• Howard S. Becker, Who Looked at Society With a Fresh Eye, Dies at 95 - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2023/08/21/books/howard-s-becker-dead.html?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20230823

    By Elsa Dixler
    Aug. 21, 2023

    Howard S. Becker, an eminent American sociologist who brought his wide-ranging curiosity, sharp observation and dry wit to subjects as diverse as the art world, marijuana use and the meaning of deviance, died on Wednesday at his home in San Francisco. He was 95.

    The death was confirmed by his wife, Dianne Hagaman.

    Dr. Becker was probably best known for “Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance,” a groundbreaking book published in 1963. “The central fact about deviance: It is created by society,” he wrote, arguing that “deviance” is inherent not in certain behaviors but in the way those behaviors are viewed by others.

    The book presents two “deviant” groups, marijuana smokers and dance musicians, and examines their cultures and careers. It is rich with the language of its subjects. The notion that deviance is a label applied by the larger society gave rise to what is called “labeling theory.” Dr. Becker was one of its pioneers, and the book’s perspective was especially innovative, appearing at the end of the conformist and moralistic 1950s.

    Profiling Dr. Becker in The New Yorker in 2015, Adam Gopnik was fascinated by the “strange second act” of Dr. Becker’s career: renown in France. “Outsiders” became a staple of the French social science curriculum, and he became a force in French sociology. He spent several months a year in France, and Alain Pessin wrote two biographies and a sociological work about him (translated into English as “The Sociology of Howard Becker,” published in 2017). Collections of Dr. Becker’s articles were also published there.

    Mr. Gopnick attributed Dr. Becker’s appeal as an intellectual hero in France to “three highly American elements — jazz, Chicago and the exotic beauties of empiricism.” (Dr. Becker had been a jazz piano player since his teens; “Paroles et Musique,” a collection of his papers about art and related subjects, included a CD of his duets with a French bass player.)

    #Howard_Becker #Sociologie

  • À San Francisco, quand mon quartier fait l’expérience de la pandémie
    Par Howard Becker (12/04/2020)
    SOCIOLOGUE
    https://aoc.media/analyse/2020/04/12/a-san-francisco-quand-mon-quartier-fait-lexperience-de-la-pandemie

    L’épidémie de Covid-19 transforme nos habitudes, nos interactions sociales : nous nous adaptons pour faire face à la crise. Résident de North Beach, à San Francisco, l’immense sociologue Howard Becker observe avec minutie et empathie comment la vie s’est ajustée dans son quartier.

    J’habite à San Francisco, dans un quartier qui s’appelle North Beach ou Russian Hill, les deux s’entremêlant sans frontière nette. Ce quartier date du séisme et de l’incendie de San Francisco de 1906, quand tout, dans ce coin, a été détruit, non pas par le tremblement de terre mais par le feu, qui n’a laissé qu’un tas de cendres.

    Reconstruite, cette petite partie de mon quartier a fourni les principaux logements des immigrants siciliens, venus avec leurs traditions et pratiques de la pêche. Quand j’ai emménagé ici il y a plus de cinquante ans, les « étrangers » comme moi et ma famille, et les autres familles similairement « américaines » de peintres et de sculpteurs qui enseignaient au San Francisco Art Institute situé non loin, n’ont pas été les bienvenus. Les pêcheurs qui apparaissaient, au printemps, assis sur les marches devant leur appartement où ils raccommodaient leurs filets et casiers à crabes, craignaient que nous ne rendions le quartier plus désirable, et – du fait de leur propre cupidité, ils étaient clairs sur ce point – qu’ils ne se retrouvent forcés de vendre leurs immeubles en échange des prix élevés que, nous, « Américains » offririons.

    Cela s’est effectivement passé ainsi, par étapes, au fil des ans. La première réelle invasion du quartier occupé par les Italiens a été celle des Chinois, qui ont traversé la frontière officieuse mais très réelle qui séparait la Little Italy du Chinatown tout proche. Ainsi, les immeubles des rues autour de chez moi ont bientôt appartenu à des Chinois et des familles sino-américaines, qui les habitaient. Les « Américains » et les « Sino-américains » ont rapidement noué des liens de voisinage, bien que rarement intimes. Nous pouvions les connaître suffisamment pour leur demander de réceptionner un colis en notre absence, mais pas au point de les inviter à dîner.

    Les établissements liés à la communauté locale italienne – les restaurants, dont les gérants faisaient encore partie de cette communauté où qu’ils résident dans la ville – ont peu à peu été remplacés. La fabrique de pâtes au coin de la rue a déménagé lorsque les hippies sont arrivés, pour être remplacée par un Co-Existence Bagel Shop. Les coffee shops tenus par des hippies, ainsi que les voyageurs hippies comme moi et ma famille, sont restés là pendant longtemps.

    Et il y avait toujours quelqu’un pour fournir les services que le citadin américain s’attend à trouver : coiffeurs, salons de beauté, supérettes de quartier, bars et cafés.

    [Mon quartier a toujours connu, et continue de connaître, toute une série d’accommodements sociaux.]

    Peu à peu, tout le monde s’était habitué aux Chinois et hippies installés ici. Mais bientôt la population du quartier a commencé à refléter les nouvelles entreprises qui étaient en train de gagner la ville : les géants de l’informatique et de l’information, qui se sont tout naturellement installés dans les vastes bâtiments du Financial District_ e San Francisco. Avec ces nouvelles entreprises – Sales Force, par exemple, a acheté son propre immeuble de plusieurs étages –, sont arrivés les gens qui y travaillaient. Certains de ceux qui désiraient habiter dans la City avaient des enfants en bas âge. Tout cela a contribué à augmenter la demande pour le stock réduit et limité de logements à North Beach/Russian Hill (et dans le quartier limitrophe de Telegraph Hill), logements qui avaient l’avantage d’être relativement proches à pied des bureaux de ces nouveaux géants de l’économie.

    Ainsi, mon quartier n’est pas un coin perdu, immuablement stable de la ville. C’est une communauté composée d’une population sans cesse changeante située dans un périmètre physique réduit, un quartier doté d’institutions, d’organismes, d’entreprises et de petits commerces qui sans cesse s’efforcent de répondre à des impératifs socio-économiques en perpétuelle évolution. Mais il a toujours connu, et continue de connaître, toute une série d’accommodements sociaux qui viennent soutenir les habitudes, besoins et désirs des gens qui y habitent.

    Ces accommodements sont visibles dans les petits détails de la vie de tous les jours, dans la manière dont la vie sociale « fonctionne » ou non. Et cela relève du truisme sociologique que de dire que ce n’est que lorsque les accommodements sociaux ne fonctionnent pas comme il se doit, et que tout le monde commence à se plaindre, que l’on prend conscience de la manière dont fonctionnent effectivement les choses quand elles fonctionnent.

    San Francisco est désormais, comme le reste du monde, assiégée par le coronavirus. Les dirigeants ont demandé aux citoyens d’éviter tous les contacts que la vie quotidienne d’ordinaire exige dès lors qu’il s’agit de travailler, manger, faire ses courses, socialiser, accéder aux soins de santé et de s’adonner à tant d’autres petites routines de la vie.

    Cela ne veut pas dire que plus aucune partie de l’énorme machine qui sous-tend notre vie au quotidien ne fonctionne. Il m’est encore possible, tous les matins, de recevoir et lire mon journal, le San Francisco Chronicle, éminemment conscient que quelqu’un s’est levé, alors qu’il faisait encore nuit, pour se mettre au volant d’un camion chargé d’exemplaires du journal (au contenu écrit et imprimé par bien d’autres encore), pour venir jusque dans notre rue afin que quelqu’un, depuis l’arrière du camion, puisse en lancer un paquet dans l’entrée de notre immeuble. La vie continue. J’ai ma presse habituelle qui alimente mes analyses de la vie de tous les jours.

    Cela fonctionne, du moins jusqu’à présent, pour la livraison des journaux. Mais qu’en est-il de la nourriture ? Personne ne lance du lait, des œufs, des fruits et des légumes de l’arrière d’un camion jusqu’à l’entrée de mon immeuble. La ville s’est toujours organisée différemment pour répondre à ce besoin. Mais les nouvelles règles imposées par le virus interfèrent avec cette organisation d’une manière à laquelle nous ne sommes pas préparés.

    [Nous autres sociologues, par nécessité, attendons que le changement des conditions de la vie quotidienne oblige les gens à innover.]

    La plupart des choses continuent d’être comme elles ont toujours été. Nous continuons d’avoir des magasins de proximité où nous pouvons acheter tout ce dont nous avons besoin pour nous nourrir, nous et notre famille. Mais qui sait quand la pandémie interfèrera avec cette offre là ? Et les restaurants, cette lointaine invention visant à nourrir une population toujours plus nombreuse dans des villes comme Paris, où les gens ne vivent plus au sein d’une unité familiale où la confection des repas fait partie de la division coutumière du travail ! Que se passera-t-il, à présent que les citadins doivent abandonner la proximité et l’intimité qui semblaient nécessaires à notre style de vie, afin d’éviter d’être infectés par cet ennemi invisible, et afin que nous puissions obtenir ce que nous voulons, et ce dont nous avons besoin, en évitant les obstacles et dangers que l’épidémie amène ?

    Comme souvent, c’est un problème, un danger qui exige de nous que nous changions notre manière de faire, en l’occurrence la façon dont les citadins se nourrissent. Les sociologues ne peuvent pas ranger les gens dans des groupes – comme le font les psychologues expérimentaux, qui traitent les membres de ces groupes de manière différente, afin de déterminer ce que ces traitements distincts entraînent comme différences de comportement chez leurs « sujets ».

    Changer l’organisation de la vie sociale requiert des inventions sociales : des manières nouvelles de faire d’anciennes choses, ou des choses nouvelles pour remplacer les anciennes manières d’assouvir des besoins. Nous autres sociologues, par nécessité, attendons que le changement des conditions de la vie quotidienne oblige les gens à innover, à créer les nouvelles façons de faire qui s’imposent. La vie sociale fait l’expérience pour nous.

    Cela oblige ceux qui font de la sociologie à être prêts à observer la vie autour d’eux, afin de voir qui fait quoi et par quel nouveau moyen, et d’entendre non seulement les raisons qu’ils donnent aux changements qu’ils mettent en place, mais aussi les réactions de ceux qui les entourent, à ces nouvelles solutions. L’histoire nous fournit une fois de plus l’occasion de regarder comment les gens improvisent des solutions face à une énième version de ces mêmes bonnes vieilles difficultés.

    La nourriture est la réponse générale à la question de savoir comment nous nous alimentons. La plupart des habitants de San Francisco se nourrissent en préparant des repas chez eux, en utilisant des aliments achetés dans des magasins d’alimentation. Certains de ces magasins sont des avant-postes de grandes chaînes (Safeway, par exemple, à San Francisco). D’autres magasins sont spécialisés, répondant par exemple aux exigences de ceux qui auraient besoin d’ingrédients adaptés à une cuisine italienne régionale. D’autres magasins encore (essentiellement dans le quartier japonais) fournissent le meilleur et le plus frais des poissons pour la préparation des sashimi, spécialité japonaise. Quelques traiteurs juifs servent de la soupe aux boulettes de matzoh, des sandwichs au pastrami, etc. D’autres personnes encore font leurs emplettes dans les omniprésents marchés de producteurs. Beaucoup de restaurants servaient des plats raffinés préparés par de vrais chefs. La ville s’enorgueillit de plusieurs restaurants étoilés par le Michelin.

    Or, aujourd’hui, en raison des restrictions imposées pour une période indéfinie par la pandémie, aucun de ces restaurants ne peut accueillir une clientèle, qu’elle soit de passage ou qu’elle réserve une table. Ces manières habituelles d’accueillir les clients constituent aujourd’hui une violation des règles strictes en matière de réunion dans l’espace public imposées par la ville. Par conséquent, les restaurants ne peuvent plus ouvrir leurs portes, ce qui signifie plus d’entrées d’argent, et donc pas d’argent pour payer les fournisseurs de produits bruts, les employés et le propriétaire des murs.

    Ainsi, ceux d’entre nous qui habitent North Beach et trouvaient cela pratique et agréable d’aller manger régulièrement au restaurant Da Flora sur Columbus Avenue, ne peuvent plus le faire. Jen et Darren, propriétaires du restaurant, étaient, bien entendu, encore plus contrariés que nous. Ils n’avaient jamais préparé de repas à emporter ou à livrer, et ils n’étaient pas sûrs de pouvoir nourrir leurs clients de cette manière, ni que quiconque veuille que leurs repas leur parviennent ainsi.

    Pourtant, moi, je savais que je voulais leurs plats, peu importe la manière dont ils me parvenaient ; alors je les ai appelés pour tenter de les persuader d’essayer, et de voir si d’autres personnes voudraient bénéficier de ce genre de service. À leur agréable surprise, c’est exactement ce que beaucoup voulaient. Tous ceux qui ont tenté l’expérience en ont immédiatement parlé à des amis, et la nouvelle s’est répandue. Les affaires ont repris ! C’est Christopher, le frère de Darren, serveur au restaurant en temps normal, qui livre les repas – plat principal, salade, pain et dessert –, facturés au même prix qu’autrefois dans le restaurant.

    Elias, l’autre héros de ma petite histoire, était depuis plus de vingt ans le propriétaire et l’exploitant du Café Sappore, situé sur Lombard Street, à une rue de chez nous. Sappore était soutenu, en partie, par les cars de touristes venus du monde entier pour arpenter la célèbre rue Lombard (une courte rue tout en lacets qui rejoint deux rues perpendiculaires) – touristes qui s’arrêtaient à Sappore pour prendre un café ou un thé et un sandwich. Ce café était aussi devenu, sans que personne ne l’ait voulu ou planifié et certainement pas Elias, le lieu privilégié des réunions de quartier, l’endroit où, lorsqu’il y avait un problème qui excitait les résidents permanents, l’inévitable « réunion de protestation » se déroulait. Et c’était aussi l’endroit où l’on pouvait inviter une personne à déjeuner en sachant que quels que soient ses goûts, restrictions ou excentricités alimentaires, elle trouverait au menu quelque chose que non seulement elle supporterait, mais qui en plus la régalerait. Tout cela pour dire que Sappore a prospéré.

    Cependant, un jour, de manière inattendue, Elias a perdu le bail du lieu. Il a rapidement trouvé un autre endroit, beaucoup plus petit, sur Columbus Avenue, une rue voisine bien plus large et fréquentée, et il a ouvert Le Sandwich, dont la carte se composait d’une douzaine de sandwiches : des classiques comme le Reuben, et des variétés moins connues comme le Bollywood. Le succès a été immédiat.

    [Cette petite zone géographique locale, qui affiche habituellement extrêmement peu d’organisation sociale visible, possède en fait une « culture ».]

    Puis le coronavirus est arrivé, et avec lui son lot de difficultés. Mais Elias n’a pas fermé. Comme il n’avait pas d’endroit où les gens pouvaient manger ce qu’il préparait, à part quelques chaises sur le trottoir, il a pu continuer à faire ses sandwiches et à les vendre sans violer les nouvelles restrictions. Et puis il a annoncé qu’il pourrait également livrer d’autres types de repas.

    Je savais vaguement qu’Elias avait aussi une activité de traiteur, des dîners destinés à un nombre important de convives lors de soirées chez des particuliers. Je découvrais à présent que c’était une partie importante de ses activités dans la restauration, et qu’il dirigeait son affaire depuis son appartement voisin. Quelques jours plus tard, il nous a dit qu’il était prêt à commencer à livrer des repas, deux soirs par semaine. Nous avons eu la primeur – de délicieuses lasagnes –, et c’est maintenant une affaire régulière. Chaque semaine, il met en ligne son nouveau menu. (Mais je dois vous rappeler qu’il ne livre pas à Paris !)

    Ces deux entreprises sont montées au créneau lorsque leurs clients – ainsi qu’elles-mêmes – ont commencé à pâtir de la situation imposée par la pandémie. Ainsi, la nourriture que les gens désiraient, la nourriture que Jen, Darren et Elias voulaient continuer de préparer pour pouvoir travailler et subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs employés, cette nourriture, ils ont su la rendre disponible. Ils ont réagi de manière rapide et inventive, au bénéfice de tous.

    On peut faire un parallèle entre cette situation et le domaine de l’interaction interpersonnelle. Dans la vie quotidienne ordinaire, beaucoup de gens du quartier commencent à vous lancer un « Hi ! » à l’américaine après vous avoir croisé plusieurs fois. Souvent, un voisin de longue date nous présente une personne qui vient d’emménager dans un des appartements de la rue. C’est ainsi que nous avons rencontré Terry, qui venait de s’installer dans l’immeuble voisin du nôtre, qui avait été acheté par Ben et Bethany Golden pour s’assurer que tous les logements seraient occupés, à terme, par des personnes avec lesquelles il serait facile de s’entendre. Lorsqu’ils trouvaient de telles personnes, ils leur vendaient un appartement. Et présentaient les nouveaux-venus aux voisins.

    C’est ainsi qu’un jour Bethany nous a présenté notre nouvelle voisine, Terry Ewins, qui avait récemment acheté un des appartements, en précisant en passant qu’elle était capitaine au poste de police du quartier. Elle semblait tout à fait agréable et raisonnable, et nous avions l’habitude de nous saluer dans la rue, mais là s’arrêtait notre relation de « voisinage », exactement comme pour les autres personnes qui avaient progressivement emménagé dans les logements du coin.

    Et puis, un peu plus tard, après que London Breed, le maire de San Francisco, a émis la directive officielle de non-circulation dans les rues sans raison valable, Terry (qui, entre-temps, avait été promue au rang de commandant) a fait savoir (par l’intermédiaire de Bethany, qui nous avait présentés) qu’elle se rendait au travail à pied tous les jours, et que si nous avions besoin de faire une course, ou de quoi que ce soit qui nous obligerait à sortir, il suffisait de le lui faire savoir, et qu’elle serait heureuse de faire la course pour nous.

    L’idée que nous nous faisions du policier de haut rang n’incluait apparemment pas – vu notre première réaction de perplexité – le fait qu’il rende de tels services à des personnes à peine connues de lui. Non que cette femme ait fait quelque chose pour mériter qu’on la soupçonnât de quoi que ce soit – cela relevait juste d’un simple préjugé de notre part. En y réfléchissant davantage, j’ai réalisé qu’elle avait dû dire cela parce qu’elle avait vu que je suis plutôt âgé (91 ans, pour être exact, mais ça elle ne le savait pas, et a dû simplement déduire mon grand âge de mes balades assistées d’une canne) et estimé qu’une aide occasionnelle, et non contraignante pour elle, me rendrait service.

    Je me suis mis à réfléchir à la façon dont la directive du maire sur le confinement affectait les organisations et le comportement des gens. Il semble probable que les petits gestes et événements, comme ceux que je viens de décrire, se produisent plus souvent maintenant que nous sommes dans cette « situation d’urgence », bien que personne n’en ait fait le constat.

    Ceci nous laisse penser que cette petite zone géographique locale, qui affiche habituellement extrêmement peu d’organisation sociale visible, possède en fait tout un ensemble de ce que les spécialistes de sciences sociales appellent « culture » ou « compréhensions partagées » : des accords implicites pour l’adoption de certains comportements dans certaines circonstances. Ces « circonstances » sont rarement réunies comme elles le sont actuellement, de sorte que nous assistons ici à la façon dont la possibilité d’un tel comportement advient, dès lors que les circonstances commencent à convaincre les gens que ce type de situation inhabituelle exige des réactions inhabituelles.

    traduit de l’américain par Hélène Borraz

    Pour @colporteur ;)
    #Howard_Becker #San_Francisco

    Howard Becker
    SOCIOLOGUE, PROFESSOR AT THE UNIVERSITY OF WASHINGTON
    Né en 1928, Howard S. Becker fut formé dans la tradition de l’école de Chicago, notamment auprès de Everett Hughes. Il est l’auteur de très nombreux livres classiques de sociologie, à commencer par Outsiders ou Les Mondes de l’art.

    https://aoc.media/auteur/howard-becker

    • San Francisco ou la distanciation sociale avant l’heure
      Par Cécile Alduy (27/04/2020)
      CHERCHEUSE EN LITTÉRATURE
      https://aoc.media/opinion/2020/04/27/san-francisco-ou-la-distanciation-sociale-avant-lheure

      La distanciation sociale, le meilleur moyen de lutter contre l’épidémie de Covid-19 ? Dans ce cas, il n’est pas surprenant que San Francisco, ville de l’automobile individuelle, de Tinder, de UberEat… soit particulièrement épargnée. Mais cette observation est à double tranchant, révélatrice de la fracture digitale, qui est aussi fracture sociale, dans une ville déjà désertée par tous ceux pour qui le télétravail n’est pas une option.

      On a ressorti les masques. Le bleu, le rose, le bariolé, taille enfant, achetés pour nous protéger des fumées toxiques du Paradise Fire en novembre 2018. L’air était âpre, piquait les yeux, la gorge. Un brouillard roux à couper au couteau masquait la ville. Déjà, on se calfeutrait et on comptait les morts. Déjà, pendant des jours, on a eu peur de suffoquer.

      À l’heure du coronavirus, on retient de nouveau son souffle à San Francisco. Mais aujourd’hui le mal est invisible, partout et nulle part, intraçable. On porte des masques en plein soleil, alors que l’air n’a jamais été aussi pur. Les abeilles sont revenues, les oiseaux s’en donnent à cœur joie. Mais les balançoires des jardins d’enfants pendent dans le vide, inutiles. Les autoroutes qui cisaillent la ville se sont tues. Devant les supermarchés s’allongent des files en pointillé – une personne tous les deux mètres, gants en latex aux mains, et masques déjà obligatoires. La ville est inchangée, la nature resplendit, mais les humains sont sur la défensive, parés pour un cataclysme.

      Pourtant, dans la Baie de San Francisco, le nombre de morts n’est pas parti en flèche, comme à New York, en France, en Espagne ou en Italie. La fameuse « courbe » des infections au Covid-19 a été tellement aplatie par des mesures précoces qu’on attend encore « la vague » et le « pic », alors que la côte Est et la Floride ont été submergées.

      Mais tout aurait pu être différent. Le 10 mars on recensait quatorze cas d’infection à San Francisco, ville de 885 000 d’habitants, contre seulement sept à New York, qui en compte 8 millions. Un mois plus tard, cette dernière ville est en urgence absolue, littéralement asphyxiée. L’autre attend, immobile. Plus de 13 000 morts à New York au 18 avril contre 20 (en tout) à San Francisco. Pourquoi un tel écart ?

      Il y a d’abord sans aucun doute la chronologie – tardive et à reculons côte Est comme en France, proactive en Californie – des politiques publiques. Début mars les rassemblements de plus de 1000, puis de 100 personnes sont interdits ; en France, on en est encore aux meetings électoraux des municipales et le Président Macron se targue d’aller au théâtre car, dit-il, « la vie continue ». Dès le 16 mars, alors qu’on compte neuf décès sur tout l’État de Californie, les écoles publiques ferment (les écoles en France n’ont été fermées que le 13 mars, alors qu’il y avait déjà 79 morts déclarés). Le 17 mars, la maire de San Francisco, London Breed, une vigoureuse noire américaine démocrate, signe un décret de « shelter in place », littéralement « restez à l’abri où vous êtes », une expression tirée des manuels de riposte aux risques de radiation nucléaire, et familière des États confrontés aux tueries au fusil d’assaut dans les écoles et aux hurricanes. Le gouverneur Gavin Newson étend bientôt cette ordonnance à toute la Californie. Au même moment, le gouverneur de l’État de New York, Cuomo, est catégorique : « Il n’est pas question d’imposer un « shelter in place » à New York » annonce-t-il le 18 au New York Times. Il devra faire marche arrière deux jours plus tard.

      Face à une épidémie qui se propage de manière exponentielle, chaque contact évité ralentit la machine infernale. Chaque jour perdu dans l’insouciance ou le déni l’accélère. CQFD par l’exemple californien.

      [L’esprit d’initiative et d’innovation tant prisé repose sur une indifférence, voire un certain mépris envers un État dont on n’attend pas grand-chose.]

      Mais au-delà des mesures officielles, ce sont des facteurs socio-culturels et géographiques qui ont aussi fait la différence dans le quotidien : des habitus, des croyances, des bulles cognitives, des modes d’interaction sociale et une géographie suburbaine qui forment un mode de vie – et d’agir – propre à la Californie et surtout à la Baie de San Francisco. Un écosystème où la vie digitale infusait dans la ville bien avant que tout ne bascule dans la réalité virtuelle, et où l’État n’a jamais été un sauveur. Sauf pour les laissez-pour-compte de la révolution de la tech.

      La pandémie est d’abord un révélateur du politique au sens littéral de gestion de la cité. Les lieux d’exercice du pouvoir où la riposte s’est décidée précocement ont été d’abord hors de la politique et du système représentatif. Si les maires et le gouverneur ont été rapides à réagir, ils n’ont fait que suivre d’autres acteurs souvent plus puissants : l’influence de la tech et des universités comme leaders d’opinion et de comportements dans la Silicon Valley a été précoce, et décisive.

      Ainsi, le télétravail a été organisé en amont dès fin février, puis imposé aux salariés des starts-ups et des mastodontes début mars avant même que le confinement ne soit déclaré (là aussi très tôt) par les counties. Ces multinationales ont des milliers d’employés partout dans le monde et évaluent très tôt les risques économiques et sanitaires de la déflagration qui se propage de la Chine vers l’Europe et le reste du monde. Culture du big data, de la modélisation des comportements, de l’analyse de risque, de l’agrégation et de la gestion de l’information, du leadership, et de l’ouverture commerciale et culturelle sur le Pacifique, le cœur de métier des Apple, Amazon, Facebook, Google, et autres grandes et petites tech companies les préparaient culturellement et industriellement à prendre le pouls de l’Asie et à anticiper au quart de tour.

      On aime critiquer les GAFA et la tech (et il y a plein de raisons valides pour le faire), et pointer du doigt la mondialisation comme l’une des causes ou des accélérateurs de la pandémie. La réalité est plus complexe : dans l’écosystème de la Silicon Valley, ils ont aussi eu un rôle de leaders et ont accéléré la prise de conscience, pour ensuite participer massivement à l’adaptation de la région aux conséquences du confinement. Google a ainsi déployé 100 000 hot spots WIFI gratuits dans les zones blanches de Californie et donné 4 000 ordinateurs Chrome book aux écoles publiques. Il n’en demeure pas moins troublant de constater le pouvoir décisionnaire massif de ces magmas industriels.

      C’est plus généralement que la culture de la Baie est marquée une attitude de responsabilité individuelle à double tranchant. L’esprit d’initiative et d’innovation tant prisé repose sur une indifférence, voire un certain mépris envers un État dont on n’attend pas grand-chose, si ce n’est, au minimum, de ne pas être un obstacle (ce qui, sous la présidence Trump, n’est pas gagné d’avance). L’idée d’un destin collectif existe, mais il repose sur l’appartenance à une « community » qui n’est pas, contrairement à une idée reçue française, fondée exclusivement sur l’identité ethnique ou sexuelle, mais plutôt sur des micro-lieux de vie et de partage de destins : quartier, entreprises, villes. Et donc les quartiers s’organisent pour soutenir les cafés et restos indépendants menacés de mettre la clé sous la porte, les villes décident seules quand et dans quels termes imposer le confinement, les sans-abris sont mis à l’abri massivement par les municipalités, les entreprises développent seules de véritables politiques de santé publique.

      À Stanford University (où j’enseigne), le campus a ainsi basculé en mode purement digital dès le 9 mars, pour être entièrement fermé et évacué le 25. L’activité de recherche, sans attendre d’hypothétiques fonds publics, s’est immédiatement réorientée vers la réponse à la pandémie, dans la faculté de médecine, en sciences sociales ou en design, tandis que le semestre de printemps se déroulait entièrement par Zoom avec des étudiants aux quatre coins du monde.

      Le discours du leadership n’a d’ailleurs pas été celui d’une « guerre » à mener ou gagner, mais un engagement de responsabilité civique fondé sur l’analyse des données scientifiques et la prise en charge des besoins de la « communauté ». D’immenses efforts ont été déployés pour subvenir aux besoins de (presque) tous, des étudiants boursiers aux post-docs, aux jeunes professeurs non titularisés, aux restaurateurs, agents d’entretien, contractuels, le staff, financièrement, psychologiquement, technologiquement et intellectuellement. Et face au désastre économique qui se précise, le président de Stanford et la vice-présidente vont amputer leurs salaires de 20%.

      D’autres facteurs socio-culturels et géographiques ont aidé à contenir, jusqu’ici, la propagation exponentielle du virus. Il y a d’abord la proximité avec l’Asie, qui est bien plus qu’une donnée géographique ou économique. Au dernier recensement (2010), plus de 33% des San Franciscains se déclaraient « Asian-American », un chiffre qui bondit à 58% de la population à Daly City, banlieue industrielle et résidentielle au sud de la ville. L’Asie n’est pas un horizon lointain sur cette frontière pacifique : elle est au cœur du tissu culturel, ethnique et intellectuel de la région. Elle façonne les manières de socialiser, de se saluer, d’interagir, de se protéger, et de penser le monde. Bien avant l’épidémie il n’était pas rare de voir des jeunes et moins jeunes Chinois ou Asian-American parcourir la ville portant un masque chirurgical, pour se protéger ou protéger les autres.

      Autre micro-différence culturelle, qui en période de coronavirus a pu avoir une influence : les gens se touchent moins à San Francisco qu’en France, en Italie, en Espagne ou à New York. Entre la culture hygiéniste, qui fait que les solutions hydro-alcooliques étaient déjà dans les sacs à mains et les officines de dentistes, et le « cool » un peu distant des échanges quotidiens, on se sourit de loin. La socialisation à San Francisco est chaleureuse dans les mots et les visages, mais plus distante physiquement, moins « au contact » (pas de bises à la française, on ne se serre même pas toujours la main pour se présenter, encore moins pour se dire bonjour — un salut de la tête, de loin, suffit ; les « hugs » sont réservés aux retrouvailles).

      [Cette « distanciation sociale » avant l’heure n’est que le masque affable d’une fracture sociale et raciale vertigineuse.]

      Cette distance sociale physique dans les interactions du quotidien est mise en abyme par la géographie urbaine, ou plutôt suburbaine de San Francisco et des alentours. Excepté un centre-ville touristique et des affaires assez dense et quelques îlots de tours, la ville s’étale sur sept collines principalement résidentielles, séparées par d’immenses parcs de plusieurs centaines voire milliers d’hectares, comme le Presidio. Les immeubles sont plutôt rares et limités par décret à quatre ou six étages. Le rêve californien est la maison victorienne individuelle (comme la fameuse « maison bleue » de Maxime Le Forestier, récemment mise sur le marché pour la modique somme de 3,5 millions de dollars).

      Pour un Parisien ou un New Yorkais, certains quartiers sont en temps normal d’un calme au choix flippant ou apaisant. Dans mon quartier de Potrero Hill, colline coincée entre deux autoroutes où sont perchées des maisons à deux étages, on vit ce paradoxe qu’il y a aujourd’hui, en plein « confinement » : plus de gens dans les rues (car ils ne sont plus ni dans leur voiture ni au bureau) que d’habitude, où l’on peut marcher cinq pâtés de maisons sans rencontrer âme qui vive. D’ailleurs les « clusters » de contagion sont presque exclusivement dans des centres pour sans-abris ou des maisons de retraite, ou dans le quartier de Mission où l’habitat collectif est plus dense.

      Chacun dans sa maison individuelle, et surtout dans sa voiture. Avec 1,7 voiture par famille, les San Franciscains font presque tout en automobile (malgré l’émergence du vélo électrique pour vaincre lesdites collines, pentues) : les courses, toutes les courses de la baguette à la pharmacie, la dépose-rapide des enfants devant l’école, les sortes de « drive-in » pour les chercher à 16h00 où l’on embarque non un plat mais un môme (le nôtre généralement, c’est bien organisé), le dentiste, le coiffeur, la balade du week-end à la plage, et surtout, le travail. Entre toutes ces activités, il peut arriver de passer quatre bonnes heures par jour en voiture, juste pour accomplir le minimum vital professionnel et familial. Les 160 000 passagers qui prennent quotidiennement le métro de San Francisco (400 000 sur toute la Baie) font pâle figure en comparaison des 4,3 millions qui s’agglutinent dans le métro new yorkais.

      Et ce qu’on ne fait pas en voiture, on le fait en ligne : acheter des habits, commander des repas (UberEat), faire faire ses courses par quelqu’un d’autre (Instacart, DoorDash), et même rencontrer l’âme sœur ou sa « date » (Tinder) — une App née à San Francisco vous évite de sortir de chez vous. Ce faible taux de promiscuité au quotidien aura-t-il freiné lui aussi la propagation du virus ? Là encore, les « leçons » de la crise ne vont pas forcément dans le sens qu’on aimerait : le tout voiture et l’uberisation ont peut-être été des facteurs protecteurs – du moins pour ceux qui peuvent en profiter.

      Avec le « shelter in place », les rues ne sont donc pas soudain vides – elles l’étaient déjà dans de nombreux quartiers la plupart du temps. Les interactions sociales se sont raréfiées, notamment dans ces rues qui offraient sur deux pâtés de maison une soudaine concentration d’échoppes, mais on télé-commutait déjà de manière régulière dans les entreprises de l’économie de l’information, de l’éducation, de la tech, ou de la finance. Et avec le tout voiture, combien de gens se croisaient vraiment dans la rue chaque jour, hors quartiers touristiques et d’affaires ? À visualiser New York ou Paris, puis le San Francisco d’avant, on imagine volontiers (même s’il faudrait des études précises) que nombre de San Franciscains faisaient déjà de la « distanciation sociale » sans le savoir.

      Et c’est d’ailleurs bien là que le bât blesse. Cette cartographie des interactions humaines esquissée ici à grand traits sans doute grossiers, révèle des failles sociologiques immenses qui se lisent déjà dans la géographie du Covid-19. Cette « distanciation sociale » avant l’heure que permettait la digitalisation des modes de vie et une urbanisation construite autour de la maison individuelle et de l’auto n’est que le masque affable d’une fracture sociale et raciale vertigineuse.

      Et si San Francisco échappait donc à la pandémie en partie parce qu’elle a exclu de ses limites, bien avant la crise, ceux qui la font vivre et ne peuvent plus y vivre, ceux qui vivent en habitat collectif, sont locataires, prennent les transports publics, n’ont pas deux tablettes, un ordinateur et 3 Iphones par foyer ? Car qui peut encore habiter dans une ville dont le revenu médian est de $112,000 par an, et où le loyer d’un « one bedroom » est autour de $3500 par mois ?

      Passer au tout digital était « seconde nature » pour la couche aisée de la population – celle qui se confine aujourd’hui tandis que les travailleurs qui ne peuvent se payer un loyer à San Francisco continuent de l’alimenter, de la soigner ou de lui livrer ses colis Amazon. Il existe bien encore quelques quartiers qui fourmillent, qui braillent, qui grouillent, qui arpentent, qui se serrent, qui vaquent, comme Mission, le Tenderloin, et ces non-lieux que sont les enclaves grappillées sous les ponts et les autoroutes, les terrains vagues le long des entrepôts, où des tentes éparpillée formant une ville fantôme. Ces quartiers sont eux frappés de plein fouet, par la maladie [1], par la fracture numérique qui laissent des enfants sans apprentissage et sans repas car sans école, par les licenciements secs, du jour au lendemain.

      La Silicon Valley et San Francisco ont été partiellement épargnées par la pandémie. C’est une bonne nouvelle. Sauf si elles l’ont été parce qu’elles s’étaient déjà confinées dans un monde d’après, où la distanciation sociale est d’abord la mise à distance des moins bien lotis.

      Cécile Alduy
      CHERCHEUSE EN LITTÉRATURE, PROFESSEURE À STANDFORD, CHERCHEUSE ASSOCIÉE À SCIENCES PO

      [1 ] Lien vers :
      Coronavirus hits San Francisco’s Mission District hardest of all city neighborhoods (20/04/2020)
      https://www.sfchronicle.com/bayarea/article/City-data-show-SF-s-Mission-District-is-area-of-15213922.php

      Cécile Alduy
      CHERCHEUSE EN LITTÉRATURE, PROFESSEURE À STANDFORD, CHERCHEUSE ASSOCIÉE À SCIENCES PO
      Cécile Alduy est professeure de littérature et de civilisation françaises à l’université Stanford (États-Unis), et chercheuse associée au CEVIPOF à l’Institut d’études politiques de Paris. Elle est l’auteur de Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste (Seuil, 2015), lauréat du prix « Penser la société » 2015 du Panorama des Idées. Journaliste politique, elle écrit régulièrement pour Le Monde, Le Nouvel Obs, The Atlantic, The Nation, The Boston Review, Politico, CNN et a publié de nombreux articles universitaires sur le Front national.

      https://aoc.media/auteur/cecile-alduyaoc-media

      (article en contrepoint, pas édité, beaucoup trop d’italiques... edit 27/05 : bon je sais pas si elle a trop lu Tiqqun ou Bourdieu, mais mettre des italiques pour "tech" ou "leaders", vraiment... bref, c’est mis comme c’est écrit, et y’aurait vraiment pas une façon de faire non manuelle ? )
      #Cécile_Alduy