• Une horreur et une errance sans fin. A Jabalia, le reportage inachevé de Fadi Al-Wahidi
    Par Cécile Andrzejewski et Samer Shalabi
    Sami Boukhelifa (RFI) a contribué à cet article.

    24 mars 2025 - Forbidden Stories
    https://forbiddenstories.org/fr/journaliste-fadi-al-wahidi-horreur-gaza

    En octobre 2024, l’armée israélienne opérait sa troisième incursion dans le camp de Jabalia depuis le début de la guerre à Gaza. Un déploiement d’une rare violence, qui a notamment coûté la vie à deux journalistes palestiniens et en a blessé deux autres. L’un d’eux, Fadi Al-Wahidi est désormais paralysé. Nous avons poursuivi son reportage, racontant les conditions de survie et d’exode des habitants de Jabalia. (...)

  • In One of the Gaza War’s Most Horrifying Nights, the Israeli Army Killed Nearly 300 Women and Children - Israel News - Haaretz.com
    https://www.haaretz.com/israel-news/2025-03-27/ty-article-magazine/.premium/in-one-of-the-gaza-wars-darkest-nights-the-idf-killed-nearly-300-women-and-children/00000195-d949-da7e-adb7-f9d9e5760000

    Enthusiasm reigned in Israel last week over a successful attack that was said to have wiped out hundreds of Hamas militants. But the testimony from Gaza tells a different story

    #sionisme #vitrine_de_la_jungle
    #horreur

  • L’enseignement supérieur au temps de l’IA...

    J’ai vécu mes premières soutenances « #IA_générative » cette année, c’était une expérience très perturbante. J’en parlerai plus en détail à l’occasion (parce que là : dodo), mais c’était totalement dingue.

    Or donc : dans une UE de master 2, nous demandons aux étudiant.e.s de lire un article scientifique (à choisir dans une liste constituée par nous, les enseignant.e.s).

    Iels doivent le comprendre, et ensuite nous restituer cela sous forme d’une présentation de 10 minutes où iels nous expliquent la problématique abordée, son contexte, l’état de l’art, la méthode proposée, la nature de l’évaluation des résultats, etc.

    Ils ont plusieurs semaines pour faire ça (genre au moins deux mois...)

    Evidemment, il y a toujours de supers étudiant.e.s qui ont tout pigé, sont super clair.e.s, répondent à nos question, et on est content.e.s... et des glandu.e.s qui n’ont pas fichu grand chose, qui ont une compréhension vague et superficielle de l’article, et finissent avec une pas très bonne note, bref, la vie d’enseignant.e.

    J’étais dans l’un des jurys qui a fait passer ces soutenances hier, et on a eu pour la première fois des présentations « systèmes d’IA génératifs » :

    Premier cas : la présentation n’est constitué que de gros blocs de texte (genre 10 lignes par diapo), que l’étudiant.e annone sans même regarder le jury.

    Pendant 10 minutes.

    Aucune illustration issue de l’article (ni de l’architecture du système proposé, du dispositif robotique expérimental utilisé pour les tests, ni des graphes et figures de résultats : rien), juste du texte.

    Et pas n’importe quel texte : juste un résumé très vague, disant à peine plus que le résumé des auteurs en début d’article.

    Le collègue et moi on a passé un très mauvais moment, c’était atroce d’assister à ça.

    Mon hypothèse : la personne n’a pas lu l’article, à demandé à ChatGPT de le résumer en deux pages et a ensuite copié-collé le résultat sur 10 diapos.

    Seule certitude après les questions : cette personne n’avait rien compris du papier.

    Deuxième exemple, et pire truc que j’aie jamais vu dans un tel examen : la présentation IA générative totale !

    Les diapos ont été générées par Gamma, aucun doute là dessus : c’était écrit dans un coin des slides.

    Je vous laisse visiter le site web qui correspond : https://gamma.app/fr

    En gros, vous fournissez du contenu, un système d’IA à la con vous génère des diapos.

    Le rêve humide de tout le middle-management linkedinien.

    Sauf que le contenu fourni devait aussi sortir de plusieurs systèmes d’IA générative :
    Un texte confus, vague, avec les bon mots-clefs mais un peu dans le désordre. Aucune équation, aucun algorithme, juste des fancy bullet points.
    Et des images, des putains d’images, sur chaque putain de diapos. De ces images atroces générées par des systèmes d’IA, avec ce style dégueulasse qu’on reconnait à 100 m.

    Un article scientifique en Intelligence Artificielle, pour celleux d’entre-vous qui n’en sont pas familier, ça regorge de contenu graphique : description du système avec des boîtes et des flèches, algorithme en pseudo-code, courbes de résultats...

    Bref, dans l’exercice dont je vous parle ce soir, il va de soi que ce contenu va être copié et intégré à la présentation, pour appuyer les explications.

    Là non : plein d’images, aucune issue de l’article.

    Et puis des diagrammes à la con, du genre un de ces trucs qui de loin ressemble à 4 axes avec éléments positionnés de manière qualitative, du genre le mème classique ci-dessous.

    Sauf que là les noms des axes ont un vague rapport avec l’article, et les items disposés sont des mots-clefs de l’article, mais qui n’ont aucun rapport avec les axes. Du pur charabia graphique qui sent son IA générative à plein nez.

    Et puis la personne qui parle, en mode linkedin x ChatGPT : les mots sont là, mais pas vraiment dans l’ordre. C’est vraiment comme quand tu demandes à ChatGPT de parler d’un sujet technique que tu connais bien : ça semble, superficiellement, parler du truc, mais rien n’est vraiment vrai, rien n’est clair, des truc à moitiés faux... à croire qu’on nous a envoyé non pas un humain, mais un androïde connecté à internet.

    J’oublie de préciser : sur l’unique diapo qui présente les résultats de l’article, il y a des bullet points (pas clairs, et mentionnant des chiffres dont je ne suis même pas sûr qu’ils soient dans l’article) et...

    ...

    une image générée par une IA représentant un graphe scientifique générique. Je vous le reproduis ci-dessous tellement j’ai halluciné.

    Il y a 10 figures de vrais résultats scientifique dans l’article, mais l’étudiant.e nous colle une fausse figure scientifique.

    Pour... Pour montrer à des scientifiques (nous, dans le jury) à quoi ressemble un graphe scientifique en général ?

    A quoi ça rime ?

    (à rien)

    Démonstration finale qu’on avait bien affaire à un LLM incarné et pas à un humain : doutant sérieusement de la compréhension du papier, et après quelques questions sans réponse, ou avec réponse fausse, je demande : « c’est quoi la fonction schmürz* ? »

    Le schmürz en question, c’est un truc hyper classique, utilisé dans l’article et que l’étudiant.e a mentionné plusieurs fois pendant la présentation confuse qui avait précédé les questions.

    * : cette fonction a demandé à garder l’anonymat

    Là, au lieu de dire juste « je sais pas », l’étudiant.e prend une craie se tourne vers le tableau et écrit « schmürz = » et s’arrête là.

    Comme si écrire ces deux mots allait nécessairement permettre de prédire le prochain item le plus probable et donc de finir l’explication...

    Ces deux spécimens se sont retrouvés dans une série de 4 soutenance vraiment pas terribles, à la pause qui a suivie, mon collègue et moi nous sommes demandés ce qui se passait, si s’en était fini de l’enseignement supérieur, si par hasard c’était pas une caméra cachée... on n’avait jamais vécu un truc pareil.

    https://mastodon.zaclys.com/@LegalizeBrain/113800866669708129

    #IA #AI #intelligence_artificielle #enseignement #université #fac #ESR #mémoires #chatGPT
    #horreur #peur

  • L’état du monde (1), les maux | Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/opinion/idees/806976/etat-monde-1-maux

    1. Un redoutable pouvoir prend forme depuis une vingtaine d’années avec les avancées d’un capitalisme mondialisé de plus en plus agressif. De nouveaux empires tentaculaires, arrogants, peuvent désormais tenir tête à des États très puissants et installer des sociétés entières dans la dépendance.

    2. La montée des réseaux sociaux, et plus largement l’éclatement du monde des communications, a supprimé ce qui était l’apanage des médias nationaux et régionaux, des médias de proximité qui fonctionnaient à l’intérieur de normes qu’on ne violait pas impunément. Comme dans l’économie, le nouvel univers médiatique a instauré le règne de géants qui n’ont guère de comptes à rendre, obéissant à la logique du profit et de l’exploitation. On sait ce qui en a résulté : un mépris de l’éthique, une infantilisation des publics et une manipulation des contenus axés sur le divertissement, une commercialisation à outrance de la violence et de la sexualité qui prend beaucoup les jeunes pour cible. Une troublante conception de la liberté s’est installée — Elon Musk qui défend le droit aux propos haineux sur sa plateforme ? 

    3. Aux #États-Unis, la NASA a perdu le monopole de l’exploration spatiale au profit de richissimes aventuriers comme Jeff Bezos, Elon Musk, Richard Branson et d’autres, qui ont trouvé là un nouveau terrain de jeu. L’#espace se transforme en une nouvelle frontière ouverte sans contrôle à l’exploitation et à la concurrence — c’est le nouveau Far West. On apprend qu’il est maintenant encombré de près de 11 000 satellites commerciaux qui viennent grossir une masse de débris. Résultat : le risque de collision avec des vaisseaux spatiaux suscite l’inquiétude ; les astrophysiciens peinent désormais à communiquer avec les télescopes pour conduire leurs observations. Nous sommes revenus au laisser-faire, au #chaos qui ont marqué la conquête (et la destruction) du « Nouveau Monde ».

    4. Pour diverses raisons, les #démocraties sont en déclin. Les analystes constatent une augmentation des gouvernances autoritaires, sinon dictatoriales. Parallèlement, et pour d’autres raisons, plusieurs États occidentaux se tournent vers une droite radicale, intolérante et raciste

    5. Les pressions grandissantes de l’#immigration jouent dans le même sens. Dans un nombre croissant de sociétés, l’immigrant passe mal. C’est d’autant plus troublant que, sous le double effet de la désertification et de la hausse des eaux des océans, les démographes entrevoient un immense déferlement de déplacés ou de réfugiés qui vont inévitablement se diriger vers l’ouest. Comment y seront-ils reçus ? Ce qu’on peut déjà voir laisse présager le pire (les #horreurs qui se déroulent en Libye, par exemple, avec la surprenante #complicité de l’Union européenne). 

    6. Chez les puissants qui devraient être au front de la bataille pour l’#environnement, que voit-on ? Trop souvent de l’inaction, du trompe-l’oeil, des engagements non tenus, de la mauvaise foi, et parfois un incroyable cynisme : la COP28, aux Émirats arabes unis, présidée par un propriétaire pétrolier ; l’Azerbaïdjan, autre État pétrolier, hôte de la COP29 (2024).

    7. Il n’existe guère plus d’autorités dont la voix pourrait encourager la modération (je n’ose pas dire : la sagesse). L’Organisation des Nations unies (#ONU) est devenue dysfonctionnelle (l’Afghanistan, ancien membre du Comité des droits de l’homme ; l’Iran, admis en 2021 au sein de la Commission de la condition de la femme…). On sait aussi que l’organisme est rongé par la #corruption et infecté par une fourmilière de lobbyistes. Personne ne paraît prendre au sérieux les sommations de son secrétaire général. On ne parlera pas des #États-Unis, qui se sont longtemps posés en #gendarme de la planète grâce à un #militarisme bien-pensant et qui ont perdu leur #crédibilité.

    8. Autre particularité du monde présent : les grands témoins, les phares qu’étaient Gandhi, Simone Weil, Hannah Arendt, Martin Luther King n’ont pas été remplacés. 

    9. Le trumpisme, qui a commencé à métastaser, se nourrit de tous les dérapages, de toutes les perfidies, de toutes les démissions et frustrations, de toutes les angoisses aussi. Qui aurait cru que le Canada, qui s’était beaucoup dépensé pour se draper dans un voile de discipline et de vertu, risquerait maintenant la #contagion ?

    10. Pour être exhaustif, il faudrait encore ajouter la résurgence de grands blocs et la menace qu’ils font peser sur la paix, les nombreux axes de #terrorisme, la banalisation de la #violence, la dissémination des #armes nucléaires, le racisme persistant, la discrimination envers les femmes et les enfants, des #religions qui s’affolent, la présence envahissante de la #misère et de l’errance au milieu de la surconsommation…

    Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a dit cette semaine : « Le monde entre dans une ère de chaos. » Il a précisé : trop de « colère », trop de « haine ». Le Conseil de sécurité « est paralysé ».

    Je me relis et je trouve que ce portrait est bien noir (il est vrai que je suis en train de relire Le pianiste). Et je m’interroge : est-ce que j’exagère ? N’y aurait-il pas des raisons d’espérer ? Et surtout, comment préparer les jeunes à un avenir qui semble à ce point compromis ?

  • #Gaza : l’#ONU déclare #Israël coupable d’#extermination, un #crime_contre_l’humanité

    Ce #rapport récent de l’ONU, véritable bréviaire d’#horreurs qui surpassent les « #atrocités » alléguées du 7 octobre tant en nature qu’en ampleur, malgré les dénégations de certains, accuse Israël d’#extermination_méthodique à Gaza, créant délibérément des conditions de vie visant à entraîner la #destruction du #peuple_palestinien en tant que groupe. Les responsables et médias occidentaux, qui continuent de parler de « #guerre » alors qu’il s’agit d’un #cas_d’école de #génocide, sont complices, œuvrant à invisibiliser le plus grand crime du siècle.

    –-

    Nations Unies

    Assemblée générale
    11 septembre 2024

    Soixante-dix-neuvième session
    Point 71 de l’ordre du jour provisoire (A/79/150)
    Promotion et protection des droits de l’homme

    Rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël

    Source : ONU

    Traduction Alain Marshal

    Note du Secrétaire général

    Le Secrétaire général a l’honneur de transmettre à l’Assemblée générale le rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, présenté conformément à la résolution S-30/1 du Conseil des droits de l’homme.

    Résumé

    La Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, soumet par la présente son troisième rapport à l’Assemblée générale. Le rapport examine le traitement des détenus et des otages ainsi que les attaques contre les installations et le personnel médicaux entre le 7 octobre 2023 et août 2024.

    Note du traducteur

    Dans ce rapport comme dans d’autres, les Palestiniens emprisonnés par les « forces de sécurité israéliennes » sont qualifiés de « détenus », même lorsqu’il s’agit d’arrestations arbitraires voire d’enfants, et les Israéliens capturés par les « groupes armés palestiniens » sont qualifiés d’ « otages », même quand il s’agit de soldats. Ce ne sont là que deux exemples de nombreux biais persistants qui amènent à prendre pour argent comptant la propagande israélienne génocidaire et à recycler ses éléments de langage, voire à renvoyer dos à dos une puissance régionale occupante et un peuple colonisé. Les crimes d’extermination et de génocide étaient flagrants dès la fin 2023, mais il a fallu attendre septembre 2024 pour que l’ONU puisse l’établir, uniquement parce qu’il s’agit d’Israël. Nous protestons contre cette conception dévoyée de « l’équité », omniprésente en Occident, et opposons à la partialité inavouée qui fait la part belle au récit israélien notre parti pris assumé pour les droits du peuple palestinien, qui nous a notamment valu une exclusion de la CGT. Par conséquent, nous ne traduisons pas les sections de ce rapport consacrés aux « crimes » imputés aux Palestiniens (20 paragraphes sur un total de 115), marquées par des ellipses entre crochets et identifiables avec la numérotation des paragraphes. Au sujet de la présence de ces biais jusque dans les rapports de l’ONU, lire Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre le Hamas sont infondées.

    I. Introduction et méthodologie

    1. Dans ce rapport, la Commission résume ses conclusions factuelles et juridiques concernant les attaques menées depuis le 7 octobre 2023 contre des installations et du personnel médicaux, ainsi que le traitement des détenus sous la garde d’Israël et des otages détenus par des groupes armés palestiniens. Il s’agit du deuxième rapport de la Commission sur les attaques survenues à partir du 7 octobre 2023 [1] — [Note du traducteur : nous ne traduisons pas les notes de bas de page, mais laissons leur numéro pour permettre de s’y référer dans le document original].

    2. La Commission a adressé neuf demandes d’informations et d’accès au gouvernement israélien, deux demandes d’informations à l’État de Palestine et une au ministère de la Santé à Gaza. L’État de Palestine et le ministère de la Santé à Gaza ont répondu, tandis qu’aucune réponse n’a été reçue de la part d’Israël.

    3. La Commission a appliqué la même méthodologie et le même niveau de preuve que lors de ses enquêtes précédentes [2]. Elle a consulté de multiples sources d’information, recueilli des milliers de documents en source ouverte et mené des entretiens, à distance comme en personne, avec des victimes et des témoins. Les matériaux en source ouverte ont été collectés conformément aux normes internationales de préservation des contenus en ligne et aux règles d’admissibilité des preuves numériques. Lorsque cela était nécessaire, ces matériaux ont été vérifiés par recoupement avec un large éventail de sources fiables et enrichis par des examens médico-légaux avancés. Ces derniers incluent l’authentification de supports visuels, l’analyse de la géolocalisation et de la chronolocalisation, l’extraction des métadonnées et la reconnaissance faciale.

    II. Cadre juridique applicable

    4. La Commission rappelle que le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Gaza, ainsi que le Golan syrien occupé, sont actuellement sous occupation belligérante par Israël. Cette situation est régie simultanément par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. [3] La Commission constate qu’Israël continue d’occuper Gaza, comme l’a confirmé la Cour internationale de justice en juillet 2024 [4], et qu’il a rétabli sa présence militaire dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. [5] En tant que puissance occupante, Israël est tenu de respecter les obligations découlant de la quatrième Convention de Genève, du droit international coutumier et du Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

    5. Dans son analyse juridique, la Commission s’est appuyée sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice dans l’affaire Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Dans cet avis, la Cour a conclu que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien occupé était illégale, en raison de l’exploitation constante de sa position de puissance occupante, de l’annexion et de l’imposition d’un contrôle permanent sur ce territoire, ainsi que du refus persistant de reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination [6]. La Commission exposera ses recommandations sur les modalités de mise en œuvre de cet avis consultatif dans un document de synthèse juridique. Les conclusions de l’enquête présentées dans ce rapport seront également utilisées dans des affaires portées devant la Cour, notamment l’affaire Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël).

    Lire à ce sujet la Plaidoirie de l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice : le comportement génocidaire d’Israël à Gaza et les intentions génocidaires d’Israël à Gaza

    III. Constatations factuelles [7]

    A. Attaques contre les installations et le personnel médicaux

    6. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre le 7 octobre 2023 et le 30 juillet 2024, Israël a mené 498 attaques contre des établissements de santé dans la bande de Gaza. Ces attaques ont causé directement la mort de 747 personnes et blessé 969 autres, touchant au total 110 installations [8]. L’OMS rapporte que 78 % des attaques survenues entre le 7 octobre 2023 et le 12 février 2024 ont été effectuées par la force militaire, 35 % ont consisté en des entraves à l’accès, et 9 % en des opérations militarisées de recherche et de détention. Ces attaques étaient généralisées et systématiques, débutant dans le nord de la bande de Gaza (d’octobre à décembre 2023), se poursuivant dans le centre (de décembre 2023 à janvier 2024), le sud (de janvier à mars 2024) et d’autres zones (d’avril à juin 2024). Les forces de sécurité israéliennes ont justifié ces attaques en affirmant que le Hamas utilisait les hôpitaux à des fins militaires, notamment comme centres de commandement et de contrôle.

    7. Les forces de sécurité israéliennes ont mené des frappes aériennes contre des hôpitaux, causant d’importants dégâts aux bâtiments et aux environs, ainsi que de nombreuses victimes. Elles ont encerclé et assiégé les locaux hospitaliers, empêché l’entrée de marchandises et de matériel médical, ainsi que la sortie et l’entrée de civils. Elles ont ordonné des évacuations tout en empêchant des évacuations sécurisées, et ont mené des raids dans les hôpitaux, procédant à l’arrestation de membres du personnel hospitalier et de patients. De plus, elles ont entravé l’accès des agences humanitaires.

    8. D’après le ministère de la Santé à Gaza, 500 membres du personnel médical ont été tués entre le 7 octobre 2023 et le 23 juin 2024 [9]. La Société du Croissant-Rouge palestinien a rapporté que 19 membres de son personnel ou bénévoles avaient été tués depuis le 7 octobre, tandis que de nombreux autres ont été détenus et attaqués. Les membres du personnel médical ont déclaré qu’ils estimaient avoir été intentionnellement pris pour cible.

    9. Des centaines de membres du personnel médical, dont trois directeurs d’hôpitaux et le chef d’un service orthopédique, ainsi que des patients et des journalistes, ont été arrêtés par les forces de sécurité israéliennes dans les hôpitaux Shifa, Nasr et Awdah lors d’offensives. Dans au moins deux cas, des membres du personnel médical de haut rang sont morts en détention israélienne (voir paragraphes 70-72). Au 15 juillet, 128 travailleurs de la santé seraient toujours détenus par les autorités israéliennes, dont quatre membres du personnel de la Société du Croissant-Rouge palestinien.

    10. Au 15 juillet, 113 ambulances avaient été attaquées, et au moins 61 avaient été endommagées [10]. La Commission a documenté des attaques directes visant des convois médicaux opérés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les Nations Unies, la Société du Croissant-Rouge palestinien et des organisations non gouvernementales. L’accès a également été entravé par le bouclage de zones par les forces de sécurité israéliennes, des retards dans la coordination des itinéraires sûrs, des postes de contrôle, des fouilles ou la destruction de routes.

    11. La Commission a enquêté sur l’attaque du 29 janvier à Tall al-Hawa visant une famille palestinienne et une ambulance du Croissant-Rouge palestinien appelée à leur secours. La famille comprenait deux adultes et cinq enfants, dont Leyan Hamada, 15 ans, et Hind Rajab, 5 ans. Ils ont été attaqués alors qu’ils tentaient d’évacuer les lieux à bord de leur voiture. L’ambulance, transportant deux ambulanciers, Yousef Zeino et Ahmed al-Madhoun, a été dépêchée après que son itinéraire a été coordonné avec les forces de sécurité israéliennes. Elle a été touchée par un obus de char à environ 50 mètres de la voiture de la famille. Hind était encore en vie au moment de l’envoi de l’ambulance. La présence des forces de sécurité israéliennes dans la zone a empêché l’accès, et les corps des membres de la famille n’ont pu être retirés de leur voiture criblée de balles que 12 jours après l’incident. L’ambulance a été retrouvée détruite à proximité, avec des restes humains à l’intérieur.

    12. Au 15 juillet, sur les 36 hôpitaux de Gaza, 20 étaient totalement hors service, et seuls 16 fonctionnaient encore partiellement [11] avec une surpopulation extrême et une capacité d’accueil réduite à seulement 1 490 lits [12].

    13. Les attaques et la destruction des hôpitaux, combinées à l’ampleur des blessures traumatiques dans la bande de Gaza, ont submergé les installations médicales restantes, provoquant l’effondrement du système de soins de santé. Le siège de Gaza, entraînant notamment une pénurie de carburant et d’électricité, a gravement affecté le fonctionnement des infrastructures médicales et réduit la disponibilité d’équipements vitaux, de fournitures médicales et de médicaments. Cette situation a privé de soins les patients atteints de maladies chroniques, causant des complications et des décès évitables. Les installations ont souffert d’un manque d’eau potable et d’assainissement, de systèmes de communication endommagés ou limités, d’un personnel insuffisant et de l’absence de services de santé publique.

    14. Les hôpitaux ont également servi d’abris pendant les hostilités, entraînant une surpopulation accrue et un risque supplémentaire pour les civils s’y réfugiant lors des attaques. Cette surpopulation a été particulièrement notable dans les hôpitaux Shifa’ et Quds, qui ont respectivement accueilli 50 000 et 12 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays.

    15. Des installations médicales en Cisjordanie ont également été ciblées. L’OMS a recensé 520 attaques contre des établissements de santé entre le 7 octobre 2023 et le 30 juillet 2024, faisant 23 morts et 100 blessés [13] La Société du Croissant-Rouge palestinien a signalé une augmentation des recours à une force excessive, des menaces et du harcèlement visant ses équipes d’ambulanciers. Le 30 janvier, des forces israéliennes déguisées en personnel médical et en femmes palestiniennes civiles ont fait une descente à l’hôpital Ibn Sina de Jénine, tuant intentionnellement trois hommes palestiniens.

    16. Plusieurs installations médicales et personnels soignants en Israël ont été attaqués entre le 7 et le 11 octobre par des groupes armés palestiniens. Le 7 octobre, un ambulancier a été tué par des membres de groupes armés palestiniens alors qu’il prodiguait des soins à des blessés dans une clinique dentaire du kibboutz de Be’eri [14] Par ailleurs, l’hôpital Barzilai à Ashkelon a été visé par deux attaques à la roquette, l’une survenue le 8 octobre et l’autre le 11 octobre. Selon des sources israéliennes, 17 ambulances ont été endommagées à divers endroits [15] Plusieurs sources rapportent qu’une ambulance présente au festival Nova le 7 octobre a été prise pour cible par des groupes armés palestiniens, entraînant la mort des 18 personnes qui s’étaient réfugiées à l’intérieur [16] Dans au moins un cas documenté par la Commission, le 7 octobre, une ambulance israélienne a transporté du personnel des forces de sécurité israéliennes. [Note du traducteur : ce paragraphe semble ignorer le fait que les roquettes, dépourvues de système de guidage contrairement aux missiles, ne sauraient être utilisées contre des cibles précises, et ignore le recours établi à la directive Hannibal par Tsahal le 7 octobre, établi par un autre rapport de l’ONU que nous traduirons prochainement, consistant à éliminer ses ressortissants – et leurs ravisseurs – pour empêcher qu’ils tombent vivants entre les mains de la résistance palestinienne (voir cet article d’Haaretz : La vérité sur le 7 octobre : Tsahal a déclenché la directive Hannibal) ; la dernière phrase établit que les accusations d’Israël contre le Hamas sont des confessions de ses propres pratiques].

    17. Israël a également considérablement réduit l’approbation des autorisations permettant de quitter Gaza pour des traitements médicaux, empêchant principalement les patients d’accéder aux hôpitaux de Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Entre octobre 2023 et le 20 juin 2024, seuls 5 857 des 13 872 patients ayant demandé une évacuation médicale via le point de passage de Rafah ont obtenu une autorisation. Seules 54 % des demandes d’évacuation des patients atteints de cancer ont été approuvées durant cette période [17]. En juillet, Israël a retardé l’évacuation de 150 enfants de la bande de Gaza ayant besoin de soins médicaux spécialisés.

    Constatations sur les attaques des forces de sécurité israéliennes contre des hôpitaux spécifiques

    18. La Commission a enquêté sur les attaques menées contre quatre hôpitaux situés dans différentes zones de la bande de Gaza : le complexe médical Nasr (ci-après « hôpital Nasr »), ainsi que les hôpitaux Shifa’, Awdah et de l’Amitié turco-palestinienne (ci-après « hôpital turc »). Ces établissements comprennent deux grands complexes médicaux ainsi que des hôpitaux offrant des soins spécialisés tels que l’obstétrique, la pédiatrie et l’oncologie. La Commission a conclu que les forces de sécurité israéliennes ont attaqué ces installations de manière similaire, ce qui suggère l’existence de plans et de procédures opérationnels visant les structures de santé.

    19. Bien que les forces de sécurité israéliennes aient émis des ordres d’évacuation pour ces hôpitaux, la Commission a constaté que ces ordres étaient irréalisables, non coordonnés et impossibles à exécuter en toute sécurité. Dans certains cas, les administrations des hôpitaux n’ont eu que quelques heures pour évacuer des centaines de patients. Les forces israéliennes n’ont apporté aucune aide à l’évacuation sécurisée des patients. Selon plusieurs sources, il était impossible de procéder à des évacuations complètes sans mettre en danger la vie des patients. À l’hôpital Awdah et à l’hôpital pédiatrique Nasr, les forces de sécurité israéliennes ont refusé les demandes du personnel médical visant à faciliter la circulation des ambulances pour rendre l’évacuation plus fluide, ce qui a entraîné des conditions dangereuses. Les patients de ces hôpitaux, notamment ceux des unités de soins intensifs et les blessés graves, nécessitaient une prise en charge particulière pendant leur transport.

    20. La Commission a reçu des rapports faisant état du ciblage délibéré et direct d’hôpitaux, y compris des hôpitaux Awdah, Shifa’ et Nasr, par des tirs de snipers. Par exemple, le 13 février, les forces de sécurité israéliennes ont ordonné l’évacuation de l’hôpital Nasr. Peu après, un détenu palestinien menotté et vêtu d’une combinaison de protection blanche a été vu à l’intérieur de l’hôpital. Il aurait été contraint par les forces israéliennes d’ordonner aux personnes présentes d’évacuer. En quittant l’hôpital, il aurait été abattu par les forces de sécurité israéliennes.

    21. À partir du 6 novembre 2023, des attaques répétées contre les hôpitaux Shifa’ et Nasr, y compris des attaques spécifiquement dirigées contre la maternité et l’unité de soins intensifs de l’hôpital Shifa’, ont entraîné la fermeture totale ou quasi-totale de ces établissements. Ces fermetures ont eu de graves répercussions sur les autres hôpitaux de Gaza, déjà débordés, en raison du rôle central de ces deux hôpitaux dans le système de santé global. Des images satellites des hôpitaux Shifa’ et Nasr, prises respectivement le 4 avril et le 12 mars, montrent que les sites de ces hôpitaux ainsi que les routes environnantes ont été gravement endommagés.

    22. Selon le bureau des médias des autorités de facto à Gaza, plus de 500 corps ont été découverts dans des fosses communes situées sur les terrains des hôpitaux, notamment ceux de Shifa’ et de Nasr. Des images satellites datées du 23 avril montrent au moins deux fosses communes possibles à l’hôpital Nasr. Les autorités de facto à Gaza ont déclaré que plusieurs corps avaient été retrouvés dénudés et menottés, ce qui suggère que les victimes aient pu être exécutées. Un témoin ayant participé à l’exhumation des corps près de l’hôpital Nasr a déclaré à la Commission avoir vu des corps présentant des blessures par balle à la tête ou au cou. Les forces de sécurité israéliennes ont nié avoir enterré des corps dans des fosses communes, tout en reconnaissant que des soldats cherchant les corps d’otages avaient exhumé certaines fosses communes.

    23. Le 1er novembre, l’hôpital turc a cessé de fonctionner en raison des dégâts causés par les frappes aériennes des 30 et 31 octobre, ainsi que du manque de carburant et d’électricité, ce qui a entraîné la mort de plusieurs patients, notamment en raison d’un manque d’oxygène. Le gouvernement turc, qui finance l’hôpital, a condamné ces attaques, affirmant que les coordonnées de l’établissement avaient été communiquées à l’avance aux forces de sécurité israéliennes. Depuis novembre, les forces de sécurité israéliennes occupent l’hôpital, situé dans le corridor de Netzarim sous contrôle israélien, et l’utilisent comme base pour mener des opérations. Des images satellites de cette période montrent la construction de digues de protection et des dégâts progressifs causés par des bulldozers à certaines parties de l’hôpital. Des vidéos postées sur la plateforme X (anciennement Twitter) montrent plusieurs véhicules militaires israéliens à l’intérieur de l’hôpital et des forces de sécurité israéliennes célébrant une fête religieuse dans l’enceinte de l’établissement.

    24. L’hôpital turc était le seul établissement spécialisé en oncologie à Gaza. Depuis sa fermeture, environ 10 000 patients atteints de cancer n’ont plus accès à un traitement. En conséquence, plusieurs d’entre eux sont décédés faute de soins appropriés.

    25. L’hôpital d’Awdah, principal prestataire de soins en santé reproductive dans le nord de Gaza, a été pris pour cible à plusieurs reprises par les forces de sécurité israéliennes entre novembre 2023 et janvier 2024, puis de nouveau en mai. Cela s’est produit alors que les autorités israéliennes avaient reçu les coordonnées géographiques de l’hôpital de la part de MSF (Médecins sans frontières), qui avait informé toutes les parties qu’il s’agissait d’un hôpital en état de fonctionnement. Trois médecins, dont deux affiliés à MSF, ont été tués lors d’une attaque le 21 novembre. En décembre, l’hôpital a été assiégé, avec environ 250 personnes piégées à l’intérieur, confrontées à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments. Pendant le siège, tous les hommes âgés de plus de 15 ans ont reçu l’ordre de sortir de l’hôpital en sous-vêtements, et plusieurs membres du personnel médical, y compris le directeur de l’hôpital, ont été arrêtés. Plusieurs personnes, dont des membres du personnel médical et une femme enceinte, auraient été tuées par des tireurs embusqués.

    26. Jusqu’à la fin du mois de février, l’hôpital d’Awdah, qui abritait l’une des rares maternités encore fonctionnelles dans le gouvernorat de Gaza-Nord, était partiellement opérationnel, accueillant des patientes en couches bien au-delà de sa capacité. L’hôpital aurait pris en charge 15 577 patientes en maternité entre le 7 octobre et le 23 décembre, avec seulement 75 lits disponibles. Le 27 février, l’administration de l’hôpital a annoncé une cessation partielle de ses activités, en raison du manque de carburant, d’électricité et de fournitures médicales. Cette fermeture partielle a eu des conséquences désastreuses sur les services de santé dans le gouvernorat de Gaza-Nord, en particulier pour les patientes en maternité.

    Allégations d’utilisation des hôpitaux à des fins militaires

    27. Les forces de sécurité israéliennes ont affirmé que plus de 85 % des principaux établissements médicaux de Gaza étaient utilisés par le Hamas pour des opérations terroristes, sans toutefois fournir de preuves à l’appui de cette affirmation [18]. Elles ont également allégué l’existence de tunnels situés sous les hôpitaux ou les reliant, affirmant que le Hamas y stockait des armes, dissimulait du personnel et y dirigeait des quartiers généraux. Selon ces forces, le Hamas et le Jihad islamique palestinien auraient tiré des coups de feu depuis les locaux des hôpitaux et y auraient retenu des otages, soit dans les hôpitaux eux-mêmes, soit dans des tunnels situés en dessous. Le Hamas a nié ces allégations à plusieurs reprises. Plusieurs otages libérés ont toutefois déclaré publiquement avoir été détenus dans un hôpital (voir paragraphe 77 [Note du traducteur : ce paragraphe fait notamment état d’Israéliens blessés et emmenés dans des hôpitaux pour y être soignés…]). La Commission a interrogé des cadres du personnel médical qui ont réfuté toute activité militaire, insistant sur le fait que les hôpitaux n’avaient pour seule fonction que de soigner les patients.

    28. En octobre, les forces de sécurité israéliennes ont déclaré que l’enceinte de l’hôpital Shifa’ et les infrastructures souterraines situées en dessous étaient utilisées par le Hamas comme quartier général militaire. Elles ont diffusé des images montrant un réseau de tunnels supposément situé sous l’hôpital Shifa’ et employé par le Hamas à des fins militaires, ainsi qu’un puits de tunnel à environ 100 mètres du bâtiment principal, près d’une clôture. Lors d’une attaque menée en mars, ces forces ont affirmé avoir découvert de grandes quantités d’armes à l’intérieur de l’hôpital, y compris dans la maternité, et ont publié des photos de caches d’armes qui auraient été trouvées sur place. En février, elles avaient fait des déclarations similaires concernant l’hôpital Nasr, accompagnées de vidéos montrant prétendument des caches d’armes [Note du traducteur : bien des médias ont souligné les incohérences de ces images diffusées par Israël, indiquant que ces armes pouvaient très bien avoir été placées par l’armée d’occupation, voir entre autres cet article de CNN].

    29. La Commission a documenté un échange de tirs dans et autour des locaux de l’hôpital Shifa’, qui a débuté le 18 mars 2024, premier jour du raid des forces de sécurité israéliennes sur l’hôpital, et s’est poursuivi jusqu’à la fin du mois. Des vidéos diffusées par le Hamas montrent des membres des forces de sécurité israéliennes sur le toit de l’hôpital, libérant un drone de surveillance [Note du traducteur : C’est donc bel et bien Israël qui se sert d’hôpitaux pour ses opérations militaires]. Les images capturées par un drone des forces israéliennes montrent des échanges de tirs à l’intérieur de l’enceinte de l’hôpital et à l’entrée principale. Un grand nombre de patients, de membres du personnel médical et de déplacés internes se trouvaient alors dans l’hôpital.

    Soins de santé reproductive

    30. Les attaques directes contre les établissements de santé, y compris ceux dédiés aux soins de santé sexuelle et reproductive, ont affecté environ 540 000 femmes et filles en âge de procréer à Gaza. En avril, il a été rapporté que seuls deux des 12 hôpitaux partiellement fonctionnels offrant des soins dans ce domaine étaient en mesure de dispenser de tels services. Les attaques ciblant les principales maternités des hôpitaux Shifa’ et Nasr les ont rendues inopérantes. Plusieurs établissements désignés spécifiquement comme centres de santé sexuelle et reproductive, tels que la maternité Emirati, l’hôpital Awdah et l’hôpital Sahabah, ont été directement visés ou contraints de cesser leurs activités. Parallèlement, des services de maternité dans d’autres hôpitaux, notamment celui de l’hôpital Aqsa en janvier, ont été fermés. En décembre 2023, le centre de fertilité Basmah, la plus grande clinique de fécondation in vitro de Gaza, a été la cible directe de frappes aériennes qui auraient détruit environ 3 000 embryons.

    31. La Commission a documenté des conditions dangereuses pour les femmes accouchant dans les hôpitaux, caractérisées par un manque de personnel spécialisé, de médicaments et d’équipements. Les professionnels de santé ont souligné les défis immenses posés par la gestion de la douleur et la prévention des infections, les hôpitaux manquant souvent de fournitures essentielles telles que périduraux, anesthésiques et antibiotiques. Un spécialiste des urgences ayant travaillé à l’hôpital Nasr en janvier a décrit des difficultés majeures pour diagnostiquer et traiter les femmes enceintes en raison de l’absence de tests de laboratoire fiables ou d’équipements adéquats, ce qui a entraîné des complications évitables. Les obstétriciens ont rapporté que de nombreuses femmes recevaient des soins obstétriques très insuffisants et que plusieurs souffraient d’infections vaginales non traitées, susceptibles de provoquer des naissances prématurées, des fausses couches ou une stérilité. Le personnel médical a signalé des patientes en maternité souffrant de malnutrition, de déshydratation, d’infections diverses et d’anémie.

    32. Les femmes sont de plus en plus souvent contraintes d’accoucher dans des conditions dangereuses, que ce soit à domicile, dans des abris ou des camps, avec peu ou pas de soutien médical. Cela accroît le risque de complications entraînant des séquelles à vie ou des décès. Les perturbations des services d’électricité et de télécommunications ont rendu inaccessibles les lignes d’urgence dédiées aux accouchements à domicile, aggravant les dangers pour les femmes. Le maintien du siège et des hostilités a également entravé la distribution de kits d’accouchement sécurisés aux femmes enceintes.

    33. Une forte augmentation des admissions en urgence a entraîné une dépriorisation des soins de santé génésique dans les rares établissements médicaux encore opérationnels. Les patientes en post-partum et leurs nouveau-nés n’ont pas eu le temps de se rétablir après l’accouchement. Elles ont été renvoyées quelques heures après, encore fragiles physiquement et mentalement, pour libérer des places pour de nouvelles admissions. Environ 60 000 patientes en maternité n’ont pas été suivies de manière adéquate en raison de l’absence de soins prénatals et postnatals.

    34. Les hostilités ont eu un impact psychologique grave sur les femmes enceintes, en post-partum et allaitantes, en raison de leur exposition directe aux conflits armés, des déplacements, de la famine et de la mauvaise qualité des soins de santé. Les urgences obstétriques et les naissances prématurées auraient considérablement augmenté à cause du stress et des traumatismes. Une hausse des fausses couches, atteignant jusqu’à 300 %, a été signalée depuis le 7 octobre. Les experts ont déclaré à la Commission que les effets à long terme de ces conditions précaires, tant psychologiques que physiques, sur les femmes, les nouveau-nés et leurs familles, restent inconnus.

    Soins pédiatriques

    35. Les experts médicaux ont déclaré à la Commission que la destruction des infrastructures médicales, le manque de fournitures et le ciblage des personnels de santé ont compromis l’accès des enfants aux soins de base et aux traitements essentiels, entrainant ainsi des conséquences directes et indirectes sur leur santé à Gaza. Des enfants ont été tués lors d’attaques directes contre des hôpitaux. Les équipes médicales ont noté que le nombre élevé de décès parmi les enfants est probablement dû au fait qu’ils représentent la majorité des patients hospitalisés pour des traumatismes contondants et pénétrants.

    36. Les professionnels de santé ont également signalé avoir soigné des enfants blessés par des tirs directs, indiquant qu’ils avaient été spécifiquement pris pour cible. Ils ont souligné que traiter ces blessures était particulièrement difficile en raison du manque de fournitures médicales de base et des mauvaises conditions d’hygiène. La Commission avait précédemment noté que les enfants étaient particulièrement vulnérables aux décès et blessures en raison de leur âge, de leur stade de développement et de leur petite taille [19]. Les enfants étaient opérés sans soins préopératoires ni postopératoires, augmentant ainsi les risques d’infections, y compris par des insectes et parasites, ce qui entraînait des complications, voire des décès dans certains cas.

    Lire également : A Gaza, « un nombre incroyable d’enfants abattus d’une balle dans la tête »

    37. Les attaques contre les établissements de santé ont également eu des effets indirects graves sur la santé des enfants, augmentant de manière significative la mortalité et la morbidité infantiles. Les attaques contre les hôpitaux pédiatriques de Gaza, notamment les hôpitaux Rantisi et Nasr, ainsi que contre des hôpitaux plus grands, ont forcé les enfants atteints de maladies préexistantes à chercher des soins dans des établissements plus petits, dépourvus de personnel spécialisé et d’équipements pédiatriques adaptés. Un médecin de l’hôpital Ahli a déclaré que cet établissement manquait des médicaments et de l’expertise nécessaires pour traiter des cas médicaux complexes chez les enfants, tels que l’asthme sévère ou l’épilepsie.

    38. En juin, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a estimé que près de 3 000 enfants souffrant de malnutrition risquaient de mourir en raison de la pénurie alimentaire dans le sud de Gaza. La situation a été aggravée par les attaques incessantes contre les installations de santé. Seuls deux des trois centres de stabilisation pour traiter les enfants malnutris dans la bande de Gaza, l’un dans le gouvernorat de Gaza-Nord et l’autre dans celui de Deir al-Balah, étaient opérationnels. L’hospitalisation prolongée d’enfants privés d’une alimentation adéquate et vivant dans un environnement malsain a également été liée à la malnutrition. Un pédiatre a estimé que les enfants vivant à l’hôpital pendant de longues périodes sans accès à une alimentation appropriée souffriraient de carences nutritionnelles, avec des conséquences sanitaires à long terme. L’effondrement du système de santé a également entravé la capacité à fournir des vaccins. Les enfants de moins de cinq ans risquent de contracter la poliomyélite faute de vaccination. Le 16 août, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé le premier cas de polio en 25 ans. En septembre 2024, les deux parties ont accepté une brève pause humanitaire afin de permettre une campagne de vaccination contre la polio dans la bande de Gaza [20].

    39. Les hôpitaux de Gaza ne sont plus en mesure d’offrir des soins en santé mentale et disposent de peu de personnel spécialisé pour traiter les enfants souffrant de troubles psychologiques, y compris ceux ayant des pensées suicidaires ou d’automutilation.

    40. Les médecins ont informé la Commission que, en raison des attaques contre les installations médicales et des options de traitement limitées, les nourrissons et enfants de Gaza risquent de souffrir de séquelles tout au long de leur vie. Parmi les complications à court terme, on peut citer l’incapacité des nourrissons à atteindre les étapes du développement moteur au cours de leur première année. À moyen terme, ces enfants pourraient être incapables de développer la parole ou d’atteindre les étapes du langage, et leurs capacités cognitives pourraient être gravement affectées à long terme. Un médecin a résumé la situation en déclarant que l’essence même de l’enfance a été détruite à Gaza.

    Traitement des détenus par les autorités israéliennes

    41. Entre le 7 octobre 2023 et juillet 2024, Israël a arrêté plus de 14 000 Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est [21]. Parmi eux, environ 4 000 Palestiniens ont été arrêtés à Gaza, dont beaucoup ont été transférés en Israël pour y être interrogés. De plus, des centaines de membres de groupes armés palestiniens ont été arrêtés les 7 et 8 octobre à l’intérieur d’Israël. Les personnes arrêtées à Gaza et transférées en Israël ont principalement été appréhendées en vertu de la loi sur l’incarcération des combattants illégaux. Elles sont détenues dans des installations militaires, principalement au camp de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, bien que certaines aient été transférées dans des établissements administrés par l’administration pénitentiaire israélienne. Des milliers de personnes originaires de Cisjordanie ont été arrêtées sur ordre de l’armée. De plus, des milliers de travailleurs palestiniens de Gaza présents légalement en Israël le 7 octobre ont été détenus dans le centre d’Anatot en Cisjordanie, géré par l’armée. En novembre, environ 3 000 travailleurs détenus ont été libérés et renvoyés à Gaza à la suite d’une requête déposée auprès de la Haute Cour de justice d’Israël.

    Arrestations et détentions arbitraires [22]

    42. Des milliers de Palestiniens, principalement des hommes, ont été arrêtés lors d’opérations militaires israéliennes et d’attaques à Gaza et en Cisjordanie, y compris des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, du personnel médical, des patients, des membres du personnel des Nations unies et des proches de suspects. Des garçons ont également été arrêtés. Nombre d’entre eux n’ont pas été informés des raisons de leur arrestation. Les détenus libérés ont déclaré avoir été interrogés sur leur possible implication dans les hostilités, y compris leur affiliation au Hamas, ainsi que sur l’emplacement des otages israéliens. Plusieurs femmes défenseures des droits de l’homme, journalistes et politiciennes de Cisjordanie ont également été arrêtées et détenues sous l’accusation d’« incitation au terrorisme ».

    43. Les responsables israéliens ont affirmé qu’après un contrôle de sécurité et un interrogatoire, « les personnes établies comme non impliquées dans des activités terroristes sont libérées et renvoyées dans la bande de Gaza [...] aussi rapidement que possible » [23] Toutefois, la Commission a constaté qu’Israël continuait de détenir des personnes, même après avoir effectué les contrôles de sécurité et déterminé qu’elles ne constituaient pas une menace réelle. Parmi ces détenus se trouvaient des personnes âgées, des malades chroniques, des femmes enceintes, des enfants, du personnel médical, ainsi que des détenus appelés « shawish », qui étaient maintenus en détention pour servir d’intermédiaires ou de traducteurs entre les gardes et d’autres détenus ou travailleurs de Gaza [Note du traducteur : cet article de Haaretz établit que les « shawish » sont surtout utilisés par l’armée israélienne comme boucliers humains].

    44. Selon des sources officielles israéliennes, les détenus de Gaza sont entendus, interrogés ou contrôlés par un officier supérieur des forces de sécurité israéliennes « dans un délai de 7 à 10 jours », tandis que la détention des Palestiniens de Cisjordanie est examinée par un juge militaire. La Commission note que de nombreux détenus libérés affirment ne toujours pas connaître la raison de leur arrestation, ce qui laisse supposer qu’ils n’ont pas été entendus ou, si une telle procédure a eu lieu, qu’ils n’ont pas compris la procédure.

    Disparitions forcées

    45. Les autorités israéliennes n’ont pas divulgué les noms des milliers de Palestiniens arrêtés à Gaza depuis le 7 octobre, ni leur lieu de détention, y compris en réponse à plusieurs demandes en habeas corpus soumises à la Haute Cour de justice. Les garanties minimales contre les disparitions forcées ont été supprimées à la suite de l’interdiction récente des visites du CICR et de nouveaux amendements aux lois sur l’incarcération des combattants illégaux, qui empêchent toute révision judiciaire de la détention pendant jusqu’à 75 jours et interdisent les visites d’avocats pendant jusqu’à 90 jours, en attendant l’approbation d’un tribunal. Cette situation perdure, bien que les autorités israéliennes aient fourni une adresse électronique censée faciliter les visites d’avocats pour les détenus de Gaza. Au 15 juillet, la Commission n’avait connaissance que d’un seul cas où un avocat avait été autorisé à rendre visite à un détenu de Gaza dans le camp de Sde Teiman.

    Libération des détenus

    46. Les détenus de Gaza sont libérés par les forces de sécurité israéliennes au point de passage de Kerem Shalom sans qu’aucune procédure n’ait été mise en place pour leur assurer des soins médicaux ou un soutien. Cette pratique a eu un effet particulièrement néfaste sur les enfants. La Commission note que la procédure suivie par les autorités israéliennes pour la libération des enfants détenus a contribué à ce que les enfants de la bande de Gaza soient séparés de leur famille, parce qu’ils reviennent non accompagnés, avec une capacité limitée à localiser leur famille ou à communiquer avec elle. Les enfants détenus libérés ont montré des signes de détresse psychologique et de traumatisme extrêmes.

    47. Les détenus palestiniens qui étaient initialement détenus dans les régions du nord de Gaza ont ensuite été libérés dans les régions du sud, loin de leurs maisons et de leurs familles. L’interdiction imposée par les forces de sécurité israéliennes de retourner dans le nord de la bande de Gaza et les attaques contre les civils qui tentent de retourner dans le nord ont entravé le retour des détenus dans leurs lieux d’origine et l’unification des familles.

    Mauvais traitements lors des arrestations et des transferts

    48. La Commission a reçu de nombreux rapports faisant état de détenus déshabillés, transportés nus, les yeux bandés, menottés de manière suffisamment serrée pour provoquer des blessures et des gonflements, frappés à coups de pied, battus, agressés sexuellement et soumis à des insultes religieuses et des menaces de mort, et dont les biens ont été endommagés lors de leur arrestation et de leur transfert vers des centres de détention en Israël et en Cisjordanie [24].

    49. La Commission a constaté des mauvais traitements lors du transfert des détenus de la bande de Gaza vers les centres de détention en Israël et en Cisjordanie et lors du transfert entre les centres. Un détenu libéré a déclaré à la Commission qu’il avait été giflé et menacé par un interrogateur des forces de sécurité israéliennes dans une « zone de rassemblement » située à l’extérieur de la base militaire de Zikim. L’interrogateur lui a dit : « Je vais te tuer et je peux te faire disparaître. Tu ne verras plus le soleil et personne ne saura où tu es ». Un autre détenu libéré a déclaré à la Commission que les détenus étaient sévèrement battus pendant le trajet entre les installations militaires et celles de l’administration pénitentiaire israélienne. Il a noté qu’un détenu avait reçu un coup de poing dans la mâchoire si fort que plusieurs de ses dents avaient été cassées.

    50. Le 22 juin 2024, dans le quartier de Jabariyat à Jénine, en Cisjordanie, les forces de sécurité israéliennes ont tiré sur deux Palestiniens et les ont blessés. Les blessés ont ensuite été arrêtés et transportés sur le capot de véhicules militaires blindés, alors que les tirs se poursuivaient dans la zone. L’un des détenus est passé devant au moins trois ambulances sans être transféré pour un traitement médical. La Commission a également recueilli des informations indiquant que les forces de sécurité israéliennes avaient forcé des détenus à pénétrer dans des tunnels et des bâtiments à Gaza avant les soldats chargés de nettoyer les lieux. La Commission a observé que des membres des forces de sécurité israéliennes utilisaient des détenus palestiniens pour se protéger des attaques.

    Mauvais traitements dans les centres de détention gérés par l’armée

    51. La Commission a vérifié des informations faisant état de mauvais traitements généralisés et institutionnalisés infligés à des détenus de Gaza, y compris des garçons, dans le camp de détention militaire de Sde Teiman, où tous les détenus de Gaza ont été initialement incarcérés depuis le 8 octobre. Les détenus avaient les yeux bandés et étaient menottés en permanence par le personnel des forces de sécurité israéliennes. Ils étaient confinés dans de grandes cellules de fortune surpeuplées et contraints de s’agenouiller dans des positions de stress pendant des heures, tout en n’ayant pas le droit de parler. Ils n’ont pas eu accès aux toilettes et aux douches, et nombre d’entre eux ont été contraints de porter des couches. Ils ont été battus, notamment avec des matraques et des bâtons de bois, même lorsqu’ils étaient immobilisés, et ont fait l’objet d’intimidations et d’attaques de la part de chiens. Les détenus ont indiqué qu’ils dormaient sur de minces matelas à même le sol, avec seulement de légères couvertures pour se couvrir, même pendant les mois d’hiver, et qu’ils étaient privés de sommeil. Ils n’étaient autorisés à dormir que quatre à cinq heures par nuit, la lumière restant allumée en permanence. Ils n’avaient pas le droit de dormir pendant la journée. Les détenus ont fait état d’un accès limité aux toilettes, parfois seulement une fois par jour, et d’un manque d’accès aux douches pendant des semaines. La nourriture fournie était insuffisante et peu variée, ce qui a entraîné une perte de poids importante et d’autres complications médicales.

    52. Des détenus, y compris des personnes âgées, emmenés au Sde Teiman pour y être interrogés ont été attachés dans des positions douloureuses ou attachés à une vis placée en hauteur sur un mur pendant des heures, tout en ayant les yeux bandés et en étant suspendus avec les pieds touchant ou à peine touchant le sol (« shabah »). Dans un cas, un détenu a été laissé dans cette position pendant cinq à six heures alors que les interrogateurs le soumettaient de manière répétée à des changements de température extrêmes, en utilisant alternativement un ventilateur puissant et une lampe chauffante. La Commission a également reçu des rapports faisant état de l’utilisation de dispositifs de chocs électriques contre des détenus.

    53. Les conditions sanitaires inadéquates ont limité la capacité des détenus à effectuer des pratiques religieuses, telles que la prière et les ablutions, ont augmenté les risques pour la santé et ont servi à humilier et à déshumaniser davantage les détenus. Un détenu a déclaré à la Commission qu’en raison de la rareté de l’accès aux toilettes, les détenus étaient contraints d’uriner ou de déféquer dans leurs vêtements. Un détenu a déclaré qu’ils « avaient été dépouillés de leur humanité et traités comme des animaux ». Il a ajouté que « tous les détenus n’étaient pas lavés et sentaient mauvais, leurs pantalons étaient jaunis, tandis que les soldats qui s’occupaient d’eux portaient des gants qu’ils jetaient sur les détenus lorsqu’ils avaient fini ».

    54. Les conditions médicales liées au manque d’hygiène, notamment les éruptions cutanées, les furoncles et les abcès, se sont aggravées. Les soins médicaux étaient rares, de mauvaise qualité et dispensés dans un bâtiment séparé, alors que les détenus étaient menottés et avaient les yeux bandés. Dans certains cas, tant dans les installations militaires que dans celles de l’administration pénitentiaire israélienne, les coups reçus au cours des interrogatoires ont entraîné des fractures, sans que des soins médicaux appropriés soient dispensés. Des menottes constantes et des soins médicaux inadéquats auraient conduit certains détenus à se faire amputer d’un membre. Les déclarations de certains membres du personnel médical suggèrent qu’ils étaient complices de pratiques illégales.

    55. Le 3 juillet, le procureur général d’Israël a déclaré dans une lettre que le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, faisait obstacle aux transferts de prisonniers vers les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne. Au mois d’août, 28 détenus (tous des hommes) sont toujours détenus à Sde Teiman [25].

    Mauvais traitements dans les établissements de l’Administration pénitentiaire israélienne

    56. Le 16 octobre, le Ministre de la sécurité nationale a ordonné d’importantes restrictions supplémentaires dans les établissements de l’Administration pénitentiaire israélienne. Ces restrictions comprenaient l’imposition d’une interdiction totale des visites de la famille et du CICR, l’annulation ou la restriction des visites et des appels téléphoniques des avocats, et l’annulation des rendez-vous médicaux non urgents. L’électricité a été coupée dans les cellules des prisons, les biens personnels des détenus ont été confisqués et l’accès aux douches et aux toilettes a été sévèrement limité. L’accès à l’air frais dans la cour de la prison a été limité ou interdit. Des restrictions ont été imposées sur les rations alimentaires et appliquées à des milliers de détenus et de prisonniers, y compris des femmes et des enfants, qui avaient été détenus avant le 7 octobre. A plusieurs reprises, le ministre de la sécurité nationale a indiqué que ces politiques étaient motivées par la vengeance.

    57. La Commission a documenté de nombreux cas d’abus physiques et verbaux, y compris des menaces de mort, dans les installations de l’Administration pénitentiaire israélienne. Des détenus des prisons de Negev, Megiddo, Ofer et Ramon ont décrit avoir été battus par des gardiens à l’aide de matraques et de bâtons de bois alors qu’ils étaient menottés, y compris à leur arrivée dans ces prisons et pendant les fouilles de cellules menées par des unités spéciales de l’administration pénitentiaire israélienne utilisant des chiens pour intimider et attaquer les prisonniers.

    58. Les femmes détenues en Cisjordanie étaient soumises aux mêmes restrictions que les hommes dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne et étaient particulièrement affectées par l’insuffisance et l’inadéquation de la nourriture et de l’eau, ainsi que par le manque d’hygiène. La Commission a appris que les femmes enceintes détenues dans un établissement de l’administration pénitentiaire israélienne ne recevaient pas de nourriture suffisante ou adéquate et se voyaient refuser des soins médicaux. Plusieurs femmes ont indiqué qu’elles n’avaient pas été autorisées à utiliser les toilettes alors qu’elles en avaient fait la demande, ou qu’elles avaient été menottées pendant de longues périodes et qu’elles avaient donc eu besoin de l’aide d’autres détenus pour utiliser les toilettes. Les femmes détenues avaient un accès limité aux serviettes hygiéniques ou se les voyaient refuser.

    Traitement des enfants

    59. La Commission a établi que des centaines d’enfants de Gaza et de Cisjordanie ont été arrêtés, puis transférés et détenus en Israël et en Cisjordanie. Les enfants détenus ont été soumis à une extrême violence lors de leur arrestation, de leur détention, de leur interrogatoire et de leur libération.

    60. Des enfants de Gaza ont été détenus dans des établissements militaires et dans les locaux de l’administration pénitentiaire israélienne. A Sde Teiman, les enfants étaient détenus avec des adultes et subissaient les mêmes mauvais traitements. Un garçon de 15 ans détenu au centre de Sde Teiman a déclaré à la Commission qu’il avait été le seul enfant parmi 70 adultes dans une cellule. Ses jambes avaient été entravées par des chaînes métalliques et ses mains menottées si étroitement qu’elles avaient saigné, mais il n’avait reçu aucun soin médical. Il a été puni à plusieurs reprises en étant contraint de rester debout les mains levées pendant des heures. Il a décrit ses 23 jours de détention comme « les pires jours de ma vie ». Un garçon de 13 ans a déclaré à la Commission que des chiens avaient été utilisés contre lui pendant les interrogatoires et qu’il avait été placé à l’isolement.

    61. Des enfants ont été emprisonnés dans des sections pour mineurs surpeuplées dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne, principalement à Megiddo et à Ofer. Bien que les enfants soient séparés des adultes, les autorités israéliennes les soumettent tous aux mêmes restrictions que les adultes.

    Viols et autres formes de violence sexuelle et sexiste

    62. La Commission a documenté plus de 20 cas de violence sexuelle et sexiste à l’encontre de détenus hommes et femmes dans plus de 10 installations militaires et de l’administration pénitentiaire israélienne, en particulier dans la prison du Néguev et le camp de Sde Teiman pour les détenus hommes et dans les prisons de Damon et Hasharon pour les détenues femmes. La violence sexuelle a été utilisée comme moyen de punition et d’intimidation dès le moment de l’arrestation et tout au long de la détention, y compris pendant les interrogatoires et les fouilles. Les actes de violence sexuelle documentés par la Commission étaient motivés par une haine extrême envers le peuple palestinien et par le désir de le déshumaniser.

    63. La Commission a constaté que la nudité forcée, dans le but de dégrader et d’humilier les victimes devant les soldats et les autres détenus, était fréquemment utilisée à l’encontre des victimes masculines, notamment par des fouilles à nu répétées, l’interrogatoire des détenus alors qu’ils étaient nus ; forcer les détenus à effectuer certains mouvements alors qu’ils sont nus ou déshabillés et, dans certains cas, filmés ; soumettre les détenus à des insultes sexuelles alors qu’ils sont transportés nus ; forcer les détenus nus à se regrouper dans une cellule surpeuplée ; et forcer les détenus déshabillés et les yeux bandés à s’accroupir sur le sol avec les mains attachées dans le dos.

    64. Plusieurs détenus de sexe masculin ont déclaré que des membres des forces de sécurité israéliennes avaient battu, donné des coups de pied, tiré ou pressé leurs parties génitales, souvent alors que les détenus étaient nus. Dans certains cas, le personnel des forces de sécurité israéliennes a utilisé des objets tels que des détecteurs de métaux et des matraques. Un détenu qui avait été incarcéré dans la prison du Néguev des forces de sécurité israéliennes a déclaré qu’en novembre 2023, des membres de l’unité Keter de l’administration pénitentiaire israélienne l’avaient forcé à se déshabiller et lui avaient ensuite ordonné d’embrasser le drapeau israélien. Lorsqu’il a refusé, il a été battu et ses parties génitales ont reçu des coups de pied si violents qu’il a vomi et perdu connaissance.

    65. La Commission a également reçu des informations crédibles concernant des viols et des agressions sexuelles, y compris l’utilisation d’une sonde électrique pour causer des brûlures à l’anus et l’insertion d’objets, tels que des bâtons, des manches à balai et des légumes, dans l’anus. Certains de ces actes auraient été filmés par des soldats. En juillet, neuf soldats ont été interrogés et plusieurs ont été arrêtés pour avoir prétendument violé un détenu et lui avoir causé des blessures mortelles à Sde Teiman.

    Lire également Institutionnalisation du viol des détenus Palestiniens : le vrai visage d’Israël

    66. La Commission a établi que les détenus étaient régulièrement soumis à des abus sexuels et au harcèlement, et que des menaces d’agression sexuelle et de viol étaient adressées aux détenus ou aux membres féminins de leur famille. Un détenu de Sde Teiman a rapporté que des femmes soldats l’avaient forcé, lui et d’autres, à faire des bruits de mouton, à maudire les dirigeants du Hamas et le prophète Mohamed, et à dire « Je suis une p*te ». Les détenus étaient battus s’ils n’obtempéraient pas. Dans un autre cas, un soldat a enlevé son pantalon et a pressé son entrejambe contre le visage d’un détenu, en disant : « Tu es ma sal*pe. Suce ma b*te ».

    67. Les détenues ont également été victimes d’agressions et de harcèlement sexuels dans les locaux de l’armée et de l’administration pénitentiaire israélienne, ainsi que de menaces de mort et de menaces de viol. Le harcèlement sexuel comprenait des tentatives d’embrasser et de toucher leurs seins. Elles ont fait état de fouilles à nu répétées, prolongées et invasives, avant et après les interrogatoires. Les femmes ont été forcées d’enlever tous leurs vêtements, y compris le voile, devant des soldats hommes et femmes. Elles ont été battues et harcelées tout en étant traitées de « laides » et en subissant des insultes à caractère sexuel, telles que « chienne » et « put*in ». Dans un cas, une femme détenue dans une prison de l’administration pénitentiaire israélienne s’est vu refuser l’accès à son avocat après qu’elle l’eut informé de menaces de viol.

    68. La Commission a reçu des rapports de l’Autorité palestinienne concernant le viol de deux détenues. Elle tente de vérifier ces informations.

    69. Des détenues ont été photographiées sans leur consentement et dans des circonstances dégradantes, y compris en sous-vêtements devant des soldats de sexe masculin [26]. Dans un cas, une détenue a été soumise à des fouilles à nu répétées et invasives après son arrestation dans un poste de police du nord d’Israël. Elle a été battue, agressée verbalement, traînée par les cheveux et photographiée devant un drapeau israélien. Les photos ont été mises en ligne.

    Décès en détention

    70. Au 15 juillet, au moins 53 détenus palestiniens étaient morts dans des centres de détention israéliens depuis le 7 octobre 2023. Sur ce nombre, 44 personnes étaient originaires de Gaza, dont 36 sont décédées à Sde Teiman, et 9 étaient originaires de Cisjordanie. Les corps des détenus décédés n’ont, pour la plupart, pas été rendus à leurs familles pour qu’elles puissent les enterrer.

    71. Thaer Abu Assab, originaire de Qalqilya en Cisjordanie, emprisonné depuis 2005, est mort dans la prison du Néguev le 18 novembre 2023 après avoir été, selon les informations disponibles, violemment battu par des gardiens de l’unité Keter de l’administration pénitentiaire israélienne et après que son évacuation médicale a été retardée. Les autorités israéliennes ont ouvert une enquête criminelle, mais seules des mesures disciplinaires limitées auraient été prises à l’encontre des gardiens impliqués. Deux médecins palestiniens chevronnés de Gaza sont morts en détention israélienne. Le docteur Iyad Rantisi, directeur d’un hôpital pour femmes à Bayt Lahya, a été arrêté le 11 novembre à un poste de contrôle des forces de sécurité israéliennes et est décédé six jours plus tard dans la prison de Shikma, gérée par l’administration pénitentiaire israélienne, où il aurait été interrogé par l’Agence de sécurité israélienne (également connue sous le nom de Shin Bet). Le docteur Adnan al-Bursh, chef du service orthopédique de l’hôpital Shifa’ de Gaza, a été arrêté en décembre et est décédé à la prison d’Ofer en avril. Un détenu libéré a déclaré à la Commission qu’il avait vu le Dr Al-Bursh à Sde Teiman en décembre 2023, avec des ecchymoses sur le corps et se plaignant de douleurs à la poitrine.

    72. Israël n’a fourni aucune preuve que des enquêtes sur les décès en détention étaient menées en vue de garantir l’obligation de rendre des comptes. [...]

    IV. Conclusions

    Soins de santé

    88. L’offensive sur Gaza depuis le 7 octobre a entraîné la destruction du système de soins de santé déjà fragile dans la bande de Gaza, avec des effets préjudiciables à long terme sur les droits de la population civile à la santé et à la vie. Les attaques contre les établissements de santé sont un élément intrinsèque de l’assaut plus large des forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens de Gaza et l’infrastructure physique et démographique de Gaza, ainsi que des efforts visant à étendre l’occupation. Les actions d’Israël violent le droit humanitaire international et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et sont en contradiction flagrante avec l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet 2024.

    89. La Commission constate qu’Israël a mis en œuvre une politique concertée visant à détruire le système de santé de Gaza. Les forces de sécurité israéliennes ont délibérément tué, blessé, arrêté, détenu, maltraité et torturé le personnel médical et pris pour cible des véhicules médicaux, ce qui constitue le crime de guerre d’homicide volontaire et de mauvais traitements et le crime contre l’humanité d’extermination. Les autorités israéliennes ont commis ces actes tout en renforçant le siège de la bande de Gaza, ce qui a empêché les hôpitaux de recevoir du carburant, de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des fournitures médicales, tout en réduisant considérablement les autorisations accordées aux patients de quitter le territoire pour recevoir un traitement médical. La Commission estime que ces mesures ont été prises à titre de punition collective contre les Palestiniens de Gaza et qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’attaque israélienne contre le peuple palestinien qui a débuté le 7 octobre.

    90. La destruction par les forces de sécurité israéliennes de l’infrastructure sanitaire de Gaza a eu un effet gravement préjudiciable sur l’accessibilité, la qualité et la disponibilité des services de santé, augmentant considérablement la mortalité et la morbidité, en violation du droit à la santé physique et mentale, qui est intrinsèquement lié au droit à la vie. Les attaques visant les établissements de santé ont exacerbé une situation déjà catastrophique, l’augmentation rapide du nombre de patients d’urgence souffrant de blessures graves venant s’ajouter au nombre de patients non traités souffrant de maladies chroniques ou nécessitant des soins spécialisés.

    91. En ce qui concerne les attaques contre les hôpitaux Nasr, Shifa’, Awdah et l’hôpital turc, la Commission constate que, compte tenu du nombre excessif de morts et de blessés civils, ainsi que des dommages causés aux installations des hôpitaux et de leur destruction, les forces de sécurité israéliennes n’ont pas respecté les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité, ce qui constitue les crimes de guerre que sont l’homicide volontaire et les attaques contre des biens protégés. La Commission constate que, lors des attaques contre les hôpitaux Shifa’ et Nasr, les forces de sécurité israéliennes ont considéré que les locaux des hôpitaux et toutes les zones environnantes pouvaient être pris pour cible sans distinction et ont donc violé le principe de distinction. En ce qui concerne la saisie par les forces de sécurité israéliennes de l’hôpital turc à des fins militaires et l’établissement d’un poste militaire à l’intérieur, la Commission estime que ces actions n’étaient pas requises par l’impératif de nécessité militaire et qu’elles constituent donc un crime de guerre consistant à saisir des biens protégés.

    92. La Commission n’a pas trouvé de preuves d’une activité militaire des groupes armés palestiniens à Awdah ou à l’hôpital turc au moment où ils ont été attaqués. La Commission a documenté les déclarations des forces de sécurité israéliennes selon lesquelles les hôpitaux Shifa’ et Nasr étaient utilisés à des fins militaires, et les affirmations des forces de sécurité concernant la découverte de caches d’armes. Elle n’a toutefois pas été en mesure de vérifier ces affirmations de manière indépendante. La Commission a confirmé la présence d’un tunnel et d’un puits sur le terrain de l’hôpital Shifa’, mais elle n’a pas pu vérifier qu’ils étaient utilisés à des fins militaires. La Commission a vérifié des informations indiquant que des membres de groupes armés étaient entrés dans l’hôpital Shifa’ avec des véhicules des forces de sécurité israéliennes qui avaient été volés le 7 octobre. Cependant, elle n’a trouvé aucune preuve d’une présence militaire dans les services spécifiques de l’hôpital que les forces de sécurité israéliennes ont bombardés en novembre, y compris la maternité et l’unité de soins intensifs. La Commission conclut qu’au moment des attaques des forces de sécurité israéliennes, les hôpitaux et les installations médicales bénéficiaient d’une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire et étaient à l’abri de telles attaques. […]

    94. Les attaques contre les établissements de santé ont directement entraîné la mort de civils, y compris des enfants et des femmes enceintes, qui recevaient un traitement ou cherchaient un abri, et ont indirectement entraîné la mort de civils en raison du manque de soins, de fournitures et d’équipements médicaux qui en a résulté, ce qui constitue une violation du droit à la vie des Palestiniens. La Commission conclut également que ces actes constituent le crime contre l’humanité d’extermination.

    95. En ce qui concerne l’attaque du 29 janvier contre une famille, dont cinq enfants, qui se trouvait dans un véhicule et contre une ambulance de la Société du Croissant-Rouge palestinien (voir paragraphe 11), la Commission, sur la base de son enquête, conclut avec des motifs raisonnables que la 162e division des forces de sécurité israéliennes opérait dans la région et est responsable du meurtre de la famille de sept personnes, ainsi que du bombardement de l’ambulance, tuant les deux ambulanciers qui se trouvaient à l’intérieur. Ces actions constituent les crimes de guerre d’homicide volontaire et d’attaque contre des biens civils.

    96. Les attaques israéliennes contre les installations médicales ont entraîné des blessures et la mort d’enfants et ont eu des conséquences dévastatrices pour les soins pédiatriques et néonatals dans les hôpitaux de Gaza, créant un besoin important et non satisfait de soins chirurgicaux et médicaux complexes pour les enfants, y compris les bébés prématurés. Israël n’a pas agi dans l’intérêt supérieur des enfants et n’a pas garanti la protection de leurs droits à la vie et au meilleur état de santé possible, et a délibérément créé des conditions de vie qui ont entraîné la destruction de générations d’enfants palestiniens et du peuple palestinien en tant que groupe.

    97. La Commission estime que la destruction délibérée des installations de soins de santé sexuelle et génésique constitue une violence génésique et a eu un effet particulièrement néfaste sur les femmes enceintes, les femmes en post-partum et les femmes allaitantes, qui restent exposées à un risque élevé de blessures et de décès. Le fait de viser de telles infrastructures constitue une violation des droits reproductifs des femmes et des jeunes filles, ainsi que des droits à la vie, à la santé, à la dignité humaine et à la non-discrimination. En outre, il a causé des dommages et des souffrances physiques et mentales immédiates aux femmes et aux filles et aura des effets irréversibles à long terme sur la santé mentale et les perspectives de reproduction physique et de fertilité du peuple palestinien en tant que groupe.

    98. Le fait de viser intentionnellement des installations cruciales pour la santé et la protection des femmes, des nouveau-nés et des enfants a violé la norme du droit international humanitaire coutumier qui accorde une protection spéciale aux femmes et aux enfants dans les conflits armés. Ces actes préjudiciables étaient prévisibles et n’ont pas été réparés. Les souffrances physiques et mentales prolongées des enfants blessés et le préjudice reproductif causé aux femmes enceintes, en post-partum et allaitantes relèvent du crime contre l’humanité d’autres actes inhumains.

    99. La Commission constate que les forces de sécurité israéliennes ont fait preuve de perfidie lorsque des soldats sont entrés dans un hôpital de Jénine déguisés en personnel médical et en femmes civiles le 30 janvier. Cette action constitue une violation du droit international humanitaire. […]

    Détention de Palestiniens

    101. La détention arbitraire massive de Palestiniens est une pratique de longue date au cours des 75 années d’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie. La détention en Israël a été caractérisée par des abus généralisés et systématiques, des violences physiques et psychologiques, des violences sexuelles et sexistes, et des décès en détention. La fréquence et la gravité de ces pratiques ont augmenté depuis le 7 octobre.

    102. Les mauvais traitements infligés aux détenus palestiniens par les autorités israéliennes sont le résultat d’une politique intentionnelle. Des actes de violence physique, psychologique, sexuelle et reproductive ont été perpétrés pour humilier et dégrader les Palestiniens. Ces actes ont été observés dans plusieurs installations et lieux de détention temporaire, ainsi que pendant les interrogatoires et les déplacements vers et depuis les installations. Les détenus, y compris les personnes âgées et les enfants, ont été soumis à des mauvais traitements constants, notamment l’absence de nourriture suffisante et d’installations d’hygiène appropriées, des coups, des propos injurieux et l’obligation d’accomplir des actes humiliants. Les forces de sécurité israéliennes ont commis ces actes avec l’intention d’infliger des douleurs et des souffrances, ce qui équivaut à de la torture en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité et constitue une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le décès de détenus à la suite de sévices ou de négligence constitue un crime de guerre, à savoir un homicide volontaire ou un meurtre, ainsi qu’une violation du droit à la vie.

    103. Ces abus systématiques sont directement et causalement liés aux déclarations faites par des responsables israéliens, y compris le ministre de la sécurité nationale, qui dirige l’administration pénitentiaire israélienne, et d’autres membres de la coalition gouvernementale israélienne légitimant la vengeance et la violence à l’encontre des Palestiniens. Le fait que les membres des forces de sécurité israéliennes n’aient pas à rendre compte de leurs actes et que la violence contre les Palestiniens soit de plus en plus acceptée a permis à ces comportements de se poursuivre sans interruption et de devenir systématiques et institutionnalisés.

    104. Des arrestations massives d’hommes et de garçons palestiniens ont été effectuées sans motif justifiable ou presque, dans de nombreux cas apparemment simplement parce qu’ils étaient considérés comme étant en « âge de combattre » ou qu’ils n’avaient pas suivi les ordres d’évacuation. La détention de milliers de Palestiniens pendant des périodes prolongées, même lorsqu’ils ne présentaient manifestement aucun risque pour la sécurité, est arbitraire, illégale et constitue une punition collective et une persécution fondée sur le sexe [Note du traducteur : Pourquoi ne pas les désigner comme ce qu’ils sont, à savoir des « otages » ?].

    105. La politique israélienne consistant à dissimuler délibérément des informations concernant les noms, le lieu de détention et le statut des détenus relève du crime contre l’humanité de disparition forcée. Les souffrances mentales des familles des détenus sont assimilables à de la torture.

    106. Les forces de sécurité israéliennes ont intentionnellement, illégalement et arbitrairement privé des enfants palestiniens de leur liberté et de leurs droits fondamentaux et leur ont causé de graves souffrances physiques et mentales. Les forces de sécurité israéliennes ont transféré des enfants détenus de Gaza et de Cisjordanie vers des centres de détention militaires israéliens, où ils ont été détenus pendant des périodes prolongées dans les mêmes quartiers que les adultes et soumis à de graves mauvais traitements, humiliations et tortures. Des mauvais traitements ont également été observés dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne. Les enfants libérés présentaient des signes de blessures physiques graves, de détresse psychologique extrême et de traumatisme.

    107. Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé des détenus comme boucliers humains à plusieurs reprises en Cisjordanie et à Gaza, ce qui constitue un crime de guerre. Les forces de sécurité israéliennes ont transporté des détenus de Cisjordanie sur le capot de véhicules des forces de sécurité israéliennes au milieu d’un échange de tirs. Elles ont forcé des détenus à entrer dans des tunnels et des bâtiments avant le personnel militaire dans la bande de Gaza.

    108. L’intensité des hostilités a augmenté, de même que la prévalence et les types de violences sexuelles et sexistes commises. Dans son précédent rapport au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/56/26), la Commission a identifié des actes de persécution commis à l’encontre d’hommes et de garçons palestiniens, y compris le fait de filmer des scènes de déshabillage et de nudité forcés en public. La Commission constate que ces actes de persécution se sont poursuivis en détention sous la forme de tortures sexualisées. Les détenus de sexe masculin ont subi des atteintes à leur sexualité et à leurs organes reproducteurs, notamment des violences sur leurs organes génitaux et leur anus, et ont été contraints d’accomplir des actes humiliants et pénibles, nus ou déshabillés, à titre de punition ou d’intimidation, dans le but de leur soutirer des informations. Des détenus de sexe masculin ont été victimes de viols, ce qui constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité. De tels actes de violence sexuelle, causant de graves souffrances physiques et mentales, sont également assimilables à de la torture.

    109. Les forces de sécurité israéliennes ont soumis des détenus, hommes et femmes, à une nudité forcée et à un déshabillage pendant leur transfert, dans les centres de détention et pendant les interrogatoires ou les fouilles corporelles, de manière généralisée et systématique. Associés à d’autres actes de violence sexuelle commis à des fins d’humiliation ou de dégradation, tels que le fait d’être photographié entièrement ou partiellement nu et de faire l’objet d’abus sexuels verbaux et physiques et de menaces de viol, les actes susmentionnés constituent les crimes de guerre que sont les traitements inhumains et les atteintes à la dignité de la personne, ainsi que le crime contre l’humanité que constituent les autres actes inhumains. Dans certains cas, ces actes constituent le crime de guerre et le crime contre l’humanité de torture.

    110. Les forces de sécurité israéliennes ont interdit aux détenus libérés de retourner sur leurs lieux de résidence dans le nord de Gaza. Cette interdiction constitue un déplacement forcé. Les attaques contre les civils qui tentent de retourner auprès de leurs familles s’apparentent à un transfert forcé. Il s’agit de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. […]

    V. Recommandations

    113. La Commission recommande au gouvernement d’Israël de :

    (a) Mette immédiatement fin à l’occupation illégale du territoire palestinien, cesse tous les nouveaux plans et activités de colonisation, y compris en ce qui concerne la bande de Gaza, et supprime toutes les colonies aussi rapidement que possible, conformément à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet 2024 ;

    (b) Veille, en tant que puissance occupante, à ce que les droits de la population sous son contrôle effectif soient sauvegardés et à ce que des services médicaux soient disponibles pour tous ;

    (c) Se conforme à toutes les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de Justice, en prenant toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission de tous les actes relevant de l’article II, alinéas a) à d), de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

    (d) Cesse immédiatement de prendre pour cible les installations, le personnel et les véhicules médicaux et cesser l’utilisation militaire des installations médicales, conformément au droit international humanitaire ; et assurer au personnel médical et aux ambulances un accès rapide, sûr et sans entrave aux personnes blessées ;

    (e) Assure la reconstruction du système de soins de santé de Gaza et fournir immédiatement des traitements médicaux répondant aux normes les plus élevées possibles ;

    (f) Mette fin au siège de Gaza et assurer la fourniture de tous les biens nécessaires au maintien de la santé de la population et des patients ayant besoin de soins médicaux ;

    (g) Facilite immédiatement l’évacuation médicale des Palestiniens de Gaza, en particulier des malades du cancer et des enfants, ainsi que de leurs tuteurs ;

    (h) Cesse immédiatement de prendre pour cible les établissements de soins de santé sexuelle et génésique ; respecter l’obligation de garantir l’accès et la disponibilité de services, de biens et d’établissements de soins de santé génésique de qualité ;

    (i) S’engage à mettre en œuvre un plan d’action assorti d’un calendrier pour mettre fin aux violations graves des droits de l’enfant, y compris des mesures de responsabilisation pour les attaques contre les installations médicales, compte tenu du fait que les forces armées et de sécurité israéliennes sont énumérées dans les annexes du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (A/78/842-S/2024/384) ;

    (j) Cesse immédiatement la détention arbitraire et illégale de Palestiniens, y compris d’enfants, et garantir une procédure régulière et des procès équitables, conformément aux normes internationales en matière de justice ;

    (k) Veille à ce que tous les Palestiniens qui ont été arrêtés ou détenus soient traités humainement ; mettre immédiatement fin à la torture et aux autres mauvais traitements ; prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les violations et enquêter sur celles-ci et veiller à ce que les auteurs soient tenus pour responsables ; veiller à ce que les conditions de détention soient strictement conformes aux normes internationales ;

    (l) Mette fin immédiatement aux viols et aux autres formes de violence sexuelle et sexiste en détention ; établir des protocoles et des conditions de détention appropriés et sexospécifiques, notamment en ce qui concerne la recherche de prisonniers ; fournir aux femmes des soins de santé sexospécifiques et répondre à leurs besoins en matière d’hygiène ;

    (m) Fournisse des informations sur les noms, le lieu de détention et l’état de tous les détenus et les corps retenus ; permettre au CICR d’avoir accès aux détenus et de leur fournir une assistance et une représentation juridiques ;

    (n) Donne accès à la Commission et l’autoriser à pénétrer en Israël et dans le territoire palestinien occupé pour enquêter sur toutes les violations du droit international, comme l’a ordonné la Cour internationale de justice ; […]

    115. La Commission recommande que tous les États membres

    (a) Se conforment à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice et aux obligations juridiques internationales de ne pas reconnaître l’occupation illégale d’Israël, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de l’occupation et de faire la distinction dans leurs relations entre Israël et les Territoires palestiniens occupés ;

    (b) Respectent toutes les obligations découlant du droit international, y compris l’obligation, en vertu de l’article 1er commun aux conventions de Genève, assurent le respect du droit humanitaire international par tous les États parties, y compris Israël et l’État de Palestine, ainsi que les obligations découlant de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention sur le génocide ;

    (c) Cessent d’aider ou d’assister à la commission de violations ; explorent les mesures de responsabilisation à l’encontre des auteurs présumés de crimes internationaux, de violations graves des droits de l’homme et d’abus en Israël et dans le territoire palestinien occupé ;

    (d) Coopèrent avec l’enquête du bureau du procureur de la Cour pénale internationale.

    https://bellaciao.org/Gaza-l-ONU-declare-Israel-coupable-d-extermination-un-crime-contre-l-huma

  • The Psychotronic Tourist : STARLINER TOWERS ! « Spectacular Optical
    https://www.spectacularoptical.ca/2011/07/montreal-genre-tourist-starliner-towers


    Starliner Tower, where Shivers’ parasites take control .

    20.7.2011 - Located at 100 and 200 de Gaspe on Ile-des-soeurs (known as Nuns Island to anglophones), the Mies Van der Rohe Buildings – a duo of luxury high-rises directly opposite eachother by the edge of the St-Lawrence River – were transformed into the dystopian closed community of David Cronenberg’s Shivers.

    Among the first apartment buildings built on Nun’s Island, they were the work of renowned Chicago-based architect Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969). These 15-story towers dating from 1962 are typical the simplistic style van der Rohe adopted following his transition to Bauhaus in 1938.

    Check out the street view here, and compare it to the film still below – not much has changed!

    Canada, Monrreal, 10/200 boulevard l’Île-des-Soeurs / De Gaspé


    https://www.openstreetmap.org/node/1669668483#map=19/45.45281/-73.54615

    https://www.google.com/maps/place/De+l'%C3%8Ele-des-Soeurs+%2F+De+Gasp%C3%A9/@45.4307841,-73.6603521,31222m/data=!3m1!1e3!4m6!3m5!1s0x4cc9103dfa72cc13:0x8ab89a6606d0c07b!8m2!3d45.45394

    #cinéma #horreur #Canada #Architectur

  • David Cronenberg: Jewish King of the Venereal
    https://www.jewthink.org/2020/08/31/david-cronenberg-king-of-the-venereal

    31.8.2020 by Sean Alexander - While one famous Canadian Jew has been in the news recently, another has been overlooked: David Cronenberg.

    His first feature, Shivers, opened 45 years ago this October, soon making him the nascent new horror’s ‘Baron of Blood’ and ‘King of the Venereal’. It also established many of the Jewish themes and characteristics that would become staple elements of all his films to greater or lesser degrees.

    The film’s modern-day setting of a plush tower block representing a cross-section of urbanised society has its roots in the urban ghettos of Jewish New York.

    Shivers also both mimics and parallels that same year’s publication of JG Ballard’s High Rise, similarly set in a tower block where primal and feral urges break through a hermetically sealed sub-society.
    Starliner Tower, where Shivers’ parasites take control.

    Where Cronenberg’s film mainly differs is in the use of a parasitical organism, spread from resident to resident, which releases them from buttoned down conformity to express sexual, gastronomic and murderous urges on one another.

    Parasitism has long been associated with Jews going back to Christian times, often used in antisemitic terms to both marginalise and prejudice anti-Jewish feeling. But in Cronenberg’s hands the parasitical worm of Shivers is actually perceived as a positive and liberating force, freeing a mid-seventies culture from urban corporate obsessions like homes and cars and reconnecting them with the kind of sexual and sensual drives that only a decade before were being touted as ‘the future’ by the flower power generation tuning out to hippy rock and black soul.
    The parasite invades a host.

    The parasite is created inadvertently by the first of many ‘mad scientists’ that litter his films like some conference of Einstein and Freud wannabees.

    Cronenberg’s desire to depict infections, insects and parasites in general as a ‘positive’ and energising force would reach a culmination in films like The Fly, Naked Lunch and Existenz. But in Shivers he first establishes that, like those antisemites who cast all Jews as parasitical leeches and harbingers of infection, he is on the side of the disease.

    When the film climaxes in an orgy-like celebration of unfettered sexual release and desire in that most Cronenbergian of womb-substitutes, a swimming pool, the viewer is instead left elated.
    Shivers‘ cinematic orgy.

    The parasite as a liberating socio-sexual force offers, for Cronenberg, the ultimate riposte to antisemitic conceptions of Jews as exploiters, usurers and even slave traders. As those same residents drive from the tower block to spread their new-flesh order of sexual freedom, Cronenberg is not only cocking a snook at conservative moral guardians but also saying that the Jew as parasite can be better depicted as an enabling force for both psychosexual and spiritual liberation.

    Surely, that most Jewish of psychologists, Sigmund Freud, would have approved of such a bloodless and medicinal-free revolution.

    Cronenberg’s later ascendance saw him leave the bargain basement thrills of Rabid, The Brood and Scanners to become some kind of high-brow auteur with Naked Lunch, M. Butterfly and Crash.

    Yet, despite this, Cronenberg is often forgotten as being amongst the forefront of filmmakers forging the ‘new horror’ started in the late 1960s. Other Jewish directors like Roman Polanski, William Friedkin and Richard Donner would bring a post-Holocaust subtext to such urban and suburban banal settings as the ones in Rosemary’s Baby, The Exorcist and The Omen.

    Rather than Gothic castles and folkloric figures such as Dracula, the Wolf Man and the Mummy, here the horrors came from recent memories of the Holocaust and the Evil that Men do.

    Much as the Vietnam War would haunt the late 1970s and 1980s directors of The Deer Hunter, Platoon and Full Metal Jacket, so did the Holocaust find thematic release in Satanic rituals (the Nazis and Adolf Hitler had long been established for their interest in the occult), possession and the return of the Anti-Christ.

    Cronenberg’s own brand of venereal horror was often overlooked despite sharing many of these films’ traits such as the metaphor of Jewish categorisation and quarantining in Rabid and the hunt for vagrant Jewish-like telepaths in Scanners.

    But largely their low budgets and limited distribution system (much of Cronenberg’s early output relied on the Canadian ‘tax shelter’ scheme) deprived full appreciation until the emergence of home video where the likes of Videodrome would yield great rewards.

    The Jewish Cronenberg is often something at odds with the views and beliefs of the man himself. Yet, with his oeuvre now all but mothballed since the release of Maps to the Stars and his sole novel, Consumed, both in 2014, never has there been a more apposite time to explore the rich and detailed subtext of Cronenberg’s films as the products of a Jewish filmmaker.

    Sean Alexander

    Sean Alexander is a PhD Candidate at Bangor University, exploring Jewishness and Judaism in the films of David Cronenberg.

    #cinéma #horreur

  • Argentina: el FMI respalda las reformas de Milei y califica su plan económico de «audaz» - Economía
    https://www.france24.com/es/programas/econom%C3%ADa/20240202-economia-fmi-argentina-milei-acuerdo

    La misión del Fondo Monetario Internacional (FMI) para Argentina indicó este jueves 1 de febrero que el plan que estima poner en marcha el presidente, Javier Milei, se proyecta como “mucho más ambicioso” que el presentado por sus antecesores para cumplir con el compromiso tras el préstamo ‘stand by’ acordado bajo el mandato de Mauricio Macri. No obstante, a pesar de que el organismo está de acuerdo con el plan, este debe sortear una escala en el Congreso y las crecientes protestas de sectores afectados por recortes.

    #FMI #horreur_économique

  • Encore un petit peu de négationnisme pro-israélien ? Hop : Andrew Roberts, « British historian, journalist and broadcaster. Author of ’Napoleon the Great’, ’Churchill : Walking with Destiny’, ’George III’. Member of the House of Lords », t’explique que le Hamas est pire que les nazis, parce que les nazis n’aimaient pas tellement tuer les juifs, en fait : What Makes Hamas Worse Than the Nazis
    https://freebeacon.com/culture/what-makes-hamas-worse-than-the-nazis

    Ça t’explique que les Nazis étaient moins pires que le Hamas, parce qu’ils n’utilisaient pas de caméros Go-Pro pour filmer leurs exactions.

    • En ce lundi, l’#armée_israélienne affirme avoir frappé, via les airs et au sol, plus de 600 cibles dans #Gaza ces vingt-quatre dernières heures. Dans le détail : « des dépôts d’armes, positions de lancement de missiles antichar, caches du #Hamas » et « des dizaines » de chefs du mouvement islamiste tués. Des chars israéliens sont postés à la lisière de #Gaza_City et le principal axe routier nord-sud est coupé. C’est vendredi en fin de journée que l’État hébreu a lancé son opération d’envergure, annoncée depuis près de deux semaines déjà. Mêlant #incursions_terrestres localisées – surtout dans le nord de l’enclave palestinienne – et #bombardements intensifiés. Samedi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a prévenu : la #guerre sera « longue et difficile ».

      Vendredi, 17 h 30. La #bande_de_Gaza plonge dans le noir. Plus d’électricité, plus de réseau téléphonique, ni de connexion internet. Le #black-out total. Trente-six heures de cauchemar absolu débutent pour les Gazaouis. Coupés du monde, soumis au feu. L’armée israélienne pilonne le territoire : plus de 450 bombardements frappent, aveugles. La population meurt à huis clos, impuissante. Après avoir quitté Gaza City au début de la riposte israélienne (lire l’épisode 1, « D’Israël à Gaza, la mort aux trousses »), Abou Mounir vit désormais dans le centre de la bande de Gaza, avec ses six enfants. Ce vendredi, il est resté cloîtré chez lui. Lorsqu’il retrouve du réseau, le lendemain matin, il est horrifié par ce qu’il découvre. « Mon quartier a été visé par des tirs d’artillerie. L’école à côté de chez moi, où sont réfugiées des familles, a été touchée. Devant ma porte, j’ai vu tous ces blessés agonisants, sans que personne ne puisse les aider. C’est de la pure #folie. Ils nous assiègent et nous massacrent. Cette façon de faire la guerre… On se croirait au Moyen-Âge », souffle le père de famille, qui dénonce « une campagne de #vengeance_aveugle ». L’homme de 49 ans implore Israël et la communauté internationale d’agir urgemment. « La seule et unique solution possible pour nous tous, c’est la #solution_politique. On l’a répété un million de fois : seule une solution politique juste nous apportera la paix. »

      Toujours à Gaza City avec sa famille, la professeure de français Assya décrit ce jour et demi d’#angoisse : « On se répétait : “Mais que se passe-t-il, que va-t-il nous arriver ?” On entendait les bombardements, boum, boum, boum… Ça n’arrêtait pas ! Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire. Et elle se calmait… Chaque matin, c’est un miracle qu’on soit encore là… » Chaque jour aussi, Assya demande si nous, journalistes, en savons plus sur un cessez-le-feu.

      Plus de 8 000 Gazaouis ont péri, mais leurs suppliques résonnent dans le vide jusqu’à présent. Elles sont pourtant de plus en plus pressantes, face à la #situation_humanitaire qui se dégrade dramatiquement. Ce samedi, des entrepôts des Nations unies ont été pillés. « C’est le signe inquiétant que l’ordre civil est en train de s’effondrer après trois semaines de guerre et de #siège de Gaza. Les gens sont effrayés, frustrés et désespérés », a averti Thomas White, directeur des opérations de l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. Assya confirme : l’un de ses cousins est revenu avec des sacs de sucre, de farine, des pois chiches et de l’huile. Quand elle lui a demandé d’où ça venait, il lui a raconté, le chaos à Deir Al-Balah, dans le sud de l’enclave. « Les gens ont cassé les portes des réserves de l’UNRWA, ils sont entrés et ont pris la farine pour se faire du pain eux-mêmes, car ils n’ont plus rien. La population est tellement en #colère qu’ils ont tout pris. » Depuis le 21 octobre, seuls 117 camions d’#aide_humanitaire (lire l’épisode 2, « “C’est pas la faim qui nous tuera mais un bombardement” ») ont pu entrer dans la bande de Gaza dont 33 ce dimanche), via le point de passage de Rafah au sud, à la frontière égyptienne. L’ONU en réclame 100 par jour, pour couvrir les besoins essentiels des Gazaouis. Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a averti : « Empêcher l’acheminement de l’aide peut constituer un #crime. […] Israël doit s’assurer sans délai que les #civils reçoivent de la #nourriture, des #médicaments. »

      Les corps des 1 400 victimes des attaques du 7 octobre sont dans une #morgue de fortune. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’#horreur à l’état pur

      En écho à cette situation de plus en plus dramatique, Israël a intensifié sa guerre de la #communication. Pas question pour l’État hébreu de laisser le Hamas ni les Palestiniens gagner la bataille de l’émotion au sein des opinions. Depuis une dizaine de jours, les autorités israéliennes estiment que les médias internationaux ont le regard trop tourné vers les Gazaouis, et plus assez sur le drame du 7 octobre. Alors Israël fait ce qu’il maîtrise parfaitement : il remet en marche sa machine de la « #hasbara ». Littéralement en hébreu, « l’explication », euphémisme pour qualifier ce qui relève d’une véritable politique de #propagande. Mais cela n’a rien d’un gros mot pour les Israéliens, bien au contraire. Entre 1974 et 1975, il y a même eu un éphémère ministère de la Hasbara. Avant cela, et depuis, cette tâche de communication et de promotion autour des actions de l’État hébreu, est déléguée au ministère des Affaires étrangères et à l’armée.

      Un enjeu d’autant plus important face à cette guerre d’une ampleur inédite. C’est pourquoi, chaque jour de cette troisième semaine du conflit, l’armée israélienne a organisé des événements à destination de la #presse étrangère. Visites organisées des kibboutzim où les #massacres de civils ont été perpétrés : dimanche dans celui de Beeri, mercredi et vendredi à Kfar Aza, jeudi dans celui de Holit. Autre lieu ouvert pour les journalistes internationaux : la base de Shura, à Ramla, dans la banlieue de Tel Aviv. Elle a été transformée en morgue de fortune et accueille les 1 400 victimes des attaques du 7 octobre, afin de procéder aux identifications. Dans des tentes blanches, des dizaines de conteneurs. À l’intérieur, les corps. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’horreur à l’état pur.

      Mais l’apogée de cette semaine de communication israélienne, c’est la convocation générale de la presse étrangère, lundi dernier, afin de visionner les images brutes des massacres. Quarante-trois minutes et quarante-quatre secondes d’une compilation d’images des GoPro embarquées des combattants du Hamas, des caméras de vidéosurveillance des kibboutzim, mais aussi des photos prises par les victimes avec leurs téléphones, ou par les secouristes. Le tout mis bout à bout, sans montage. Des images d’une violence inouïe. Une projection vidéo suivie d’une conférence de presse tenue par le porte-parole de l’armée israélienne, le général Daniel Hagari. Il le dit sans détour : l’objectif est de remettre en tête l’ignominie de ce qui s’est passé le 7 octobre dernier. Mais également de dire aux journalistes de mieux faire leur travail.

      Il les tance, vertement : « Vous ! Parfois, je prends trente minutes pour regarder les infos. Et j’ai été choqué de voir que certains médias essayent de COMPARER ce qu’Israël fait et ce que ces vils terroristes ont fait. Je ne peux pas comprendre qu’on essaye même de faire cette #comparaison, entre ce que nous venons de vous montrer et ce que l’armée fait. Et je veux dire à certains #médias qu’ils sont irresponsables ! C’est pour ça qu’on vous montre ces vidéos, pour qu’aucun d’entre vous ne puisse se dire que ce qu’ils font et ce que nous faisons est comparable. Vous voyez comment ils se sont comportés ! » Puis il enfonce le clou : « Nous, on combat surtout à Gaza, on bombarde, on demande aux civils d’évacuer… On ne cherche pas des enfants pour les tuer, ni des personnes âgées, des survivants de l’holocauste, pour les kidnapper, on ne cherche pas des familles pour demander à un enfant de toquer chez ses voisins pour les faire sortir et ensuite tuer sa famille et ses voisins devant lui. Ce n’est pas la même guerre, nous n’avons pas les mêmes objectifs. »

      Ce vendredi, pour finir de prouver le cynisme du Hamas, l’armée israélienne présente des « révélations » : le mouvement islamiste abriterait, selon elle, son QG sous l’hôpital Al-Shifa de Gaza City. À l’appui, une série de tweets montrant une vidéo de reconstitution en 3D des dédales et bureaux qui seraient sous l’établissement. Absolument faux, a immédiatement rétorqué le Hamas, qui accuse Israël de diffuser « ces mensonges » comme « prélude à la perpétration d’un nouveau massacre contre le peuple [palestinien] ».

      Au milieu de ce conflit armé et médiatique, le Président français a fait mardi dernier une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. Commençant par un passage à Jérusalem, #Emmanuel_Macron a réaffirmé « le droit d’Israël à se défendre », appelant à une coalition pour lutter contre le Hamas dans « la même logique » que celle choisie pour lutter contre le groupe État islamique. Il s’est ensuite rendu à Ramallah, en Cisjordanie occupée, au siège de l’Autorité palestinienne. « Rien ne saurait justifier les souffrances » des civils de Gaza, a déclaré Emmanuel #Macron. Qui a lancé un appel « à la reprise d’un processus politique » pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas. Tenant un discours d’équilibriste, rappelant que paix et sécurité vont de pair, le Président a exigé la mise en œuvre de la solution à deux États, comme seul moyen de parvenir à une paix durable. Une visite largement commentée en France, mais qui a bien peu intéressé les Palestiniens.

      Car si les projecteurs sont braqués sur Israël et Gaza depuis le début de la guerre, les Palestiniens de #Cisjordanie occupée vivent également un drame. En à peine trois semaines, plus de 120 d’entre eux ont été tués, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne. Soit par des colons juifs, soit lors d’affrontements avec les forces d’occupation israéliennes. Bien sûr, la montée de la #violence dans ce territoire avait commencé bien avant la guerre. Mais les arrestations contre les membres du Hamas, les raids réguliers menés par l’armée et les attaques de colons prennent désormais une autre ampleur. Ce lundi matin encore, l’armée israélienne a mené un raid sur le camp de Jénine, au nord de la Cisjordanie, faisant quatre morts. Selon l’agence de presse palestinienne Wafa, plus de 100 véhicules militaires et deux bulldozers sont entrés dans le camp. Déjà, mercredi dernier, deux missiles tirés depuis les airs en direction d’un groupe de personnes avait fait trois morts à #Jénine.

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière les murs qui encerclent les Territoires. À Gaza, mais aussi en Cisjordanie

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière le mur qui encercle les territoires palestiniens. Du sud, à Hébron, au nord, à Naplouse, en passant par Jénine et Ramallah, les #manifestations ont émaillé ces trois dernières semaines, s’intensifiant au fil du temps. À chaque fois, les Palestiniens y réclament la fin de l’#occupation, la mise en œuvre d’une solution politique pour un #accord_de_paix et surtout l’arrêt immédiat des bombardements à Gaza. Ce vendredi, quelques milliers de personnes s’étaient rassemblés à Ramallah. Drapeaux palestiniens à la main, « Que Dieu protège Gaza » pour slogan, et la rage au ventre. Yara était l’une d’entre eux. « Depuis le début de la guerre, le #traitement_médiatique en Europe et aux États-Unis est révoltant ! L’indignation sélective et le deux poids deux mesures sont inacceptables », s’énerve la femme de 38 ans. Son message est sans ambiguïté : « Il faut mettre un terme à cette agression israélienne soutenue par l’Occident. » Un sentiment d’injustice largement partagé par la population palestinienne, et qui nourrit sa colère.

      Manal Shqair est une ancienne militante de l’organisation palestinienne Stop The Wall. Ce qui se passe n’a rien de surprenant pour elle. La jeune femme, qui vit à Ramallah, analyse la situation. Pour elle, le soulèvement des Palestiniens de Cisjordanie n’est pas près de s’arrêter. « Aujourd’hui, la majorité des Palestiniens soutient le Hamas. Les opérations militaires du 7 octobre ont eu lieu dans une période très difficile traversée par les Palestiniens, particulièrement depuis un an et demi. La colonisation rampante, la violence des colons, les tentatives de prendre le contrôle de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem et enfin le siège continu de la bande de Gaza par Israël ont plongé les Palestiniens dans le #désespoir, douchant toute perspective d’un avenir meilleur. » La militante ajoute : « Et ce sentiment s’est renforcé avec les #accords_de_normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes [les #accords_d’Abraham avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, ndlr]. Et aussi le sentiment que l’#Autorité_palestinienne fait partie de tout le système de #colonialisme et d’occupation qui nous asservit. Alors cette opération militaire [du 7 octobre] a redonné espoir aux Palestiniens. Désormais, ils considèrent le Hamas comme un mouvement anticolonial, qui leur a prouvé que l’image d’un Israël invincible est une illusion. Ce changement aura un impact à long terme et constitue un mouvement de fond pour mobiliser davantage de Palestiniens à rejoindre la #lutte_anticoloniale. »

      #7_octobre_2023 #à_lire

    • Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire.

      C’est exactement ce qu’on faisait ma femme et moi à notre fils de 4 ans en 2006 au Liban.

  • #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • Découvert au Groenland, le plus vieil ADN au monde a 2 millions d’années
    https://fr.news.yahoo.com/d%C3%A9couvert-au-groenland-vieil-adn-175911783.html

    Identifiés dans des sédiments, les différents fragments d’ADN proviennent de la partie la plus septentrionale du Groenland, appelée Cap Copenhague, et sont issus d’un environnement que nous ne voyons nulle part sur Terre aujourd’hui.

    Ah ben justement, il y a un chouette documentaire à ce sujet :
    https://www.youtube.com/watch?v=mcFct1otVyE

    • Perdus depuis près de 90 ans, les restes du dernier tigre de Tasmanie retrouvés dans un musée - Edition du soir Ouest-France - 07/12/2022
      https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-12-07/perdus-depuis-pres-de-90-ans-les-restes-du-dernier-tigre-de-tasmanie-re

      Le squelette du dernier spécimen connu du tigre de Tasmanie avait disparu depuis près de 90 ans. Deux scientifiques australiens viennent de le retrouver. Les ossements étaient en fait exposés dans un musée, « cachés » à la vue de tous. Explications.

      Ah ben vraiment, aujourd’hui, c’est un concours pour essayer de nous faire mourir d’autre chose que du Covid.

      https://www.youtube.com/watch?v=lc0UehYemQA

    • Ennio Morricone - The Thing (theme)
      https://www.youtube.com/watch?v=meU2gAU7Xss

      Je regardé The Thing lors de sa sortie. On est tombé dessus par hasard car nous avions élaboré un plan pour regarder plusieurs films avec un seul billet de cinéma en passant discrètement d’une salle dans l’autre en évitant les contrôles à l’entrée. Les séances se suivaient avec un délai de quinze à vingt minutes permettant à quelques quatre ou cinq employés de gérer une douzaine de salles de projection.
      Alors, après avoir décidé de quitter une salle où on avait commencé à regarder une comédie franchement ennuyeuse, on choisit une autre salle sans contrôle à l’entrée. Le choc. Le spectacle fut capitivant et hyper sanglant pour l’époque. Où étions-nous tombés ? Cloué dans nos fauteuil on arrêta de réfléchir à combien de films on pouvait encore visionner dans la soirée. C’était trop fort.
      C’est seulement des années plus tard, après They Live et Esacpe from New York que je commencais à saisir le message de Carpenter. Soyons réalistes, admettons la menace par l’impossible. Regardons la réalité apparente en employant notre fantaisie.

      “I know I’m human. And if you were all these things, then you’d just attack me right now, so some of you are still human. This thing doesn’t want to show itself, it wants to hide inside an imitation. It’ll fight if it has to, but it’s vulnerable out in the open. If it takes us over, then it has no more enemies, nobody left to kill it. And then it’s won.”

      “I know you gentlemen have been through a lot, but when you find the time, I’d rather not spend the rest of this winter TIED TO THIS FUCKING COUCH!”

      #cinéma #john_carpenter #horreur #sciences_fiction #it_has_begun

    • Moi je ne me souviens pas quand je l’ai vu pour la première fois. Ce qui est certain, c’est que je ne l’ai pas vu au cinéma, et surtout pas à l’époque de sa sortie. Je doute même qu’on l’ait emprunté au vidéoclub quand j’habitais encore chez mes parents.

      Du coup je suspecte que je l’ai découvert sur le tard, une fois que j’ai habité seul.

      Mais sinon, je me souviens de la joie à découvrir les scènes les plus tarées du film (l’électrochoc, la tête-araignée…). Je l’ai revu récemment, je trouve que ça a très bien vieilli. Et surtout que les scènes gore ne sont pas vraiment répugnantes, tellement elles sont délirantes ; rien à voir avec la mode du torture-porn réaliste des dernières années, avec lequel j’ai beaucoup de mal.

      Et dans les archives de Seenthis (2011, oui), j’avais dit tout le mal que je pensais du remake-prequel :
      https://seenthis.net/messages/45419

  • #Sémiologie : la #police dans l’épicentre de la #violence

    Compte tenu des preuves et des liens de ces mêmes #symboles avec les milieux extrémistes et violents, la négligence du gouvernement et de la hiérarchie s’accorde dans une résolution ; celle de l’acceptation de la violence et l’#extrémisme chez la police républicaine.

    Le pouvoir d’un symbole réside dans sa capacité à produire du sens et à communiquer ce sens. Loin d’être une entité floue, le sens réfère à quelque chose d’extérieur à soi, plus exactement un objet, qui devient existant par le truchement d’une relation interpersonnelle.

    C’est au travers d’une large panoplie de #signes, #insignes, symboles, #slogans, etc, que des policier·ères visiblement sans honte ni crainte de leur hiérarchie, affichent publiquement, leur amour de la violence, du thème de la vengeance, et parfois, du racisme, de la mort, voire des idéologies fascistes ou nazis.

    Dans le monde des images, certaines nous font sourire, d’autres nous font pleurer, provoquent le choc, la peur, l’incompréhension ou l’amour et l’espoir. La sémiologie a pour objectif de cerner le sens général qui se dégage quand on voit un logo, un insigne, et de prévoir les réactions sensorielles ou émotionnelles occasionnées.

    Les expert·es s’appuient sur le fait que les symboles ne viennent pas de nulle part, ils portent une histoire. Ces armoiries, logos, blasons, symboles, drapeaux, couleurs et formes, ont été depuis la nuit des temps, un moyen de communication, chargés d’une puissance conceptuelle mais aussi émotionnelle dont émanent valeurs éthiques et morales.

    La production et la circulation de formes symboliques constituent des phénomènes centraux dans la recherche en sciences sociales et les psychologues sociaux ont plus particulièrement étudié les processus par lesquels le sens est construit, renforcé et transformé dans la vie sociale.

    L’intérêt pour la fonction symbolique a permis l’émergence de nouveaux courants de recherche conceptuel et empirique dédiés à la compréhension de l’engagement des individus quand ils construisent du sens sur le monde dans lequel ils vivent et communiquent avec d’autres à ce sujet.

    Ces écussons, comme celui dans l’image suivante, en contact avec les citoyenne·s, se traduisent par un réflexe inconscient pour la majorité et un terrible constat pour les plus informés. D’une manière ou d’une autre, une signification se crée automatiquement, malgré la volonté de chacun·e.

    En rapport à la politique des symboles, chez le·a policier·ère tout est une représentation. Selon l’écrivain Arnaud-Dominique Houte "Au-delà de l’utilité pratique du costume, policiers et gendarmes affichent une prestance militaire qui renforce leur prestige. Mais ils montrent aussi qu’ils travaillent en toute transparence, en assumant leurs actes et en se plaçant au service du public". Le code vestimentaire du policier, son armement et sa posture font état d’une logique d’autorité et d’obéissance à la loi. Juger le port de ces écussons qui "appellent à la mort" comme inoffensifs ou insignifiants, comme l’excuse parfois la hiérarchie, révèle de la négligence politique. Si chaque interaction entre le public et la police "doit être conçue comme une expérience socialisatrice" contribuant à consolider la confiance et la légitimité de l’action policière, en quoi le port de tels symboles additionne un point positif à l’équation ?

    Devoir d’obéissance bafoué ou négligence de la hiérarchie ?

    La loi est précise. Néanmoins des policiers continuent à exhiber dans l’exercice de leurs fonctions et sur la place publique, leur affection aux "symboles repères" associés aux néo-nazis et à l’extrême droite. Au cours des dernières années, à plusieurs reprises, la police a été dans le collimateur de l’opinion publique consécutivement à la quantité importante de scandales qui ont émergés dans les médias et les réseaux sociaux. Comme pour les violences policières, de plus en plus de citoyens et de journalistes commencent à capter des images des insignes qui ornent parfois l’équipement de la police.

    Au large dossier des photos de cagoules/foulards tête-de-mort, écussons, tatouages, locutions, s’ajoutent les enquêtes de StreetPress ou Mediapart qui ont révélé, l’existence de groupes Facebook ou Whatsapp, où des policiers pour se divertir, nourrissent la violence virtuelle et propagent du racisme et du suprémacisme blanc à travers les réseaux sociaux. Le port de ces symboles pendant le temps de travail devient-il un prolongement des convictions politiques quotidiennes de certains policiers ?

    Selon la terminologie gouvernementale, ce sont des "signes faibles" d’une tendance vers "l’idéologie de la violence" qui s’intensifie dans la police et qui, coïncidence ou pas, s’aligne sur un mandat répressif, l’escalade de la violence, la logique punitive et liberticide. Une tendance politique favorisée et propagée par la Macronie ou des syndicats de police, synchrone aux logiques d’extrême droite, et qui malheureusement, modèle la doctrine des forces de l’ordre, ses intérêts et ses croyances. Enfin, elle matérialise un nouveau monde libéral, où légitimer la violence apparaît être plus qu’une nécessité mais une obligation.

    A la vue du défilé de scandales associés aux symboles d’extrême droite dans la police, il est difficile de croire que les policier·ères concerné·es puissent utiliser ces symboles par pure naïveté. Une simple recherche sur internet et il est possible de trouver facilement des informations qui attestent de l’utilisation de ces mêmes symboles par l’extrême droite, en France et notamment aux États-Unis. Frédéric Lambert, Professeur des universités et de l’Institut français de presse, également chercheur en Sémiologie et sémiotique des images d’information et de communication, nous explique très pragmatiquement que :

    « Les représentants de la loi et les professionnels qui doivent faire appliquer la loi, dont les policiers, travaillent pour l’État français. À ce titre, ils doivent porter les signes de l’institution qu’ils représentent, un uniforme réglementaire. Si certains policiers s’autorisent d’ajouter à leur tenue de service des signes qui ne sont pas autorisés, ils deviennent hors-la-loi eux-mêmes.

    Hélas cette dérive a pu s’observer en France, et l’on a vu des policiers municipaux porter le symbole du Punisher, héros de bande dessinée, puis insigne de certains groupe militarisés nazis, adopté par certains policiers aux États Unis. Deux remarques : les récits fictionnels envahissent nos réalités sociales, et il faudrait à ces policiers et à leur tutelle revenir dans la réalité de la justice sociale. La République française peut rêver mieux que de voir ses représentants porter des menaces en forme de tête de mort. Les signes au sein de la vie sociale sont bien trop importants pour que des policiers même municipaux s’en saisissent avec arrogance. »

    A chaque scandale, un rappel à la loi. Des policier·ères de différentes compagnies (police nationale, CRS ou BAC) se sont vus demander de respecter le code de déontologie et de retirer leurs écussons non-réglementaires. Néanmoins, malgré tous ces rappels et articles de presse, le Ministre de l’Intérieur et les préfets de police, n’arrivent pas à purger ces agents qui méprisent les principes de la neutralité politique.

    Le ministère de l’Intérieur Christophe Castaner en 2018, interpellé par Libération, au sujet d’un écusson ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ, du grec - "viens prendre" sur l’uniforme d’un policier, clarifie.

    « Le RGEPN (règlement de la police nationale, ndlr) prohibe le port sur la tenue d’uniforme de tout élément, signe, ou insigne, en rapport avec l’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative. On ne sait pas à quelle référence l’insigne renvoie, mais il ne devrait pas figurer sur l’uniforme du CRS. »

    Ces dérives ne devraient pas exister. Cependant, depuis 2018, nous avons recensé plus d’une vingtaine de cas où les policiers affichent explicitement des insignes, signes, drapeaux, cagoules ou écussons à têtes de mort, tee-shirts BOPE (Batalhão de Operações Policiais Especiais - Brazil), etc ; symboles de référence majoritairement chez l’extrême droite, mais aussi chez les nationalistes, intégristes, militaristes, hooligans, etc.

    La tête de mort Punisher, le Totenkopf moderne.

    Le Punisher est un héros issu des comics Marvel, ancien soldat du corps des Marines, consumé par le désir de vengeance suite à l’assassinat de sa famille dans le Central Park. Il fut créé par le scénariste Gerry Conway en 1974.

    Le crâne ou tête-de-mort, a été utilisé dans plusieurs domaines depuis la Grèce antique soit dans le milieu littéraire, où il était associé à la sagesse, ou dans le milieu médical, funèbre, etc. L’un des premiers récits enregistré du "crâne et des os croisés" remonte à l’histoire militaire allemande et à la guerre de Trente Ans, lorsque les soldats bavarois, connus sous le nom "d’Invincibles", portaient des uniformes noirs avec des Totenkopfs blancs sur leurs casques.

    La tête-de-mort sera utilisée ainsi par les forces militaires allemandes à partir du XVIIe siècle jusqu’aux Nazis, où elle sera reconnue comme un "symbole de terreur", inscrit dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

    Dans un monde belliqueux dédié à la violence et à la mort, les symboles qui visent à inspirer la peur, l’horreur et la terreur, passent de main en main, d’époque en époque, et se répandent dans les forces militaires en guerre partout dans le monde.

    Le surprenant by-pass est que les forces militaires post-WorldWar II (en ce qui touche le War-Comics comme source de moral pour le troupes), éviteront de s’inspirer directement de la Totenkopf Nazie "crâne et des os croisés" étant donnée la charge historique ; mais le feront sous la forme de la tête-de-mort symbole du Punisher. Un malheureux choix, car elle aussi s’inspire de la Totenkopf Nazie, comme l’a révélé le magazine Forbes dans l’article :The Creator Of ‘The Punisher’ Wants To Reclaim The Iconic Skull From Police And Fringe Admirers.

    Parallèlement, la tête de mort nazie, continuera à être utilisé par des groupuscules extrémistes de droite et néo-nazis aux États-Unis, comme l’a démontré l’organisation ADL (Anti-Defamation League, créée 1913) dans une de ses enquêtes Bigots on Bikes-2011.

    Ce processus de récupération des symboles des personnages DC Comics et Marvel par des forces militaires pendant les guerres d’Irak et d’Afghanistan, appelés "Morale Patches non-réglementaires", fascine et donne encore aujourd’hui lieu à des thèses et des mémoires universitaires.

    Dans une étude pour la Loyola University of Chicago, Comics and Conflict : War and Patriotically Themed Comics in American Cultural History From World War II Through the Iraq War ; Cord A. Scott, cerne le moment ou la tête de mort Punisher commence à décorer les uniformes militaires pendant la guerre en Irak.

    (en 2003, NDLR), une unité de Navy SEAL en Irak a conçu des patchs avec l’emblème du crâne au centre, avec le slogan “God will judge our enemies we’ll arrange the meeting – Dieu jugera nos ennemis, nous organiserons la réunion.” Cela était cohérent avec le rôle original du personnage : comme une arme pour punir les coupables de leurs crimes contre la société, une mission qui reste la même qu’ils soient mafieux ou fedayin.

    Au fil de l’histoire, l’utilisation de la tête-de-mort Punisher ne se restreint pas aux forces militaires mais, au contraire, elle va se propager d’abord chez l’extrême droite puis dans la police américaine.

    Le phénomène s’extrapole en Europe vers 2010 et les premières photos de policier·ères français·es portant la tête de mort, datent de 2014, à Nantes. Cependant, des dizaines de policier·ères furent photographié depuis, affichant l’écusson, des foulards ou t-shirts avec la tête-de-mort Punisher.

    Récemment, dans une interview pour le Huffingtonpost, Gerry Conway l’auteur du comic Punisher, regrette le fait que cet insigne soit utilisé par les forces de police en France. Il explique pourquoi :

    “C’est assez dérangeant pour moi de voir les autorités porter l’emblème de ‘Punisher’ car il représente l’échec du système judiciaire. Ce symbole, c’est celui de l’effondrement de l’autorité morale et sociale. Il montre que certaines personnes ne peuvent pas compter sur des institutions telles que la police ou l’armée pour agir de manière juste et compétente”.

    Il est important de reconnaitre que la symbolique derrière ces insignes est très méconnue d’une grande partie de la population. Dans une situation où la police intervient, le calme, le respect et la neutralité religieuse, politique, de genre, sont des valeurs exigées pour éviter l’escalade de la violence. Lorsqu’un·e citoyen·ne face à la police aperçoit une tête-de-mort sur la tenue d’uniforme du policier et la locution « Le pardon est l’affaire de Dieu - notre rôle est d’organiser la rencontre » , que peut-ielle interpréter ? Une menace, un appel à la mort ?

    Le port de cet écusson bafoue le principe constitutionnel de neutralité auquel sont astreints tous les agents publics, ainsi que le code de la sécurité intérieure, lequel précise à son article R515-3 : « Les agents de police municipale s’acquittent de leurs missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois. ». De plus,L’affirmation « nous organisons la rencontre » est extrêmement inquiétante.

    Notre histoire, nos symboles, le ressort du repli identitaire.

    Le rapprochement entre la tête-de-mort Punisher et l’ancienne locution du commandant Arnaud-Amalric en 1209, " Tuez-les. Le Seigneur connaît ceux qui sont les siens", reprise et modifiée en "Dieu jugera nos ennemis, nous organisons la rencontre" n’est pas une coïncidence. Ces deux cultures qui semblent complètement éloignées, s’unissent dans un univers commun, celui du suprémacisme blanc, du nationalisme, du pan-européanisme et de la guerre des religions.

    Retrouvé, le fil perdu, l’histoire de ce "Morale Patche" Punisher avec sa locution qui fait référence aux croisades, se construit d’abord par la croissante islamophobie après les attentats de 2001 en Amérique. Puis il se matérialise pendant les incursions militaires en Irak et en Afghanistan. Dans l’image suivante, issue du magazine 1001mags-2009-Afganistan 2005, une panoplie d’écussons racistes, suprémacistes, font revivre à nouveau les croisades au Moyen Orient.

    L’affection identitaire aux Templiers et l’éloge des croisades catholiques au cœur de l’extrême droite sont bien connus. L’aspect inquiétant et qui semble de plus en plus une preuve que l’extrême droite s’investit dans les rangs policiers se dessine lorsque que nous corroborons que les deux idolâtrent les mêmes symboles.

    La dernière tragédie qui a frappé les agents de la paix doit sans l’ombre d’un doute interroger le Ministre de l’Intérieur sur l’utilisation de ce type de écussons. Un templier sur le bras d’un policier et un homme qui les attaque et leur crie "Allah Akbar", ne sont pas une pure coïncidence. La hiérarchie de police est responsable pour ce genre de dérives.

    A Paris, un agent de la BAC se balade comme un gangster à côté des manifestants, avec son holster super personnalisé et son tatouage représentant le bouclier du Captain America. Ce dernier renvoie d’abord à l’identité chrétienne puis au nationalisme. Historiquement, les guerriers Templiers ont anéanti la menace musulmane en Europe et au Moyen-Orient et ont permis au christianisme de se renouveler. Mais, ce policier ignore-t-il que les croisades ont fauché quelques 3.000.000 de vies en près de 200 ans ? Les croisades sont-elles vraiment un événement à glorifier et faire valoir dans la police ? Sommes-nous là devant un policier islamophobe ?

    A Marseille à l’été 2019, un autre policier de la BAC, qui au-delà de porter ses grenades (CS et GMD) dans les poches arrières de son pantalon, de manière non-réglementaire, exhibe ses tatouages. Le tatouage sur son bras droit est un des symboles les plus connus du christianisme, le Chrisme ("le Christ") avec l’Α-Alpha et l’Ω-Omega (le Christ est le début et la fin).

    Lorsqu’un.e citoyen.ne face à la police aperçoit le holster avec un guerrier templier, ou des tatouages chrétiens, cela peut être choquant et déclencher la peur. Encore pire, pour les communautés musulmanes en France, les réfugié·es, les sans-papiers, les gens du voyage, souvent victimes de contrôles au faciès par la police.

    Pour conclure ce sujet, qu’il s’agisse des Templiers ou du Punisher, tous deux exacerbent la violence, la vengeance, la suprématie blanche, des valeurs religieuses et l’éthique occidentale. Un code de conduite qui a été dans l’histoire imposé au monde à travers la violence, la mort, la colonisation et évidemment l’assimilation. En fin de compte, la grande question reste : quel est l’objectif de ces forces de l’ordre qui portent ces symboles dans la police républicaine ?

    Spartiates, les gardiens de la paix se trompent

    Ces agents de la police aveuglé·es par le repli identitaire, deviennent des Templiers mais aussi des Spartiates. Le "Force et Honneur" répondant à l’inspiration romaine, le “si vis pacem para bellum”, le ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ et d’autres slogans repris depuis longtemps par l’extrême droite, débordent au sein de la police. D’autres agents arborent aussi la fleur de lys, symbole de la monarchie française et de la chrétienté.

    Pendant l’année de 2018, plusieurs symboles associés à l’Antiquité seront identifiés sur la tenue d’uniforme de policier·ères. En mai, sur une photo du journaliste Taha Bouhafs, on voit un CRS qui décore son uniforme avec l’insigne, ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ, du grec - "viens prendre", référence à la bataille des Thermopyles. Un insigne, comme le "Lambda", très en vogue chez les groupuscules d’extrême droite comme la "Génération Identitaire".

    Dans le cas des écussons décorés avec le casque spartiate et qui définissent les unités d’intervention, ils sont pour la plupart réglementés et autorisées par les services de police. L’amalgame est plus insidieux, puisque le casque spartiate est utilisé en Grèce par les forces militaires, mais aussi par la police depuis plusieurs siècles. Le problème que pose l’utilisation de ce symbole nationaliste est que ces signes et insignes sont devenues depuis une cinquantaine d’années des slogans du lobby pro-arme américain, le symbole de milices, mais est aussi très répandu dans l’extrême droite haineuse.

    Le portrait plus angoissant et pervers de cet amour aux symboles est la violence que va avec. La hiérarchie se trompe et les gardiens de la paix aussi, quand ils acceptent de porter ce genre de symboles sans les questionner.

    La création de l’uniforme et des insignes, avaient comme objectif primaire le renforcement de l’image sociale et psychologique des anciens Sergents ou la Maréchaussée, et à partir du XIXe siècle des policiers, dans l’office de la répression et obéissance à la loi. Porter un écusson du roi était un symbole d’autorité, de la même façon que porter la Totenkopf dans le nazisme aspirait à la terreur.

    L’insigne officiel d’une des compagnies présentes le jour où les lycéen·nes de Mantes la Jolie ont été mis à genoux, portait l’écusson avec le casque spartiate. Effectivement, on parle de violence et de punition "in situ ", valeurs très éloignées de l’idée de gardien de la paix.

    Sur Checknews de Libération, au sujet du casque spartiate : “Rien d’étonnant à cela, puisque selon la préfecture des Yvelines, il s’agit « depuis très longtemps » de l’insigne officiel de la CSI (compagnie de sécurisation et d’intervention) du département, qui est intervenue hier. « C’est une compagnie de maintien de l’ordre, ils travaillent parfois avec des casques. Ils ont un casque sur leur uniforme, quel est le problème ? », dit la préfecture.”

    Un autre article du Figaro, Une petite ville bretonne s’inquiète d’une possible réunion néonazie, qui touche le sujet des franges radicales de l’extrême droite, identifie le même casque spartiate comme symbole de la “division nationaliste“.

    En Amérique, le mouvement suprémaciste blanc Identity Evropa, n’échappe pas au scan de PHAROS. Lors des manifestations de Berkeley en avril 2017, la plate-forme colaborative PHAROS (espace où les érudits et le public en général, peuvent s’informer sur les appropriations de l’antiquité gréco-romaine par des groupes haineux) explique que ces symboles sont utilisés par “les partisans de la théorie du « génocide blanc », soutenant des opinions anti-gay, anti-immigrés, antisémites et anti-féministes”., sont les mêmes symboles ou le même drapeau raciste “confédéré” affiché par des agents de police en France.

    Si dans le passé ces écussons spartiates avaient un sens, aujourd’hui leur utilisation parait complètement réactionnaire, et même dangereuse. Permettre que ce genre de concepts violents soit associé au travail des "gardiens de la paix" reflète un énorme manque de respect pour la profession, mais aussi pour la population française.

    Compte tenu des preuves et des liens de ces mêmes symboles avec les milieux extrémistes et violents, la négligence du gouvernement et de la hiérarchie s’accorde dans une résolution ; celle de l’acceptation de la violence et de l’extrémisme au sein de la police républicaine.

    Article sur : https://www.lamuledupape.com/2020/12/09/semiologie-la-police-dans-lepicentre-de-la-violence

    https://blogs.mediapart.fr/ricardo-parreira/blog/091220/semiologie-la-police-dans-l-epicentre-de-la-violence

    #vengeance #mort #tête_de_morts #racisme #fascisme #nazisme #écussons #signification #politique_des_symboles #légitimité #confiance #loi #code_vestimentaire #symboles_repères #néo-nazis #extrême_droite #suprémacisme_blanc #signes_faibles #idéologie #forces_de_l'ordre #France #dérive #Punisher #CRS #BAC #police_nationale #déontologie #neutralité_politique #uniforme #ΜΟΛΩΝ_ΛΑΒΕ #RGEPN #dérives #Batalhão_de_Operações_Policiais_Especiais (#BOPE) #Totenkopf #Marvel #Gerry_Conway #crâne #peur #horreur #terreur #Anti-Defamation_League (#ADL) #Morale_Patches_non-réglementaires #escalade_de_la_violence #Templiers #croisades #Captain_America #tatouages #Chrisme #Α-Alpha #Ω-Omega #contrôles_au_faciès #Spartiates #Force_et_Honneur #slogans #Lambda #génération_identitaire #nationalisme

    ping @karine4

    déjà signalé en 2020 par @marielle :
    https://seenthis.net/messages/890630

  • THQ Nordic announces Alone in the Dark remake
    https://www.gamedeveloper.com/business/1992-alone-in-the-dark-is-a-remake-pieces-interactive

    Alone in the Dark has been on ice for seven years, and now the franchise is returning with a remake of the original game.

    Alone in the Dark returns – PlayStation.Blog
    https://blog.playstation.com/2022/08/12/alone-in-the-dark-returns

    Experience the franchise that defined the survival-horror genre and pathed the way for classics like Resident Evil and Silent Hill – yes, we’re delighted to let you know that the reimagining of Alone in the Dark is coming to PlayStation 5! A technical marvel when it first launched in 1992, Alone in the Dark set the standards for immersive horror adventures to come. Developer Pieces Interactive is returning to the franchise’s roots in terms of setting while updating and reimagining the game for a new generation of players.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #annonce #thq_nordic #pieces_interactive #remake #jeu_vidéo_alone_in_the_dark #horreur #atari #infogrames #mikael_hedberg #jeu_vidéo_amnesia_the_dark_descent #jeu_vidéo_soma #guy_davis #jeu_vidéo_resident_evil #jeu_vidéo_resident_evil_7 #jeu_vidéo_resident_evil_village #jeu_vidéo_resident_evil_4 #jeu_vidéo_the_callisto_protocol #striking_distance_studios #jeu_vidéo_dead_space #ea_motive #ea #electronic_arts #console_playstation_5

  • Touriste bloquée dans la zone de transit de l’aéroport de Francfort par ce qu’elle n’a pas de visa (sa destination : USA) :

    I have a flight from TUN to US thru Frankfurt and right when I make it to my layover in Frankfurt, @United
    texts me that the flight is canceled and that I’m rebooked for FRIDAY. There are no flights flying out of Frankfurt in the next days bc of a strike.

    All the white passengers get to leave the airport while PoC people with no German visas stay behind. All Lufthansa passengers get hotel vouchers. I get left behind. I am alone in a shut off terminal. All restaurants closed bc there are no flights operating.

    The only 2 security people working took my last bottle of water even tho I begged them to keep it bc everything is shut. Water vending machines are shut off.

    I go to the office of the federal police and request an emergency exit permit as it’s humanly impossible for me to spend Tues-Fri stuck at an international gate in a non operational airport with no aircrafts landing or taking off or no personnel or passengers around me. The police denies my permit and says they’ll grant it in case something (aka medical emergency) happens to me now if something was to happen, there isn’t anyone around me to alert them. I have no idea how I’ll spend tonight curled up on an airport bench with no fresh clothes, food, or water- or how I’ll continue to do this for the coming nights. All I’m here to say is borders are gross and passport discrimination is gross and this airport’s police is absolutely inhumane to non-visa carriers and the airlines are holding us hostage until further notice while every European/ USian walked out the door and got themselves a bed to sleep on and food to eat for the next few days.

    Finally, I am not surprised to say @United are absolutely useless.

    https://twitter.com/AnaneBelkis/status/1552154927044214785

    #aéroport #visa #horreur #non-assistance #zone_de_transit #limbe #immobilité

    –-

    ajouté à la métaliste sur des cas de personnes bloquées dans les aéroports (en général, des exilé·es/demandeurs d’asile) :
    https://seenthis.net/messages/720652

  • Quand les pensionnaires autochtones étaient des cobayes en nutrition Catherine Lefebvre
    https://ici.radio-canada.ca/mordu/4258/pensionnats-autochtones-cobayes-nutrition

    De 1942 à 1952, des chercheurs ont mené des études controversées dans des pensionnats autochtones dans le but de « traiter » la malnutrition particulièrement présente chez les jeunes pensionnaires. Lumière sur un côté sombre de la recherche en nutrition au Canada.

    En 2013, l’historien de l’alimentation, de la santé autochtone et de la politique du colonialisme Ian Mosby publie un article intitulé Administering Colonial Science : Nutrition Research and Human Biomedical Experimentation in Aboriginal Communities and Residential Schools, 1942–1952.
    Il y parle des nombreuses études menées sur des pensionnaires dans six pensionnats autochtones canadiens https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/7112/nutritionniste-urbain-bernard-lavallee-catherine-lefebre/610351/pensionnat-autochtone-experience-histoire-canada .

    Au nom de la malnutrition
    À l’aube des années 1940, le gouvernement canadien sait que la famine règne dans les pensionnats et les communautés autochtones. En 1942, une équipe de recherche commence à étudier la question de la malnutrition en se rendant dans cinq communautés cries au nord du Manitoba : Norway House, Cross Lake, God’s Lake Mine, Rossville et The Pas.

    À leur arrivée, les scientifiques constatent l’état de malnutrition sévère des pensionnaires, qui mangent en moyenne 1470 calories par jour. Ce nombre de calories est similaire à celui consommé par les participants de la Minnesota Starvation Experiment https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/7112/nutritionniste-urbain-bernard-lavallee-catherine-lefebre/519565/seconde-guerre-mondiale-ancel-keys-alimentation de l’Américain Ancel Keys, une expérience menée dans les mêmes années qui tente de simuler la famine.

    Les chercheurs disent même que si les pensionnaires étaient blancs, ils exigeraient qu’ils soient soignés. Cette précarité alimentaire entraîne des problèmes de santé nettement plus prévalents dans cette population que dans la population non autochtone.

    Par exemple, le taux de mortalité de la tuberculose au Manitoba est, à l’époque, de 27 cas pour 100 000 habitants. Dans les communautés autochtones de la province, on parle de 1400 pour 100 000 habitants. De plus, leur taux de mortalité infantile est de 8 fois supérieur à celui du reste du Canada.

    Les pensionnats comme laboratoire de recherche
    Les chercheurs proposent donc de mener une étude intensive d’un an ou deux pour démontrer les effets d’interventions nutritionnelles, en ajoutant des suppléments de vitamines et minéraux dans le régime alimentaire d’une partie des pensionnaires souffrant de malnutrition pour prévenir la tuberculose. Cela veut donc dire que le groupe témoin, souffrant aussi de malnutrition, ne reçoit aucun supplément.


    Il faut savoir que la qualité générale des soins de santé est inadaptée. “Les soins médicaux offerts aux peuples autochtones sont nettement inférieurs aux normes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système des pensionnats, précise Ian Mosby. Pratiquant la ségrégation raciale, le Canada crée alors des « hôpitaux indiens” qui ne sont financés qu’à une fraction du coût des établissements des colons. »

    Or, pour les chercheurs, réduire la malnutrition chez les pensionnaires est aussi une façon de protéger la population blanche de ce qu’ils appellent les “réservoirs indiens” qu’ils considèrent comme des “vecteurs de maladies”.

    Plus tard, en 1947, une nouvelle étude débute à la Baie-James afin de comprendre les liens entre la nutrition et la santé dans le Nord. Les chercheurs croient que les problèmes de malnutrition des peuples autochtones sont causés en majorité par leur trop grande dépendance aux aliments achetés en magasin et leur manque d’accès à leurs aliments traditionnels.

    Les scientifiques constatent une fois de plus un état nutritionnel inadéquat. Pour y remédier, ils estiment qu’il vaut mieux éduquer les populations autochtones, notamment à faire de meilleurs choix alimentaires. On les encourage à chasser, pêcher et jardiner, même si l’accès au territoire a été largement limité par les colons.

    L’année suivante, en 1948, de nouvelles études sont entamées, et 1000 enfants de six pensionnats servent de cobayes. On modifie leur alimentation ou on la maintient inadéquate pour tester l’effet de certains aliments ou de suppléments de vitamines et minéraux sur leur état de santé.

    Ces études ne suffisent pas à améliorer de façon significative le traitement de la malnutrition des pensionnaires. Au contraire, les chercheurs estiment qu’il en faut encore plus pour en apprendre davantage sur les liens entre la santé et la malnutrition.
    Si ces études semblent atrocement non éthiques, Ian Mosby croit bon de rappeler que “les horreurs dans les pensionnats autochtones étaient bien pires que ces études”.

    Pour en savoir plus à ce sujet, écoutez l’épisode d’On s’appelle et on déjeune https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/7112/nutritionniste-urbain-bernard-lavallee-catherine-lefebre/610351/pensionnat-autochtone-experience-histoire-canada . Nous en discutons avec Sipi Flamand, vice-chef du conseil de bande des Atikamekws de Manawan, et Laurence Hamel-Charest, candidate au doctorat en anthropologie à l’Université de Montréal, dont la thèse porte sur la transformation du patrimoine alimentaire de la communauté anishinaabe de Lac-Simon.

    #canada #pensionnats_autochtones #extermination #enfants #tuberculose #faim #nutrition #horreurs #cobayes #malnutrition #ségrégation-raciale #religion

    • C’est fou le nombre de génocides dans les quels les « protecteur de la vie » sont impliqués.
      L’interdiction de l’avortement aux usa leur permet de faire oublier leurs massacres organisés .

  • Migrants : « Ce sont bien les Etats qui tuent aux frontières de l’Europe »

    Face aux discours de dédouanement de nombreux responsables politiques après la mort d’au moins 27 personnes au large de Calais le 25 novembre, plus de 200 universitaires spécialistes des questions migratoires demandent, dans une tribune au « Monde », que les Etats européens, y compris le Royaume-Uni, reconnaissent leurs responsabilités.

    Tribune. Mercredi 24 novembre, au moins 27 personnes sont mortes dans la Manche après avoir tenté une traversée en bateau vers les côtes britanniques. C’est le bilan le plus meurtrier de ces dernières années à Calais et ses environs. Pourtant, quiconque connaît la région ne peut s’étonner d’une telle nouvelle. D’abord parce que les frontières – mais surtout les politiques visant à empêcher leur passage – ont tué plus de 300 personnes sur ce seul littoral depuis 1999.

    Ensuite parce que, depuis le début des passages en small boats, en 2018, on ne pouvait que craindre un tel drame : la Manche est l’une des voies maritimes les plus empruntées au monde, les personnes qui traversent le font dans des embarcations de fortune et avec un équipement minimum, et la température de l’eau ne laisse que peu de chance de survie aux personnes qui passent par-dessus bord. Enfin, parce qu’avec l’approche de l’hiver et la politique de non-accueil des pouvoirs publics français, les personnes en transit sont prêtes à tout pour passer coûte que coûte.

    Dans les heures qui ont suivi le repêchage de plusieurs corps sans vie au large de Calais, on a assisté à un véritable déferlement de déclarations émanant d’élus et de représentants d’institutions publiques, se défaussant de toute responsabilité dans les conséquences dramatiques d’une politique migratoire meurtrière, qu’ils ont pourtant choisie et rendent opérationnelle tous les jours. A les entendre, les « passeurs » seraient les seuls et uniques criminels dans cette « tragédie humaine », épaulés, selon certains, par les associations non mandatées par l’Etat, qui auraient « du sang sur les mains », selon les propos tenus par Pierre-Henri Dumont, député [LR] du Pas-de-Calais, sur Franceinfo, le soir du drame. Ce retournement des responsabilités est odieux et inacceptable.

    Rhétorique éculée

    Le dédouanement des politiques en France et au Royaume-Uni fait tristement écho à la situation dramatique dans le canal de Sicile, où, depuis maintenant plus de vingt ans, des bateaux chavirent et des exilés se noient dans l’indifférence. Il fait écho aussi au traitement de la situation en cours à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, où quelques milliers de migrants sont pris au piège entre les forces armées biélorusses et polonaises, poussés en avant par les premières et repoussés par les secondes. N’y voir que le machiavélisme de la Biélorussie épaulée par la Russie, c’est occulter la responsabilité de l’Union européenne (UE) dans ce refus obstiné d’accueillir celles et ceux qui fuient leur détresse.

    C’est bien avec l’assentiment de tous les Etats membres que les gardes-frontières polonais repoussent à coups de grenades lacrymogènes et de lances à incendie des familles afghanes, syriennes et d’autres nationalités, dont la vie est chaque jour mise en danger dans des forêts marécageuses, par des températures glaciales. Ce sont bien les Etats qui tuent aux frontières européennes.

    Face à la rhétorique éculée de l’appel d’air et de l’invasion, face à l’entier report de la responsabilité à des passeurs ou à des régimes dits hostiles à l’UE, face à la criminalisation toujours plus grande de la solidarité, nous, sociologues, politistes, géographes, anthropologues, historiens, juristes, philosophes et psychologues spécialistes des questions migratoires, souhaitons rétablir quelques vérités issues de nos longues années d’observation et d’analyse des situations créées par les politiques anti-immigration :

    – les migrations ne sont pas le fait de criminels, mais de personnes qui fuient des situations insoutenables et qui exercent un droit à la mobilité devenu, dans les faits, le privilège d’une minorité ;

    – les passeurs n’existent que parce que les frontières sont devenues difficiles, voire impossibles, à traverser légalement ;

    – l’augmentation des contrôles et des moyens policiers ne fait qu’accroître le prix des services proposés pour l’aide à la traversée ;

    – les frontières tuent ; dans les pays d’origine et de transit, en Méditerranée, dans la Manche, aux frontières terrestres, dans l’espace Schengen, dans les territoires d’outre-mer, des personnes en détresse sont confrontées à la multiplication des dispositifs de contrôle frontaliers financés en grande partie par l’UE, ses Etats membres, et le Royaume-Uni ; pour éviter d’être enfermées, expulsées, maltraitées, elles empruntent des itinéraires toujours plus dangereux et tentent malgré tout le voyage en prenant des risques immenses ;

    – le durcissement et la violence de ces contrôles augmentent la durée de l’attente, le nombre de tentatives de passage aux abords des frontières, les risques d’expulsion, conduisant à des parcours erratiques à travers la France et l’Europe, renforçant d’autant les souffrances endurées et les risques létaux ;

    – la politique de « non-accueil » mise en œuvre à Calais comme ailleurs, consistant à harceler sans relâche les personnes exilées, à leur dénier l’accès aux droits fondamentaux les plus élémentaires et à entraver le travail des associations qui leur viennent en aide ne fait que rendre l’horizon britannique plus désirable ;

    – à l’encontre des politiques dominantes, la solidarité des populations avec les personnes migrantes est de plus en plus patente à travers l’Europe ; des individus et des associations se mobilisent pour permettre à des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants de survivre malgré des conditions toujours plus difficiles ; qu’ils et elles soient accusés de « favoriser l’appel d’air », quand ce n’est pas de complicité de meurtre, est tout simplement honteux.

    Face à ces drames, il est urgent que l’UE et les Etats européens, y compris le Royaume-Uni, reconnaissent leurs responsabilités et changent radicalement de cap : il n’est pour nous ni concevable ni acceptable que les institutions poursuivent dans leur entêtement à traiter les personnes migrantes comme des criminels, pour ensuite regretter hypocritement les morts que les mesures sécuritaires contribuent à produire.

    Premiers signataires : Annalisa Lendaro (CNRS, Certop) ; Karine Lamarche (CNRS, CENS) ; Swanie Potot (CNRS, Urmis) ; Marie Bassi (université Nice-Sophia-Antipolis, Ermes) ; Michel Agier (IRD-EHESS, IIAC) ; Didier Bigo (Sciences Po, CERI) ; Alain Morice (CNRS, Urmis) ; Léa Lemaire (ULB, Cofund Marie Curie) ; Morgane Dujmovic (AMU, Telemme) ; Mustapha El Miri (AMU, LEST) ; Etienne Balibar (université Paris-Nanterre, Sophiapol) ; Nicolas Fischer (CNRS, Cesdip) ; Marie-Laure Basilien-Gainche (université Lyon-III, Ediec) ; Yasmine Bouagga (CNRS, Triangle) ; Mathilde Pette (UPVD, ART-Dev) ; Sarah Sajn (Aix-Marseille Université, Mesopolhis) ; Nicolas Lambert (CNRS, RIATE)

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/01/ce-sont-bien-les-etats-qui-tuent-des-migrants-aux-frontieres-de-l-europe_610

    –-

    En contre-point :
    #Gérarld_Darmanin autour des morts dans #La_Manche (sans honte)
    https://seenthis.net/messages/938261

    #responsabilité #Etats #asile #migrations #réfugiés #morts #décès #morts_aux_frontières #passeurs

    • Morts et #refoulements pour cause de #non-assistance délibérée dans la Manche

      Lorsque la nouvelle a commencé à circuler qu’un bateau avait coulé au milieu de la Manche et que 27 personnes, hommes, femmes et enfants, avaient perdu la vie le mercredi 24 novembre, les gouvernements britanniques et français se sont empressés d’accuser les ” passeurs ” de cette perte de vie. Les informations qui ont émergé depuis montrent que c’est la décision des autorités de ne pas intervenir et de ne pas coopérer entre elles, alors qu’elles avaient été alertées que le bateau était en détresse, qui a conduit directement à leur mort.

      L’un des deux survivants, Mohammad Khaled, s’est entretenu avec le réseau d’information kurde Rudaw et a expliqué son histoire. Il raconte que les voyageurs sont montés sur le bateau et sont entrés dans l’eau près de Dunkerque vers 21 heures HEC dans la nuit de mardi à mercredi. Trois heures plus tard, ils pensaient être arrivés à la ligne de démarcation entre les eaux britanniques et françaises.

      Mohammad raconte que pendant leur traversée le flotteur droit perdait de l’air et des vagues entraient dans le bateau. Les passagers ont évacué l’eau de mer et utilisé une pompe manuelle pour regonfler le flotteur droit du mieux qu’ils pouvaient, mais lorsque la pompe a cessé de fonctionner, ils ont appelé les garde-côtes français à la rescousse. Ils ont partagé leur position GPS via un smartphone avec les autorités françaises, ce à quoi les Français ont répondu que le bateau se trouvait dans les eaux britanniques et qu’ils devaient appeler les Britanniques. Les voyageurs ont alors appelé les garde-côtes britanniques qui leur ont dit de rappeler les Français. Selon son témoignage, “deux personnes appelaient – l’une appelait la France et l’autre la Grande-Bretagne”. Mohammad a raconté que : “La police britannique ne nous a pas aidés et la police française a dit : “Vous êtes dans les eaux britanniques, nous ne pouvons pas venir”. Bien que les garde-côtes de Douvres et le centre français de coordination des secours maritimes de Gris-Nez connaissent l’emplacement et l’état du bateau, aucun des deux n’a lancé d’opération de recherche et de sauvetage.

      Un parent d’une des personnes à bord, également interrogé par Rudaw, explique que les problèmes avec le flotteur ont commencé vers 01h30 du matin GMT. Il a été en contact avec les personnes à bord jusqu’à 02h40 GMT et suivait également la position du bateau, partagée en direct sur Facebook. Il insiste sur le fait qu’à ce moment-là, le bateau se trouvait dans les eaux britanniques et que les garde-côtes de HM étaient au courant de la situation. Il déclare : “Je crois qu’ils étaient à cinq kilomètres à l’intérieur des eaux britanniques” et lorsqu’on lui demande si les Britanniques étaient au courant du bateau en détresse, il répond : “100 pour cent, 100 pour cent et ils [la police britannique] ont même dit qu’ils viendraient [à la rescousse]”.

      Interrogés par Rudaw, les Britanniques ont nié que le bateau se trouvait dans leurs eaux. Un communiqué du ministère de l’Intérieur indique : “Les responsables ici ont confirmé hier soir que l’incident s’est produit bien à l’intérieur des eaux territoriales françaises, ils ont donc dirigé les opérations de sauvetage, mais [nous] avons déployé un hélicoptère en soutien à la mission de recherche et de sauvetage dès que nous avons été alertés.” Cependant, Rudaw (au 29/11) n’a toujours pas reçu de réponse détaillée sur la question de savoir si oui ou non les garde-côtes de HM avaient reçu un appel de détresse du navire pendant la nuit ou tôt le matin.

      Une question se pose quant à la déclaration du ministère de l’Intérieur : quelle est la période qui, selon lui, constitue “l’incident” ? La déclaration mentionne le déploiement d’un hélicoptère “dès que nous avons été alertés”. Le suivi du vol de l’hélicoptère G-MCGU des garde-côtes de HM (nommé “Sar 111232535” sur MarineTraffic) par Sergio Scandura montre qu’il a effectué trois vols au-dessus de la zone le 24 novembre :

      Le premier entre 03h46 et 06h26 GMT, où il semble avoir effectué une recherche de type “carré en expansion”, et le second des cibles spécifiques qu’il a trouvées. S’il s’agit du lancement “dès que nous avons été alertés” dont parle le ministère de l’Intérieur, cet hélicoptère a-t-il repéré le bateau de Mohammad et d’autres navires ont-ils été lancés pour participer à la mission de recherche et de sauvetage ?

      La fois suivante, l’hélicoptère a été lancé dans l’après-midi, à 13 h 16 GMT. Il semble faire une “recherche de secteur” et encercle à nouveau certains endroits spécifiques. C’est à peu près l’heure à laquelle les Français ont lancé leur opération de recherche et de sauvetage, et il est plus probable qu’il s’agisse du lancement et de l’ “incident” dont il est question dans la déclaration du ministère de l’Intérieur. Ce n’est qu’à 15 h 47 que la préfecture maritime de la Manche et mer du Nord a indiqué pour la première fois sur Twitter qu’elle coordonnait une opération de recherche et de sauvetage concernant un naufrage dans la Manche. Les données de MarineTraffic montrent que les bateaux impliqués dans le sauvetage, par exemple le canot de sauvetage Notre Dame Du Risban de la SNSM, n’ont commencé à se diriger vers cet endroit que vers 14h00, soit environ 12 heures après que Mohammad et son parent aient déclaré avoir parlé pour la première fois avec les autorités. La majeure partie de l’activité des navires français chargés de l’opération de sauvetage en question se déroule autour de 51°12′ N, 1°12 E, une position située à environ 1 mile seulement à l’est de la ligne séparant les eaux françaises des eaux britanniques.

      Cela signifie que pendant environ 12 heures, entre 02h30 et 14h00 environ, plus de trente personnes ont été laissées à la dérive dans un bateau qui coulait et sans moteur dans l’une des voies maritimes les plus fréquentées et les plus surveillées du monde. Des informations supplémentaires sont encore nécessaires pour prouver définitivement que Mohammad et les autres personnes à bord de son bateau se trouvaient dans les eaux britanniques, pendant combien de temps, et que leur situation de détresse était connue des garde-côtes de HM. Toutefois, compte tenu du témoignage de Mohammad, des parents des autres passagers, du premier hélicoptère et du temps pendant lequel le bateau a dérivé en mer, il est extrêmement probable que les garde-côtes britanniques étaient au courant de la situation. Mais au lieu d’intervenir pour sauver des vies en mer, il semble qu’ils aient décidé de faire de la politique et d’espérer que les voyageurs reviennent à la dérive et se noient dans les eaux françaises.

      Mohammad a témoigné que, même si l’eau pénétrait dans le bateau pendant la nuit et que des personnes étaient submergées, “tout le monde pouvait supporter la situation jusqu’au lever du soleil, puis, lorsque la lumière a brillé, personne ne pouvait plus supporter la situation et ils ont abandonné la vie”. Au moment où le soleil s’est levé, ils avaient déjà perdu tout espoir de survie.

      20/11/21

      Le récit de Mohammad Khaled du 24 novembre n’est pas le premier de ce qui semble être une non-assistance délibérée aux bateaux de migrants en détresse dans la Manche. Moins d’une semaine auparavant, le 20 novembre, nous nous sommes entretenus avec une autre personne dont les appels à l’aide dans la Manche, près de la ligne frontalière, semblent avoir été délibérément ignorés par les Britanniques et qui nous a fourni le récit suivant de son voyage :

      ‘’ C’était aux environs de trois heures du matin le samedi 20 novembre, lorsque nous avons embarqué sur notre bateau. Nous étions 23 personnes sur le bateau. Trois heures après, je pense, nous avons atteint la frontière britannique puis nous nous sommes retrouvés à court d’essence, je pense à 7 heures et ensuite nous avons décidé d’appeler le 999.

      Lorsque nous les avons appelé, ils nous ont dit que nous étions dans les eaux françaises sans nous demander notre localisation. Ils nous ont dis d’appeler le 196. Dans un premier temps, nous n’étions pas d’accord pour appeler les français.

      Nous avons essayé de ramer, mais c’était très difficile à cause des vagues. Puis, nous avons décidé d’appeler les français. Quand nous avons appelé, ils nous ont demandé de leur envoyer notre localisation en direct, puis ils nous ont dit ʺ vous êtes dans les eaux britanniques ʺ. Ils nous ont dit d’appeler le 999.

      Ensuite, nous avons rappelé les anglais beaucoup de fois, mais ils ont continué à nous répéter que nous étions dans les eaux françaises et puis ils nous ont raccroché au nez. Les britanniques nous ont répondu de manière très impolie, et il nous a semblé qu’ils se moquaient de nous. Je leur ai dis deux fois qu’il y avait des gens qui mouraient à bord, mais ils n’en avaient rien à foutre.

      Nous avons envoyé notre localisation en direct une deuxième fois aux gardes côtes français. Nous avons également appelé, et nous avons essayé de les joindre avec deux téléphones mais ils ont continué à nous dire que nous étions dans les eaux anglaises.

      J’ai donc décidé aux alentours de 9h30 de téléphoner à Utopia. Puis, ils nous ont aidé et ont forcé les autorités françaises à nous envoyer un bateau pour nous sauver aux alentours de 10H-10H30.

      La raison pour laquelle je partage cela c’est parce que je ne veux pas que cela arrive encore parce que cela concerne la vie des gens. ‘’

      Utopia 56, après avoir été appelé par les personnes en détresse, a appelé le CROSS Gris-Nez, le centre français de coordination des secours maritimes responsable du détroit de Douvres.
      Utopia 56 a relayé les informations reçues et la position du bateau, puis le CROSS lui a répondu qu’il était certain que les Britanniques n’étaient délibérément pas intervenus et avaient laissé les personnes dériver vers les eaux françaises.

      Les conséquences mortelles d’un manque de coopération

      Ces deux cas indiquent que, bien que la Border Force n’ait pas encore mis en œuvre de refoulement forcé en retournant les bateaux de migrants avec des jet-skis ou en les ramenant dans les eaux françaises, des refoulements ont déjà lieu, sous la forme de refus délibéré des garde-côtes de HM de venir en aide aux migrants qui, selon eux, dériveront vers les eaux françaises. Cette non-assistance délibérée est une tactique mortelle qui laisse les gens en mer, dans des bateaux surpeuplés et en mauvais état, pendant de nombreuses heures après leur appel à l’aide, afin de traumatiser les voyageurs et de les dissuader de tenter à nouveau la traversée vers le Royaume-Uni en bateau.

      Les garde-côtes français et britanniques “ont le devoir de coopérer ensemble pour prévenir les pertes de vie en mer et assurer l’achèvement d’une mission de recherche et de sauvetage” en vertu de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et de la Convention sur la recherche et le sauvetage. Les deux parties ont notamment la responsabilité de se contacter dès qu’elles reçoivent des informations sur des personnes en danger et de coopérer aux opérations de recherche et de sauvetage de toute personne en détresse en mer.

      Cependant, il semble que les politiques anti-migrants actuelles du Royaume-Uni signifient que cette coopération n’existe pas, dans les faits, pour les migrants en détresse dans la Manche. En particulier, le gouvernement britannique ne veut pas être vu en train de secourir les bateaux immédiatement après leur entrée dans ses eaux.

      En outre, leurs critiques à l’encontre des Français qui (à leurs yeux) n’en font pas assez pour intercepter les bateaux de migrants en mer ou les empêcher de quitter les côtes françaises, ont semblé empoisonner les relations diplomatiques et opérationnelles entre les pays. Par exemple, le Journal du Dimanche a récemment publié que, même dans les enquêtes sur les réseaux de passeurs, il y a eu une rupture dans la coopération française et britannique.

      Au lieu de coopérer pour sauver des vies en mer, la réponse franco-britannique a été de se disputer, d’introduire davantage de mesures de police aux frontières (y compris la surveillance aérienne de Frontex), de blâmer les victimes et de continuer à faire des passeurs des boucs émissaires. Cela a été utile pour détourner l’attention de leurs propres échecs de ces derniers jours, mais n’améliorera pas la situation des personnes qui doivent réellement entreprendre ces voyages. Une sécurisation accrue des plages et des mers ne fera que pousser les gens à emprunter des routes plus longues et plus dangereuses, où la couverture téléphonique n’est pas toujours bonne. Les petits bateaux en détresse se retrouveront plus loin du grand nombre de moyens de recherche et de sauvetage potentiels situés dans le détroit de Douvres.

      La mort de leurs amis et les heures passées en détresse à dériver en mer sans secours ne dissuaderont pas les gens d’essayer d’effectuer les mêmes trajets car ils n’ont pas d’autres options. Les solutions proposées, telles que les visas humanitaires, n’offriront pas à tous ceux qui en ont besoin une route sûre vers le Royaume-Uni. D’autres continueront à s’embarquer sur de petits bateaux qui ne sont pas en état de naviguer. Simultanément, des millions de personnes font ce même voyage chaque année à bord des ferries et des trains qui traversent la Manche plusieurs fois par jour sans incident. Ce n’est qu’en accordant le droit à la liberté de circulation à tous que nous mettrons fin à l’apartheid frontalier et que nous éviterons que d’autres vies soient perdues en mer.

      https://calaismigrantsolidarity.wordpress.com/2021/11/30/morts-et-refoulements-pour-cause-de-non-assistanc

    • Naufrages dans la Manche : de l’indécence à l’horreur

      Le drame qui s’est noué le 24 novembre 2021 dans la Manche est le pendant de ce qui se joue tous les jours en Méditerranée. Il était prévisible et donc évitable : la situation qui s’enlise depuis des années dans le nord de la France est la conséquence des politiques d’asile nationale et européenne.

      Face à ce drame, la réaction des autorités navre, mais ne surprend pas.

      – L’#indécence d’abord, lorsque les responsables politiques imputent aux seuls « passeurs » la responsabilité de ce drame collectif, en faisant abstraction de l’ensemble des autres causes et singulièrement de la politique de non-accueil qui offre maintenant prise à un chantage migratoire devenu outil de pression diplomatique dans toute l’Europe.

      – Le #déni, ensuite, quand le ministre de la justice assène impunément la post-vérité officielle sur les plateaux-télés : « Vous vous rendez compte de ce que l’on suggère ? Que l’on pourrait comme ça impunément lacérer des tentes, qu’on l’encouragerait et qu’on ne distribuerait pas des vivres à ces migrants ? », en se gardant bien de s’interroger sur les raisons pour lesquelles des exilé.es continuent de transiter par Calais depuis plus de vingt ans en dépit du harcèlement violent qu’ils y subissent.

      – L’#hypocrisie, quand après avoir constaté que les lacérations de tentes étaient documentées et qu’il n’était plus possible de continuer à mentir devant l’évidence, le ministre de l’intérieur rétropédale et renvoie la responsabilité ... sur les co-contractants de l’Etat qui auraient pris l’initiative, d’eux-mêmes, de décider la destruction de ces tentes.

      – L’#horreur, enfin, quand le ministre de l’intérieur affirme que « les migrants utilisaient des bébés et menaçaient de les jeter dans une eau à quelques degrés sur un moteur (sic) si [les policiers] venaient les interpeller » ou que les premiers témoignages de rescapés du naufrage du 24 novembre dénoncent l’inaction des secours français et britanniques.

      Il faut le marteler : le harcèlement policier et administratif, les démantèlements quotidiens, systématiques et violents de tous les campements sont inadmissibles. L’État doit en finir avec sa politique de déni : en cherchant à invisibiliser ou à faire fuir les personnes étrangères, il n’aboutit qu’à les mettre toujours plus en danger. Il doit cesser d’attenter à la dignité de ces femmes et ces hommes qui ont fui le danger dans leur pays et qui vivent désormais dans l’angoisse de perdre le peu qui leur reste.

      Il faut le réaffirmer : la solution à l’hécatombe migratoire ne passe pas par l’envoi d’un avion de Frontex, cette agence européenne soupçonnée d’être complice de violations des droits humains en Grèce ; ni par la seule dénonciation des accords du Touquet, qui délocalisent les frontières britanniques sur le sol français ; elle ne passe pas par l’intensification de la lutte contre le « trafic migratoire », dont les réseaux ne prospèrent que grâce au durcissement des contrôles aux frontières.

      Il faut le dénoncer : la rhétorique mensongère des pouvoirs publics français et européens ne peut tenir lieu de politique. En invoquant la faute des autres tout en poussant les exilé.es à prendre toujours plus de risques au péril de leur vie, ils sont les premiers responsables des drames qui endeuillent les frontières.

      La France doit prendre acte de la présence d’exilé.es depuis les années 1990 et leur offrir des conditions de vie dignes. Elle doit reconnaître que, quelles que soient ces conditions de vie, certains d’entre eux voudront se rendre au Royaume-Uni, quoi qu’il en coûte.

      L’Union européenne et les Etats membres doivent en finir avec une politique qui, des îles grecques au détroit de Gibraltar, de la Pologne aux côtes de la Manche, enferme, harcèle, bafoue les droits et va jusqu’à tuer, dans un renoncement fatal aux principes qui l’engagent.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6703

    • Hécatombe aux frontières : identifier les responsables

      À la suite du dramatique accident qui a causé la mort de trois personnes exilées, fauchées par un train à proximité de Saint-Jean-de-Luz le 12 octobre dernier et au cours duquel une quatrième a été grièvement blessée, trois associations s’associent à la plainte contre X déposée ce 6 décembre par plusieurs victimes entre les mains du procureur de la République de Bayonne.

      Le 12 octobre dernier, un train en provenance d’Hendaye a percuté quatre personnes qui se trouvaient sur les voies ferrées non loin de la gare de Saint-Jean-de-Luz. Trois d’entre elles ont perdu la vie dans l’accident. Le seul survivant, très grièvement blessé, a déclaré aux enquêteurs que leur groupe, qui venait d’Espagne, s’était réfugié au niveau de cette voie, déserte et non éclairée, afin d’éviter les contrôles de police.

      De fait, depuis leur rétablissement en 2015, les contrôles aux frontières intérieures françaises sont sans cesse renforcés et la frontière franco-espagnole n’échappe pas au déploiement des moyens matériels, technologiques et humains toujours plus importants consacrés à cette surveillance.

      Pourtant, chacun sait que cette politique a un coût humain considérable : en rendant le franchissement des frontières toujours plus difficile et périlleux, elle accroît mécaniquement les risques d’accidents et de morts pour les personnes exilées auxquelles toute autre voie d’accès ou de circulation est interdite.

      C’est ainsi que le drame du 12 octobre est venu aggraver le bilan des morts à la frontière franco-espagnole pour 2021, après les décès par noyade de Yaya Karamamoko le 22 mai et d’Abdoulaye Koulibaly le 8 août – tous deux ayant tenté de traverser la Bidassoa pour rejoindre la France depuis la ville d’Irun – et celui, le 16 juillet, d’une personne également fauchée par un train entre Cerbère et Banyuls-sur-Mer. S’y ajoute désormais le décès d’une troisième personne, par noyade dans la Bidassoa, le 20 novembre dernier.

      A la frontière franco-italienne, ce sont plus de trente décès qui ont été recensés depuis 2015 : principalement des cas d’électrocution sur des trains ou de collisions avec des trains ou des véhicules sur la voie Nice-Vintimille, ainsi que des cas de chute ou d’hypothermie sur les chemins de montagne. Le 6 novembre dernier, le corps d’une personne exilée qui avait chuté du « sentier du pas de la mort » était ainsi retrouvé vers Menton, dans un état de décomposition avancée.

      Quant à la frontière avec l’Angleterre, au moins 336 personnes ont perdu la vie, depuis 1999, en tentant de la franchir : cachées dans la remorque d’un camion, électrocutées par un caténaire du site d’Eurotunnel, noyées dans la Manche, ou mortes par défaut de prise en charge médicale ou des suites d’une intervention des forces de l’ordre.

      Ces drames ne peuvent continuer de s’accumuler sans que soient questionnées des décisions et des pratiques de verrouillage des frontières toujours plus rigoureuses et sophistiquées, et ayant pour conséquence d’accroître les risques auxquels expose leur franchissement.

      C’est pourquoi l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), le Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti) et la Cimade ont décidé de s’associer à la plainte contre X qui vient d’être déposée entre les mains du procureur de la République de Bayonne par plusieurs victimes afin que toute la lumière soit faite sur les circonstances et les causes du drame de Saint-Jean-de-Luz.

      L’hécatombe aux frontières doit cesser : en s’associant à cette plainte, nos associations manifestent l’exigence de transparence et de vérité qui doit contribuer à en identifier tous les responsables.
      Le 8 décembre 2021

      Anafé
      Gisti
      La Cimade

      Reçu via la mailing-list du Gisti, le 08.12.2021

    • Débat : Peut-on en finir avec la « #crise » des migrants dans les #médias ?

      Le 24 novembre 2021, 27 personnes meurent dans un naufrage au large de Calais alors qu’elles espéraient traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre.

      Dans les heures qui suivent, l’événement fait la une et les journalistes se mettent à la recherche d’« experts » à inviter à la radio et à la télévision. Rebelote quelques jours plus tard, cette fois pour commenter l’annonce du ministre de l’Intérieur d’appeler en renfort Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières.

      Il se trouve qu’à l’instar de nombre de mes collègues, je fais partie des chercheurs et universitaires considérés comme « spécialistes des migrations ». C’est à chaque fois pareil : les journalistes cherchent un invité pour parler durant quelques minutes ; il y a urgence car l’émission est prévue pour le soir même, ou le lendemain matin au plus tard ; et comme tout le monde prévoit de parler de Calais, les « spécialistes » sont sur-sollicités, renvoient à d’autres collègues, les journalistes enchaînent les coups de fil, l’agitation croît au fil de la journée – parfois jusqu’à l’absurde.
      Nous disons tous la même chose

      Les collègues qui finissent par passer à l’antenne disent tous la même chose. Non, les passeurs ne sont pas les seuls responsables de ces drames, ce sont les États qui condamnent les migrants à prendre des risques insensés. Non, le traitement inhumain infligé aux migrants, que ce soit à Calais, ailleurs en Europe ou encore en Libye, ne décourage personne, mais ne fait que perpétuer une impasse qui aboutit aux tentatives les plus désespérées. Oui, il est possible d’accueillir décemment ces exilés, en garantissant leur droit de demander l’asile ou en reconnaissant qu’ils occupent les emplois dont personne ne veut. Et non, une telle politique ne créerait pas l’appel d’air tant redouté, mais ne ferait que respecter les principes les plus élémentaires d’un continent qui se prétend un « espace de liberté, de sécurité et de justice ».

      De telles séquences ne sont malheureusement pas nouvelles. Depuis des décennies les migrants meurent aux frontières de l’Europe. Et depuis des décennies les États européens accusent les passeurs et renforcent le contrôle des frontières. Qui se souvient qu’au début des années 2000, l’Espagne réclamait déjà « bateaux et avions » pour empêcher les arrivées de migrants sur les îles Canaries ?

      Certains chercheurs font donc le tour des plateaux, pour l’adrénaline du direct et le narcissisme inhérent à l’exercice, bien sûr, mais aussi pour de très bonnes raisons : apporter un éclairage au débat public, valoriser l’utilité des sciences sociales, défendre des valeurs, et contrer les propos xénophobes qui saturent l’espace public, a fortiori en ce début de campagne présidentielle.

      D’autres chercheurs sont plus hésitants. Question de tempérament, d’expérience des médias, et aussi de rigueur car force est d’avouer qu’on ne connaît pas toujours grand-chose du sujet du jour, et qu’on a de toute manière pas le temps de se préparer. Pour ma part, bien que « spécialiste des migrations », je n’ai jamais étudié la situation à Calais et n’ai aucune connaissance particulière sur le sujet (de même que je connais pas grand-chose non plus sur la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, sujet sur lequel mes collègues et moi-même sommes aussi sollicités).

      Ce n’est pas vraiment un problème car je maîtrise bien les quelques généralités qu’on me demande d’énoncer. Mais cette superficialité n’en est pas moins un peu insatisfaisante, voire parfois aliénante. Et puis il y a le problème de la disponibilité, avec des émissions de très bon matin ou vers 19-20 heures, quand ce n’est pas le dimanche à midi – autant dire des horaires défavorables à la vie de famille.
      Des questions de fond

      Au-delà de ces petits débats entre collègues, le traitement médiatique des migrations pose des questions de fond. Avec la crise des migrants et des réfugiés en Europe, la manière dont la presse couvre des événements comme les naufrages en Méditerranée a fait l’objet de beaucoup de réflexions. On s’accorde à considérer que les médias jouent un rôle clé et qu’ils ont une responsabilité particulière. L’Unesco, par exemple, travaille avec les médias pour qu’ils fournissent « des informations vérifiées, des opinions éclairées ainsi que des récits équilibrés ».

      De même, Amnesty International déconseille l’usage de termes qui « déshumanisent » les migrants comme : clandestins, illégaux, ou flux migratoires.

      On se souvient aussi qu’en 2015 la chaine Al Jazeera écartait le terme de migrant et ne parlait que de réfugiés, pour insister sur les raisons impérieuses et légitimes qui motivent leur départ (là où de nombreux médias européens faisaient le contraire).

      Il existe également un manuel destiné aux journalistes qui travaillent sur le sujet, tandis que l’association France Terre d’asile organise des séances de formation à leur intention.

      C’est là aussi le sens des invitations aux « spécialistes des migrations », lesquels fourniraient un éclairage aux journalistes (et, à travers eux, à leur public). Mais on peut s’interroger sur ce besoin d’instruire les médias. Les quelques journalistes que j’ai eu l’occasion de rencontrer connaissent tout aussi bien que moi les arguments sur les impasses des politiques migratoires actuelles. S’ils m’invitent, ce n’est donc pas pour mes connaissances. Ce n’est pas étonnant : à force d’inviter des chercheurs, les journalistes sont devenus familiers de leurs explications. Le « spécialiste » ne fait donc que redire ce que tout le monde sur le plateau sait déjà.
      Une médiatisation qui renforce le climat de crise

      Ce que je constate surtout, c’est que les interactions entre médias et « spécialistes » sont pernicieuses car elles renforcent paradoxalement le climat de « crise » qui caractérise la perception des migrations.

      En ce qui me concerne, j’expliquerais volontiers qu’un naufrage comme celui de Calais ne relève pas d’une « crise », mais d’une forme de routine – une routine certes tragique et inacceptable, mais une routine quand même. Cette routine est la conséquence directe de la manière dont les États gouvernent les migrations, et il ne faut donc pas s’en étonner. C’est là le travail des universitaires (et des sciences sociales) : prendre du recul par rapport à l’actualité brûlante, mettre l’événement en perspective, rappeler des précédents historiques, etc.

      Mais comment exposer de tels arguments si, précisément, on ne parle des migrations qu’à l’occasion de naufrages ? En matière de communication, la forme prend souvent le pas sur le fond. Et naturellement, plus on évoque les migrations sous l’angle d’une crise, plus les responsables politiques seront fondés à ne présenter les naufrages que comme des événements imprévus et tragiques, et à les traiter à grands coups de réunions d’urgence et de mesures ad hoc – perpétuant ainsi un cycle de crise et d’urgence qui dure depuis près de trente ans.

      On objectera que les lamentations sur les biais médiatiques sont aussi anciennes que les médias eux-mêmes, et que face à l’urgence il faut se lancer dans l’arène sans hésitation ni cynisme, et avec toute l’indignation qui sied aux circonstances. Éternel débat, auquel il n’existe probablement aucune réponse satisfaisante. Mais tout de même, comment se fait-il qu’en 2021, alors que la barre des 20 000 décès de migrants en Méditerranée a été franchie depuis 2020 déjà, on continue à solliciter en urgence des « spécialistes » à chaque naufrage, pour qu’ils interviennent le soir même et commentent un événement qui, hélas, n’en est pas un ?

      https://theconversation.com/debat-peut-on-en-finir-avec-la-crise-des-migrants-dans-les-medias-1

  • #halloween : Elle frappe des enfants venus sonner à sa porte
    http://www.lessentiel.lu/fr/news/europe/story/elle-frappe-des-enfants-venus-sonner-a-sa-porte-21814348

    Ayant eu « très peur » en ouvrant sa porte à des enfants déguisés le soir d’Halloween, une femme de 33 ans a battu des garçons de 7 et 9 ans, en Suisse. Le plus âgé a été blessé.


    Après les faits, le plus âgé des garçons a dû être conduit à hôpital. Il n’a été que superficiellement blessé. (photo : Marco Zangger)

    Dimanche, peu après 18 h 30, trois enfants de 9 et deux fois 7 ans faisaient leur tournée d’Halloween à Saint-Gall, en Suisse. Lorsqu’ils ont sonné à la porte d’un appartement, la résidente de 33 ans qui leur a ouvert a eu, selon ses propres termes, « très peur ». En conséquence, elle est devenue violente avec un des garçons de 7 ans et celui de 9 ans.

    Dans un communiqué, la police saint-galloise a expliqué que les enfants ont réussi à s’enfuir. Une fois prévenus, leurs parents ont alors appelé la police. Après les faits, le plus âgé des garçons a dû être conduit à hôpital. Il n’a été que superficiellement blessé.

    La police cantonale de Saint-Gall a ouvert une enquête et a entrepris dans la soirée un travail de recherche de preuves. Les investigations se poursuivent sous la direction du ministère public du canton. La femme de 33 ans sera inculpée pour les faits.

    #halloween #horreur #résistance #publicité #pub #sorcières 

  • MADAME LA MORT « L’HORREUR DANS L’ADN »
    https://laspirale.org/video-692-madame-la-mort-l-horreur-dans-l-adn.html

    L’Entre-Sort, Librairie d’Enfer, Mismerizer, ces noms ne vous disent encore rien ? La Spirale vous envie, car vous êtes sur le point de découvrir l’univers horrifique de Madame La Mort. Un grand voyage en train fantôme, au travers de médias aussi variés que les livres rares, la vidéo et la musique.

    De l’enfance de Madame La Mort, nous ne connaissons pas grand-chose si ce n’est qu’elle a grandi dans un vidéo-club, celui de ses parents. Précurseurs en la matière, à la fin des années 1970, les Parisiens boudaient leur boutique, car à vrai dire, peu avaient de magnétoscopes chez eux. Une mine d’or pour une enfant émulée par la VHS de Thriller, réalisée par John Landis. Chaque jour, elle ramène chez elle un sac plein de films d’horreur. Le virus prend, le goût de l’horreur intègre son ADN, Madame La Mort est née. Et elle vendra du cauchemar.

    Son truc à elle, ce ne sont pas les films, mais les #livres. Fière propriétaire d’une « librairie hantée » créée aux États-Unis en 2018, L’Entre-Sort, Madame LaMort propose aux internautes une vaste sélection de romans horrifiques, fantastiques et gothiques, mais aussi d’ouvrages occultes, du True-Crime et un peu de science-fiction. En français, comme en anglais. Spécialisée dans les ouvrages de poche aux couvertures hallucinantes, appelés aux États-Unis « Paperbacks From Hell », ces romans à deux balles ou #pulps_horrifiques des années 1970 et 1980, sa boutique en ligne constitue une capsule temporelle oubliée du monde de l’édition. Où l’on peut se plonger dans les récits des auteurs et les couvertures d’illustrateurs renommés qui ont catapulté ce genre dans la conscience collective.

    Mais aucun portrait de Madame La Mort ne serait complet sans parler de Mismerizer, son alter ego musical. Mismerizer, ce sont deux albums : Eggs sorti en 2009 (avec Thomas Suire, Jacques DeCande d’Infecticide et Emilie Bera), et en « One Witch Band », Chasm, sorti sur Bandcamp le soir d’Halloween de 2018. Mais aussi trois EP : Herself, Ghost Train et 6 Tales of Terror, un bijoux horrorcore en collaboration avec Creep Lo. Mismerizer est ma première réponse à ceux qui déplorent la nullité de la production musicale française contemporaine. Horrible et géniale, elle a hanté les rues et les scènes pas loin de chez vous.

    Musicienne, crieuse, collectionneuse, libraire, conteuse et désormais passeuse de savoir sur Youtube, voici notre interview de la cauchemardesque, mais fascinante, créature polymorphe.

    Propos recueillis par Ira Benfatto. Photographie de frise de Volga Wagner. Portrait de Mismerizer, alias Madame LaMort, par Kael T. Block.


    #gore #horreur #Ankou #laspirale

  • Echos du futur #5 : H.P. Lovecraft hier et aujourd’hui, analyse d’une certaine vision de l’Autre.

    Dans le podcast de @iselp_brussels, je parle des fondements racistes de la peur chez H.P. Lovecraft et des vertiges de la lecture selective...

    https://bit.ly/3wC78GZ

    J’évoque aussi des films et séries horrifiques ou fantastiques d’auteurs de la diaspora africaine anglo saxonne, de leurs biais créatifs, des ressorts de leurs histoires de peur. #martyrporn, #hishouse, #them, #getout #lovecraft

  • Migrants à #Paris : l’#ultimatum aux autorités

    Invité d’« À l’air libre », #Yann_Manzi, cofondateur de l’ONG #Utopia_56 qui vient en aide aux migrants, annonce une nouvelle action, « type place de la République, ou bien différente mais d’ampleur », si les demandes de logement d’urgence ne sont pas acceptées.

    « Tous les soirs, des dizaines de familles, d’enfants, de bébés, de femmes enceintes dorment dehors. » Sur le plateau d’« À l’air libre », mercredi soir, Yann Manzi, cofondateur de l’ONG Utopia 56, qui vient en aide aux migrants à Paris comme à Calais, ne décolère pas. Deux mois après l’évacuation violente de la place de la République, des centaines de migrants sont toujours condamnés à l’errance dans les rues de la capitale et de sa banlieue proche. Et ce malgré les promesses de la ministre du logement, Emmanuelle Wargon. Utopia 56 a donc écrit aux autorités pour leur demander une action concrète. En l’absence de réponse et pour dénoncer cette politique de « non-accueil », Yann Manzi lance donc un ultimatum et promet une nouvelle action d’ampleur en cas de non-réponse.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/140121/migrants-paris-l-ultimatum-aux-autorites

    #asile #migrations #réfugiés #hébergement #logement #SDF #sans-abrisme #sans-abris #France

    –—

    En lien avec la destruction du campement à la #Place_de_la_République (23.11.2020) :

    https://seenthis.net/messages/889796

    ping @karine4 @isskein

    • Des extraits de l’interview à Yann Manzi :
      https://www.youtube.com/watch?v=y3ypJdInLZM&feature=emb_logo

      Extrait de la lettre envoyée par Utopia 56 aux autorités :

      « Nous ne pouvons plus tolérer que le passage à la rue soit une étape obligatoire d’un demandeur d’asile qui arrive à Paris »

      Yann Manzi :

      « On a dit au gouvernement qu’on visibiliserai systématiquement toutes les mises à la rue. (...) On va rendre visibles ces invisibles »

      –----

      Collectif citoyens solidaires du 93 a ouvert un lieu pour les personnes qui, après destruction du campement de Saint-Denis ("refuge" pour 3000 personnes), n’a pas été mises à l’abri.

      Denis, membre du collectif :

      « Il y a une espèce de frustration face à des mots qui peuvent être dits par des politiques institutionnelles et traditionnelles qui se disent de gauche et qui ont en leur possession énormément de locaux vides et qui n’en font rien. Le but c’est de leur forcer un peu la main et de faire ce qu’ils devraient faire : d’investir des locaux vides et qui sont appelés à rester vides pendant un certain temps. ça me parait une décision saine, sage et de bon sens. »

      Réaction de la mairie écologiste de Saint-Denis —> elle a lancé une procédure d’#expulsion.
      Communiqué du 6 janvier 2021 :


      Elle précise aussi que

      « dans cette période hivernale, l’Etat doit demander la réquisition de nombreux logements et bureaux vides qui sont d’ailleurs souvent situés dans des villes bien plus riches que la nôtre »

      –-> Réaction de Yann Manzi :

      « C’est le ping-pong, tout le monde se renvoie la patate chaude, comme on dit, et c’est dans toutes les régions de France : ’C’est pas moi, c’est l’Etat, c’est pas aux élus’, alors qu’en fait on peut imaginer... des locaux vides, il y en a partout. Je crois que c’est une politique et une volonté de #non-accueil, et de passer un message à toutes ces populations qui veulent venir : ’Regardez, on ne vous accueille plus’. C’est un vrai #projet_politique et c’est ça qu’on essaie de démontrer et de dire, c’est que tout cela est bien organisé et voulu. On n’est pas envahis, loin de là ! Cette volonté politique de laisser les gens à la rue c’est une réelle volonté politique. Et c’est ça qui est dramatique, ce rendre compte de ça, ça fait peur... c’est des femmes, des bébés, c’est des enfants et c’est aussi, demain, à cause du covid, beaucoup de nos compatriotes qu’on croise dans les rues. Est-ce que la #rue, en France, dans un pays si riche, est une alternative aujourd’hui pour les gens qui n’ont pas de solution, avec tous ces lieux qui existent ? Nous on dit, tout simplement : ça suffit ! Et les citoyens resteront engagés et resteront là pour être vigilants et pour informer le public. »

      Question du journaliste : « Qu’est-ce qui bloque ? »
      Yann Manzi :

      « Il y a une réelle volonté de non-accueil. C’est une politique de non-accueil. ça fait des décennies qu’on dit qu’il manque des places dans les dispositifs d’accueil d’exilés. Des dispositifs ne sont pas mis en place, et c’est pour faire passer un message, pour tous ceux qui veulent venir : ’Regardez, on n’accueille plus !’. C’est le fameux #appel_d'air, une honte. On imagine que si on accueille bien ils vont venir en masse nous envahir, ce qui est totalement faux et fou. Et puis derrière, plus de #points_de_fixation, donc plus de campements dans Paris et on chasse les gens sous les ponts, donc ça devient totalement inhumain. »

      Journaliste : « Il y a beaucoup d’élus de gauche en Île-de-France, comment vous regardez ce qu’ils font par rapport à ça ? »

      « Je ne fais pas de généralité, mais ce qu’on voit et qu’on constate nous sur le terrain... il y a un moment où les élus ils peuvent faire ce qu’ils peuvent, et après il y a des élus qui ont la volonté de faire croire qu’ils font et la réalité est toute autre. C’est toujours le même jeu : ’C’est pas moi, c’est à l’Etat’. Nous, ce qu’on dit, c’est qu’à un moment donné, pendant cette crise humanitaire et pendant cette crise de covid, on dit que les élus ont des responsabilités et ils peuvent prendre des dispositions qu’aujourd’hui ils ne prennent pas. Et c’est ça qui est alarmant, parce qu’à jouer au ping-pong à dire ’Non, c’est pas moi, c’est l’Etat’, on peut imaginer que les élus ont leur part de responsabilité, ils peuvent faire des choses... après c’est des #choix_politiques : on peut mettre 50 millions pour la rénovation de la cathédrale et on met très peu d’argent pour les exilés. C’est des choix politiques, c’est encore de la politique et bien sûr... les exilés ça n’a pas forcément le vent en poupe, donc c’est évident que électoralement ce n’est pas porteur d’en faire trop pour eux. »

      Journaliste : « Et à #Calais, c’est les mêmes blocages ? »

      Yann Manzi : "Non, c’est pire. Paris c’est très violent et compliqué, mais Calais c’est le #laboratoire sur les politiques migratoires en France et de tout ce qu’on peut faire d’inhumain. On teste des politiques de non-accueil là-bas qui sont extrêmement poussées, sur le fait de laisser des gens à l’abandon dans le froid, sur les empêcher de manger, sur l’empêchement des associatifs de pouvoir les aider. Donc, tout est mis en place pour harceler ces populations, les rendre fous. On a beaucoup d’alertes sur le côté psychologique de ces populations qui vivent à la rue pendant des mois avant de pouvoir avoir un hébergement. Donc la situation est assez alarmante, et Calais et Grande-Synthe c’est une #horreur. Ils vivent dans la #boue, saccagés tous les jours. Il y a eu plus de 1000 démantèlements à Calais. Ce qu’on a vu à la Place de la République ça se passe tous les jours à Calais et à Grande-Synthe, avec des femmes et des enfants, et toujours ces politiques qui se renvoient la balle et ces élus qui disent ’c’est intolérable’, mais par contre qui ne font pas grande chose.

      « C’est une #violence_policière à Calais et Grande-Synthe depuis le démantèlement de la jungle de Calais... c’est incroyable ce qui se passe là-bas »

      #in/visibilité #visibilisation #invisibilité #visibilité #inhumanité #responsabilité #violence #harcèlement #santé_mentale

  • Je suis prof. Seize brèves réflexions contre la terreur et l’obscurantisme, en #hommage à #Samuel_Paty

    Les lignes qui suivent ont été inspirées par la nouvelle atroce de la mise à mort de mon collègue, Samuel Paty, et par la difficile semaine qui s’en est suivie. En hommage à un #enseignant qui croyait en l’#éducation, en la #raison_humaine et en la #liberté_d’expression, elles proposent une quinzaine de réflexions appelant, malgré l’émotion, à penser le présent, et en débattre, avec raison. Ces réflexions ne prétendent évidemment pas incarner la pensée de Samuel Paty, mais elles sont écrites pour lui, au sens où l’effort de pensée, de discernement, de nuances, de raison, a été fait en pensant à lui, et pour lui rendre hommage. Continuer de penser librement, d’exprimer, d’échanger les arguments, me parait le meilleur des hommages.

    1. Il y a d’abord eu, en apprenant la nouvelle, l’#horreur, la #tristesse, la #peur, devant le #crime commis, et des pensées pour les proches de Samuel Paty, ses collègues, ses élèves, toutes les communautés scolaires de France et, au-delà, toute la communauté des humains bouleversés par ce crime. Puis s’y est mêlée une #rage causée par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, et avant même d’en savoir plus sur les tenants et aboutissants qui avaient mené au pire, se sont empressés de dégainer des kits théoriques tendant à minimiser l’#atrocité du crime ou à dissoudre toute la #responsabilité de l’assassin (ou possiblement des assassins) dans des entités excessivement extensibles (que ce soit « l’#islamisation » ou « l’#islamophobie ») – sans compter ceux qui instrumentalisent l’horreur pour des agendas qu’on connait trop bien : rétablissement de la peine de mort, chasse aux immigré.e.s, chasse aux musulman.e.s.

    2. Il y a ensuite eu une peur, ou des peurs, en voyant repartir tellement vite, et à la puissance dix, une forme de réaction gouvernementale qui a de longue date fait les preuves de son #inefficacité (contre la #violence_terroriste) et de sa #nocivité (pour l’état du vivre-ensemble et des droits humains) : au lieu d’augmenter comme il faut les moyens policiers pour enquêter plus et mieux qu’on ne le fait déjà, pour surveiller, remonter des filières bien ciblées et les démanteler, mais aussi assurer en temps réel la protection des personnes qui la demandent, au moment où elles la demandent, on fait du spectacle avec des boucs émissaires.

    Une sourde appréhension s’est donc mêlée à la peine, face au déferlement d’injures, de menaces et d’attaques islamophobes, anti-immigrés et anti-tchétchènes qui a tout de suite commencé, mais aussi face à l’éventualité d’autres attentats qui pourraient advenir dans le futur, sur la prévention desquels, c’est le moins que je puisse dire, toutes les énergies gouvernementales ne me semblent pas concentrées.

    3. Puis, au fil des lectures, une #gêne s’est installée, concernant ce que, sur les #réseaux_sociaux, je pouvais lire, « dans mon camp » cette fois-ci – c’est-à-dire principalement chez des gens dont je partage plus ou moins une certaine conception du combat antiraciste. Ce qui tout d’abord m’a gêné fut le fait d’énoncer tout de suite des analyses explicatives alors qu’au fond on ne savait à peu près rien sur le détail des faits : quel comportement avait eu précisément Samuel Paty, en montrant quels dessins, quelles interactions avaient eu lieu après-coup avec les élèves, avec les parents, qui avait protesté et en quels termes, sous quelles forme, qui avait envenimé le contentieux et comment s’était produit l’embrasement des réseaux sociaux, et enfin quel était le profil de l’assassin, quel était son vécu russe, tchétchène, français – son vécu dans toutes ses dimensions (familiale, socio-économique, scolaire, médicale), sa sociabilité et ses accointances (ou absences d’accointances) religieuses, politiques, délinquantes, terroristes ?

    J’étais gêné par exemple par le fait que soit souvent validée a priori, dès les premières heures qui suivirent le crime, l’hypothèse que Samuel Paty avait « déconné », alors qu’on n’était même pas certain par exemple que c’était le dessin dégoutant du prophète cul nu (j’y reviendrai) qui avait été montré en classe (puisqu’on lisait aussi que le professeur avait déposé plainte « pour diffamation » suite aux accusations proférées contre lui), et qu’on ne savait rien des conditions et de la manière dont il avait agencé son cours.

    4. Par ailleurs, dans l’hypothèse (qui a fini par se confirmer) que c’était bien ce dessin, effectivement problématique (j’y reviendrai), qui avait servi de déclencheur ou de prétexte pour la campagne contre Samuel Paty, autre chose me gênait. D’abord cet oubli : montrer un #dessin, aussi problématique soit-il, obscène, grossier, de mauvais goût, ou même raciste, peut très bien s’intégrer dans une #démarche_pédagogique, particulièrement en cours d’histoire – après tout, nous montrons bien des #caricatures anti-juives ignobles quand nous étudions la montée de l’antisémitisme, me confiait un collègue historien, et cela ne constitue évidemment pas en soi une pure et simple perpétuation de l’#offense_raciste. Les deux cas sont différents par bien des aspects, mais dans tous les cas tout se joue dans la manière dont les documents sont présentés et ensuite collectivement commentés, analysés, critiqués. Or, sur ladite manière, en l’occurrence, nous sommes restés longtemps sans savoir ce qui exactement s’était passé, et ce que nous avons fini par appendre est que Samuel Paty n’avait pas eu d’intention maligne : il s’agissait vraiment de discuter de la liberté d’expression, autour d’un cas particulièrement litigieux.

    5. En outre, s’il s’est avéré ensuite, dans les récits qui ont pu être reconstitués (notamment dans Libération), que Samuel Paty n’avait fait aucun usage malveillant de ces caricatures, et que les parents d’élèves qui s’étaient au départ inquiétés l’avaient assez rapidement et facilement compris après discussion, s’il s’est avéré aussi qu’au-delà de cet épisode particulier, Samuel Paty était un professeur très impliqué et apprécié, chaleureux, blagueur, il est dommageable que d’emblée, il n’ait pas été martelé ceci, aussi bien par les inconditionnels de l’ « esprit Charlie » que par les personnes légitimement choquées par certaines des caricatures : que même dans le cas contraire, même si le professeur avait « déconné », que ce soit un peu ou beaucoup, que même s’il avait manqué de précautions pédagogiques, que même s’il avait intentionnellement cherché à blesser, bref : que même s’il avait été un « mauvais prof », hautain, fumiste, ou même raciste, rien, absolument rien ne justifiait ce qui a été commis.

    Je me doute bien que, dans la plupart des réactions à chaud, cela allait sans dire, mais je pense que, dans le monde où l’on vit, et où se passent ces horreurs, tout désormais en la matière (je veux dire : en matière de mise à distance de l’hyper-violence) doit être dit, partout, même ce qui va sans dire.

    En d’autres termes, même si l’on juge nécessaire de rappeler, à l’occasion de ce crime et des discussions qu’il relance, qu’il est bon que tout ne soit pas permis en matière de liberté d’expression, cela n’est selon moi tenable que si l’on y adjoint un autre rappel : qu’il est bon aussi que tout ne soit pas permis dans la manière de limiter la liberté d’expression, dans la manière de réagir aux discours offensants, et plus précisément que doit être absolument proscrit le recours à la #violence_physique, a fortiori au #meurtre. Nous sommes malheureusement en un temps, je le répète, où cela ne va plus sans dire.

    6. La remarque qui précède est, me semble-t-il, le grand non-dit qui manque le plus dans tout le débat public tel qu’il se polarise depuis des années entre les « Charlie », inconditionnels de « la liberté d’expression », et les « pas Charlie », soucieux de poser des « #limites » à la « #liberté_d’offenser » : ni la liberté d’expression ni sa nécessaire #limitation ne doivent en fait être posées comme l’impératif catégorique et fondamental. Les deux sont plaidables, mais dans un #espace_de_parole soumis à une autre loi fondamentale, sur laquelle tout le monde pourrait et devrait se mettre d’accord au préalable, et qui est le refus absolu de la violence physique.

    Moyennant quoi, dès lors que cette loi fondamentale est respectée, et expressément rappelée, la liberté d’expression, à laquelle Samuel Paty était si attaché, peut et doit impliquer aussi le droit de dire qu’on juge certaines caricatures de Charlie Hebdo odieuses :

    – celles par exemple qui amalgament le prophète des musulmans (et donc – par une inévitable association d’idées – l’ensemble des fidèles qui le vénèrent) à un terroriste, en le figurant par exemple surarmé, le nez crochu, le regard exorbité, la mine patibulaire, ou coiffé d’un turban en forme de bombe ;

    – celle également qui blesse gratuitement les croyants (et les croyants lambda, tolérants, non-violents, tout autant voire davantage que des « djihadistes » avides de prétextes à faire couler le sang), en représentant leur prophète cul nul, testicules à l’air, une étoile musulmane à la place de l’anus ;

    – celle qui animalise une syndicaliste musulmane voilée en l’affublant d’un faciès de singe ;

    – celle qui annonce « une roumaine » (la joueuse Simona Halep), gagnante de Roland-Garros, et la représente en rom au physique disgracieux, brandissant la coupe et criant « ferraille ! ferraille ! » ;

    – celle qui nous demande d’imaginer « le petit Aylan », enfant de migrants kurdes retrouvé mort en méditerranée, « s’il avait survécu », et nous le montre devenu « tripoteur de fesses en Allemagne » (suite à une série de viols commis à Francfort) ;

    – celle qui représente les esclaves sexuelles de Boko Haram, voilées et enceintes, en train de gueuler après leurs « allocs » ;

    – celle qui fantasme une invasion ou une « islamisation » en forme de « grand remplacement », par exemple en nous montrant un musulman barbu dont la barbe démesurée envahit toute la page de Une, malgré un minuscule Macron luttant « contre le séparatisme », armé de ciseaux, mais ne parvenant qu’à en couper que quelques poils ;

    – celle qui alimente le même fantasme d’invasion en figurant un Macron, déclarant que le port du foulard par des femmes musulmanes « ne le regarde pas » en tant que président, tandis que le reste de la page n’est occupé que par des femmes voilées, avec une légende digne d’un tract d’extrême droite : « La République islamique en marche ».

    Sur chacun de ces dessins, publiés en Une pour la plupart, je pourrais argumenter en détail, pour expliquer en quoi je les juge odieux, et souvent racistes. Bien d’autres exemples pourraient d’ailleurs être évoqués, comme une couverture publiée à l’occasion d’un attentat meurtrier commis à Bruxelles en mars 2016 et revendiqué par Daesh (ayant entraîné la mort de 32 personnes et fait 340 blessés), et figurant de manière pour le moins choquante le chanteur Stromae, orphelin du génocide rwandais, en train de chanter « Papaoutai » tandis que voltigent autour de lui des morceaux de jambes et de bras déchiquetés ou d’oeil exorbité. La liste n’est pas exhaustive, d’autres unes pourraient être évoquées – celles notamment qui nous invitent à rigoler (on est tenté de dire ricaner) sur le sort des femmes violées, des enfants abusés, ou des peuples qui meurent de faim.

    On a le droit de détester cet #humour, on a le droit de considérer que certaines de ces caricatures incitent au #mépris ou à la #haine_raciste ou sexiste, entre autres griefs possibles, et on a le droit de le dire. On a le droit de l’écrire, on a le droit d’aller le dire en justice, et même en manifestation. Mais – cela allait sans dire, l’attentat de janvier 2015 oblige désormais à l’énoncer expressément – quel que soit tout le mal qu’on peut penser de ces dessins, de leur #brutalité, de leur #indélicatesse, de leur méchanceté gratuite envers des gens souvent démunis, de leur #racisme parfois, la #violence_symbolique qu’il exercent est sans commune mesure avec la violence physique extrême que constitue l’#homicide, et elle ne saurait donc lui apporter le moindre commencement de #justification.

    On a en somme le droit de dénoncer avec la plus grande vigueur la violence symbolique des caricatures quand on la juge illégitime et nocive, car elle peut l’être, à condition toutefois de dire désormais ce qui, je le répète, aurait dû continuer d’aller sans dire mais va beaucoup mieux, désormais, en le disant : qu’aucune violence symbolique ne justifie l’hyper-violence physique. Cela vaut pour les pires dessins de Charlie comme pour les pires répliques d’un Zemmour ou d’un Dieudonné, comme pour tout ce qui nous offense – du plutôt #douteux au parfaitement #abject.

    Que reste-t-il en effet de la liberté d’expression si l’on défend le #droit_à_la_caricature mais pas le droit à la #critique des caricatures ? Que devient le #débat_démocratique si toute critique radicale de #Charlie aujourd’hui, et qui sait de de Zemmour demain, de Macron après-demain, est d’office assimilée à une #incitation_à_la_violence, donc à de la complicité de terrorisme, donc proscrite ?

    Mais inversement, que devient cet espace démocratique si la dénonciation de l’intolérable et l’appel à le faire cesser ne sont pas précédés et tempérés par le rappel clair et explicite de l’interdit fondamental du meurtre ?

    7. Autre chose m’a gêné dans certaines analyses : l’interrogation sur les « #vrais_responsables », formulation qui laisse entendre que « derrière » un responsable « apparent » (l’assassin) il y aurait « les vrais responsables », qui seraient d’autres que lui. Or s’il me parait bien sûr nécessaire d’envisager dans toute sa force et toute sa complexité l’impact des #déterminismes_sociaux, il est problématique de dissoudre dans ces déterminismes toute la #responsabilité_individuelle de ce jeune de 18 ans – ce que la sociologie ne fait pas, contrairement à ce que prétendent certains polémistes, mais que certains discours peuvent parfois faire.

    Que chacun s’interroge toujours sur sa possible responsabilité est plutôt une bonne chose à mes yeux, si toutefois on ne pousse pas le zèle jusqu’à un « on est tous coupables » qui dissout toute #culpabilité réelle et arrange les affaires des principaux coupables. Ce qui m’a gêné est l’enchaînement de questions qui, en réponse à la question « qui a tué ? », met comme en concurrence, à égalité, d’une part celui qui a effectivement commis le crime, et d’autre part d’autres personnes ou groupes sociaux (la direction de l’école, la police, le père d’élève ayant lancé la campagne publique contre Samuel Paty sur Youtube, sa fille qui semble l’avoir induit en erreur sur le déroulement de ses cours) qui, quel que soit leur niveau de responsabilité, n’ont en aucun cas « tué » – la distinction peut paraitre simple, voire simpliste, mais me parait, pour ma part, cruciale à maintenir.

    8. Ce qui m’a gêné, aussi, et même écoeuré lorsque l’oubli était assumé, et que « le système » néolibéral et islamophobe devenait « le principal responsable », voire « l’ennemi qu’il nous faut combattre », au singulier, ce fut une absence, dans la liste des personnes ou des groupes sociaux pouvant, au-delà de l’individu #Abdoullakh_Abouyezidovitch, se partager une part de responsabilité. Ce qui me gêna fut l’oubli ou la minoration du rôle de l’entourage plus ou moins immédiat du tueur – qu’il s’agisse d’un groupe terroriste organisé ou d’un groupe plus informel de proches ou de moins proches (via les réseaux sociaux), sans oublier, bien entendu, l’acolyte de l’irresponsable « père en colère » : un certain #Abdelhakim_Sefrioui, entrepreneur de haine pourtant bien connu, démasqué et ostracisé de longue date dans les milieux militants, à commencer par les milieux pro-palestiniens et la militance anti-islamophobie.

    Je connais les travaux sociologiques qui critiquent à juste titre l’approche mainstream, focalisée exclusivement les techniques de propagande des organisations terroristes, et qui déplacent la focale sur l’étude des conditions sociales rendant audible et « efficace » lesdites techniques de #propagande. Mais justement, on ne peut prendre en compte ces conditions sociales sans observer aussi comment elles pèsent d’une façon singulière sur les individus, dont la responsabilité n’est pas évacuée. Et l’on ne peut pas écarter, notamment, la responsabilité des individus ou des groupes d’ « engraineurs », surtout si l’on pose la question en ces termes : « qui a tué ? ».

    9. Le temps du #choc, du #deuil et de l’#amertume « contre mon propre camp » fut cela dit parasité assez vite par un vacarme médiatique assourdissant, charriant son lot d’#infamie dans des proportions autrement plus terrifiantes. #Samuel_Gontier, fidèle « au poste », en a donné un aperçu glaçant :

    – des panels politiques dans lesquels « l’équilibre » invoqué par le présentateur (Pascal Praud) consiste en un trio droite, droite extrême et extrême droite (LREM, Les Républicains, Rassemblement national), et où les différentes familles de la gauche (Verts, PS, PCF, France insoumise, sans même parler de l’extrême gauche) sont tout simplement exclues ;

    – des « débats » où sont mis sérieusement à l’agenda l’interdiction du #voile dans tout l’espace public, l’expulsion de toutes les femmes portant le #foulard, la #déchéance_de_nationalité pour celles qui seraient françaises, la réouverture des « #bagnes » « dans îles Kerguelen », le rétablissement de la #peine_de_mort, et enfin la « #criminalisation » de toutes les idéologies musulmanes conservatrices, « pas seulement le #djihadisme mais aussi l’#islamisme » (un peu comme si, à la suite des attentats des Brigades Rouges, de la Fraction Armée Rouge ou d’Action Directe, on avait voulu criminaliser, donc interdire et dissoudre toute la gauche socialiste, communiste, écologiste ou radicale, sous prétexte qu’elle partageait avec les groupes terroristes « l’opposition au capitalisme ») ;

    – des « plateaux » sur lesquels un #Manuel_Valls peut appeler en toute conscience et en toute tranquillité, sans causer de scandale, à piétiner la Convention Européenne des Droits Humains : « S’il nous faut, dans un moment exceptionnel, s’éloigner du #droit_européen, faire évoluer notre #Constitution, il faut le faire. », « Je l’ai dit en 2015, nous sommes en #guerre. Si nous sommes en guerre, donc il faut agir, frapper. ».

    10. Puis, très vite, il y a eu cette offensive du ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin contre le #CCIF (#Collectif_Contre_l’Islamophobie_en_France), dénuée de tout fondement du point de vue de la #lutte_anti-terroriste – puisque l’association n’a évidemment pris aucune part dans le crime du 17 octobre 2020, ni même dans la campagne publique (sur Youtube et Twitter) qui y a conduit.

    Cette dénonciation – proprement calomnieuse, donc – s’est autorisée en fait d’une montée en généralité, en abstraction et même en « nébulosité », et d’un grossier sophisme : le meurtre de Samuel Paty est une atteinte aux « #valeurs » et aux « institutions » de « la #République », que justement le CCIF « combat » aussi – moyennant quoi le CCIF a « quelque chose à voir » avec ce crime et il doit donc être dissous, CQFD. L’accusation n’en demeure pas moins fantaisiste autant qu’infamante, puisque le « combat » de l’association, loin de viser les principes et les institutions républicaines en tant que telles, vise tout au contraire leur manque d’effectivité : toute l’activité du CCIF (c’est vérifiable, sur le site de l’association aussi bien que dans les rapports des journalistes, au fil de l’actualité, depuis des années) consiste à combattre la #discrimination en raison de l’appartenance ou de la pratique réelle ou supposée d’une religion, donc à faire appliquer une loi de la république. Le CCIF réalise ce travail par les moyens les plus républicains qui soient, en rappelant l’état du Droit, en proposant des médiations ou en portant devant la #Justice, institution républicaine s’il en est, des cas d’atteinte au principe d’#égalité, principe républicain s’il en est.

    Ce travail fait donc du CCIF une institution précieuse (en tout cas dans une république démocratique) qu’on appelle un « #contre-pouvoir » : en d’autres termes, un ennemi de l’arbitraire d’État et non de la « République ». Son travail d’#alerte contribue même à sauver ladite République, d’elle-même pourrait-on dire, ou plutôt de ses serviteurs défaillants et de ses démons que sont le racisme et la discrimination.

    Il s’est rapidement avéré, du coup, que cette offensive sans rapport réel avec la lutte anti-terroriste s’inscrivait en fait dans un tout autre agenda, dont on avait connu les prémisses dès le début de mandat d’Emmanuel Macron, dans les injures violentes et les tentatives d’interdiction de Jean-Michel #Blanquer contre le syndicat #Sud_éducation_93, ou plus récemment dans l’acharnement haineux du député #Robin_Réda, censé diriger une audition parlementaire antiraciste, contre les associations de soutien aux immigrés, et notamment le #GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés). Cet agenda est ni plus ni moins que la mise hors-jeu des « corps intermédiaires » de la société civile, et en premier lieu des #contre-pouvoirs que sont les associations antiracistes et de défense des droits humains, ainsi que les #syndicats, en attendant le tour des partis politiques – confère, déjà, la brutalisation du débat politique, et notamment les attaques tout à fait inouïes, contraires pour le coup à la tradition républicaine, de #Gérald_Darmanin contre les écologistes (#Julien_Bayou, #Sandra_Regol et #Esther_Benbassa) puis contre la #France_insoumise et son supposé « #islamo-gauchisme qui a détruit la république », ces dernières semaines, avant donc le meurtre de Samuel Paty.

    Un agenda dans lequel figure aussi, on vient de l’apprendre, un combat judiciaire contre le site d’information #Mediapart.

    11. Il y a eu ensuite l’annonce de ces « actions coup de poing » contre des associations et des lieux de culte musulmans, dont le ministre de l’Intérieur lui-même a admis qu’elles n’avaient aucun lien avec l’enquête sur le meurtre de Samuel Paty, mais qu’elles servaient avant tout à « #adresser_un_message », afin que « la #sidération change de camp ». L’aveu est terrible : l’heure n’est pas à la défense d’un modèle (démocratique, libéral, fondé sur l’État de Droit et ouvert à la pluralité des opinions) contre un autre (obscurantiste, fascisant, fondé sur la terreur), mais à une #rivalité_mimétique. À la #terreur on répond par la terreur, sans même prétendre, comme le fit naguère un Charles Pasqua, qu’on va « terroriser les terroristes » : ceux que l’on va terroriser ne sont pas les terroristes, on le sait, on le dit, on s’en contrefout et on répond au meurtre par la #bêtise et la #brutalité, à l’#obscurantisme « religieux » par l’obscurantisme « civil », au #chaos de l’#hyper-violence par le chaos de l’#arbitraire d’État.

    12. On cible donc des #mosquées alors même qu’on apprend (notamment dans la remarquable enquête de Jean-Baptiste Naudet, dans L’Obs) que le tueur ne fréquentait aucune mosquée – ce qui était le cas, déjà, de bien d’autres tueurs lors des précédents attentats.

    On s’attaque au « #séparatisme » et au « #repli_communautaire » alors même qu’on apprend (dans la même enquête) que le tueur n’avait aucune attache ou sociabilité dans sa communauté – ce qui là encore a souvent été le cas dans le passé.

    On préconise des cours intensifs de #catéchisme_laïque dans les #écoles, des formations intensives sur la liberté d’expression, avec distribution de « caricatures » dans tous les lycées, alors que le tueur était déscolarisé depuis un moment et n’avait commencé à se « radicaliser » qu’en dehors de l’#école (et là encore se rejoue un schéma déjà connu : il se trouve qu’un des tueurs du Bataclan fut élève dans l’établissement où j’exerce, un élève dont tous les professeurs se souviennent comme d’un élève sans histoires, et dont la famille n’a pu observer des manifestations de « #radicalisation » qu’après son bac et son passage à l’université, une fois qu’il était entré dans la vie professionnelle).

    Et enfin, ultime protection : Gérald Darmanin songe à réorganiser les rayons des #supermarchés ! Il y aurait matière à rire s’il n’y avait pas péril en la demeure. On pourrait s’amuser d’une telle #absurdité, d’une telle incompétence, d’une telle disjonction entre la fin et les moyens, si l’enjeu n’était pas si grave. On pourrait sourire devant les gesticulations martiales d’un ministre qui avoue lui-même tirer « à côté » des véritables coupables et complices, lorsque par exemple il ordonne des opérations contre des #institutions_musulmanes « sans lien avec l’enquête ». On pourrait sourire s’il ne venait pas de se produire une attaque meurtrière atroce, qui advient après plusieurs autres, et s’il n’y avait pas lieu d’être sérieux, raisonnable, concentré sur quelques objectifs bien définis : mieux surveiller, repérer, voir venir, mieux prévenir, mieux intervenir dans l’urgence, mieux protéger. On pourrait se payer le luxe de se disperser et de discuter des #tenues_vestimentaires ou des #rayons_de_supermarché s’il n’y avait pas des vies humaines en jeu – certes pas la vie de nos dirigeants, surprotégés par une garde rapprochée, mais celles, notamment, des professeurs et des élèves.

    13. Cette #futilité, cette #frivolité, cette bêtise serait moins coupable s’il n’y avait pas aussi un gros soubassement de #violence_islamophobe. Cette bêtise serait innocente, elle ne porterait pas à conséquence si les mises en débat du #vêtement ou de l’#alimentation des diverses « communautés religieuses » n’étaient pas surdéterminées, depuis de longues années, par de très lourds et violents #stéréotypes racistes. On pourrait causer lingerie et régime alimentaire si les us et coutumes religieux n’étaient pas des #stigmates sur-exploités par les racistes de tout poil, si le refus du #porc ou de l’#alcool par exemple, ou bien le port d’un foulard, n’étaient pas depuis des années des motifs récurrents d’#injure, d’#agression, de discrimination dans les études ou dans l’emploi.

    Il y a donc une bêtise insondable dans cette mise en cause absolument hors-sujet des commerces ou des rayons d’ « #alimentation_communautaire » qui, dixit Darmanin, « flatteraient » les « plus bas instincts », alors que (confère toujours l’excellente enquête de Jean-Baptiste Naudet dans L’Obs) l’homme qui a tué Samuel Paty (comme l’ensemble des précédents auteurs d’attentats meurtriers) n’avait précisément pas d’ancrage dans une « communauté » – ni dans l’immigration tchétchène, ni dans une communauté religieuse localisée, puisqu’il ne fréquentait aucune mosquée.

    Et il y a dans cette bêtise une #méchanceté tout aussi insondable : un racisme sordide, à l’encontre des #musulmans bien sûr, mais pas seulement. Il y a aussi un mépris, une injure, un piétinement de la mémoire des morts #juifs – puisque parmi les victimes récentes des tueries terroristes, il y a précisément des clients d’un commerce communautaire, l’#Hyper_Cacher, choisis pour cible et tués précisément en tant que tels.

    Telle est la vérité, cruelle, qui vient d’emblée s’opposer aux élucubrations de Gérald Darmanin : en incriminant les modes de vie « communautaires », et plus précisément la fréquentation de lieux de culte ou de commerces « communautaires », le ministre stigmatise non pas les coupables de la violence terroriste (qui se caractérisent au contraire par la #solitude, l’#isolement, le surf sur #internet, l’absence d’#attaches_communautaires et de pratique religieuse assidue, l’absence en tout cas de fréquentation de #lieux_de_cultes) mais bien certaines de ses victimes (des fidèles attaqués sur leur lieu de culte, ou de courses).

    14. Puis, quelques jours à peine après l’effroyable attentat, sans aucune concertation sur le terrain, auprès de la profession concernée, est tombée par voie de presse (comme d’habitude) une stupéfiante nouvelle : l’ensemble des Conseils régionaux de France a décidé de faire distribuer un « #recueil_de_caricatures » (on ne sait pas lesquelles) dans tous les lycées. S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre, disait la chanson. Qu’ils aillent donc, ces élus, distribuer eux-mêmes leurs petites bibles républicaines, sur les marchés. Mais non : c’est notre sang à nous, petits profs de merde, méprisés, sous-payés, insultés depuis des années, qui doit couler, a-t-il été décidé en haut lieu. Et possiblement aussi celui de nos élèves.

    Car il faut se rendre à l’évidence : si cette information est confirmée, et si nous acceptons ce rôle de héros et martyrs d’un pouvoir qui joue aux petits soldats de plomb avec des profs et des élèves de chair et d’os, nous devenons officiellement la cible privilégiée des groupes terroristes. À un ennemi qui ne fonctionne, dans ses choix de cibles et dans sa communication politique, qu’au défi, au symbole et à l’invocation de l’honneur du Prophète, nos dirigeants répondent en toute #irresponsabilité par le #défi, le #symbole, et la remise en jeu de l’image du Prophète. À quoi doit-on s’attendre ? Y sommes-nous prêts ? Moi non.

    15. Comme si tout cela ne suffisait pas, voici enfin que le leader de l’opposition de gauche, celui dont on pouvait espérer, au vu de ses engagements récents, quelques mises en garde élémentaires mais salutaires contre les #amalgames et la #stigmatisation haineuse des musulmans, n’en finit pas de nous surprendre ou plutôt de nous consterner, de nous horrifier, puisqu’il s’oppose effectivement à la chasse aux musulmans, mais pour nous inviter aussitôt à une autre chasse : la #chasse_aux_Tchétchènes :

    « Moi, je pense qu’il y a un problème avec la #communauté_tchétchène en France ».

    Il suffit donc de deux crimes, commis tous les deux par une personne d’origine tchétchène, ces dernières années (l’attentat de l’Opéra en 2018, et celui de Conflans en 2020), plus une méga-rixe à Dijon cet été impliquant quelques dizaines de #Tchétchènes, pour que notre homme de gauche infère tranquillement un « #problème_tchétchène », impliquant toute une « communauté » de plusieurs dizaines de milliers de personnes vivant en France.

    « Ils sont arrivés en France car le gouvernement français, qui était très hostile à Vladimir Poutine, les accueillait à bras ouverts », nous explique Jean-Luc #Mélenchon. « À bras ouverts », donc, comme dans un discours de Le Pen – le père ou la fille. Et l’on a bien entendu : le motif de l’#asile est une inexplicable « hostilité » de la France contre le pauvre Poutine – et certainement pas une persécution sanglante commise par ledit Poutine, se déclarant prêt à aller « buter » lesdits Tchétchènes « jusque dans les chiottes ».

    « Il y a sans doute de très bonnes personnes dans cette communauté » finit-il par concéder à son intervieweur interloqué. On a bien lu, là encore : « sans doute ». Ce n’est donc même pas sûr. Et « de très bonnes personnes », ce qui veut dire en bon français : quelques-unes, pas des masses.

    « Mais c’est notre #devoir_national de s’en assurer », s’empresse-t-il d’ajouter – donc même le « sans doute » n’aura pas fait long feu. Et pour finir en apothéose :

    « Il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France et tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c’était le cas de l’assassin ou d’autres qui ont des activités dans l’#islamisme_politique (...), doivent être capturés et expulsés ».

    Là encore, on a bien lu : « tous les dossiers des Tchétchènes présents en France », « un par un » ! Quant aux suspects, ils ne seront pas « interpellés », ni « arrêtés », mais « capturés » : le vocabulaire est celui de la #chasse, du #safari. Voici donc où nous emmène le chef du principal parti d’opposition de gauche.

    16. Enfin, quand on écrira l’histoire de ces temps obscurs, il faudra aussi raconter cela : comment, à l’heure où la nation était invitée à s’unir dans le deuil, dans la défense d’un modèle démocratique, dans le refus de la violence, une violente campagne de presse et de tweet fut menée pour que soient purement et simplement virés et remplacés les responsables de l’#Observatoire_de_la_laïcité, #Nicolas_Cadène et #Jean-Louis_Bianco, pourtant restés toujours fidèles à l’esprit et à la lettre des lois laïques, et que les deux hommes furent à cette fin accusés d’avoir « désarmé » la République et de s’être « mis au service » des « ennemis » de ladite #laïcité et de ladite république – en somme d’être les complices d’un tueur de prof, puisque c’est de cet ennemi-là qu’il était question.

    Il faudra raconter que des universitaires absolument irréprochables sur ces questions, comme #Mame_Fatou_Niang et #Éric_Fassin, furent mis en cause violemment par des tweeters, l’une en recevant d’abjectes vidéos de décapitation, l’autre en recevant des #menaces de subir la même chose, avec dans les deux cas l’accusation d’être responsables de la mort de Samuel Paty.

    Il faudra se souvenir qu’un intellectuel renommé, invité sur tous les plateaux, proféra tranquillement, là encore sans être recadré par les animateurs, le même type d’accusations à l’encontre de la journaliste et chroniqueuse #Rokhaya_Diallo : en critiquant #Charlie_Hebdo, elle aurait « poussé à armer les bras des tueurs », et « entrainé » la mort des douze de Charlie hebdo.

    Il faudra se souvenir qu’au sommet de l’État, enfin, en ces temps de deuil, de concorde nationale et de combat contre l’obscurantisme, le ministre de l’Éducation nationale lui-même attisa ce genre de mauvaise querelle et de #mauvais_procès – c’est un euphémisme – en déclarant notamment ceci :

    « Ce qu’on appelle l’#islamo-gauchisme fait des ravages, il fait des ravages à l’#université. Il fait des ravages quand l’#UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de la France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire. »

    Il faudra raconter ce que ces sophismes et ces purs et simples mensonges ont construit ou tenté de construire : un « #consensus_national » fondé sur une rage aveugle plutôt que sur un deuil partagé et un « plus jamais ça » sincère et réfléchi. Un « consensus » singulièrement diviseur en vérité, excluant de manière radicale et brutale tous les contre-pouvoirs humanistes et progressistes qui pourraient tempérer la violence de l’arbitraire d’État, et apporter leur contribution à l’élaboration d’une riposte anti-terroriste pertinente et efficace : le mouvement antiraciste, l’opposition de gauche, la #sociologie_critique... Et incluant en revanche, sans le moindre état d’âme, une droite républicaine radicalisée comme jamais, ainsi que l’#extrême_droite lepéniste.

    Je ne sais comment conclure, sinon en redisant mon accablement, ma tristesse, mon désarroi, ma peur – pourquoi le cacher ? – et mon sentiment d’#impuissance face à une #brutalisation en marche. La brutalisation de la #vie_politique s’était certes enclenchée bien avant ce crime atroce – l’évolution du #maintien_de l’ordre pendant tous les derniers mouvements sociaux en témoigne, et les noms de Lallement et de Benalla en sont deux bons emblèmes. Mais cet attentat, comme les précédents, nous fait évidemment franchir un cap dans l’#horreur. Quant à la réponse à cette horreur, elle s’annonce désastreuse et, loin d’opposer efficacement la force à la force (ce qui peut se faire mais suppose le discernement), elle rajoute de la violence aveugle à de la violence aveugle – tout en nous exposant et en nous fragilisant comme jamais. Naïvement, avec sans doute un peu de cet idéalisme qui animait Samuel Paty, j’en appelle au #sursaut_collectif, et à la #raison.

    Pour reprendre un mot d’ordre apparu suite à ce crime atroce, #je_suis_prof. Je suis prof au sens où je me sens solidaire de Samuel Paty, où sa mort me bouleverse et me terrifie, mais je suis prof aussi parce que c’est tout simplement le métier que j’exerce. Je suis prof et je crois donc en la raison, en l’#éducation, en la #discussion. Depuis vingt-cinq ans, j’enseigne avec passion la philosophie et je m’efforce de transmettre le goût de la pensée, de la liberté de penser, de l’échange d’arguments, du débat contradictoire. Je suis prof et je m’efforce de transmettre ces belles valeurs complémentaires que sont la #tolérance, la #capacité_d’indignation face à l’intolérable, et la #non-violence dans l’#indignation et le combat pour ses idées.

    Je suis prof et depuis vingt-cinq ans je m’efforce de promouvoir le #respect et l’#égalité_de_traitement, contre tous les racismes, tous les sexismes, toutes les homophobies, tous les systèmes inégalitaires. Et je refuse d’aller mourir au front pour une croisade faussement « républicaine », menée par un ministre de l’Intérieur qui a commencé sa carrière politique, entre 2004 et 2008, dans le girons de l’extrême droite monarchiste (auprès de #Christian_Vanneste et de #Politique_magazine, l’organe de l’#Action_française). Je suis prof et je refuse de sacrifier tout ce en quoi je crois pour la carrière d’un ministre qui en 2012, encore, militait avec acharnement, aux côtés de « La manif pour tous », pour que les homosexuels n’aient pas les mêmes droits que les autres – sans parler de son rapport aux femmes, pour le moins problématique, et de ce que notre grand républicain appelle, en un délicat euphémisme, sa « vie de jeune homme ».

    Je suis prof et j’enseigne la laïcité, la vraie, celle qui s’est incarnée dans de belles lois en 1881, 1882, 1886 et 1905, et qui n’est rien d’autre qu’une machine à produire plus de #liberté, d’#égalité et de #fraternité. Mais ce n’est pas cette laïcité, loin s’en faut, qui se donne à voir ces jours-ci, moins que jamais, quand bien même le mot est répété à l’infini. C’est au contraire une politique liberticide, discriminatoire donc inégalitaire, suspicieuse ou haineuse plutôt que fraternelle, que je vois se mettre en place, sans même l’excuse de l’efficacité face au terrorisme.

    Je suis prof, et cette #vraie_laïcité, ce goût de la pensée et de la #parole_libre, je souhaite continuer de les promouvoir. Et je souhaite pour cela rester en vie. Et je souhaite pour cela rester libre, maître de mes #choix_pédagogiques, dans des conditions matérielles qui permettent de travailler. Et je refuse donc de devenir l’otage d’un costume de héros ou de martyr taillé pour moi par des aventuriers sans jugeote, sans cœur et sans principes – ces faux amis qui ne savent qu’encenser des profs morts et mépriser les profs vivants.

    https://lmsi.net/Je-suis-prof

    #Pierre_Tevanian

    –—

    –-> déjà signalé sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/882390
    https://seenthis.net/messages/882583
    ... mais je voulais mettre le texte complet.