Numérisation et se®vices publics : le bricolage ne nous sauvera pas
La numérisation à outrance des services publics entraîne la fermeture accélérée des points d’accueil publics desdits services, un accroissement considérable du taux de non accès aux droits de ceux qui en ont le plus besoin, mais aussi, signal faible en expansion, l’apparition d’une nouvelle fonction clandestine dans la sphère publique : celle “d’arrangeurs”, impuissants à réparer des dysfonctionnements informatiques systémiques, et qui s’emploient dès lors, sous réserve qu’on ne commence pas à les agonir d’injures – ce qui leur arrive plus souvent qu’à leur tour -, à conseiller aux usagers qui les interpellent de recourir au système D. Sauf qu’en la matière le bricolage ne nous sauvera pas.
Quelques exemples à Paris en ce début août.
Parlez-moi d’AMELI.
Notre ado a contracté une infection du globe oculaire qui avait entraîné en mai dernier des examens approfondis à Rotschild, puis des analyses dans un labo (usine à tests PFR avec une queue de 50 mètres sur le trottoir), puis l’achat de tonnes de gouttes, 8 fois par jour. Traitement qui s’était interrompu il y a trois semaines. Résultat de courses, le matin même de notre départ à la campagne : “papa j’ai encore l’oeil rouge..” Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, c’est reparti, Rotschild, labo, pharmacie…
Déjà en mai à la pharmacie : “Monsieur vous avez une mutuelle, ah, bon, elle n’apparait pas sur votre carte Vitale”. Reste à charge 14,45… Idem au labo.
Cette fois-ci, du coup, téléphone à la CPAM. Avant de pouvoir me répondre la dame me demande les 5 derniers chiffres qui figurent au dos de la carte Vitale avant de pouvoir traiter mon appel. Ils sont quasi effacés, la carte date de 1999, mais miracle, j’arrive à les lire !
Elle me renvoie ensuite à me connecter à mon compte AMELI, “pour télécharger votre attestation car effectivement sur votre dossier je vois que vous avez une mutuelle. Mais vous ne pourriez pas la faire apparaitre sur ma carte Vitale ? Non.
Let’s go pour AMELI. Le n° de sécu, fastoche. L’ID ? Faut donner mon numéro de téléphone portable pour recevoir une ID temporaire, qui me permettra de me connecter, après avoir changé le code pour un définitif. Sauf que je n’ai pas d’IPhone et n’en veux pas. Je donne le n° de celui de notre ado, et comme il dort, je ne récupérerai donc le code que ce soir.
Le lendemain après avoir été admis chez AMELI, je télécharge mon attestation indiquant que j’ai bien une mutuelle, attestation que j’imprime pour la prochaine fois chez Rotschild, la pharmacie, le labo…
Nonobstant, vendredi matin, bêta que je suis, histoire de faire une promenade me vient l’idée d’aller à l’antenne CPAM du 20ème, histoire de voir s’il y aurait pas moyen de moyenner pour faire apparaître la mutuelle sur la carte Vitale.
Le 96 jusqu’à Saint-Fargeau. Arrivé devant la CPAM : fermeture definitive.
Qu’à cela ne tienne avant j’allais aussi rue de Flandre sous la place des Fêtes, ni une ni deux, le 60 : fermeture définitive !
Le panneau installé sur la porte qui commence à rouiller mentionne encore 2 centres pour les 19ème et 20ème, l’un à Saint-Blaise, l’autre avenue de Flandres.
Ca ira pour aujourd’hui. En rentrant je vérifie sur le site de la CPAM : aucune annonce de fermeture de Saint-Fargeau ni de la rue de Flandre.
Autrement dit Paris ne comperait plus, au mieux, je n’ai pas vérifié, que 5 points d’accueil physique rive nord, et 2 rive sud…
On peut imaginer qu’ils n’en ont plus pour longtemps, alors quid des malheureux qui ont besoin d’expliquer à quelqu’un leur situation pour faire valoir leurs droits ?
Net-entreprises et l’URSSAF
Poursuivons sur notre lancée. Indépendant je dois désormais déclarer mes revenus en ligne sous forme de Déclaration sociale unique (DSI) qui sera ensuite transmise à tous les organisms auprès de qui je dois cotiser.
Dans la boite aux lettre une mise en demeure de l’URSSAF, je devais déclarer avant fin juin, sinon imposition d’un forfait.
Sauf que je ne peux me connecter à Net-entreprises après avoir rentré mon password, qu je ne peux en changer, et que le n° de téléphone de net-entreprises me répond à chaque fois de me connecter sur le site…
J’appelle directement l’URSSAF, après quelques tentatives mon sympathique interlocuteur, reconnaissant les difficultés de connexion à Net-entreprises propose de m’envoyer par mel une attestation papier à remplir puis scanner avant de la lui renvoyer signée par mel, ainsi qu’à l’hydre CIPAV.
Ce qui fut fait dans la journée. Nous attendons la suite.
A l’identique pour une demande de bourse de lycée, avec la CAF…, j’abrège.
En moins d’une semaine je me rends compte très concrètement que les “réformes” successives des services publics, leur numérisation à marche forcée produisent des dysfonctionnements tels que désormais, au sein de chaque institution, des agents passent un temps fou, non pas à réparer les conneries incommensurables des développeurs des DSI à la masse qui sous-traitent littéralement nos vies à des SSII qui se goinfrent en faisant de la daube, mais tentent d’écoper en trouvant des combines, des raccourcis, des astuces en tout genre pour tenter de sauver la mise à des usagers en galère.
Tout cela n’est pas fait pour nous rassurer. Le bricolage ne nous sauvera pas.
Rions un peu, un copain me raconte qu’il déclare toujours son impôt foncier sur le dernier exemplaire papier qu’il a utilisé en 2014, un coup de Tippex et la Poste, ça marche.
Du coup, en bon parano, nous venons de reprendre au propre et d’actualiser la liste de nos ID et passwords en tout genre : 57…