• Un monde obèse

    En 2030, on estime que la moitié de la planète sera obèse ou en surpoids, entraînant une explosion du diabète, des maladies cardio-vasculaires et de certains cancers. Enquête sur un fléau planétaire.

    Alors que l’obésité charrie son lot de clichés, des gènes tout-puissants aux volontés individuelles défaillantes, et que les industriels comme les autorités publiques continuent de pointer du doigt le manque d’activité physique ("Manger moins, bouger plus"), ce fléau ne serait-il pas le fruit d’un échec collectif mitonné dans nos assiettes ?
    Puis les des voix s’élèvent pour dénoncer les conséquences funestes de cette révolution, les multinationales de l’agroalimentaire, jamais rassasiées, dépensent des milliards en lobbying pour préserver leur pré carré, tout en répandant le poison de la malbouffe et des boissons sucrées à travers le globe.

    Il faut des citoyens engagés pour dresser un état des lieux édifiant de cette épidémie planétaire, qui constitue le problème de santé le plus grave au monde. Mais si les constats, étayés de chiffres, se révèlent effrayants, le documentaire en expose les causes de manière limpide, et explore des solutions pour stopper cette bombe à retardement.

    https://www.youtube.com/watch?v=LLsMeZFf5yA

    #obésité #choix #responsabilité #volonté_individuelle #volonté_personnelle #épidémie #industrie_agro-alimentaire #système_alimentaire #alimentation #exercice_physique #coca-cola #calories #culpabilité #culpabilisation #honte #métabolisme #graisse #sucre #céréales #produits_transformés #manipulation_des_ingrédients #aliments_artificialisés #hormones #déséquilibre_hormonal #insuline #glucides #satiété #flore_intestinale #microbiote #grignotage #multinationales #économie #business #prix #pauvres #désert_alimentaire #marketing #manipulation #publicité #santé_publique #diabète #suicide_collectif #prise_de_conscience

    • En 2004, dans Vivre Ensemble, on parlait déjà de ORS...
      Abri PC du #Jaun Pass :

      La logique de la dissuasion

      Le régime d’aide d’urgence imposé aux personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) vise à déshumaniser l’individu. Tout est fait pour leur rendre le séjour invivable et les pousser à disparaître dans la clandestinité, comme le montrent les exemples ci-dessous relevés en Suisse allemande, où les personnes frappées de NEM et les requérants déboutés de la procédure d’asile sont placés dans des « centres d’urgence » ou « centres minimaux » (Minimalzentren). Petit tour des lieux dans les cantons de Berne et Soleure.

      Le canton de Berne, pionnier en la matière, avait déjà concrétisé le principe d’assignation à un territoire (art. 13e LSEE) bien avant l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2007, en ouvrant deux centres d’urgence, l’un sur le col du Jaun en juin 2004 et l’autre qui lui a succédé en 2005, sur l’alpage du Stafelalp : « Si notre choix s’est porté sur le Col du Jaun », expliquait la Cheffe de l’Office de la population lors d’une conférence de presse le 7 juin 2004, c’est notamment parce que cette solution « (…) n’incite pas à s’attarder en Suisse. » Et que : « D’autres personnes vont l’utiliser également. Il s’agit de personnes qui ont activement empêché leur renvoi ou qui dissimulent leur identité et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de refus d’entrer en matière… ».

      L’abri PC du Jaun

      Un des journalistes présents le décrit ainsi dans le Journal du Jura du 8 juin 2004 :

      « A l’extérieur, des grillages ont été installés afin que le lieu soit un peu isolé, et pour protéger les requérants d’éventuels importuns. (…) Les gens sont répartis dans des chambres de quatre à douze personnes (…) les requérants ne touchent pas d’argent liquide, mais des prestations en nature. Ce sont des bons qu’ils peuvent échanger contre de la marchandise au kiosque tenu par l’ORS (Organisation pour mandats spéciaux et en régie SA) qui gère le centre (…) ».

      Très peu de requérants s’y rendirent ; d’autres s’enfuirent, telle une mère avec une petite fille de deux ans qui vint chercher de l’aide à… Soleure ! Une jeune femme fut hospitalisée, suite à une grève de la faim.

      Sur l’alpage

      A l’abri de protection civile du col du Jaun fermé en novembre 2004, succéda le centre d’urgence du Stafelalp. En 2005, les NEM et d’autres personnes désignées comme des « NIKOS », abréviation de « Nichtkooperativ », ont été logés dans une ancienne colonie de vacances isolée, située sur l’alpage de Stafelalp. Dans ce centre, comme auparavant dans celui du Jaun, les requérants ont été cantonnés dans un périmètre de 2 km autour du centre, avec interdiction formelle de franchir ces « frontières ». Le centre de Stafelalp plus fréquenté que celui du Jaun était considéré comme « trop attractif » pour les autorités, et la durée moyenne de séjour des NEM (52 jours) trop longue. Il fallait trouver autre chose.

      En janvier 2006, le centre fut fermé et les NEM ont été réintégrés dans un centre de transit. Ils ne touchent pas d’argent mais ont droit à trois repas par jour. Ils s’y déplacent plus librement, du moins à pied. Mais le fait qu’ils ne disposent d’aucun pécule pour payer les transports publics restreint leur liberté de mouvement aux alentours et dans la commune de Lyss où est situé le centre.

      Soleure ne fait pas mieux

      Depuis mai 2006 (auparavant ils bénéficiaient d’aide en espèce et aucun hébergement n’avait été mis à leur disposition), les « NEM » soleurois sont logés dans le centre d’accueil pour requérants d’asile situé sur la montagne du Balmberg, mais ils n’y sont pas nourris. Ils y touchent 8 fr. par jour pour leur entretien, versés sur place tous les jeudis par le responsable du centre. Le contrôle de présence est journalier et ceux qui s’absentent perdent leur pécule pour les jours d’absence, voire leur droit à l’hébergement en cas de récidive. Les occupants n’ont pas le droit d’y accueillir des amis pour la nuit. Le visiteur externe doit demander une autorisation au responsable (qui lui est parfois refusée sous divers prétexte) pour y entrer.

      Là-haut sur la montagne !

      Le lieu est isolé. On y trouve trois téléskis et un restaurant, mais aucun magasin, si bien que les requérants frappés de NEM sont obligés d’utiliser l’autobus circulant de Soleure au Balmberg (prix du billet aller et retour : 11 fr.!) pour faire leurs achats et se procurer le nécessaire. Si les requérants d’asile encore en procédure, également logés dans ce centre, bénéficient de tickets de bus gratuits, ce n’est pas le cas des personnes frappées d’une NEM. Ils n’ont le droit de consulter un médecin qu’en cas d’urgence et c’est un des responsables du centre, sans formation médicale, qui prend la décision. Depuis quelques mois, les NEM doivent débourser quelques centimes pour des comprimés : antidouleurs, aspirine etc. (obtenus gratuitement auparavant) distribués sur place par le préposé à la pharmacie.

      Une stratégie efficace

      Le régime drastique, l’isolement et le nombre de descentes de police qui les terrorisent fait qu’au bout de quelques semaines, les NEM soleurois « disparaissent » dans la clandestinité. La méthode, il faut le reconnaître, est efficace et la stratégie de découragement sur laquelle l’Office des réfugiés (actuellement l’Office fédéral des migrations) avait misé dans un rapport de mars 2000 pour se débarrasser des indésirables, a l’air de se réaliser. Les six NEM qui sont encore au Balmberg ne pèsent pas lourd, en regard des centaines de ces « disparus volontaires », soumis dans les centres d’urgence « à une pression psychique insupportable » au point qu’ils ont préféré la clandestinité. Beau résultat pour un pays qui se vante d’être un Etat de droit.

      https://asile.ch/2007/02/05/suisse-allemandecentres-d%e2%80%99urgence-pour-nemla-logique-de-la-dissuasion

    • RTS | Des voix s’élèvent contre la prise en charge des migrants par des entreprises privées

      Amnesty International dénonce la situation dans le centre de migrants de Traiskirchen en #Autriche. L’organisation pointe du doigt la surpopulation et les conditions d’hygiène déplorables qui y règnent. Or ce centre est géré par la filiale autrichienne de l’entreprise privée zurichoise ORS. Une nouvelle qui relance le débat sur l’encadrement des requérants par des privés.

      https://seenthis.net/messages/402089

    • The Corporate Greed of Strangers
      –-> ORS Service AG in Austria and Switzerland

      Other international players like the Swiss company ORS Service AG are also expanding into Germany. ORS in 2015 had five reception centres in Munich.

      ORS Service is based in Zurich in Switzerland and was set up as a private company to work with the Swiss federal government from 1991 to house asylum seekers. For twenty years, through to 2011, although the contract should have been retendered every five years the Swiss government did not put the contract out to tender.

      In 2011 ORS Service outbid European Homecare for the federal contract in Austria for reception centres under the responsibility of the ministry of interior. By the end of 2014, they were providing twelve reception centres including tent camps in Salzburg and Linz and being paid around 22 million euros by the federal government. ORS runs Austria’s main initial reception centre in the town of Traiskirchen, near Vienna, which was designed for around 1700 refugees. By the summer of 2015 over 3,000 refugees were living there, Amnesty International called the ORS camp ‘shameful’, with 1,500 people forced to sleep outside on lawns and nearby roads.

      On its home territory ORS Service works in partnership with the Swiss Securitas private security company in delivering a very controversial reception and accommodation policy which has included remote locations and housing asylum seekers underground in wartime military bunkers. Reception and detention policies have been influenced by Swiss politics which over the past few years have been dominated by the anti-immigrant Swiss People’s Party (UDC) which has become the largest party at the federal level. Currently refugees arriving in Switzerland have to turn over to the state any assets worth more than 1,000 Swiss francs (£690) to help pay for their upkeep, a practice that has drawn sharp rebukes for Denmark.

      https://seenthis.net/messages/465487

    • Quand l’accueil des personnes en exil devient un bizness

      A l’origine, il s’agit d’une agence d’intérim lausannoise créée en 1977 nommée ORS Services SA. En 1992, la société devient ORS Service AG et déménage à Zurich. En 2005, le fondateur de l’entreprise la revend à #Argos_Soditic qui la revend à #Invision en 2009, qui finalement la revend à #Equistone en 2013. Equistone Partners Europe est un fond d’investissement international avec des antennes dans 4 pays européens. ORS déclare un chiffre d’affaires de 65 millions de francs suisses pour 2014, essentiellement en provenance de fonds publics. Selon plusieurs médias, celui-ci atteint 85 millions en 2015 mais son bénéfice n’a jamais été divulgué. Alors quand Claude Gumy, directeur opérationnel à Fribourg dit dans le journal Le Temps « Notre but n’est pas de gagner de l’argent pour le compte d’investisseurs. Nous nous occupons avant tout d’êtres humains », de qui se moque-t-il ? Pour faire des économies l’État suisse délègue la gestion de « l’accueil » a des investisseurs qui après avoir spéculé sur les marchandises et dépouillé les pays pauvres spéculent sur les flux migratoires qu’ils ont ainsi engendrés. Leur entreprise est d’ailleurs réputée pour sa collaboration inconditionnelle avec les services étatique et la police dont les pratiques répressives ne font aucun doute.

      https://seenthis.net/messages/573420

    • Gestion de l’asile | ORS Fribourg : Quand l’État fait la sourde oreille. Business is Business ?

      Pour faire la lumière sur les agissements d’ORS, le mouvement solidaritéS et le collectif Droit de rester ont rédigé un rapport d’une trentaine de pages. Il recense les témoignages de quelques dizaines de personnes : usagèr.e.s d’ORS, bénévoles et travailleurs/euse sociaux/ales. Le groupe s’est confronté à la réticence de certain.e.s témoins potentiels. ORS interdit à ses employé.e.s de parler de l’entreprise à des personnes externes, sous peine de sanctions, même après la fin du contrat.

      https://seenthis.net/messages/786789
      #rapport

    • ODAE-romand | L’envers du décor dans les centres fédéraux

      Une demandeuse d’asile a passé près de six mois dans les CFA de #Zurich, #Boudry et de #Giffers. Dans le bulletin d’Augenauf de novembre 2020, elle raconte les #conditions_de_vie, les #brimades, #vexations et #violences quotidiennes qu’elle y a vécues. L’ODAE romand en publie quelques extraits.

      https://seenthis.net/messages/893672

      Texte original publié par Augenauf (en allemand) :
      https://www.augenauf.ch/images/BulletinProv/Bulletin_106_Nov2020.pdf

    • Lettre ouverte au SEM - Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de #Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      Chères et chers journalistes et sympathisant·es,

      Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte que nous avons adressée ce jour au Secrétariat d’Etat aux Migrations, à travers Messieurs Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat, et Pierre-Alain Ruffieux, responsable asile pour la Suisse romande. Elle a également été envoyée à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale.
      Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      –---

      Nous dénonçons depuis longtemps des situations inhumaines au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry (NE)[1], mais les cas de réfugié·es subissant de #mauvais_traitements - le mot est faible - s’accroît de façon préoccupante. Ce qui se passe depuis plusieurs mois maintenant est intolérable et ne peut rester sans réaction de notre part.

      Selon nos informations et observations, nous ne sommes pas face à des cas isolés, mais devant un véritable #système_punitif, qui va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. #Abus_de_pouvoir de certain·es agent·es de sécurité de l’entreprise #Protectas, #mépris et #comportements_racistes qui créent un climat de #peur et poussent à bout certain·es habitant·es du Centre. Visites impromptues du personnel de sécurité dans les chambres, sans frapper, ni dire bonjour, gestion catastrophique des #conflits, sans souci de calmer le jeu, ni d’écouter. "Ils ne savent pas parler, ils répriment”, raconte un habitant du Centre. Des requérant·es jugé·es arbitrairement et hâtivement comme récalcitrant·es sont enfermé·es pendant des heures dans des containers insalubres et sous-chauffés. Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’#hypothermie [2].

      Les témoignages vont tous dans le même sens : peur de porter #plainte par #crainte des conséquences pour sa procédure d’asile ou par crainte de recroiser les mêmes agent·es de sécurité. Mais les faits sont là : utilisation abusive du #spray_au_poivre, #plaquages_au_sol, #insultes_homophobes, #harcèlement envers des personnes vulnérables et #hospitalisations suite à l’#enfermement dans des cellules. Plusieurs #tentatives_de_suicide sont attestées et il y a eu #mort d’homme : le 23 décembre, un requérant d’asile est décédé aux abords du Centre de Boudry. Il s’agissait d’une personne vulnérable, suivie en psychiatrie et qui avait déjà tenté de se suicider. Alors que cette personne avait besoin d’aide, à plusieurs reprises, le personnel de sécurité de Protectas lui a refusé l’accès au Centre, du fait de son état d’ivresse.

      A Boudry, la #violence est banalisée. Au lieu d’apaiser les conflits, les agent·es de Protectas les attisent. Des membres du personnel de sécurité abusent de leur pouvoir en faisant régner leurs propres lois. Ainsi, alors que les #cellules_d’isolement ne sont prévues que pour protéger les requérant·es d’asile et le personnel du CFA de personnes ayant un comportement violent et pour une durée n’excédant pas deux heures[3], on constate que la réalité est tout autre. Le moindre dérangement est réprimé par un #enfermement_abusif et qui dépasse souvent le temps réglementaire, allant jusqu’à un #isolement d’une nuit entière. Nous avons eu connaissance d’un mineur qui a été enfermé alors que le règlement l’interdit. De telles #privations_de_liberté sont illégales. Pour échapper à ces mauvais traitements, beaucoup quittent la procédure d’asile en cours de route.

      Les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un #silence de plomb que nous voulons briser. Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs[4] et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système que nous dénonçons et non pas des dysfonctionnements ponctuels.

      ***

      Face à cette gestion désastreuse et les drames humains qu’elle entraîne, nous demandons qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité. En accord avec les personnes qui ont pris contact avec Droit de Rester, nous sommes prêt·es à témoigner.

      Nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à ce système défaillant, qui transforme les CFA en prisons. Il n’est pas normal que le budget alloué à l’encadrement sécuritaire par le SEM soit plus important que celui consacré à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA. Il est nécessaire de renverser la vapeur en engageant des professionnel·les du travail social et de la santé en nombre suffisant et ayant pour mission de soutenir, d’écouter, de soigner et de répondre aux besoins spécifiques des requérant·es d’asile. Ceci dans l’optique de créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil par les personnes dont ils-elles ont la charge. Actuellement, les agent·es de sécurité ont des prérogatives immenses qui ne devraient absolument pas leur être confiées en raison d’un manque de formation flagrant.

      Nous demandons la suppression immédiate de ces cellules-containers et la refonte complète du régime de sanctions.

      Nous exigeons la fin de la privatisation du domaine de l’asile ; l’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité ou d’encadrement privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou ORS) dans le cadre des CFA et autres lieux d’hébergement. L’asile n’est pas un business. L’argent attribué à ces tâches par l’Etat doit revenir à des structures sociales et de soins publiques.

      Nous exigeons transparence et respect du droit suisse et international. Actuellement les CFA sont des boîtes noires : les règlements internes sont inaccessibles, les requérant·es d’asile n’obtiennent pas les rapports des sanctions prononcées à leur encontre, rapports rédigés par Protectas dont le contenu varie à leur guise afin de justifier les sanctions aux yeux du SEM. Toute sanction devrait être prononcée par du personnel cadre du SEM.

      Nous demandons l’introduction d’un organe de médiation indépendant de gestion des plaintes vers qui les requérant·es d’asile lésé·es pourraient se tourner. Finalement, il est nécessaire d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile – comme c’est notamment le cas en Hollande, pays dont la Suisse s’est inspirée pour mettre en œuvre le système actuel – afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit.

      Nous demandons aussi la fermeture du Centre spécifique des Verrières, restreignant la liberté de mouvement de ses occupants de par son emplacement-même et conçu comme un centre punitif. C’est de soutien psychologique et de soins dont les requérant·es d’asile, y compris celles et ceux qui sont jugés récalcitrant·es, ont besoin à leur arrivée. L’équité des soins par rapport à ceux offerts à la population résidente doit être effective. Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions. Stop à la logique de camp !

      C’est une alerte que nous lançons. Nous espérons qu’elle sera entendue et attendons qu’elle soit suivie d’effets dans les meilleurs délais.

      Contact médias :
      Denise Graf, 076 523 59 36
      Louise Wehrli, 076 616 10 85
      Caterina Cascio, 077 928 81 82

      [1] Voir par exemple ici : https://rester.ch/wp-content/uploads/2020/05/2020.05.28_Communiqu%C3%A9_de_presse_camp_nous_d%C3%A9non%C3%A7ons-1.pdf ou là : https://www.canalalpha.ch/play/minimag/episode/3819/risque-de-suicide-quel-soutien-psy-pour-les-migrants-a-boudry

      [2] Le 17 février, la radio RTN révèle un cas d’hypothermie survenue au centre de Boudry 2 jours plus tôt : https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Region/20210215-Etat-d-hypothermie-au-Centre-de-Perreux.html

      [3] Voir à ce sujet les p. 51-52 du Plan d’exploitation Hébergement : https://www.plattform-ziab.ch/wp-content/uploads/2020/10/SEM_PLEX_2020.pdf

      [4] A ce sujet, sur les violences au Centre de Giffers : https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles, sur celles au centre de Bâle : https://3rgg.ch/securitas-gewalt-im-lager-basel , témoignages récoltés par Migrant Solidarity Network (1 et 2), ici le rapport de la Commission Nationale de Prévention de la Torture : https://asile.ch/wp-content/uploads/2021/01/CNPT_CFA_DEC_2020-fr-1.pdf et là le communiqué de humanrights.ch : https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

      Lettre reçu via la mailing-list Droit de rester, le 12.03.2021

    • Les conséquences de l’asile au rabais

      Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est enfin sorti de son mutisme. Mercredi, sous pression, après d’énième révélations sur des cas de mauvais traitements dans les centres d’asile, il a annoncé qu’il mandatait une enquête indépendante concernant plusieurs cas de recours excessif à la force.

      C’est une avancée car, jusqu’ici, l’institution n’avait jamais reconnu de dysfonctionnements. Alors que quatre plaintes avaient été déposées contre la société de sécurité #Protectas en juin dernier par des demandeurs d’asile blessés au centre de #Chevrilles, il n’avait pas bronché, déléguant d’éventuelles sanctions à la société privée. Plus d’un an après, justice n’a toujours pas été rendue. Certains plaignants ont été expulsés…

      Le SEM affirme avoir aussi suspendu 14 membres du personnel de sécurité impliqués dans différentes affaires, notamment pour un recours abusif à des « #salles_de_réflexion », que certain·es nomment « salles de torture ». Berne a été sommé de réagir suite à un enregistrement clandestin qui prouve que les agent·es n’hésitent pas à falsifier des rapports dans le but de justifier le recours à la violence. Le SEM a annoncé qu’il allait réexaminer les modalités de recrutement du personnel de sécurité et leur formation.

      C’est un premier pas, mais insuffisant. Quatorze suspensions pour combien d’incidents impunis ? « J’ai vu des gens se faire tabasser sous mes yeux… la plupart ne portent jamais plainte. Si tu te plains, tu peux être sûr que les sévices doubleront », nous confiait hier un homme qui a résidé au centre de #Boudry et de Chevrilles.

      Les associations actives dans le domaine de la migration dénoncent depuis des années le processus de #privatisation de l’asile. La Confédération recoure à des sociétés privées pour assurer la sécurité et l’encadrement dans ses centres. Or, ces entreprises ont pour objectif de faire du profit. Il n’est pas étonnant qu’elles lésinent sur les moyens. Recrutements à la va-vite, formations inexistantes et contrats précaires engendrent des situations explosives où le personnel est démuni face à une population au parcours extrêmement difficile.

      La Suisse doit faire mieux, elle en a les moyens. Alors que des personnes cherchent ici protection, elles rencontrent violence et mépris. Il est inacceptable que nos impôts continuent à financer un système arbitraire perpétuant une terreur que les personnes migrantes ont fuit au péril de leur vie.

      https://lecourrier.ch/2021/05/06/les-consequences-de-lasile-au-rabais

    • Documentation | Violences dans les centres fédéraux d’asile

      Depuis plusieurs mois en Suisse des cas de violences perpétrées dans et autour des centres fédéraux d’asile (CFA) ont été dénoncés. Sans changements significatifs opérés, d’autres sont à craindre. Pour que les personnes réfugiées ne soient pas à nouveau des victimes isolées, il est important d’apporter un regard externe sur ce qui se passe au sein des CFA. Ces questions touchent à la cohésion sociale. Le 5 mai 2021, les résultats d’une enquête de médias associés ont été présentés au public (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), révélant à nouveau des exactions commises par les employé.es des sociétés de sécurité envers des résident.es. Le Secrétariat d’État à la migration (SEM) a réagit par voie de presse (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83389.html) en annonçant l’amorce d’une enquête indépendante. Les médias et la société civile jouent un rôle essentiel pour faire la lumière sur des questions de sécurité publique et de respect des droits humains.

      Le 5 mai dernier les résultats d’une enquête de la RTS (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), SRF et la WOZ a été rendue publique. En s’appuyant sur des enregistrements et témoignages, elle documente plusieurs exactions commises par les personnes en charge de la sécurité dans différents centres fédéraux d’asile. “Des rapports sont parfois truqués par les agents de sécurité pour se couvrir. En réaction à ces révélations, le Secrétariat d’État aux migrations a fait suspendre 14 de ces employés de sociétés privées et lance une enquête externe” (RTS). Le téléjournal de midi, de 19h30 et l’émission Forum en ont parlé. Le matin même, le SEM a publié un communiqué annonçant avoir été informé du recours à des “mesures coercitives disproportionnées” de la part d’agent.es de sécurité. Demandé depuis plusieurs années par la société civile, il annonce avoir chargé l’ancien juge Niklaus Oberholzer d’une enquête indépendante et vouloir réfléchir au recrutement et à la formation de ces personnes . Le quotidien Le Courrier (https://lecourrier.ch/2021/05/05/quatorze-agent%c2%b7es-de-securite-suspendu%c2%b7es) est allé à la rencontre du collectif Droit des rester Neuchâtel qui doute de ces dernières mesures : « Nous demandons que ce soit des entités publiques à but non lucratif qui gèrent l’encadrement. Celles-ci doivent engager des professionnel·les de la médiation, du travail social, de l’interculturalité et de la santé. »

      Avant cela, le 28 avril 2021 le Secrétariat d’État à la migration (SEM) avait publié un communiqué (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83251.html) déplorant l’augmentation des menaces envers les centres d’asile fédéraux (CFA). Il y est fait état de déprédations faites aux bâtiments, mais également de menaces et de mises en danger d’employé.es du SEM. Dans le viseur, des « groupes de gauche radicale » qui feraient appel via leur site à des actes de vandalisme, ou même appel à la violence envers des employé⸱es. Les associations de défense du droit d’asile ont condamné de tels procédés. La Plateforme Société civile dans les centres fédéraux s’est positionnée (https://mailchi.mp/d2895a50615c/neuigkeiten-baz-nouveauts-cfa) en rejetant toute forme de violence. Le collectif bâlois 3RGG -auteur d’un rapport répertoriant les actes violents envers les personnes requérantes d’asile au sein du centre fédéral d’asile du canton de Bâle (BässlerGut) – se distancie également de ces méthodes (https://asile.ch/2021/04/30/3rgg-communique-violences-dans-les-camps-federaux-dasile) qui ne sont pas les leurs. Ses auteurs regrettent que leurs appels à se mobiliser contre les violences impunies du personnel de sécurité envers des résident⸱es isolé⸱es n’ait connu que peu d’échos dans les médias et dans la vie des centres en conséquent.
      Jusqu’ici ce sont d’autres types de dénonciations de violence en lien avec les CFA qui ont été exprimées. En 2021, au CFA de Boudry (NE) c’est un cas d’hypothermie (https://lecourrier.ch/2021/02/17/hypothermies-au-centre-dasile) pour une personne placée en « cellule de dégrisement » qui a servit de révélateur à ce que Droit de rester Neuchâtel décrit comme un « réel système punitif ». En 2020, dans le centre de renvoi de Giffers, quatre #plaintes (https://asile.ch/2020/09/22/solidarite-tattes-giffers-visite-aux-requerants-qui-ont-denonce-des-violences) ont été déposées contre la société de sécurité Protectas pour des exactions envers des résident.es. A BässlerGut, le travail d’enquête (https://asile.ch/2020/07/30/enquete-violences-au-centre-federal-de-bale-quand-le-systeme-deraille) poussé qu’avait publié le collectif 3 RGG faisait état de violences graves perpétrées par des personnes en charge de la sécurité envers les personnes résidentes, avec des processus de dénonciation inefficient à l’interne. La commission nationale de prévention de la torture (CNPT) après une visite au sein de plusieurs CFA en janvier 2021 suggérait elle aussi des améliorations (https://asile.ch/2021/01/20/cnpt-rapport-dobservation-des-centres-federaux-dasile-la-violence-pointee-du-d) concernant la gestion des conflits, la prévention de la violence et la gestion des plaintes. Une des réponses offerte par le SEM est celle de la réouverture du centre spécifique des Verrières pour accueillir les personnes qui « représentent une menace pour elles-mêmes ou pour autrui ». L’OSAR s’inquiète (https://www.osar.ch/communique-de-presse/centre-des-verrieres-les-requerants-dasile-doivent-beneficier-dune-representati) de cette mise à l’écart pour des personnes généralement fragilisées. Selon l’organisation, il vaudrait bien mieux miser sur la prévention de la violence et renforcer l’encadrement.

      Liées à des conditions structurelles, ces dénonciations de part et d’autres ne s’arrêteront probablement pas là. Dans ce jeu du chat et de la souris, les médias et la société civile jouent un rôle important pour faire la lumière sur des dynamiques en présence. L’éditorial du dernier numéro de la revue Vivre Ensemble le rappelait : ” […] les centres fédéraux réunissent les deux ingrédients de la violence institutionnelle : fermés d’accès au regard public, ils donnent au personnel un pouvoir énorme sur une catégorie de personnes. Or, les véritables garde-fous à l’impunité et à l’arbitraire se situent du côté de la transparence. Et la société civile est bien là, du côté des victimes, et ne manque pas de le lui rappeler. “

      https://asile.ch/2021/05/07/documentation-violences-dans-les-centres-federaux-dasile

    • Centres fédéraux | À l’écoute des victimes

      Le #déni des autorités intenable face à la médiatisation des violences

      Le mois de mai aura vu la question des violences dans les CFA tenir une belle place dans l’actualité. D’abord avec les enquêtes de la RTS, de la SRF et de la Wochenzeitung, puis avec le rapport d’Amnesty International qui relate des cas de maltraitances à l’égard de requérant·es d’asile qui pourraient s’assimiler à de la torture [1]. Des témoignages de victimes, mais également d’ancien·es employé·es des centres ont été recueillis et des enregistrements, effectués à l’insu du personnel de sécurité, ont permis d’établir que leurs rapports de sanction à destination du SEM sont truqués.

      Ces enregistrements proviennent du téléphone d’une femme enfermée dans un container-cellule. Le mobile lui avait été confisqué par le personnel de sécurité et a capté deux heures de leurs conversations. Cela se passe donc dans la loge des agent·es de sécurité de Protectas, il y a quelques mois au CFA de Boudry dans le canton de Neuchâtel. On y entend les agent·es discuter du contenu du rapport qu’ils doivent faire parvenir au SEM pour justifier leur mise en cellule. Une agente qui n’a pas assisté aux événements est chargée de le taper. Les cellules, ce sont donc ces containers sans aucuns meubles, dotés seulement d’une petite fenêtre, à l’odeur de vomi, d’urine et tâchés de sang au sol. Les requérant·es d’asile y sont enfermé·es, parfois pendant deux heures, parfois plus. Une caméra permet de les filmer.

      Ces pratiques, éminemment choquantes ne sont pas étonnantes. Elles sont davantage la conséquence d’un système, plutôt que le fait d’individus. Car les événements qui ont eu lieu dans différents CFA, à différentes dates, se ressemblent de façon troublante. À l’origine de ces actes de violence, il y a le plus souvent des événements que l’on pourrait qualifier d’incidents. Un téléphone volé, un masque sous le nez ou une perte de patience dans la longue file d’attente pour le repas. Et plutôt que d’apaiser les conflits de façon non violente et bienveillante, le personnel de sécurité les amplifie en usant de sa force physique et verbale, de ses gros bras et de son uniforme imposant. À cela s’ajoutent des mesures radicales comme ces mises en cellule appliquées de façon arbitraire et non conforme au règlement du SEM. Comme on l’a entendu, il suffit d’enjoliver le rapport pour le SEM pour maquiller ces imperfections. Le SEM doit d’ailleurs en être conscient, mais en déléguant ces tâches à des prestataires privés, il peut allégrement fermer les yeux. La responsabilité est dissoute dans la chaîne hiérarchique. Alors que légalement le SEM est pleinement responsable.

      Les dénonciations de nombreux collectifs dans différents CFA depuis plus d’une année et à de nombreuses reprises ont longtemps été traitées avec mépris par le SEM, qui a toujours nié ou prétendu avoir pris des mesures. Il aura fallu ces preuves irréfutables et un dégât d’image important pour le faire plier, un tout petit peu.

      Il a annoncé la suspension de 14 agent·es de sécurité, un audit interne, une enquête externe à Boudry par un ancien juge fédéral, la suppression des containers et une réflexion sur la mise en place d’un bureau externe chargé de recueillir les plaintes des requérant·es d’asile. On peut se réjouir de ce dernier point. Mais reste encore à voir quelle sera la mise en œuvre concrète. Pour le reste, ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas là d’une révolution, mais bien d’une communication bien rôdée.

      Car évidemment il ne suffira pas que les containers insalubres soient remplacés par de jolies salles de « réflexion » aux couleurs apaisantes. Parce que sales ou propres, cela restera des cellules. Il n’est pas suffisant non plus que les agent·es de sécurité impliqué·es dans les quelques affaires récemment médiatisées soient remplacé·es par d’autres. Tant que le cadre de travail sera le même, les mêmes violences se reproduiront. Il suffit de lire le rapport d’Amnesty et les témoignages d’anciens agents de sécurité ou d’assistants sociaux pour comprendre combien celles-ci font partie de la culture d’entreprise. On ne peut que redouter qu’un nouveau lieu à haut potentiel de violence systémique sorte de terre à Genève, dans le cadre du projet de construction d’un centre fédéral au Grand-Saconnex (lire ici).

      Tant que les requérant·es d’asile continueront à être considéré·es comme une catégorie de la population à part, rien ne changera. Il faudra continuer de dénoncer ce qui se passe derrière les portes de ces centres. Et d’écouter, sans mettre en doute, la parole des réfugié·es qui se seraient bien passé de subir de nouvelles violences, après avoir fui celles de leur pays et en avoir subi sur la route de leur exil. On peut ici souligner le rôle des médias qui ont, à travers leurs investigations, contribué à amener sur la place publique des pratiques dénoncées depuis de nombreuses années par des organisations de la société civile. Et contraint les autorités d’asile à sortir du bois.

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      INÉDIT | Immersion dans la loge des agent·es de sécurité du CFA de Boudry

      L’enregistreur vocal du smartphone était enclenché. Confisqué par des agent·es de sécurité du Centre fédéral de Boudry, le téléphone d’une requérante d’asile a enregistré par inadvertance durant près de deux heures les conversations qui se sont tenues dans leur loge. Nous publions la retranscription complète et inédite de cette capture audio, anonymisée.

      Discussions entre membres du personnel, interactions avec des requérant·es d’asile : les échanges sont révélateurs d’un climat latent d’irrespect et de violence ordinaire induite par le rapport de force et le choix de confier l’encadrement des résident·es des Centres fédéraux d’asile à des agents de sécurité démunis d’outils de médiation. La gestion uniquement sécuritaire des tensions, inévitables dans des lieux de vie collectifs, l’absence de prise en compte par le personnel d’une réalité évidente, celle que les personnes logées là sont dans une angoisse existentielle liée à leur demande de protection, l’impunité renforcée par des mécanismes visant à tout régler « à l’interne », ressortent de leurs propos. Dans la dernière édition de la revue « Vivre Ensemble », nous avons publié un extrait de cet enregistrement : celui-ci montre comment les agent·es trafiquent un rapport justifiant la mise en cellule d’isolement d’une femme, en accusant celle-ci d’acte de violence. La retranscription complète de l’enregistrement montre que celle-ci était venue solliciter l’aide de la sécurité pour que celle-ci aide un enfant (en pleurs) à récupérer un téléphone portable qu’il s’était fait voler par un homme hébergé au centre, et que face au refus de l’agent, elle avait voulu en référer à la direction du centre. La suite permet de s’immerger dans un huis clos quasi fictionnel.

      https://asile.ch/2021/08/23/centres-federaux-a-lecoute-des-victimes
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      Transcription d’un enregistrement audio réalisé au Centre fédéral d’asile de Perreux (Boudry)

      Date: mercredi 20 janvier 2021, en fin de journée

      Légende

      A : femme requérante d’asile, dont le téléphone a capté cet enregistrement
      AS 1 : agent de sécurité impliqué dans la scène de démarrage du conflit
      AS 2 : agent de sécurité qui vient rapidement en renfort du 1er. Il semble qu’il y ait deux personnes derrière AS 2. Les voix sont difficiles à identifier
      AS 3 : agente de sécurité avec une fonction qui semble supérieur à AS 1 et 2
      AS 4 : agente de sécurité avec une fonction dirigeante, ou en tout cas davantage administrative car elle rédige les rapports
      + autres agent·es non-distingués les un·es des autres
      Le téléphone d’un enfant vient d’être volé dans le centre par un requérant d’asile à qui il l’avait confié. « A » interpelle alors un agent de sécurité pour lui demander d’agir et de retrouver le téléphone. L’agent de sécurité pense que l’enfant est son fils, mais ce n’est pas le cas. A enclenche alors le mode enregistrement sur son téléphone.

      A : You’re the security and you should to take a look
      Agent de sécurité 1 : No, no security for look the child, look your phone there
      A : I’ll complain, I’ll complain about that interacting
      AS 1 : No, what what, the time where you put your phone here, no security must look, it’s your mission.
      A : You’ll not try to search, not at all ?
      AS 1 : No, no, no, that your responsability.
      A : But you’re security
      AS 1 : That your responsability. Look, your children, madame, your children, they go up. The time when something happens to up, you come see security ?
      A : But normally you’re accessing the doors without permission ?
      AS 1 : I ask you, you no see your children you (mot incompréhensible)
      A : I’ll complain about that. What is your name or number of the working ? Because you’re just not searching for this telling stuff but discussing about me
      AS 1 : Yes
      A : You don’t do that. So what is your name because I need to complain.
      AS 1 : For me ?
      A : Yes or number of working.
      AS 1 : My number ?
      A : Yes
      AS 1 : For what ?
      A : For working. Because you’re working here and you have the number. I’ll complain, believe me, you don’t do your work
      AS 1 : No. Madame, I’m telling you something, ok ? I know place you’re coming from, ok ?
      A : Poland
      AS 1 : Ok in Switzer… I don’t know.
      A : We’re complainig pretty much and we’ll complain, not to the SEM, but your boss I’ll complain, Protectas, and to the SEM, to the SEM, to the government and to the everyone.
      AS 1 : If you don’t take your responsability… (en s’adressant à un autre requérant d’asile) Brother, brother, come in please. Tell this woman, ok, « if you come here… »
      A : (également à l’autre requérant d’asile) He doesn’t want to check the stealing stuff but they’re accessing the doors and checking the people. But he can’t check the stealing stuff.
      AS 1 : Can you leave me talk with him ?

      Brouhaha car A et AS 1 parlent en même temps avec beaucoup de bruits en arrière-fond et notamment l’enfant qui s’est fait voler son téléphone qui pleure. On entend plusieurs autres requérants d’asile parler de ce qui s’est passé. AS1 finit par proposer à A de se rendre à la loge des agent.es de sécurité pour discuter de l’affaire.

      AS 1 : Can you go to the security office ?
      A : (A l’enfant qui pleure) Yes, we’ll look for you phone. (à AS 1) You still didn’t tell me your number !

      Echanges entre différents requérants d’asile avec l’agent de sécurité. A redemande le numéro de l’agent et insiste.

      AS 1 : Take my picture
      A : No, I don’t want to take your picture
      AS 1 : Take my picture
      A : Ok no problem

      A le prend en photo. On entend ensuite du bruit et on imagine que l’AS1 essaie de lui retirer son téléphone et user de la force. A commence à gémir « ahouaoua, ahouaha » (« aïe » à de multiples reprises).

      https://asile.ch/2021/06/30/inedit-immersion-dans-la-loge-des-agent%c2%b7es-de-securite-du-cfa-de-boudry

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      Violences | un arrière-goût de déjà-vu

      Une enquête est en cours pour déterminer si des mesures coercitives disproportionnées ont été utilisées à l’encontre de requérants d’asile dans certains centres fédéraux. Il s’agirait, selon certains, de dérives individuelles. Selon d’autres, l’autorité a tort de sous-traiter une tâche régalienne à des sociétés privées.

      En fait, le problème se pose depuis belle lurette. En 1993 déjà, l’aumônerie genevoise auprès des requérants d’asile (AGORA) relevait, dans une lettre à l’Office fédéral des réfugiés (ODR), le SEM d’alors, que le personnel mis en place dans le Centre d’enregistrement de La Praille, inauguré l’année précédente, « n’était ni assez nombreux ni suffisamment formé pour remplir sa tâche. » L’aumônerie ajoutait que ce personnel n’assurait pas « un minimum d’écoute permettant de désamorcer les tensions ».

      La gestion de ce centre avait été confiée à l’ORS Service SA et à Securitas. Le CHERANE (Conseil pour l’hébergement des requérants non-enregistrés) qui, avec le soutien d’associations et du canton, assurait depuis deux ans l’accueil des candidats à l’asile, avait été écarté. Le M. Réfugiés de l’époque, Peter Arbenz, avait déclaré « ne pas avoir besoin d’assistants sociaux avec une mentalité tiers-mondiste ». Le Conseil d’État genevois avait boycotté l’inauguration, expliquant le refus de l’offre du CHERANE par « la crainte d’introduire le loup des œuvres d’entraide dans la bergerie fédérale ». « Les locaux de la discorde », avait titré la Tribune de Genève (18.04.1992).

      L’aumônerie, qui pouvait, avec de strictes limitations, pénétrer dans le Centre d’enregistrement, a dénoncé maintes fois, au cours des années suivantes, ce qu’elle considérait comme des abus. Certes, des membres du personnel faisait preuve d’empathie envers les requérants, mais, dans l’ensemble, le système policier établi manifestait bien plus une méfiance, voire un rejet qu’un accueil de personnes en quête de protection.

      À mes yeux, cette attitude reflétait le regard de peur, ou même d’hostilité porté par une partie de la population et des autorités sur des requérants d’asile dont beaucoup venaient de subir moult épreuves et souffrances. J’ai peur qu’il en soit toujours de même.

      https://asile.ch/2021/08/23/violences-un-arriere-gout-de-deja-vu

      #violence #torture #maltraitance #Protectas #SEM #Boudry #responsabilité

  • Des graphiques pour mesurer l’#impéritie et l’#incurie.

    Dans le discours de Macron de mercredi 28 octobre, on pouvait entendre : « Nous sommes surpris » et quelques phrases plus loin, « Nous nous y attendions ». En fait si on les comprend bien, ils s’attendaient à être surpris.

    Thread by Panda31808732 on Thread Reader App – Thread Reader App
    https://threadreaderapp.com/thread/1321935155041361921.html

    Félicitations au gouvernement pour son grand chelem ! Par sa nullité stupéfiante, l’exécutif est parvenu à noircir toute la France métropolitaine en 15 semaines. Nous pouvons à présent lui décerner le label IOC (Incompétence d’Origine Contrôlée).

  • #Covid-19, avec la saturation des hôpitaux, moins de transferts en TGV, plus d’ hospitalisation à domicile ?
    PRISE EN CHARGE EN HOSPITALISATION A DOMICILE (HAD), Ministère des solidarités et de la santé, 14/05/2020
    https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/prise-en-charge-had-covid-19.pdf

    La prise en charge des patients Covid-19 en HAD
    2.1. Les typologies de patients
    Les patients atteints du Covid-19 ne requérant pas de soins en réanimation ou en surveillance continue 24H/24 mais présentant l’une des caractéristiques suivantes :
     Manifestations respiratoires nécessitant une surveillance rapprochée ;
     Existence de comorbidités nécessitant une surveillance renforcée ;
     Situation de complexité psychosociale (patients isolés, vulnérables, précaires, etc.).
    Dans ce cadre, l’HAD peut notamment assurer la surveillance des patients (cf. protocole détaillé au §2.3), la mise en place d’une #oxygénothérapie, l’administration des médicaments de la réserve hospitalière, la réalisation de soins palliatifs, la surveillance médicale incluant une #assistance_respiratoire ou une réadaptation pluridisciplinaire.

    [...]
    2.3. Le protocole de surveillance des patients Covid-19
    Surveillance médicale en accord avec le médecin traitant (sauf situation dérogatoire), selon un rythme dépendant de la situation, éventuellement appuyée par la télémédecine.

    Coronavirus (COVID-19)
    Surveillance au minimum biquotidienne par l’IDE :
     Des constantes et signes cliniques suivants : température, pouls, TA, saturation en oxygène, signes respiratoires, transit, poids, autres selon comorbidités ;
     Dans le cadre d’un algorithme décisionnel fixant des seuils de vigilance (renforcement de la surveillance mais maintien à domicile) et des seuils d’alertes (avis médical dans un délai court, discussion de transfert en hospitalisation conventionnelle) élaboré par les établissements d’HAD ;
     Avec un retour quotidien systématique des informations vers l’HAD, pour les HAD collaborant avec des professionnels de santé libéraux.
    Nécessité d’une vigilance accrue en début de 2ème semaine après le début des symptômes en raison du risque d’aggravation.
    Surveillance biologique le cas échéant, selon la symptomatologie, l’existence de comorbidité (ex. diabète) ou surveillance thérapeutique (ex. anticoagulants).
    Organisation en tant que de besoin d’une consultation par un médecin spécialiste (téléconsultation).

    #Had #hospitalisation_à_domicile

  • Covid-19 : « Aucune leçon n’a été tirée de la gestion de la crise entre mars et mai »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/22/covid-19-aucune-lecon-n-a-ete-tiree-de-la-gestion-de-la-crise-entre-mars-et-


    La rue de Rivoli déserte après l’entrée en vigueur du couvre-feu, à Paris, le 17 octobre. ODHRAN DUNNE POUR « LE MONDE »

    Trois sociologues, spécialistes des catastrophes et co-auteurs du livre « Covid-19, une crise organisationnelle », analysent, dans un entretien au « Monde », les dysfonctionnements observés dans la réponse des pouvoirs publics à la pandémie.
    Propos recueillis par Hervé Morin et David Larousserie

    Les sciences humaines et sociales commencent à faire entendre leur voix pour analyser la pandémie de Covid-19. Dans un livre stimulant, Covid-19, une crise organisationnelle (Les Presses de Sciences Po, 136 pages, 14 euros), quatre spécialistes des crises et des catastrophes apportent leur lecture originale des événements.

    Henri Bergeron, Olivier Borraz (directeurs de recherche CNRS au Centre de sociologie des organisations – CSO – de Sciences Po), Patrick Castel (chargé de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques au CSO) et François Dedieu (chargé de recherche à l’Inrae) y dévoilent de nombreux dysfonctionnements dans la gestion de crise. Les trois premiers, pour Le Monde, en tirent déjà des enseignements.

    Comment analysez-vous la décision du couvre-feu pour l’Ile-de-France et huit métropoles ?

    Oliver Borraz : Cette annonce inspire un sentiment de déjà-vu. Elle ressemble, par bien des points, à l’annonce du confinement il y a sept mois. D’abord, aucune des deux ne faisait partie de l’arsenal des mesures prévues pour gérer une crise sanitaire. Aucune des deux ne constitue à proprement parler une mesure de santé publique. Ensuite, ce sont deux mesures sur lesquelles on ne dispose que de très peu de connaissances, qu’il s’agisse de leurs effets pour contrôler une épidémie, ou de leurs « effets secondaires », sanitaires, économiques ou sociaux. C’est d’autant plus surprenant que la science est mise en avant pour justifier ces décisions, sans qu’elles n’aient jamais été véritablement testées ou étudiées.

    Une troisième ressemblance tient au fait que ces décisions ont été toutes les deux prises dans l’urgence, sans anticipation ou préparation. Dans les deux cas, les services de l’Etat n’ont que quelques jours pour définir les modalités de mise en œuvre.

    Enfin, dernier point de similitude, l’argument selon lequel « d’autres pays le font » justifie la décision. Il est intéressant de voir que les Etats, qui ont du mal à se coordonner internationalement en matière sanitaire, finissent par converger par mimétisme pendant cette crise.
    Néanmoins, il faut pointer une différence majeure par rapport à mars : les enjeux économiques et sociaux sont venus tempérer les actions essentiellement curatives et sanitaires, même si l’on reste dominé par l’idée que les morts du présent comptent plus que les morts du futur.

    Aucune leçon n’a donc été tirée ?

    O. B. : Le paradoxe et la constante dans ces crises tiennent au fait qu’on ne sait pas tirer des leçons des crises passées. En juillet 2019, Edouard Philippe [alors premier ministre] met à jour une circulaire de 2012 sur la gestion de crise [celle qui crée une cellule interministérielle de crise (CIC)], mais sans apprendre de la mauvaise gestion de l’ouragan Irma de 2017 [qui avait dévasté, le 6 septembre, les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy].

    Qui plus est, lorsqu’arrive le Covid-19 en 2020, l’Etat ne s’appuie même pas sur cette circulaire pour élaborer la réponse ! Mais, au contraire, improvise en créant de nouvelles organisations. Et aujourd’hui, on constate qu’aucune leçon n’a été tirée de la gestion de la crise entre mars et mai : à titre d’exemple, l’approche reste centrée sur l’hôpital et continue de négliger tous les autres acteurs du système de soins (cliniques privées, médecine de ville, réseaux de soins…).

    Quelles en sont les conséquences ?

    O. B. : Prenons par exemple la cellule de crise interministérielle. Activée tardivement, elle se voit immédiatement dotée d’autres cellules qui ne correspondent pas aux protocoles auxquels les responsables de la gestion de crise, dans les ministères, ont été formés et habitués. Ils éprouvent les pires difficultés pour s’y retrouver. Ils ne comprennent pas comment et où se prennent les décisions auxquelles ils ne sont pas associés.

    Ainsi, la décision de réquisitionner les masques pour les soignants ne tient pas compte du fait que de nombreux autres secteurs en ont aussi besoin pour continuer à travailler, comme l’énergie ou les transports. Nous avons trouvé plein d’exemples de décisions de ce genre prises sans consultation, qui ont amplifié les effets de la crise.

    Henri Bergeron : Ce qui est paradoxal, c’est la croyance que les problèmes de coordination peuvent être réglés par la création de nouvelles structures. C’est typique de la technocratie française : accorder aux structures, aux organisations, à la technologie un pouvoir de coordination , certainement un peu excessif .

    Comment expliquer ces nombreux dysfonctionnements ?

    H. B. : Entre autres défauts, nous avons été frappés par cette multiplication d’organisations nouvelles, comme par exemple le conseil scientifique, au lieu de s’appuyer sur les structures existantes. Cela traduit plusieurs choses. D’une part, la volonté, pour le président et son premier ministre, de ne pas se lier les mains en travaillant avec des organisations existantes. Ils craignaient de se voir imposer les solutions et les routines de ces organisations, voire les intérêts de ces acteurs institués. Ensuite, il existe clairement, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, une méfiance vis-à-vis de la haute administration.

    Enfin, il y a une défiance vis-à-vis de la gestion de crise, à la suite de la mauvaise gestion de la tempête Irma, imputée à tort ou à raison à la sécurité civile. Cette défiance pourrait expliquer pourquoi, dans la crise du Covid-19, le plan pandémie grippale n’a pas été activé dès le mois de janvier ou que la sécurité civile a été tenue à l’écart.

    Mais n’y a-t-il pas aussi des responsabilités individuelles derrière ces dysfonctionnements collectifs ?

    H. B. : Il y a bien sûr des individus dans les organisations. Mais nous nous intéressons aux effets de structure, qui se manifestent principalement sous deux formes.
    La première, c’est la culture de l’organisation qui fait qu’on voit ou pas certaines choses : les signaux d’alerte aux mois de janvier et février ne sont pas interprétés comme suffisamment sérieux par des services qui ont pris l’habitude de menaces s’avérant finalement moins graves que prévu. La seconde, c’est le tissu de relations dites de pouvoir et d’interdépendance qui influence les actions. Il y a suffisamment de répétitions des gestes de gestion de crise pour penser que ces effets sont prégnants.

    N’est-ce pas un peu facile de taper sur la bureaucratie, les technostructures… ?

    H. B. : Le terme « bureaucratie » n’est pas du tout péjoratif pour nous. Il renvoie à un mode d’organisation qui a sa logique et qui peut se montrer efficace pour gérer tout un ensemble de problèmes. Ce que nous critiquons, c’est le geste technocratique qui consiste à croire que la technologie ou l’organisation suffit à permettre la coordination entre les individus. C’est également cette tendance à penser que « l’intendance suivra » et donc à négliger les considérations de mise en œuvre, certes moins nobles que la création de structures, de plans stratégiques ou de nouvelles applications… mais qui s’avèrent pourtant décisives pour l’efficacité des politiques publiques.

    Nous ne sommes pas sur le terrain de la remise en cause de l’Etat, de la technocratie, d’une sorte d’Etat profond mal défini… Il faut bien se rendre compte que cette crise a été largement gérée par le politique, plus que par la bureaucratie, dont on a vu qu’elle subissait une sorte de méfiance, voire de défiance. On a eu une gestion parallèle très politique de la crise, s’appuyant sur de nouveaux dispositifs comme le conseil scientifique ou la mission Castex chargée du déconfinement.

    L’administration, elle, a le sentiment d’avoir bien tenu et bien géré la crise. Elle ne s’est pas « effondrée », comme cela a pu être le cas par exemple au Japon lors de l’accident de Fukushima en 2011, aux Etats-Unis après l’ouragan Katrina en 2005, ou même en France, localement, pendant la tempête de 1999. Mais elle a le sentiment d’avoir dû se débrouiller souvent toute seule pour régler les problèmes qui survenaient.

    Vous reconnaissez d’ailleurs que l’hôpital a pour sa part plutôt bien géré cette crise. Pourquoi ?

    Patrick Castel : Tous les soignants que nous avons interrogés nous ont dit que c’était à la fois la plus dure et la meilleure expérience de leur vie. Mais cet héroïsme ne suffit pas à expliquer la collaboration qui a été observée. Il a besoin de conditions structurelles pour s’épanouir. Ce n’est pas seulement une affaire de traitements, de techniques…, c’est aussi une bonne coordination, et notre travail est justement d’identifier les déterminants de la coopération.

    Nous avons ainsi repéré quatre conditions favorables. Premièrement, le pouvoir a basculé des directeurs vers les médecins , qui ont eu beaucoup plus d’autonomie pour organiser la gestion de la crise. Ensuite, la question des moyens n’était plus un problème puisqu’on était dans le « quoi qu’il en coûte ». Les dépenses sont restées justifiées, mais il y avait moins de contrôle budgétaire. En outre, grâce à l’activation du plan blanc, les autres activités ont été suspendues, apportant de la souplesse pour faire face à l’afflux de malades. Enfin, l’habituelle « guerre » entre services pour avoir des patients a disparu. Tout le monde était débordé.

    Cela va-t-il durer ?

    P. C. : Dès les mois de mai-juin, pendant ce qui a été appelé la désescalade, des tensions sont réapparues, avec par exemple des médecins qui voulaient préserver l’activité non-Covid-19 de leur service et ne voulaient plus renoncer à prendre des patients car ils ont vu les conséquences sanitaires secondaires de la pandémie. Les freins budgétaires et les contrôles sur les dépenses ont aussi fait leur retour dès cet été.

    On entre aujourd’hui donc dans une période qui risque d’être plus difficile, moins brutale mais plus usante car elle s’inscrira dans la durée et nécessitera de concilier le fonctionnement ordinaire des hôpitaux avec la gestion des patients Covid-19. C’est vrai plus largement pour l’ensemble des services de l’Etat : ils vont devoir concilier retour à la normale et gestion d’une situation qui reste critique.

    Quelles pistes d’amélioration suggérez-vous ?

    O. B. : Après chaque crise, il y a des rapports d’inspection et des enquêtes parlementaires qui singularisent l’événement, pointent des responsabilités, mais ne tirent pas des leçons pour préparer les prochaines réponses. Il faut inscrire les retours d’expérience dans une démarche cumulative, en mettant les différentes crises en série et en s’intéressant aux récurrences qui surviennent à chaque fois.

    Quant à la formation des élites, elle n’est pas tout mais elle devrait être l’occasion de confronter les étudiants avec les sciences, et les sciences sociales notamment. D’une façon générale, les sciences humaines et sociales ont été peu mobilisées durant cette crise alors qu’elles ont beaucoup à dire sur, par exemple, la résistance des citoyens à certaines informations ou injonctions. N’oublions pas non plus que les dynamiques de diffusion du virus sont aussi des dynamiques sociales. Les raisonnements ont été trop technicistes (capacité à tester) ou hospitalo-centrés. La formation doit aussi apprendre à se frotter à l’incertitude et à la complexité.

    Comment ?

    H. B. : Ce n’est pas facile. L’une des façons de faire est de favoriser des tensions. A nos étudiants, nous apportons sur un même objet plusieurs regards disciplinaires. Par exemple sur le travail, on fera appel à des spécialistes du droit, de l’anthropologie, de la sociologie, de l’économie… On peut aussi, après avoir présenté certains outils techniques comme la comptabilité, inviter des spécialistes pour critiquer ces outils, montrer qu’ils ne sont pas neutres, mais proposent au contraire des visions politiques du social. La tension produit de la sensibilité à la complexité.

    Quel est votre pronostic pour l’après-crise ?

    H. B. : Le pire serait de retenir qu’une administration a failli et qu’on en change le nom, c’est-à-dire de se contenter de faire comme on a souvent fait par des mesures cosmétiques.

    Dans nos entretiens, nous avons senti chez nos interlocuteurs le souhait de partager cette expérience inouïe. Ils ont conscience qu’on ne tire pas assez les leçons des crises passées. Et en les voyant archiver leurs documents, leurs courriels…, on sent qu’il y a dans cette crise déjà l’anticipation de la manière dont elle sera regardée plus tard.

    #crise_sanitaire #santé_publique #hospitalo-centrisme #technocratie

    • D’un confinement à l’autre, une puissance publique inorganisée
      https://www.mediapart.fr/journal/france/021120/d-un-confinement-l-autre-une-puissance-publique-inorganisee

      Quatre sociologues ont dressé le bilan critique de la gestion de la crise sanitaire. Le tableau est celui d’une puissance publique inorganisée, mal préparée, n’en tirant pas les bonnes leçons et formant mal ses élites.

      « Par quelle suite de choix et de non-choix en arrive-t-on, face à ce qui est présenté comme un “tsunami” qui s’apprête à déferler sur les hôpitaux publics, à devoir décider dans l’urgence de mesures radicales et aux conséquences potentielles aussi massives qu’inconnues ? » L’interrogation, émise à propos du premier confinement par les auteurs de Covid-19, une crise organisationnelle (Presses de Sciences-Po, 2020), est dans bien des têtes, alors que nous expérimentons à nouveau une restriction hors norme de la vie sociale.

      Cette solution « fruste, massive et indistincte » était la seule qui restait à l’exécutif pour espérer « maîtriser le virus », expliquait dans nos colonnes Caroline Coq-Chodorge, au lendemain de l’annonce présidentielle. C’est justement cette logique d’inévitabilité, et l’idée que la décision « s’imposait » d’elle-même, que questionnent les chercheurs Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu, affiliés pour les trois premiers au Centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences-Po, et pour le quatrième à l’Institut de la recherche agronomique (INRA).

      Pour cette étude, ils ont mené une quarantaine d’entretiens et dépouillé toute une littérature scientifique, administrative et journalistique. Le confinement, insistent-ils à plusieurs reprises, est la décision qui fait la singularité de la crise du Covid-19. Problème : elle ne figurait dans aucun plan, n’a jamais été mise en œuvre dans l’histoire récente et n’a donc donné lieu à aucune évaluation qui permette d’en apprécier les effets. Toute une partie de leur investigation consiste à comprendre comment nous en sommes arrivés là.

      Les auteurs expliquent que les élites dirigeantes ont baigné dans un « excès de confiance », transformé en « sidération » lorsqu’elles ont fait le constat trop tardif de l’impréparation de la puissance publique face au virus. Cette assurance n’était pas complètement dénuée de fondement : le risque d’une pandémie avait été identifié de longue date et des scénarios de gestion de crise avaient été élaborés à cet effet, ainsi que pour d’autres menaces. « Autrement dit, c’est parce que les responsables politiques pensaient réellement disposer des moyens nécessaires qu’ils ont été autant pris par surprise lors de l’arrivée du virus. »

      Remontant 15 ans en arrière, les quatre sociologues font l’hypothèse d’une « dérive organisationnelle » pour expliquer cette confiance mal placée. Dans le passé, ce phénomène fut mis en évidence par d’autres chercheurs pour expliquer des accidents dans l’industrie spatiale ou dans l’armée. Lorsqu’un risque identifié tarde à se produire, la crédibilité de son avènement s’amenuise. Il peut en résulter, de manière progressive et peu alarmante a priori, un relâchement des procédures, une confusion croissante des responsabilités de chaque acteur de la chaîne de prévention et une diminution globale des moyens alloués (lire, à ce sujet, l’article de François Bonnet et son entretien avec Didier Torny).

      Les auteurs convoquent une autre notion, celle de « risque scélérat », pour décrire la sous-estimation des alertes accumulées entre janvier et mars. Il s’agit d’un risque « annoncé et connu », mais dont « l’apparente familiarité » endort la vigilance, jusqu’au point de non-retour. Durant la première quinzaine du mois de mars, les pouvoirs publics sont en effet passés d’une promesse de maîtrise à une véritable panique face au « tsunami » et au « carnage » annoncés dans les hôpitaux. D’où « un remède radical, présenté par les experts comme “le seul possible” : le confinement généralisé de la population ».

      La lecture de ce récit stylisé, en plein deuxième confinement, est saisissante, dans la mesure où il vient de se rejouer un scénario comparable. Lorsque Emmanuel Macron explique que « nous avons tous été surpris par l’accélération de l’épidémie », c’est au mépris des multiples alertes lancées depuis cet été, y compris par son propre Conseil scientifique. Et c’est avec le même argument, celui d’un « carnage » annoncé, que le confinement apparaît comme la seule solution viable. Il est vrai que l’absence d’apprentissage est un autre thème du livre…

      Avant d’y venir, les quatre sociologues pointent un autre phénomène frappant, inscrit dans la temporalité beaucoup plus courte de la crise du printemps. Au lieu d’un « effondrement organisationnel », constatent-ils, nous avons assisté à une exubérante « créativité » en la matière.

      L’épuisement du « décisionnisme » à la française

      Du sommet des administrations jusqu’aux hôpitaux, les interlocuteurs des sociologues leur ont témoigné des difficultés de coopération et de coordination qu’ils ont rencontrées, les contraignant souvent à agir en dehors des règles. « L’action collective, concluent-ils, s’est le plus souvent déployée en dehors de tout ce qui avait été programmé, prévu, anticipé. Cette crise sans précédent est donc aussi celle de l’inorganisation. Formidable paradoxe d’une société saturée d’organisations de toutes sortes, mais qui rencontre tant de difficultés à “organiser ces organisations”. »

      Devant les défaillances constatées, un réflexe technocratique a conduit à la création de nouvelles structures, quitte à ajouter à la confusion.

      Alors que le domaine sanitaire est l’un des plus dotés en structures d’expertises, deux instances ad hoc ont ainsi été créées (le Conseil scientifique et le Comité analyse, recherche et expertise), aux règles de recrutement et de fonctionnement inventées dans le feu de l’action. Et alors que la cellule interministérielle de crise n’a été activée que le 17 mars, un audit a été confié « quinze jours plus tard à peine » au général Lizurey, afin d’évaluer une coopération interministérielle à la peine (Mediapart en a récemment publié plusieurs extraits).

      Jean Castex, avant de reconfiner, fut "Monsieur déconfinement" sous le gouvernement Philippe (ici, à la sortie du ministère de l’intérieur le 13 mai 2020). © Ludovic MARIN / AFP

      Mi-avril, c’est sous forme d’une mission qu’un travail de coordination a été confié à Jean Castex, afin de préparer la fin du confinement. On apprend au passage qu’elle n’était qu’une des cinq structures, au minimum, « chargées de l’anticipation et du déconfinement ».

      Cette exceptionnelle « inventivité institutionnelle » ne s’est cependant pas traduite par une meilleure association des citoyens. Elle a surtout été mise au service d’une « gestion élitaire » de la pandémie. De manière significative, la proposition du président du Conseil scientifique de créer un « comité de liaison avec la société » est restée lettre morte. Pourtant, préviennent les auteurs, « ce que le dirigeant gagne (ou plutôt croit gagner) en autonomie de décision, il le perd souvent en capacité de mise en œuvre. Il prend le risque de susciter la contestation de ceux qui n’ont pas été associés aux débats et de ceux qui veulent pointer, après coup, les dysfonctionnements dans la gestion de la crise ».

      On peut voir, à travers les polémiques et les décisions kafkaïennes concernant les rayons de la grande distribution, une illustration de ce risque en plein reconfinement. Celui-ci, visiblement, n’a fait l’objet d’aucune anticipation en amont, que ce soit à propos de ses modalités précises ou des résistances qu’il pourrait engendrer. Les décisions ont été prises au fil de l’eau, en petit comité, sans vraie concertation et en envoyant des messages contradictoires envers la population. S’il y a eu sidération des élites face au virus, il y a de quoi être sidéré, au sein de la population, face à une telle inadaptation et impréparation de l’appareil d’État.

      La valeur ajoutée de Covid-19 : une crise organisationnelle est de ne pas se contenter de mises en cause individuelles, ni même d’explications mono-causales (quoique réelles) comme le manque de moyens. La tradition intellectuelle des auteurs et leur enquête empirique les amènent à rechercher, derrière les décisions particulières, ce qu’elles doivent à l’action collective. Dédaignant les récits culpabilisants ou héroïsants, ils pointent surtout des problèmes structurels et systémiques dans la gestion de crise à la française.

      Contrecarrer la logique de « désapprentissage »

      Si ce point est aussi crucial, c’est que d’autres moments comparables surviendront. Sur les fronts de la sécurité, de l’économie ou d’un système-Terre dégradé tous azimuts, les conditions s’accumulent même pour que leur fréquence s’accroisse. « Aussi est-il crucial que l’État se dote d’outils plus fiables, qui ne considèrent plus les crises comme des événements singuliers qui sortent de l’ordinaire, mais au contraire comme des phénomènes récurrents dont on peut tirer des enseignements », écrivent les quatre sociologues.

      Trop souvent, expliquent-ils, les rapports publics ou les retours d’expérience en restent aux problèmes survenus et proposent « des solutions à peu de frais ». Au contraire, il faudrait traquer ce qu’il y a de commun entre les crises, et assurer la transmission de ce que la puissance publique en apprend. Avertis de la logique de « désapprentissage » qui peut frapper n’importe quelle organisation, notre préoccupation devrait être de la contrecarrer du mieux possible.

      En termes de préparation aux crises, ficeler des plans minutieux et réaliser des exercices de simulation n’apparaît pas plus convaincant aux yeux des auteurs. Pour toute une série de raisons, « des études de cas concrets » leur semblent préférables pour préparer au mieux les acteurs. De façon plus générale, « la formation de nos élites » devrait être revue, dans la mesure où elle « ne les prépare pas à penser et à agir dans l’incertitude ».

      Les modalités de leur sélection et de leur avancement les encourageraient en effet au conformisme, de même qu’elles les conforteraient dans une vision individualiste du leadership. Les savoirs ingurgités, essentiellement techniques, ne les rendent pas aptes à gérer des situations instables ni à faire preuve de réflexivité. Il s’agirait donc de les frotter à « une culture de recherche et scientifique », et notamment à des connaissances issues des sciences sociales, afin de les aider à « coordonner des ensembles très complexes ».

      On se demande toutefois si la force de l’ouvrage, qui consiste à formuler une critique subtile, profonde et informée des failles organisationnelles auxquelles on assiste, n’est pas une faiblesse dès lors qu’elle évite un questionnement sur les qualités individuelles de nos dirigeants français. Après tout, il est possible qu’en plus des problèmes pointés par les sociologues, la Macronie et son chef ne fassent la preuve de compétences et d’une expérience trop frustes pour affronter la situation. Le problème, et l’on en revient ici à un niveau plus systémique, c’est que les institutions de la Ve République maximisent la marge de manœuvre du président et de son premier cercle choisi.

      Non pas qu’il faille surestimer la qualité démocratique de la gestion de crise ailleurs en Europe. Mais avec l’usage intensif des Conseils de défense, l’autonomie présidentielle vis-à-vis de la société, des élus du peuple et des ministres eux-mêmes est poussée à son acmé. L’historien Nicolas Roussellier, dans L’Opinion, estime ainsi que la tendance est à « ce que l’on pourrait appeler un décisionnisme parfait, en éliminant le débat parlementaire contradictoire, libre et approfondi ». En fonction de quoi, « la critique, l’opposition, l’expression du doute ou de l’hésitation, la nécessité de convaincre se font désormais en dehors des institutions ».

      Rappelons que cette exorbitante « puissance de commander » propre à la Ve, mise en œuvre par le général de Gaulle en pleine guerre d’Algérie, avait pour pendant une promesse d’efficacité dans la résolution des crises. Outre que ce mode de gouvernement n’est peut-être pas adapté à n’importe quel dirigeant ou à n’importe quel moment dans l’histoire, les performances de la France dans la crise sanitaire sont assez médiocres pour justifier sa remise en cause.

      En s’intéressant davantage aux individus dirigeants et à leurs croyances, on pourrait par ailleurs mieux comprendre la désastreuse politique de « stop-and-go » dans le confinement, et le supplice chinois des restrictions sociales auquel nous sommes soumis. Les auteurs ont raison de dire que la thèse de dirigeants inféodés aux intérêts économiques, prise dans un sens maximaliste, voire complotiste, ne tient pas : elle n’explique pas, en effet, la volte-face en faveur du confinement. Mais on peut aussi considérer, comme le développe Romaric Godin dans Mediapart, que le gouvernement est justement pris en tenaille entre ses convictions néolibérales, qui le poussent à ranimer le plus longtemps possible la logique économique « d’avant », et sa contrainte morale à éviter le « carnage », qui le pousse à des solutions sanitaires drastiques. Quitte à perdre sur les deux tableaux.

      « Nous sommes en guerre », n’a pas hésité à marteler Emmanuel Macron au printemps. Devant le fiasco actuel, on se demande à quelle comparaison historique devrait nous conduire cette métaphore impropre. En choisissant un passage de L’Étrange Défaite de Marc Bloch comme exergue à leur ouvrage, les auteurs ont l’air d’avoir spontanément pensé à 1940.

      L’historien y relevait que « s’adapter, par avance, à une réalité simplement prévue et analysée par les seules forces de l’esprit, c’est là probablement, pour la plupart des hommes, un exercice mental singulièrement plus difficile que de modeler leur action, au fur et à mesure, sur des faits directement observés ». Un exercice impérieux, cependant, à l’âge de l’Anthropocène et d’un capitalisme fossile à bout de souffle.

      #livre #bureaucratie #État

  • Christiane Taubira, (toujours) les mots justes

    https://www.facebook.com/rekacewicz/posts/10158743150551182

    J’ai repris cette partie du dialogue entre Christiane Taubira et le journaliste de France 5, parce que ça vaut la peine de s’en souvenir. D’abord parce que Christiane Taubira en un mot suggère qu’il faut repenser profondément le sens du mot justice quand on l’utilise. Aussi parce quelle explique que laisser le droit aux grands fauves de spéculer sur les denrées alimentaires empêche les gens de manger, au moment même ou l’endive toxique qui nous sert de ministre de l’intérieur vient d’interdire aux migrants de Calais de se nourrir.

    –---------
    Ali Badou, sur France 5, montre à Christiane Taubira une séquence tournée sur l’île de Lesbos en Grèce, dans laquelle une enfant originaire de RDC - et sa maman - expriment leur désespoir de migrantes.

    Ali Badou demande en premier lieu à Christiane Taubira :

    -- « Qu’est-ce que ces images vous inspirent »

    Christiane Taubira visiblement émue fait une première réponse :

    -- « Lorsqu’on parle d’une justice, on parle de ça. Ces personnes sont à la fois des victimes et des combattantes. Ce sont des victimes des désordres du monde, et nous avons notre part [de responsabilité] dans les désordres du monde, notre part dans le fait qu’on puisse spéculer sur les denrées alimentaires : c’est autorisé de faire des "hedge funds" et d spéculer sur le prix du riz, sur le prix du mil, sur le prix du maïs. Donc, lorsqu’on parle d’inégalités, ce sont des choses tangibles. On empêche des gens de manger. Lorsqu’on parle de corruption, ce sont des choses tangibles. On est complice de gens qui pillent des richesses, ou qui permettent le pillage de richesses. Ce sont aussi des battantes, parce que ce sont des gens qui se lèvent, qui mettent un pied devant l’autre, qui partent sur le monde, qui marchent sur la croûte terrestre. »

    Ali Badou pose alors une deuxième question à Christiane Taubira, "question provocante" avoue-t-il lui même :

    -- « Est-ce que l’hospitalité, ça fait une politique ? » demande-t-il

    Christina Taubira :

    -- « Est-ce que le pillage fonde une politique ? Est-ce que la connivence avec la corruption fonde une politique ? est-ce que l’économie qui dévaste la terre, et qui détruit des régions entières et qui fait que de toutes façons des gens vont mettre un pied devant l’autre pour aller ailleurs fonde une politique ? Les gens ne vont pas se laisser noyer ! Mais l’hospitalité oui ! ça, ça fait une politique. »

  • Marie-Hélène Lahaye : La protection de « l’enfant à naître » : une mise sous tutelle des femmes enceintes – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2020/09/21/marie-helene-lahaye-la-protection-de-lenfant-a-naitre-une

    En Belgique, une proposition de loi modifiant le Code civil en vue d’instaurer une protection juridique prénatale a été déposée au Parlement fédéral par Valerie Van Peel (N-VA) et John Crombez (SP.a). Cette loi contient un article unique qui dispose que « l’enfant dont une femme est enceinte est présumé déjà né chaque fois que son intérêt l’exige (…). Cette présomption s’éteint si l’enfant ne naît pas vivant. »

    what’s this fucking shit ??
    source : marieaccouchela.net/index.php/2020/08/31/la-protection-de-lenfant-a-naitre-une-mise-sous-tutelle-des-femmes-enceintes/
    https://seenthis.net/messages/877274
    Faut-il enfermer les mères toxicomanes pour protéger l’enfant à naître ?
    https://www.lalibre.be/debats/opinions/faut-il-enfermer-les-meres-toxicomanes-pour-proteger-l-enfant-a-naitre-5f1da
    #femmes_enceintes #addictions #toxicomanie #avortement #belgique #hospitalisation_forcée #mort_vivant

  • Écologiser les conseils municipaux
    https://topophile.net/savoir/ecologiser-les-conseils-municipaux

    Tribune. Suite à l’élection de maires écologistes dans plusieurs grandes villes de France comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, Tours, Poitiers, etc. le philosophe Thierry Paquot appelle à écologiser les conseils municipaux et à repenser l’organigramme autour de prérogatives transversales : l’urbanité, le bien vivre, l’hospitalité, le quotidien urbain, l’entraide, etc. La victoire des écologistes aux municipales... Voir l’article

  • Maintien à l’isolement d’une personne hospitalisée sans son consentement : le Conseil constitutionnel exige l’intervention d’un juge
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/19/maintien-a-l-isolement-d-une-personne-hospitalisee-sans-son-consentement-le-

    La haute juridiction laisse au législateur jusqu’au 31 décembre pour modifier le texte en organisant ce contrôle du juge afin d’encadrer le maintien à l’isolement ou en contention « au-delà d’une certaine durée ».

    [...] La haute juridiction était saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi du 26 janvier 2016 qui établit un cadre pour le recours à l’isolement ou la mise sous contention d’une personne hospitalisée en psychiatrie sans consentement.
    Le requérant, lui-même hospitalisé à plusieurs reprises, reprochait au texte de ne pas respecter l’article 66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
    Lors de l’audience, son avocat, Raphaël Mayet, avait qualifié ces placements à l’isolement et sous contention de « degré ultime de l’atteinte aux libertés » , et déploré que cela se fasse sans la protection d’un juge et sans recours possible. « C’est le seul îlot d’atteintes aux libertés exonéré de contrôle juridictionnel effectif », avait-il ajouté.

    Le Conseil constitutionnel relève que « le placement à l’isolement ou sous contention (…) ne peut être décidé que par un psychiatre pour une durée limitée lorsque de telles mesures constituent l’unique moyen de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour la personne ou autrui » . La mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet « d’une surveillance stricte » des professionnels de santé. Un registre doit être tenu pour veiller à la traçabilité des mesures d’isolement et de contention, et l’établissement doit établir un rapport annuel pour en limiter le recours.

    Pour le Conseil constitutionnel, la loi fixe ainsi des garanties pour que ces mesures soient « adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état de la personne qui en fait l’objet » .[...]

    « Si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire » , écrit le Conseil constitutionnel. La haute juridiction a laissé au législateur jusqu’au 31 décembre pour modifier le texte en organisant ce contrôle du juge.

    #hospitalisation_sans_consentement #psychiatrie #isolement #contention #contrôle_du_juge_judiciaire

  • Violence des Protectas au #Centre_Fédéral d’Asile de Giffers : Les requérant-e-s d’asile sont en danger…en #Suisse !

    Après les #violences des #Protectas contre les mineurs du Foyer de l’Etoile (GE), puis contre les réquérant-e-s du #CFA de Bâle, voici venu le tour des requérant-e-s du CFA de Giffers (FR) :

    Le 3 mai 2020, Ali, requérant camerounais, demande aux Protectas du CFA de Giffers, où il réside, de bien vouloir le laisser entrer rapidement (fouille obligatoire à l’entrée du CFA). Etant convalescent (COVID-19), il se sent faible et n’arrive plus à attendre que les Protectas aient terminé de discuter entre eux. Le ton s’enflamme immédiatement : deux Protectas le poussent violemment et le frappent. Ali se rend à l’hôpital : le constat fait état de multiples contusions. A son retour au centre vers 22h, les Protectas lui interdisent l’entrée : il doit dormir sur un banc à l’entrée.

    Ce même 3 mai 2020, Abdalim, requérant marocain, se voit intimer l’ordre de regagner sa chambre. N’ayant pas obtempéré suffisamment rapidement aux yeux du Protectas, celui-ci le pousse violemment contre une vitre, ce qui lui sectionne les tendons de la jambe. Il est hospitalisé puis opéré. Aujourd’hui encore, il marche difficilement avec des béquilles.

    Le 4 mai 2020, Mohamed, requérant algérien qui souffre d’épilepsie, subit lui aussi une agression de la part des Protectas. Ceux-ci veulent fouiller sa chambre et ils lui disent qu’elle est sale. Mohamed refuse. Deux Protectas l’agressent en l’empêchant de respirer. La situation provoque chez Mohamed une crise d’épilepsie et il est emmené à l’hôpital : le constat médical fait état d’une agression par étranglement avec une marque antérieure au niveau du cou.

    Aujourd’hui encore, Ali, Abdalim et Mohamed doivent chaque jour obtempérer aux ordres de leurs agresseurs : les Protectas incriminés travaillent toujours au CFA de Giffers !

    Ces violences ne sont pas des actes isolés. Le système des Centre Fédéraux d’Asile est fondé sur la répression et l’isolement. Les sommes allouées par la Confédération à la « sécurité » dans les CFA sont supérieures aux montants dédiés à l’encadrement social et sanitaire. Ce ne sont pas quelques heures de formation sur la thématique de l’asile qui vont transformer un agent de sécurité en travailleur social.

    Il y a urgence : les requérant-e-s d’asile qui viennent en Suisse pour y trouver refuge sont en DANGER dans les CFA ! Le système dit de sécurité, mis en place soi-disant pour les protéger, les met en réalité en danger.

    Pour Ali, Abdalim et Mohamed, nous demandons au Secrétariat d’Etat aux Migrations :

    Un déplacement URGENT dans un autre centre, hors de portée de leurs agresseurs et à proximité des transports publics ;
    Une suspension de leurs renvois en attendant le résultat des plaintes pénales déposées contre leurs agresseurs.

    Nous demandons aux autorités compétentes et avant qu’un drame ne se produise :

    L’ouverture des portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit ;
    L’engagement de travailleurs sociaux et soignants en nombre suffisant et ayant pour mission de SOUTENIR et de répondre aux besoins des requérant-e-s d’asile ;
    L’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou autre) dans le cadre des CFA et autres foyers.

    Face à la gravité de ces évènements, nous exigeons que Mario Gattiker, actuel directeur du Secrétariat d’Etat aux migrations et ancien directeur du service juridique de Caritas Suisse, réponde immédiatement aux questions suivantes :

    Est-ce que le personnel de sécurité responsable des maltraitances dénoncées est toujours en place ? Et si ou pourquoi ?
    Pourquoi la police n’a pas enquêté sur ces actes de violence ?
    Quel système de contrôle va mettre en place le SEM pour éviter ce genre de violences ?

    Solidarité Tattes et Droit de Rester Fribourg

    Reçu via la mailing-list Solidarité Tattes (https://solidaritetattes.ch), le 18.06.2020

    #centres_fédéraux #Giffers #Gouglera #Fribourg #asile #migrations #réfugiés

    Un centre géré par... #ORS of course !

    voir aussi la métaliste sur ORS :
    https://seenthis.net/messages/802341

    ping @cede @isskein

    • Le Courrier | Violences à #Chevrilles

      Trois requérants d’asile portent plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et actives au centre fédéral d’asile de Chevrilles (#Giffers en allemand). Les trois plaignants accusent les agents de sécurité de violences physiques et d’agressions fréquentes envers les habitants du centre. Le Courrier relaie les témoignages d’Ali, Mohamed et Abdalim, victimes des violences dans le centre de Chevrilles, ainsi que ceux de deux agents de sécurité, qui déplorent leurs conditions de travail, qualifiées de “lamentables”, ainsi qu’une formation insuffisante du personnel de sécurité. Les agressions dans le centre de Chevrilles ont également été dénoncées par Solidarité Tattes et Droit De Rester Fribourg dans la newsletter publiée le 18 juin 2020 et relayée sur notre site. Ces trois plaintes surviennent en même temps que l’enquête de la WOZ et de la SRF sur les violences dans le centre fédéral d’asile de Bâle et dont nous nous faisions l’écho le 27 mai 2020.

      –-

      Trois plaintes pénales ont été déposées contre des agents de sécurité mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations à Chevrilles (FR). Des vigiles dénoncent une banalisation de la violence.

      Ils ont décidé de briser le silence assourdissant qui règne au lieu dit la Gouglera. Trois requérants d’asile ont porté plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) au Centre fédéral de Chevrilles (Giffers en allemand), situé en Haute-Singine (FR). Les trois hommes confient avoir été victimes de violences physiques de la part d’agents de sécurité. Blessés, ils ont été pris en charge par les urgences de l’hôpital de Fribourg, photos et constats médicaux à l’appui. Des employés de la sécurité font état d’une banalisation de la violence dans le centre.

      Le 4 mai, vers 17 h 15, Ali rentre à la Gouglera après s’être rendu à Fribourg. Lui qui a été atteint du Covid souffre encore de vertiges et souhaite se coucher. Il attend que le service de sécurité le fouille et effectue le protocole d’entrée dans le centre. D’après ses propos, les agents l’ignorent et le font attendre trente longues minutes. Malade, il s’impatiente, cogne contre la vitre et demande aux vigiles de faire leur travail. Vexés par cette interpellation, deux agents l’auraient poussé au sol et roué de coups.

      En sang devant le centre

      « Lorsque j’ai dit au personnel de sécurité de faire leur travail, ils ont réagi comme si je les avais insultés, raconte Ali. Je leur ai dit d’arrêter, que j’avais du mal à respirer. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient rien à faire. » L’homme raconte avoir erré la tête en sang devant le bâtiment, Il aurait appelé la police qui lui aurait répondu qu’il devait négocier lui-même avec les vigiles son retour dans le centre.

      Grâce à l’aide d’un autre requérant, il parvient à prendre le bus pour Fribourg, mais perd connaissance avant d’arriver aux urgences. Des militaires l’escortent jusqu’à l’hôpital. Après quelques heures en observation, l’hôpital paie un taxi pour le ramener à la Gouglera. Aux portes du centre, il se serait vu refuser l’entrée et aurait passé la nuit sur un banc. « Pourquoi les autorités nous traitent-elles ainsi ? » s’interroge-t-il.

      Cette même journée du 4 mai, Mohamed affirme avoir aussi subi l’ire de vigiles. Il fait la sieste dans sa chambre lorsque deux agents lui demandent d’évacuer les lieux. L’un d’eux lui fait remarquer que sa chambre est sale, Mohamed décrit un ton agressif et injurieux. Il s’en plaint auprès du directeur du centre. Lorsqu’il sort de l’entretien, deux agents le prennent à part. L’un l’aurait attrapé à la gorge, tandis que l’autre lui aurait pris les pieds pour le sortir du bâtiment. Il est soudain pris d’une crise d’épilepsie.

      « Au lieu de me venir en aide, les agents ont ri. J’ai marché jusqu’à la route, mais j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé à l’hôpital. » Le constat médical mentionne une marque d’étranglement au niveau du cou. Selon la version des agents, Mohammed aurait été « agressé par un ami ». Celui-ci affirme pourtant que des témoins étaient présents. « Les agressions sont très fréquentes, personne n’ose rien dire. D’autres gens viendront après nous, je porte plainte pour que cela ne se reproduise plus. »

      Hospitalisé

      Abdalim marche difficilement avec des béquilles depuis sa sortie de l’hôpital le 7 mai. Il considère que des vigiles de Chevrilles ont « bousillé sa vie ». « Une bagarre a éclaté, moi je discutais tranquillement avec d’autres et on m’a demandé de rentrer dans ma chambre. » Abdalim ne s’est peut-être pas exécuté aussi rapidement que le souhaitait le personnel de sécurité. Il affirme avoir été violemment poussé contre une vitre, qui s’est brisée sous le choc et l’a grièvement blessé à la jambe.

      Le verre a sectionné plusieurs tendons, ce qui a nécessité une opération et une hospitalisation de cinq jours. « J’ai traversé 23 pays, tout ça pour perdre l’usage de ma jambe en Suisse », lance l’homme en colère. D’après les agents, il aurait perdu l’équilibre et serait tombé de lui-même sur la vitre.

      La police fribourgeoise affirme être intervenue une trentaine de fois au centre fédéral de Chevrilles en 2020. Depuis janvier 2019, quatre plaintes pénales ont été déposées pour des lésions corporelles simples. Les enquêtes sont en cours. D’après nos informations, le personnel impliqué dans ces agressions serait toujours en poste à Chevrilles. Contacté, le SEM affirme prendre la situation très au sérieux mais n’est pas autorisé à commenter les affaires en cours.

      La Gouglera n’est pas le seul centre d’asile concerné par la violence. Mi-mai, l’émission alémanique Rundschau et la Wochenzeitung dénoncent une violence structurelle au sein du centre fédéral d’asile de Bâle. Viviane Luisier, de l’association Solidarité Tattes, considère ces agressions comme l’une des conséquences de la nouvelle procédure d’asile. Elle dénonce la concentration des requérants dans des centres fédéraux. « Les réfugiés sont soumis à un régime carcéral, loin des centres urbains. Je crains que ces centres deviennent des zones de non-droit. »
      « Tolérance zéro »

      Les requérants d’asile ne sont pas seuls à juger la situation intolérable. Des employés des entreprises de sécurité mandatées par la Confédération, Securitas et Protectas, jugent également certains comportements inacceptables. Révoltés par l’attitude de certains de leurs collègues, deux ont décidé de témoigner anonymement.

      « Ce printemps, la situation est devenue très tendue. Certains agents sont allés trop loin », confie Julien*. « Le personnel de sécurité est très peu formé. Il faut de l’expérience pour immobiliser un individu. Les interventions dont je suis témoins sont très ‘sales’, elles peuvent souvent blesser les personnes que l’on cherche à immobiliser », relate Paul*. Il déplore aussi une attitude répressive. « Dans les scénarios d’exercice, les requérants d’asile sont présentés comme des gens violents en qui nous ne pouvons pas avoir confiance. »

      D’après les deux agents, le recours à la violence serait régulièrement valorisé au détriment du dialogue. « On nous demande d’appliquer la tolérance zéro, sans nous expliquer ce que cela signifie. Lorsque quelque chose ne va pas, on ne cherche pas à réfléchir, on tape dedans », constate Paul. Le SEM explique que le personnel a pour instruction de désamorcer verbalement les différends chaque fois que cela est possible. La contrainte est sensée n’être utilisé qu’en dernier recours. Pour Paul, cette théorie est peu mise en pratique. « Lors de notre formation, on nous a dit qu’il fallait recourir dans un premier temps à la stratégie de désescalade, mais il n’y a aucun protocole. »

      Le SEM affirme que le recours à des mesures coercitives non proportionnées n’est pas toléré et sanctionnée. Les vigiles peuvent se voir interdire de fournir des services au nom du SEM si des comportements illégaux ou intolérables sont identifiés. La responsabilité d’éventuelles autres sanctions revient aux entreprises de sécurité. « Lorsque les événements dérapent, les rapports sont rédigés par les agents eux-mêmes. Ils y mettent ce qu’ils veulent et sont couverts par la hiérarchie », commente Paul. Les deux vigiles affirment avoir été témoins de scènes lors desquelles certains de leurs collègues ont envenimé la situation, en provoquant les requérants d’asile. « On place des humains sous la surveillance d’enfants, c’est déplorable. » JJT

      Prénom fictif.
      « Nos conditions de travail sont lamentables »

      Maigre salaire, contrats à durée déterminée, horaires éreintants, planification tardive, le tableau que décrivent les agents de sécurité est peu reluisant. « Les journées de treize heures, les horaires qui fluctuent, les services de nuit qui s’enchaînent, ça fatigue et ça rend agressif, témoigne Julien. Depuis que je travaille dans le centre d’asile de Chevrilles, j’ai vu beaucoup de casse : des burn-out, des accidents, du harcèlement. La gestion du personnel est catastrophique. »

      Il affirme ne pas être serein, en raison du manque de matériel. « J’ai un collègue de 20 ans qui a travaillé sans gilet de protection. A plusieurs reprises, je n’ai pas eu de spray au poivre durant mes services et je n’avais pas de radio portative. » S’il n’excuse pas la violence, Julien pointe du doigt les entreprises de sécurité mandatées par la Confédération qui visent à maximiser les profits. « Nous ne sommes pas suffisamment formés pour gérer une telle pression. Il ne faut pas la même formation pour surveiller un parking que pour encadrer une population qui va du nourrisson à la grand-mère. », regrette-t-il.

      Une nouvelle convention de travail dans le domaine de la sécurité est entrée en vigueur le 1er juin. Si les salaires d’entrée ont été augmentés de 0,5 à 1% et le travail limité à deux cent dix heures par mois, ces améliorations restent très insuffisantes pour le syndicat Unia. « Les conditions de travail offertes par le SEM et le manque de formation sont extrêmement problématiques. Les adjudications des mandats de sécurité reposent essentiellement sur le prix, non sur la compétence et la formation des agents », regrette Arnaud Bouverat, secrétaire syndical.

      « Une formation solide constitue le seul rempart contre les violences. Economiser dans ce domaine n’est pas anodin : cela entraîne un danger pour la sécurité des habitants des centres et celle du personnel de sécurité » dénonce-t-il. JJT

      *Prénom fictif.

      https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles

    • Violences à #Chevrilles

      Trois #plaintes_pénales ont été déposées contre des agents de sécurité mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations à Chevrilles (FR). Des vigiles dénoncent une banalisation de la violence.

      Ils ont décidé de briser le silence assourdissant qui règne au lieu dit la Gouglera. Trois requérants d’asile ont porté plainte contre les entreprises de sécurité mandatées par le #Secrétariat_d’Etat_aux_migrations (#SEM) au Centre fédéral de Chevrilles (Giffers en allemand), situé en #Haute-Singine (FR). Les trois hommes confient avoir été victimes de #violences_physiques de la part d’agents de sécurité. Blessés, ils ont été pris en charge par les urgences de l’hôpital de #Fribourg, photos et constats médicaux à l’appui. Des employés de la sécurité font état d’une banalisation de la #violence dans le centre.

      Le 4 mai, vers 17 h 15, Ali rentre à la Gouglera après s’être rendu à Fribourg. Lui qui a été atteint du #Covid-19 souffre encore de vertiges et souhaite se coucher. Il attend que le #service_de_sécurité le fouille et effectue le #protocole_d’entrée dans le centre. D’après ses propos, les agents l’ignorent et le font attendre trente longues minutes. Malade, il s’impatiente, cogne contre la vitre et demande aux vigiles de faire leur travail. Vexés par cette interpellation, deux agents l’auraient poussé au sol et roué de coups.

      En sang devant le centre

      « Lorsque j’ai dit au personnel de sécurité de faire leur travail, ils ont réagi comme si je les avais insultés, raconte Ali. Je leur ai dit d’arrêter, que j’avais du mal à respirer. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient rien à faire. » L’homme raconte avoir erré la tête en sang devant le bâtiment, Il aurait appelé la #police qui lui aurait répondu qu’il devait négocier lui-même avec les #vigiles son retour dans le centre.

      Grâce à l’aide d’un autre requérant, il parvient à prendre le bus pour Fribourg, mais perd connaissance avant d’arriver aux urgences. Des militaires l’escortent jusqu’à l’#hôpital. Après quelques heures en observation, l’hôpital paie un taxi pour le ramener à la Gouglera. Aux portes du centre, il se serait vu refuser l’entrée et aurait passé la nuit sur un banc. « Pourquoi les autorités nous traitent-elles ainsi ? » s’interroge-t-il.

      Cette même journée du 4 mai, Mohamed affirme avoir aussi subi l’ire de vigiles. Il fait la sieste dans sa chambre lorsque deux agents lui demandent d’évacuer les lieux. L’un d’eux lui fait remarquer que sa chambre est sale, Mohamed décrit un ton agressif et injurieux. Il s’en plaint auprès du directeur du centre. Lorsqu’il sort de l’entretien, deux agents le prennent à part. L’un l’aurait attrapé à la gorge, tandis que l’autre lui aurait pris les pieds pour le sortir du bâtiment. Il est soudain pris d’une crise d’épilepsie.

      « Au lieu de me venir en aide, les agents ont ri. J’ai marché jusqu’à la route, mais j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé à l’hôpital. » Le constat médical mentionne une marque d’#étranglement au niveau du cou. Selon la version des agents, Mohammed aurait été « agressé par un ami ». Celui-ci affirme pourtant que des témoins étaient présents. « Les #agressions sont très fréquentes, personne n’ose rien dire. D’autres gens viendront après nous, je porte plainte pour que cela ne se reproduise plus. »

      Hospitalisé

      Abdalim marche difficilement avec des béquilles depuis sa sortie de l’hôpital le 7 mai. Il considère que des vigiles de Chevrilles ont « bousillé sa vie ». « Une bagarre a éclaté, moi je discutais tranquillement avec d’autres et on m’a demandé de rentrer dans ma chambre. » Abdalim ne s’est peut-être pas exécuté aussi rapidement que le souhaitait le personnel de sécurité. Il affirme avoir été violemment poussé contre une vitre, qui s’est brisée sous le choc et l’a grièvement blessé à la jambe.

      Le verre a sectionné plusieurs tendons, ce qui a nécessité une opération et une #hospitalisation de cinq jours. « J’ai traversé 23 pays, tout ça pour perdre l’usage de ma jambe en Suisse », lance l’homme en colère. D’après les agents, il aurait perdu l’équilibre et serait tombé de lui-même sur la vitre.

      La police fribourgeoise affirme être intervenue une trentaine de fois au centre fédéral de Chevrilles en 2020. Depuis janvier 2019, quatre plaintes pénales ont été déposées pour des #lésions_corporelles simples. Les enquêtes sont en cours. D’après nos informations, le personnel impliqué dans ces agressions serait toujours en poste à Chevrilles. Contacté, le SEM affirme prendre la situation très au sérieux mais n’est pas autorisé à commenter les affaires en cours.

      La Gouglera n’est pas le seul centre d’asile concerné par la violence. Mi-mai, l’émission alémanique Rundschau et la Wochenzeitung dénoncent une violence structurelle au sein du centre fédéral d’asile de Bâle. Viviane Luisier, de l’association Solidarité Tattes, considère ces agressions comme l’une des conséquences de la nouvelle procédure d’asile. Elle dénonce la concentration des requérants dans des centres fédéraux. « Les réfugiés sont soumis à un #régime_carcéral, loin des centres urbains. Je crains que ces centres deviennent des #zones_de_non-droit. »

      –-

      « #Tolérance_zéro »

      Les requérants d’asile ne sont pas seuls à juger la situation intolérable. Des employés des entreprises de sécurité mandatées par la Confédération, #Securitas et #Protectas, jugent également certains comportements inacceptables. Révoltés par l’attitude de certains de leurs collègues, deux ont décidé de témoigner anonymement.

      « Ce printemps, la situation est devenue très tendue. Certains agents sont allés trop loin », confie Julien*. « Le personnel de sécurité est très peu formé. Il faut de l’expérience pour immobiliser un individu. Les interventions dont je suis témoins sont très ‘sales’, elles peuvent souvent blesser les personnes que l’on cherche à immobiliser », relate Paul*. Il déplore aussi une attitude répressive. « Dans les scénarios d’exercice, les requérants d’asile sont présentés comme des gens violents en qui nous ne pouvons pas avoir confiance. »

      D’après les deux agents, le recours à la violence serait régulièrement valorisé au détriment du dialogue. « On nous demande d’appliquer la tolérance zéro, sans nous expliquer ce que cela signifie. Lorsque quelque chose ne va pas, on ne cherche pas à réfléchir, on tape dedans », constate Paul. Le SEM explique que le personnel a pour instruction de désamorcer verbalement les différends chaque fois que cela est possible. La #contrainte est sensée n’être utilisé qu’en dernier recours. Pour Paul, cette théorie est peu mise en pratique. « Lors de notre formation, on nous a dit qu’il fallait recourir dans un premier temps à la stratégie de #désescalade, mais il n’y a aucun protocole. »

      Le SEM affirme que le recours à des #mesures_coercitives non proportionnées n’est pas toléré et sanctionnée. Les vigiles peuvent se voir interdire de fournir des services au nom du SEM si des comportements illégaux ou intolérables sont identifiés. La #responsabilité d’éventuelles autres sanctions revient aux entreprises de sécurité. « Lorsque les événements dérapent, les rapports sont rédigés par les agents eux-mêmes. Ils y mettent ce qu’ils veulent et sont couverts par la hiérarchie », commente Paul. Les deux vigiles affirment avoir été témoins de scènes lors desquelles certains de leurs collègues ont envenimé la situation, en provoquant les requérants d’asile. « On place des humains sous la surveillance d’enfants, c’est déplorable. » JJT

      Prénoms fictif.

      –—

      « Nos #conditions_de_travail sont lamentables »

      Maigre salaire, contrats à durée déterminée, horaires éreintants, planification tardive, le tableau que décrivent les agents de sécurité est peu reluisant. « Les journées de treize heures, les horaires qui fluctuent, les services de nuit qui s’enchaînent, ça fatigue et ça rend agressif, témoigne Julien. Depuis que je travaille dans le centre d’asile de Chevrilles, j’ai vu beaucoup de casse : des burn-out, des accidents, du harcèlement. La #gestion_du_personnel est catastrophique. »

      Il affirme ne pas être serein, en raison du manque de matériel. « J’ai un collègue de 20 ans qui a travaillé sans gilet de protection. A plusieurs reprises, je n’ai pas eu de spray au poivre durant mes services et je n’avais pas de radio portative. » S’il n’excuse pas la violence, Julien pointe du doigt les entreprises de sécurité mandatées par la Confédération qui visent à maximiser les profits. « Nous ne sommes pas suffisamment formés pour gérer une telle pression. Il ne faut pas la même formation pour surveiller un parking que pour encadrer une population qui va du nourrisson à la grand-mère. », regrette-t-il.

      Une nouvelle #convention_de_travail dans le domaine de la sécurité est entrée en vigueur le 1er juin. Si les #salaires d’entrée ont été augmentés de 0,5 à 1% et le travail limité à deux cent dix heures par mois, ces améliorations restent très insuffisantes pour le syndicat Unia. « Les conditions de travail offertes par le SEM et le manque de #formation sont extrêmement problématiques. Les adjudications des mandats de sécurité reposent essentiellement sur le prix, non sur la compétence et la formation des agents », regrette Arnaud Bouverat, secrétaire syndical.

      « Une formation solide constitue le seul rempart contre les violences. Economiser dans ce domaine n’est pas anodin : cela entraîne un danger pour la sécurité des habitants des centres et celle du personnel de sécurité » dénonce-t-il. JJT

      *Prénom fictif.

      https://lecourrier.ch/2020/06/18/malaise-a-chevrilles

    • Violence des protectas au Centre Fédéral de Chevrilles/Giffers : STOP au renvoi des victimes ! Non au déni de justice !

      Après les violences contre Ali, Abdalim et Mohamed, une nouvelle plainte pénale contre certains agents de sécurité du Centre Fédéral d’Asile de Giffers (Chevrilles) a été déposée par Bodo, également victime de violences physiques.

      À partir d’aujourd’hui, Ali, Abdalim, Mohamed et Bodo risquent d’être renvoyés de Suisse à tout moment, alors même que leurs plaintes pénales contre ces violences sont en cours !

      L’avocate des plaignants a pourtant demandé la suspension des renvois pendant la procédure pénale mais le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a refusé cette demande. Selon le SEM, les plaignants pourront bénéficier d’une brève autorisation de séjour pour revenir en Suisse si cela est nécessaire dans le cadre de la procédure pénale.

      Ceci porte un nom : c’est un #déni_de_justice ! Les autorités ne peuvent garantir que les quatre hommes pourront revenir en Suisse pour participer en tant que plaignants à la procédure en cours. Le cours de la justice est donc entravé et ne peut se dérouler dans des conditions correctes.

      Ce déni de justice envers les requérants d’asile n’est pas nouveau : on le retrouve dans le cas des victimes de l’incendie du Foyer des Tattes, qui a eu lieu à Genève en 2014. Cing ans après les faits, la procédure n’est toujours pas terminée et les victimes, renvoyées pour la plupart aux quatre coins du globe, sont totalement hors de portée des autorités.

      Pour que la justice puisse suivre son cours, pour que les responsabilités puissent être établies, pour que la lumière soit faite sur les violences au CFA de Giffers (Chevrilles) :

      nous demandons aux autorités fédérales de suspendre immédiatement les renvois d’Ali, Abdalim, Mohamed et Bodo !

      Avant que d’autres violences ne se produisent, nous demandons également au Secrétariat d’État aux Migrations (SEM) :

      d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile afin de rompre l’isolement et de mettre fin à ces zones de non-droit ;
      d’engager des travailleurs sociaux et soignants en nombre suffisant et ayant pour mission de SOUTENIR et de répondre aux besoins des requérant-e-s d’asile ;
      d’arrêter toute collaboration avec des entreprises de sécurité privées, (telles que Protectas, Securitas ou autre), dans le cadre des CFA et autres foyers de requérants, tant que les mandats d’engagement de ces entreprises ne sont pas sérieusement révisés, garantissant la sécurité des requérants.
      de mettre en place des formations complètes et obligatoires pour tout le personnel engagé, mettant l’accent sur l’encadrement social, l’intégration et le vivre-ensemble, et non sur la répression et l’isolement des requérants d’asile.

      Solidarité Tattes, Droit de rester Fribourg, ACAT-Suisse

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 30.07.2020

    • Mesures de rétorsions, clinique psychiatrique et renvoi ! Visite aux requérants qui ont dénoncé les violences dans le Centre Fédéral d’Asile de Giffers

      Mercredi 16 septembre, 3 membres du comité de Solidarité Tattes sont allé-e-s à Fribourg pour faire suite aux échanges avec les 4 requérants d’asile hébergés au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Giffers, à Fribourg. Requérants qui ont été assez courageux pour porter plainte contre les agents de sécurité de ce centre qui les ont violentés à divers moments et à divers degrés, suffisamment pour les envoyer à l’hôpital. Bref : ce sont ces 4 requérants qui ont levé le voile sur ce qui peut se passer dans ce CFA, à l’insu des citoyen-enne-s suisses dont certain-e-s pensent que cette nouveauté (la création des CFA) allait simplifier les démarches pour les requérant-e-s et pour les autorités.

      Suite à la plainte déposée face à la justice par 4 requérants victimes d’agressions de la part des agents de sécurité, la vie dans le CFA ne s’est pas améliorée pour eux : les agents agresseurs sont restés en place encore plusieurs jours et semaines. Pour les 4 requérants, cela a signifié angoisse, stress, cauchemars et aussi humiliation. Deux d’entre eux ont été hospitalisés en clinique psychiatrique. De ces deux, l’un est sorti de la clinique et du CFA pour entrer en procédure nationale, enfin. C’est la seule bonne nouvelle que nous avons des 4 plaignants. Notre visite à Fribourg devait donc consister à voir les 3 requérants qui se trouvent encore dans le canton : l’un toujours en clinique psychiatrique, à qui nous avons rendu une visite de soutien, lui qui pense au suicide dès que le médecin lui parle de retourner au CFA ; et 2 autres, toujours hébergés au #CFA.

      De ces deux derniers, seul l’un d’eux est venu nous retrouver au buffet de la gare de Fribourg. Il nous a dit que les 2 agents agresseurs n’étaient plus au CFA de Giffers et que cela rendait la vie moins difficile. Mais aussi, il nous a donné un nombre d’exemples stupéfiant des règles à respecter dans ce centre et dont le but ne peut être que celui de tenir les requérant-e-s en respect, de leur rappeler qu’ils-elles n’ont aucun droit et qu’ils-elles doivent se taire, se faire oublier, disparaître. Par exemple :

      - Interdiction d’amener de la nourriture à l’intérieur du centre, ce qui pousse les requérants qui arrivent à s’acheter une friandise à la cacher dans les prés (!) et à la manger quand ils sont hors du centre !
      - Punition dès qu’on arrive 5 minutes en retard au repas ou à l’entrée du centre après une sortie dans les environs.
      - Fouilles corporelles à l’entrée et à la sortie du centre et fouilles fréquentes dans les chambres.
      – Pénalités infligées mais jamais notifiées par écrit. A la question : « Pourquoi avez-vous été puni dernièrement ? Pourquoi vous prélève-t-on fréquemment de l’argent sur les 21 fr par semaine auxquels vous avez droit, au point qu’il ne vous reste jamais rien ? », la réponse est : « Je ne sais pas ! ».

      Car les « pénalités » ne sont jamais assorties d’un papier qui dise la raison de la punition, la date où elle a lieu et qui l’inflige. Centre Fédéral d’Asile ? On nous parle d’un lieu fermé où règne l’arbitraire.

      Quant au second requérant plaignant toujours hébergé à au CFA de Giffers, il ne viendra pas à notre rencontre. Il n’a pas le droit de sortir du centre car il a ce jour-là un rendez-vous médical, puis il devra aller au SPOMI (l’office de la population fribourgeois). A notre retour à Genève, nous apprenons… qu’il a été arrêté et emmené à l’aéroport de Genève pour son renvoi en Allemagne ! Cette personne était NEM-Dublin-Allemagne et son délai se situait à la fin de l’année. Mais il a été renvoyé maintenant, alors que la procédure de sa plainte pénale est encore en cours. Nos démarches juridiques et politiques pour demander à M. Gattiker, directeur du SEM, de ne pas renvoyer cette personne alors que la procédure pénale n’est pas close, ont été totalement inutiles. Gattiker a été inflexible.

      De notre côté, nous sommes bien décidé-e-s à ne pas lâcher les 4 plaignants qui ont eu le courage de dénoncer les violences dans le CFA de Giffers et à ne pas lâcher non plus la mise au grand jour du fonctionnement inacceptable de ces zones de non-droit.

      Alors c’est simple et logique : si les CFA sont déjà pareillement iniques, le Centre de renvoi prévu pour Genève en bord de piste d’atterrissage pour rendre fous adultes, adolescents et enfants ne doit jamais voir le jour.

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 22.09.2020

    • Le « #procès_de_Giffers », pour donner la parole à 4 requérants violentés

      Ce lundi 23 mai 2022 débute à Fribourg le « procès de Giffers ». En mai 2020, en plein premier confinement, 4 requérants d’asile hébergés au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Giffers portent plainte contre des violences subies à l’intérieur de ce centre.

      Rappel des faits

      Le 3 mai 2020, Ali, requérant camerounais, demande aux Protectas du CFA de Giffers, où il réside, de bien vouloir le laisser entrer rapidement (fouille obligatoire à l’entrée du CFA). Etant convalescent (COVID-19), il se sent faible et n’arrive plus à attendre que les Protectas aient terminé de discuter entre eux. Le ton s’enflamme immédiatement : deux Protectas le poussent violemment et le frappent. Ali se rend à l’hôpital : le constat fait état de multiples contusions. A son retour au centre vers 22h, les Protectas lui interdisent l’entrée : il doit dormir sur un banc à l’entrée.

      Ce même 3 mai 2020, Abdalim, requérant marocain, se voit intimer l’ordre de regagner sa chambre. N’ayant pas obtempéré suffisamment rapidement aux yeux du Protectas, celui-ci le pousse violemment contre une vitre, ce qui lui sectionne les tendons de la jambe. Il est hospitalisé puis opéré. Il doit ensuite marcher avec des béquilles pendant de long moins et souffre encore aujourd’hui de douleurs à la jambe.

      Le 4 mai 2020, Mohamed, requérant algérien qui souffre d’épilepsie, subit lui aussi une agression de la part des Protectas. Ceux-ci veulent fouiller sa chambre et ils lui disent qu’elle est sale. Mohamed refuse. Deux Protectas l’agressent en l’empêchant de respirer. La situation provoque chez Mohamed une crise d’épilepsie et il est emmené à l’hôpital : le constat médical fait état d’une agression par étranglement avec une marque antérieure au niveau du cou.

      Le dernier plaignant, Bodo, est un requérant ivoirien. Il s’est quant à lui fait violenter alors que les agents cherchaient à l’emmener de force à l’isolement. Son seul tort était de se soucier d’un rendez-vous médical qu’il ne voulait pas manquer, au risque de voir ce rendez-vous reporté plusieurs semaines après.

      Giffers, un cas isolé ?

      Mais Giffers n’est pas le seul CFA concerné. Les CFA de Bâle, Boudry, Altstätten et Vallorbe sont touchés par des faits similaires. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’asile et l’ouverture des CFA en 2019, de nombreux cas de violences ont été dénoncés et documentés par diverses associations. Certaines de ces violences ont largement été relayées par les médias.

      Courant 2021, Amnesty International a publié un rapport dénonçant les violations des droits humains ayant lieu dans les CFA. Émission phare de la RTS, Temps Présent a diffusé en février dernier une enquête faisant état de dysfonctionnements systémiques dans la gestion des CFA et de dérapages répétés de la sécurité. Les petites associations de défense des droits des personnes migrantes ont de leur côté joué un rôle déterminant, de par leur travail et connaissance du terrain, dans l’éclatement au grand jour de la triste réalité des CFA.

      Les CFA, un système diysfonctionnel

      En ce qui concerne le « procès de Giffers », les violences dénoncées illustrent tristement les conditions d’accueil dans les CFA. Et ces violences ne sont pas des actes isolés, puisque le système des CFA est fondé sur la répression et l’isolement.

      En effet, les sommes allouées par la Confédération à la « sécurité » dans les CFA sont supérieures aux montants dédiés à l’encadrement social et sanitaire. Ce ne sont pas quelques heures de formation sur la thématique de l’asile qui vont transformer un agent de sécurité en travailleur social. Les requérant-es d’asile ne sont pas libres de sortir et de rentrer au centre en dehors de certains horaires, ils sont soumis à des fouilles à leur retour au centre, ils n’ont pas le droit d’amener leur propre nourriture à l’intérieur du centre, etc. La gestion des CFA se fait dans un contexte de suspicion généralisée à l’égard des requérant-es. C’est par exemple au moment de se faire fouiller à son retour au centre qu’un des quatre plaignants qui passe en jugement dès aujourd’hui déclare s’être fait frapper.

      À relever : les faits qui seront jugés datent d’il y a deux ans. Depuis lors, 3 des 4 requérants ayant déposé plainte ont quitté la Suisse, car ils avaient reçu des décisions négatives concernant leur procédure d’asile. À l’évidence, l’accès à la justice est beaucoup plus limité pour des personnes requérantes que pour des personnes disposant d’un droit de séjour en Suisse. En l’absence de preuves (le SAS d’entrée du centre où ont eu lieu certains des faits qui seront jugés est pourtant équipé d’une caméra de surveillance), les requérants ayant eu le courage de porter plainte n’ont que peu de chances d’obtenir gain de cause dans leur cas précis.

      Alors un procès… pourquoi ? Ces 4 plaignants requérants et déboutés ont contribué à dévoiler au grand jour la réalité du système des CFA et des violences qui s’y déroulent habituellement dans le silence. C’est entre autre grâce à leur détermination que la société civile suisse a été mise au courant des traitements inhumains qui se déroulent dans notre pays. Même si les 4 plaignants, qui ne pourront pas tous être présents lors du procès, ne gagneront probablement rien à son issue, le « procès de Giffers » forcera l’attention publique à se tourner encore du côté des CFA.

      La Suisse accueille par milliers et dans la dignité les personnes fuyant le conflit russo-ukrainien. Un accueil humain est donc possible ! Espérons que ce procès servira à démontrer que les CFA induisent forcément des violences et qu’un accueil digne passe par la fermeture des centres fédéraux d’asile !

      Droit de Rester Fribourg & Solidarité Tattes

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 17.05.2022

    • LE « PROCES DE GIFFERS » : RENVOYÉ !

      Il y a quelques jours, on vous annonçait l’ouverture du "procès de Giffers" agendé le lundi 23 mai à Fribourg. Ce procès devait donner la parole à Ali, Arkab, Mohammed et Bodo, les quatre personnes violentées par des agents de sécurité du Centre fédéral d’asile du même nom, en 2020. Ces quatre personnes requérantes d’asile avaient eu le courage de porter plainte pour les mauvais traitements qui leur avaient été infligés par les agents de sécurité, ce qui avait contribué à dévoiler les graves exactions commises dans les CFA partout en Suisse.

      Pourtant, le procès n’a pas pu avoir lieu, notamment parce que ni Ali ni Arkab ni Mohammed n’étaient présents. Pas étonnant : trois de ces personnes ont dû fuir les autorités suisses peu après le dépôt de leur plainte afin d’éviter un renvoi musclé ! Ils se sont donc retrouvés à la rue, dispersés dans différents pays d’Europe. Nous avions pourtant alerté le SEM en 2020 : il semblait évident que la menace de renvoi était une entrave à la justice. Mais le SEM nous avait répondu, à nous mais également aux conseillers nationaux les ayant alertés, que non, que ce n’était pas un problème, qu’un renvoi n’entravait en rien la justice et que le jour du procès ces personnes pourraient alors revenir en Suisse. L’avocate aussi avait demandé au SEM de suspendre les expulsions des requérants concernés, le temps de la procédure, mais en vain.

      Alors nous pouvons redire aujourd’hui que, oui, l’intimidation et le renvoi de 3 des requérants-victimes- plaignants vivant hors de Suisse est un obstacle à la justice. Tout d’abord parce que ces personnes vivent dans la rue et ne sont pas facilement atteignables, parce qu’elles n’ont pas toujours l’argent pour manger et à plus forte raison pour recharger leur téléphone, parce qu’elles préfèrent disparaître à tout jamais pour ne plus avoir à faire avec les autorités suisses.

      Pour les 2 hommes hors de Suisse encore en contact avec l’avocate (le 3ème ne répond plus), un sauf-conduit a été émis. Mais rien n’a été pris en charge en termes de frais de voyage et d’hébergement à Fribourg. Il s’agit pourtant de personnes indigentes et allophones, qui de toute manière n’auraient eu aucun espace ni moment pour préparer le procès avec leur avocate.

      Le 23 mai, l’avocate a eu toutefois la possibilité de dire que ses mandants n’avaient pas eu droit à un procès équitable, ni droit à une enquête sur les violations des droits humains qu’ils dénoncent. Ils n’ont pas été protégés par le SEM qui les a fait taire en les intimidant et les expulsant, avant même que l’autorité pénale ne les entende. Toute l’instruction s’est faite dans leur dos, sans qu’ils puissent assister ni aux auditions des témoins ni à celles de leurs accusateurs. En bref, l’autorité pénale a créé toutes les conditions pour faire voir dans cette procédure une affaire de droit commun, alors qu’on était confronté à la violence d’état.

      Le procès a donc été ajourné, il aura lieu en septembre ! On vous tiendra au courant de la suite.

      « Je ne savais pas que les humains pouvaient nous faire ça ».

      Citation d’un des 4 requérants plaignants ayant subi des violences par les Protectas de Giffers

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 30.05.2022

    • Renvoi du « #procès de Giffers » : l’injustice suit son cours

      Les humiliations, les coups : de quoi déposer plainte. Les 4 requérants d’asile insultés et agressés par des agents de sécurité au centre fédéral d’asile de Giffers ont osé faire usage de leur droit en mai 2020. Un premier procès devait débuter le 23 mai 2022, mais il n’a pas eu lieu parce que… le procureur ne s’est pas présenté ! A relever que 3 des 4 plaignants non plus n’étaient pas là : expulsés ou disparus, avalés par le système d’asile. Le procès a alors été agendé pour septembre 2022, mais il n’aura finalement pas lieu parce que le tribunal vient de se rendre compte que l’instruction n’a pas été menée comme il se doit : les prévenus n’ont pas été entendus… Bref : le système judiciaire suisse n’a visiblement pas réussi à réaliser le B.A. BA de la procédure !

      En 2020, suite au dépôt de leur plainte, les 4 requérants d’asile étaient sûrs que justice leur serait rendue. Ils étaient sûrs que les violences qu’ils venaient de subir, ici en Suisse, étaient des faits exceptionnels que leur pays d’accueil n’allait pas excuser sans autres : les agents de sécurité incriminés allaient être jugés, punis, licenciés de leur travail. Le fait d’obtenir un dédommagement financier n’était pas dans leurs préoccupations ni dans leurs discussions, ils ne voulaient pas d’argent, ils voulaient la justice et ils étaient sûr de l’obtenir.

      Entre mai 2020 et septembre 2022, un des requérants a été expulsé, un autre n’a pas attendu d’être chassé manu militari pour partir. Un troisième, ayant compris au cours d’une discussion que la justice ne se prononcerait pas facilement en faveur des plaignants, a « disparu » également. Seul un des plaignants est encore atteignable à ce jour.

      Par deux fois, le « procès de Giffers » s’est agendé mais n’a pas eu lieu. Pendant ce temps, les plaignants vivent dans la rue hors de Suisse (« disparaître » signifie bien cela : sortir des radars de l’asile et dormir dans la rue, quelque part dans une ville européenne), leur droit fondamental n’est pas respecté, les violences exercées à leur encontre se perdent dans les sables, et si ce procès devait avoir lieu un jour, ce serait une triste farce qui énoncerait des noms, des responsabilités, des peines, des dédommagements pour des personnes qui sont inatteignables et ne le sauraient même pas. Sans parler du fait que les véritables coupables ne sont jamais pointés du doigt ! La violence inhérente au système d’asile, ce système orchestré par le SEM et les autorités suisse, mis en œuvre par l’Hospice général à Genève ou des sociétés privées dans les CFA, sortent de là sans une égratignure.

      Difficile de ne pas faire le rapprochement entre le « procès de Giffers » et le « procès des Tattes » à Genève : même lenteur pour organiser les audiences (il y a 8 ans que la catastrophe a eu lieu), même irrespect du droit des sinistrés (sur les 40 défenestrés, la plupart sont partis apeurés ou ont été expulsés). Un jugement a été rendu en 2021, il est remis en question par l’avocate chargée de l’affaire. Mais on peut relever déjà que ce premier jugement met la faute sur… l’homme décédé dans le feu, les irresponsables qui ne respectent pas les précautions anti-incendie, les indisciplinés qui ont sauté par la fenêtre !

      Des procédures qui traînent, des procès qui ne peuvent même pas avoir lieu et, surtout, les véritables coupables (ceux qui tirent les ficelles de ce système d’asile) jamais incriminés…
      Que ce soit cette année ou dans 10 ans, ce procès n’amènera qu’une seule preuve irréfutable : un-e requérant-e d’asile n’a aucun droit en Suisse, il ne peut pas se défendre et n’importe qui peut impunément l’insulter, le tabasser, le violenter.

      Reçu via la mailing-list de Solidarité Tattes, le 21 septembre 2022

  • Cette pandémie nous offre un miroir grossissant de nos inégalités. On investit l’argent, l’énergie, le personnel dans les soins aigus, pas dans la santé publique . Françoise Baylis : « La pandémie de Covid-19 nous offre un miroir grossissant de nos inégalités » , propos recueillis par Nathaniel Herzberg
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/06/02/francoise-baylis-la-pandemie-de-covid-19-nous-offre-un-miroir-grossissant-de

    L’éthicienne et philosophe s’inquiète de l’impact sur notre vie privée de l’instauration d’un passeport immunitaire, alors que personne ne sait comment fonctionne l’immunité face au virus.

    Françoise Baylis est professeure de philosophie à l’université Dalhousie, à Halifax (Canada), et spécialiste d’éthique scientifique et médicale. Elle conseille notamment l’OMS sur les politiques d’édition du génome.

    Vous venez de publier un article virulent dans la revue « Nature », dans lequel vous dénoncez les projets de passeport immunitaire, censés permettre aux personnes protégées de se déplacer et de travailler librement. En quoi de tels dispositifs choquent-ils l’éthicienne que vous êtes ?

    Personne ne sait précisément comment fonctionne l’immunité face au Covid-19. Est-on sûr qu’une exposition passée va nous protéger d’une infection future ? Pour le moment, non. Une telle protection durerait-elle six mois, un an, deux ans ? On n’en sait rien non plus. Certains scientifiques se demandent même si une réinfection ne pourrait pas être pire que la première infection.

    Par ailleurs, les tests sérologiques actuels ne sont pas fiables, et le risque de faux positifs ou de faux négatifs peuvent créer une confusion immense, puisqu’ils n’apporteront pas la garantie de pouvoir aller travailler sans se contaminer ou contaminer les autres. S’y ajoute un manque cruel de tests. Nous sommes 38 millions au Canada. Il faut prévoir au moins deux tests par personne pour démarrer un programme et offrir ne serait-ce qu’une seconde chance à celui que l’on diagnostiquera négatif, donc non protégé, et qui verra ses mouvements limités. Ça fait 76 millions. Et notre gouvernement vient de dire qu’il espère réaliser un million de tests dans les deux ans à venir. En France, vous êtes 67 millions.

    En combien de temps pourriez-vous réaliser 134 millions de tests ?

    Dans une simple perspective scientifique et technique, de tels dispositifs ne permettent nullement d’atteindre les objectifs annoncés, à savoir rouvrir l’économie.

    Si ces obstacles techniques devaient être surmontés, quels problèmes éthiques se présenteraient à nous ?

    Je m’inquiète d’abord d’une surveillance accrue de la vie quotidienne et d’une atteinte à la vie privée. Comment éviter que d’autres données de santé, qui peuvent peser sur le risque de Covid, ne soient incluses – maladies chroniques, santé mentale, particularités génétiques – et que le passeport immunitaire ne devienne un passeport biologique ? Qui alors y aura accès : les employeurs, les assurances, la police ?
    Dans un contexte de crise, on risque d’échanger notre liberté de circulation, un principe essentiel, contre une prétendue sécurité sanitaire, sans voir que l’on ouvre la voie à des protocoles de suivi numérique. Et cela va d’abord pénaliser les communautés vulnérables.

    Lesquelles ?

    Le profilage racial cause un vrai souci chez nous. Les Noirs sont beaucoup plus souvent arrêtés que les autres. Ce passeport immunitaire offrirait une nouvelle opportunité de contrôle supplémentaire dont on sait sur qui elle pèsera. On va créer un instrument de stratification sociale supplémentaire, entre les immuno-privilégiés et les autres. D’autant, et c’est encore un argument, que l’on peut déjà voir qui disposera de ces tests : aujourd’hui, ce sont les riches, les puissants, les célébrités qui ont accès aux tests virologiques. Ce sont eux qui seront servis les premiers. Les très jeunes, les vieux, les handicapés, les malades mentaux, les prisonniers passeront en dernier, car ils ne sont pas utiles à la relance de l’activité.

    Redoutez-vous des effets pervers pour la santé publique ?

    Oui. Le risque de développer une forme grave est assez faible. Si le seul moyen de travailler est de contracter la maladie, certains pourraient se faire volontairement contaminer, se mettre en danger mais aussi mettre en danger d’autres personnes, peut-être beaucoup plus fragiles. Par ailleurs, en instaurant ce passeport, on prend le contre-pied de tout ce qu’on a fait depuis trois mois. Les messages de santé publique ont insisté sur la distanciation physique, le lavage des mains, le port du masque et voilà que ceux qui auraient suivi ces règles et échappé au virus devraient être punis et rester chez eux ? La prochaine fois, il ne faut pas compter sur ces gens pour suivre les recommandations.

    Mais la nécessité de relancer la machine, dont l’arrêt coûte aussi des vies, nous laisse-t-elle le choix ?

    Je sais bien que cette crise économique aura un impact terrible sur ces mêmes populations vulnérables. La relance de l’économie est essentielle. Mais elle doit se faire dans un contexte solidaire, en incluant tout le monde. Par des mesures simples, pratiques, dont certaines nous ont déjà permis de réduire la circulation du virus, plutôt qu’en privilégiant une minorité. D’autant qu’aujourd’hui seul un très petit pourcentage de la population a été touché par le Covid-19 : 3 % ici, 10 % là, peut-être 30 % à New York. Mais on ne redémarre pas l’économie avec ça. Si seule une petite fraction de la population peut entrer dans votre magasin, mieux vaut ne pas ouvrir. La seule solution est d’aller de l’avant ensemble.

    Un tel passeport est-il si différent de l’actuel carnet de vaccination, qui doit être à jour pour participer à certaines activités ou pour se rendre dans certains pays ?

    Un vaccin apporte des informations robustes. On peut dire avec une quasi-certitude que celui qui l’a reçu est protégé, et pour combien de temps. Ce n’est pas le cas avec cette immunité. Si l’on trouve un vaccin d’ici douze ou dix-huit mois – ce dont personnellement je doute – qui protège à la fois contre la réinfection et contre le risque d’infecter quelqu’un d’autre, je pourrais imaginer que certains lieux l’exigent avant de permettre l’entrée. Ce serait un débat intéressant. Aujourd’hui encore, le vaccin contre le grippe n’est pas obligatoire chez les personnels de maisons de retraite. Ça me semble très discutable et ça serait l’occasion d’en débattre.

    Les applications de traçage des contacts ne posent-elles pas les mêmes questions de liberté et de risques de discrimination ?

    Je ne crois pas. On sait que c’est efficace [?! ndc] , que l’ensemble de la communauté peut en tirer avantage et que chacun peut, en principe, ne pas y souscrire. Donc sous réserve d’un certain nombre de précautions techniques garantissant un accès limité aux données, ce dispositif me semble viser des objectifs de santé publique.

    Cette pandémie a provoqué une mobilisation sans précédent, avec une accélération de toutes les procédures, de financement, de méthodes de recherche, de modes de publication. Qu’en pensez-vous ?

    Face à une crise, il est normal de tenter d’aller de l’avant plus vite. Mais ces nouvelles règles peuvent avoir des conséquences néfastes et changer les processus à long terme. Donc il faut bien prendre garde aux raccourcis. Certains envisagent ainsi d’éliminer le stade de recherche préclinique sur les animaux, pour passer directement des études cellulaires aux essais thérapeutiques. Ça me semble très problématique.

    Ce qui se joue autour des vaccins est plus intéressant car plus complexe. La procédure habituelle d’essais thérapeutiques prévoit que, dans les phases 1 et 2, on vérifie que le vaccin est sûr et qu’il permet bien la production d’anticorps, puis la phase 3 commence. Elle est longue et nécessite des milliers, voire des dizaines de milliers de participants. Une moitié reçoit le vaccin, l’autre un placebo. Puis ils reprennent leur vie, avec toutes les précautions d’usage. Et six mois ou un an après, parfois plus, on regarde qui a été infecté, en espérant qu’ils seront tous dans le groupe qui n’a pas reçu le vaccin.

    Certains voudraient aller plus vite et inoculer le virus à ceux qui ont reçu le vaccin, avec un résultat en quelques semaines. Un tel procédé est acceptable si l’on dispose d’un traitement en cas d’infection, mais là, on n’en a pas. Leur faire courir un risque de mort – faible, je l’admets, mais un risque quand même – me paraît hautement problématique sur le plan éthique. D’autant que, là encore, la probable rémunération associée fera que le risque sera pris par les plus démunis.

    Dans cette pandémie, les politiques sanitaires ont-elles protégé en priorité les populations à risques ou les systèmes de santé ?

    Indiscutablement les systèmes de santé, afin d’éviter qu’ils ne soient submergés. Et cela se voit : ce sont les personnes âgées qui ont subi les conséquences les plus négatives, notamment dans les maisons de retraite, pourtant identifiées comme des lieux à risque. En réalité, nous n’étions pas prêts. Quand l’épidémie a éclaté, j’étais au Vietnam. Dans n’importe quel magasin où j’entrais, on me proposait un masque, du gel pour nettoyer mes mains, on prenait ma température. Aujourd’hui encore, dans nos pays, de telles mesures ne sont pas appliquées.

    L’absence de prévention ne pose-t-elle pas un problème éthique ?

    Un immense problème. Cette pandémie nous offre un miroir grossissant de nos inégalités. On investit l’argent, l’énergie, le personnel dans les soins aigus, pas dans la santé publique. Et l’on en subit aujourd’hui les conséquences. Il va falloir y réfléchir, car nous allons devoir trouver une façon de vivre avec ce virus et nous préparer au prochain. Alors où investir ? Dans l’hôpital, exclusivement ? Dans un projet de passeport immunitaire, coûteux, dangereux et inutile ? Dans des politiques de prévention qui peuvent toucher tout le monde, les pauvres comme les riches ? Notre société a accepté le creusement des inégalités. Tout mettre sur l’individu, rien ou très peu sur la justice sociale ? Est-ce dans ce monde que nous voulons vivre ?

    #système_de_santé #santé_publique #prévention #hospitalo_centrisme #immunité #passeport_immunitaire #tests_sérologiques #données_de_santé

  • Les « malades à la maison » du Covid-19, entre oubli et euphémisation | Caroline Hodak, AOC media
    https://aoc.media/opinion/2020/05/19/les-malades-a-la-maison-du-covid-19-entre-oubli-et-euphemisation

    Les chiffres des morts et des personnes hospitalisées pour Covid-19 sont scrutés quotidiennement. Après s’être inquiété de leur hausse, voilà qu’on se réjouit de leur baisse. Mais qu’en est-il de celles et ceux qui ont été malades à la maison ? En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg, et empêchent de remettre au cœur du dispositif de politique publique et sanitaire la connaissance médicale et le suivi des patients.

    En sciences sociales, particulièrement en sociologie et en ethnographie, mais aussi chez les historiens, dire d’où l’on parle, ou mieux, l’auto-analyse, éclaire un parcours et la réflexion de l’auteur. Dans ce prologue, il me semblait important de raconter d’où j’écris. Ni médecin, ni épidémiologiste, j’ai vécu le Covid-19 et ses conséquences socio-économiques comme tous les citoyens. Et puis, je l’ai vécu à l’épreuve des faits, au rythme des malades non testés, au fil de l’eau de ce qui s’est présenté à moi et des réalités médicales hors de l’hôpital. M’apercevant qu’en fait le sujet de la maladie, « les sujets » que sont les malades non testés, les #pasgrave, « les malades à la maison » n’étaient jamais évoqués alors qu’il s’agit de centaines de milliers de personnes.

    Comment ça commença…

    À l’origine, j’ai fait partie d’au moins un cluster parisien infecté par le Covid-19 avant le confinement. Le 16 mars au soir, j’ai eu la confirmation via un WhatsApp collectif de ce cluster que mes maux de tête, courbatures, nausées et immense fatigue étaient vraisemblablement la version bénigne de ce que d’autres au sein de ce groupe vivaient en bien plus grave. J’ai en tout cas conclu : « C’est bon je l’ai eu ». Et pour moi, l’histoire était terminée. Je n’ai pas associé, deux jours plus tard, d’importantes inflammations à un pied rougi et douloureux à l’épisode précédent. J’imaginais une allergie à des chaussettes et que cela passerait.

    Ce n’est qu’un mois après que les pièces du puzzle se sont enchevêtrées. Le 9 avril, le SAMU m’emmène aux urgences (non Covid) pour douleurs thoraciques et tension différentielle suspectant un AVC. Je sors quelques heures plus tard avec pour diagnostic une crise d’angoisse, bien que je ne fusse pas angoissée. Mais bon, pourquoi pas. La semaine suivante, je suis de plus en plus fatiguée et, alors que j’en parle à des amis en évoquant les urgences du 9 avril et « ce truc bizarre au pied dorénavant violet », je comprends que ce que j’avais pris pour une allergie étaient des engelures et que « le violet » était en fait un acrosyndrome (modification de la peau suite à un problème vasculaire). Pas très en forme, je rappelle le SAMU qui, comme je ne tousse pas et n’ai pas de fièvre, me conseille de me reposer. À peine 24h plus tard, le 19 avril, je ne tiens plus debout, je claque des dents, je suis livide, les douleurs thoraciques, qui n’avaient pas tout à fait disparu, sont à nouveau vives et profondes. Le SAMU envoie la Croix Rouge qui, « embêtée par ses observations », appelle le SAMU en renfort. Huit personnes chez moi. Suspicion d’embolie pulmonaire. Je repars aux urgences. Je sors le soir même.

    Bilan à l’hôpital (en non Covid) : « Si vous étiez soignante, on vous testerait, mais vous ne l’êtes pas, donc on n’a pas le droit ». Diagnostic au regard de l’examen clinique et de mes symptômes : « Vous avez été vraisemblablement primo-infectée du Covid-19 mi-mars et vous avez fait une réaction immunitaire vasculaire inflammatoire marquée par vos engelures. Vous faites manifestement un rebond inflammatoire. Il n’y a pas de pronostic vital pour nous aux urgences. A priori vous n’êtes plus contagieuse depuis longtemps. En revanche, il faut dorénavant poursuivre les explorations en ville car les signes peuvent révéler une pathologie qui ne relève pas de ce que nous traitons ici ». Je rentre.

    Carnet de Bal

    Commence alors le parcours en ville. Généraliste. Cardiologue. Phlébologue. Service vasculaire à l’hôpital. Acrosyndrome et micro caillots. Anti-coagulants, puis avec la disparition des symptômes (douleurs thoraciques, maux de tête, vertige), fluidifiant. Reste la sensation de faim qui a disparu et l’épuisement. Les fourmillements et engourdissements de la jambe disparaissent progressivement. En tout, en comptant le SAMU et les 2 passages aux urgences : 5 ECG, 1 HolterECG, 2 échographies du cœur, 2 dopplers, 1 capillaroscopie, 1 angioscanner, 7 prises de sang. L’examen micro-neurologique était gardé en suspens si les symptômes de la jambe restaient ou augmentaient. Le test d’effort jugé inutile. Jamais testée Covid. En revanche une prise de sang pour voir si j’avais des anticorps. Négatif (pour le moment ? Ce n’est pas très clair encore. À refaire).

    Au bout de ce parcours, j’ai découvert que, « dans le fond », je suis en pleine forme, d’autant que je n’ai aucun antécédent personnel ou familial en cardio-vasculaire. Que je n’ai pas non plus de maladie auto-immune ou génétique. Parce que oui, à ce stade, les médecins ont besoin de vérifier tout cela pour savoir de quoi il s’agit. J’ai découvert que les réactions vasculaires et neurologiques sont liées au virus. Qu’il y a des rebonds, mais pas forcément. Que les symptômes s’expriment de façon sinusoïdale. J’ai aussi découvert les questions des médecins. La voix des malades. Leurs interrogations. Le polymorphisme des expressions, des pathologies, des durées. Et le vide. Le vide en matière de coordination des parcours. Ainsi que le poids des incertitudes.

    Depuis la mi-avril, quelques articles, rares, commencent à documenter ces aspects. Cependant, en dehors de ce que vivent les malades et les médecins pour juguler les pathologies et adapter les traitements à chacun, je me suis rendue compte que personne ne sait ce qu’est être malade du Covid hormis ce que tout le monde, via la presse et les discours dominants, qualifie de maladie respiratoire. Le Covid-19 n’est pas qu’une infection virale des poumons. L’incubation ne dure pas seulement 2 jours. La maladie ne dure pas 14 jours (parfois beaucoup moins, parfois beaucoup plus). Une fois qu’on a été infecté, on n’est pas forcément tiré d’affaire. Parfois oui, parfois non. Les rebonds existent et sont eux aussi polymorphes, parfois graves, parfois juste réactionnels, et très souvent bel et bien hors respiratoire. Parallèlement, celles et ceux qui sont hospitalisés sont confrontés à une route souvent longue avant de pouvoir être vraiment remis. Qu’on ne sait pas bien encore ce que signifie « être guéri » du Covid-19. Ni ce qui explique la diversité des cas, des pathologies, des réactions, des conséquences.

    En réalité, ce que j’ai découvert, c’est que les médecins apprennent au jour le jour, au fur et à mesure, à travers leurs patients et les pathologies ou les réactions qu’ils découvrent en même temps qu’ils auscultent. Que chaque jour, ils analysent, supputent, déduisent, estiment. Qu’ils échangent sur leurs fils WhatsApp entre spécialités différentes autour de ce qui est observé sur le malade qu’ils ont en commun. Ou de ce qu’ils partagent entre confrères d’une même discipline. Nous, malades, attendons des réponses, mais les médecins les trouvent en nous observant. Il est donc essentiel qu’ils puissent nous suivre et que ce qui s’exprime chez les patients soit partagé entre eux.

    Les médecins, en ville tout autant qu’à l’hôpital, apprennent à l’épreuve des faits et les faits sont les malades, la maladie et ses expressions. Et eux-mêmes voient concrètement qu’il n’y a pas un traitement miracle mais bien, en fonction des organes touchés et des organismes des patients, des traitements à ajuster et d’autres à ne même pas envisager. Cela dépend de chaque cas. Car à ce stade il n’y a pas de trends dominants, mais des cohortes différentes. Les signes propres à une catégorie d’âge se retrouvent chez une autre. Un malade avec des antécédents résiste là où un autre, sans antécédent, marque des faiblesses. « L’intelligence » du virus se joue des règles et des évidences.

    Alors…

    Parce qu’à l’origine je suis chercheure en histoire et sciences sociales et que « nommer », c’est qualifier ; que l’observation du terrain est ce qui permet de nourrir les catégories de l’analyse et que sans nommer, on ne pose pas les bonnes questions. Parce qu’en tant que conseil et directrice en communication et en transformation des organisations, je suis confrontée aux outils numériques, si souvent souhaités, qui ne répondent pas aux besoins si ceux-ci ne sont pas dûment corrélés aux réalités du terrain et que, dans mon métier, la fabrique des données est ce qui constitue non seulement les référentiels mais l’intérêt de l’outil. Je travaille souvent avec les enjeux propres aux data, leur modération, le RGPD, le stockage et surtout en amont, avec le data mining et donc avec le fait de « nommer » et qualifier pour créer de l’opératoire et de l’opérationnel.

    Enfin, parce que je me suis retrouvée ahurie face à ce que j’ai découvert au jour le jour dans les méandres de mon aventure Covid-19, grâce aux médecins et aux malades avec qui j’ai échangé, je me suis demandée : mais où sont les « malades à la maison » et leurs « maladies Covid » dans les discours et le plan de déconfinement ? Comment penser une politique publique à hauteur d’une épidémie dont les expressions sont multiples et évolutives si personne ne parle des malades et de leur maladie ? Alors j’ai écrit ce papier.

    Les malades sont majoritairement hors de l’hôpital

    Traiter des malades et de la maladie, c’est remettre au cœur du dispositif de politique publique et sanitaire la connaissance médicale et le suivi des patients. Casser les chaînes de contamination pour répondre à l’urgence est nécessaire dans l’immédiat de la crise mais une épidémie s’inscrit dans le temps long. Connaître les expressions de la maladie, accompagner la population avec les informations ajustées, en étant pragmatique et réaliste, c’est non seulement mieux comprendre le cycle de vie du virus et tous les effets du Covid-19 mais aussi soutenir une prévention active auprès de toute la population. Encore faut-il traiter de tous les malades.

    Le propre d’un virus lorsqu’il se déploie dans un organisme, c’est d’investir son hôte et de proliférer. Si on simplifie : soit l’hôte résiste, soit il tombe malade. Éventuellement l’infection peut être fatale. En focalisant l’attention sur le nombre de morts et de malades hospitalisés par l’infection au Covid-19, les autorités françaises ont construit un discours binaire qui oppose confinement et nombre de morts-cas graves, car l’urgence consistait à éviter l’explosion des services de réanimation d’un système hospitalier exsangue. Or si l’objet de la problématique d’urgence est le virus et son incidence sur les services de réanimation, quel est le véritable sujet d’un virus, au quotidien, dans la vie d’une population, si ce ne sont les malades ? Tous les malades.

    Peu d’études épidémiologiques ont été lancées et celles-ci sont principalement axées sur l’identification du nombre de personnes infectées et suivies en hôpital. À date, l’actualisation des projections estime que 4,4 % de la population française a été touché. Soit près de 3 millions de personnes (la marge se situe entre 1,8 et et 4,7 millions de personnes). D’un côté du spectre, les asymptomatiques[2] (50 % environ, voire plus, mais les chiffres varient tant on manque d’études au sein de différents clusters). De l’autre, les cas graves hospitalisés (3,6 %) et les morts (0,7 %)[3].

    Sur la base de ces estimations il reste donc environ 1,3 millions de personnes[4] ayant été, ou étant encore, malades à des degrés très divers « à la maison » (de quelques jours « pas bien » à quelques semaines et plusieurs traitements antibiotiques, et parfois même des incursions à l’hôpital hors respiratoire) auxquels s’ajoutent les patients « guéris » de l’hôpital qui ont encore de longs mois de rémission et de suivi médical. Si le risque de mourir appelle vigilance et moyens, les effets de la maladie parmi les 99 % de la « population malade qui ne meurt pas » ne sont pas sans conséquences. Certaines sont connus. D’autres en voie de découverte. D’autres encore en interrogations. L’urgence de la crise peut-elle occulter ce qui dans les faits vient toucher de nombreux malades au long cours et avec eux le système de santé bien au-delà des pics aigus ?

    Combien de personnes ont-elles été infectées, sous quelles formes et de quelles façons ? Quelle est la véritable ampleur de l’épidémie et ses conséquences ?
    Ne pas nommer, c’est euphémiser la réalité. C’est ne pas dire qu’outre la survie des services hospitaliers, le sujet Covid-19 est bel et bien un sujet de santé publique qui sort des murs de l’hôpital, et qui est bien plus vaste que celui des seules maladies respiratoires et impliquant de nombreuses spécialités médicales : cardiologie, phlébologie, angiologie, ORL, gastro-entérologie, dermatologie, neurologie avec, en première ligne, les médecins généralistes qui se trouvent non seulement à traiter les cas en première instance mais souvent à orchestrer un suivi de leurs patients avec plusieurs confrères.

    Ne pas désigner l’ensemble des malades, c’est aussi omettre un enjeu de taille : la totalité des pathologies et leurs conséquences, leur durée éventuelle. Les médecins le disent, entre eux et à leurs patients : ils ne savent pas si chez certains le virus est quiescent (au repos, dormant) et se manifeste par des résurgences. Les critères de guérison ne sont pas encore clairement établis. Il apparaît que le virus après s’être exprimé par une première symptomatologie (rhinite, erythème, engelures, diarrhées, bronchite, myalgie, troubles neurologiques, etc.) puisse aussi s’exprimer en récurrence par une seconde symptomatologie touchant d’autres organes parfois plusieurs semaines plus tard (AVC, embolie, myocardite, complications urinaires, etc.).

    Les médecins ignorent pour le moment si le virus en s’attaquant à certains organes ne crée pas des pathologies qui décompenseront ou laisseront des séquelles à moyen ou long terme, voire si chez certains asymptomatiques ou symptomatiques légers, il n’y a pas de sanctuaire viral. Car les symptômes, comme les expressions apparaissent sinusoïdales : cycliques, avec des fluctuations très différentes selon les patients, leur historique, mais aussi la charge virale et les réactions de chaque organisme. Autrement dit, les complications ne touchent pas que les formes respiratoires du Covid-19, ne se limitent pas à quelques jours, et peuvent susciter des rechutes ou des rebonds. Ces aspects ne semblent pas toucher la majorité des malades et sont curables.

    Mais complexes, multiples, ils touchent bien au-delà des personnes actuellement recensées, bien au-delà de quelques semaines, des milliers de personnes. Surtout, elles appellent un suivi ou une observation sur un temps long. Beaucoup de patients, notamment ceux sortis de l’hôpital, mais pas seulement, vont être suivis sur 3, 6 ou 12 mois ou certains comme les quelques cas d’enfants « Kawasaki-like » – on le sait par les documentations déjà établies de ces symptômes – auront un suivi sur plusieurs années. Comment aider alors les médecins de ville à pouvoir exercer en pluridisciplinarité pour les cas complexes de cette nouvelle pathologie ? Comment organiser le parcours de soins si les malades et la maladie ne sont pas désignés en tant que sujets ?

    De la nécessité d’une veille sanitaire selon les critères des maladies à déclaration obligatoire
    En ne nommant pas le sujet, en ne parlant pas des malades dans leur totalité, l’État et nous avec lui, oublions une grande partie des malades, falsifiant les référentiels, obérant une des fonctions premières de la politique sanitaire du pays telle que celle-ci est censée être portée par Santé Publique France : étayer le « besoin de connaissances de la maladie » ; « évaluer (…) le risque de séquelles de la maladie » ; « évaluer les programmes de lutte et de prévention menés par les pouvoirs publics pour en mesurer l’efficacité ». Pourtant l’État a construit, depuis plusieurs décennies déjà, les outils pour « disposer d’informations afin de préserver la santé de la population » avec le dispositif des Maladies à Déclarations Obligatoires, dispositif de surveillance de 33 maladies sources d’épidémies (tuberculose, paludisme, Zika, etc.) qui repose sur la transmission de données par les médecins et les biologistes (libéraux et hospitaliers) aux médecins inspecteurs de santé publique (Misp) et leurs collaborateurs des Agences régionales de santé (ARS) ; puis aux épidémiologistes de Santé publique France.

    Ce système de déclaration permet à la fois le partage des connaissances sur la base de toutes les observations de terrain et la confidentialité des données comme du secret médical, garantissant l’anonymat des malades tout en permettant le suivi médical idoine. Là repose la constitution d’un véritable réseau de veille sanitaire incluant toutes les pathologies liées à l’infection et pas uniquement les symptômes respiratoires (à date les déclarations sur le Réseau Sentinelle sont partielles et uniquement orientées respiratoires et pas obligatoires). Ce qui est donc incompréhensible, c’est pourquoi le Covid-19 n’est que partiellement devenu une Maladie à Déclaration Obligatoire (MDO). Le dispositif mis en place par l’article 6 de la loi du 12 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire est défini afin de « recenser les personnes infectées par le coronavirus et les personnes ayant été en contact avec celles-ci, dans l’objectif de la rupture des chaînes de transmission virale ». Cependant, « ce dispositif aura une durée très limitée » i.e. le temps du dispositif est celui de l’état d’urgence.

    La déclaration obligatoire s’applique donc à la crise mais pas à une véritable veille sanitaire qui permettrait de documenter les observations cliniques et pas seulement le suivi des infections recensées sur la base de quelques critères seulement (limitées aux personnes testées). Une telle veille sanitaire assurerait le lien entre médecine de ville, toutes spécialités médicales confondues, avec ce qui se passe à l’hôpital. Cela constituerait la plateforme pour lancer des études épidémiologiques au-delà du seul lycée de Crépy-en-Valois (Oise) ou du paquebot Diamond Princess. Cela permettrait aussi le suivi dans le temps des pathologies subséquentes qui s’inscrivent dans une temporalité différente que celle de la primo-infection. Une meilleure connaissance et une meilleure compréhension permettent alors une meilleure anticipation (versus réaction), pour une approche du healthcare et non pas uniquement du sickcare.

    Or, telle qu’actuellement communiquée dans le cadre du déconfinement, la mise en place d’un système de déclaration à l’Assurance maladie par les médecins généralistes et l’intervention de brigades d’intervention, ou « contact tracer »[5], pour suivre les cas contacts des personnes identifiées infectées, est un système de contrôle des contaminations et d’enregistrement de données qui relève de la surveillance des personnes : on veille pour contenir l’épidémie, pour éviter les morts mais les effets de l’épidémie sur la santé apparaissent totalement secondaires. Pourtant le fameux article 6 mentionne que des éléments probants du diagnostic clinique peuvent être retenus dans l’identification (alinéas 4 et 7) et qu’il s’agit de pouvoir orienter les personnes infectées vers un suivi médical pendant et après ces mesures (alinéa 9). Cependant ces points sont minorés dans ce qui est expliqué auprès des populations.

    L’attention portée aux chaînes de contamination et à l’isolement des personnes infectées et leurs contacts des deux derniers jours euphémise la question du suivi thérapeutique d’une part, du suivi des malades dans le temps d’autre part, alors que de nombreux facteurs cliniques démontrent que dans un nombre non négligeable de cas (encore à étudier pour connaître la proportion) la maladie ne s’arrête pas aux portes d’une quarantaine de deux semaines.

    Le cadre d’une déclaration obligatoire évite le piège d’écorcher le secret médical et les données personnelles
    L’approche actuelle rappelle certains manques de la première phase d’identification par les tests. Ceux-ci étaient principalement accordés aux malades souffrant de difficultés respiratoires aiguës (du fait des risques vitaux potentiels). Aujourd’hui, les critères exprimés publiquement pour le signalement sont non moins partiels : fièvre, toux, altération de l’odorat et du goût laissent de côté de nombreux autres symptômes qui sont non moins évocateurs d’une éventuelle infection au Covid-19 (dermatologiques, gastroentérologiques, ophtalmologiques, etc.). En limitant les critères d’identification de la maladie à leur strict minimum, on réduit les expressions de celle-ci. On élimine tous les autres critères que pourtant de nombreuses spécialités médicales font remonter. On soustrait toutes les autres cohortes de malades sources de contamination et sujets de pathologies.

    On ne permet pas à la population de savoir qu’un érythème, des engelures, une conjonctivite, des diarrhées, une infection urinaire etc. sont possiblement des signes d’infection aux Covid-19 et donc que ces personnes-là doivent aussi être rapidement testées pour savoir si elles doivent s’isoler de leur entourage. Tel qu’actuellement pensé pour le déconfinement, le recueil de données par le biais de l’infection et de la contamination réduit la focale à l’enregistrement des personnes, là où il doit être question d’une véritable politique publique sanitaire tenant compte de la maladie et des malades. Il est nécessaire d’encourager la population à une vigilance holistique des symptômes, puis également à une deuxième salve de vigilance de la part des personnes infectées durant plusieurs semaines, afin qu’elles informent leur médecin de tout autre signe.

    Ne pas opérer en ce sens, c’est biaiser la connaissance, biaiser les réalités du terrain. Sans porter l’attention sur la nécessité du suivi des personnes infectées, l’approche actuelle se concentre sur la désignation des personnes, ce qui peut pousser des patients à ne pas consulter ou à taire les symptômes de peur de subir une enquête qui pourrait leur être délétère pour des motifs personnels (avoir à déclarer un contact qu’ils ne souhaitent pas) ou professionnels (risque de stigmatisation sur leur lieu de travail, voire crainte du licenciement dans un contexte économique altéré). La protection des données et le secret médical doivent être garantis, mais l’attention devrait non moins se porter sur les soins pour que l’implication apparaisse dans ce qu’elle a de vertueux : dire pour guérir.

    Considérer la maladie à partir de critères cliniques, c’est faire prendre conscience des plus larges biais de contagiosité ou des besoins de suivis éventuels
    Enfin, le dispositif tel qu’expliqué à date engage un autre biais de désignation restrictif. La période d’incubation est encore mal connue et estimée entre 2 et 14 jours. Dans le cadre de la procédure définie actuellement, la brigade sanitaire a vocation à recenser les contacts des deux derniers jours de fréquentation d’un malade identifié. Là, on comprend que ce ne sont pas seulement les questions du secret médical et des données personnelles qui sont problématiques, mais aussi les bases mêmes de l’identification : à ne remonter les contacts que sur 2 jours, nombreux infectés potentiels sont inaperçus.

    Quel est le droit pour la brigade sanitaire de contrôler, décider pour des personnes supposées contaminées : vérifier si ces personnes s’isolent correctement, refont bien les tests, y embarquent également leur propre entourage en donnant à leur tour les noms des personnes fréquentées ? Jusqu’où un tel raisonnement est-il opératoire ? Jusqu’où enregistre-t-on les inter-connaissances et les cercles d’interaction ? Un tel exercice, replacé dans le contexte de la maladie permettrait une toute autre sensibilisation de la population. En recensant l’intrication sociale (embeddedness) de la contamination, mais pas le chemin du virus dans l’organisme, le corps social prend le pas sur le corps médical. L’individu et ses relations ont le dessus sur le malade et sa maladie.

    Par ailleurs, selon le type d’expression de l’infection un malade peut contaminer autrui 14, 21 ou 28 jours, voire plus selon la durée de ses propres infections, nombre de jours auxquels ajouter une semaine sans symptômes. Que ce soit pour un malade sorti d’hôpital et qui poursuit ses soins en ville, ou pour un malade soigné au Doliprane à la maison, le sujet est le même : la durée de contamination varie, l’éventualité de rebonds également. Là encore, les temps officiels de réclusion ne sont pas les temps des malades et de leurs pathologies. Même la délimitation de la contagiosité n’est pas encore maîtrisée par les médecins eux-mêmes à ce jour. La question d’un suivi régulier avec le médecin coordonnant les soins du malade est nécessaire, et mettre en place ce suivi participerait de la rétention des contaminations. Pourquoi ne pas expliquer tout cela afin que tous puissent agir de façon concertée et responsable puisque l’objectif est bien d’envisager, au-delà de la désignation du malade, la cure de la maladie ?

    La veille sanitaire non seulement soutient la planification des soins mais aussi la stratégie de prévention
    En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés et dorénavant en créant un système qui entérine une politique d’enregistrement ad hoc des infectés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg. En dehors de l’hôpital, le message officiel est qu’on ne considère le malade que comme un contagieux et pas comme un malade. Plus souvent qu’il ne tue, le virus touche les vivants et impose aussi ses conséquences chez ceux qui restent en vie. Se concentrer sur l’étape d’infection et la contamination, sur l’explosion de l’hôpital, ou sur une appli telle StopCovid, ne permet pas d’accompagner les malades et détourne des outils prioritaires qui construisent eux-mêmes les données nécessaires : les données cliniques et biologiques pour élaborer les catégories de l’analyse médicale, du parcours de soins des malades et les mesures de prévention et d’hygiène collective pour protéger les populations.

    Car le message de prévention pour les gestes barrières est affaibli avec cette vision binaire : ce n’est pas pareil d’évoquer le 1 % qui peut mourir, particulièrement au-dessus de 60 ans, que de dire clairement « il y a des risques pour toutes personnes contaminées » y compris les enfants. Ces risques touchent déjà plusieurs dizaines de milliers de personnes qui vont être suivies au long cours. Cela peut non seulement changer le message mais aussi réorienter toute la politique sanitaire en obtenant une conscience et une responsabilité plus grandes de l’ensemble de la population qu’il va falloir, en outre, réussir à maintenir dans le temps. Nommer la maladie et ses expressions, les malades et leurs spécificités, devient alors source d’informations pour tous. C’est prendre le sujet dans toutes ses réalités et l’accompagner au-delà du temps de crise, sur le temps long qu’impose sa versatilité et ses évolutions, pour les malades, la santé publique et la société dans son ensemble avec l’impact socio-économique sous-jacent aux maladies complexes.

    [1] Les chiffres officiels sont accessibles sur data.gouv.fr et santepubliquefrance.fr. On notera cependant que si la France déclare 139 000 cas confirmés, la source de Statista fondée sur les chiffres des chercheurs de Johns Hopkins indique 175 000 cas confirmés en France, ce qui rend toutes les considérations chiffrées somme toute compliquées.

    [2] 20 % des personnes infectées serait asymptomatique, selon une étude dans un cluster en Allemagne mais 50 % selon l’étude à bord du paquebot Diamond Princess (voir infra). AMMOUCHE (Marielle), « Covid-19 : 20% de patients asymptomatiques dans un cluster en Allemagne », Egora.fr, accessible ici.

    [3] Chiffres du 13 mai 2020 par une équipe d’épidémiologistes de l’Institut Pasteur réactualisant l’étude conduite le 21 avril et tenant compte de l’impact du confinement. Ces calculs sont fondés sur des modélisations et données d’hospitalisation et de santé. Simon Cauchenez & alii, « Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France », Science, accessible ici.

    [4] Le calcul est établi sur la base de l’estimation des quelques 3 millions de personnes infectées, dont sont déduits 50 % d’asymptomatiques, les personnes hospitalisées et décédées. Sous réserve des marges à prendre en compte.

    [5] Sur le recrutement et les missions des brigades, plusieurs articles de presse : NouvelObs, LeFigaro, Slate.fr, LCI.fr, OuestFrance, BFM.tv.

    #hospitalo_centrisme #santé_publique

    • On ne permet pas à la population de savoir qu’un érythème, des engelures, une conjonctivite, des diarrhées, une infection urinaire etc. sont possiblement des signes d’infection aux Covid-19 et donc que ces personnes-là doivent aussi être rapidement testées pour savoir si elles doivent s’isoler de leur entourage

    • contribution remarquable, à diffuser largement !

      En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés et dorénavant en créant un système qui entérine une politique d’enregistrement ad hoc des infectés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg. En dehors de l’hôpital, le message officiel est qu’on ne considère le malade que comme un contagieux et pas comme un malade. Plus souvent qu’il ne tue, le virus touche les vivants et impose aussi ses conséquences chez ceux qui restent en vie. Se concentrer sur l’étape d’infection et la contamination, sur l’explosion de l’hôpital, ou sur une appli telle StopCovid, ne permet pas d’accompagner les malades et détourne des outils prioritaires qui construisent eux-mêmes les données nécessaires : les données cliniques et biologiques pour élaborer les catégories de l’analyse médicale, du parcours de soins des malades et les mesures de prévention et d’hygiène collective pour protéger les populations.

      #maladie_à_déclaration_obligatoire

    • D’ailleurs un des aspects que je constate à chaque fois que je tombe (malheureusement) sur une relation qui m’explique que hé ben dis donc tu te rends comptes qu’on a été confinés et qu’on a détruit l’économie pour aussi peu, et donc clairement partisans de la recherche rapide de l’immunité de groupe, il y a systématiquement l’occultation des gens qui en ont chié en étant malades chez eux.

    • Des #témoignages parmi d’autres, via la veille de @monolecte :
      Covid-19 : deux mois après leur infection, de nombreux patients présentent de nouveaux symptômes - France 3 Paris Ile-de-France
      https://seenthis.net/messages/854487

      Par contre, dans le texte, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris :

      Par ailleurs, selon le type d’expression de l’infection un malade peut contaminer autrui 14, 21 ou 28 jours, voire plus selon la durée de ses propres infections, nombre de jours auxquels ajouter une semaine sans symptômes.

      Elle veut dire qu’une personne peut être contagieuse aussi longtemps après l’apparition des symptômes, quand elle en a ? Je n’avais pas vu passer cette info.

  • #Covid-19 : les campagnes moins touchées que les villes ?

    La pandémie de Covid-19 touche-t-elle moins les campagnes que les grandes villes ? En croisant plusieurs ressources cartographiques et statistiques, l’urbaniste Clément Payet formule de premières hypothèses.

    Dans le cadre de la lutte contre la pandémie en cours, le confinement de la population permet de ralentir la propagation du virus et d’éviter une saturation des hôpitaux. Cette mesure qui affecte tant la vie socio-économique fournit aussi l’occasion de formuler, à partir d’une observation statistique et cartographique, quelques pistes de réflexion quant à la propagation du virus dans les territoires. L’esquisse d’analyse qui suit ne prétend pas déduire, réaffirmer, confirmer ou contredire les données scientifiques existantes, ni de se positionner sur les relations entre villes et campagnes. Les observations et chiffres cités devront être affinés en prenant en compte les personnes testées ou non, asymptomatiques, isolées, les capacités des hôpitaux, le nombre de transferts de patients effectués entre structures de soins et territoires, le temps de propagation à long terme du virus, les mobilités entre métropoles, campagnes urbaines, villes moyennes ou campagnes éloignées, le taux de pollution, etc. Le temps venu, il conviendra de changer d’échelle d’observation afin d’affiner cette première analyse [1].

    D’après les premières informations rendues disponibles par les épidémiologistes et notamment par Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l’École des hautes études en santé publique à Rennes [2], le virus s’est répandu dans quasiment toutes les régions depuis le début du mois de mars, soit une dizaine de jours avant le début du confinement (17 mars). Mais les campagnes seraient-elles plus épargnées par ce virus que les grandes villes ?

    Cet article s’appuie sur les cartes du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et notamment sur celle illustrant les « Campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées », afin de distinguer les espaces urbanisés de différents espaces ruraux. Les campagnes désignent les territoires ruraux, c’est-à-dire ceux qui sont peu densément peuplés, avec un nombre d’habitants au kilomètre carré relativement moyen ou faible (entre 10 et 40 hab./km²). Les villes, quant à elles, sont ici pour l’essentiel les métropoles (Paris, Lyon, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Toulouse, etc.) et leur périphérie (villes et villages sous influence urbaine). Ce sont des territoires densément peuplés (entre 113 et 3 000 hab/km²). L’utilisation des outils et données cartographiques semble être un atout pour comprendre la dynamique de propagation du virus dans ces territoires et l’interrelation indiscutable entre ces derniers. Les éléments ci-dessous apportent donc une observation géographique à la compréhension de la propagation du virus sur le territoire français en s’intéressant à l’occupation de l’espace, aux enjeux de la densification des espaces urbanisés, ainsi qu’à la typologie des lieux urbanisés et ruraux et aux mobilités quotidiennes.
    Typologie et cartographie

    Pour développer de premières hypothèses, la démarche a consisté à croiser plusieurs données cartographiques permettant de disposer d’une typologie des territoires :
    – les cartes du Commissariat général à l’égalité des territoires, ou Agence nationale pour la cohésion des territoires (CGET-ANCT), qui catégorisent les campagnes françaises, identifient la part des personnes âgées dans les territoires et l’accès aux soins ;
    – les cartes du gouvernement et de l’Environmental systems research institute (ESRI-France), basées sur les données de Santé publique France relatives au Covid-19 et montrant les cas hospitalisés, les décès et le nombre de lits en réanimation disponibles par département ;
    – celles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur les déplacements de population avant le confinement.

    En simplifiant, les villes et leurs périphéries sont représentées en blanc sur cette carte du CGET-ANCT « Campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées » (figure 2), et les campagnes en gris, en orange et en rouge. Ainsi, c’est presque tout le territoire français qui est considéré comme peu dense. Les départements « ruraux » sont avant tout ceux situés en altitude (Pyrénées, Alpes, Cévennes, Massif central). Alternant les couleurs rouge et orange, nombre d’entre eux sont répartis des Pyrénées aux Vosges en passant par la Nièvre, le Cantal, le Gers, etc. Les autres se trouvent autour de Paris jusqu’à la pointe bretonne et la pointe nord du territoire.

    Davantage d’hospitalisations dans les espaces urbanisés

    En superposant les données de Santé publique France à celles des cartes du gouvernement et de l’ESRI-France, nous observons plusieurs tendances. Les effectifs hospitalisés (rond rouge, figure 3) sont plus élevés dans les départements des grandes villes que dans les départements peu denses (rouge-orange, figure 2). Ceci s’explique en partie par le fait qu’une population plus importante dans les territoires denses augmente le risque de contamination et d’hospitalisation, mais aussi par un nombre important de services de soins et d’équipes médicales dans ces territoires, prenant en charge davantage de patients que dans d’autres moins peuplés. Autre supposition, complémentaire : le nombre de patients hospitalisés serait plus important dans les territoires urbanisés en raison des transferts de patients depuis les secteurs peu denses et moins équipés en services, moyens humains et matériels, vers les territoires denses et mieux équipés.

    On peut supposer également que les transferts de patients par l’armée ou par les trains ne se sont produits qu’entre grandes villes, et que les cas infectés dans chaque département sont pris en charge localement. De ce point de vue, en prenant le ratio (nombre d’hospitalisés pour 100 000 habitants) représenté par les couleurs jaune-orange, orange foncé et rouge (ESRI-France), il semble que les territoires les moins densément peuplés, figurés en jaune clair, jaune orangé et orange (figure 2), soient moins touchés, avec moins d’hospitalisations que les départements des grandes villes (rouge foncé, figure 3).
    Répartition spatiale : exceptions « rurales » et corridors urbanisés

    Une exception se dégage toutefois. Les départements les moins peuplés (figure 2) entre Paris et Strasbourg comptent énormément d’hospitalisations : Aube, Haute-Marne, Marne, Meuse, Vosges apparaissent en rouge (figure 3). Ici, nous supposons qu’il faudrait aussi prendre en compte les flux, c’est-à-dire les déplacements. C’est ce qui a justifié la mesure du confinement général de la population : plus de déplacements = plus de probabilité de contamination = plus de cas = plus d’hospitalisations = plus de décès éventuels. Cette zone géographique inclut notamment un axe passant et économique entre deux grandes métropoles, densément peuplées. Des personnes infectées auraient pu ainsi effectuer des déplacements domicile-travail, professionnels ou autres vers ces territoires moins denses, propageant le virus dans ces départements globalement « ruraux ».

    D’autre part, cette situation pourrait encore s’expliquer par le nombre de personnes infectées, admises et soignées dans un hôpital autre que celui de leur département d’origine. Ces départements « ruraux » verraient ainsi leur nombre d’hospitalisations augmenter avec des patients venant d’autres territoires plus urbanisés. Enfin, il conviendra de s’interroger plus en détail sur les territoires de montagnes proches de l’Italie.

    Le nombre de décès rapporté est important sur un autre axe Strasbourg-Lyon-Marseille. Assez fréquentés en termes de trafic et de transferts, de tels axes sont aussi plus denses et urbanisés que les autres départements et desservent de nombreuses villes (corridor de couleur verte sur la figure 2). La question des flux, facteur de circulation du virus, se pose ici sans aucun doute. Le nombre important d’hospitalisations et de décès s’expliquerait dans les campagnes sous influence de ces grandes villes (Ardèche, Vosges, etc.).
    Des déplacements vers des territoires « urbains et ruraux »

    Sur la carte de l’INSEE effectuée à partir des données de l’opérateur de téléphonie mobile Orange pour représenter les déplacements de personnes depuis Paris vers les « campagnes » (17 % de Parisiens en déplacement juste avant le début du confinement), et en supposant que certaines de ces personnes étaient porteuses du Covid-19, on peut faire l’hypothèse que ces dernières seraient essentiellement allées vers l’est et le sud-est de la France, et notamment le long d’un axe Strasbourg (plutôt Vosges et Ardennes)-Lyon-Marseille. Ainsi, les départements les plus touchés en termes d’hospitalisations et de décès sont aussi ceux où un nombre important de personnes sont présentes en nuitée, selon la carte de l’INSEE [3]. Les départements « ruraux » comme « urbains » sont touchés sur cet axe.

    Certains départements « ruraux » font exception

    L’Ardèche et la Drôme, relativement peu denses (figure 2), ont vu leur taux de nuitée augmenter de plus de 4 % ; or, les cas hospitalisés et les décès sont également importants dans ces deux départements. Certes, ce ne sont là que des observations cartographiques basées sur des statistiques, et qui devront être étoffées et affinées. À titre de contre-exemple, le Gers a connu une arrivée importante de personnes en provenance de Paris mais, avec des cas d’infection ayant conduit à une hospitalisation et des cas de décès moins nombreux que d’autres territoires (bien que le département soit plus touché que ceux situés à proximité).

    Les cas de la Meuse, Aisne, Vosges (rouge, figure 3), territoires « ruraux », nous interrogent. Dans ces territoires peu densément peuplés, le nombre de décès est assez important en termes de ratio ou d’effectif. Ceci pourrait s’expliquer par l’arrivée de patients hospitalisés issus d’autres départements, venus gonfler les effectifs dans ces trois départements (à quoi il faut ajouter le facteur des déplacements mentionnés plus haut).

    Enfin, l’Indre et l’Aude ressortent en orange foncé (figure 3) en termes d’hospitalisation et de décès par rapport aux autres départements situés à proximité (jaune clair ou jaune orangé). Cela est-il dû aux déplacements avant le confinement ? Ou bien le fait de disposer d’axes et de liaisons (aériens, ferroviaires, routiers) moins importants et moins nombreux réduirait-il la circulation du virus dans les départements limitrophes ?

    Certains territoires dits « ruraux » ou moins denses sont donc également touchés par rapport aux territoires plus densifiés, avec un nombre important de cas infectés ou de décès : ceci peut s’expliquer par leur situation géographique (proximité d’aires urbaines importantes, d’axes de communication fréquentés) ou (de manière non exclusive) par une augmentation de personnes infectées due aux déplacements effectués avant le confinement de la région parisienne vers ces territoires.
    Des hôpitaux saturés et des services publics quotidiens au ralenti en milieu rural

    Au-delà d’une opposition typologique entre villes et campagnes (dont le confinement fait observer l’interdépendance : soutien de la population aux producteurs locaux, incitation ministérielle à aider les agriculteurs, renforcement des circuits courts, augmentation du nombre d’habitants dans certaines communes profitant aux commerces locaux, etc.), en termes d’accès aux services publics dans les lieux habités des territoires peu denses, le confinement pourrait être un inconvénient socio-économique pour les territoires ruraux. Des services publics – ou ayant récemment perdu leur statut public – sont fermés ou tournent au ralenti, comme les postes. Les maires de nombreux villages ou bourgs s’opposent à la fermeture de ces établissements nécessaires à la vie quotidienne des populations, en particulier vieillissantes (et à risques).

    Dans les hôpitaux, le nombre de lits des services de réanimation varie selon les territoires, en fonction du nombre d’habitants. Selon la carte de l’ESRI-France et du gouvernement, certains territoires ruraux seraient en « surcapacité » – c’est-à-dire en surcharge ou en saturation : les lits de réanimation disponibles et occupés étant en insuffisance par rapport au nombre de patients. L’Ardèche, département « rural », est à 313 % de surcapacité avec 25 patients en réanimation pour 8 lits ; les Vosges sont à 363 % (29 patients pour 8 lits), la Creuse à 188 % (15 patients pour 8 lits), la Seine-et-Marne à 269 % (207 patients pour 77 lits).

    En Seine-et-Marne, la population proche de Paris est plus importante, ce qui peut expliquer un nombre important de patients hospitalisés, en plus des transferts supposés inter-hôpitaux au sein de l’Île-de-France. Une « surcapacité » des lits disponibles et occupés s’observe de manière globale sur la partie est de la France : du Vaucluse au Pas-de-Calais en passant par le Loir-et-Cher et de nombreux territoires ruraux. Là aussi, il faudrait comptabiliser, s’il y a lieu, les cas autochtones traités dans le département d’origine ou bien les transferts de patients effectués. Par rapport au nombre d’habitants et aux capacités des hôpitaux en temps normal, les territoires ruraux de l’Ardèche au Pas-de-Calais sont en « surcapacité » par rapport aux territoires plus denses alors que, globalement, ces territoires sont moins touchés par le virus. Ces observations retrouvent néanmoins l’axe fortement urbanisé Marseille-Lyon-Nord-Strasbourg.

    Distanciation spatiale

    L’utilisation des outils et données cartographiques permet d’observer de nombreuses dynamiques en lien avec l’occupation de l’espace, la typologie des lieux urbanisés et ruraux et les moyens utilisés par la population afin d’occuper ces espaces. De manière globale, plus nous nous dirigeons vers l’ouest et le sud-ouest de la France, moins les cas infectés et les décès sont nombreux. Des territoires ruraux sont plus touchés que d’autres. Inversement, plus nous nous dirigeons vers le nord-est et l’est et plus le nombre de territoires touchés augmente.

    L’influence des territoires fortement urbanisés et densifiés se traduit ici dans la propagation des territoires ruraux limitrophes. L’axe nord-sud, du Pas-de-Calais aux Bouches-du-Rhône, est le plus touché. Enfin, le nombre de décès est important dans les départements limitrophes de Paris. Il sera intéressant, en changeant d’échelle, de voir si à mesure qu’on s’éloigne de Paris (ou d’autres métropoles, dans le corridor peu dense – « campagne urbaine » –, par exemple Clermont-Ferrand), le nombre de personnes infectées diminue.

    D’un côté, la distanciation spatiale par les reliefs et les grands espaces, les infrastructures de communication et l’utilisation de la voiture, jouent un rôle de barrière entre territoires plus impactés par le virus et territoires relativement épargnés. De l’autre, cette analyse cartographique permet d’observer une véritable interrelation entre les territoires (campagne sous influence urbaine), et pose ainsi la question de la densité dans les villes comme un indicateur à réinterroger dans le cadre d’un urbanisme plus durable et plus sain.

    Le confinement et l’éloignement géographique entre territoires seraient donc des indicateurs permettant de mesurer le taux de propagation du virus. Les « campagnes » apparaissent relativement moins touchées. Mais les déplacements avant le confinement vers ces « campagnes », les déplacements ponctuels (achats, aides, etc.) pourraient être d’autres facteurs de circulation du virus dans les territoires ruraux.

    Cette première observation spatiale du Covid-19 entre territoires dense et peu dense, entre villes et campagnes, devra être affinée et confrontée à d’autres indicateurs et échelles cartographiques. Les tests à grande échelle, le nombre de cas par commune et le nombre de transferts permettront sans doute d’y voir plus clair. Le facteur temporel de propagation du virus le long d’un axe allant du nord-est au sud-ouest du territoire devra être observé à moyen et à long terme. Le taux de pollution devra être pris en compte car, selon certaines études scientifiques, il y aurait un lien entre pollution et nombre de décès du Covid-19 [4]. Cet indicateur rapporté aux territoires et au nombre de décès du virus renvoie à la question des territoires urbanisés soumis à un taux de pollution plus élevé que les territoires peu denses (même si d’autres types de pollution existent dans les campagnes).

    Il faudra aller au-delà de l’observation est/ouest de la France, car des exceptions géographiques territoriales existent ; certains territoires fortement « métropolisés » (comme la Haute-Garonne) sont moins touchés par le virus que d’autres. Des territoires ruraux situés à proximité de « clusters » (Oise, Alsace) sont touchés également. En outre, comme indiqué plus haut, il faudra affiner les observations entre métropoles et villes moyennes, campagnes urbaines et éloignées, etc. Et les villes moyennes semblent plus fortement touchées [5]. Enfin, les flux migratoires de Paris vers les territoires littoraux seraient à étudier en détail.

    La campagne serait-elle une zone de refuge face aux virus ? Faut-il s’attendre à un regain de population dans les campagnes ? Oui et non. Beaucoup d’entre elles, à proximité de nombreux services et sous influence urbaine, sont touchées par le virus. La ville, comme la campagne, a des avantages et des inconvénients. Mais ces premières observations géographiques ouvrent d’autres questions problématiques : l’influence des espaces urbanisés sur les campagnes, les axes de communication nécessaires au bon fonctionnement des territoires ruraux, le rapport avec l’espace qui nous entoure, le sentiment d’éloignement dans certains territoires, une progression de l’étalement urbain, le développement de services dans les campagnes pour assurer les besoins des nouveaux arrivants… Un autre enjeu à prendre en compte est que les villes pourraient rester prioritairement alimentées et sécurisées (services, soins, etc.) lors de nouvelles pandémies [6].

    https://www.metropolitiques.eu/Covid-19-les-campagnes-moins-touchees-que-les-villes.html
    #coronavirus #cartographie #visualisation #données #campagnes #villes #distanciation_sociale #hospitalisation #épidémiologie #propagation #corridors_urbanisés #répartition_spatiale #démographie #structure_démographique #âge

    ping @reka @simplicissimus

  • Coronavirus : la mortalité en réanimation beaucoup plus forte qu’annoncée en France
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/27/coronavirus-la-mortalite-en-reanimation-beaucoup-plus-forte-qu-annoncee-en-f

    Quel est le taux de mortalité des patients malades du Covid-19 en réanimation ? Selon le ministère de la santé, il serait de 10 %. Ce chiffre a été annoncé par Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, lors de saconférence de presse du 17 avril. Selon les informations du Monde, il est largement sous-estimé. Aujourd’hui, il serait en effet de l’ordre de 30 % à 40 %, soit trois à quatre fois plus important que le bilan officiel communiqué par le gouvernement. Dimanche 26 avril, 4 682 patients Covid étaient en réanimation.

  • Le président du conseil scientifique demande « d’impliquer la société »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220420/le-president-du-conseil-scientifique-demande-d-impliquer-la-societe?onglet

    Dans une note confidentielle révélée par Mediapart, le président du conseil scientifique estime qu’il est urgent d’associer la société à la gestion de la crise sanitaire pour ne pas alimenter « la critique d’une gestion autoritaire et déconnectée de la vie des gens »

    C’est une note confidentielle transmise le 14 avril à l’Élysée, au premier ministre et au ministre de la santé. Rédigée par Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, elle vient bousculer le pouvoir et sa gestion de la crise sanitaire. Au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron, le 13 avril, ce document en appelle en effet à une mobilisation urgente de la société.

    Jean-François Delfraissy propose une série de mesures nouvelles qu’il dit avoir discutées et élaborées avec les présidents du Conseil économique, social et environnemental (CESE), de la Conférence nationale de santé (CNS) et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Il ne s’agit pas de créer « une usine à gaz » , précise Jean-François Delfraissy, mais de « s’appuyer sur les instances déjà existantes et leur réseau » .

    Créé dans l’urgence le 10 mars, le conseil scientifique est chargé de conseiller et d’ « éclairer » le président de la République. Composé de onze membres, le conseil compte des scientifiques et des médecins. Il s’est aussi élargi à des spécialistes des sciences sociales (sociologue, anthropologue) et accueille depuis peu une responsable de l’organisation ATD-Quart Monde.

    Son président, Jean-François Delfraissy, insiste depuis ses premières interventions sur la nécessité d’une « démocratie sanitaire ». C’est-à-dire sur l’exigence de ne pas laisser les politiques, l’administration, les médecins gérer seuls une crise sanitaire exceptionnelle qui met à l’arrêt et en confinement le pays et sa population. Il l’a redit lors de son audition au Sénat, le 15 avril.

    Depuis le début de l’épidémie, ce n’est pas le chemin choisi par l’exécutif. Les interventions solitaires du chef de l’État transformé en chef de guerre, les conférences de presse ministérielles n’ont cessé de mettre en scène quotidiennement cette verticale du pouvoir face à une population infantilisée et considérée comme passive.

    La préparation du déconfinement fera-t-elle changer les choses ? Le pouvoir semble sur le point de réaliser qu’il ne pourra plus faire seul, sans les élus locaux, les maires surtout. Mais les grandes ONG, les associations, la société civile, la multitude d’initiatives et de solidarités concrètes qui se construisent sur le terrain demeurent ignorées.

    D’où la mise en garde et la critique implicite que l’on découvre dans cette note titrée « L’urgence sociétale, l’inclusion et la participation de la société à la réponse du Covid-19. »
    Libertés publiques, inégalités sociales, « démocratie sanitaire » : « Les questions éthiques et sociales sont désormais nombreuses […] elles méritent d’être discutées dans des lieux où les acteurs de la démocratie sanitaire peuvent retrouver un rôle actif » , précise cette note.

    Pourquoi est-il urgent d’impliquer la société ? Pour mieux construire l’adhésion de la population aux mesures prises, pour profiter des savoirs de la société civile, pour mieux organiser les réponses locales. Mais pas seulement. Cette note met en garde le pouvoir sur « la méfiance à l’endroit des élites » et la formation d’une « contre-société » sur Internet.

    Surtout le conseil scientifique prévient le pouvoir politique : un « vaste débat s’ouvrira sur la gestion de la crise » . « L’exclusion des organisations de la société civile peut facilement ouvrir la voie à la critique d’une gestion autoritaire et déconnectée de la vie des gens. À l’inverse, leur participation leur donnera une forte légitimité pour prendre la parole au nom de la société et formuler des propositions. »

    Dans cette note, il est donc demandé d’organiser une véritable « participation citoyenne » . Créer un comité de liaison avec la société, créer une plateforme participative, interface de dialogue avec les citoyens sont deux des propositions faites dans cette note. À ce jour, le gouvernement n’a apporté aucune réponse aux demandes ainsi énoncées.

    L’intégralité de la note
    https://static.mediapart.fr/files/2020/04/22/une-urgence-socie-tale-linclusion-et-la-participation-de-la-societe

    Bref, le gouvernement est pris à revers ah ah ah. Malgré le bla bla participatif, il s’agit bien de construire collectivement une "immunité de masse" qui n’a rien à voir avec cette immunité de troupeau découlant de néfastes et illusoires "lois de la nature".

    #crise_sanitaire #intelligence_collective #savoir #prévention

    et pas #hospitalo-centrisme (ping @sinehebdo) #bureaucratie

    • Bon... je me suis planté (quelqu’un aurait pu le dire !), les # ci-dessus, bien loin du texte, ne sont qu’un résumé lapidaire de ce qui parait indispensable si on ne se confie pas seulement à la médecine et à l’État.
      Tout compte fait c’est le bla-bla participatif destiné à combler la béance entre la gestion d’État et la vie sociale qui domine (tout au plus un micro "Jupiter descend de ton piédestal"), ne serait-ce que pour prévenir le contrecoup que tout desserement des mesures actuelles (liberté de circulation et de contact accrus et suppression du chômage partiel, c’est mécaniquement explosif).

      Le « impliquer la société » du conseil scientifique peut bien évoquer la diversité des formes d’expertise, il ne fait aucune référence explicite aux #pratiques_sociales et à leur richesse, à leurs potentialités, privilégiant une énième instance au sommet " sous l’autorité du premier ministre"... La richesse se mesure en fric, la valeur en diplômes. On reste dans la négation de la collectif, instrumentalisé ou géré comme population.
      Deux personnes estampillées sciences humaines, et une ATD quart monde qui rappellent qu’il ya des ONG, pfff.

      Il suffit pourtant de voir les pratiques de solidarité (alimentation, entraide) et de prévention, dont la confection de masques en cours depuis déjà trois semaines, y compris hors entreprise, et hors cadre associatif préexistant, avec laquelle tout un apprentissage collectif de la vie avec et contre le virus se fait, pour constater l’avance prise par ces pratiques sur celles d’un moloch étatico-hospitalier qui n’a même presque rien fait de la médecine de ville, la mettant au chômage technique, au lieu de l’impliquer dans un tout autre maillage du territoire que celui du 15 et de la police, maillage composite, nécessairement, qui permettrait une prise en charge sociale de ces dimensions du care au lieu de faire harceler et casser la gueule par les flics de bon nombre d’acteurs du soin, de la prévention, de la solidarité.

      De toute dynamique sociale, il ne savent qu’avoir peur. Ils ne vont pas au-delà, ne se ménagent aucune marge. Leur gestion biopolitique ne peut qu’être violente.

    • Ça me fait penser au conseil de l’éthique d’IdF (je ne sais plus l’intitulé mais Irène Pereira en parle ici, interview à 7’ et quelques http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/2020-04-17/Voix_sans_maitre_17-04-2020_20h00.mp3) qui ne dit pas qu’il faut trier les malades sur des critères éthiques mais qu’il ne faut pas que les gens aient l’impression que les malades sont triés sur des critères inéquitables ou arbitraires !

  • Coronavirus : 5,7 % de la population française aura été infectée le 11 mai, selon une étude inédite
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/21/coronavirus-5-7-de-la-population-francaise-aura-ete-infectee-le-11-mai-selon

    Une étude publiée par une équipe d’épidémiologistes donne pour la première fois une photographie de l’épidémie en France et souligne « l’impact massif » du confinement sur la propagation du virus.



    Le 11 mai, lorsque le confinement commencera à être progressivement levé en France métropolitaine, 3,7 millions d’habitants, soit 5,7 % de la population, auront déjà été en contact avec le SARS-CoV-2. Une prévalence de l’infection très loin des 70 % qui seraient nécessaires pour obtenir une protection collective par la seule immunité de groupe. Voilà ce que révèle la première « photographie » de l’épidémie réalisée par des chercheurs de l’Institut Pasteur, de Santé publique France et de l’Inserm.

    Mis en ligne mardi 21 avril,
    https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181
    leurs résultats et leurs prévisions montrent « l’impact massif qu’a eu le confinement en France sur la propagation du SARS-CoV-2 » . Selon leurs calculs, le nombre d’individus contaminés par chaque personne infectée est passé de 3,3 avant la mise en place du confinement le 17 mars à 0,5, soit une réduction de 84 %.

    En Ile-de-France, 12 % de la population immunisée

    Le fait que moins de 6 % de la population seulement ait pu développer des défenses immunitaires contre le nouveau coronavirus pose un problème majeur. « Nos résultats suggèrent fortement que, sans un vaccin, l’immunité de groupe sera insuffisante à elle seule pour éviter une seconde vague à la fin du confinement. Des mesures de contrôle efficaces devront être maintenues au-delà du 11 mai » , concluent-ils.

    Cette proportion varie d’une région à l’autre. En Ile-de-France ou dans le Grand-Est, les régions les plus touchées, les épidémiologistes estiment le taux d’immunisation à 12 % en moyenne, mais elle chute à moins de 2 % en Nouvelle-Aquitaine, en Bretagne ou en Pays de la Loire. Elle oscille entre 5 % et 6 % dans les régions où le SARS-CoV-2 a davantage circulé comme les Hauts-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté ou encore la Corse. « Il y a encore pas mal d’incertitudes sur ces chiffres, avec des fourchettes assez larges » , précise l’épidémiologiste de l’Institut Pasteur Simon Cauchemez, auteur principal de l’étude. « Mais qu’on soit à 5 % ou à 10 %, cela ne change pas grand-chose pour la suite » , ajoute-t-il.



    Pour obtenir ces chiffres, les scientifiques ont utilisé deux jeux de données : le nombre de décès dans les hôpitaux en France, et l’enquête menée à bord du Diamond-Princess, ce navire de croisière mis en quarantaine au large des côtes japonaises. Tous les passagers à bord avaient été testés, ce qui a permis de connaître la proportion des personnes infectées par le SARS-Cov-2 finalement décédées.

    1 décès pour 200 personnes infectées

    Ces informations, qu’ils ont croisées et corrigées pour tenir compte notamment de la structure d’âge, leur ont permis de déterminer le taux de létalité du Covid-19 : 0,53 %, soit un chiffre proche des 0,5 % à 0,7 % avancés dans d’autres études à partir des données chinoises. A partir de là, il a suffi aux épidémiologistes de « remonter le temps ». « Si vous avez 100 morts et que la probabilité de mourir lorsqu’on est infecté est de 0,5 %, on peut en déduire le nombre de personnes infectées au départ » , explique Simon Cauchemez.

    Ces estimations varient cependant beaucoup selon l’âge et le sexe : le taux de létalité n’est que de 0,001 % chez les moins de 20 ans, mais s’élève à 8,3 % chez les plus de 80 ans. Quel que soit l’âge, les hommes présentent un risque supérieur à celui des femmes d’hospitalisation pour le Covid-19, de passage en réanimation et de décès.



    Pour préciser leur tableau de l’épidémie, les épidémiologistes ont aussi calculé la probabilité pour une personne infectée d’être hospitalisée. Selon leurs calculs, elle s’élève à 2,6 %, ce qui est bien inférieur à une première estimation de 4,5 % réalisée sur la base des données chinoises. Une fois hospitalisés, une minorité des patients doivent être admis dans un service de réanimation : c’est le cas de 18,2 % d’entre eux, après un délai moyen d’hospitalisation d’un jour et demi. Sans surprise, la probabilité de devoir aller en réanimation augmente avec l’âge, avec un « plafond » à 70 ans. Au-delà, les malades sont plus rarement transférés dans ces unités-là, car les chances de guérison sont très faibles.

    En analysant les délais entre l’hospitalisation et le décès du patient, les chercheurs ont clairement distingué deux sous-populations : des personnes décédant moins d’un jour après leur entrée à l’hôpital représentant 15 % des décès ; et les 85 % restants, des personnes mourant un peu plus de treize jours après leur admission en moyenne.

    Après le 11 mai, 1 300 nouveaux cas par jour

    Les données recueillies jusqu’au 14 avril indiquent un impact spectaculaire du confinement sur le nombre d’admissions quotidiennes en réanimation : il s’élevait à 700 à la fin du mois de mars et n’atteignait plus que 200 à la mi-avril. Au 11 mai, les chercheurs estiment qu’il y aura dans ces unités entre 1 370 et 1 900 lits occupés, contre plus de 5 600 aujourd’hui.

    A partir du 11 mai, « il faudra faire quasi aussi bien que le confinement sans le confinement » , souligne Simon Cauchemez, en précisant que ces modélisations ne donnent pas d’indication sur l’efficacité des mesures qui peuvent être utilisées seules ou en combinaison pour ralentir l’épidémie : fermeture des écoles, télétravail, fermeture des lieux publics. Dans la mesure où, lors du confinement, tout le monde reste à la maison, « il sera difficile de différencier celles qui ont été les plus efficaces » .

    La contribution des enfants à la transmission, qui a été bien mesurée pendant des épidémies de grippe, reste ainsi incertaine. Il faudra attendre le résultat d’enquêtes de terrain, avec un dépistage systématique de la population pour mieux apprécier l’impact de différentes mesures de distanciation sociale, dans les régions où elles ont été mises en place avant le confinement du pays.

    La reconstitution précise de cette chaîne de transmission permettra en revanche d’alerter en temps réel les autorités sur la dynamique de l’épidémie. « L’objectif est de pouvoir dire plusieurs semaines à l’avance : si on continue sur cette trajectoire, voilà ce à quoi il faut s’attendre en nombre d’admissions, explique Simon Cauchemez. Cela permettra de savoir s’il faut renforcer les mesures de contrôle ou au contraire si on peut les relâcher. » Le nombre d’admissions en réanimation étant un indicateur « tardif » – compte tenu du délai entre l’infection et l’aggravation de la maladie –, de nouvelles données, comme les appels au 15, devraient être intégrées à l’avenir pour disposer d’un indicateur « avancé ».

    https://seenthis.net/messages/845766
    https://seenthis.net/messages/845839

    #crise_sanitaire #épidémiologie

  • Guiti News | Carnets de solidarité : la web-série qui change le regard sur l’hospitalité
    https://asile.ch/2020/04/06/guiti-news-carnets-de-solidarite-la-web-serie-qui-change-le-regard-sur-lhospit

    https://asile.ch/wp-content/uploads/2020/04/Capture-d’ecran-2020-04-06-a-10.59.51.png

    Dans une web-série de six épisodes intitulée “Carnets de solidarité”, Julia Montfort filme, décrit et analyse la relation entre les Français et les personnes migrantes. Elle y parle des préjugés comme des initiatives solidaires mises en place. L’idée de ce documentaire filmé est née en 2017, lorsqu’elle a accueilli chez elle Abdelhaq Adam, un jeune […]

    • Guiti News | Carnets de solidarité : la web-série qui change le regard sur l’#hospitalité

      Dans une #web-série de six épisodes intitulée “#Carnets_de_solidarité”, #Julia_Montfort filme, décrit et analyse la relation entre les Français et les personnes migrantes. Elle y parle des #préjugés comme des initiatives solidaires mises en place. L’idée de ce #documentaire filmé est née en 2017, lorsqu’elle a accueilli chez elle Abdelhaq Adam, un jeune Tchadien, et qu’ensemble, ils ont échangé sur son parcours de migration.

      En six épisodes qui s’articulent entre reportages, entretiens et récits d’expériences, Julia Montfort interroge les idées reçues sur le rapport des Français à l’immigration et met en valeur toute la solidarité dont l’Hexagone est capable. Un livre qui viendra compléter ces récits est prévu pour la rentrée prochaine et la campagne de financement pour le tournage de la saison deux, vient de débuter.

      Juin 2017, Julia Montfort, journaliste, décide d’ouvrir sa porte à Abdelhaq Adam, un jeune Tchadien, quelques jours pour aider. Abdelhaq est arrivé en France quelques mois plus tôt, il suit des cours de français à l’école Thot, la seule école diplômante pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas statutaires. C’est par ce biais qu’ils sont mis en contact.

      Quand Abdelhaq arrive chez Julia, son mari Cédric est en déplacement. L’accueillir à la maison, revient pour elle à héberger un inconnu croisé trois minutes plus tôt dans la rue. Ses interrogations et ses peurs sont nombreuses.

      « Qui est-il ? Et s’il s’en prenait à moi ? Et si c’était un terroriste ? ». Il s’avère que la cohabitation est facile, le quotidien pas si compliqué non plus. Bientôt, les quelques jours deviennent des semaines, puis des mois.

      « La solidarité bouillonnait autour de moi »

      « L’idée de filmer est arrivée quelques mois après, quand j’ai voulu comprendre son histoire », explique Julia. « En général, je vais chercher des histoires loin de chez moi. Cette fois-ci, elle se passait sous mon toit. Je pensais connaître ce que signifie l’exil, mais il lui a donné corps, face à moi, tous les matins à la table du petit-déjeuner ».

      La première fois qu’elle sort son téléphone pour filmer, elle est très loin de se douter que c’est le début d’un grand projet. « J’avais lancé un appel pour collecter des vêtements, beaucoup de gens ont répondu présent, Cette pulsion solidaire m’a émue et j’ai eu envie de filmer le moment où Abdelhaq essayait les vêtements. C’était hyper touchant ».

      Ils ont tous les deux beaucoup échangé autour de cette idée. Savoir comment être pudique sur ce qu’il a pu subir et en même temps faire en sorte que les spectateurs se rendent compte de ce que peut endurer un adolescent comme lui. D’abord forcé de fuir son pays, pour une fois arrivé au pays des droits de l’homme, se prendre un mur. « Une fois que j’ai pris conscience de tout ce qu’il avait traversé, je me suis dit mais en fait je loge un super héros ! »

      De son côté, Abdelhaq confie : « Au début j’étais un peu gêné par l’idée de la caméra, j’avais peur et en même temps j’avais vraiment envie de le faire ». Ils se mettent d’accord sur la manière de filmer. S’ajoutent une réflexion et un travail sur la forme que peut prendre ce récit et la façon de raconter.

      Une web-série accessible à tous, tout le temps

      Mon but est simple explique Julia « On veut nous faire croire que les français se renferment, moi je montre une autre réalité citoyenne. Les initiatives qui construisent l’accueil, l’hospitalité qui se bricole en réseau. Je veux mettre en avant une France chaleureuse et consciente de l’urgence sociale en cours. Faire changer le discours général crispé sur la question migratoire. »

      Pour ça, elle fait le choix de ne pas proposer son documentaire à des chaines de télévision. Chaque épisode doit être accessible au plus grand nombre sans limitation de durée. « J’ai voulu que ça soit une ressource, un outil pour que les personnes puissent réfléchir, découvrir un parcours d’asile singulier, nuancer ce qu’ils entendent sur les réseaux sociaux ».

      Sortie de la première saison : une onde se propage

      « Après la sortie du premier épisode, j’ai reçu entre 400 et 500 messages. Des témoignages de joie énorme, de craintes aussi, des récits d’expérience. J’ai réalisé que mon histoire n’était pas du tout isolée ».

      La web-série devient un point de ralliement, une communauté s’établit autour des carnets. Julia et Abdelhaq sont sollicités pour intervenir dans des écoles, des mairies, des événements culturels. Des professeurs en zone rurale la contactent pour intervenir dans des endroits isolés, parfois synonymes de repli sur soi.

      « Mon job , c’est de faire réfléchir, ensuite chacun décide des actions qu’il veut faire ». Le chemin n’est pas toujours évident. Elle se heurte à des attaques en ligne de groupes d’extrême droite. Mais le plus important ne se trouve pas là.

      « Il y a peu d’occasions dans la vie d’élargir sa famille comme ça. Tout le monde a gagné et a ressenti les bénéfices de l’entraide. On a tous un petit peu changé depuis qu’on connaît Abdelhaq, ça nous a ancré les pieds dans le sol et on a conscience de beaucoup plus de choses ».

      Une deuxième saison prévue en 2020

      La saison deux est envisagée comme un tour de France des pratiques de l’hospitalité. « J’ai découvert différents angles d’accroches que je n’aurais jamais imaginés. Des parrainages citoyens et même des adoptions ! ».

      Le but est aussi d’aller rencontrer ceux qui ne sont pas d’accord avec ce qui se raconte dans cette série. Comme ceux qui s’interrogent sur les motivations des municipalités et des agglomérations qui s’engagent et s’organisent pour accueillir, « C’est un mouvement complet que j’ai envie de raconter ».

      Ce travail sur la saison deux est en cours, puisque totalement financé par des spectateurs qui s’emparent du projet pour le soutenir.

      La crise du COVID-19 replace au centre la question de la solidarité, comme celle du rejet. Rejet de la “menace qui vient d’ailleurs”, de la figure de l’étranger. Mais elle fait aussi la part belle à la solidarité : des familles qui se sont organisées par réseau de connaissance pour accueillir quatre ou cinq migrants. Ou encore de personnes qui mettent leur logement à disposition, comme d’associations qui s’organisent pour limiter la casse.

      « Il y a une vraie galaxie de la solidarité sur internet. Et cette situation pose la question de la responsabilité, du devoir d’humanité : c’est à nous de réinventer la fraternité, même si l’Etat doit prendre sa part aussi ! »


      #série #contre-récit #asile #migrations #réfugiés #France #film

      ping @isskein @karine4

  • #Déplacer_les_montagnes

    Dans nos montagnes, là où nous avons choisi de vivre, nous voyions des espaces de liberté, des cols, des passages et des invitations au voyage. Nous avons vu une frontière se dessiner, de la #violence contre les personnes exilées, des drames et des élans de solidarité. Nous avons vu des portes s’ouvrir, des liens se nouer à la croisée de ces chemins d’#exil et d’#hospitalité. Nous avons eu envie de faire raconter cette aventure par ceux qui arrivent et celles et ceux qui accueillent. Parce que cette histoire de rencontres dit quelque chose de nous et du monde dans lequel nous vivons. Anne, Yves, Fanfan, Max et Alia habitent les vallées du Briançonnais. Les chemins de l’exil ont conduit Ossoul, Abdallah, Ali et Boubacar dans ces montagnes frontière et #refuge. Comment se rencontrent-ils ? Quels sont leurs rêves, leurs colères et leurs espoirs ? Comment tentent-ils de déplacer des montagnes ? Dans leurs récits et dans les moments de fraternité qu’ils partagent, s’esquissent des réponses et d’autres interrogations...

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/56196_1
    #film #documentaire #film_documentaire #montagne #asile #migrations #réfugiés #Briançon #Hautes-Alpes #Briançonnais #France #frontières #frontière_sud-alpine #accueil #solidarité #rencontres #Lætitia_Cuvelier #Isabelle_Mahenc #rencontre #maraude #maraudeurs

  • Compilation d’articles sur Luxfer

    30 mars 2020
    Coronavirus : une usine d’oxygène fermée par un fonds spéculatif demande sa nationalisation

    https://reporterre.net/Coronavirus-une-usine-d-oxygene-fermee-par-un-fonds-speculatif-demande-s

    Le 26 novembre 2018, face aux 136 salariés installés dans le réfectoire, un responsable — appelé « manager de transition » dans le jargon — du groupe britannique Luxfer Holding PLC, détenu par des fonds tels Fidelity ou encore BlackRock, a annoncé la fermeture définitive du site racheté en 2001. La production s’est arrêté en mai 2019.

    L’usine, pourtant bénéficiaire avec un carnet de commandes bien rempli, a fermé en juin et les salariés ont tous été licenciés. Avec 22 millions de chiffre d’affaires et un bénéfice d’un million d’euros en 2018, en progression de 55 % par rapport à l’année précédente, cette mise à mort est difficile à accepter pour les salariés.

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    Février 2019
    Luxfer : « Ils nous ont laissé mourir, ils ont laissé l’usine pourrir » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2019/02/12/luxfer-ils-nous-ont-laisse-mourir-ils-ont-laisse-l-usine-pourrir_1708987

    En fin de journée, les directeurs anglais avaient trouvé refuge, sous les huées, dans la mairie de Gerzat. Et devant l’usine bloquée, les salariés avaient rallumé un feu de palettes et de colère.

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    20 janvier 2020
    Conflit Luxfer : les salariés occupent l’usine depuis ce lundi à Gerzat
    https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/conflit-luxfer-les-salaries-occupent-l-usine-depuis-ce-lundi-1579517936

    Les Luxfer demandent une intervention directe du ministre de l’Economie, Bruno Lemaire. Depuis 14 mois, ils ont multiplié les rendez-vous avec les différents services de l’Etat, les membres de cabinets ministériels, sans succès. Tout le monde se renvoie la balle. Les salariés ont le sentiment d’être abandonnés par l’Etat et en comprennent pas pourquoi rien n’est fait pour sauvegarder un savoir faire qu’ils sont les seuls à posséder en France. Ils veulent donc une médiation avec le seul décisionnaire, le ministre, pour que l’Etat oblige Luxfer à respecter ses obligations.

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    Février 2020 / Communiqué CGT Luxfer
    Luxfer à Gerzat (63) | Les salariés réquisitionnent leur usine
    https://ftm-cgt.fr/luxfer-a-gerzat-63-les-salaries-requisitionnent-leur-usine

    Mais la volonté politique de désindustrialisation de notre pays ne s’arrête pas au Ministère de l’économie et des finances. En effet, le Président de Région M. #Wauquiez et la vice-présidente Mme André-Laurent ont détourné le regard lorsque cette usine s’est retrouvée fermée sans motif valable. Après de multiples requêtes, la présidence de la région a préféré ignorer les salariés gerzatois. Pire encore, ils se targuent auprès des organisations syndicales et de l’opposition d’être en contact avec les syndicats de #Luxfer, ce qui est totalement faux. A ce jour, les salariés n’ont toujours pas eu de rendez-vous. De la même façon, la préfète du Puy de Dôme (Mme Baudouin-Clerc) ne met plus en place les commissions de revitalisation de l’usine de Gerzat depuis février 2019. Pourtant, depuis, les salariés ont trouvé eux même un repreneur Jinjiang, puis ils ont monté eux même un projet de SCOP.

    Le 13 Janvier 2020, Luxfer a décidé de reprendre les démantèlements dans la plus parfaite illégalitée.

    En plus d’avoir servi à conforter leur position de monopole, ce plan de licenciement a permis à certains de nos actionnaires de spéculer sur la destruction de cette usine. Blackrock (Fond d’investissement qui a fait parler de lui lors de la réforme des retraites) a acheté 33M€ de titres avant la flambé de l’action Luxfer, pour en revendre une partie lorsqu’elle était au plus haut.

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    #Wauquiez
    #Bercy
    #etat_français

    #BlackRock
    #Fond_d’investissement
    #spéculateurs_assassins
    #surfusion_libérale
    #catastrophe_annoncée
    #oxygène
    #sauver_des_vies
    #hospitalisation

  • #Philippe_Lévy : « L’#hôpital va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue »

    Dans une tribune au Parisien - Aujourd’hui en France, le professeur des universités Philippe Lévy « lance une #alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler » à l’hôpital.

    « De tous les centres hospitalo-universitaires (#CHU) et de la majorité des #centres_hospitaliers généraux s’élève la même plainte. L’#épuisement du #personnel, la #perte_de_sens et — c’est nouveau — l’#insécurité_des_soins y sont décriés. L’#AP-HP est emblématique car c’est le plus grand établissement hospitalier d’Europe. Je souhaite par ces quelques lignes lancer une alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler.

    Le personnel non médical — infirmier(e) s, aide-soignant(e) s, psychologues… — est écrasé en raison de #salaires de misère, de plannings sans cesse modifiés, de l’impossibilité de se loger à proximité des hôpitaux, de la destruction des équipes attachées à un service, ne permettant pas une #formation adéquate ni la #transmission_du_savoir ni la #solidarité. Les infirmières n’ont plus les moyens d’accomplir leurs tâches dans le temps imparti… On doit fermer des lits par secteurs entiers, restreignant les capacités d’accueil. Il n’y a plus d’assistantes sociales pour accompagner la prise en charge des patients précaires.

    Dans les hôpitaux, il manque des manipulateurs radio. L’AP-HP remplace les #secrétaires par des #logiciels qui font des courriers. Mais les secrétaires organisent le temps des médecins, sont capables de distinguer l’urgence de l’accessoire, de gérer l’angoisse… L’#encadrement ne contrôle plus le #soin. Il est saturé par la gestion des plannings, les glissements de tâches. L’AP-HP a été sévèrement touchée par la #réforme_des_pôles qui a détruit les #unités_fonctionnelles qu’étaient les #services autour du #chef_de_service. La création des #pôles a généré d’innombrables réunions, des mises en place d’#indicateurs de #performance. Les super #pôles_interhospitaliers ont été inventés avec un responsable médical et un #cadre_paramédical très éloignés des différents services et de leurs préoccupations. Les #super_pôles ont encore moins bien fonctionné que les pôles. Puis on a créé, sans plus de succès, les #départements_médico-universitaires. Les jeunes #médecins sont maintenus dans un état précaire pendant des années. Malgré des besoins évidents de titulaires, ils restent #contractuels et sont renouvelés (ou non) tous les six mois. Ce sont pourtant des bacs +10, responsables de vies humaines !

    Les rapports avec les directions sont de plus en plus difficiles. Elles ne sont plus au service des équipes médicales, c’est l’inverse. Il nous faut remplir des #objectifs, expliquer des déficits, signer des contrats qui n’engagent que le #corps_médical. Il y a à l’AP-HP un #administratif pour deux médecins…

    On le comprendra, le problème de l’hôpital ne se limite pas aux urgences. C’est être aveugle que de le croire, de le dire, voire de le clamer. Voilà, mesdames et messieurs les futurs usagers, rapidement brossé le paysage dévasté de ce qui est fait de l’#hôpital_public censé pourtant assurer les soins au plus haut niveau de tous, pauvres comme riches, et assurer la recherche d’excellence et la formation. Nous sommes à un #point_de_non-retour où l’hôpital public va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue sous le regard avide de l’#hospitalisation_privée. Le #corps_médical et paramédical ainsi que la population doivent dire stop et se lever. Plus que temps ! »❞

    http://www.leparisien.fr/societe/philippe-levy-l-hopital-va-s-effondrer-comme-une-barre-obsolete-de-banlie
    #effondrement #privatisation #macronisme #santé #hôpital_public #accès_aux_soins #soins #précarité #new_management_public #néo-libéralisation #services_publics

  • « On peut parler de barbarie hospitalière » | Margaux Wartelle
    http://cqfd-journal.org/On-peut-parler-de-barbarie

    En France, près de 20 % des hospitalisations en psychiatrie sont effectuées sous contrainte, à la demande d’un tiers ou d’une autorité publique. Parmi les patients concernés, certains contestent la décision, mais la plupart ne connaissent pas leurs droits ou sont mal accompagnés. Longtemps membre du Groupe information asiles (GIA), lui-même ex-interné, André Bitton est aujourd’hui président du Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie (CRPA). Il y mène une lutte résolument antipsychiatrique, défendant une approche collective, centrée sur les droits des malades – hospitalisés sous contrainte ou non. Entretien. Source : (...)

  • L’accueil, la circulation et l’installation des migrants

    La question des migrants, de leur circulation, de leur installation et de leur parcours résidentiel, lorsqu’il a lieu, intéresse le #territoire. Elle l’intéresse non pas seulement en vertu des pouvoirs de police qui s’exercent en son nom mais en raison des enjeux proprement territoriaux qui s’y jouent et le constituent. Les établissements humains, quelle qu’en soit la forme -du campement au lotissement, du village à la métropole- sont le produit de ces flux, légaux et illégaux, qu’ils soient souhaités ou non. Phénomène historique établi (le patrimoine matériel et immatériel des villes en témoignent), ce processus se renouvelle sous les effets combinés des guerres, des crises économiques, du partage inégal des richesses et, demain, des effets du changement climatique.

    Des villes accueillent aujourd’hui ces migrants et exilés. Elles le font de façon volontariste parfois, tentant d’assumer la part d’#hospitalité constitutive de toute organisation humaine qui place les droits de l’individu au fondement de leur constitution. Elles le font de façon contrainte et « à reculons » également, laissant alors l’arbitraire s’installer, jetant un #voile_d’ignorance sur une #gestion_autoritaire des flux conduisant alors à la #violence et à l’#indignité. Entre les deux, des #pratiques s’inventent et des installations temporaires engagées sous le sceau de la #précarité se consolident. Des #solidarités voient le jour et des formes d’#urbanité émergent aux marges des villes, dans leurs #interstices ou dans les infrastructures d’urgence les plus éloignées en apparence de ce qui constitue les bases de la condition urbaine : le #droit_d’habiter et de circuler à sa guise.

    Il n’est pas question ici de porter un jugement sur la conduite des hommes et des femmes ou même des sociétés engagées dans ces processus mais d’examiner les conditions par lesquelles un territoire peut faire place à ces flux et faire droit aux hommes et aux femmes qui les composent : comment passer de l’#indécence à la #décence, de l’#illégal au #toléré, du #campement à la #ville, de la #fuite au #projet, bref comment reconnaître dans des situations que chacun pourra trouver inacceptables à l’aune de ses propres critères, la possibilité d’une #alternative satisfaisante du point de vue du #droit de ceux qui migrent comme de ceux qui demeurent, de ceux qui circulent comme de ceux qui s’installent, de ceux qui craignent pour leur identité comme de ceux qui craignent pour leur vie.

    http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/spip.php?page=article_print&id_article=1299
    #migrations #asile #accueil #villes #villes-refuge

    Ajouté à la métaliste sur les villes-refuge :
    https://seenthis.net/messages/759145

    ping @isskein @karine4

    • Villes et #réseaux_de_villes face à la question migratoire

      La période contemporaine est marquée par un processus, inédit par son ampleur et sa profondeur, de mondialisation économique, politique, culturelle, environnementale. Cette « troisième mondialisation » contribue à la mutation du rapport des sociétés à un espace désormais planétarisé. Face visible de cette mutation, la récente « crise des migrants » renvoie à une transformation profonde de la donne géopolitique planétaire susceptible d’affecter durablement le développement urbain. Dans ce contexte, certaines municipalités européennes lancent des initiatives collectives au sein de réseaux de villes pour promouvoir une #politique_d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile. Ces initiatives ouvrent un vaste chantier de recherche. Un chantier que l’action de recherche s’attachera à éclairer, en prenant comme objet d’analyse les réseaux transnationaux de villes, et en s’intéressant à la manière dont les #gouvernements_urbains se saisissent (ou non) de ces réseaux pour construire et institutionnaliser une #politique_locale pour répondre à la question migratoire.

      L’action de recherche, menée par le Laboratoire UMR 5206 Triangle en partenariat avec le PUCA, s’organise autour de 2 axes d’investigation :

      – le premier axe consacré à la façon dont les réseaux de villes se saisissent de la thématique migratoire. Il s’agit de comprendre la façon dont ces acteurs collectifs travaillent pour s’imposer à l’échelle communautaire. Comment les villes prennent-elles part aux réflexions menées par les institutions européennes sur les politiques migratoires, en considérant aussi bien les enjeux d’intégration que d’accueil ? De quelle manière les villes envisagent-elles collectivement leur rôle dans l’architecture des politiques européennes d’immigration et d’intégration ? En quoi cet investissement donne-t-il à voir la manière dont les villes participent à catégoriser les populations migrantes dans l’espace européen ?

      – le deuxième axe porte sur les effets de la participation des villes à ces réseaux de villes européens. L’objectif ici est de saisir concrètement l’appropriation par les acteurs urbains de leur investissement sur la scène européenne et de leurs effets sur l’action publique locale envisagée. Cet axe de questionnement est aussi l’occasion d’interroger d’autres espaces régionaux comme le Canada. Par ailleurs, en considérant la ville comme un acteur collectif, il s’agit de réfléchir aux positionnements d’acteurs locaux non municipaux, tels que les associations ou les acteurs économiques dans ces politiques d’accueil organisées par les décideurs publics locaux.

      http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/villes-et-reseaux-de-villes-face-a-la-question-a1219.html
      #réseau

    • La ville accueillante - Accueillir à #Grande-Synthe. Question théoriques et pratiques sur les exilés, l’#architecture et la ville

      Comment répondre aux défis posés aux villes par les migrations ? Quelles solutions architecturales et urbaines proposer quand les manières actuelles de fabriquer la ville semblent ne pas savoir répondre aux problématiques de l’accueil, pour tous les « indésirables » des villes : Migrants, SDFs, Roms… ?
      La Ville Accueillante est un projet de recherche-pédagogie-action qui s’est mis en place à partir de l’expérience de Grande-Synthe entre 2015 et 2017, quand la Mairie, Médecins Sans Frontières et de nombreuses associations ont tenté de mettre en place une réponse coordonnée à cette crise de l’accueil.
      Partant d’une analyse poussée de ce qui s’y est joué, ainsi que de retours d’expériences faits dans des villes du monde entier, des scénarios et des pistes de solutions sont alors proposés pour aller dans le sens d’une pensée architecturale et urbaine de l’accueil : la Ville Accueillante.

      http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/la-ville-accueillante-accueillir-a-grande-synthe-a1439.html

  • Réinventer l’accueil et rejeter les politiques migratoires actuelles

    Karine Gatelier et Cristina Del Biaggio ont été interviewées par le magazine « Faim et développement », porté par le Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement « Terre Solidaire ». Dans le cadre de ce reportage centré sur les mouvements d’accueil citoyen grenoblois, les deux chercheuses se sont exprimées sur le rôle des collectifs et de la ville dans l’accueil des personnes migrantes :


    –-> mini-interview de @karine4 et moi-même pour le magazine Faim et développement - Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement « Terre Solidaire » (décembre 2019)

    https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/reinventer-l-accueil-et-rejeter-les-politiques-migratoires-actuelles-
    #accueil #asile #migrations #réfugiés #collectifs_solidaires #Grenoble #politisation #prise_de_conscience #violence #injustice #solidarité #villes-refuge #hospitalité #politique_de_l'hospitalité #autonomie #citoyenneté #citoyenneté_en_actes
    ping @isskein

    • Sur comment @karine4 interprète le concept de citoyenneté, voir aussi :

      Pour une anthropologie de la citoyenneté à partir des luttes sociales des exilés

      Dans les années 90, la France a connu une lutte sociale dite des «  sans papiers  », qui a vu une forte mobilisation des populations en situation irrégulière, soutenues par des Français, et qui tous ensemble ont dénoncé des situations d’injustice et revendiqué l’application des droits et l’élargissement des conditions de régularisation du séjour sur le territoire. La question migratoire revient en force dans l’actualité et de façon spectaculaire depuis 2015, puisqu’on voit que les sociétés européennes connaissent un moment migratoire d’une ampleur nouvelle. Parallèlement, les systèmes d’asile européens échouent à mettre en œuvre les droits fondamentaux et la protection des personnes en besoin  ; les politiques migratoires offrent de moins en moins de possibilités d’entrée et d’installation sur le territoire.

      Cet article prend pour fondement l’observation empirique du quotidien de personnes dans des situations administratives diverses. Certaines vivent et s’intègrent dans la société française et mènent une existence, riche d’une socialisation, de contributions à la société et de participation sous diverses formes, sans pour autant être régularisées au titre du séjour.

      Les pratiques quotidiennes de ces personnes servent de base pour réfléchir aux modalités de leur présence et de leur participation dans notre société et questionner les instruments juridiques disponibles. À partir du constat de leur participation à l’espace social et politique, c’est le concept de «  citoyenneté  » qui est examiné pour faire une nouvelle lecture des modalités de leur présence, et le questionner.

      Loin d’une conception de leur présence comme une errance, les pratiques qui ancrent les exilés dans la ville sont les mêmes qui peuvent former la base pour une ré-interprétation de la citoyenneté dans un contexte migratoire renouvelé : la citoyenneté avait été revisitée avec la construction de l’Union européenne et les perspectives qu’elle ouvrait de remises en cause des souverainetés nationales. Elle avait donné lieu à de nombreux travaux. De la même manière, le moment que l’Union européenne est en train de vivre avec ce phénomène migratoire rarement aussi important, devrait donner lieu à une réflexion sur qui sont les citoyens européens.

      Cette proposition ouvre un horizon idéologique mais surtout elle se veut la manifestation d’un hiatus : entre les discours de la classe politique et la réalité d’une société dont des segments entiers sont exclus de la vie publique ou existent seulement pour se voir adresser des politiques sécuritaires pour les exclure encore plus, les repousser encore plus loin, les priver encore davantage de leurs droits. Dans ce contexte, nous trouvons particulièrement pertinent le constat de la sortie de la «  société des semblables  » (Léon Bourgeois, Robert Castel) et celui de la fragmentation du corps social, pour interroger à la fois la nature de notre société et questionner la durabilité de son modèle.

      Dans une publication récente, Robert Castel1 empreinte à Léon Bourgeois sa définition de la «  société des semblables  » : «  une société dont tous les membres disposent des ressources et des droits de base nécessaires pour s’inscrire dans des systèmes d’échanges réciproques au sein desquels chacun peut être traité à parité  ». La société des semblables donne par conséquent la possibilité à tous ses citoyens de «  disposer d’un minimum de ressources et de droits indispensables pour s’assurer une certaine indépendance sociale  ». C’est l’indépendance sociale minimale qui permet à chacun d’être maître de ses choix et d’éviter la dépendance, la sujétion, l’assistance «   qui fait que de faibles ressources vous sont octroyées sur la base d’une déficience  ».

      Cette étude prend pour hypothèse une citoyenneté en actes et cherche à la documenter par la description de pratiques quotidiennes de participation, de contribution ou encore d’interventions comme autant de manières pour ces personnes de ré-inventer de la citoyenneté.

      Après une description du terrain, cet article exposera la démarche ethnographique de recueil de quelques pratiques – habituer un squat, un cycle d’ateliers de coproduction de connaissance sur la procédure de l’asile et le bénévolat associatif. Elles seront ensuite analysées dans un corpus théorique qui permet de les lire comme autant d’ancrages dans un espace précis, celui de la ville  ; et selon des modalités qui oscillent entre la désobéissance et la coopération avec les pouvoirs publics.

      Le terrain de la recherche

      Le terrain de recherche est donc à comprendre au sens des «  nouveaux terrains  » tels que désignés par l’anthropologie depuis les années 90, à savoir : en rupture avec l’idée d’un terrain territorialisé et délimité avec précision qui s’inscrit dans une perspective monographique sur la base d’un essentialisme identitaire, bien souvent ethniciste. La mondialisation a notamment induit une transformation des représentations de l’individu vers un individualisme accru remettant en cause nos lectures des communautés et de ce qui les fondent et les relient. Du même fait, elle a opéré une rupture avec la séparation Nord-Sud et la division entre le proche et le lointain. Les anthropologues ne s’intéressent plus seulement aux sociétés lointaines mais ils travaillent également dans les sociétés occidentales : dans quelles conditions cette discipline continue de fournir des outils pertinents pour les comprendre  ? En critiquant d’abord l’ethnologie classique comme ethnique et monographique (inventaire culturel), il s’agit de comprendre que les communautés, les lieux de production du commun, se sont transformés, imposant de penser les terrains non plus territorialisés, dans une production monographique mais, dans une démarche inductive (de l’observation à l’interprétation  ; de l’enquête à l’analyse), d’identifier les lieux et toutes les situations contemporaines qui, dans un contexte d’individualisation extrême et de développement de l’urbanité, font communauté.

      Étudier et rendre compte d’un terrain (un quartier par exemple) consiste également à le décrire aussi à travers ses circulations, ses échanges, ses contacts. C’est voir le monde à travers un lieu, comprendre les enjeux à des échelles plus larges à partir du terrain : par les connexions avec l’extérieur du «  terrain  », par les circulations, par les similitudes des situations, des logiques et des enjeux. Cette réflexion critique sur les terrains cherche ainsi à critiquer le «  lieu anthropologique  », traditionnellement délimité spatialement et formant la base d’un travail monographique, pour aller vers une autre approche des terrains, parfois qualifiés de «  non-lieux  » - c’est-à-dire le multi-site et les réseaux.

      Ce non-lieu de l’anthropologie et l’anti-monde des géographes :

      Le «  non-lieu  » (Augé, 1992) de l’anthropologie est cette «  instance  » (Agier, 2013) représentée par les lieux et toutes les situations contemporaines qui, dans un contexte d’individualisation extrême et de développement de l’urbanité, font communauté, ce sont les lieux de production du commun. Les anthropologues ont proposé une autre approche des terrains, parfois qualifiés de «  non-lieux  » - c’est-à-dire le multi-site et les réseaux.

      L’anti-monde est cette «  partie du monde mal connue et qui tient à le rester, qui se présente à la fois comme le négatif du monde et comme son double indispensable  » (Brunet, Ferras et Théry, 1992). Il n’existe que dans ses rapports indissociables avec le monde. Ce sont ses relations dialectiques avec le monde qui sont les plus intéressantes pour nous permettre de rendre compte de notre contemporain, dans les divers espaces dérogatoires de nos sociétés  ; la demande d’asile et la question des réfugiés en font partie.

      Ces espaces connaissent plusieurs paradoxes notamment celui de leur sur-encadrement juridique et celui de leur visibilité : ils font l’objet de règles nombreuses et strictes mais leur échappent  ; ils sont connus mais cachés. Ce sont les mondes de la relégation et de l’écart.

      De cette position complexe et de ces paradoxes, nous retiendrons que la distance que posent ces lieux protègent les personnes qui s’y trouvent, elle leur permet de vivre, mais sans que cette distance les isole car les contacts et les interventions à l’extérieur de l’anti-monde sont recherchés. Ce sont donc les pratiques de cette distance et de ces contacts qui sont étudiées.

      Ce questionnement sur les terrains renvoie aussi à la production du savoir : cette approche qui se met en œuvre dans l’empirisme de l’observation pour rendre une analyse de ce que sont les communautés, s’accompagne d’une réflexivité de l’observateur sur son terrain, forcément impliqué, pour produire un savoir plus empathique, plus proche des raisons des sujets présents sur le terrain. Cette réflexivité prend la forme d’une réflexion de la situation sur elle-même, des relations établies entre l’observateur et les sujets sur le terrain. Chaque observation, et chaque analyse à laquelle elle conduit, doit être contextualisée au lieu et au moment de l’observation, dans l’objectif d’expliquer la logique qui l’anime, pour éviter la tentation essentialiste qui conduirait à figer des représentations, des pratiques, des traits et de les prêter au groupe identifié. L’individu est le point de départ pour reconstruire le groupe pour éviter d’identifier des groupes fictifs.

      Une approche anthropologique de la citoyenneté

      Nous voudrions défendre l’idée que la citoyenneté est un objet approprié pour l’anthropologie sur la base du constat que le fondement purement juridique qui lui est généralement attribué est un construit social et politique (Neveu, 2004), et qu’il peut, par conséquent être également étudié comme des représentations et des pratiques, comme «  une inscription positive et socialement reconnue dans un espace social et politique  ». Cette approche, en plus d’envisager sa dimension horizontale à savoir les relations entre citoyens et avec ceux qui ne le sont pas, permet de la concevoir comme autant de dynamiques constitutives d’une citoyenneté en actes. Cette conception empirique de la citoyenneté laisse toute la place à sa description comme un faisceau de pratiques et de relations : parce qu’on est là, ici et maintenant, parce qu’on pratique le lien avec les autres, dans une sorte d’immanence.

      Une démarche ethnographique : quelques pratiques d’une citoyenneté en actes

      Trois registres d’interactions des exilés sont étudiés pour mettre en œuvre la démarche ethnographique et pour étudier les modalités de leur participation à l’espace politique : habiter un squat  ; débattre sur la réforme de l’asile  ; travailler bénévolement.

      Habiter un squat

      Le squat dont il est question est le lieu d’habitation de personnes en situation d’exil. Il constitue un lieu de mise en œuvre de plusieurs formes de citoyenneté en actes.

      Le fait d’habiter un lieu illégalement occupé pour une personne étrangère qui possède des droits, notamment à l’hébergement, procure d’emblée une conscientisation politique, qui passe par l’illégalité et la désobéissance. Cette conscientisation repose d’abord sur le choix d’habiter ou non le squat. Ensuite, habiter le squat suppose l’acceptation d’une série de règles toutes dirigées vers la protection du squat. Ce sont des précautions à prendre au quotidien mais aussi une stratégie de négociation à élaborer pour obtenir des propriétaires et des pouvoirs publics de maintenir le lieu. Nous y voyons à la fois une expérience commune dans la vie à la marge et la subversion et dans l’occupation illégale et sa défense. Cette expérience est celle qui met en œuvre la rencontre et le contact avec différents acteurs de la société : militants, responsables politiques, journalistes, voisins… Il s’agit donc d’une socialisation singulière autant avec les habitants avec lesquels l’espace de vie est partagé qu’avec la société et l’État français.

      À chacune des étapes de la vie du squat, les questions en jeu ont été celles de la légitimité de la présence de ses habitants. Il s’agit pour eux , à travers la défense du squat, d’une lutte de reconnaissance pour leur présence et leurs droits. Il était notamment frappant comme dans les interactions avec les différents représentants des pouvoirs publics, ils n’étaient généralement pas reconnus comme des interlocuteurs et des représentants du lieu occupé. Les responsables, de la préfecture, du CROUS (propriétaire du lieu), de la mairie, les journalistes, évitaient le contact avec eux pour chercher à s’adresser aux militants, membres du comité de soutien. Ce fut un enjeu important, par exemple, que de faire accepter un habitant lors d’une rencontre à la préfecture.

      Le lutte de reconnaissance commence donc déjà avec la possibilité de parler et d’être entendu par les autorités dans ce rapport qui sort de la relation habituelle entre exilés et autorités. Ici ils ont quitté la position de dépendance et de sollicitude dans laquelle ils sont habituellement placés face à l’administration dans la demande d’asile ou de titre de séjour. Les interactions déterminées par la défense du squat les situent dans un rapport de force bien plus favorable.

      Débattre sur la réforme de l’asile

      Dans le contexte des débats sur le projet de réforme de la loi sur l’asile, un cycle d’ateliers de coproduction de connaissance sur la procédure de demande d’asile a été ouvert au printemps 2014. Il a été proposé à des personnes, pendant ou à l’issue de leur procédure de demande d’asile. Il a réuni une quinzaine de personnes pendant deux mois.

      La réforme de l’asile a en effet constitué une opportunité pour ouvrir un espace de parole aux exilés en demande d’asile, en leur proposant, sur la base de leur expérience de la procédure, de l’évaluer et de formuler des propositions pour la modifier.

      À la fin, ces ateliers ont pris deux formes : la rédaction d’un livret qui reprend les propositions des exilés2  ; une série d’amendements soumis aux députés locaux en prévision des débats parlementaires. Et finalement, un groupe de participants a pu assister à une partie des débats parlementaires à l’Assemblée nationale (décembre 2014).

      Comme d’autres cadres peuvent également en fournir des exemples, ces ateliers ont été l’occasion pour les participants d’exprimer une expertise politique sur la procédure. Ces ateliers ayant été une initiative associative sans commande des pouvoirs publics, d’une part ils ne peuvent être vus comme la mise en œuvre de la participation politique des exilés à l’élaboration des politiques publiques, en revanche, leur investissement et les apports qu’ils ont constitués montrent à la fois la forte demande pour des démarches dans ce sens, et la valeur de «  l’expertise politique  » dont ils disposent. D’autre part, ces ateliers n’ayant pas suscité d’attente en amont de la part de la puissance publique, il a fallu a posteriori la faire connaître et diffuser ses résultats. Ces derniers ont servi à étayer et légitimer un travail de plaidoyer mené dans la région Rhône-Alpes, associé à une analyse juridique basée sur l’expérience des associations d’accompagnement des demandeurs d’asile, pour formuler des propositions d’amendements soumis aux élus régionaux.

      Pour les personnes qui ont pris part aux ateliers, le principal résultat a été de ne pas se laisser raconter par les autres, ne pas se laisser enfermer et assigner dans des représentations qu’ils ne contrôlent pas. Cette attente importante et omniprésente, et la conscience de la mécanique de la fabrique des préjugés est forte. De nombreux témoignages au quotidien montrent comment ces préjugés peuvent être construits et persister car les contacts entre exilés et Français sont évités. Cette situation est vécue parfois comme une bizarrerie, une maladresse, parfois comme une politique délibérée d’altérisation.

      Au niveau méthodologique, ces ateliers ont essayé de répondre à la rigueur méthodologique soulevée par Spivak dans son questionnement sur les conditions dans lesquelles les subalternes peuvent parler. En effet, sur la base du constat que la production intellectuelle occidentale de préjugés et de catégories sociales et administratives limitent nos analyses, elles doivent être questionnées constamment pour comprendre les enjeux de leur fabrication. Pour les remettre en cause, il s’agit de permettre l’émergence d’une parole autre, celle des personnes qu’on écoute peu, qui trouvent rarement l’occasion de l’exprimer. Mais pour y parvenir, les conditions d’émergence de cette parole doivent tenir compte de l’ensemble des dominations à l’œuvre dans les rapports au sein de notre société, pour les réduire voire les supprimer. Les analyses issues du courant des Subaltern studies (Spivak) nourrissent ces réflexions, ainsi que les méthodes inspirées de l’éducation populaire politique.

      Travailler bénévolement

      Enfin, la dernière expérience mobilisée dans le recueil des pratiques quotidiennes est le bénévolat pratiqué par certains exilés, au sein des associations de solidarité avec les étrangers. En plus des compétences sur lesquelles repose le bénévolat (notamment la traduction), c’est la position de valoriser et de voir reconnaître ses compétences, ainsi que d’aider, qui sert notre argumentation. Il s’agit là encore de la question de la reconnaissance des capacités des exilés, à apporter des contributions dans notre société.

      Ainsi, nous retiendrons de ces quelques expériences, pour les lire en termes de ré-invention d’une citoyenneté, la défense d’un droit fondamental, celui du droit d’asile  ; du droit au logement, dans le cadre de la défense du squat  ; la reconnaissance d’une connaissance d’une question de politique publique – l’asile – comme pouvant contribuer à l’amélioration de celle-ci  ; enfin, la valorisation de compétences (traduction et interprétariat) comme contribution en termes économiques.

      Nous proposons de lire l’exercice de cette citoyenneté en actes à l’échelle de la ville, pour y voir cette inscription dans l’espace social et politique.

      Une citoyenneté en actes dans la ville

      En contraste avec les perceptions d’instabilité et d’errance, de marginalisation, dans lesquelles sont vus les exilés, nous avons présenté plusieurs pratiques que nous lisons comme les modalités d’une socialisation qui les ancre dans la ville, des pratiques quotidiennes de leur participation à la vie de la cité.

      1. La ville comme espace de rencontres qui nouent des appartenances à une échelle translocale (Neveu, 2004) :

      sa dimension horizontale à savoir les relations entre citoyens et avec ceux qui ne le sont pas, permet de la concevoir comme autant de dynamiques constitutives d’une citoyenneté en actes. Cette conception empirique de la citoyenneté laisse toute la place à sa description comme un faisceau de pratiques et de relations : parce qu’on est là, ici et maintenant, parce qu’on pratique le lien avec les autres, dans une sorte d’immanence. À ce titre, l’observation désigne la ville comme échelle pertinente pour articuler la complexité des relations et des appartenances et les inscrire dans un territoire, en rupture avec l’idée que la citoyenneté a forcément à voir avec l’échelle de l’État pour en régir les droits et les devoirs.

      2. L’échelle de la ville pour repenser la citoyenneté :

      L’observation a montré que la ville est le lieu dans lequel se développe la sociabilité. Elle devient vecteur de mobilisation et de pratiques de participation à l’espace social et politique, cadre des luttes sociales. Le droit à l’hébergement et la lutte entreprise pour le défendre est une lutte sociale de redistribution qui a été possible par les sociabilités rendues possibles par la ville. Le besoin d’espace de paroles pour se réapproprier son image et ne pas se résigner à se voir assigner cette image est une lutte de reconnaissance, de même que la nécessité de proposer et valoriser ses compétences dans le cadre du bénévolat.

      Pour S. Sassen et E. Isin, la ville est l’espace de prédilection pour l’expérience de la citoyenneté et pour sa mise en œuvre. La ville, vue comme le lieu du social (Isin, 2009), offre les moyens de s’organiser, en permettant de se rassembler, se mettre en scène, se définir à travers des symboles et s’imaginer, se constituer en groupe social. Dès lors, la ville posent les conditions de droits à la ville, c’est-à-dire les droits de la citoyenneté urbaine : constituer de groupes sociaux, pour se représenter et être représentés  ; pour revendiquer et imposer. Ces droits ne sont pas contenus dans les droits de la ville (Isin, 2009). Les «  droits à la ville  » tels que définis par Isin sont l’autonomie, l’appropriation, la différence et la sécurité et leur revendication donnent lieu à des luttes de reconnaissance et de redistribution. Ces droits sont distincts mais interdépendants.

      Enfin, les formes de la citoyenneté organisée par la ville en tant que lieu du social peuvent transcender les frontières nationales.

      La ville comme lieu du social fait écho à la citoyenneté ancrée dans le social, une approche ordinaire de la citoyenneté, en rupture avec une citoyenneté stato-nationale fondée sur une «   définition normative, transcendante et impersonnelle d’un régime procédural de type habermassien, essentialisé dans un rapport à l’État  » (Carrel et Neveu, 2014) : «  la citoyenneté est alors conçue par les intéressés comme l’expression d’une appartenance collective  » dans laquelle le rapport de force prend toute sa place à travers une lutte pour la reconnaissance. La ville c’est la proximité, la rencontre avec l’autre, l’autre différent de soi. Cette conception de la citoyenneté permet d’apercevoir les appartenance sociales à la plus petite des échelles – les voisins par exemple – autant qu’à l’échelle plus large de communautés transnationales, dans la diversité des modes de participation à la vie publique .

      Ainsi la citoyenneté est expérimentée, au sens où elle est exercée, à travers des luttes sociales, de deux types. Nous voyons d’abord des luttes de redistribution quand, pour défendre le droit au logement, des logements vacants sont réappropriés et occupés. Le logement en tant qu’un aspect de la citoyenneté sociale, de la citoyenneté tout court, et le droit de s’approprier des logements vacants, le droit au squat, est une illustration. En défendant le squat, l’espace créé par cette lutte permet des prises de parole, crée de la représentation, dans un rapport de force constant pour trouver cet espace : on a vu combien il a été difficile de faire accepter la présence d’un habitant du squat lors d’une réunion à la préfecture. Ça n’est pas avec eux que les représentants de l’État souhaitaient échanger. Enfin, le squat offre un espace de liberté et d’autonomie : les habitants du squat sont chargés de son organisation interne, en plus de sa défense à l’extérieur  ; ils sont ainsi pleinement acteurs de leur propre hospitalité, et libre d’accueillir au squat. C’est pourquoi on entre vite dans un paradoxe : la défense du squat repose sur la dénonciation de la non-prise en charge de l’hébergement par l’État et donc le déni du droit fondamental au logement. Pourtant, une fois que le squat existe, il confère une liberté à laquelle il est difficile de renoncer et des propositions d’hébergement par l’État peuvent être refusées pour leur préférer la vie au squat. En plus de l’isolement qu’impose le dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile – les CADA sont souvent bien loin dans les campagnes – le contrôle social qui existe dans les centres d’hébergement et auquel ils sont identifiés est bien connu.

      La défense d’un squat a permis de valider ce lieu comme un vecteur de conscientisation qui permet aux habitants disqualifiés de la ville de devenir acteur, de passer d’un discours de la plainte à un discours de lutte, de revendication de droits  ; d’un discours personnel à un discours collectif (Bouillon, 2009). La lutte partagée instaure le lien avec la ville, avec les autorités et avec l’autre, celui qui n’a pas d’expérience de la migration. Ce passage du mode personnel à un registre collectif met en marche, permet de poser des actes car il déculpabilise, dé-stigmatise et restaure la qualité de sujet. La sociabilité de la ville le permet par la dénonciation de l’injustice (déni de droits) et la lutte pour la défense des droits (droit à l’hébergement). De plus, elle rend possible la production d’identités différenciées de la norme établie.

      Le squat est aussi le lieu de l’appropriation de l’espace, d’une parcelle de la ville  ; ceci dans une dialectique ambivalente entre accueil et relégation, hospitalité et contrôle.

      L’autre type de lutte concerne les luttes de reconnaissance de la condition d’exilés et la dénonciation des politiques migratoires à l’échelle européenne qui convergent vers la délégitimation de l’exil et de la demande d’asile. Cette quête de reconnaissance exprime le besoin de voir reconnue leur légitimité à se trouver à cet endroit-là à ce moment-là, simplement. Cette demande n’est pas forcément politisée dans un discours sur la liberté de circulation et d’installation ou sur une critique des impacts du libéralisme voire d’un impérialisme de l’Occident.

      Ainsi, nous concevons les luttes sociales comme une modalité de la participation à l’espace social et politique et la citoyenneté comme la revendication des droits à la ville (Isin, 2010). Les formes translocales de la citoyenneté organisée par la ville en tant que lieu du social transcendent les frontières nationales. (Isin 2009). Enfin, il s’agit de penser la citoyenneté non à travers l’expérience de la construction européenne mais à travers celle, plus longue dans le temps et qui connaît une actualité dense, des migrations.

      Les luttes sociales comme modalité possible de la citoyenneté permet également une lecture de la citoyenneté comme confrontation avec l’autre, avec la différence. Balibar par exemple exprime toute sa reconnaissance à la lutte des sans-papiers pour avoir «  recréer de la citoyenneté  », «  montrant qu’il n’est pas nécessaire d’être un national pour contribuer de façon responsable à la vie de la cité  » (Balibar, 1998).

      3. La citoyenneté comme confrontation avec la différence :

      La capacité d’exposer un litige et de reformuler les questions du droit et du non-droit. (Rancière, 2000) est une des caractéristique de la citoyenneté, dans sa capacité à organiser la vie de la cité et le «  vivre-ensemble  ». Et les exemples sont nombreux en effet de la capacité des citoyens à se mobiliser dans une logique de confrontation, voire de conflit .

      L’expérience du squat produit pourtant une conscientisation et fabrique une citoyenneté paradoxales : si on définit ici la citoyenneté comme une pratique de l’appartenance à un ensemble qui dépasse son propre collectif, alors cette «  appartenance  » prend la forme d’un rejet, ou du moins d’une mise à distance. C’est parce que les droits ne sont pas pris en charge par l’État (hébergement) que des solutions sont inventées (squat), dans une critique des modes d’action de l’État et, dans le cas qui nous intéresse, en dehors du droit. Le squat est la réappropriation d’un espace privé, en en privant ainsi son propriétaire. La revendication et la réappropriation de cet espace, métaphoriquement, est aussi une revendication à trouver sa place dans l’espace social et politique. Il fait écho à un des droits à la ville – appropriation – identifié par Isin. La citoyenneté en actes prend ici la forme d’une lutte qui positionne dans l’illégalité.

      4. Le rapport à la loi et à l’illégalité :

      La citoyenneté pose donc la question du rapport à la loi et à la légalité. Quand la loi se délégitime, cela produit de la défiance voire de la réaction. Balibar considère que la légitimité de la loi se dégrade quand elle ne respecte plus les «  lois supérieures de l’humanité  », des «  lois non écrites  » qui posent «  le respect des vivants et des morts, l’hospitalité, l’inviolabilité de l’être humain, imprescriptibilité de la vérité  » (Balibar, 1998). Cette situation crée de la désobéissance quand les droits ne sont plus respectés par l’administration. Balibar reconnaît le devoir des citoyens de porter sur la place publique tout constat que d’une contradiction flagrante entre ces lois supérieures et une loi positive ou une législation de circonstance, en proclamant leur désobéissance. En désobéissant, les citoyens «  recréent les conditions d’une législation  ». Balibar considèrent qu’ «  ils n’attaquent pas le concept de loi, ils le défendent  ».

      La désobéissance civique comme action collective recrée la citoyenneté dans une circonstance grave (Balibar, 1998) : «  je crois bien cependant que la citoyenneté et la communauté ne peuvent exister sans cette référence nécessaire à la désobéissance, et même sans que périodiquement le risque d’y recourir ne soit effectivement assumé  ».

      La citoyenneté parle de subjectivité politique  ; elle rend possible son affirmation, son expression. La citoyenneté ouvre la politique comme une pratique de contestation par laquelle les sujets deviennent politiques. Avant qu’un sujet puisse lutter pour revendiquer des droits, ce sujet doit d’abord avoir gagné le droit de faire cette lutte en premier lieu. C’est «  le droit d’avoir des droits  » de Hannah Arendt. La citoyenneté s’est forgée par les luttes sociales d’identité, d’inclusion, de ressources et de mémoire (Isin, 2009). De là, on peut maintenant voir la citoyenneté comme une subjectivité politique (Isin 2015) : il devient alors impossible de penser la citoyenneté comme uniquement une nationalité ou une appartenance à un État-nation.

      L’appartenance, la proximité, l’attention, l’égard, l’être ensemble, la solidarité que permet la ville de façon plus immédiate mais qui peuvent également être mises en œuvre à des échelles plus larges, translocales, sont vues comme les fondements de la communauté politique aujourd’hui. Le phénomène des mobilités rend possible l’échelle du translocal par l’activité des réseaux.

      Conclusion

      Cette analyse propose une citoyenneté pensée à plusieurs échelles, en particulier en défiant l’échelle du national et par conséquent remettant en cause la relation entre citoyenneté et nationalité. La citoyenneté comme une praxis  ? À partir du constat que la citoyenneté est une pratique collective, sous-tendue par une idée, celle des «  lois supérieures de l’humanité  » (Balibar, 1998), et tendant à un résultat pratique, leur respect, dans une visée de transformer les rapports sociaux. Les luttes sociales sont un des modes opératoires. La praxis d’une citoyenneté en actes, expérimentée et construite dans une pratique collective, et une immanence. Elle est donc ouverte à tous ceux qui ont la volonté d’appartenir à ce collectif qui se donne comme contrainte et comme objectif de partager un espace et ses ressources, dans le respect de la différence et de la sécurité de tous. Le rapport à l’État est également mis en cause en questionnant sa légitimité et percevant la désobéissance comme un moteur pour renouveler et réactiver la citoyenneté  ; enfin en refusant tout lien de subordination pour une autonomie. Les luttes des sans papiers «  ont contribué à donner à l’activité politique cette dimension transnationale dont nous avons tant besoin  » (Balibar, 1998 : 25).

      http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1105_fr.html

  • #Achille_Mbembe : peut-on être étranger chez soi ?

    L’#Afrique doit être la première à libérer les circulations, à élaguer les frontières héritées de la colonisation, à refonder entièrement la politique des visas d’un pays à l’autre du continent. Pour ne plus dépendre des diktats de l’Europe et fonder enfin un droit à l’#hospitalité.

    De nos jours, l’une des manières de vulnérabiliser des millions de gens est de les empêcher de bouger.
    De fait, la structuration contemporaine de notre monde est de plus en plus fondée sur une répartition inégale des capacités de mobilité et de circulation, ainsi que de cette ressource qu’est désormais la vitesse.
    De ce point de vue, l’Afrique est doublement pénalisée, du dehors comme du dedans.
    Elle est pénalisée du dehors parce que les Africains ne sont les bienvenus nulle part dans le monde. Il n’y a pas un seul pays au monde où des Africains ou des gens d’origine africaine arrivent, peu importe par quels moyens, et sont accueillis au son des tambours et des trompettes. Partout où ils font leur apparition, ils sont les plus exposés à toutes sortes d’entraves, à l’incarcération et à la déportation (1). En vérité, très peu de pays au monde veulent des Africains ou des personnes d’origine africaine parmi eux.
    Elle est pénalisée du dehors parce qu’un nouveau régime global de mobilité est en train de se mettre en place. Il participe d’une nouvelle partition de la Terre. Il est une dimension fondamentale de la nouvelle course pour la domination du cosmos (des régions polaires, des océans, des déserts, des continents extraterrestres).
    Un pacte continental

    Ce nouveau régime de gouvernement des mobilités humaines repose sur des dispositifs de sécurité qui sont de plus en plus électroniques, biométriques, de plus en plus militarisés. Ces dispositifs sont aussi et de plus en plus somatiques, dans le sens où leurs cibles principales, ce sont des corps rendus abjects, jugés de trop, qui ne comptent pas, et que l’on est en droit de neutraliser. De gré ou de force, ces corps sont donc appelés à déguerpir des espaces qu’ils occupent.
    Ce nouveau régime repose enfin sur l’externalisation des frontières. Ainsi de l’Europe dont les frontières s’étendent désormais bien loin de la Méditerranée. En étendant ses frontières au-delà de la Méditerranée et en les rendant mobiles, l’Europe cherche en réalité à abroger la souveraineté des Etats africains sur la gestion de leurs populations, qu’il s’agisse de la gestion du nombre (d’où la relance des débats sur la démographie africaine) et de la gestion des mouvements (qui peut bouger, qui ne doit pas bouger, qui ne peut bouger qu’à certaines conditions).
    Mais l’Afrique est aussi pénalisée du dedans par le fait que nous sommes le continent au monde qui compte le plus grand nombre de frontières internes. C’est ici que la taxe sur la mobilité est la plus chère au monde. Il faut donc élaguer les frontières.
    Libérer les circulations est devenu un impératif. Il y va non seulement de la survie de millions de nos gens, mais aussi de la réaffirmation de notre souveraineté. Comment le faire de façon pragmatique ?
    Il faut rouvrir le débat sur le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ce principe fut ratifié par les Etats africains en 1963 au moment de la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Ce faisant, les Africains endossèrent la partition du continent opérée lors de la conférence de Berlin en 1884 par les puissances européennes.
    Il faut rouvrir ce débat dans la mesure où ce principe d’intangibilité, qui était supposé consacrer la souveraineté des Etats nationaux, est désormais un facteur d’émasculation de cette souveraineté dans le contexte des politiques antimigratoires poursuivies par l’Europe.
    Il faut le rouvrir non pas pour abolir dans l’immédiat les frontières héritées de la colonisation, mais pour définir des étapes concrètes visant à atteindre cet objectif d’ici à 2050.
    Nous avons besoin de définir, pour nous, notre propre politique migratoire. Celle-ci ne doit pas dépendre des diktats de l’Europe. Ceci exige la mise en place d’un pacte continental sur les migrations intra-africaines. L’objectif de ce pacte serait de transformer le continent en un vaste espace de circulation pour tous ses enfants.
    Des expériences ont déjà cours et vont dans ce sens, notamment dans plusieurs parties de l’Afrique de l’Ouest.
    Dans l’immédiat, il nous faut déclarer un moratoire sur les déportations. Il nous faut mettre un terme à la longue histoire des déportations et des déplacements forcés sur ce continent. Il faut arrêter les déportations. Nous devons, en ce siècle, mettre un terme à cette horrible pratique qui aura confiné les Africains à ne jamais se déplacer que dans des chaînes. Il faut désenchaîner les corps noirs, arrêter de les souiller, et ouvrir, pour nous-mêmes, une nouvelle page de notre longue lutte pour l’affranchissement et la dignité.
    Plus concrètement encore, nous devons procéder à une refonte générale de la politique des visas à l’intérieur de l’Afrique. Les nouvelles technologies nous permettent, par exemple, de passer à un nouveau stade où chaque détenteur d’un passeport africain qui voyage à l’intérieur du continent se verrait octroyer un visa à l’arrivée.
    Il nous faut encourager les Etats à passer des accords réciproques qui permettent d’abroger les visas entre eux.
    Cette phase de détente devrait ouvrir la voie à des changements plus structurels et à long terme. Elaguer puis moderniser les frontières, dans le sens de les rendre plus fluides, afin qu’elles puissent favoriser le passage et la flexibilité.
    Un énorme travail est à faire de ce point de vue en matière de modernisation des régimes d’identité. Que d’ici à 2050 chaque Africain puisse disposer d’un acte de naissance, d’une carte d’identité, bref de documents biométriques virtuellement infalsifiables. Si au passage un tel effort aboutit à élargir le champ des surveillances, ce sera le modique prix à payer pour intensifier les circulations internes.
    Aller au-delà des lumières

    Le recours aux nouvelles technologies nous permettra également de mettre en place des bases de données que les Etats pourront partager entre eux dans le but de diminuer les risques, car ceux-ci existent. En matière d’échanges commerciaux, l’une des priorités est l’instauration de postes douaniers uniques qui permettraient d’alléger la contrebande aux frontières.
    L’Afrique doit sortir du paradigme de la clôture et de l’enfermement qui anime la politique antimigratoire de l’Union européenne. Nous devons aller au-delà des notions héritées des Lumières, à l’instar du « droit d’hospitalité ». En matière de traitement des étrangers et des hôtes, nos traditions philosophiques ont toujours reposé sur un socle anthropologique élargi. Le sociologue marocain Mehdi Alioua a ainsi montré comment, dans les oasis du désert saharien, une tradition multiséculaire d’hospitalité a longtemps prévalu.
    Elle reposait sur une agriculture qui soutenait cette hospitalité. Faute de palmiers, arbres fruitiers et légumineuses étaient mis à contribution. Une partie des récoltes était toujours épargnée. Des protéines et calories étaient réservées pour les voyageurs, mais aussi les oiseaux et les insectes qui arrivaient à l’improviste, surtout en cas de disette.
    Que dire du droit à une demeure (right of abode) inscrit dans la Constitution ghanéenne ? Il s’agit du droit à un abri, le droit sinon à un chez-soi, du moins à un lieu que l’on peut habiter en tout repos.
    Dans le cas ghanéen, les bénéficiaires d’un tel droit sont essentiellement des personnes de descendance africaine dont les ancêtres furent autrefois déportés à l’époque de la traite des esclaves. Il s’agit donc de personnes qui, à un titre ou à un autre, sont nos parents, des êtres humains avec lesquels nous lient des liens de parenté lointains et, au besoin, fictifs. Ces parents ne sont pas des allogènes. Mais ils ne sont pas non plus des autochtones ou des natifs d’un lieu.
    Il existe donc dans nos traditions des bases pour élargir le débat contemporain sur les migrations et le sortir des impasses philosophiques d’une Europe qui tourne en rond. Le droit à l’hospitalité suppose un visiteur qui vient d’ailleurs, qui n’est pas un parent, qui est un allogène, et un hôte, un autochtone, qui le reçoit, l’héberge et au besoin prend soin de lui. Ce droit est supposé bénéficier non seulement aux visiteurs, mais aussi aux réfugiés, à ceux et celles qui fuient une menace. Dans ses considérations sur la paix perpétuelle, Kant affirme que ce droit à l’hospitalité est un droit universel.
    Il est inconditionnel dans le sens où, à supposer qu’un étranger frappe à notre porte et demande à rentrer, nous sommes dans l’obligation de lui ouvrir la porte et de lui accorder un abri si, en le renvoyant chez lui, il risque de perdre sa vie. Kant précise cependant que nous ne sommes pas obligés de faire de cet étranger un membre à part entière de notre communauté. Son séjour parmi nous ne peut pas être permanent par définition. Ce séjour est appelé, à un moment donné, à prendre fin car il est de la nature de l’étranger de devoir repartir à un moment donné.
    Le droit ghanéen à une demeure peut être élargi au-delà des parents réels ou fictifs. Le rêve est que chacun puisse affirmer : « Le chez-moi, c’est le cosmos. » C’est l’ensemble de l’univers dont je suis l’un des habitants parmi d’autres habitants. Alors que notre monde devient chaque jour plus petit et que le temps nous est désormais compté, il nous faut réhabiliter cette appartenance première à l’univers. Elle doit primer sur l’appartenance seconde à un Etat territorial donné.

    https://www.liberation.fr/debats/2019/11/13/achille-mbembe-peut-on-etre-etranger-chez-soi_1763182
    #Mbembe #frontières #ouverture_des_frontières #immobilité #vulnérabilité #vulnérabilisation #immobilisation #capacité_de_mobilité #capacité_de_circulation #Africains #contrôles_frontaliers #corps #externalisation_des_frontières #externalisation #frontières_internes #liberté_de_mouvement #liberté_de_circulation #souveraineté #colonisation #intangibilité_des_frontières #déportation #visas #régimes_d'identité #circulation_interne #droit_d'hospitalité #droit_à_une_demeure (#right_of-abode) #chez_soi #chez-soi

    En lien avec le thème de #faire_monde :

    Le rêve est que chacun puisse affirmer : « Le chez-moi, c’est le cosmos. » C’est l’ensemble de l’univers dont je suis l’un des habitants parmi d’autres habitants. Alors que notre monde devient chaque jour plus petit et que le temps nous est désormais compté, il nous faut réhabiliter cette appartenance première à l’univers. Elle doit primer sur l’appartenance seconde à un Etat territorial donné.

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