#hyperandrogénie

  • Briser le silence sur la #santé des #femmes : le cas du #SOPK

    #Réarmement_démographique”. Si notre président n’était pas si obsédé par ce champ lexical militaire, le terme pourrait presque faire sourire. Sous prétexte de lutter contre l’#infertilité – on s’interroge sur ses vraies velléités –, il est légitime de penser que ces gouvernements successifs portent surtout une volonté de contrôler la population, et en particulier le corps des femmes. Car les causes de l’infertilité sont multiples et complexes. Parmi elles, le syndrome des #ovaires_polykystiques. C’est la première cause d’infertilité en France. Vous n’en avez peut-être que peu, voire pas entendu parler. On fait le point sur ce que c’est, les conséquences de cette pathologie, pourquoi elle est toujours si invisibilisée, et des pistes pour sortir de ce silence général.

    Un syndrome largement méconnu qui concerne une personne menstruée sur sept

    Décrit pour la première fois en 1935, le #syndrome_des_ovaires_polykystiques – ou #syndrome_de_Stein-Leventhal – est une #pathologie_hormonale chronique et évolutive, dont la cause est inconnue, qui peut provoquer un #déséquilibre_hormonal : les femmes qui en sont atteintes ont un taux d’#androgène beaucoup trop élevé par rapports aux normes biologiques. Ce déséquilibre hormonal entraîne un excès de follicules autour de l’ovaire, lesquels impliquent des #cycles_menstruels longs – voire très longs, parfois plus de 100 jours – et anovulatoires.

    Le SOPK touche entre 8 et 13% des femmes “en âge de procréer” selon l’OMS, sans compter les femmes qui n’ont jamais été ou qui rencontrent des difficultés à être diagnostiquées. Ce dernier arrive souvent très tardivement, en moyenne au bout de 7 ans, et généralement pas avant le 5ème rendez-vous. En outre, jusqu’à 70% des femmes touchées par cette pathologie dans le monde ne sont encore pas diagnostiquées. Et encore faut-il supporter le long parcours du diagnostic et les rendez-vous médicaux marqués par l’expression de violences à destination des patientes, voire des #violences_gynécologiques et sexistes.

    Des symptômes corporellement visibles et très stigmatisants

    Les #symptômes du SOPK, s’ils diffèrent d’une personne à l’autre et peuvent changer au fil du temps, sont lourds et souvent visibles corporellement (à la différence de l’#endométriose, plus considérée comme un handicap invisible)… Les plus fréquents sont, pêle-mêle, cycles menstruels longs et irréguliers, #pilosité excessive, prise de #poids, #chute_de_cheveux, #acné, ou encore douleurs musculaires.

    Cette liste est non exhaustive et ne tient d’ailleurs pas compte des pathologies cardiovasculaires et rénales dont le SOPK et ses conséquences sont un facteur de risque conséquent : risque d’#AVC ou d’#infarctus accru, résistance à l’#insuline provoquant un #diabète de type 2, etc… Autant de conséquences qui peuvent indiquer que ce syndrome n’est absolument pas anodin et que le sujet est très important.

    La prise de poids, l’acné et l’#hirsutisme sont des symptômes peu connus du SOPK (qui est lui-même peu connu). Ils évoquent ce qui était autrefois considéré comme de la monstruosité. Toutes ces formes de #stigmatisation induisent des conséquences dans tous les domaines de la vie (#santé_mentale, travail, relations sociales). La #charge_mentale induite par le SOPK, comme le montre de nombreux témoignages, se manifeste à toute heure de la journée : gestion des #douleurs, prise de traitements plus ou moins invasifs visant à soulager les symptômes, charge financière induite par ce traitement, charge mentale et organisationnelle pour caler ses journées sur les manifestations de la maladie, etc, etc.

    L’un des symptômes du SOPK, des plus visibles et gênants, est l’hirsutisme. Longtemps associé à de la #monstruosité par les structures sociales, il se manifeste par une croissance excessive des poils sur le visage, le dos, la poitrine, et d’autres zones du corps. Selon les rares données disponibles, il touche environ la moitié des femmes vivant avec le SOPK.

    Si les femmes possédant une barbe, et souffrant d’hirsutisme, ne sont aujourd’hui plus exposées dans les foires en France – même si elles l’étaient encore durant la première moitié du XXe siècle (donc jusqu’en 1950) –, en pratique, l’hirsutisme induit une charge mentale immense, directement liée au #stigmate_social dont souffrent les femmes : moqueries, humiliations, violences physiques, etc, etc. Cette charge mentale est souvent doublée d’une charge économique induite par l’achat de rasoirs pour le visage, parfois par une épilation électrique ou au laser (très coûteuses), afin d’essayer de reprendre une apparence jugée par les structures normées et andro-centrées comme “normale” ou “féminine”.

    #Invisibilisation et négation de la parole des femmes

    Invariablement, lorsque l’on parle de #santé_des_femmes, leurs souffrances sont banalisées, minimisées, voire niées par une partie du corps médical, et plus largement par une partie de la société. L’endométriose et – plus encore – le SOPK sont perçues comme des maladies de seconde zone, car des “maladies de femmes”. Les longues #errances dans le #diagnostic de ces deux maladies résident dans les attitudes et croyances d’une partie du corps médical, qui néglige les témoignages des femmes concernant leur mal-être physique et psychique.

    Les résultats d’une étude portant sur l’impact des retards dans le diagnostic et le manque d’informations sur l’expérience des femmes atteintes se vérifient dans de nombreux témoignages livrés par des femmes vivant avec le SOPK et ayant connu une longue errance diagnostique :

    “Quand j’allais voir ma gynécologue, elle me disait juste “prenez la pilule”. Le SOPK a totalement pourri mes années de fac. […] La pilule ne faisait qu’amoindrir les symptômes et entretenir des cycles artificiels”

    “Mes règles étaient très douloureuses. Cela n’inquiétait pas les médecins autour de moi qui me répondaient que c’était parfaitement normal. […] je rencontre ma première gynécologue, celle-ci n’était pas très empathique et pas réellement douce. Elle m’informe à la fin de la consultation que j’ai des ovaires polykystiques. Je précise qu’elle me dit que ce n’est pas grave et que cela n’aura aucun impact dans ma vie. Elle me conseille seulement de revenir le jour où je désirerais avoir des enfants”

    “J’ai été diagnostiquée en 2019 après six ans d’errance médicale. Au début, on m’avait juste dit : ce n’est rien, prenez la pilule”

    Ces #témoignages font écho à d’autres que j’ai pu recueillir dans le cadre d’un mémoire de recherche sur l’endométriose chez les étudiantes. Étant classée comme une pathologie féminine et de nature gynécologique, elle est fréquemment considérée comme “sale”, car liée aux #menstruations. Les #douleurs_menstruelles sont normalisées  ; si les femmes présentent des douleurs, elles doivent l’accepter et souffrir en silence. Si elles expriment leur douleur, on dit généralement d’elles qu’elles exagèrent, qu’elles sont douillettes, voire que cette douleur est dans leur tête. Beaucoup de ces stigmates proviennent d’une partie du corps médical qui, traduisant sa #méconnaissance du sujet, se permet de psychologiser de façon outrancière, ou carrément de nier, les souffrances vécues par les patientes : “vous faites ça pour attirer l’attention de vos proches”, “cette maladie n’existe pas”, “je plains votre copain, ça doit pas être facile tous les jours pour lui”.

    Dans le cas de l’endométriose, qui est considérée comme un #handicap_invisible, les symptômes sont peu perçus. Les règles sont considérées par les #normes_sociales comme un phénomène impur, dont les femmes doivent avoir #honte, et qu’il faut de facto, et à tout prix, dissimuler. Pour le SOPK, dont les symptômes sont très visibles corporellement, on considère que ceux-ci sont dus à une négligence physique, à de la paresse ou à de la sédentarité.

    La méconnaissance du SOPK s’explique aussi par le caractère très genré de la production de savoir scientifique et médical. La plupart des articles scientifiques sont écrits (en considérant les deux places les plus “importantes” dans un article, à savoir premier et dernier auteur) par des hommes. Lorsque ce sont des femmes, elles sont parfois, si ce n’est souvent, suspectées de partialité, voire de militantisme, car elles seraient “trop concernées” par le sujet, ce qui biaiserait ainsi fatalement leur travail. Quand elles ne sont pas tout simplement réduites au silence.

    En pratique, lorsque l’on compare la production scientifique1 avec une autre #pathologie_chronique à prévalence similaire, voire quasi-égale : le diabète, types 1 et 2 confondus, on remarque qu’il existe environ 22 fois plus d’articles traitant du diabète que du SOPK. Et si l’on compare production scientifique sur le diabète et sur l’endométriose, qui ont aussi une prévalence semblable, le ratio est de 1 article pour 11. Devinez dans quel sens.

    Aucun traitement malgré de multiples impacts sur la santé mentale et physique

    La majorité des témoignages recueillis sur les sites, blogs et forums en ligne concernent la grossesse et la question de l’infertilité, laquelle est la conséquence la plus largement traitée (par stimulation ovarienne, FIV ou PMA) du SOPK. Lorsque qu’une femme consulte pour une suspicion de SOPK, le corps médical lui parle quasi invariablement de grossesse, laissant de côté les autres conséquences, pourtant très nombreuses.

    Celles-ci sont totalement invisibilisées. Comme pour l’endométriose, une partie du corps médical s’accorde à dire que les symptômes peuvent être soulagés par des changements dans le #mode_de_vie des femmes qui en sont atteintes. Ce postulat repose sur les recommandations actuelles pour le grand public – augmentation de l’activité physique, alimentation équilibrée, etc –, les données relatives aux modes de vie chez les femmes atteintes du SOPK étant très limitées. Sur le site ameli.fr, les recommandations sont ainsi, mais précisent bien que “les femmes ayant un SOPK et n’étant pas en situation de #surpoids peuvent adapter leur mode de vie mais le fait de maigrir n’améliorera pas leurs symptômes”.

    Le gouvernement semble se satisfaire de cet état de fait. En outre, il renforce la croyance que les femmes sont individuellement responsables de leur bien-être lié au SOPK. Et que, si leur état de santé ne s’améliore pas, c’est qu’elles l’ont, au fond, un peu cherché.

    Autre #double_standard : si les traitements pour l’infertilité et l’assistance à la procréation sont remboursés, les autres soins liés au SOPK (suivi psychologique, pilule, traitements contre l’acné, etc) ne le sont majoritairement pas. Ce qui en dit long sur l’importance accordée au bien-être psychologique et mental des femmes.

    Et lorsque de rares traitements font leur apparition sur le marché, ils provoquent quasi invariablement de lourds #effets_secondaires. Exemple : le traitement le plus courant, et le plus prescrit dans le cadre du SOPK, est la #pilule_contraceptive. L’enjeu, qui est de mettre les #ovaires “au repos”, est en réalité un cache-misère qui, si elle peut offrir la sécurité d’un cycle “normal”, contient d’énormes inconvénients en matière sanitaire : une récente étude suédoise a démontré en 2023 que les femmes adultes sous pilule avaient un risque accru de 92% de #dépression (en plus des conséquences directes du SOPK sur la santé mentale).

    Second exemple : pour apaiser l’#hyperandrogénie (qui peut provoquer acné sévère, hirsutisme ou chute de cheveux), qui touche environ 70% des femmes atteintes du SOPK, outre les recommandations sur l’hygiène de vie, les médecins prescrivent souvent une pilule nommée #Androcur (commercialisée depuis les années 80). Cette pilule, provenant du laboratoire Bayer, a été largement prescrite à de très nombreuses femmes, sans que celles-ci aient au préalable été averties des effets indésirables, comme un risque de méningiome au cerveau. Et alors que les effets indésirables graves étaient connus depuis les années 2010. En 2025, la pilule est toujours sur le marché.

    Malgré l’avancée, croissante mais très tardive, de la recherche sur le SOPK, il n’existe toujours aucun traitement curatif pour guérir de la #maladie. Les seules solutions thérapeutiques visent à soulager les symptômes. Comme le montre cette large étude, le diagnostic du SOPK est extrêmement long et les informations livrées par le corps médical sont souvent inadaptées, lorsqu’elles ne sont pas manquantes. La plupart du temps, on prescrit aux femmes concernées une pilule contraceptive, généralement en continu, afin de bloquer l’arrivée des règles, ce qui est supposé calmer les douleurs.

    La chercheuse britannique en physiologie Sophie Williams, spécialiste du SOPK, rappelle à juste titre que « le syndrome des ovaires polykystiques est un sujet sur lequel il y a très, très peu de recherche, et au sein de ce sujet, la santé mentale est encore moins étudiée ».

    Malgré la carence évidente dans le monde de la recherche, les impacts du SOPK sur la santé mentale commencent à être étudiés dans le détail. Les personnes ayant été diagnostiquées avec un SOPK sont environ trois fois plus susceptibles de souffrir d’#anxiété et de dépression que les personnes non diagnostiquées. Le SOPK peut également être associé à un risque accru de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles alimentaires, et de troubles bipolaires.

    Le SOPK peut aussi être à l’origine d’une augmentation des #tentatives_de_suicide chez les femmes diagnostiquées, comme le montre cette étude taïwanaise, publiée en février 2024. Cette étude, fondée sur l’analyse des bases de données nationales entre 1997 et 2012, a comparé les trajectoires de vie de plus de 18.000 femmes diagnostiquées avec un SOPK, avec celles de femmes qui n’étaient pas touchées par le syndrome, mais qui avaient des modes de vie similaires. Les résultats nous apprennent qu’en cas de SOPK diagnostiqué, le risque de tentative de suicide est 5,38 fois élevé chez les adolescentes, et monte à 9,15 fois pour les adultes de moins de 40 ans. Les auteurs de l’étude suggèrent, pour expliquer l’évolution du risque de tentative de suicide, que les conséquences du SOPK peuvent être un facteur aggravant pour la santé mentale des adolescentes et des jeunes adultes.

    En termes de santé physique, le SOPK est aussi à l’origine de nombreuses conséquences au travail : les douleurs épuisent plus rapidement et compromettent la réalisation de tâches physiques. Les femmes qui en souffrent sont plus exposées aux violences verbales, attaquant la sacro-sainte productivité au travail, qui est de facto altérée par les conséquences de la pathologie. Et même ici, au travail, tout le monde n’est pas mis sur un pied d’égalité par rapport au SOPK. Les gestions de la douleur ne sont pas les mêmes selon que le travail est principalement d’ordre physique, utilisant le corps comme outil de travail principal, ou d’ordre plus intellectuel (professions de cadres, entre autres). Le stress et la peur du licenciement sont plus forts pour les femmes travaillant dans des métiers pénibles et peu qualifiés. Par rapport à des cadres (sans minimiser les symptômes dont celles-ci souffrent également, la maladie ne faisant pas le tri entre classes aisées et classes populaires), elles ne peuvent pas se permettre de prendre des pauses – plus ou moins régulières – afin de mieux pouvoir gérer les douleurs (physiques et psychiques) générées par les symptômes de la pathologie.

    Politique nataliste et défense de la corporation médicale plutôt que promotion de la recherche

    Grosso modo, pour Macron et compagnie, la santé et l’accès aux soins ne sont pas – mais vraiment pas – une priorité. La santé des femmes l’est encore moins. Et les pathologies chroniques et incapacitantes touchant entre 1 femme sur 10 et 1 femme sur 7 le sont encore moins.

    La prise en charge médicale globale se détériore sous l’effet des politiques macronistes, ainsi que des rejets de contre-propositions concrètes visant à mieux répartir la densité de médecins sur le territoire français ainsi qu’à en former davantage. À chaque fois qu’un amendement vient un tant soit peu menacer la liberté d’installation des médecins – seule profession exerçant une mission de service public qui bénéficie de ce privilège – en France, la macronie et l’extrême droite se planquent derrière les arguments et revendications des syndicats de médecins les plus corporatistes, au détriment des habitant•es qui subissent la perpétuelle extension des déserts médicaux.

    Comme nous l’avions résumé : “d’une façon générale le système de santé français se délabre, en raison de quinze années successives de plans d’austérité, d’une absence d’organisation de la profession médicale qui favorise les déserts médicaux et de conditions de travail de plus en plus difficiles pour les soignants”.

    Du côté de l’Assemblée Nationale, ce n’est guère plus réjouissant. En mars 2024, la droite (minorité présidentielle + LR) a rejeté l’article 1er de la proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel en cas de menstruations incapacitantes. Quelles ont été les propositions émanant du gouvernement et de son aile droite (comprendre, le RN) depuis ? Aucune.

    Malgré les propos de Macron, qui traduisent plus une volonté de contrôle des naissances qu’autre chose, il n’y a aucune véritable politique de lutte contre l’infertilité, à savoir aider les femmes qui veulent avoir des enfants à en avoir. La seule grosse mesure en ce sens a été l’extension de la PMA. Sauf que, pratiquée sur une femme souffrant d’un SOPK, elle a de bonnes chances de ne pas aboutir. Il n’y a tout simplement aucune volonté, au sommet de l’État, de s’intéresser aux causes de l’infertilité pour sérieusement prendre en charge des patientes et les aider à réaliser leur désir de maternité – tout en foutant la paix aux personnes ne voulant pas avoir d’enfant.

    Toujours au niveau institutionnel, un rapport sur les causes d’infertilité est sorti il y a deux ans, en 2022. Bien que celles-ci soient très lacunaires, il était déjà possible à ce moment-là de trouver des informations sur les conséquences du SOPK dans la littérature scientifique et médicale. Alors qu’il est, rappelons-le, la première cause d’infertilité chez les femmes, les occurrences “syndrome des ovaires polykystiques” ou “SOPK” ne sont présentes que 20 fois sur 137 pages, et aucune proposition ni solution concrète n’est avancée pour promouvoir la recherche sur ce syndrome, ni pour des programmes de prévention, d’éducation ou de communication.
    Comment agir à notre échelle ?

    Macron et ses gouvernements éphémères traduisent une vision archaïque, préhistorique, des femmes qui ne sont pas considérées comme des êtres humains qui veulent juste vivre pleinement, et s’abstraire de leur aspect physique ou esthétique. Ce que Macron démontre avec ses déclarations, c’est que les femmes sont vues à travers ses yeux comme un objet de procréation. En cela, il est parfaitement aligné sur le calendrier idéologique de l’extrême droite, dont les propositions politiques sur les thématiques de l’enfance et de la famille se résument à : faites le plus d’enfants possibles, sauf si vous êtes noir ou arabe.

    D’ailleurs, tout au long du second quinquennat Macron, la boucle – travail, patrie, et famille –, aura été bouclée  ; on aura eu droit à l’allongement de l’âge de départ à la retraite, à la loi immigration directement inspirée du programme présidentiel du RN, et au réarmement démographique. Mais si la période est rude et peut entraîner au pessimisme, nous ne devons pas nous laisser aller au fatalisme total.

    Le SOPK est un enjeu absolument majeur de santé publique. Comme nous l’avons rappelé tout au long de cet article, il présente des risques quotidiens sur la santé physique et mentale des femmes concernées.

    Sans qu’il faille totalement cesser de parler de l’infertilité, il s’agit en même temps de déconstruire l’association systématique “SOPK-infertilité”, qui ne tient pas compte des autres symptômes, et les met de fait sur le compte de la responsabilité individuelle, et d’offrir une prise en charge globale. La prise de poids, l’hirsutisme et les conséquences sur la santé mentale sont encore largement sous-estimées à l’heure actuelle. Si des propositions d’accompagnement psychologique pour les femmes qui souffrent du SOPK existent, elles ne sont pas systématiquement proposées et surtout, elles coûtent très cher.

    Qu’il y ait une véritable éducation au cycle menstruel pour les enfants et adolescent•es. Quoiqu’en dise l’ex-ministre Alexandre Portier, qui se sert de sa méconnaissance des études sur le genre pour faire avancer son agenda ultra-conservateur, une meilleure connaissance des règles et de leurs implications est nécessaire pour sensibiliser et déconstruire les tabous qui les entourent.

    Qu’advienne une meilleure reconnaissance du statut de patient•e-expert•e : si le paternalisme médical a reculé, en comparaison aux décennies précédentes, il reste encore présent au sein de la société française. Les femmes atteintes d’endométriose et/ou du SOPK sont souvent contraintes de devenir des “patientes-expertes”. Si ce statut présente des avantages : meilleure connaissance de la pathologie, implication auprès d’autres personnes, développement de réseaux associatifs ou de connaissances, il n’est pas officiellement reconnu. Les patientes-expertes ne sont pas, au niveau institutionnel, reconnu comme des expertes “légitimes” et ne bénéficient ainsi pas du statut du médecin ou du gynécologue, malgré un niveau de connaissance parfois supérieur à ceux-ci. Ainsi, si elles peuvent élaborer et animer des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP), participer à des conférences ou des colloques, elles ne peuvent se substituer aux décisions thérapeutiques prises par le/la professionnel•le de santé, malgré les risques encourues par celles-ci (prescription de pilules présentant de nombreux effets secondaires, entre autres).

    Que trois mots qui, sans l’action des associations, des femmes concernées et des chercheur•euses qui travaillent sur le sujet, ne sont jamais appliqués au pied de la lettre, le soient : écouter, communiquer, sensibiliser. Après des décennies – et même des siècles –, une une meilleure communication sur une pathologie comme l’endométriose4 a permis de faire connaître cette maladie, de sensibiliser les citoyen•nes, les institutions politiques.

    Que le SOPK soit inscrit dans le programme des études de deuxième cycle de médecine (l’endométriose y a seulement été inscrite en 2020). Et que nous puissions, au sein des universités, encourager et accompagner la mobilisation des étudiant•es, afin de pousser les directions à agir et à instaurer des dispositifs d’écoute, de partage d’expérience et d’entraide au sein des universités et des environnements professionnels. Il serait souhaitable que celles et ceux dont la voix s’élève principalement pour critiquer les rares initiatives parlementaires (je ne vise pas, rassurez-vous, l’ensemble des étudiant•es en médecine) visant à encadrer la liberté d’installation, s’engagent également pour la reconnaissance du SOPK et la création d’espaces dédiés à l’écoute et à la solidarité.

    Que chaque lecteur de cet article, qu’il soit familier ou non avec ce syndrome, devienne une oreille attentive et bienveillante pour celles qui pourraient en souffrir. Les chiffres – sous-estimés, rappelons-le –, suggèrent qu’il est fort probable que chacun ait dans son entourage plusieurs personnes concernées.

    Que nous déconstruisions les stigmates jetés sur les femmes souffrant du SOPK. À l’heure actuelle, une situation de surpoids est tout de suite associée à de la fainéantise, et amène à la grossophobie. Une chute ou perte de cheveux est immédiatement perçue comme la conséquence d’une chimiothérapie. L’acné est très vite liée à de la saleté, voire à une négligence. Et ne parlons pas de la présence d’une barbe chez une femme est considérée au mieux comme un homme, au pire comme une monstruosité, dont la place naturelle serait dans un cirque.

    Que le message essentiel à transmettre aux parents, ami·es et proches, qui accompagnent, ou s’apprêtent d’accompagner une fille, une nièce, une sœur ou une cousine, dans la découverte de ses premières menstruations, soit le suivant : un cycle menstruel de plusieurs mois ne doit jamais être banalisé. Une prise de poids significative ne se résume pas toujours à un manque d’activité physique ou à un mode de vie sédentaire. Une chute de cheveux n’est pas systématiquement le signe d’un traitement comme la chimiothérapie. L’acné ne constitue pas forcément une étape inévitable de l’adolescence. Tous ces signaux peuvent être des symptômes du SOPK, et ne doivent jamais être banalisés.

    Que de tout cet article, il faille retenir ceci : le SOPK doit devenir un sujet politique de premier plan, et un vécu partagé et entendu par toutes et tous, dans chacun des cercles de sociabilité (famille, amis, collègues).

    https://www.frustrationmagazine.fr/sopk

    #genre #psychologisation

  • #Athlétisme : feu vert pour la « police de la #testostérone »

    Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a rejeté ce mercredi le recours de la double championne olympique sud-africaine #Caster_Semenya. Les femmes qui, comme elle, produisent beaucoup de testostérone naturelle devront prendre des médicaments pour en faire baisser le taux, sous peine d’être exclues de certaines courses.

    https://pbs.twimg.com/card_img/1123613734361075712/eWIWjVef?format=png&name=600x314

    https://www.mediapart.fr/journal/international/010519/athletisme-feu-vert-pour-la-police-de-la-testosterone
    #genre

    • #Hyperandrogénie : le Tribunal arbitral du sport (TAS) donne raison à l’IAAF contre Caster Semenya

      Saisi par la Sud-Africaine Caster Semenya qui contestait les nouveaux règlements de la Fédération internationale concernant les athlètes hyperandrogènes, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a donné raison à l’IAAF.

      https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Hyperandrogenie-le-tribunal-arbitral-du-sport-tas-donne-raison-a-l-iaaf-contre-caster-semenya/1014316
      #sport

    • Oui @aude_v, voici la formule :

      if (gagnante & is(noire) & is not(dopée) & is not(membre du G7) & is(lesbienne) & is not(soumise) ) then (dégage).

    • Le site de l’IAAF annonce « 6 core values »

      universality, leadership, unity, excellence, integrity and solidarity

      Je pense qu’on peut décerner un FAIL sur chacune.

    • C’est très intéressant d’imaginer toutes ces cogitations de #règlement_sportif pour trouver un biais soit disant législatif. Au début, ils se sont demandés si ils n’exigeraient pas un plat en sauce en moins d’une demie-heure avant le top départ, d’aucuns s’il ne fallait pas l’affamer sur plusieurs générations pour réduire sa hauteur. Un autre s’est levé pour proposer le viol par les membres du jury. Et si elle sait fabriquer un autre corps, c’est bien une femme. Le suivant, a proposé lors des courses une tenue réglementaire exhibant son sexe. Le chef a dit qu’en lui limant les dents et en réduisant sa machoire chirurgicalement, on pourrait considérer que ce n’est pas un homme. Ils ont tous approuvé l’injection de botox pour ses seins et ses hanches.
      Cependant, ils étaient toujours inquiets, elle avait encore une moustache et des poils sur les jambes. Obligation épilatoire ! cria l’un. Violons la cria l’autre, un troisième répliqua que c’était déjà fait. Nous sommes en danger, nous devons mener bataille pour défendre l’union phallique hétéro centré, pas question qu’une femme courre plus vite que nous. Exigeons la réduction des pieds cria l’un, allongeons lui le cou clama l’autre, tapons la ajouta le troisième, du moment qu’elle courre moins vite que nous. L’anus sacré du temple de la #testostérone ne peut accepter la pénétration d’une femme, on va leur montrer qu’on n’est pas des pédés et que le sport c’est du sérieux, de la couille.
      Le plus jeune proposa que les femmes ne soient admises aux jeux olympiques que si elles avaient remporté le concours de Miss, les autres éclatèrent de rire, quel ignorant, depuis 1980, elles peuvent courir librement.
      Non, les mecs, il nous faut un truc moderne hightech, un machin aux hormones pour lui faire diminuer sa soif de gagner et ses muscles disgracieux. D’autant que si elle accepte le breuvage chimique, c’est sous sa responsabilité après tout. Votons démocratiquement comme un seul homme pour la #castration_chimique obligatoire, déjà testé en laboratoire sur des chimpensées femelles, c’est miraculeux, elles deviennent blanches et perdent leurs poils.

    • Oui @Fil, on pourrait s’organiser un atelier cinéma lors d’une rencontre …
      Le réglement créé pour diminuer #Caster_Semenya est l’apothéose de toutes les inventions les plus terrifiantes pour maintenir les femmes sous la domination masculine.

    • #merci @mad_meg et @fil
      pour le film un comité de vigilance masculin fait des propositions autour d’un corps en 3D/hologramme d’une femme telle qu’ils veulent la définir. On entrecoupe le tout par des images et vidéos piochées sur le web. Comme celle-ci


      Todo - trouver des extraits de Free to Run qui raconte comment les femmes ont été empêchées de courir.

    • Jusqu’à la puberté, les enfants ont le même type de corps et parfois le même type d’entrainement. Ensuite, on les sépare et surtout, on n’entraine plus les filles comme les garçons, ce qui explique aussi en partie les différences de performances, ça et l’injonction à la maigreur et donc à une baisse des apports nutritionnels en dessous des besoins pour un bon développement.

      En gros, je pose l’hypothèse que les différences de performances n’expliquent pas la ségrégation sexuelle dans le sport, mais plutôt que la ségrégation sexuelle partout explique les différences physiques et de performances.

      En une génération, on verrait probablement les différences physiologiques régresser jusqu’à ne pas être plus significatives qu’entre deux individus lambda.

    • Le problème viens peut être aussi du sport, là je ne veux pas dire la pratique physique en elle même, mais la compétition qui l’accompagne. Si le principe du sport c’est de montrer qui a le plus gros taux de testosterone, ou qui est le kiki de tous les kikis, c’est logique que les femmes soient en retrait et beneficient de rémunérations et visibilité nulle ou ridicule.

    • Tout à fait d’accord avec @mad_meg. La plaie principale ça reste quand même la compétition à outrance, où il faut vraiment être le plus fort, le plus rapide, etc.

      Aaah, l’escalade et le cirque, mes deux champs d’activités physiques préférées. :) (ya le Parkour aussi où j’ai toujours vu un bon esprit pour l’instant)
      Bien sûr dans tout on peut trouver de la compétition (y compris entre artistes), mais yen a quand même où c’est beaucoup moins prégnant et où il s’agit plus de faire ensemble, de s’entraider, et d’atteindre des sommets personnels.

      Moi je suis pour le mélange de la pratique physique avec la pratique artistique/esthétique, où il ne s’agit rien de gagner, mais juste de construire quelque chose (qu’on décidera de montrer à d’autres ou pas).

      #compétition d’ailleurs (et l’athlétisme est le summum de l’esprit compétitif du sport)

    • Je colle ici quelques idées à ajouter au film à venir

      « S’épiler les sourcils, se raser sous les bras… apprendre à marcher avec des chaussures à talons hauts, écrit Dworkin dans Woman Hating, se faire refaire le nez, raidir ou friser les cheveux — ces choses font mal. La douleur, bien sûr, enseigne une leçon importante : aucun prix n’est trop élevé, aucun processus trop répugnant, aucune opération trop douloureuse pour la femme qui souhaite être belle. »

      On remplacera belle par femme.

    • D’un autre coté, être belle ca veut dire montrer des signes de soumissions. S’infliger des trucs douloureux qui coutent la peau des fesses et tout ca pour plaire à des dominants qui risquent de te pourrir encor plus la vie avec de la progéniture.

    • Quelles difficultés juridiques posent le cas de l’athlète hyperandrogène Caster #Semenaya ?

      La double championne olympique du 800 m, Caster Semenya, s’est vue interdite de courir sur 800 m depuis l’instauration d’une nouvelle règle sur les athlètes hyperandrogènes. Depuis le 8 mai, ce règlement impose à certaines athlètes présentant une différence du développement sexuel (DSD), de suivre un traitement pour faire baisser un taux de testostérone élevé. Le recours qu’elle a formé devant le Tribunal arbitral du Sport a été rejeté le 1er mai mais l’athlète a annoncé son inscription aux 3000 m à Stanford le 30 juin prochain.

      Décryptage par Mathieu Maisonneuve, professeur à l’Université d’Aix-Marseille.

      « Les arbitres ont considéré que ce règlement était discriminatoire, mais ont néanmoins estimé légale la discrimination créée au motif qu’elle constituerait un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre un objectif légitime »

      Qu’appelle-t-on l’affaire « Semenya » ?

      Caster Semenya est une athlète sud-africaine, triple championne olympique et double championne du monde du 800 mètres. Réduite à sa plus simple expression juridique, l’affaire « Semenya » est née de la requête que l’athlète a déposée devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) afin d’obtenir l’annulation du nouveau règlement de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) relatif aux conditions de participation aux compétitions féminines des athlètes présentant des différences du développement sexuel (DSD).

      Ce règlement interdit en principe aux femmes hyperandrogènes en raison d’une telle DSD de participer aux courses féminines des compétitions internationales comprises entre le 400 mètres et le mile. Il ne s’agit donc pas d’exclure des athlètes que l’on suspecterait de consommation exogène de testostérone. C’est l’objet de la réglementation contre le dopage. Il s’agit d’empêcher des athlètes de participer à des épreuves d’athlétisme sur la base de certaines de leurs caractéristiques naturelles sans que rien ne puisse leur être reproché. Si elles veulent continuer à courir avec les autres femmes dans les épreuves concernées, ces athlètes n’ont d’autre choix que d’abaisser médicalement leur taux de testostérone. À défaut, elles peuvent toujours participer aux compétitions masculines, mais avec des chances nulles d’y figurer en bonne position.

      Non-discrimination, libre disposition de son corps, droit à la vie privée, respect de la dignité humaine, l’affaire « Semenya » soulève des questions juridiques fondamentales. Elle pose aussi des questions scientifiques, éthiques ou bien encore sociétales. C’est une affaire qui renvoie au « procès de virilisation » dont font l’objet certaines femmes, qui pose en creux la question de la « vraie femme », au-delà même du monde du sport, et rappelle que les tests de féminité n’ont pas totalement disparu.

      Dans quel sens le Tribunal arbitral du sport l’a-t-il tranchée ?

      La formation arbitrale chargée de juger l’affaire a rejeté la requête de Caster Semenya et a donc validé le règlement de l’IAAF. D’après le résumé détaillé de la sentence qui a été publié par le TAS, les arbitres ont certes considéré que ce règlement était discriminatoire, mais ont néanmoins, à la majorité, estimé légale la discrimination créée au motif qu’elle constituerait un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre un objectif légitime : celui d’avoir des compétitions féminines justes.

      Le raisonnement repose sur l’idée que la raison d’être de la bi-catégorisation par sexe des compétitions d’athlétisme serait d’éviter à des individus d’avoir à concourir contre d’autres qui présenteraient certaines caractéristiques physiques leur conférant un avantage compétitif tel qu’aucune compétition juste ne serait possible entre eux. Nécessaire, la discrimination instituée le serait alors parce que la preuve scientifique aurait cette fois été apportée, à la différence de ce que le TAS avait estimé quatre ans auparavant dans l’affaire « Dutee Chand », que le taux de testostérone circulante serait le vecteur principal de la différence de performances sportives entre les hommes et les femmes. Proportionnée, elle le serait parce qu’elle serait notamment limitée aux épreuves sportives où l’avantage compétitif en découlant serait le plus significatif, avec toutefois un doute émis concernant le 1500 mètres et le mile. Raisonnable, elle le serait entre autres parce que les athlètes concernées pourraient faire baisser leur taux de testostérone par des contraceptifs hormonaux sans avoir à subir une intervention chirurgicale, là encore sous quelques réserves liées notamment à d’éventuels effets secondaires de ces traitements chez certaines athlètes qui pourraient conduire à une impossibilité pratique de respecter le règlement.

      La sentence rendue a notamment pu être qualifiée de « profondément sexiste ». D’un strict point de vue juridique, certaines des critiques dont elle a fait l’objet peuvent toutefois être relativisées. C’est en particulier le cas de l’apparent illogisme consistant à reconnaître le caractère discriminatoire d’un règlement tout en le jugeant légal. En droit, il est classiquement admis qu’une discrimination, au sens neutre de différence de traitement, ce qui semble être le sens utilisé par la formation arbitrale, peut s’accorder avec le principe d’égalité ou de non-discrimination si elle est justifiée et ne repose pas sur un critère prohibé. L’est-elle scientifiquement ? Il faudra attendre la publication intégrale de la sentence pour en savoir plus. Le critère génétique est-il un critère de distinction utilisable ? La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou bien encore la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme invitent à en discuter. Ce qui paraît en revanche certain, c’est que la formation arbitrale a choisi de faire prévaloir ce qu’elle a estimé être l’intérêt général du sport sur les droits fondamentaux individuels de certaines athlètes.

      Des voies de recours sont-elles envisageables contre la sentence du TAS ?

      La fédération sud-africaine d’athlétisme a d’ores et déjà annoncé son intention de saisir le Tribunal fédéral suisse d’un recours en annulation. C’est bien sûr envisageable. Il faut toutefois bien être conscient qu’il ne s’agit pas d’un appel à proprement parler. Il ne rejugera pas l’affaire. Il contrôlera seulement que la sentence est bien régulière sur la base des motifs limitativement énumérés par la loi suisse sur le droit international privé. Parmi eux, un seul motif de fond peut être soulevé : la violation de l’ordre public. A priori, comme l’affirme le Tribunal fédéral lui-même, les chances d’obtenir l’annulation d’une sentence pour ce motif sont « extrêmement minces ». Le simple fait que « les preuves aient été mal appréciées » ne saurait ainsi suffire, ce qui semble exclure que la question de la justification scientifique du règlement de l’IAAF soit à nouveau débattue à ce stade.

      S’il est toujours hasardeux de se livrer au jeu des pronostics, la cause est toutefois peut-être ici moins perdue d’avance que d’habitude. Parmi les principes fondamentaux dont la violation est susceptible de provoquer l’annulation d’une sentence en droit suisse de l’arbitrage international, figurent notamment « la prohibition des mesures discriminatoires » et « le respect de la dignité humaine ». En raison du critère de distinction utilisé par l’IAAF aussi bien qu’en raison de l’effet stigmatisant de la discrimination instituée, il ne saurait ainsi être totalement exclu que, à l’inverse des arbitres du TAS, les juges du Tribunal fédéral suisse fassent prédominer les droits fondamentaux individuels de certains athlètes sur l’intérêt général du sport. C’est en tout cas clairement le souhait du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui, dans l’une de ses rares résolutions concernant le sport, a fermement condamné le règlement de l’IAAF.

      Dans le cas où le Tribunal fédéral suisse viendrait à rejeter le recours en annulation dirigé contre la sentence rendue dans l’affaire « Semenya », il resterait alors la possibilité de se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme.

      Depuis que la sentence a été rendue le 30 avril, Caster Semenya a couru le 800 mètres du meeting de Doha le 3 mai. Rien d’étonnant. Le règlement validé par le TAS n’est en effet entré en vigueur que le 8 mai. Si elle a déclaré forfait pour le 800 mètres de Stockholm, qui se déroulera le 30 mai, elle sera en revanche au départ du 2000 mètres de Montreuil le 11 juin et du 3000 mètres de Stanford le 30 juin. La raison est simple : le règlement de l’IAAF n’interdit sa participation qu’aux épreuves féminines allant du 400 mètres au mile, qui plus est à l’occasion des seules compétitions internationales. Caster Semenya pourrait ainsi très bien prendre part à une course sur sa distance de prédilection du 800 mètres lors d’une compétition nationale. En revanche, si elle veut participer sur cette distance aux championnats du monde d’athlétisme qui débuteront fin septembre au Qatar, il ne lui reste plus qu’à faire baisser son taux de testostérone ou à espérer que, d’ici là, le Tribunal fédéral suisse aura annulé la sentence du TAS, voire lui aura au moins accorder des mesures provisoires.

      Pour aller plus loin :

      Règlement de l’IAAF régissant la qualification dans la catégorie féminine (pour les athlètes présentant des différences du développement sexuel) : https://www.iaaf.org/responsive/download/downloadregistration?token=uxrd3ggqopeoxnuuql680shshnfutcbqg2jfyrak ainsi que sa note explicative.
      Résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et des filles dans le sport
      Résumé détaillé de la sentence du TAS rendu le 30 avril 2019 dans l’affaire Caster Semenya & Fédération sud-africaine d’athlétisme c/ IAAF : https://www.tas-cas.org/fileadmin/user_upload/CAS_Executive_Summary__5794_.pdf
      Bohuon, Le Test de féminité dans les compétitions sportives. Une histoire classée X ?, Paris, éditions iXe, 2012 : https://journals.openedition.org/clio/11114

      http://blog.leclubdesjuristes.com/pourquoi-le-cas-semenaya-divise-t-il