement des yeux. Un spectacle de gadgets pseudoscientifiques qui permet surtout de donner l’apparence de la #neutralité_technologique à des politiques d’#exclusion et de #déshumanisation.

      Ce projet a également été financé par Horizon 2020 à hauteur de 4,5 millions d’euros. S’il semble aujourd’hui avoir été arrêté, l’eurodéputé allemand Patrick Breyer a saisi la Cour de justice de l’Union Européenne pour obtenir plus d’informations sur ce projet, ce qui lui a été refusé pour… atteinte au #secret_commercial. Ici encore, on voit que le champ “civil” et non “militaire” du projet est loin de représenter un garde-fou.

      Conclusion

      Ainsi, l’Union européenne participe activement au puissant marché de la surveillance et de la répression. Ici, les frontières et les personnes exilées sont utilisées comme des ressources de laboratoire. Dans une optique de militarisation toujours plus forte des frontières de la forteresse Europe et d’une recherche de profit et de développement des entreprises et centres de recherche européens. Les frontières constituent un nouveau marché et une nouvelle manne financière de la technopolice.

      Les chiffres montrent par ailleurs l’explosion du budget de l’agence européenne #Frontex (de 137 millions d’euros en 2015 à 322 millions d’euros en 2020, chiffres de la Cour des comptes européenne) et une automatisation toujours plus grande de la surveillance des frontières. Et parallèlement, le ratio entre le nombre de personnes qui tentent de franchir la Méditerranée et le nombre de celles qui y laissent la vie ne fait qu’augmenter. Cette automatisation de la surveillance aux frontières n’est donc qu’une nouvelle façon pour les autorités européennes d’accentuer le drame qui continue de se jouer en Méditerranée, pour une “efficacité” qui finalement ne profite qu’aux industries de la surveillance.

      Dans nos rues comme à nos frontières nous devons refuser la Technopolice et la combattre pied à pied !

      https://technopolice.fr/blog/la-technopolice-aux-frontieres

    • Artificial Intelligence - based capabilities for European Border and Coast Guard

      In 2019, Frontex, the European Border and Coast Guard Agency, commissioned #RAND Europe to carry out an Artificial intelligence (AI) research study.

      The purpose of the study was to provide an overview of the main opportunities, challenges and requirements for the adoption of AI-based capabilities in border managament. Frontex’s intent was also to find synergies with ongoing AI studies and initiatives in the EU and contribute to a Europe-wide AI landscape by adding the border security dimension.

      Some of the analysed technologies included automated border control, object recognition to detect suspicious vehicles or cargo and the use of geospatial data analytics for operational awareness and threat detection.

      As part of the study, RAND provided Frontex in 2020 with a comprehensive report and an executive summary with conclusions and recommendations.

      The findings will support Frontex in shaping the future landscape of AI-based capabilities for Integrated Border Management, including AI-related research and innovation projects which could be initiated by Frontex (e.g. under #EU_Innovation_Hub) or recommended to be conducted under the EU Research and Innovation Programme (#Horizon_Europe).

      https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/artificial-intelligence-based-capabilities-for-european-border-and-co

    • Pour les réfugiés, la #biométrie tout au long du chemin

      Par-delà les murs qui poussent aux frontières du monde depuis les années 1990, les réfugiés, migrants et demandeurs d’asile sont de plus en plus confrontés à l’extension des bases de #données_biométriques. Un « #mur_virtuel » s’étend ainsi à l’extérieur, aux frontières et à l’intérieur de l’espace Schengen, construit autour de programmes et de #bases_de_données.

      Des réfugiés qui paient avec leurs #iris, des migrants identifiés par leurs #empreintes_digitales, des capteurs de #reconnaissance_faciale, mais aussi d’#émotions… Réunis sous la bannière de la « #frontière_intelligente », ces #dispositifs_technologiques, reposant sur l’#anticipation, l’#identification et l’#automatisation du franchissement de la #frontière grâce aux bases de données biométriques, ont pour but de trier les voyageurs, facilitant le parcours des uns et bloquant celui des autres.

      L’Union européenne dispose ainsi d’une batterie de bases de données qui viennent compléter les contrôles aux frontières. Depuis 2011, une agence dédiée, l’#Agence_européenne_pour_la_gestion_opérationnelle_des_systèmes_d’information_à_grande_échelle, l’#EU-Lisa, a pour but d’élaborer et de développer, en lien avec des entreprises privées, le suivi des demandeurs d’asile.

      Elle gère ainsi plusieurs bases compilant des #données_biométriques. L’une d’elles, le « #Entry_and_Exit_System » (#EES), sera déployée en 2022, pour un coût évalué à 480 millions d’euros. L’EES a pour mission de collecter jusqu’à 400 millions de données sur les personnes non européennes franchissant les frontières de l’espace Schengen, afin de contrôler en temps réel les dépassements de durée légale de #visa. En cas de séjour prolongé devenu illégal, l’alerte sera donnée à l’ensemble des polices européennes.

      Se brûler les doigts pour ne pas être enregistré

      L’EU-Lisa gère également le fichier #Eurodac, qui consigne les empreintes digitales de chacun des demandeurs d’asile de l’Union européenne. Utilisé pour appliquer le #règlement_Dublin III, selon lequel la demande d’asile est déposée et traitée dans le pays européen où le migrant a été enregistré la première fois, il entraîne des stratégies de #résistance.

      « On a vu des migrants refuser de donner leurs empreintes à leur arrivée en Grèce, ou même se brûler les doigts pour ne pas être enregistrés dans Eurodac, rappelle Damien Simonneau, chercheur à l’Institut Convergences Migrations du Collège de France. Ils savent que s’ils ont, par exemple, de la famille en Allemagne, mais qu’ils ont été enregistrés en Grèce, ils seront renvoyés en Grèce pour que leur demande y soit traitée, ce qui a des conséquences énormes sur leur vie. » La procédure d’instruction dure en effet de 12 à 18 mois en moyenne.

      La collecte de données biométriques jalonne ainsi les parcours migratoires, des pays de départs jusqu’aux déplacements au sein de l’Union européenne, dans un but de limitation et de #contrôle. Pour lutter contre « la criminalité transfrontalière » et « l’immigration clandestine », le système de surveillance des zones frontières #Eurosur permet, via un partage d’informations en temps réel, d’intercepter avant leur arrivée les personnes tentant d’atteindre l’Union européenne.

      Des contrôles dans les pays de départ

      Pour le Transnational Institute, auteur avec le think tank Stop Wapenhandel et le Centre Delàs de plusieurs études sur les frontières, l’utilisation de ces bases de données témoigne d’une stratégie claire de la part de l’Union européenne. « Un des objectifs de l’expansion des #frontières_virtuelles, écrivent-ils ainsi dans le rapport Building Walls (https://www.tni.org/files/publication-downloads/building_walls_-_full_report_-_english.pdf), paru en 2018, est d’intercepter les réfugiés et les migrants avant même qu’ils n’atteignent les frontières européennes, pour ne pas avoir à traiter avec eux. »

      Si ces techniques permettent de pré-trier les demandes pour fluidifier le passage des frontières, en accélérant les déplacements autorisés, elles peuvent également, selon Damien Simonneau, avoir des effets pervers. « L’utilisation de ces mécanismes repose sur l’idée que la #technologie est un facilitateur, et il est vrai que l’#autonomisation de certaines démarches peut faciliter les déplacements de personnes autorisées à franchir les frontières, expose-t-il. Mais les technologies sont faillibles, et peuvent produire des #discriminations. »

      Ces #techniques_virtuelles, aux conséquences bien réelles, bouleversent ainsi le rapport à la frontière et les parcours migratoires. « Le migrant est confronté à de multiples points "frontière", disséminés un peu partout, analyse Damien Simonneau. Cela crée des #obstacles supplémentaires aux parcours migratoires : le contrôle n’est quasiment plus lié au franchissement d’une frontière nationale, il est déterritorialisé et peut se produire n’importe où, en amont comme en aval de la frontière de l’État. »

      Ainsi, la « politique d’#externalisation de l’Union européenne » permet au contrôle migratoire de s’exercer dans les pays de départ. Le programme européen « #SIV » collecte par exemple dès leur formulation dans les #consulats les données biométriques liées aux #demandes_de_visas.

      Plus encore, l’Union européenne délègue une partie de la gestion de ses frontières à d’autres pays : « Dans certains États du Sahel, explique Damien Simonneau, l’aide humanitaire et de développement est conditionnée à l’amélioration des contrôles aux frontières. »

      Un programme de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le programme #MIDAS, financé par l’Union européenne, est ainsi employé par 23 pays, majoritairement en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique. Son but est de « collecter, traiter, stocker et analyser les informations [biométriques et biographiques] des voyageurs en temps réel » pour aider les polices locales à contrôler leurs frontières. Mais selon le réseau Migreurop, ces données peuvent également être transmises aux agences policières européennes. L’UE exerce ainsi un droit de regard, via Frontex, sur le système d’information et d’analyse de données sur la migration, installé à Makalondi au Niger.

      Des réfugiés qui paient avec leurs yeux

      Un mélange des genres, entre organisations humanitaires et États, entre protection, logistique et surveillance, qui se retrouve également dans les #camps_de_réfugiés. Dans les camps jordaniens de #Zaatari et d’#Azarq, par exemple, près de la frontière syrienne, les réfugiés paient depuis 2016 leurs aliments avec leurs iris.

      L’#aide_humanitaire_alimentaire distribuée par le Programme alimentaire mondial (PAM) leur est en effet versée sur un compte relié à leurs données biométriques. Il leur suffit de passer leurs yeux dans un scanner pour régler leurs achats. Une pratique qui facilite grandement la gestion #logistique du camp par le #HCR et le PAM, en permettant la #traçabilité des échanges et en évitant les fraudes et les vols.

      Mais selon Léa Macias, anthropologue à l’EHESS, cela a aussi des inconvénients. « Si ce paiement avec les yeux peut rassurer certains réfugiés, dans la mesure où cela les protège contre les vols, développe-t-elle, le procédé est également perçu comme une #violence. Les réfugiés ont bien conscience que personne d’autre au monde, dans une situation normale, ne paie ainsi avec son #corps. »

      Le danger de la fuite de données

      La chercheuse s’inquiète également du devenir des données ainsi collectées, et se pose la question de l’intérêt des réfugiés dans ce processus. « Les humanitaires sont poussés à utiliser ces nouvelles technologies, expose-t-elle, qui sont vues comme un gage de fiabilité par les bailleurs de fonds. Mais la #technologisation n’est pas toujours dans l’intérêt des réfugiés. En cas de fuite ou de hackage des bases de données, cela les expose même à des dangers. »

      Un rapport de Human Rights Watch (HRW) (https://www.hrw.org/news/2021/06/15/un-shared-rohingya-data-without-informed-consent), publié mardi 15 juin, alerte ainsi sur des #transferts_de_données biométriques appartenant à des #Rohingyas réfugiés au Bangladesh. Ces données, collectées par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU, ont été transmises par le gouvernement du Bangladesh à l’État birman. Si le HCR a réagi (https://www.unhcr.org/en-us/news/press/2021/6/60c85a7b4/news-comment-statement-refugee-registration-data-collection-bangladesh.html) en affirmant que les personnes concernées avaient donné leur accord à ce #transfert_de_données pour préparer un éventuel retour en Birmanie, rien ne permet cependant de garantir qu’ils seront bien reçus si leur nom « bipe » au moment de passer la frontière.

      https://www.rfi.fr/fr/technologies/20210620-pour-les-r%C3%A9fugi%C3%A9s-la-biom%C3%A9trie-tout-au-long-du-chemin

      #smart_borders #tri #catégorisation #déterritorialisation #réfugiés_rohingyas

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      Sur les doigts brûlés pour ne pas se faire identifier par les empreintes digitales, voir la scène du film Qu’ils reposent en paix de Sylvain George, dont j’ai fait une brève recension :

      Instant tragique : ce qu’un migrant appelle la « prière ». Ce moment collectif où les migrants tentent de faire disparaître leurs empreintes digitales. Étape symbolique où ils se défont de leur propre identité.

      https://visionscarto.net/a-calais-l-etat-ne-peut-dissoudre

  • D’un côté l’UE dénonce mollement les destructions de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est, et d’un autre côté...

    L’UE finance désormais le ministère de la Guerre d’Israël
    David Cronin – The Electronic Intifada – 2 août 2019
    https://www.agencemediapalestine.fr/blog/2019/08/05/lue-finance-desormais-le-ministere-de-la-guerre-disrael

    Le ministère de la Défense d’Israël vient justement de commencer à récupérer des fonds de l’Union européenne, pour la première fois.

    Il fait partie des bénéficiaires d’un nouveau programme de recherche de 9 millions de dollars sur l’utilisation de drones en cas de catastrophe. Connu sous le nom de Respondrone, ce programme est financé dans le cadre du programme scientifique de l’UE, Horizon 2020.

    #Europe #israel #armée #drones #complicité #financement #Horizon_2020 #Recherche #Université #BDS #boycott_universitaire

  • Dai dati biometrici alle motovedette : ecco il #business della frontiera

    La gestione delle frontiere europee è sempre di più un affare per le aziende private. Dai Fondi per la difesa a quelli per la cooperazione e la ricerca: l’Ue implementa le risorse per fermare i flussi.

    Sono 33 i miliardi che l’Europa ha intenzione di destinare dal 2021 al 2027 alla gestione del fenomeno migratorio e, in particolare, al controllo dei confini. La cifra, inserita nel #Mff, il #Multiannual_Financial_Framework (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2018%3A321%3AFIN), (ed ora in discussione tra Commissione, Parlamento e Consiglio) rappresenta il budget complessivo Ue per la gestione delle frontiere esterne, dei flussi migratori e dei flussi di rifugiati. E viene notevolmente rafforzata rispetto al periodo precedente (2016-2020) quando i miliardi stanziati erano 12,4. Meno della metà.

    A questo capitolo di spesa contribuiscono strumenti finanziari diversi: dal fondo sulla sicurezza interna (che passa da 3,4 a 4,8 miliardi) a tutto il settore della cooperazione militare, che coincide sempre più con quello dell’esternalizzazione, come accade già per le due missioni italiane in Libia e in Niger. Anche una parte dei 23 miliardi del Fondo Europeo alla Difesa e di quello per la Pace saranno devoluti allo sviluppo di nuove tecnologie militari per fermare i flussi in mare e nel deserto. Stessa logica per il più conosciuto Fondo Fiduciario per l’Africa che, con fondi proveniente dal budget allo sviluppo, finanzia il progetto di blocco marittimo e terrestre nella rotta del Mediterraneo Centrale.

    Un grande business in cui rientrano anche i Fondi alla ricerca. La connessione tra gestione della migrazione, #lobby della sicurezza e il business delle imprese private è al centro di un’indagine di Arci nell’ambito del progetto #Externalisation_Policies_Watch, curato da Sara Prestianni. “Lo sforzo politico nella chiusura delle frontiere si traduce in un incremento del budget al capitolo della sicurezza, nella messa in produzione di sistemi biometrici di identificazione, nella moltiplicazione di forze di polizia europea ai nostri confini e nell’elaborazione di sistemi di sorveglianza - sottolinea Prestianni -. La dimensione europea della migrazione si allontana sempre più dal concetto di protezione in favore di un sistema volto esclusivamente alla sicurezza, che ha una logica repressiva. Chi ne fa le spese sono i migranti, obbligati a rotte sempre più pericolose e lunghe, a beneficio di imprese nazionali che del mercato della sicurezza hanno fatto un vero e propri o business”. Tra gli aspetti più interessanti c’è l’utilizzo del Fondo alla ricerca Orizon 20-20 per ideare strumenti di controllo. “Qui si entra nel campo della biometria: l’obiettivo è dotare i paesi africani di tutto un sistema di raccolta di dati biometrici per fermare i flussi ma anche per creare un’enorme banca dati che faciliti le politiche di espulsione - continua Prestianni -. Questo ha creato un mercato, ci sono diverse imprese che hanno iniziato ad occuparsi del tema. Tra le aziende europee leader in questi appalti c’è la francese #Civipol, che ha il monopolio in vari paesi di questo processo. Ma l’interconnessione tra politici e lobby della sicurezza è risultata ancor più evidente al #Sre, #Research_on_Security_event, un incontro che si è svolto a Bruxelles a dicembre, su proposta della presidenza austriaca: seduti negli stessi panel c’erano rappresentanti della commissione europea, dell’Agenzia #Frontex, dell’industria e della ricerca del biometrico e della sicurezza. Tutti annuivano sulla necessità di aprire un mercato europeo della frontiera, dove lotta alla sicurezza e controllo della migrazione si intrecciano pericolosamente”.

    In questo contesto, non è marginale il ruolo dell’Italia. “L’idea di combattere i traffici e tutelare i diritti nasce con #Tony_Blair, ma già allora l’obiettivo era impedire alle persone di arrivare in Europa - sottolinea Filippo Miraglia, vicepresidente di Arci -. Ed è quello a cui stiamo assistendo oggi in maniera sempre più sistematica. Un esempio è la vicenda delle #motovedette libiche, finanziate dall’Italia e su cui guadagnano aziende italianissime”. Il tema è anche al centro dell’inchiesta di Altreconomia di Gennaio (https://altreconomia.it/frontiera-buon-affare-inchiesta), curata da Duccio Facchini. “L’idea era dare un nome, un volto, una ragione sociale, al modo in cui il ministero degli Interni traduce le strategie di contrasto e di lotta ai flussi di persone” spiega il giornalista. E così si scopre che della rimessa in efficienza di sei pattugliatori, dati dall’Italia alla Tunisia, per il controllo della frontiera, si occupa in maniera esclusiva un’azienda di Rovigo, i #Cantieri_Navali_Vittoria: “Un soggetto senza concorrenti sul mercato, che riesce a vincere l’appalto anche per la rimessa in sicurezza delle motovedette fornite dal nostro paese alla Libia”, sottolinea Facchini.

    Motovedette fornite dall’Italia attraverso l’utilizzo del Fondo Africa: la questione è al centro di un ricorso al Tar presentato da Asgi (Associazione studi giuridici dell’immigrazione). “Il Fondo Africa di 200 milioni di euro viene istituito nel 2018 e il suo obiettivo è implementare le strategie di cooperazione con i maggiori paesi interessati dal fenomeno migratorio: dal #Niger alla LIbia, dalla Tunisia alla Costa d’Avorio - spiega l’avvocata Giulia Crescini -. Tra le attività finanziate con questo fondo c’è la dotazioni di strumentazioni per il controllo delle frontiere. Come Asgi abbiamo chiesto l’accesso agli atti del ministero degli Esteri per analizzare i provvedimenti e vedere come sono stati spesi questi soldi. In particolare, abbiamo notato l’utilizzo di due milioni di euro per la rimessa in efficienza delle motovedette fornite dall’Italia alla Libia - aggiunge -. Abbiamo quindi strutturato un ricorso, giuridicamente complicato, cercando di interloquire col giudice amministrativo, che deve verificare la legittimità dell’azione della Pubblica amministrazione. Qualche settimana fa abbiamo ricevuto la sentenza di rigetto in primo grado, e ora presenteremo l’appello. Ma studiando la sentenza ci siamo accorti che il giudice amministrativo è andato a verificare esattamente se fossero stati spesi bene o meno quei soldi - aggiunge Crescini -. Ed è andato così in profondità che ha scritto di fatto che non c’erano prove sufficienti che il soggetto destinatario stia facendo tortura e atti degradanti nei confronti dei migranti. Su questo punto lavoreremo per il ricorso. Per noi è chiaro che l’Italia oggi sta dando strumentazioni necessarie alla Libia per non sporcarsi le mani direttamente, ma c’è una responsabilità italiana anche se materialmente non è L’Italia a riportare indietro i migranti. Su questo punto stiamo agendo anche attraverso la Corte europea dei diritti dell’uomo”.

    http://www.redattoresociale.it/Notiziario/Articolo/620038/Dai-dati-biometrici-alle-motovedette-ecco-il-business-della-frontie

    #externalisation #frontières #UE #EU #Europe #Libye #Forteresse_européenne #asile #migrations #réfugiés #privatisation #argent #recherche #frontières_extérieures #coopération_militaire #sécurité_intérieure #fonds_fiduciaire_pour_l'Afrique #technologie #militarisation_des_frontières #fonds_fiduciaire #développement #Horizon_2020 #biométrie #données #données_biométriques #base_de_données #database #expulsions #renvois #marché #marché_européen_de_la_frontière #complexe_militaro-industriel #Tunisie #Côte_d'Ivoire #Italie
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    • Gli affari lungo le frontiere. Inchiesta sugli appalti pubblici per il contrasto all’immigrazione “clandestina”

      In Tunisia, Libia, Niger, Egitto e non solo. Così lo Stato italiano tramite il ministero dell’Interno finanzia imbarcazioni, veicoli, idranti per “ordine pubblico”, formazione delle polizie e sistemi automatizzati di identificazione. Ecco per chi la frontiera rappresenta un buon affare.

      Uno dei luoghi chiave del “contrasto all’immigrazione clandestina” che l’Italia conduce lungo le rotte africane non si trova a Tunisi, Niamey o Tripoli, ma è in un piccolo comune del Veneto, in provincia di Rovigo, affacciato sul Canal Bianco. È ad Adria, poco distante dal Po, che ha sede “Cantiere Navale Vittoria”, un’azienda nata nel 1927 per iniziativa della famiglia Duò -ancora oggi proprietaria- specializzata in cantieristica navale militare e paramilitare. Si tratta di uno dei partner strategici della Direzione centrale dell’immigrazione e della Polizia delle frontiere, insediata presso il ministero dell’Interno, per una serie di commesse in Libia e Tunisia.

      La Direzione è il braccio del Viminale in tema di “gestione” dei flussi provenienti da quei Paesi ritenuti di “eccezionale rilevanza nella gestione della rotta del Mediterraneo centrale” (parole della Farnesina). Quella “rotta” conduce alle coste italiane: Libia e Tunisia, appunto, ma anche Niger e non solo. E quel “pezzo” del Viminale si occupa di tradurre in pratica le strategie governative. Come? Appaltando a imprese italiane attività diversissime tra loro per valore, fonti di finanziamento, tipologia e territori coinvolti. Un principio è comune: quello di dar forma al “contrasto”, sul nostro territorio o di frontiera. E per questi affidamenti ricorre più volte una formula: “Il fine che si intende perseguire è quello di collaborare con i Paesi terzi ai fini di contrastare il fenomeno dell’immigrazione clandestina”. Tra gli ultimi appalti aggiudicati a “Cantiere Navale Vittoria” (ottobre 2018) spicca la rimessa in efficienza di sei pattugliatori “P350” da 34 metri, di proprietà della Guardia nazionale della Tunisia. Tramite gli atti della procedura di affidamento si possono ricostruire filiera e calendario.

      Facciamo un salto indietro al giugno 2017, quando i ministeri degli Esteri e dell’Interno italiani sottoscrivono un’“intesa tecnica” per prevedere azioni di “supporto tecnico” del Viminale stesso alle “competenti autorità tunisine”. Obiettivo: “Migliorare la gestione delle frontiere e dell’immigrazione”, inclusi la “lotta al traffico di migranti e le attività di ricerca e soccorso”. La spesa prevista -12 milioni di euro- dovrebbe essere coperta tramite il cosiddetto “Fondo Africa”, istituito sei mesi prima con legge di Stabilità e provvisto di una “dotazione finanziaria” di 200 milioni di euro. L’obiettivo dichiarato del Fondo è quello di “rilanciare il dialogo e la cooperazione con i Paesi africani d’importanza prioritaria per le rotte migratorie”. Le autorità di Tunisi hanno fretta, tanto che un mese dopo l’intesa tra i dicasteri chiedono all’Italia di provvedere subito alla “rimessa in efficienza” dei sei pattugliatori. Chi li ha costruiti, anni prima, è proprio l’azienda di Adria, e da Tunisi giunge la proposta di avvalersi proprio del suo “know how”. La richiesta è accolta. Trascorre poco più di un anno e nell’ottobre 2018 l’appalto viene aggiudicato al Cantiere per 6,3 milioni di euro. L’“attività di contrasto all’immigrazione clandestina”, scrive la Direzione immigrazione e frontiere, è di “primaria importanza per la sicurezza nazionale, anche alla luce dei recenti sbarchi sulle coste italiane di migranti provenienti dalle acque territoriali tunisine”. I pattugliatori da “consegnare” risistemati alla Tunisia servono quindi a impedire o limitare gli arrivi via mare nel nostro Paese, che da gennaio a metà dicembre di 2018 sono stati 23.122 (di cui 12.976 dalla Libia), in netto calo rispetto ai 118.019 (105.986 dalla Libia) dello stesso periodo del 2017.


      A quel Paese di frontiera l’Italia non fornisce (o rimette in sesto) solamente navi. Nel luglio 2018, infatti, la Direzione del Viminale ha stipulato un contratto con la #Totani Company Srl (sede a Roma) per la fornitura di 50 veicoli #Mitsubishi 4×4 Pajero da “consegnare presso il porto di Tunisi”. Il percorso è simile a quello dei sei pattugliatori: “Considerata” l’intesa del giugno 2017 tra i ministeri italiani, “visto” il Fondo Africa, “considerata” la richiesta dei 50 mezzi da parte delle autorità nordafricane formulata nel corso di una riunione del “Comitato Italo-Tunisino”, “vista” la necessità di “definire nel più breve tempo possibile le procedure di acquisizione” per “garantire un dispiegamento efficace dei servizi di prevenzione e di contrasto all’immigrazione clandestina”, eccetera. E così l’offerta economica di 1,6 milioni di euro della Totani è ritenuta congrua.

      Capita però che alcune gare vadano deserte. È successo per la fornitura di due “autoveicoli allestiti ‘idrante per ordine pubblico’” e per la relativa attività di formazione per 12 operatori della polizia tunisina (352mila euro la base d’asta). “Al fine di poter supportare il governo tunisino nell’ambito delle attività di contrasto all’immigrazione clandestina” è il passe-partout utilizzato anche per gli idranti, anche se sfugge l’impiego concreto. Seppur deserta, gli atti di questa gara sono interessanti per i passaggi elencati. Il tutto è partito da un incontro a Roma del febbraio 2018 tra l’allora ministro dell’Interno Marco Minniti e l’omologo tunisino. “Sulla base” di questa riunione, la Direzione del Viminale “richiede” di provvedere alla commessa attraverso un “appunto” datato 27 aprile dello stesso anno che viene “decretato favorevolmente” dal “Sig. Capo della Polizia”, Franco Gabrielli. Alla gara (poi non aggiudicata) si presenta un solo concorrente, la “Brescia Antincendi International Srl”, che all’appuntamento con il ministero delega come “collaboratore” un ex militare in pensione, il tenente colonnello Virgilio D’Amata, cavaliere al merito della Repubblica Italiana. Ma è un nulla di fatto.

      A Tunisi vengono quindi consegnati navi, pick-up, (mancati) idranti ma anche motori fuoribordo per quasi 600mila euro. È del settembre 2018, infatti, un nuovo “avviso esplorativo” sottoscritto dal direttore centrale dell’Immigrazione -Massimo Bontempi- per la fornitura di “10 coppie di motori Yamaha 4 tempi da 300 CV di potenza” e altri 25 da 150 CV. Il tutto al dichiarato fine di “garantire un dispiegamento efficace dei servizi di prevenzione e di contrasto all’immigrazione clandestina”.

      Come per la Tunisia, anche in Libia il ritmo è scandito da “intese tecniche” tra ministeri “per l’uso dei finanziamenti” previsti nel Fondo Africa. Parlamento non pervenuto

      Poi c’è la Libia, l’altro fronte strategico del “contrasto”. Come per la Tunisia, anche in questo contesto il ritmo è scandito da “intese tecniche” tra ministeri di Esteri e Interno -Parlamento non pervenuto- “per l’uso dei finanziamenti” previsti nel citato Fondo Africa. Una di queste, datata 4 agosto 2017, riguarda il “supporto tecnico del ministero dell’Interno italiano alle competenti autorità libiche per migliorare la gestione delle frontiere e dell’immigrazione, inclusi la lotta al traffico di migranti e le attività di ricerca e soccorso”. L’“eventuale spesa prevista” è di 2,5 milioni di euro. Nel novembre 2017 se n’è aggiunta un’altra, rivolta a “programmi di formazione” dei libici del valore di 615mila euro circa (sempre tratti dal Fondo Africa). Quindi si parte dalle intese e poi si passa ai contratti.

      Scorrendo quelli firmati dalla Direzione immigrazione e polizia delle frontiere del Viminale tra 2017 e 2018, e che riguardano specificamente commesse a beneficio di Tripoli, il “fornitore” è sempre lo stesso: Cantiere Navale Vittoria. È l’azienda di Adria -che non ha risposto alle nostre domande- a occuparsi della rimessa in efficienza di svariate imbarcazioni (tre da 14 metri, due da 35 e una da 22) custodite a Biserta (in Tunisia) e “da restituire allo Stato della Libia”. Ma anche della formazione di 21 “operatori della polizia libica” per la loro “conduzione” o del trasporto di un’altra nave di 18 metri da Tripoli a Biserta. La somma degli appalti sfiora complessivamente i 3 milioni di euro. In alcuni casi, il Viminale dichiara di non avere alternative al cantiere veneto. Lo ha riconosciuto la Direzione in un decreto di affidamento urgente per la formazione di 22 “operatori di polizia libica” e la riconsegna di tre motovedette a fine 2017. Poiché Cantiere Navale Vittoria avrebbe un “patrimonio informativo peculiare”, qualunque ricerca di “soluzioni alternative” sarebbe “irragionevole”. Ecco perché in diverse “riunioni bilaterali di esperti” per la cooperazione tra Italia e Libia “in materia migratoria”, oltre alla delegazione libica (i vertici dell’Amministrazione generale per la sicurezza costiera del ministero dell’Interno) e quella italiana (tra cui l’allora direttore del Servizio immigrazione del Viminale, Vittorio Pisani), c’erano anche i rappresentanti di Cantiere Navale Vittoria.
      Se i concorrenti sono pochi, la fretta è tanta. In più di un appalto verso la Libia, infatti, la Direzione ha argomentato le procedure di “estrema urgenza” segnalando come “ulteriori indugi”, ad esempio “nella riconsegna delle imbarcazioni”, non solo “verrebbero a gravare ingiustificatamente sugli oneri di custodia […] ma potrebbero determinare difficoltà anche di tipo diplomatico con l’interlocutore libico”. È successo nell’estate 2018 anche per l’ultimo “avviso esplorativo” da quasi 1 milione di euro collegato a quattro training (di quattro settimane) destinati a cinque equipaggi “a bordo di due unità navali da 35 metri, un’unità navale da 22 metri e un’unità navale da 28 metri di proprietà libica”, “al fine di aumentare l’efficienza di quel Paese per il contrasto dell’immigrazione illegale”. Lo scopo è fornire una “preparazione adeguata su ogni aspetto delle unità navali”. Della materia “diritti umani” non c’è traccia.

      Questa specifica iniziativa italiana deriva dal Memorandum d’Intesa con la Libia sottoscritto a Roma dal governo Gentiloni (Marco Minniti ministro dell’Interno), il 2 febbraio 2017. Il nostro Paese si era impegnato a “fornire supporto tecnico e tecnologico agli organismi libici incaricati della lotta contro l’immigrazione clandestina”. È da lì che i governi di Italia e Libia decidono di includere tra le attività di cooperazione anche l’erogazione dei corsi di addestramento sulle motovedette ancorate a Biserta.

      Ai primi di maggio del 2018, il Viminale decide di accelerare. C’è l’“urgenza di potenziare, attraverso la rimessa in efficienza delle imbarcazioni e l’erogazione di corsi di conduzione operativa, il capacity building della Guardia Costiera libica, al fine di aumentare l’efficienza di quel Paese per il contrasto dell’immigrazione illegale”. Anche perché, aggiunge il ministero, “alla luce degli ultimi eventi di partenze di migranti dalle coste libiche”, “appare strettamente necessario ed urgente favorire il pieno ripristino dell’efficienza delle competenti Autorità dello Stato della Libia nell’erogazione dei servizi istituzionali”. E così a fine giugno 2018 viene pubblicato il bando: i destinatari sono “operatori della polizia libica” e non invece le guardie costiere. Il ministero ha dovuto però “rimodulare” in corsa l’imposto a base d’asta della gara (da 763mila a 993mila euro). Perché? Il capitolato degli oneri e il verbale di stima relativi al valore complessivo dell’intera procedura sarebbero risultati “non remunerativi” per l’unico operatore interessato: Cantiere Navale Vittoria Spa, che avrebbe comunicato “di non poter sottoscrivere un’offerta adeguata”.

      Le risorse per quest’ultimo appalto non arrivano dal Fondo Africa ma da uno dei sei progetti finanziati in Libia dall’Unione europea tramite il “Fondo Fiduciario per l’Africa” (EU Trust Fund), istituito a fine 2015 con una dotazione di oltre 4 miliardi di euro. Quello che ci riguarda in particolare s’intitola “Support to integrated Border and Migration Management in Libya – First Phase”, del valore di oltre 46 milioni di euro. Mentre l’Ue è il principale finanziatore, chi deve implementarlo in loco, dal luglio 2017, è proprio il nostro ministero dell’Interno. Che è attivo in due aree della Libia: a Nord-Ovest, a Tripoli, a beneficio delle guardie costiere libiche (tramite la costituzione di un centro di coordinamento per le operazioni di ricerca e soccorso in mare e per la dichiarazione di un’area di ricerca e soccorso in mare autonoma), e una a Sud-Ovest, nella regione del Fezzan, nel distretto di Ghat, per incrementare la capacità di sorveglianza, “in particolare nelle aree di frontiera terrestre con il Niger, maggiormente colpita dall’attraversamento illegale”. È previsto inoltre un “progetto pilota” per istituire una sede operativa per circa 300 persone, ripristinando ed equipaggiando le esistenti strutture nella città di Talwawet, non lontano da Ghat, con tre avamposti da 20 persone l’uno.

      A un passo da lì c’è il Niger, l’altra tessera del mosaico. Alla metà di dicembre 2018, non risultano appalti in capo alla Direzione frontiere del Viminale, ma ciò non significa che il nostro Paese non sia attivo per supportare (anche) la gestione dei suoi confini. A metà 2017, infatti, l’Italia ha destinato 50 milioni di euro all’EU Trust Fund per “far fronte alle cause profonde della migrazione in Africa/Finestra Sahel e Lago Ciad”, con un’attenzione particolare al Niger. Si punta alla “creazione di nuove unità specializzate necessarie al controllo delle frontiere, di nuovi posti di frontiera fissa, o all’ammodernamento di quelli esistenti, di un nuovo centro di accoglienza per i migranti a Dirkou, nonché per la riattivazione della locale pista di atterraggio”. In più, dal 2018 è scesa sul campo la “Missione bilaterale di supporto nella Repubblica del Niger” (MISIN) che fa capo al ministero della Difesa e ha tra i suoi obiettivi quello di “concorrere alle attività di sorveglianza delle frontiere”. Il primo corso “per istruttori di ordine pubblico a favore della gendarmeria nigerina” si è concluso a metà ottobre 2018. Pochi mesi prima, a luglio, era stata sottoscritta un’altra “intesa tecnica” tra Esteri e Difesa per rimettere in efficienza e cedere dieci ambulanze e tre autobotti. Finalità? “Il controllo del territorio volto alla prevenzione e al contrasto ai traffici di esseri umani e al traffico di migranti, e per l’assistenza ai migranti nell’ambito delle attività di ricerca e soccorso”: 880mila euro circa. Il Niger è centrale: stando all’ultima programmazione dei Paesi e dei settori in cui sono previsti finanziamenti tramite il “Fondo Africa” (agosto 2018, fonte ministero degli Esteri), il Paese è davanti alla Libia (6 milioni contro 5 di importo massimo preventivato).

      Inabissatosi in Niger, il ministero dell’Interno riemerge in Egitto. Anche lì vigono “accordi internazionali diretti al contrasto dell’immigrazione clandestina” sostenuti dall’Italia. La loro traduzione interessa da vicino la succursale italiana della Hewlett-Packard (HP). Risale infatti a fine 2006 un contratto stipulato tra la multinazionale e la Direzione del Viminale “per la realizzazione di un Sistema automatizzato di identificazione delle impronte (AFIS) per lo Stato dell’Egitto”, finalizzato alle “esigenze di identificazione personale correlate alla immigrazione illegale”: oltre 5,2 milioni di euro per il periodo 2007-2012, cui se ne sono aggiunti ulteriori 1,8 milioni per la manutenzione ininterrotta fino al 2017 e quasi 500mila per l’ultima tranche, 2018-2019. HP non ha avversari -come riporta il Viminale- in forza di un “accordo in esclusiva” tra la Hewlett Packard Enterprise e la multinazionale della sicurezza informatica Gemalto “in relazione ai prodotti AFIS per lo Stato dell’Egitto”. Affari che non si possono discutere: “L’interruzione del citato servizio -sostiene la Direzione- è suscettibile di creare gravi problemi nell’attività di identificazione dei migranti e nel contrasto all’immigrazione clandestina, in un momento in cui tale attività è di primaria importanza per la sicurezza nazionale”. Oltre alla partnership con HP, il ministero dell’Interno si spende direttamente in Egitto. Di fronte alle “esigenze scaturenti dalle gravissimi crisi internazionali in vaste aree dell’Africa e dell’Asia” che avrebbero provocato “massicci esodi di persone e crescenti pressioni migratorie verso l’Europa”, la Direzione centrale immigrazione (i virgolettati sono suoi) si è fatta promotrice di una “proposta progettuale” chiamata “International Training at Egyptian Police Academy” (ITEPA). Questa prevede l’istituzione di un “centro di formazione internazionale” sui temi migratori per 360 funzionari di polizia e ufficiali di frontiera di ben 22 Paesi africani presso l’Accademia della polizia egiziana de Il Cairo. Il “protocollo tecnico” è stato siglato nel settembre 2017 tra il direttore dell’Accademia di polizia egiziana ed il direttore centrale dell’Immigrazione e della polizia delle frontiere. Nel marzo 2018, il capo della Polizia Gabrielli è volato a Il Cairo per il lancio del progetto. “Il rispetto dei diritti umani -ha dichiarato in quella sede- è uno degli asset fondamentali”.

      “La legittimità, la finalità e la consistenza di una parte dei finanziamenti citati con le norme di diritto nazionale e internazionale sono stati studiati e in alcuni casi anche portati davanti alle autorità giudiziarie dai legali dell’Associazione studi giuridici sull’immigrazione (Asgi, asgi.it)”, spiega l’avvocato Giulia Crescini, parte del collegio dell’associazione che si è occupato della vicenda. “Quando abbiamo chiesto lo stato di implementazione dell’accordo internazionale Italia-Libia del febbraio 2017, il ministero dell’Interno ha opposto generiche motivazioni di pericolo alla sicurezza interna e alle relazioni internazionali, pertanto il ricorso dopo essere stato rigettato dal Tar Lazio è ora pendente davanti al Consiglio di Stato”. La trasparenza insegue la frontiera.

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      “LEONARDO” (FINMECCANICA) E GLI INTERESSI SULLE FRONTIERE

      In Tunisia, Libia, Egitto e Niger, l’azienda Leonardo (Finmeccanica) avrebbe in corso “attività promozionali per tecnologie di sicurezza e controllo del territorio”. Alla richiesta di dettagli, la società ha risposto di voler “rivitalizzare i progetti in sospeso e proporne altri, fornendo ai Governi sistemi e tecnologie all’avanguardia per la sicurezza dei Paesi”. Leonardo è già autorizzata a esportare materiale d’armamento in quei contesti, ma non a Tripoli. Il Consiglio di Sicurezza delle Nazioni Unite, infatti, ha approvato la Risoluzione 2420 che estende l’embargo sulle armi nel Paese per un altro anno. “Nel prossimo futuro -fa sapere l’azienda di cui il ministero dell’Economia è principale azionista- il governo di accordo nazionale potrà richiedere delle esenzioni all’embargo ONU sulle armi, per combattere il terrorismo”. Alla domanda se Leonardo sia coinvolta o operativa nell’ambito di iniziative collegate al fondo fiduciario per l’Africa dell’Unione europea e in particolare al programma da 46 milioni di euro coordinato dal Viminale, in tema di frontiere libiche, l’azienda ha fatto sapere che “in passato” avrebbe “collaborato con le autorità libiche per lo sviluppo e implementazione di sistemi per il monitoraggio dei confini meridionali, nonché sistemi di sicurezza costiera per il controllo, la ricerca e il salvataggio in mare”. Attualmente la società starebbe “esplorando opportunità in ambito europeo volte allo sviluppo di un progetto per il controllo dei flussi migratori dall’Africa all’Europa, consistente in un sistema di sicurezza e sorveglianza costiero con centri di comando e controllo”.

      Export in Libia. Il “caso” Prodit

      Nei primi sei mesi del 2018, attraverso l’Autorità nazionale UAMA (Unità per le autorizzazioni dei materiali d’armamento), l’Italia ha autorizzato l’esportazione di “materiale d’armamento” verso la Libia per un valore di circa 4,8 milioni di euro. Nel 2017 questa cifra era zero. Si tratta, come impone la normativa in tema di embargo, di materiali “non letali”. L’ammontare è minimo se paragonato al totale delle licenze autorizzate a livello mondiale dall’Italia tra gennaio e giugno 2018 (3,2 miliardi di euro). Chi esporta è una singola azienda, l’unica iscritta al Registro Nazionale delle Imprese presso il Segretariato Generale del ministero della Difesa: Prodit Engineering Srl. In Libia non ha esportato armi ma un veicolo terrestre modificato come fuoristrada e materiali utilizzabili per sminamento.

      https://altreconomia.it/frontiera-buon-affare-inchiesta

      #Leonardo #Finmeccanica #Egypte #Tunisie #identification #P350 #Brescia_Antincendi_International #Virgilio_D’Amata #Massimo_Bontempi #Yamaha #Minniti #Marco_Minniti #EU_Trust_Fund #Trust_Fund #Missione_bilaterale_di_supporto_nella_Repubblica_del_Niger #MISIN #Hewlett-Packard #AFIS #International_Training_at_Egyptian_Police_Academy #ITEPA

    • "La frontiera è un buon affare": l’inchiesta sul contrasto del Viminale all’immigrazione «clandestina» a suon di appalti pubblici

      Dalla Tunisia alla Libia, dal Niger all’Egitto: così lo Stato italiano finanzia imbarcazioni, veicoli, formazione a suon di appalti pubblici. I documenti presentati a Roma dall’Arci.

      «Quando si parla di esternalizzazione della frontiera e di diritto di asilo bisogna innanzitutto individuare i Paesi maggiormente interessati da queste esternalizzazioni, capire quali sono i meccanismi che si vuole andare ad attaccare, creare un caso e prenderlo tempestivamente. Ma spesso per impugnare un atto ci vogliono 60 giorni, le tempistiche sono precise, e intraprendere azioni giudiziarie per tutelare i migranti diventa spesso molto difficile. Per questo ci appoggiamo all’Arci». A parlare è Giulia Crescini, avvocato dell’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione, che insieme a Filippo Miraglia, responsabile immigrazione di ARCI, Sara Prestianni, coordinatrice del progetto #externalisationpolicieswatch, e Duccio Facchini, giornalista di Altreconomia, ha fatto il punto sugli appalti della Direzione centrale dell’immigrazione e della Polizia delle frontiere, insediata presso il ministero dell’Interno e più in generale dei fondi europei ed italiani stanzianti per implementare le politiche di esternalizzazione del controllo delle frontiere in Africa.

      L’inchiesta. Duccio Facchini, presentando i dati dell’inchiesta di Altreconomia «La frontiera è un buon affare», ha illustrato i meccanismi di una vera e propria strategia che ha uno dei suoi punti d’origine in un piccolo comune del Veneto, in provincia di Rovigo, affacciato sul Canal Bianco - dove ha sede una delle principale aziende specializzate in cantieristica navale militare e paramilitare - e arriva a toccare Tripoli, Niamey o Il Cairo. Il filo rosso che lega gli affidamenti milionari è uno solo: fermare il flusso di persone dirette in Italia e in Europa. Anche utilizzando fondi destinati alla cooperazione e senza alcun vaglio parlamentare.

      Il Fondo Africa, istituito con la legge di bilancio 2017, art. 1 comma 621 per l’anno 2018, è pari a 200 milioni di euro, cifra che serve per attivare forme di collaborazione e cooperazione con i Paesi maggiormente interessati dal fenomeno della migrazione, anche se l’espressione in sé significa tutto e niente. «Questo fondo - ha spiegato Facchini in conferenza nella sede Arci lo scorso 6 febbraio - viene dato al ministero degli Affari esteri internazionali che individua quali sono questi Paesi: nello specifico il ministero ha indicato una sfilza di Paesi africani, dal Niger alla Libia alla Tunisia, passando per l’Egitto la Costa d’Avorio, indicando anche una serie di attività che possono essere finanziate con questi soldi. Tra queste c’è la dotazione di strumentazioni utili per il controllo della frontiera». Gli autori dell’inchiesta hanno chiesto al ministero l’elenco dei provvedimenti che sono stati messi in campo e per attivare questa protezione alla frontiera. «Siamo alla fine del 2017 e notiamo che tra questi ce n’è uno che stanzia 2 milioni e mezzo per la messa in opera di quattro motovedette. Da lì cominciamo a domandarci se in base alla normativa italiana è legittimo dare una strumentazione così specifica a delle autorità così notoriamente coinvolte nella tortura e nella violenza dei migranti. Quindi abbiamo strutturato un ricorso giuridicamente molto complicato per cercare di interloquire con il giudice amministrativo». Notoriamente il giudice amministrativo non è mai coinvolto in questioni relative al diritto di asilo - per capire: è il giudice degli appalti - ed è insomma colui che va a verificare se la pubblica amministrazione ha adempiuto bene al suo compito.

      l punto di partenza. «Il giudice amministrativo e la pubblica amministrazione – ha spiegato Giulia Crescini dell’Asgi - stanno sempre in un rapporto molto delicato fra loro perché la pubblica amministrazione ha un ambito di discrezionalità all’interno del quale il giudice non può mai entrare, quindi la PA ha dei limiti che vengono messi dalla legge e all’interno di quei limiti il ministero può decidere come spendere quei soldi. Secondo noi quei limiti sono superati, perché la legge non autorizza a rafforzare delle autorità che poi commettono crimini contro i migranti, riportando queste persone sulla terra ferma in una condizione di tortura, soprattutto nei centri di detenzione». I legati hanno dunque avviato questo ricorso, ricevendo, qualche settimana fa, la sentenza di rigetto di primo grado. La sentenza è stata pubblicata il 7 gennaio e da quel giorno a oggi i quattro avvocati hanno studiato le parole del giudice, chiedendo alle altre organizzazioni che avevano presentato insieme a loro il ricorso se avessero intenzione o meno di fare appello. «Studiando la sentenza - continua Crescini - ci siamo accorti di come. pur essendo un rigetto, non avesse poi un contenuto così negativo: il giudice amministrativo in realtà è andato a verificare effettivamente se la pubblica amministrazione avesse speso bene o meno questo soldi, cioè se avesse esercitato in modo corretto o scorretto la discrezionalità di cui sopra. Un fatto che non è affatto scontato. Il giudice amministrativo è andato in profondità, segnalando il fatto che non ci sono sufficienti prove di tortura nei confronti dei migranti da parte delle autorità. Dal punto di vista giuridico questo rappresenta una vittoria. Perché il giudice ha ristretto un ambito molto specifico su cui potremo lavorare davanti al Consiglio di Stato».

      La frontiera è un buon affare. L’inchiesta «La frontiera è un buon affare» rivela che lo sforzo politico che vede impegnate Italia e istituzioni europee nella chiusura delle frontiere si traduce direttamente in un incremento del budget al capitolo della sicurezza, nella messa in produzione di sistemi biometrici di identificazione, nella moltiplicazione di forze di polizia europea ai nostri confini e nell’elaborazione di sistemi di sorveglianza.

      La dimensione europea della migrazione - si legge in un comunicato diffuso da Arci - si allontana sempre più dal concetto di protezione a favore di un sistema volto esclusivamente alla sicurezza e alla repressione del fenomeno migratorio. La logica dell’esternalizzazione, diventata pilastro della strategia tanto europea quanto italiana di gestione delle frontiere, assume in questo modo, sempre più, una dimensione tecnologica e militare, assecondando le pressioni della lobby dell’industria della sicurezza per l’implementazione di questo mercato. L’uso dei fondi è guidato da una tendenza alla flessibilità con un conseguente e evidente rischio di opacità, conveniente per il rafforzamento di una politica securitaria della migrazione.

      Nel MFF - Multiannual Financial Framework - che definisce il budget europeo per un periodo di 7 anni e ora in discussione tripartita tra Commissione, Parlamento e Consiglio - si evidenzia l’intento strategico al netto dei proclami e dei comizi della politica: la migrazione è affrontata principalmente dal punto di vista della gestione del fenomeno e del controllo delle frontiere con un incremento di fondi fino a 34 miliardi di euro per questo settore.

      A questo capitolo di spesa - si legge ancora nel comunicato - contribuiscono strumenti finanziari diversi, dal fondo sulla sicurezza interna - che passa dai 3,4 del 2014/20120 ai 4,8 miliardi del 2021/2027 e che può essere speso anche per la gestione esterna delle frontiere - a tutto il settore della cooperazione militare che coincide sempre più con quello dell’esternalizzazione, una tendenza che si palesa con evidenza nelle due missioni militari nostrane in Libia e Niger.

      Dei 23 miliardi del Fondo Europeo alla Difesa e quello per la Pace, una buona parte saranno devoluti allo sviluppo di nuova tecnologia militare, utilizzabili anche per la creazione di muri nel mare e nel deserto. Stessa logica anche per il più conosciuto Fondo Fiduciario per l’Africa che, con fondi provenienti dal budget allo sviluppo, finanzia il progetto di blocco marittimo e terrestre nella rotta del Mediterraneo centrale.

      Sulla pelle dei migranti. Chi ne fa le spese, spiegano gli autori dell’inchiesta, sono i migranti, obbligati a rotte sempre più pericolose e lunghe, a beneficio di imprese nazionali che del mercato della sicurezza hanno fatto un vero e proprio business. Questa connessione e interdipendenza tra politici e lobby della sicurezza, che sfiora a tutto gli effetti il conflitto di interessi, è risultata evidente nel corso del SRE «Research on security event» tenutosi a Bruxelles a fine dicembre su proposta della presidenza austriaca. Seduti negli stessi panel rappresentanti della commissione dell’Agenzia Frontex, dell’industria e della ricerca del biometrico e della sicurezza, manifestavano interesse per un obbiettivo comune: la creazione di un mercato europeo della sicurezza dove lotta al terrorismo e controllo della migrazione si intrecciano pericolosamente

      «Il Governo Italiano si iscrive perfettamente nella logica europea, dalle missioni militari con una chiara missione di controllo delle frontiere in Niger e Libia al rinnovo del Fondo Africa, rifinanziato con 80 milioni per il 2018/2019, che condiziona le politiche di sviluppo a quelle d’immigrazione», dichiara ancora Arci. «Molti i dubbi che solleva questa deriva politica direttamente tradotta nell’uso dei fondi europei e nazionali: dalle tragiche conseguenze sulla sistematica violazione delle convenzione internazionali a una riflessione più ampia sull’opacità dell’uso dei fondi e del ruolo sempre più centrale dell’industria della sicurezza per cui la politica repressiva di chiusura sistematica delle frontiere non è altro che l’ennesimo mercato su cui investire, dimenticandosi del costo in termine di vite umane di questa logica».

      https://www.repubblica.it/solidarieta/immigrazione/2019/02/07/news/la_frontiera_e_un_buon_affare-218538251
      #complexe_militaro-industriel

    • Appalti sulle frontiere: 30 mezzi di terra alla Libia dall’Italia per fermare i migranti

      Il ministero dell’Interno italiano si appresta a fornire alle autorità di Tripoli nuovi veicoli fuoristrada per il “contrasto del fenomeno dell’immigrazione irregolare”. Un appalto da 2,1 milioni di euro finanziato tramite il “Fondo Fiduciario per l’Africa”, nell’ambito del quale l’Italia accresce il proprio ruolo. Il tutto mentre l’immagine ostentata di una “Libia sicura” è offuscata dagli stessi atti di gara del Viminale

      Il ministero dell’Interno italiano si appresta a fornire alle autorità della Libia trenta nuovi veicoli fuoristrada per le “esigenze istituzionali legate al contrasto del fenomeno dell’immigrazione irregolare”. L’avviso esplorativo pubblicato dalla Direzione centrale dell’immigrazione e della Polizia delle frontiere, insediata presso il Viminale, risale al 5 marzo 2019 (scadenza per la presentazione della manifestazione d’interesse all’8 aprile di quest’anno).

      La fornitura riguarda 30 mezzi “Toyota Land Cruiser” (15 del modello GRJ76 Petrol e 15 del GRJ79 DC Petrol), in “versione tropicalizzata”, relativamente ai quali le autorità libiche, il 24 dicembre 2018, avrebbero esplicitato alla Direzione di Roma precise “specifiche tecniche”. Il Viminale la definisce una “richiesta di assistenza tecnica” proveniente da Tripoli per le “esigenze istituzionali legate al contrasto del fenomeno dell’immigrazione irregolare”. In forza di questa “strategia”, dunque, il governo italiano -in linea con i precedenti, come abbiamo raccontato a gennaio nell’inchiesta sugli “affari lungo le frontiere”– continua a equipaggiare le autorità del Paese Nord-africano per contrastare i flussi migratori. L’ammontare “massimo” degli ultimi due lotti (da 15 mezzi l’uno) è stimato in 2,1 milioni di euro.

      E così come è stato per la gara d’appalto da oltre 9,3 milioni di euro per la fornitura di 20 imbarcazioni destinate alla polizia libica, indetta dal Viminale a fine dicembre 2018, anche nel caso dei 30 mezzi Toyota le risorse arriveranno dal “Fondo Fiduciario per l’Africa” (EU Trust Fund), istituito dalla Commissione europea a fine 2015 con una dotazione di oltre 4 miliardi di euro. In particolare, dal progetto implementato dal Viminale e intitolato “Support to integrated Border and Migration Management in Libya – First Phase”, dal valore di oltre 46 milioni di euro e il cui “delegation agreement” risale a metà dicembre 2017 (governo Gentiloni, ministro competente Marco Minniti).

      Questo non è l’unico progetto finanziato tramite l’EU Trust Fund che vede il ministero dell’Interno italiano attivo nel continente africano. Alla citata “First Phase”, infatti, se ne sono affiancati nel tempo altri due. Uno è di stanza in Tunisia e Marocco (“Border Management Programme for the Maghreb region”), datato luglio 2018 e dal valore di 55 milioni di euro. L’altro progetto, di nuovo, ricade in Libia. Si tratta del “Support to Integrated border and migration management in Libya – Second Phase”, risalente al 13 dicembre 2018, per un ammontare di altri 45 milioni di euro. Le finalità dichiarate nell’”Action Document” della seconda fase in Libia sono -tra le altre- quelle di “intensificare gli sforzi fatti”, “sviluppare nuove aree d’intervento”, “rafforzare le capacità delle autorità competenti che sorvegliano i confini marittimi e terrestri”, “l’acquisto di altre navi”, “l’implementazione della rete di comunicazione del Maritime Rescue Coordination Centre” di Tripoli, “la progettazione specifica di programmi per la neocostituita polizia del deserto”.

      La strategia di contrasto paga, sostiene la Commissione europea. “Gli sforzi dell’Ue e dell’Italia nel sostenere la Guardia costiera libica per migliorare la sua capacità operativa hanno raggiunto risultati significativi e tangibili nel 2018”, afferma nel lancio della “seconda fase”. Di “significativo e tangibile” c’è il crollo degli sbarchi sulle coste italiane, in particolare dalla Libia. Dati del Viminale alla mano, infatti, nel periodo compreso tra l’1 gennaio e il 7 marzo 2017 giunsero 15.843 persone, scese a 5.457 lo scorso anno e arrivate a 335 quest’anno. La frontiera è praticamente sigillata. Un “successo” che nasconde la tragedia dei campi di detenzione e sequestro libici dove migliaia di persone sono costrette a rimanere.

      È in questa cornice che giunge il nuovo “avviso” del Viminale dei 30 veicoli, pubblicato come detto il 5 marzo. Quello stesso giorno il vice-presidente del Consiglio e ministro dell’Interno, Matteo Salvini, ha incontrato a Roma il vicepremier libico Ahmed Maiteeq. Un “cordiale colloquio”, come recita il comunicato ministeriale, che avrebbe visto sul tavolo “i rapporti tra i due Paesi, in particolare su sicurezza, lotta al terrorismo, immigrazione e stabilizzazione politica della Libia”.

      Ma l’immagine ostentata dal governo Conte di una “Libia sicura” è offuscata dagli stessi atti di gara del ministero dell’Interno. Tra i quesiti presentati al Viminale da parte dei potenziali concorrenti al bando dei 20 battelli da destinare alla polizia libica, infatti, si trovano richieste esplicite di “misure atte a garantire la sicurezza dei propri operatori”. “Laddove si rendesse strettamente necessario effettuare interventi di garanzia richiesti in loco (Libia)”, gli operatori di mercato hanno chiesto alla Direzione centrale dell’immigrazione e della Polizia delle frontiere “che tali prestazioni potranno essere organizzate a patto che le imbarcazioni si trovino in città (Tripoli, ndr) per garantire la sicurezza degli operatori inviati per tali prestazioni”. Il ministero dell’Interno conferma il quadro di instabilità del Paese: “Le condizioni di sicurezza in Libia devono essere attentamente valutate in ragione della contingenza al momento dell’esecuzione del contratto”, è la replica al quesito. “Appare di tutto evidenza che la sicurezza degli operatori non dovrà essere compromessa in relazione ai rischi antropici presenti all’interno dello Stato beneficiario della commessa”. Per gli operatori, non per i migranti in fuga.

      https://altreconomia.it/appalti-libia-frontiere-terra
      #Libye

  • #Paywall : The Business of Scholarship

    Paywall: The Business of Scholarship, produced by #Jason_Schmitt, provides focus on the need for open access to research and science, questions the rationale behind the $25.2 billion a year that flows into for-profit academic publishers, examines the 35-40% profit margin associated with the top academic publisher Elsevier and looks at how that profit margin is often greater than some of the most profitable tech companies like Apple, Facebook and Google. For more information please visit: Paywallthemovie.com


    https://vimeo.com/273358286

    #édition_scientifique #université #documentaire #film #elsevier #profit #capitalisme #savoir #impact_factor #open_access
    signalé par @fil, que je remercie

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    Quelques citations du tirés du film...

    John Adler, prof. Standford University :

    “Publishing is so profitable, because the workers dont’ get paid”

    Paul PETERS, CEO #Hindawi :

    “The way we are adressing the problem is to distinguish the assessment of an academic from the journals in which they publish. And if you’re able to evaluate academics based on the researchers they produce rather than where their research has been published, you can then start to allow researchers to publish in journals that provide better services, better access”

    Paul PETERS, CEO Hindawi :

    “Journals that are highly selective reject work that is perfectly publishable and perfectly good because it is not a significant advance, it’s not gonna made the headline as papers on disease or stemcells”

    Alexandra Elbakyan :

    “Regarding the company itself (—> Elsevier), I like their slogan ’Making Uncommon Knowledge Common’ very much. But as far as I can tell, Elsevier has not mastered this job well. And sci-hub is helping them, so it seems, to fulfill their mission”

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    ajouté à la métaliste sur l’éditions scientifique :
    https://seenthis.net/messages/1036396

    • je suis tres surpris par un point mentionne plusieurs fois : il faut que la recherche sur la sante, le rechauffement climatique, etc, bref, tout ce qui a « un vrai impact » soit ouvert, parce qu’il y a des vrais problemes, et donc il faut du monde pour y participer.... Mais je n’ai pas entendu grand chose sur la recherche fondamentale... Je ne sais pas si ca tient du fait que la recherche fondamentale etant moins « remuneratrice », le probleme est moins flagrant... Mais ca me met mal a l’aise cette separation entre « les vrais problemes de la vie » et les questions fondamentales qui n’interessent pas grand monde....

    • The Oligopoly of Academic Publishers in the Digital Era

      The consolidation of the scientific publishing industry has been the topic of much debate within and outside the scientific community, especially in relation to major publishers’ high profit margins. However, the share of scientific output published in the journals of these major publishers, as well as its evolution over time and across various disciplines, has not yet been analyzed. This paper provides such analysis, based on 45 million documents indexed in the Web of Science over the period 1973-2013. It shows that in both natural and medical sciences (NMS) and social sciences and humanities (SSH), Reed-Elsevier, Wiley-Blackwell, Springer, and Taylor & Francis increased their share of the published output, especially since the advent of the digital era (mid-1990s). Combined, the top five most prolific publishers account for more than 50% of all papers published in 2013. Disciplines of the social sciences have the highest level of concentration (70% of papers from the top five publishers), while the humanities have remained relatively independent (20% from top five publishers). NMS disciplines are in between, mainly because of the strength of their scientific societies, such as the ACS in chemistry or APS in physics. The paper also examines the migration of journals between small and big publishing houses and explores the effect of publisher change on citation impact. It concludes with a discussion on the economics of scholarly publishing.

      https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0127502

    • L’accès ouvert, un espoir qui donne le vertige…

      Les années 2018 et 2019 marquent une étape importante dans la politique scientifique de l’accès ouvert. Avec #Horizon_2020, l’Europe a annoncé l’obligation d’assurer le libre accès aux publications issues des projets de recherche qu’elle finance. En septembre 2018 #cOALition_S, un consortium européen d’établissements de financement de la recherche (l’ANR pour la France), soutenu par la commission européenne et l’ERC, publie les 10 principes de son Plan S. L’objectif est clairement désigné : “d’ici 2020, les publications scientifiques résultant de recherches financées par des subventions publiques accordées par les conseils de recherche et organismes de financement nationaux et européens participants doivent être publiées dans des journaux Open Access conformes ou sur des plates-formes Open Access conformes.”

      Le problème est que l’expression « #open_access » peut recouvrir des modèles économiques très différents : le “#green_open_access” (auto-archivage par l’auteur de ses travaux), le “#gold_open_access”, avec toute l’ambiguïté qu’il comporte puisque pour Couperin, il inclut aussi bien les articles dans des revues à comité de lecture en accès ouvert pour les lecteurs, payé par les auteurs avec des APC (Article processing charges) que le modèle Freemium OpenEdition, sans coût pour les auteurs ou encore les revues intégralement en accès ouvert[i]. C’est la raison pour laquelle a été introduit un nouvel intitulé dans les modèles celui de la voie “#diamant” ou “#platine” en opposition précisément à la voie “dorée” de plus en plus identifiée comme la voie de l’auteur/payeur (#APC).

      Alors que l’objectif ne concerne à ce stade que les articles scientifiques et non les ouvrages, chapitres d’ouvrages etc., les dissensions s’affichent au grand jour et dans les médias. Pour nombre de chercheurs, le Plan S de l’Union européenne ne va pas assez loin. Ils n’hésitent pas à dénoncer ouvertement les pratiques “anticoncurrentielles” d’Elsevier en saisissant la Direction générale de la commission européenne[ii]. La maison d’édition s’est en effet engagée depuis plusieurs années dans le « tout accès ouvert »[iii]. Il faut traduire ce que signifie ce « gold open access » ainsi promu : si les lecteurs ont accès aux articles gratuitement, les auteurs paient pour être publiés des APC (« author processing charges ») dont le montant, variable, engendre des profits inédits.

      De l’autre côté, logiquement, des associations d’éditeurs et les sociétés commerciales d’édition scientifique se sont élevées contre ce plan qui semble menacer leurs intérêts. Ils ont été soutenus par au moins 1700 chercheurs qui ont signé une Lettre ouverte[iv] lancée le 28 novembre à l’Union européenne contre le plan S. En France, d’autres ont publié en octobre 2018 une tribune dans Le Monde[v] contre ce même plan, non sans quelques confusions tellement la complexité du paysage est savamment entretenue, avec des arguments plus recevables qu’on ne l’aurait pensé. Qui croire ?

      Le Consortium national des bibliothèques françaises Couperin[vi] nous apporte une information utile sur les APC sur le site d’OpenAPC qui ont été versées aux éditeurs commerciaux en 2017, par chacun des 39 grands établissements de recherche enquêtés. Au total, 4 660 887 euros ont été dépensés par ces établissements pour publier 2635 articles, soit environ 1769 euros par article[vii]. Cela vient s’ajouter aux abonnements aux bouquets de revues et aux accès aux bases de données bibliométriques (Scopus d’Elsevier, WOS de Clarivate) dont les coûts, négociés, ne sont pas publiés.

      On mesure le bénéfice que les éditeurs retirent pour chaque article en comparant ces montants avec ceux estimés pour traiter un article dans l’alternative Freemium. A Cybergeo , en incluant les coûts d’un ingénieur CNRS qui encadre l’activité de la revue, du temps moyen investi par les évaluateurs, les correcteurs bénévoles et l’éditeur, ainsi que les coûts de la maintenance de la plateforme éditoriale, nous sommes parvenus à un coût moyen de 650 euros pour un article… Si Cybergeo appliquait le coût moyen des APC, elle en retirerait un revenu de près de 100 000 euros/an !

      Le plus extraordinaire dans ces calculs est que ni les APC ni cette dernière estimation “frugale” de 650 euros/article ne prennent en compte la vraie valeur ajoutée des articles, les savoir et savoir-faire scientifiques dépensés par les auteurs et par les évaluateurs. Voilà qui devrait confirmer, s’il en était encore besoin, que la “production scientifique” est bien une activité qui ne peut décidément se réduire aux “modèles économiques” de notre système capitaliste, fût-il avancé…

      L’exigence de mise en ligne des articles en accès ouvert financés sur des fonds publics s’est donc institutionnalisée, mais on peut se demander si, loin d’alléger les charges pour la recherche publique, cette obligation ne serait pas en train d’ouvrir un nouveau gouffre de dépenses sans aucun espoir de retour sur investissement. Les bénéfices colossaux et sans risques de l’édition scientifique continuent d’aller aux actionnaires. Et le rachat en 2017 par Elsevier (RELX Group) de Bepress la plate-forme d’archives ouvertes, créée en 1999 sous le nom de Berkeley Electronic Press par deux universitaires américains de l’université de Berkeley, pour un montant estimé de 100 millions d’euros, n’est pas non plus pour nous rassurer sur le devenir du “green open access” (archives ouvertes) dans ce contexte.

      https://cybergeo.hypotheses.org/462

    • Open APC

      The #Open_APC initiative releases datasets on fees paid for Open Access journal articles by universities and research institutions under an Open Database License.

      https://treemaps.intact-project.org
      #database #base_de_données #prix #statistiques #chiffres #visualisation

      Pour savoir combien paient les institutions universitaires...


      https://treemaps.intact-project.org/apcdata/openapc/#institution

      12 millions d’EUR pour UCL selon ce tableau !!!!!!!!!!!!!!!!!

    • Communiqué de presse : L’#Académie_des_sciences soutient l’accès gratuit et universel aux #publications_scientifiques

      Le 4 juillet 2018, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a publié un plan national pour la science ouverte, dans lequel « la France s’engage pour que les résultats de la recherche scientifique soient ouverts à tous, chercheurs, entreprises et citoyens, sans entrave, sans délai, sans paiement ». Le 4 septembre 2018, onze agences de financement européennes ont annoncé un « Plan cOAlition S(cience) » indiquant que dès 2020, les publications issues de recherches financées sur fonds publics devront obligatoirement être mises en accès ouvert.

      En 2011, 2014, 2016 et 2017, l’Académie des sciences a déjà publié des avis mentionnant la nécessité de faciliter l’accès aux publications (voir ci-dessous « En savoir plus »). Elle soutient les principes généraux de ces plans et recommande la prise en charge des frais de publications au niveau des agences de financement et des institutions de recherche. Toutefois, la mise en place concrète de ces mesures imposera au préalable des changements profonds dans les modes de publication. L’Académie des sciences attire l’attention sur le fait que ces changements dans des délais aussi courts doivent tenir compte des spécificités des divers champs disciplinaires et de la nécessaire adhésion à ces objectifs de la communauté scientifique. De nombreux chercheurs rendent déjà publiques les versions préliminaires de leurs articles sur des plates-formes ouvertes dédiées comme HAL (Hyper Articles en Ligne).

      Il est important de noter que le processus d’accès ouvert des publications ne doit pas conduire à une réduction du processus d’expertise qui assure la qualité des articles effectivement acceptés pour publication. Sans une évaluation sérieuse des publications par des experts compétents, une perte de confiance dans les journaux scientifiques serait à craindre.

      Un groupe de l’Académie des sciences travaille actuellement sur les questions soulevées par la science ouverte et un colloque sera organisé sur ce thème le 2 avril 2019 pour en débattre.


      https://www.academie-sciences.fr/fr/Communiques-de-presse/acces-aux-publications.html
      #résistance

    • Lancement de la fondation #DOAB : vers un #label européen pour les livres académiques en accès ouvert

      OpenEdition et OAPEN (Open Access Publishing in European Network, fondation implantée aux Pays-Bas) créent la fondation DOAB (Directory of Open Access Books). Cette fondation permettra de renforcer le rôle du DOAB, index mondial de référence répertoriant les ouvrages académiques en accès ouvert, et ce, notamment dans le cadre de la stratégie européenne pour le projet d’infrastructure OPERAS (Open access in the European research area through scholarly communication).


      Depuis plusieurs années les pratiques de publication en accès ouvert se multiplient en Europe du fait d’une plus grande maturité des dispositifs (archives ouvertes, plateformes de publication) et de la généralisation de politiques coordonnées au niveau des États, des financeurs de la recherche et de la Commission européenne. Ce développement du libre accès s’accompagne d’une multiplication des initiatives et des publications dont la qualité n’est pas toujours contrôlée.

      En 2003, l’Université de Lundt a créé le Directory of Open Access Journals (DOAJ). Devenu une référence mondiale, le DOAJ garantit la qualité technique et éditoriale des revues en accès ouvert qui y sont indexées.

      En 2012 la fondation OAPEN a créé l’équivalent du DOAJ pour les livres : le Directory of Open Access Books (DOAB). Ce répertoire garantit que les livres qui y sont indexés sont des livres de recherche académique (évalués par les pairs) et en accès ouvert. Le DOAB s’adresse aux lecteurs, aux bibliothèques mais aussi aux financeurs de la recherche qui souhaitent que les critères de qualité des publications en accès ouvert soient garantis et certifiés. Il indexe aujourd’hui plus de 16 500 livres en accès ouvert provenant de 315 éditeurs du monde entier.

      En Europe, les plateformes OAPEN et OpenEdition Books structurent largement le paysage par leur étendue internationale et leur masse critique. Leur alliance constitue un événement majeur dans le champ de la science ouverte autour de la labellisation des ouvrages.

      Via la fondation DOAB, le partenariat entre OpenEdition et OAPEN permettra d’asseoir la légitimité et d’étendre l’ampleur du DOAB en Europe et dans le monde, en garantissant qu’il reflète et prenne en compte la variété des pratiques académiques dans les différents pays européens en particulier. Les deux partenaires collaborent déjà au développement technique du DOAB grâce au projet HIRMEOS financé par l’Union Européenne dans le cadre de son programme Horizon 2020.
      La création de la fondation est une des actions du Plan national pour la science ouverte adopté en 2018 par la ministre française de la Recherche, Frédérique Vidal.

      OpenEdition et OAPEN forment avec d’autres partenaires le noyau dur d’un projet de construction d’une infrastructure européenne sur leur domaine de compétence : OPERAS – Open access in the European research area through scholarly communication. Avec un consortium de 40 partenaires en provenance de 16 pays européens, OPERAS vise à proposer une offre de services stables et durables au niveau européen dont le DOAB est une part essentielle.

      Selon Eelco Ferwerda, directeur d’OAPEN : « Le DOAB est devenu une ressource essentielle pour les livres en accès ouvert et nous nous en réjouissons. Je tiens à remercier Lars Bjørnshauge pour son aide dans le développement du service et Salam Baker Shanawa de Sempertool pour avoir fourni la plateforme et soutenu son fonctionnement. Notre collaboration avec OpenEdition a été très précieuse dans l’élaboration du DOAB. Nous espérons à présent atteindre un niveau optimal d’assurance qualité et de transparence ».

      Marie Pellen, directrice d’OpenEdition déclare : « L’engagement d’OpenEdition à soutenir le développement du DOAB est l’un des premiers résultats concrets du Plan national français pour la science ouverte adopté par la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal. Grâce au soutien conjoint du CNRS et d’Aix-Marseille Université, nous sommes heureux de participer activement à une plateforme internationale cruciale pour les sciences humaines et sociales ».

      Pour Pierre Mounier, directeur adjoint d’OpenEdition et coordinateur d’OPERAS : « La création de la Fondation DOAB est une occasion unique de développer une infrastructure ouverte dans le domaine de la publication scientifique, qui s’inscrit dans le cadre de l’effort européen d’OPERAS, pour mettre en œuvre des pratiques scientifiques ouvertes dans les sciences humaines et sociales ».
      OpenEdition

      OpenEdition rassemble quatre plateformes de ressources électronique en sciences humaines et sociales : OpenEdition Books (7 000 livres au catalogue), OpenEdition Journals (500 revues en ligne), Hypothèses (3 000 carnets de recherche), Calenda (40 000 événements publiés). Depuis 2015, OpenEdition est le représentant du DOAB dans la francophonie.

      Les principales missions d’OpenEdition sont le développement de l’édition électronique en libre accès, la diffusion des usages et compétences liées à l’édition électronique, la recherche et l’innovation autour des méthodes de valorisation et de recherche d’information induites par le numérique.
      OAPEN

      La Fondation Open Access Publishing in European Networks (OAPEN) propose une offre de dépôt et de diffusion de monographies scientifiques en libre accès via l’OAPEN Library et le Directory of Open Access Books (DOAB).

      OpenEdition et OAPEN sont partenaires pour un programme d’interopérabilité sur leur catalogue respectif et une mutualisation des offres faites par chacun des partenaires aux éditeurs.

      https://leo.hypotheses.org/15553

    • About #Plan_S

      Plan S is an initiative for Open Access publishing that was launched in September 2018. The plan is supported by cOAlition S, an international consortium of research funders. Plan S requires that, from 2020, scientific publications that result from research funded by public grants must be published in compliant Open Access journals or platforms.

      https://www.coalition-s.org

    • Les #rébellions pour le libre accès aux articles scientifiques

      Les partisans du libre accès arriveront-ils à créer une brèche définitive dans le lucratif marché de l’édition savante ?

      C’est plus fort que moi : chaque fois que je lis une nouvelle sur l’oligopole de l’édition scientifique, je soupire de découragement. Comment, en 2018, peut-on encore tolérer que la diffusion des découvertes soit tributaire d’une poignée d’entreprises qui engrangent des milliards de dollars en exploitant le labeur des scientifiques ?

      D’une main, cette industrie demande aux chercheurs de lui fournir des articles et d’en assurer la révision de façon bénévole ; de l’autre main, elle étrangle les bibliothèques universitaires en leur réclamant des sommes exorbitantes pour s’abonner aux périodiques savants. C’est sans compter le modèle très coûteux des revues « hybrides », une parade ingénieuse des éditeurs qui, sans sacrifier leurs profits, se donnent l’apparence de souscrire au libre accès − un mouvement qui prône depuis 30 ans la diffusion gratuite, immédiate et permanente des publications scientifiques.

      En effet, les journaux hybrides reçoivent un double revenu : l’abonnement et des « frais de publication supplémentaires » versés par les chercheurs qui veulent mettre leurs articles en libre accès. Autrement, leurs travaux restent derrière un mur payant, inaccessibles au public qui les a pourtant financés, en tout ou en partie, par l’entremise de ses impôts. Les grands éditeurs comme Elsevier, Springer Nature et Wiley ont ainsi pris en otage la science, dont le système entier repose sur la nécessité de publier.

      Au printemps dernier, on a assisté à une rebuffade similaire quand plus de 3 300 chercheurs en intelligence artificielle, dont Yoshua Bengio, de l’Université de Montréal, se sont engagés à ne pas participer à la nouvelle revue payante Nature Machine Intelligence.

      Un consortium universitaire allemand, Projekt DEAL, a tenté d’ébranler les colonnes du temple. Depuis deux ans, ses membres négocient avec Elsevier pour mettre fin au modèle traditionnel des abonnements négociés à la pièce, derrière des portes closes. Collectivement, les membres de Projekt DEAL veulent payer pour rendre accessibles, à travers le monde, tous les articles dont le premier auteur est rattaché à un établissement allemand. En échange, ils auraient accès à tous les contenus en ligne de l’éditeur. L’entente devrait obligatoirement être publique.

      Évidemment, cela abaisserait les prix des abonnements. Pour l’instant, Elsevier refuse toute concession et a même retiré l’accès à ses revues à des milliers de chercheurs allemands l’été dernier. La tactique pourrait toutefois se révéler vaine. Pour obtenir des articles, les chercheurs peuvent toujours demander un coup de main à leurs collègues d’autres pays, recourir à des outils gratuits comme Unpaywall qui fouillent le Web pour trouver une version en libre accès ou encore s’en remettre à Sci-Hub, un site pirate qui contourne les murs payants.

      Mais plus que la perte de ses clients, c’est l’exode de ses « fournisseurs » qui écorcherait à vif Elsevier. Déjà, des scientifiques allemands ont juré qu’ils ne contribueraient plus à son catalogue de publications – qui contient pourtant des titres prestigieux comme The Lancet et Cell.

      Au printemps dernier, on a assisté à une rebuffade similaire quand plus de 3300 chercheurs en intelligence artificielle, dont Yoshua Bengio, de l’Université de Montréal, se sont engagés à ne pas participer à la nouvelle revue payante Nature Machine Intelligence. Partisans du libre accès, ils la considèrent comme « un pas en arrière » pour l’avenir de leur discipline.

      Et puis il y a le « plan S » : début septembre, 11 organismes subventionnaires européens ont annoncé que, à partir de 2020, ils ne financeront que les scientifiques promettant de diffuser leurs résultats dans des revues en libre accès. Le plan S exclurait d’office environ 85 % des journaux savants, y compris Nature et Science.

      Ces petites rébellions déboucheront-elles sur une véritable révolution de l’édition scientifique ? Difficile à dire, mais c’est suffisant pour passer du découragement à l’espoir.

      https://www.quebecscience.qc.ca/edito/rebellions-libre-acces-articles-scientifiques

    • Le business très juteux des revues scientifiques

      Les chercheurs produisent et révisent gratuitement des articles publiés dans des journaux dont l’accès est ensuite facturé très cher aux organismes de recherche dont ils dépendent.

      La crise sanitaire a mis les grands noms de l’édition scientifique sur le devant de la scène. Au début du mois de mars, la majorité des journaux scientifiques ont choisi de diffuser gratuitement les articles en lien avec le coronavirus, afin d’accélérer la recherche. Philanthropes ? Pas vraiment...

      En temps normal, les connaissances scientifiques se monnaient très cher. Les quelques maisons d’édition qui possèdent l’essentiel de ces revues sont parmi les entreprises les plus rentables au monde, affichant des marges de 30 % à 40 %. C’est plus que le géant de l’informatique Apple, qui enregistre une marge de 21 % sur ces dix dernières années. Le secret des éditeurs scientifiques réside en grande partie dans le fait qu’ils vendent des produits obtenus sans dépenser un sou... ou presque. Au sein de la communauté scientifique, les voix sont de plus en plus nombreuses à dénoncer ce système, source de profits considérables au détriment des fonds publics. Jeudi, le prestigieux Institut de technologie du Massachusetts (MIT) annonçait ainsi mettre fin aux négociations avec le leader du secteur, Elsevier.

      Le système est ainsi construit : un chercheur a tout intérêt à proposer des articles, puisque sa carrière (obtention d’un poste, de financements...) dépend étroitement du nombre d’articles qu’il publie et du prestige des journaux dans lesquels il publie. Lorsque le comité éditorial d’une revue est intéressé par un article qui lui a été proposé, il le soumet à des scientifiques spécialistes du domaine, qui sont chargés de l’évaluer. Ce travail essentiel, appelé « révision par les pairs » dans le jargon de l’édition scientifique, est réalisé bénévolement. Si l’article est accepté, le chercheur est alors contraint d’en céder les droits à l’éditeur, à titre exclusif et gracieux. L’entreprise revend ensuite aux bibliothèques universitaires et aux laboratoires de recherche des abonnements permettant d’accéder à ces articles. « Des personnes non rémunérées par l’éditeur produisent et évaluent gratuitement des résultats scientifiques que leurs institutions doivent ensuite acheter à l’éditeur » , résume Didier Torny, spécialiste de l’économie politique de la publication scientifique au CNRS. « Les profits arrivent ensuite dans la poche des actionnaires, c’est la poule aux oeufs d’or » , poursuit Marie Farge, mathématicienne et physicienne, directrice de recherche émérite au CNRS.

      Le secteur se porte mieux que jamais. En 2018, le marché pesait 25,7 milliards de dollars, selon l’Association internationale des éditeurs scientifiques, contre 21 milliards de dollars en 2010. Elsevier (désormais RELX), qui possède plus de 2 500 revues dont The Lancet et Cell , affichait en 2019 un chiffre d’affaires de 7,87 milliards d’euros (dont un tiers provient de l’édition), soit 5 % de plus qu’en 2018. Un succès qui s’explique notamment par l’augmentation des montants facturés aux clients. Lors des négociations, le rapport de force n’est pas en faveur des bibliothèques. « Nous étions contents quand nous arrivions à négocier une hausse de 12 % au lieu de 15 % » , se souvient Bernard Rentier, recteur de l’université de Liège (Belgique) entre 2005 et 2014. « Si nous refusions le contrat, nous nous entendions dire que notre établissement allait devenir un petit trou de province, faute de pouvoir accéder à cette littérature , poursuit l’universitaire, auteur de Science ouverte, le défi de la transparence (Éditions de l’Académie royale de Belgique). Ce sont des requins assumés, mais je ne leur jette pas la pierre : ils ont pour oeuvre de gagner de l’argent. On ne peut que reprocher aux clients d’être clients. »

      Actuellement, la France dépense environ 62 millions d’euros par an pour l’accès aux revues électroniques. Entre les années 1990 et 2018, la facture aurait augmenté annuellement de 2 % à 4 %, d’après une source proche du dossier. Mais il est difficile de le savoir précisément car la transparence n’est pas de mise. Jusqu’à récemment, les contrats noués entre Couperin (le consortium représentant plus de 250 acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en France) et les éditeurs étaient confidentiels, à la demande de ces derniers. « Les négociations se font à la tête du client, et comme les contrats sont secrets, personne ne sait combien paient les autres » , dénonce Marie Farge. Pour la première fois en France, le contrat négocié avec la firme Elsevier en octobre 2019 a été divulgué officiellement (certains ont déjà fuité par le passé) : pendant quatre ans, 227 établissements de recherche et d’enseignement supérieur pourront accéder à 2 300 revues et services pour 34,7 millions d’euros par an en moyenne.

      Pendant longtemps, les frais d’édition semblaient tout à fait justifiés et n’étaient pas remis en cause par la communauté scientifique. « Au moment de l’essor des revues spécialisées, au XIXe siècle, les sociétés savantes ont délégué le travail d’édition, d’impression et de diffusion à des libraires et des éditeurs , rapporte Valérie Tesnière, spécialiste des pratiques et politiques éditoriales scientifiques contemporaines à l’École des hautes études en sciences sociales. Le modèle économique a été conçu à un moment où les auteurs et les rédactions des journaux avaient bien du mal à écrire en anglais (pour les Européens) et à assurer les mises aux normes des données qui facilitent la circulation internationale de l’information. Les éditeurs ont fait payer ce service et plus il était performant, plus les marges ont été confortables, car un bon service se paie. »

      Le développement d’internet aurait pu signer la fin de ce système, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Et certains chercheurs estiment désormais que les prix pratiqués sont excessifs. « Bien sûr, il y a encore des frais liés aux serveurs, à la main-d’oeuvre, aux stockages des données , concède Laurette Tuckerman, physicienne à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles à Paris, mais la distribution se fait désormais essentiellement par voie électronique et ce sont souvent les chercheurs eux-mêmes qui s’occupent de la mise en page. » « Les coûts ne sont pas si nuls , conteste Valérie Tesnière. Les éditeurs fournissent aussi d’autres services aux chercheurs. Ils assurent en outre une diffusion internationale, organisée et immédiate via des systèmes d’information élaborés, qui leur font gagner du temps. »

      Mais l’escalade des prix s’explique en grande partie par un autre phénomène : la mise en place d’un oligopole, qui peut donc dicter à sa guise les lois du marché. « En trente ans, nous avons assisté à l’émergence de grands consortiums par fusions et acquisitions » , rapporte Bernard Rentier. Sur les quelque 12 000 éditeurs dans le monde, cinq se partagent 40 % du chiffre d’affaires. Autre raison de cette hausse spectaculaire, la nature des biens échangés. « En principe, si une entreprise vend un bien trop cher, les consommateurs vont se tourner vers ses concurrents. Mais en sciences, c’est impossible car les biens sont uniques » , explique Laurette Tuckerman. En économie, on parle de « demande inélastique » : la consommation n’est pas modifiée - ou très peu - par l’augmentation des prix. Cette spécificité du secteur n’est pas passée inaperçue aux yeux des investisseurs. Dès le début des années 2000, la banque d’investissement Morgan Stanley constatait que « la nature de niche du marché et la croissance rapide du budget des bibliothèques universitaires ont fait du marché de la publication scientifique le secteur de l’industrie des médias le plus florissant de ces quinze dernières années » .

      Pour justifier ces hausses répétées des prix, les éditeurs se sont mis à proposer des bouquets de revues (les « big deals » ) à des tarifs plus intéressants que la vente à l’unité, puis à augmenter le nombre de revues (et donc d’articles). Plus récemment, ils ont développé une autre stratégie, calquée sur une idée chère à la communauté scientifique : l’accès libre, gratuit pour tous... sauf pour les auteurs. Depuis le milieu des années 2000, ils proposent aux chercheurs de payer des frais de publication (les Article Publishing Charges, ou APC) afin que leur travail soit diffusé gratuitement. « Les établissements de recherche déboursent deux fois , résume Florence Audier, chercheuse à l’université Panthéon-Sorbonne, dans un article publié en 2018 dans la revue La Vie de la recherche scientifique . D’un côté en payant les frais de publication open access et de l’autre en maintenant l’abonnement à ces mêmes revues. »

      Si les frais d’abonnement commencent tout juste à s’infléchir - comme l’atteste la baisse des coûts de 13,3 % négociée lors du dernier contrat entre la France et Elsevier -, les APC connaissent une croissance très importante. D’après le consortium Couperin, les charges demandées par article par les éditeurs ont augmenté de 12 % en France entre 2015 et 2017, passant de 1 500 à 1 700 euros. Ces frais peuvent s’élever jusqu’à 7 000 dollars pour certains journaux. Des sommes souvent décorrélées des coûts de publication : « Les coûts réels pour publier un article uniquement en ligne peuvent être estimés entre 260 et 870 dollars, selon la qualité du travail d’édition et de relecture. Pour une version imprimée, c’est 1 300 à 2 000 dollars » , indique Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS. Pour Marie Farge, ces pratiques « relèvent plus du droit de péage que de la tarification de services apportés aux auteurs et aux lecteurs des articles publiés électroniquement » . Contacté par Le Figaro , Elsevier n’a pas répondu aux questions soulevées dans cet article.

      Depuis une dizaine d’années, les initiatives se multiplient pour lutter contre ce système. Certains chercheurs refusent désormais de publier dans des revues commerciales ou de réviser les articles qui y sont soumis, des comités éditoriaux démissionnent pour protester contre l’augmentation des coûts de publication, et des bras de fer entre les éditeurs et les universités ont lieu un peu partout. Après tout, si les chercheurs quittaient la table des négociations, que deviendraient les éditeurs ?

      https://www.lefigaro.fr/sciences/le-business-tres-juteux-des-revues-scientifiques-20200612

    • Le business très juteux des revues scientifiques

      Les chercheurs produisent et révisent gratuitement des articles publiés dans des journaux dont l’accès est ensuite facturé très cher aux organismes de recherche dont ils dépendent.

      La crise sanitaire a mis les grands noms de l’édition scientifique sur le devant de la scène. Au début du mois de mars, la majorité des journaux scientifiques ont choisi de diffuser gratuitement les articles en lien avec le coronavirus, afin d’accélérer la recherche. Philanthropes ? Pas vraiment...

      En temps normal, les connaissances scientifiques se monnaient très cher. Les quelques maisons d’édition qui possèdent l’essentiel de ces revues sont parmi les entreprises les plus rentables au monde, affichant des marges de 30 % à 40 %. C’est plus que le géant de l’informatique Apple, qui enregistre une marge de 21 % sur ces dix dernières années. Le secret des éditeurs scientifiques réside en grande partie dans le fait qu’ils vendent des produits obtenus sans dépenser un sou... ou presque. Au sein de la communauté scientifique, les voix sont de plus en plus nombreuses à dénoncer ce système, source de profits considérables au détriment des fonds publics. Jeudi, le prestigieux Institut de technologie du Massachusetts (MIT) annonçait ainsi mettre fin aux négociations avec le leader du secteur, Elsevier.

      Le système est ainsi construit : un chercheur a tout intérêt à proposer des articles, puisque sa carrière (obtention d’un poste, de financements...) dépend étroitement du nombre d’articles qu’il publie et du prestige des journaux dans lesquels il publie. Lorsque le comité éditorial d’une revue est intéressé par un article qui lui a été proposé, il le soumet à des scientifiques spécialistes du domaine, qui sont chargés de l’évaluer. Ce travail essentiel, appelé « révision par les pairs » dans le jargon de l’édition scientifique, est réalisé bénévolement. Si l’article est accepté, le chercheur est alors contraint d’en céder les droits à l’éditeur, à titre exclusif et gracieux. L’entreprise revend ensuite aux bibliothèques universitaires et aux laboratoires de recherche des abonnements permettant d’accéder à ces articles. « Des personnes non rémunérées par l’éditeur produisent et évaluent gratuitement des résultats scientifiques que leurs institutions doivent ensuite acheter à l’éditeur » , résume Didier Torny, spécialiste de l’économie politique de la publication scientifique au CNRS. « Les profits arrivent ensuite dans la poche des actionnaires, c’est la poule aux oeufs d’or » , poursuit Marie Farge, mathématicienne et physicienne, directrice de recherche émérite au CNRS.

      Le secteur se porte mieux que jamais. En 2018, le marché pesait 25,7 milliards de dollars, selon l’Association internationale des éditeurs scientifiques, contre 21 milliards de dollars en 2010. Elsevier (désormais RELX), qui possède plus de 2 500 revues dont The Lancet et Cell , affichait en 2019 un chiffre d’affaires de 7,87 milliards d’euros (dont un tiers provient de l’édition), soit 5 % de plus qu’en 2018. Un succès qui s’explique notamment par l’augmentation des montants facturés aux clients. Lors des négociations, le rapport de force n’est pas en faveur des bibliothèques. « Nous étions contents quand nous arrivions à négocier une hausse de 12 % au lieu de 15 % » , se souvient Bernard Rentier, recteur de l’université de Liège (Belgique) entre 2005 et 2014. « Si nous refusions le contrat, nous nous entendions dire que notre établissement allait devenir un petit trou de province, faute de pouvoir accéder à cette littérature , poursuit l’universitaire, auteur de Science ouverte, le défi de la transparence (Éditions de l’Académie royale de Belgique). Ce sont des requins assumés, mais je ne leur jette pas la pierre : ils ont pour oeuvre de gagner de l’argent. On ne peut que reprocher aux clients d’être clients. »

      Actuellement, la France dépense environ 62 millions d’euros par an pour l’accès aux revues électroniques. Entre les années 1990 et 2018, la facture aurait augmenté annuellement de 2 % à 4 %, d’après une source proche du dossier. Mais il est difficile de le savoir précisément car la transparence n’est pas de mise. Jusqu’à récemment, les contrats noués entre Couperin (le consortium représentant plus de 250 acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en France) et les éditeurs étaient confidentiels, à la demande de ces derniers. « Les négociations se font à la tête du client, et comme les contrats sont secrets, personne ne sait combien paient les autres » , dénonce Marie Farge. Pour la première fois en France, le contrat négocié avec la firme Elsevier en octobre 2019 a été divulgué officiellement (certains ont déjà fuité par le passé) : pendant quatre ans, 227 établissements de recherche et d’enseignement supérieur pourront accéder à 2 300 revues et services pour 34,7 millions d’euros par an en moyenne.

      Pendant longtemps, les frais d’édition semblaient tout à fait justifiés et n’étaient pas remis en cause par la communauté scientifique. « Au moment de l’essor des revues spécialisées, au XIXe siècle, les sociétés savantes ont délégué le travail d’édition, d’impression et de diffusion à des libraires et des éditeurs , rapporte Valérie Tesnière, spécialiste des pratiques et politiques éditoriales scientifiques contemporaines à l’École des hautes études en sciences sociales. Le modèle économique a été conçu à un moment où les auteurs et les rédactions des journaux avaient bien du mal à écrire en anglais (pour les Européens) et à assurer les mises aux normes des données qui facilitent la circulation internationale de l’information. Les éditeurs ont fait payer ce service et plus il était performant, plus les marges ont été confortables, car un bon service se paie. »

      Le développement d’internet aurait pu signer la fin de ce système, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Et certains chercheurs estiment désormais que les prix pratiqués sont excessifs. « Bien sûr, il y a encore des frais liés aux serveurs, à la main-d’oeuvre, aux stockages des données , concède Laurette Tuckerman, physicienne à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles à Paris, mais la distribution se fait désormais essentiellement par voie électronique et ce sont souvent les chercheurs eux-mêmes qui s’occupent de la mise en page. » « Les coûts ne sont pas si nuls , conteste Valérie Tesnière. Les éditeurs fournissent aussi d’autres services aux chercheurs. Ils assurent en outre une diffusion internationale, organisée et immédiate via des systèmes d’information élaborés, qui leur font gagner du temps. »

      Mais l’escalade des prix s’explique en grande partie par un autre phénomène : la mise en place d’un oligopole, qui peut donc dicter à sa guise les lois du marché. « En trente ans, nous avons assisté à l’émergence de grands consortiums par fusions et acquisitions » , rapporte Bernard Rentier. Sur les quelque 12 000 éditeurs dans le monde, cinq se partagent 40 % du chiffre d’affaires. Autre raison de cette hausse spectaculaire, la nature des biens échangés. « En principe, si une entreprise vend un bien trop cher, les consommateurs vont se tourner vers ses concurrents. Mais en sciences, c’est impossible car les biens sont uniques » , explique Laurette Tuckerman. En économie, on parle de « demande inélastique » : la consommation n’est pas modifiée - ou très peu - par l’augmentation des prix. Cette spécificité du secteur n’est pas passée inaperçue aux yeux des investisseurs. Dès le début des années 2000, la banque d’investissement Morgan Stanley constatait que « la nature de niche du marché et la croissance rapide du budget des bibliothèques universitaires ont fait du marché de la publication scientifique le secteur de l’industrie des médias le plus florissant de ces quinze dernières années » .

      Pour justifier ces hausses répétées des prix, les éditeurs se sont mis à proposer des bouquets de revues (les « big deals » ) à des tarifs plus intéressants que la vente à l’unité, puis à augmenter le nombre de revues (et donc d’articles). Plus récemment, ils ont développé une autre stratégie, calquée sur une idée chère à la communauté scientifique : l’accès libre, gratuit pour tous... sauf pour les auteurs. Depuis le milieu des années 2000, ils proposent aux chercheurs de payer des frais de publication (les Article Publishing Charges, ou APC) afin que leur travail soit diffusé gratuitement. « Les établissements de recherche déboursent deux fois , résume Florence Audier, chercheuse à l’université Panthéon-Sorbonne, dans un article publié en 2018 dans la revue La Vie de la recherche scientifique . D’un côté en payant les frais de publication open access et de l’autre en maintenant l’abonnement à ces mêmes revues. »

      Si les frais d’abonnement commencent tout juste à s’infléchir - comme l’atteste la baisse des coûts de 13,3 % négociée lors du dernier contrat entre la France et Elsevier -, les APC connaissent une croissance très importante. D’après le consortium Couperin, les charges demandées par article par les éditeurs ont augmenté de 12 % en France entre 2015 et 2017, passant de 1 500 à 1 700 euros. Ces frais peuvent s’élever jusqu’à 7 000 dollars pour certains journaux. Des sommes souvent décorrélées des coûts de publication : « Les coûts réels pour publier un article uniquement en ligne peuvent être estimés entre 260 et 870 dollars, selon la qualité du travail d’édition et de relecture. Pour une version imprimée, c’est 1 300 à 2 000 dollars » , indique Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS. Pour Marie Farge, ces pratiques « relèvent plus du droit de péage que de la tarification de services apportés aux auteurs et aux lecteurs des articles publiés électroniquement » . Contacté par Le Figaro , Elsevier n’a pas répondu aux questions soulevées dans cet article.

      Depuis une dizaine d’années, les initiatives se multiplient pour lutter contre ce système. Certains chercheurs refusent désormais de publier dans des revues commerciales ou de réviser les articles qui y sont soumis, des comités éditoriaux démissionnent pour protester contre l’augmentation des coûts de publication, et des bras de fer entre les éditeurs et les universités ont lieu un peu partout. Après tout, si les chercheurs quittaient la table des négociations, que deviendraient les éditeurs ?

      https://www.lefigaro.fr/sciences/le-business-tres-juteux-des-revues-scientifiques-20200612

    • Privés de savoir ?

      Dans le monde de la recherche scientifique, publier ses travaux est un passage obligé. Cela permet aux chercheuses et chercheurs de faire connaître leur travail mais aussi d’être identifié par leurs pairs et pourquoi pas d’obtenir un poste, à condition d’être publié dans
      les bonnes revues. Sauf que cette mécanique de publication - qui permettait à la base de faire circuler le savoir - est devenue une vraie chasse gardée économique : celle des éditeurs scientifiques. Quelques grands noms comme le neerlandais Elsevier ou le groupe Springer/Nature se partagent un marché juteux et privatisent au passage des travaux scientifiques la plupart du temps financés par des fonds publics.

      https://www.youtube.com/watch?v=WnxqoP-c0ZE

      voir aussi ce fil de discussion dans lequel ce film est cité :

      On turning down poorly-paid, limited value, academic work

      https://seenthis.net/messages/653533

  • L’UE sous forte pression pour cesser de financer l’industrie militaire israélienne
    2 juillet 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine
    http://www.chroniquepalestine.com/ue-sous-forte-pression-pour-cesser-de-financer-industrie-militai

    Quelque 154 organisations et ONG poussent l’Union européenne à exclure les « sociétés militaires israéliennes » de son fonds de développement.

    Un certain nombre d’entreprises israéliennes risquent de perdre des milliards de dollars si l’Union européenne décide d’exclure Israël de son prochain fonds de recherche et de développement scientifique.

    Quelque 154 organisations de 16 pays ont exhorté les législateurs européens à exclure les « compagnies militaires israéliennes » d’un programme de recherche et d’innovation de 117 milliards de dollars, a rapporté dimanche le quotidien israélien Hayom. (...)

  • Il grande affare della sicurezza europea. Ecco quanto si spende per i controlli

    Metti sicurezza qua e là e tutti sono d’accordo. Il tema della sicurezza è oggi l’unico intorno a cui i paesi europei ritrovano l’unità perduta. L’abbiamo visto al recente summit di Bratislava, il 16 settembre scorso. I capi di governo hanno promesso solennemente di «prendere tutte le misure necessarie per aiutare gli Stati ad assicurare la sicurezza interna e la lotta al terrorismo». E cosi’ quel giorno si è evitato di litigare sulle quote dei migranti, sulla Brexit, sull’austerità. Ormai tutto si confonde, tutto si amalgama: sicurezza-immigrazione-terrorismo. In una corsa agli investimenti per trasformare il nostro continente in una fortezza pronta a difendersi dal nemico. Banche dati, agenzie europee, satelliti spia e droni. Ma nel controllo delle frontiere la sicurezza e la militarizzazione che le va ormai a braccetto, servono? Servono a gestire meglio i flussi migratori, a ridurre l’immigrazione clandestina, i traffici di esseri umani? Abbiamo cercato di rispondere a queste domande mettendoci insieme, nove giornalisti provenienti da otto paesi europei.


    http://www.corriere.it/esteri/16_dicembre_10/grande-affare-sicurezza-europea-ecco-quanto-si-spende-controlli-e2f6f1f4-be

    #business #économie #frontières #contrôles_frontaliers #gardes-frontières_européens #EBCG #drones #smart_borders #frontières_intelligentes #SIS_II #LISA #VIS #Eurodac #PNR #Eurosur #Méditerranée #Italie #EUNAVFOR_MED #Opération_Sophia #Libye #Horizon_2020 #EOS #EUCISE #Finmeccanica #Pasag #SERIT #ECSO #infographie #visualisation #migrations #asile #réfugiés #militarisation_des_frontières #EU #Europe #UE #budget #business #coûts
    cc @daphne @albertocampiphoto @marty

  • Vu sur FB :

    Magnifique lettre à Blocher de la part d’une étudiante-chercheuse. Magnifique sur la forme et sur le fond.

    #‎CHvote‬ : Immigration de masse contre émigration de classe...

    Ça prend quelques minutes à lire...

    Mais c’est tellement sincère et vrai !

    Que tous ceux, sans jugement aucun de ma part, qui pensent que l’UDC défend les intérêts du peuple suisse lisent ces mots et prennent le temps d’exercer leur esprit critique pour construire une position éclairée avant leur prochain bulletin de vote !!!
    ____________________________________________

    Lettre de Marie-Avril Berthet , Etudiante-chercheuse, à M. Blocher. Lecture obligatoire !

    4 mars 2014

    Monsieur Blocher,

    Je vous écris à propos de vos déclarations de ce jour quant au fait que, suite à la votation du 9 février, vous n’avez pas trouvé d’étudiant pour qui l’exclusion de la Suisse des échanges universitaires avec l’Europe pose un problème pour la poursuite de ses études. Je vous écris donc car, si cette votation m’a révoltée pour des raisons idéologiques, vos déclaration relèvent soit de l’ignorance soit du mensonge et cela est très grave pour quelqu’un qui aspire à gouverner ce pays ; pays duquel je n’ai pas choisi d’avoir la nationalité.

    Je suis actuellement doctorante à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni en deuxième année. Il me restera, si je peux terminer ce doctorat, encore deux ans d’études minimum.

    Le 27 février, soit deux semaines après l’entrée en force de l’initiative de votre parti dite « contre l’immigration de masse », j’ai reçu le mail suivant de la part de l’administration de l’université :

    –----------------------------------------------------------------
    Dear all,

    Please be aware that due to the current political issues around immigration (in addition to other factors), the European Commission has not concluded an agreement with Switzerland to renew it status as an Associated Country. This means that Switzerland is now treated as a Third Country, with the consequences as follows :

    (1) Switzerland can still participate in H2020, but will not receive reimbursement for its participation
    (2) Swiss participants do not count towards the minimum number of participants required for a project according to the eligibility criteria

    Please note that any projects awarded under FP7 are unaffected by this.

    Negotiations can recommence at any time, and Switzerland may later become an associated state once again. Nonetheless, anyone with a Swiss partner in a consortium applying for a project with an imminent deadline should be aware of the consequences mentioned above.
    –---------------------------------------------------------------------------

    Cet e-mail à été le premier et ne sera pas le dernier. C’est un couteau dans le dos, un poing dans la face, car ce que ce mail dit entre les lignes c’est :
    –les chercheurs suisses à l’Université de Leeds ne compte plus comme membres de leurs équipes de recherche.
    –les chercheurs suisses à l’Université de Leeds peuvent continuer à travailler, mais ils ne peuvent pas être payés pour leur travail.

    Et d’autres conséquences tout aussi gravent se profilent.

    Lorsque j’ai commencé mon doctorat à Leeds, en tant que Suissesse ayant vécu plus de 9 mois au Royaume-Uni, j’ai bénéficié du statut de citoyenne d’un pays ami de l’Union Européenne. C’est-à-dire que non seulement j’ai pu m’installer au Royaume-Uni sans visa, mais j’ai pu être employée de l’université qui m’accueille sans visa pour acquérir l’expérience académique dont j’ai besoin pour la suite de ma carrière. Je peux également travailler en dehors de l’Université sans visa, ce qui me permet de gagner ma vie et contribue à payer mes études. Ces droits pourraient voler en éclat prochainement si la Suisse appliquait les quotas et que l’Union Européenne les appliquait en retour.

    En plus de cela, mon statut de citoyenne de pays ami de l’Union Européenne m’a permis de payer les frais d’inscriptions d’étudiante membre de l’Union Européenne, soit 4 à 5 fois moins chers que si je venais d’un pays tiers. N’ayons pas peur des chiffres Monsieur Blocher, puisque c’est tout ce à quoi vous accordez du crédit : je paye 4000£ par année au lieu de 20’000£.

    4’000£ c’est presque 6’000CHF par année. C’est dur, il faut les économiser et travailler pour les gagner, mais on y arrive. 20’000£ c’est 30’000CHF par année, soit un Doctorat à 120’000CHF. C’est certainement moins que votre salaire annuel, mais concrètement, si la jeune femme de la classe moyenne que je suis pouvait se payer un doctorat aux conditions de citoyenne de « pays ami », elle ne pourra certainement pas le terminer au conditions de citoyenne de « pays tiers ». Cela dépendra aussi de la capacité du gouvernement suisse à trouver prochainement à un accord avec l’Union Européenne pour contourner les conséquences de votre initiative.

    Vous allez dire que les études au Royaume-Uni sont un caprice de jeune fille de la classe moyenne, que je n’avais qu’à faire mes études en Suisse.

    Et bien il faut que vous sachiez que j’ai eu jusqu’à 5 emplois en même temps cette année. Je suis certes passionnée et c’est ce qui me pousse à m’investir dans mes études. Si je n’étais pas passionnée, je n’y arriverais pas. C’est dur un doctorat, c’est long, c’est beaucoup de pression et de solitude, on est loin de ceux qu’on aime, on a jamais ni le temps ni l’argent de rien car le doctorat engloutit beaucoup. Mais j’étudie à l’étranger parce-que je n’ai pas le choix, parce-que l’Angleterre m’a apporté des professeurs spécialistes du sujet qui me passionne que la Suisse n’aurait pas pu m’offrir. Et parce-que, comme les 99% des Suisses dont vous ne défendez pas les intérêts, je fais ce que je peux pour m’en sortir au mieux.

    « J’investis » aussi dans ce Doctorat car le monde du travail est de plus en plus précaire et que l’avenir des jeunes en Suisse est de plus en plus incertains. Et je pense sincèrement que les valeurs que l’UDC répand dans ce pays y sont pour beaucoup.

    J’étudie car les inégalités entre riches et pauvres se creusent, en Suisse, mais aussi autour de nous en Europe, car nous ne savons pas partager les richesses. J’étudie pour avoir un meilleur avenir et parce-que l’académie Britannique est « plus compétitive ». Votre parti est le chef de file des protectionnistes qui veulent faire de la Suisse une île financière, attirer les capitaux sans se soucier de ceux qui en sont dépossédés. On ne protègera pas les emplois en s’assayant sur des richesses qui ne sont pas à nous, Monsieur Blocher. Il faut que nous apprenions à les répartir, en Suisse et dans le monde. Vous prétendez protéger les travailleurs ? Protégeons-les tous, en Suisse, en Europe et ailleurs et nous n’aurons plus besoin de « craindre » les travailleurs étrangers. Vous prétendez protéger les Suisses mais vous ne protégez que l’argent de quelque-uns et vous êtes les premier à précariser le travail en Suisse.

    Je fais ce doctorat car je suis une femme et que le femmes ont plus de peine à trouver leur place dans un monde du travail précarisant. Ceci est d’autant plus le cas que votre parti met un énergie folle à détruire toutes les aides sociales qui peuvent soutenir une femme, de l’avortement à la garde des enfants.

    J’étudie à l’étranger car j’apprends à penser et écrire en plusieurs langues, et que cela me rend plus productive, plus créative et mieux connectée. Parce-que je n’avais pas le choix, mais aussi parce-que c’est bon pour moi et bon pour la Suisse. J’ai l’intime conviction que chaque étudiant qui étudie à l’étranger contribue un peu à changer la Suisse.

    Et c’est pour ça que vos déclarations me blessent profondément et me fâchent. Vous mentez, Monsieur Blocher. Erasmus n’est pas une question « d’avoir des problèmes » administratifs ou financiers. Ce que l’UDC défend c’est un monde injuste, pas seulement administrativement, mais idéologiquement.

    Ce que l’UDC défend, c’est un monde ou ceux qui ont de l’argent et le bras long vont à l’université où ils veulent et quand ils veulent et rien ne les empêchera, surtout pas le 9 février. Ce que l’UDC défend, c’est un monde de hiérarchie sociale où l’université ne sert qu’à la reproduction de la classe dominante, pas à penser. L’UDC s’en fiche que les universités suisses se referment sur elles-mêmes et perdent la qualité que les échanges internationaux leur apportaient, car l’UDC ne fait qu’instrumentaliser l’université. Ce que l’UDC défend, ce n’est pas les travailleurs de Suisse, c’est les gros capitaux en Suisse que cela mette en danger ou non des emplois. L’UDC n’en a rien a faire que des travailleurs et des étudiants galèrent en Pologne, en Espagne ou en Suisse. L’UDC veut juste protéger les nantis de Suisse contre le reste du monde en s’épargnant de se salir les mains avec des arguments racistes. Alors l’UDC embobine les travailleurs de Suisse pour leur faire porter le racisme à sa place.

    Je trouverai un moyen de finir mon doctorat Monsieur Blocher et je n’ai pas besoin de votre aide. Je ne vous demande même pas d’empathie. Mais ayez au moins la décence de reconnaître le désarroi dans lequel vous nous avez mis ceux que vous êtes sensés administrer et qui expriment leur tristesse. Ayez la politesse de reconnaître que vous avez plus de pouvoir qu’une poignée d’étudiant et de chercheurs, et que la défense de vos intérêts personnels mérite qu’on les dépossède de leurs moyens de subsistance. Reconnaissez que vous défendez vos intérêts et pas ceux des suisses.

    Marie-Avril Berthet
    Etudiante-chercheuse
    Université de Leeds, Royaume-Uni

    En lien avec cela :
    Christoph Blocher : « Si un étudiant a des problèmes, qu’il m’écrive ! »

    Minimisant l’exclusion des étudiants suisses du programme Erasmus, le conseiller national Christoph Blocher s’est dit prêt à aider les étudiants qui rencontrent des problèmes.

    En marge de la présentation du rapport sur la politique extérieure 2013 devant le Conseil national, le député UDC Christoph Blocher a minimisé l’impact des mesures prises par l’Union européenne après la votation du 9 février. L’UE a notamment gelé la participation de la Suisse au programme Erasmus.

    « Pouvez-vous me dire le nom d’un étudiant qui ne peut pas étudier à l’étranger dans les deux ans à venir ? Je n’en connais pas. Si un étudiant a des problèmes, qu’il m’écrive ! Je l’aiderai », a déclaré Christoph Blocher sur les ondes de la RTS.

    La Commission européenne a récemment annoncé que les étudiants suisses seront exclus du programme européen Erasmus+ à partir de la prochaine année académique 2014-2015, soit dès le semestre d’automne 2014, provoquant une vague de protestation en Suisse.

    http://www.rts.ch/info/suisse/5662385-christoph-blocher-si-un-etudiant-a-des-problemes-qu-il-m-ecrive.html

    #Blocher #immigration_de_masse #lettre #9février #initiative #UDC #Erasmus #recherche

    cc @reka

  • Le #non-accord avec la #Croatie menace #Erasmus et la #recherche

    La suspension de l’accord pour l’extension de la libre circulation à la Croatie risque de concrétiser les menaces européennes sur la participation #suisse aux accords Erasmus et sur la recherche.

    http://www.rts.ch/info/suisse/5617978-le-non-accord-avec-la-croatie-menace-erasmus-et-la-recherche.html

    #votation #initiative #9février #immigration_de_masse