• Mathilde Ramadier : « Echouer, un privilège que s’arrogent les patrons de la Silicon Valley »
    https://abonnes.lemonde.fr/series-d-ete-2018/article/2018/08/20/mathilde-ramadier-echouer-un-privilege-que-s-arrogent-les-patrons-de ?

    Alors que l’échec est vu comme une expérience positive et encouragée par les magnats de la Silicon Valley, pour l’essayiste Mathilde Ramadier, il se fait aux dépens des travailleurs.

    Mais il n’y a pas que des génies dans les start-up, non ? Il y a aussi de simples employés, parfois. L’échec est-il tout autant profitable aux petites mains du numérique ?
    L’échec vertueux, c’est-à-dire vecteur de possibilités et rémissible, serait donc l’apanage des décideurs

    Paris, juin 2017. Lors de l’inauguration de la Station F, le plus grand incubateur de start-up du monde, le président de la République Emmanuel Macron prononce un discours. Il y parle « des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». Pas ceux qui ne « font » rien, ceux qui ne « sont » rien. Parce qu’ils ne sont pas entrepreneurs, ils sont néantisés. Et c’est bien parce qu’ils ne réussissent pas qu’ils n’ont pas leur place dans la « start-up nation ».

    L’échec vertueux, c’est-à-dire vecteur de possibilités et rémissible, serait donc l’apanage des décideurs. Rien de neuf sous le soleil importé de Californie… Mais alors, qui sont ces gens qui ne « sont » rien ?
    L’allégorie du « Titanic »

    Un jour, un entrepreneur français m’a humblement expliqué, dans une lettre ouverte publiée sur le réseau LinkedIn, que l’écosystème des start-up élimine naturellement les plus faibles, et que c’est très bien ainsi : « Si tu te demandes toujours pourquoi certains continuent à apprécier le monde darwiniste des start-up, je pense que c’est avant tout parce que nous savons que nous aurons des choses extraordinaires à raconter plus tard à nos enfants et petits-enfants. On ne s’ennuiera jamais. Pendant ce temps, d’autres passeront leur vie dans des jobs alimentaires et sans intérêt aucun. »

    Ceux qui « passent leur vie dans des jobs alimentaires et sans intérêt aucun » sont ces mêmes gens qui « ne sont rien », ceux à qui le discours des failcon ne profite pas parce qu’il ne leur est pas destiné. Pour eux, l’échec n’est pas une prouesse mais une fatalité.

    Pour que Jeff Bezos et ses pairs puissent prendre des risques pour ensuite rebondir, il faut que d’autres essuient leur échec avec eux – avec leur investissement ou, pire, leur simple force de travail. Ils en subissent alors d’autres conséquences.

    Avril 2018. Un rapport ordonné par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des employés d’Amazon dans l’entrepôt logistique de Montélimar, dans la Drôme ; 71 % des cadres y sont insomniaques, 70 % des employés évoquent le stress au travail et 40 % ont déjà consulté un médecin. Les pauses pour se rendre aux toilettes sont chronométrées et certains manageurs interdisent de parler. « C’est un système qui ne pardonne pas la médiocrité », reconnaît l’un d’eux. On imagine les employés d’Amazon de Montélimar à une failcon, face à des entrepreneurs qui leur apprendront que c’est en tombant qu’on apprend à marcher.

    #Idéologie_californienne #Economie_numérique

  • Fred Turner : Silicon Valley Thinks Politics Doesn’t Exist - 032c
    https://032c.com/fred-turner-silicon-valley-thinks-politics-doesnt-exist

    Une interview passionnante de Fred Turner sur l’art et la technologie

    Technology isn’t handed down to us by the gods. At 032c, we inspect the components of our digital reality, fully expecting to see ourselves reflected back. In this interview, excerpted from Rhizome’s Seven on Seven conference publication, What’s to be Done?, editor Nora Khan spoke to media theorist Fred Turner about the tech industry’s frontier puritanism, the myth of “neutrality,” and the idealist art on Facebook’s Menlo Park campus.

    #Fred_Turner #Art #Silicon_Valley #Idéologie_californienne

    • http://philsci-archive.pitt.edu/14678/1/Rovelli-LSE-Final.pdf

      […]

      This intertwining of learning and conceptual change, this flexibility, and this evolution of methodology and objectives, have developed historically in a constant dialogue between practical science and philosophical reflection. This is a further reason why so much science has been deeply influenced by philosophical reflection. The views of scientists, whether they like it or not, are impregnated with philosophy.

      And here we come back to Aristotle:

      xii
      “Philosophy provides guidance how research must be done.”

      Not because philosophy can offer a final word about the right methodology of science (contrary to the philosophical stance of Weinberg and Hawking). But because philosophers have conceptual tools for addressing the issues raised by this continuous conceptual shift. The scientists that deny the role of philosophy in the advancement of science are those who think they have already found the final methodology, that is, that they have already exhausted and answered all methodological questions. They are consequently less open to the conceptual flexibility needed to go ahead. They are the ones trapped in the ideology of their time.

      […]

      #philosophie #science #idéologie_contemporaine

  • « Blanchité », « racisé », « racisme d’État » : M. Blanquer, ces concepts sont légitimes dans le débat public
    Par Mélusine , #militante #féministe et #antiraciste — 23 novembre 2017 à 14:55
    http://www.liberation.fr/debats/2017/11/23/blanchite-racise-racisme-d-etat-m-blanquer-ces-concepts-sont-legitimes-da

    On avait accusé la #sociologie de fournir des « excuses » aux criminels, ce sont aujourd’hui ses concepts qui sont pris pour cibles. Un effort minimal aurait pourtant suffi au ministre de l’ #Éducation, #Jean-Michel_Blanquer, pour découvrir qu’en fait de « mots épouvantables », « #blanchité » et « #racisé » sont des termes scientifiques utilisés en France et ailleurs depuis plusieurs décennies. Ces concepts, consolidés au fil des ans, s’inscrivent dans des cadres théoriques partagés et font l’objet d’ouvrages et d’articles académiques nombreux. S’il est compréhensible que leur entrée dans l’espace du débat public provoque la surprise, leur condamnation lapidaire a de quoi inquiéter.

    La seconde moitié du XXe siècle a vu la disqualification scientifique et politique de la croyance en l’existence de #races humaines, aux différences physiologiques naturelles. Mais cette disqualification n’a en rien sonné la disparition du #racisme, à la fois comme idéologie – identifiant et hiérarchisant des groupes humains selon des critères culturels, ethniques, linguistiques, géographiques – et comme système social produisant des discriminations et des #inégalités entre ces groupes. S’il n’y a plus de races humaines, il y a toujours du racisme ; comme l’écrit la sociologue #Colette_Guillaumin : « C’est très exactement la réalité de la "race". Cela n’existe pas. Cela pourtant produit des morts. » C’est pour décrire et comprendre cette réalité – non pas biologique mais sociale – que la sociologie a élaboré des mots qui, évitant le piège de l’ #essentialisation, sont propres à la rendre dicible.

    Le mot « racisé » permet de nommer ce groupe social fondé non pas sur une couleur de peau ou une supposée appartenance ethnique, mais sur le partage de l’expérience sociale qu’est le racisme. Est racisé.e celle ou celui susceptible d’être assigné.e à une catégorie raciale, c’est-à-dire perçu.e comme appartenant à un groupe altérisé, distinct du groupe majoritaire ; comme un groupe homogène partageant des pratiques, des manières d’être, de vivre et de penser. Ce mot remplace opportunément d’autres termes, qui pèchent par une #euphémisation ridicule (« diversité »), prennent au sérieux le critère génétique (« minorité visible ») ou naturalisent des groupes pourtant artificiels (« minorité ethnique »). Le qualificatif ne désigne donc pas une qualité de l’être, mais une propriété sociale. Non pas une identité, mais une position dans la société, résultant d’un processus collectif : la #racisation.

    Dans L’ #idéologie_raciste (1972), #Guillaumin décrit ce processus comme une double dynamique d’altérité et d’hostilité qui, émanant d’un groupe dominant (le « groupe #racisant », considéré comme un allant-de-soi, une norme #neutre), enferme et opprime des groupes racisés, particularisés et dominés. Cette volonté d’appréhender le racisme non pas seulement à travers ses victimes, mais en s’intéressant aussi au groupe majoritaire, fonde la notion de blanchité (dont le pendant sexiste serait le patriarcat). Elle s’inspire du #concept de whiteness, d’abord développé dans le monde anglo-saxon, qui propose de mettre au jour l’existence d’un groupe blanc dont l’hégémonie sociale, politique et culturelle est telle qu’elle en devient invisible.

    La blanchité désigne ainsi à la fois le système raciste spécifique dans lequel nous vivons et la position sociale qu’y occupent les membres du groupe dominant : elle n’est pas un caractère intrinsèque des individus, mais une qualité qui peut s’acquérir. Dans #How_the_Irish_Became_White, l’historien #Noel_Ignatiev étudie ainsi la manière dont les immigré.e.s irlandais.e.s aux États-Unis, d’abord victimes de racisme, ont été progressivement incorporé.e.s au groupe dominant. Être blanc.he est donc moins une question d’épiderme que de position sociale et économique dans un contexte socio-historique donné. De la même manière, « racisé » ne désigne pas une #identité communautaire, mais une marque associée à une position sociale, économique, politique et symbolique subalterne.

    Ces mots proposent une approche du racisme qui tranche radicalement avec l’acception habituelle. Ils ne désignent plus seulement l’hostilité de quelques-un.e.s, les violences ou discriminations ponctuelles dont les racisé.e.s peuvent être victimes, mais un système structurant où le stigmate racial détermine la position sociale relative des personnes. La notion de « #racisme_institutionnel » expose les mécanismes de discriminations directes et indirectes auxquelles font face les racisé.e.s à l’école, sur le marché du travail ou auprès de l’administration et des services publics. L’idée de « #racisme_d’État », quant à elle, interroge l’impact du système raciste sur la structure même de l’État (statut des territoires d’Outre-mer, modalités d’acquisition de la nationalité) et les choix de politiques publiques (en particulier celles relatives aux migrations, à la population rom ou aux questions sécuritaires).

    Il est normal et fructueux que ces concepts fassent débat. Doit-on par exemple parler de racisme d’État en France, quand d’autres pays s’appuient, eux, sur des lois et des structures explicitement racistes ? Mais ces débats ne sauraient être disqualifiés d’avance, par ignorance ou malhonnêteté. Condamner l’usage de mots permettant de rendre compréhensible le fonctionnement du racisme – les qualifier eux-mêmes de racistes ! – c’est détruire les outils intellectuels et politiques nécessaires à la lutte contre le racisme. En refusant des décennies de travaux scientifiques et en prétendant contrôler le vocabulaire de militants syndicaux, le ministre de l’Éducation outrepasse sa compétence et sa fonction.

    Les mots et les #concepts ne sauraient être condamnés au prétexte qu’ils permettraient de décrire une réalité politiquement inacceptable. Ils ne sauraient faire l’objet de plaintes devant un tribunal parce qu’ils mettraient en cause le fonctionnement d’un État ou d’une société, sous peine de jeter à bas toute prétention au #débat démocratique et scientifique.

    https://twitter.com/melusine_2

    • Le ministre de l’Education a annoncé vouloir porter plainte contre un syndicat ayant dénoncé le « racisme d’Etat ». Encore débattue dans le champ de la sociologie, l’expression implique une intention de discriminer et révèle un réflexe défensif du groupe dominant.

      https://www.franceculture.fr/sociologie/Racisme-Etat-expression-tabou-discrimination#xtor=EPR-2-[LaLettre24112

      Il y a une partie du racisme qui est totalement invisible, aux yeux du groupe majoritaire, de ceux qui ne subissent pas le racisme, explique le sociologue. C’est ça qu’on entend par le nom de « racisés » : ceux qui subissent le fait d’être assignés à une catégorie raciale ou une place de race, dans le regard du majoritaire. C’est ce qu’on appelle le racisme quotidien et qui est le plus violent, le plus opérant. C’est la répétition, tous les jours, dans toutes les différentes sphères de la vie sociale, de micro-expériences du racisme, qui a un effet d’usure sur les personnes. Et ces situations sont d’autant moins régulées que les acteurs qui ne sont pas la cible du racisme ne le voient pas, littéralement. Donc ils pensent que c’est l’autre qui fabule, qui est paranoïaque, etc.

      Etre « racisé », c’est avoir l’expérience de cette banalité du racisme quotidien qui n’est pas vu par les autres. Et ceux qui animent le débat, qui sont des membres du groupe majoritaire, ne voient littéralement pas ce que c’est que le racisme tout en prétendant en imposer la définition légitime. Le sociologue Fabrice Dhume

      Pour #Eric_Fassin, "l’expérience de certaines personnes racisées, ce qu’elles voient en face d’elle, c’est un état absent pour ce qui est de l’Etat providence, mais un Etat présent pour ce qui est de l’Etat répressif. Autrement dit, dire à des personnes qui craignent que leur enfant ou leur frère ne rentre pas le soir parce qu’ils auraient croisé au mauvais moment la police, leur dire que le #racisme_d’Etat n’existe pas leur parait très abstrait puisque la réalité c’est que ces personnes voient que les agents de l’Etat visent explicitement certaines personnes. Et quand on voit que les policiers sont rarement condamnés, dire aux victimes de pratiques racistes d’agents de l’Etat qui ne sont pas punies par l’Etat que le « racisme d’Etat » n’existe pas leur est incompréhensible."

  • Carnet d’un conseiller de Pôle emploi : la discrimination, un combat quotidien - Le Point
    http://www.lepoint.fr/societe/carnet-d-un-conseiller-de-pole-emploi-2-la-discrimination-un-combat-quotidie

    Hier, j’ai bouclé le dossier de candidature d’une jeune femme qui recherche un poste de vendeuse en prêt-à-porter. Elle est pleine de vie, dynamique, passionnée... Bref, elle en veut. Et ce n’est pas si fréquent dans le dédale de Pôle emploi. J’adresse son CV avec un long commentaire sur ses qualités, son expérience à un de mes collègues qui œuvre dans la ville limitrophe à la mienne. Il fait partie des conseillers affectés au service Entreprises, présent dans chaque agence. Ces conseillers n’accompagnent plus directement les demandeurs d’emploi (DE), mais ils gèrent les relations avec le monde des entreprises : ils prennent note des offres, sélectionnent et présentent des candidats... Ce collègue est donc censé valider les compétences de ma candidate et faire suivre son CV à l’employeur. Ah, si tout était aussi évident !

    Quelques heures, à peine, après l’envoi de la candidature, il m’a transmis son refus de soumettre le dossier de ma jeune DE. Motif ? Il a décidé qu’elle habitait trop loin de l’emploi proposé ! Je le rappelle : la ville de la DE et la ville du magasin se touchent… Ce collègue ignore que ce qu’il fait, c’est de la discrimination. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la loi. Il devait avoir « piscine » le jour de la formation « lutte contre les discriminations », obligatoire dans le parcours d’un conseiller Pôle emploi. Une simple recherche sur Internet « discriminations + critères » permet de se rafraîchir la mémoire… À cette annonce, je suis tombé de ma chaise, car nous, conseillers de Pôle emploi, sommes censés être les garants de la lutte contre les discriminations en tant que serviteurs du service public de l’emploi.

    Nous sommes confrontés quotidiennement à la discrimination
    J’ai averti mon supérieur hiérarchique. Mais ni lui ni moi ne pouvons passer outre ce collègue. Du coup, la candidature de la jeune fille ne sera pas transmise. Que lui dire ? La vérité ? Cela finirait sans faute sur le bureau de notre médiateur. Avec des conséquences qui pourraient être ennuyeuses pour mon collègue. Lui, conseiller entreprise, tient à satisfaire l’employeur, moi, conseiller à l’emploi, je dois favoriser ceux qui en ont le plus besoin. Pôle emploi devra résoudre ce dilemme né avec la création récente des conseillers « entreprise », et qui conduit à ce genre d’absurdités.

    La discrimination est un sujet sérieux auquel nous sommes confrontés quotidiennement. (...)
    Depuis plusieurs années, j’accompagne deux jeunes femmes d’origine maghrébine dans leur recherche d’emploi. Toutes deux ont un diplôme d’études supérieures dans le tertiaire. Elles sont modernes, compétentes, pétillantes, volontaires ; aucune ne porte de voile. Pourtant, alors qu’habituellement, j’arrive à placer ce type de profil en quelques semaines – avec des prénoms d’origine française –, je n’ai pu jusque-là trouver seulement, pour chacune d’elle, un contrat aidé. Nous arrivons avec difficulté à obtenir des entretiens malgré nos dizaines de candidatures. Pour moi, cela ne fait aucun doute que la discrimination est responsable de ces échecs. Je dois à chaque rendez-vous les motiver. Car pour ceux qui ne sont pas soutenus, la discrimination peut conduire au désespoir, au découragement, à l’oisiveté, parfois mère de tous les vices.

    Il est bien calibré le conseiller avec son « chalenge » à ne pas arriver à vendre de la chômeuse dont il vante le dynamisme...
    #idéologie_du_travail #Pôle_emploi #embauche #discrimination #oisiveté #demandeurs_de_salaire #chômeurs #coaching

    • Carnet de bord d’un conseiller de Pôle emploi 1 : la réforme permanente
      http://www.lepoint.fr/societe/carnet-de-bord-d-un-conseiller-de-pole-emploi-1-la-reforme-permanente-24-10-

      J’en ai connu des réformes, du suivi mensuel au conseiller personnel à double compétence, du « faire plus pour celui qui en a le plus besoin » à l’emploi store et au tout-numérique. Aujourd’hui, nous devons appliquer le « NPDE », le nouveau parcours du demandeur d’emploi. Ce « nouveau parcours » s’est adapté aux nouvelles technologies et permet de dématérialiser l’ensemble des modalités d’inscription, cette dernière n’étant plus possible que par le canal d’internet. Les DE sont ensuite reçus en ESI (entretien de suivi individuel) où un diagnostic est posé par le conseiller qui détermine la modalité dans laquelle sera positionné le DE : suivi, guidé ou renforcé. En fonction de ce choix, le DE sera accompagné par un conseiller ou, considéré comme autonome, remis entre les « mains » des outils numériques et les contacts « à distance ». Ainsi les « portefeuilles » des conseillers peuvent varier entre 70 et 800 DE. En ce qui me concerne, je ne suis pas à plaindre. Affecté à une modalité dite « renforcée » et destinée aux jeunes de moins de 26 ans (Accompagnement intensif des jeunes), mon portefeuille de 70 DE est raisonnable.

      Connaissez-vous Bob emploi ?

      Avec l’arrivée et le développement du numérique, j’ai vu notre travail se transformer : j’ai l’impression qu’un siècle s’est passé depuis que j’adressais des CV papier par la poste. Nous sommes à présent au tout-numérique et à la mise en service d’algorithmes. Connaissez-vous Bob emploi ? C’est le conseiller numérique créé par Paul Duan fondateur et président de Bayes Impact, une ONG spécialisée dans le traitement de données, qui devrait baisser le chômage. Cette application « intelligente » et personnalisée est censée aider chaque jour nos DE dans leurs recherches et leurs projets en se « nourrissant » des « datas » qu’elle peut récolter et leur faire des propositions pertinentes. Pour notre bien ? Pour le bien du DE ? Rien n’est moins sûr, car l’humain dans sa diversité est si complexe que seule l’écoute attentive par un cerveau entraîné peut diagnostiquer les causes et mettre en place les remèdes nécessaires à chacun dans ses difficultés avec la vie professionnelle. Un exemple que ne pourraient pas régler les algorithmes ? Bob et ses algorithmes ne pourront jamais respirer l’haleine chargée du DE alcoolique, l’odeur de la misère et de la précarité, le désespoir du DE malade, cassé, déprimé… Comment Bob va-t-il aider Irena, seule, deux enfants à charge, roumaine d’origine et travaillant depuis plus de huit ans comme femme de chambre dans un hôtel, pour moins de 600 euros par mois, sans aucune reconnaissance, sans cesse houspillée et qui n’en peut plus. Bob n’est pas humain, il ne comprend pas la détresse…

      #dématérialisation #algorithmes #data #moins_de_600_euros_par_mois

  • Le « cancer » de l’assistanat : origine d’un préjugé

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/26/les-procureurs-de-l-assistanat_5206354_3232.html

    Quelque 71 % des Français estiment que la lutte contre l’« assistanat » est une priorité. Comment cette peur du « profiteur » a-t-elle envahi l’esprit des politiques et des citoyens ?

    Deux petites lettres ont suffi pour ­jeter l’opprobre sur le monde fragile des déshérités. En préférant le néologisme « assistanat » au mot traditionnel d’« assistance », Laurent Wauquiez, qui brigue la présidence des Républicains (LR), ­remet en cause la légitimité des politiques ­sociales qui viennent en aide depuis plus d’un siècle aux démunis. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes instruit jour après jour le procès de la solidarité nationale : il dénonce inlassablement les « dérives », voire le « cancer » de l’assistanat.

    Au fil des ans, le mot s’est imposé dans le discours d’autres élus de droite – Nicolas Sarkozy juge la République « incompatible avec l’assistanat » et l’ancien député LR Hervé Mariton regrette que la France plébiscite « la culture de l’assistanat ». Avec un indéniable succès : selon une enquête Ipsos Sopra-Steria réalisée en mars, 71 % des Français estiment que la lutte contre l’« assistanat » est une priorité. Inusité il y a une vingtaine d’années, le terme semble désormais banal, évident, presque incontournable.

    Parasites sociaux

    Né au début des années 2000, le mot assistanat appartient pourtant au registre du vocabulaire politique de combat. « Au XIXe siècle et jusqu’en 1953, l’assistance était un terme juridique neutre, utilisé pour désigner l’aide sociale, rappelle Axelle Brodiez-Dolino, chargée de recherche CNRS en histoire au Centre Norbert-Elias, à Marseille. S’il a pu être valorisé au XXe siècle, il est devenu un peu vieillot après les années 1950 mais n’avait pas de connotation péjorative. Ce n’est pas le cas du mot assistanat, un terme un peu nauséabond et répréhensible. »

    Nul besoin de faire parler longtemps les pourfendeurs de l’assistanat pour comprendre en effet que ce mot n’est pas le synonyme, mais le dévoiement de l’assistance. Leurs discours évoquent plus ou moins explicitement une cohorte de parasites sociaux qui vivent indûment de la solidarité nationale alors que d’autres s’échinent à travailler. Ces propos ne visent pas uniquement les fraudeurs : bien qu’ils vivent dans le dénuement – pour une personne seule, le RSA s’élève à 545 euros par mois –, tous les allocataires des minima ­sociaux sont, à leurs yeux, des privilégiés qui profitent du système.

    Selon le philosophe Frédéric Worms, cette « idéologie » repose sur un double soupçon : celui de la passivité et celui de la ruse. « L’assisté est conçu soit comme un être entièrement passif, soit comme un être instrumentalisant l’assistance, expliquait-il en 2012. C’est une ­ambivalence aussi ancienne que la philosophie du soin, du secours ou même de l’éducation. Si vous ouvrez l’Emile, de Jean-Jacques Rousseau [1762], vous comprenez que le nourrisson est à la fois un être passif qui ne peut rien faire et un être qui peut, dès la naissance, devenir un tyran en abusant du pouvoir paradoxal que lui ­donnent sa faiblesse et le dévouement de ceux qui le secourent. »

    Accents moraux

    Dans la France de 2017, le discours politique sur l’assistanat se caractérise avant tout par ses accents moraux : au lieu d’analyser les ­mécanismes économiques et sociaux qui précipitent certains dans la pauvreté, il emprunte le vocabulaire de l’opprobre et de l’infamie pour montrer du doigt les paresseux. S’il les condamne, c’est au nom de l’amour du labeur, du sens de l’effort, du devoir de la volonté. « Le discours sur l’assistanat néglige les questions qui touchent au droit, à la citoyenneté et à l’égalité », résume le sociologue Nicolas Duvoux, professeur de sociologie à l’université Paris-VIII-Saint-Denis.

    Parce qu’ils s’inscrivent dans ce registre moral, les procureurs de l’assistanat distinguent volontiers les « bons pauvres » des « mauvais pauvres ». Les premiers sont les personnes âgées ou handicapées victimes de l’âge ou de la maladie ; les seconds, les chômeurs qui pourraient travailler s’ils s’en donnaient la peine. Les premiers ne sont pas responsables de leur mauvaise fortune ; les seconds doivent leur malheur à eux-mêmes. Les premiers reçoivent légitimement le minimum vieillesse ou l’allocation handicapé ; les seconds profitent indûment du RSA. Les premiers méritent notre compassion, les seconds, nos reproches.

    Ces discours puisent dans une imagerie très ancienne. Depuis plus de sept cents ans, la ­figure du mauvais pauvre traverse en effet l’histoire de France – et c’est sans doute pour cette raison qu’elle est parvenue, dans les ­années 2000, à s’imposer aussi rapidement dans le débat public. « L’idée du “mauvais ­pauvre” est ancrée au plus profond de notre histoire politique, religieuse et économique, analyse l’historienne Axelle Brodiez-Dolino. Elle repose sur des préjugés concernant la ­sédentarité et le labeur qui se sont installés dans nos mentalités au Moyen Age. »

    Les bons et les mauvais pauvres

    La première pierre de cet édifice est posée dès la fin du XIIIe siècle, à une époque où la croissance démographique, les disettes, les guerres et les épidémies jettent sur les routes des ruraux à la recherche de travail. « Redoutant ces errances, les autorités prennent peur et instaurent une dichotomie entre les bons et les mauvais pauvres », raconte Axelle Brodiez-Dolino. Les bons pauvres sont les « gens contre­faits, aveugles, impotents et autres misérables personnes » qui méritent l’aumône, estime le roi de France, Jean II le Bon, dans une ordonnance de 1351. Les mauvais sont les « gens sains de corps et de membres qui puissent besogne faire dont ils puissent gagner leur vie », proclame-t-il.

    Face à la pauvreté, le monde médiéval ­oscille entre la potence et la pitié, analyse l’historien Bronislaw Geremek : les vieillards, les veuves, les malades et les femmes en ­couches bénéficient de la charité chrétienne alors que les vagabonds sont durement persécutés. « On les marque au fer rouge, on les cloue au pilori, on les envoie aux galères et, surtout, on les enferme, comme l’ont notamment montré les travaux de Michel Foucault, raconte Axelle Brodiez-Dolino. Nous sommes les héritiers de cette violence qui imprègne ­depuis des siècles les mentalités et le droit : il a fallu attendre 1994 pour que la France abroge le délit de vagabondage ! »

    A la faveur de la Révolution française, la ­figure du mauvais pauvre, cependant, se transforme. Pour lutter contre le dénuement, les hommes de 1789 préfèrent l’arme du droit au geste de la charité chrétienne : en 1790, le Comité de mendicité proclame que tout homme a droit aux secours de la société et, en 1793, la Constitution affirme que l’aide publique constitue une « dette sacrée ». L’émergence du droit ne fait pas pour autant disparaître la figure du « mauvais pauvre » : si la société doit porter secours aux miséreux, l’oisiveté reste sévèrement condamnée. « Le droit individuel de protection trouve son symétrique dans le devoir de travailler », résume, en 2012, Colette Bec, professeure à l’université Paris-Descartes.

    « Pauvrophobie »

    Cette figure du mauvais pauvre change de ­visage un siècle plus tard, au début de la IIIe République, au moment où apparaît une politique d’assistance envers les déshérités. Sous l’influence de la doctrine solidariste du député radical Léon Bourgeois, qui plaide en faveur de la mutualisation des risques dans son ouvrage Solidarité (1896), les républicains de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ­instaurent l’assistance médicale gratuite, le placement des orphelins, l’aide aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, les secours aux femmes en couches sans ressources et l’aide aux familles nombreuses nécessiteuses.

    Dans ce paysage politique radicalement nouveau, le visage du mauvais pauvre évolue : il n’est plus un citoyen oisif qui refuse de travailler, mais un profiteur qui abuse ­indûment de la solidarité nationale. « Avec l’instauration du droit arrive la terreur de la corruption et du détournement, explique ­Nicolas Duvoux. C’est une forme de pessimisme anthropologique : on craint que les ­parasites ne jouent pas le jeu de la solidarité qui est au fondement de l’assistance, et qu’ils bénéficient sans contribuer. »

    Aujourd’hui, cette peur du profiteur semble plus vivante que jamais. Multiplication des arrêtés anti-mendicité, mobilier urbain anti-sans-abris, discours politiques stigmatisant le « piège » de l’assistanat, selon la formule de François Fillon lors de la campagne prési­dentielle : certaines associations caritatives dénoncent, dans la France de 2017, une « pauvrophobie » qui s’exprime sans détours dans les sondages d’opinion – en juin 2016, 36 % des personnes interrogées considéraient que les personnes pauvres « ne faisaient pas ­d’effort pour s’en sortir ».

    « Lassitude compassionnelle »

    Si la hantise du mauvais pauvre semble si forte, c’est parce que la France est atteinte, ­depuis le début des années 2000, d’une forme de « lassitude compassionnelle », analyse Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. « A la fin des années 1980, au ­moment de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), les deux tiers des Français estimaient que la pauvreté n’était pas liée au comportement individuel des gens mais aux défaillances du marché du travail. Dans les ­années 1990 et surtout 2000, ils se sont cependant montrés de plus en plus critiques envers les allocataires du RMI, puis du revenu de solidarité active, le RSA. »

    Nulle surprise, dans ce climat, à ce que les discours sur l’assistanat s’imposent avec tant de facilité dans le débat public. Quand ­Laurent Wauquiez somme les allocataires du RSA de faire « des efforts », il convoque l’antique ­figure du mauvais pauvre qui se complaît dans l’oisiveté au lieu de retrousser ses manches. Ce plaidoyer, qui semble convaincre nombre de Français, colle pourtant mal aux réalités : tous ceux qui côtoient le monde des déshérités savent qu’il ne suffit pas de faire des efforts pour s’extraire de la misère.

    Dans une société qui compte 3,7 millions de chômeurs, la pauvreté n’a en effet pas grand-chose à voir avec l’absence de courage ou la faiblesse de la volonté. « Quand on a commencé à réfléchir au RSA, dans les années 2005-2007, le marché du travail était beaucoup moins dégradé qu’aujourd’hui, raconte Julien Damon, qui était à l’époque chef du ­département Questions sociales au Centre d’analyse stratégique. Notre ambition d’aider les allocataires à retrouver le chemin de l’emploi paraissait donc réaliste. Mais la crise de 2008 a fait brutalement remonter le chômage. Cet effet de conjoncture a rendu la politique de retour à l’emploi extrêmement difficile. »

    Si la détermination ne permet pas, à elle seule, de quitter le monde de la pauvreté, c’est aussi parce qu’elle est le fruit d’une longue liste de handicaps – absence de formation et de qualification, problèmes de logement, ­difficultés de transport, conséquences d’un divorce, rareté des modes de garde, fréquence des maladies… « Même l’entrée sur le marché du travail n’est plus une garantie de sortir de la précarité, pourraient témoigner un million de travailleurs pauvres », constatait, en mars, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).

    Si les allocataires du RSA étaient vraiment les profiteurs que décrivent les discours sur l’assistanat, ils vivraient en outre leur oisiveté avec légèreté – ce qui n’est pas le cas. « Les études montrent qu’il y a une immense souffrance et un énorme déni de dignité à vivre des minima sociaux, souligne Axelle Brodiez-Dolino. La pauvreté est une source de stigmatisation et d’isolement extraordinaire : on survit plus qu’on ne vit. » Depuis des siècles, la pauvreté est – parfois volontairement – associée à l’indignité : pour l’économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834), l’assistance doit toujours s’accompagner d’« un peu de honte ».

    Contrairement à ce que disent les procureurs de l’assistanat, l’aide sociale, encore aujour­­d’hui, est une épreuve, dont l’importance du taux de non-recours est devenu le symbole. Ce terme quelque peu abscons désigne la part des citoyens qui ne touchent pas le RSA alors qu’ils y ont droit. Et il est incroyablement élevé : selon une enquête quantitative de la Dares, le service des études du ministère du travail, menée en 2011, il atteint 35 % pour le RSA-socle et 68 % pour le RSA-activité. Nombreux sont donc les citoyens qui, loin de leur image de profiteurs, renoncent à toucher les prestations d’assistance qui leur sont pourtant destinées.

    « Etiquette infamante »

    Certains sont mal informés, d’autres se découragent à l’idée de remplir d’épais dossiers aux guichets de l’aide sociale, mais plus d’un quart d’entre eux disent ne pas avoir envie « de dépendre de l’aide sociale, de devoir ­quelque chose à l’Etat ». Deux grandes idées ressortent de l’examen de ce non-recours, ­estimait en 2010 Pierre Mazet, ingénieur d’études au laboratoire Pacte-CNRS-Sciences Po Grenoble, dans un article du magazine La Vie des idées : les individus précaires sont capables de choix et d’autonomie ; la non-demande montre ce qu’il en coûte de requérir des protections et d’être protégé.

    De la même manière, certains allocataires du RSA choisissent de reprendre le travail alors qu’ils y perdent financièrement. « Le RSA équivaut, grosso modo, à un demi-smic, souligne Julien Damon. Sur le papier, beaucoup d’allocataires du RSA n’ont aucun intérêt à travailler à mi-temps – d’autant que le travail engendre parfois des coûts de garde d’enfants ou de transports. Pourtant, beaucoup le font parce que le travail leur est essentiel. Cela concerne une proportion substantielle des allocataires du RSA. Ils veulent se défaire de cette étiquette infamante et subvenir à leurs besoins. »

    Dans un article publié en 2002 dans la Revue française de sociologie, François Dubet et ­Antoine Vérétout décryptaient cette perte – apparente – de la « rationalité » en écoutant la voix de RMIstes qui avaient repris le travail. « Même s’ils se sentent exploités et fatigués le soir, c’est une autre fatigue que celle de l’inactivité qui les clouait dans l’apathie et la solitude. (…) Ils parlent beaucoup moins de l’activité proprement dite que de la sociabilité du travail, des collègues, de la fierté retrouvée, de ce que l’on appelait l’éthique du travail, celle qui ­permet de “se regarder en face” parce que les autres vous regardent “en face”, enfants, ­famille, voisins, collègues. »

    Avec ces regards, on est loin, très loin, des ­discours de tous ceux qui, en dénonçant l’assistanat, renvoient les déshérités à une forme d’inutilité sociale – une notion qui déplaît profondément au philosophe Patrick Savidan. « On accuse les pauvres d’être des parasites mais, au fond, comment mesurer la contribution de chacun à la coopération ? Un pauvre qui s’investit dans une association ou qui s’occupe d’une personne âgée a une utilité sociale, même si elle n’est pas mesurée en termes ­économiques. Les perspectives utilitaristes mal comprises nous rendent aveugles à la contri­bution de ceux qui ne sont pas inscrits dans le marché du travail. »

    Patrick Savidan va plus loin. « Les vrais assistés ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Si l’on mesurait la part des budgets publics qui va aux pauvres et celle qui va aux privilégiés, on aurait sans doute des surprises. Les citoyens les plus riches mobilisent une part importante des subsides de l’Etat : ils vivent dans des quartiers bien entretenus, ils profitent presque exclusivement de certains investissements publics et leurs enfants suivent des études longues, en grande partie financées par l’Etat, ce qui n’est pas le cas des pauvres. » Laurent Wauquiez n’apprécierait sans doute pas ce renversement de perspective, qui fait du pourfendeur de l’assistanat… un assisté qui s’ignore.

  • Vie et Mort de la « Valeur Travail » - Rebellyon.info
    https://rebellyon.info/Vie-et-Mort-de-la-Valeur-Travail-18202

    Déconstruction et analyse de l’idéologie de la "Valeur Travail", depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui, à l’heure des ordonnances du gouvernement Macron sur la Loi Travail.

    « Ma vie aujourd’hui, c’est d’abord un combat pour des valeurs que j’ai chevillées au corps. La première, c’est le travail. Car oui, je considère que le travail est une valeur. Parce que c’est la première source d’émancipation individuelle et parce que c’est le moyen le plus puissant de se libérer du déterminisme : c’est par le travail que l’on peut devenir celui ou celle que l’on a envie d’être » : c’est par ces mots qu’Emmanuel Macron commence l’inventaire de ses principales "valeurs" sur le site internet de son parti. À l’heure où le même homme place au cœur du débat politique la refonte du code du Travail par toute une série d’ordonnances autoritaires, prétendant ainsi "libérer le travail" et lui redonner sa pleine place au cœur de la société, c’est l’occasion de déconstruire et d’analyser les fondements idéologiques de cette fameuse "valeur Travail" si chère à notre président et si souvent brandie comme un étendard par ses prédécesseurs. Publié originellement dans le n°4 de la revue INTERNATIONALE UTOPISTE à l’automne 2013, l’article ci-dessous se propose d’amorcer cet exercice, le tout en revenant sur le développement de cette idéologie depuis sa naissance à la fin du Moyen-Age jusqu’à aujourd’hui et avec l’objectif avoué d’entrevoir ainsi sa possible disparition

    https://rebellyon.info/home/chroot_ml/ml-lyon/ml-lyon/public_html/local/cache-vignettes/L450xH348/vichy_tfp_travail2-8c847-e304e.jpg?1506090627

    #travail

    • Encore une critique idéologique de la valeur travail (du Christ à nos jours...), pourquoi pas... Mais que grève, lutte et refus, par exemple, soient parmi les mots manquants de ce type de texte indique assez qu’il ne s’agit de rien d’autres que d’une « histoire des idées ». On doit d’ailleurs remonter loin dans le temps pour lier ça à quelque chose de l’ordre de l’analyse sociale :

      Des aristocrates, on pouvait critiquer sans retenu le système d’esclavage et de domination sociale qui assurait leur oisiveté et leur confort. Au moins cette classe sut-elle mettre à profit ce temps ainsi libéré pour créer un art de vivre qui, une fois libéré des préjugés puritains de la religion, put parfois atteindre un grand niveau de raffinement. Son hédonisme contraste brutalement avec l’apparition de cette classe d’hommes laborieux et austères, tous vêtus de noir, et qui ne juraient plus que par l’argent et le travail.

      https://rebellyon.info/home/chroot_ml/ml-lyon/ml-lyon/public_html/local/cache-vignettes/L267xH200/arton18202-acb6a.jpg?1506090649

      C’est ce discours [situationniste] dont s’est largement emparé un mouvement comme celui de mai 1968 : la plupart des révolutionnaires de cette époque ne se sont pas battu-e-s pour le plein emploi (celui-ci était à peu près garanti à l’époque, de toute façon) ou pour une simple amélioration des conditions de travail et des salaires mais pour une nouvelle organisation de l’existence quotidienne et pour une vie plus passionnée et moins ennuyeuse, en même temps que pour un projet de société nouvelle. Le rejet du tryptique « métro, boulot, dodo » en fut une illustration parmi d’autres.

      Okdac, pourquoi pas un tel résumé (grosse fatigue
      ...) Mais lorsque le plein emploi est mort et le temps libre mis au travail et capté par la valorisation capitaliste, à quoi pourrait bien servir l’#aristocratisme situ ?

      #idéologie_du_travail

  • Philippe Vion-Dury : « Le vrai visage de la Silicon Valley, c’est celui du capitalisme prédateur » – Le Comptoir
    https://comptoir.org/2016/10/28/philippe-vion-dury-le-vrai-visage-de-la-silicon-valley-cest-celui-du-capit

    Le Comptoir : Le numérique est souvent vu comme démocratique et porteur de nouvelles libertés. Pour vous, il est cependant responsable d’une « nouvelle servitude volontaire » en édifiant un modèle sécuritaire, sans surprise, et où les individus sont à la fois normalisés et isolés les uns des autres. Sur quels arguments s’appuient ces critiques ? Les nouvelles technologies sont-elles mauvaises en soi, ou bien est-ce leur utilisation qui est mauvaise ?

    phillipePhilippe Vion-Dury : Peut-être faut-il commencer par expliciter l’expression « nouvelle servitude volontaire » dans ce contexte. Il y a servitude, car de grandes multinationales des nouvelles technologies numériques font tout pour prédire nos désirs, comportements et potentiels afin de mieux les contrôler, les orienter ou les dicter – se rendre maîtres de nous. Cette servitude est volontaire dans la mesure où ce contrôle, ce pouvoir, s’exerce par la médiation d’outils et de plateformes que nous utilisons volontairement et quotidiennement comme Facebook, Netflix, Uber, Spotify ou Google. Ce sont les algorithmes de ces entreprises qui construisent notre monde social (le fil d’actualités), nos recherches (les résultats après requête), définissent le trajet le plus court, le partenaire idéal, la prochaine chanson à écouter ou vidéo à visionner. Enfin, cette servitude volontaire est “nouvelle”, car ce pouvoir qui émerge n’est pas une domination à l’ancienne, où l’on nous dit quoi faire ou ne pas faire avec des ordres et des interdits, – patriarcale et disciplinaire –, mais une domination infiniment plus soft, insidieuse, bienveillante, immanente au champ social, agissant par la multiplication des suggestions, incitations, conseils, recommandations… J’essaie de ramasser cette idée à la fin du livre en opposant la figure très actuelle de Big Mother à celle, selon moi révolue, de Big Brother.

    Peut-être une autre “société numérique” est-elle possible, mais disons que le numérique permet un développement du libéralisme en accouchant d’une sorte de « libéralisme algorithmiquement régulé » – une expression absolument affreuse. L’alliance entre Wall Street et la Silicon Valley est facilitée par une résonance entre le capitalisme libéral et la “société numérique” imaginée par les cybernéticiens : tous deux reposent sur une axiomatique des systèmes auto-régulés, tous deux envisagent les hommes de manière non-humaine, tous deux se placent dans une perspective saint-simonienne et envisagent, vous l’avez dit, le bon gouvernement comme une « saine administration des choses » qui se ferait par l’application de lois (économiques, communicationnelles, etc), et tous deux haïssent, en conséquence, le politique, l’humain, l’indétermination, le hasard, l’erreur ou l’affect.

    Mais attention, ce ne sont pas les nouvelles technologies elles-mêmes qui empêchent l’autonomie (ou l’auto-institution politique, qu’il faudrait prendre le temps de définir plus longuement), mais plutôt l’hétéronomie dont elles sont vectrices. Ces mêmes technologies pourraient avoir une place dans une société réellement autonome, même si leur visage serait certainement bien différent. Mais, il est difficile de nier que ces technologies renforcent aujourd’hui l’hétéronomie à deux têtes (la Silicon Valley et Wall Street) au détriment de l’autonomie. Cela doit mener à deux conclusions. La première est que lutter pour une société nouvelle en s’en remettant exclusivement aux nouvelles technologies (éthique des hackers et makers) ou au contraire en rejetant en bloc celles-ci (néo-luddisme et rejet en bloc des technologies modernes) serait une erreur : le recours aux technologies porte le risque de renforcer le pouvoir en place, leur rejet porte celui de passer à côté de leurs bienfaits éventuels dans l’organisation d’une société meilleure. La seconde conclusion est qu’il faut redonner ses lettres de noblesse à la critique de la technologie, longtemps mise de côté par la “critique classique” française.

    #Silicon_Valley #idéologie_californienne #politique_numérique

  • A Backlash Builds Against Sexual Harassment in Silicon Valley - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2017/07/03/technology/silicon-valley-sexual-harassment.html

    Several other start-up investors have also issued mea culpas for not doing enough to prevent sexual harassment, with some around the world beginning to strategize over how to avert the episodes in the first place. The New England Venture Capital Association, a trade group, last week invited its members to sign an anti-discrimination and sexual harassment statement. In Australia, start-up entrepreneurs also issued a statement condemning the behavior.

    For years, the start-up and venture capital industry — which is predominantly male — has been immune to criticism about its behavior because the industry has created immense wealth by churning out hit companies, such as Facebook, Snap and Uber. The backlash now suggests that those successes are no longer enough to excuse the anything-goes conduct of some investors and entrepreneurs.

    With more women willing to speak openly about harassment and discrimination, Kate Mitchell, a founder of a Silicon Valley venture firm, Scale Venture Partners, said the industry was facing “a tipping point.”

    “The fact this behavior is pervasive and what we know seems to be the tip of the iceberg has made us understand the difficulty and reality of our challenge,” Ms. Mitchell said. “Actions need to be more aggressive and more all encompassing than what I previously thought.”

    #Silicon_Valley #agressions_sexuelles #idéologie_californienne

  • LES PRÉDATEURS MÈNENT UNE GUERRE CONTRE LES PEUPLES

    Le Comptoir : Dans votre dernier livre, Les prédateurs au pouvoir, vous attaquez la « pensée unique », expression peu claire car elle est utilisée par tout le monde d’Acrimed au FN. Comment définiriez-vous cette « pensée unique » ?

    Monique Pinçon-Charlot : Aujourd’hui, selon la perception de l’oligarchie, les partis sont morts et il n’y a plus de gauche ni de droite. Quand on emploie l’expression « pensée unique », on vise bien le fait que la pensée néo-libérale est devenue une seconde nature. Elle est devenue le réel, quelque chose qu’on ne peut pas remettre en question. Le néolibéralisme peut être amélioré, amendé pour être encore plus violent, mais il ne peut pas être critiqué. On est bien dans un totalitarisme oligarchique et qui me fait toujours penser au roman 1984 d’Orwell, avec Big Brother à la tête d’un parti unique.

    Lors de l’entre-deux-tours des présidentielles 2017, n’a t-on pas assisté à la démonstration de l’existence de cette pensée unique, avec l’injonction à voter Macron pour faire barrage au FN ? Sommes-nous dans ce que Emmanuel Todd appelait un « flash totalitaire » après les attentats de Charlie Hebdo ?

    Je suis assez d’accord avec la formule. J’y adhère d’autant plus que le Front national est un parti qui, après sa création, a été renforcé et mis en scène par les socialistes : c’est le cas depuis 1983, au moment où la pensée unique a commencé à se constituer dans le sillage du renoncement du Parti socialiste, avec le tournant de la rigueur. À partir de ce moment-là, Mitterrand a fait des démarches personnelles auprès des grands médias pour que Jean-Marie Le Pen ait son rond de serviette sur les plateaux télévisés. Il y a ensuite eu l’introduction de la proportionnelle intégrale aux législatives de 1986, qui a permis l’entrée de 36 députés FN à l’Assemblée nationale. Ces manœuvres politiques n’ont cessé de se poursuivre, avec pour objectif une instrumentalisation du Front national pour permettre au néo-libéralisme de rebondir. En 2002 s’est constitué un front républicain pour le second tour des élections présidentielles, front qui s’est aujourd’hui transfiguré en la personne d’Emmanuel Macron. Macron est l’emblème de l’oligarchie : il n’y a plus ni droite ni gauche, ni privé ni public, ni rive droite, ni rive gauche. Dès sa qualification pour le second tour, il est parti fêter sa victoire à la Rotonde et a été très peu adroit. Gauche libérale et droite se sont unies, et l’extrême-droite leur est bien utile.

    L’oligarchie dont vous parlez n’est-elle pas menacée par le retour en force dans les urnes d’une gauche plus radicale réunie autour de Jean-Luc Mélenchon ?

    Ce qui s’est passé lors de ce premier tour est très important. J’ai été très contente de ce résultat auquel j’ai personnellement contribué, avec toutefois des bémols. Michel et moi nous avons fait de multiples rencontres qui nous poussent à penser que le rapport de force de la gauche radicale est actuellement énorme. Si Mélenchon avait joué le jeu de la dynamique du Front de gauche et accepté qu’on l’ouvre à d’autres forces, des associations ou des individus, au lieu de créer La France insoumise, faisant cavalier seul, nous aurions été présents au second tour. Je regrette beaucoup ce qui s’est passé et j’appréhende les législatives. Je dis ça en tant que citoyenne en colère et en tant que sociologue malheureuse. J’ai peur que la classe dominante ait un coup d’avance sur nous. Malgré ses contradictions, et alors qu’elle représente très peu de monde, elle la jouera collectif aux législatives, avec le traditionnel jeu pervers des fausses contradictions et des oppositions mises en scène. Le Front national sera son allié, car il risque maintenant de capter la critique sociale et de se l’approprier. En haut, on a donc le collectivisme et la solidarité de classe, très clairement. Quand Marine Le Pen, qui est présidente de groupe au Parlement européen, s’oppose à la création d’une commission d’enquête sur la fraude fiscale, elle démontre une solidarité de classe avec ses proches mouillés dans l’affaire des Panama Papers. Quand il s’agit de voter le secret des affaires, c’est l’ensemble des eurodéputés du FN qui mettent comme un seul homme un bulletin “pour” dans l’urne. Ce sont des indicateurs de cette solidarité oligarchique. Ce ne sont que deux exemples, mais il y en a beaucoup d’autres. Et en face ? On assiste à la guerre des petits chefs, et c’est catastrophique. Tous ensemble, nous aurions été au second tour.

    Vous dites que le rapport de force est favorable à la gauche radicale en France. Cela veut-il dire que les Français n’aiment pas les riches ?

    Ce n’est pas une question d’aimer ou pas. La psychologisation du social n’entre pas en ligne de compte ici. C’est plutôt qu’on est dans une guerre, avec des prédateurs, très peu nombreux, mais très puissants. C’est la raison pour laquelle Michel et moi avons écrit notre dernier petit livre. On nous donne chaque jour en pâture des phénomènes de corruption, mais c’est encore bien trop gentil de parler de corruption. On masque derrière ce mot quelque chose qui relève de la prédation, du vol, d’une guerre contre les peuples, quelque chose qui fait système. Et face à cela, le peuple doit se défendre.

    Vous dépeignez donc la grande bourgeoisie et les réseaux qui sont à son service comme des « prédateurs ». Cela veut-il dire que plus on est riche, plus on est misanthrope ? Les grands bourgeois se rêvent-ils encore comme la “race des meilleurs”, comme une aristocratie ?

    Il existe dans notre pays une tradition qui remonte à la construction sociale de la noblesse. Ce qui est intéressant, c’est ce mythe du sang bleu. Les nobles l’étaient par le roi et leur peau devait être suffisamment blanche pour que leurs veines bleues soient visibles. Quelque part, on retrouve ici cette idée que l’excellence sociale doit passer par la race, par quelque chose qui a à voir avec une excellence corporelle, selon des critères précis. Après la Révolution, cette noblesse s’est transformée en bourgeoisie et en noblesse d’État. À son tour, cette bourgeoisie a constitué des dynasties familiales afin que les richesses et les privilèges demeurent toujours au sein des mêmes groupes de génération en génération. L’ordre de classes est ainsi reproduit.

    Vous faites donc remonter la pensée d’extrême droite à l’Ancien Régime ?

    Tout à fait. Dans notre petit livre Sociologie de la bourgeoisie, nous avions d’ailleurs consacré une page au Front national, dans laquelle nous relevions que de nombreux descendants de la noblesse d’Ancien Régime occupaient des postes de responsabilité du Front National.

    Dans Les prédateurs au pouvoir, vous citez le pape François. Pensez-vous que le souverain pontife mérite le surnom de “pape décroissant” ?

    Je ne sais pas si c’est une bonne façon de le nommer mais, à son arrivée, j’ai été saisie par sa façon de parler qui m’a semblé très en phase avec notre travail. J’ai été très surprise car je suis totalement athée. J’ai lu ses encycliques, et je trouve que c’est une personnalité tout à fait intéressante. En outre, son poste lui donne une place tellement importante au regard de l’humanité que je salue son travail et son courage.

    Vous mettez en garde contre les théories du complot. Que répondriez-vous à une personne qui vous reprocherait de vouloir construire une théorie du complot basée sur l’idée que les riches veulent détruire leurs semblables ?

    Aujourd’hui, les oligarques que sont Macron, Fillon, Valls et les autres ont mis au point des mots-écrans qui empêchent de penser, comme “populisme”, “système” ou “théorie du complot”. On n’analyse plus la société en termes de rapports de classe, avec des actionnaires qui s’en mettent plein les poches et qui traitent les salariés et les chômeurs comme une variable d’ajustement. On va toujours vers le moins-disant social, on tape systématiquement sur les petits, qu’on considère comme des moins que rien qui ne méritent aucun égard. Si ça continue, bientôt, ça sera même zéro salaire ! Le peuple est clairement esclavagisé, déshumanisé à son insu. Bien entendu, on fait tout pour le lui cacher. Le Front national détient le discours ad hoc pour capter les voix des mécontents. Nous n’avons pas besoin de théorie du complot, puisque nos travaux sociologiques démontrent que nous sommes face à une classe puissante, mobilisée en tous lieux et à tout instant pour défendre ses intérêts. Cette classe sociale – au sens marxiste du terme – n’a même pas besoin de chef d’orchestre puisque chacun de ses membres défend les intérêts de sa classe.

    Vous voulez dire que cela tient à l’éducation de la grande bourgeoisie ?

    Exactement. Ce sont les rallyes pour les jeunes, les cercles pour les adultes, des instances informelles comme Bilderberg, des instances de coordination institutionnelle comme Davos… Nous sommes face à une classe sociale mobilisée qui ne complote pas mais qui défend ses intérêts. Il n’existe pas de trou noir ou de zone opaque. Tout ça est disponible sur Internet, dans les beaux quartiers. Il revient au peuple, aux intellectuels, aux journalistes et aux enseignants de faire le boulot ! En creusant, on se rend bien compte que tout cela est public, visible, mais tout le monde ne se lance pas dans cette “vigilance oligarchique”, comme on aime l’appeler. Au sein des classes populaires, on constate même une forme de timidité sociale extrême à s’en prendre aux puissants, une peur.

    En 2016, vous avez donné une interview à L’Humanité dans laquelle vous racontiez qu’au moment de la sortie de votre livre Le président des riches, qui correspondait avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, vous avez été éjectés des réseaux grands-bourgeois qui vous avaient ouvert leurs portes. Que s’est-il passé à ce moment là ?

    Quand nous sommes partis à la retraite en 2007, nous n’avions plus de devoir de réserve puisque nous n’étions plus au CNRS. Nous avons alors ouvert notre travail d’investigation sociologique aux champs politiques et économiques. Avant, nous travaillions plutôt sur les mœurs et le patrimoine, avec des travaux sur les modes de vie, la chasse à courre, la transmission. Ce furent des sujets très importants à traiter, car c’est en passant par ce type de questionnement moins critique et clivant que nous avons pu comprendre petit à petit le fonctionnement de cette classe. Nous avons donc publié Le président des riches à la retraite, et ça a eu un effet impressionnant. Sous Sarkozy, nous étions dans la transversalité totale de l’oligarchie. On a vu comment s’écrivaient les lois, comment les choix économiques s’inscrivaient unilatéralement en direction des intérêts des plus riches. À partir de ce moment là, les portes des beaux quartiers se sont fermées et on a même eu un contrôle fiscal. Aujourd’hui, on travaille autrement, avec l’aide de salariés sous anonymat ou de lanceurs d’alerte.

    Vous parlez des mœurs de la grande bourgeoisie. Ces derniers ne sont-ils pas en train d’être réhabilités par Emmanuel Macron, avec son projet de relancer les chasses présidentielles et de donner un rôle politique plus important à la première dame de France ?

    Après Sarkozy, c’est un cran de plus qui va être franchi, assurément. Macron s’est présenté à une élection présidentielle sans jamais avoir été élu, quasiment en vertu du droit divin. Il gouvernera grâce aux ordonnances, au cynisme et aidé par la technocratie et la bureaucratie européennes. L’Union européenne s’est en effet construite à coup de normes, de directives, en ostracisant autant que faire se peut les référendums. Un président qui se dit ni de droite, ni de gauche et qui brouille les cartes entre privé et public, dans ce cadre là, ne peut qu’effectuer la synthèse des intérêts de l’oligarchie. Le fait qu’il soit arrivé en tête du premier tour et se montre maladroit et indécent sans s’excuser témoigne de son absence totale de culpabilité. Dans la tête de Macron, tout est parfaitement normal : arrivé au-dessus de tout, il a même le culot de déclarer que la suppression de l’ISF est une mesure de gauche !

    « Le déficit est construit comme une arme pour asservir les peuples : il n’a pas pour vocation à être remboursé. »

    C’est un fait incontestable : les riches n’aiment pas l’impôt. Par contre, ils adorent jouer les philanthropes, s’illustrer par des dons, se bâtir une légende dorée, comme Bernard Arnault le fait avec ses musées. Selon vous, ont-ils pour projet de remplacer les services publics dans leur mission culturelle ?

    Ce n’est pas que les riches n’aiment pas l’impôt, ça va plus loin : ils le refusent. Ils refusent de contribuer aux solidarités nationales. En ne payant pas leurs impôts, ils provoquent un déficit de 80 milliards d’euros dans les caisses de Bercy. Si les riches payaient à la hauteur de leur fortune, il n’y aurait plus de déficit public. Il faut réaffirmer que le déficit n’est pas quelque chose de naturel qui aurait vocation à être remboursé par les peuples. Le déficit est construit comme une arme pour asservir les peuples : il n’a pas pour vocation à être remboursé.
    Les riches ne sont pas solidaires, mais ils ont besoin, de temps en temps, de légitimer leur violence de classe avec des œuvres dites caritatives ou philanthropiques, du mécénat. Ce que de nombreux représentants du peuple ignorent, c’est qu’il s’agit encore une fois d’une arme supplémentaire qui permet de piocher dans les caisses de l’État, puisque le mécénat est défiscalisé à 66 %. La fondation Louis Vuitton, par exemple, a été payée en partie par l’argent du peuple français. Son propriétaire Bernard Arnault a de surcroît bénéficié de complicités de la mairie de Paris qui lui a permis d’installer sa fondation dans le bois de Boulogne, qui est un domaine public.

    Les riches possèdent tout, on pourrait ainsi imaginer qu’ils sont heureux. Pour autant, ne peut-on pas les imaginer malheureux, à l’instar des personnages du roman Les visages pâles de Solange Bied-Charreton ? Les malheurs de la grande bourgeoisie, est-ce une piste d’étude que vous avez déjà arpentée ?

    Les riches n’échappent pas aux drames et aux catastrophes humaines. Ils sont sujets aux accidents, aux maladies, ou encore au suicide. Cependant, notre approche de sociologues nous oblige à dire que la plupart des membres de ce groupe social sont parfaitement heureux. C’est très vite expliqué par le fait qu’ils naissent dans les beaux quartiers, jouissent d’une éducation spécifique, demeurent entre eux, avec le miroir de leurs semblables, sans jamais être confrontés à l’autre dissemblable, sauf éventuellement dans la situation du personnel domestique, qui renforce le sentiment de supériorité. Chaque individu de cette classe sociale vit dans un sentiment d’immunité psychologique : la culpabilité, la mauvaise conscience n’existent pas. En tant que classe, ils se sentent impunis : on l’a encore très bien vu avec François Fillon qui a maintenu sa candidature aux présidentielles malgré ses casseroles.

    Leur vie est faite d’entre-soi, les riches rencontrent les conditions de la pratique pour épanouir leur habitus, leur condition de dominants. Ils ne connaissent pas la frustration, ni le travail de deuil. Disons que le système de dispositions qui leur est donné à la naissance les amène plutôt à s’épanouir, à pouvoir faire ce pour quoi ils ont été constitués. Sociologiquement parlant, ce sont des gens sans problèmes. D’ailleurs, jusqu’à notre livre Le président des riches, les retours sur notre travail de la part de la grande bourgeoisie étaient positifs. Ces personnes se rendaient compte que Pierre Bourdieu, qu’ils prenaient pour un affreux gauchiste, avait développé une théorie qui fonctionnait parfaitement sur leur classe. Ils ont apprécié nos premiers travaux en nous disant qu’ils correspondaient à la réalité. Ils ont reconnu que le système théorique de Pierre Bourdieu avait permis de théoriser leur sens pratique. Dans notre premier livre sorti en 1989, nous avions garanti l’anonymat à un certain nombre de personnes que nous avions côtoyé dans les beaux quartiers : nous avions remplacé leurs noms par des titres de noblesse de branches éteintes. Nous avons été appelé par un membre du Jockey Club qui nous a dit que notre livre était formidable mais nous a reproché de les avoir affublé, lui et ses amis, d’affreux patronymes. Ils validaient tout, jusqu’à la question de la ségrégation spatiale, mais ils voulaient voir apparaître dans le livre leurs patronymes familiaux, capital symbolique auquel ils tiennent !

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    https://comptoir.org/2017/05/12/monique-pincon-charlot-nous-sommes-face-a-une-classe-sociale-puissante-et-

    • Les Candidats Du Système. Sociologie Du Conflit D’intérêts En Politique par Nicolas Framont
      http://www.editionsbdl.com/images/files/books/535.7e84ad4f.png?ts=1494753662

      La défiance envers la classe politique monte et ses liens multiples avec les puissances de l’argent posent problème à nombre de citoyens. Pourtant, le débat public n’en parle guère : Les commentateurs s’attardent plus souvent sur le caractère et les ambitions de tel ou tel politicien, sur les petites rivalités qui l’opposent à d’autres plutôt que sur son appartenance de classe. La description des liens d’intérêts et de connivence entre élite politique et élite économique est quant à elle largement oubliée.
      Or, l’absence d’analyse des causes de la défiance permet sa récupération opportuniste par nombre de politiques : tous accusent leurs adversaires d’incarner cette élite tant détestée, tandis que certains mettent à profit ce discrédit pour justifier un projet identitaire ou ultralibéral. En l’absence de description rigoureuse du phénomène, n’importe qui finit par pouvoir se dire «  anti-système  ».
      Pour redonner un sens à ces mots trop souvent dévoyés, ce livre fait état des liens d’intérêts et d’affinités entre la classe politique – y compris les plus «  anti-système  » de ses membres– et les puissances de l’argent. Il se base sur les travaux sociologiques et journalistiques qui ont mis au jour une réalité glaçante : la plupart des représentants du peuple sont dans un conflit d’intérêts permanent vis-à-vis de l’élite économique. Liens familiaux et d’amitié, «  pantouflage  » et mode de vie similaire contribuent à faire de nos dirigeants politiques les représentants de la classe supérieure avant d’être ceux de l’ensemble de la société.
      L’auteur réalise une synthèse des nombreux faits qui attestent de l’existence de ce conflit d’intérêts pour forger des outils d’analyse du monde politique accessibles et critiques. Il insiste sur la nécessité démocratique de mettre fin à cette monopolisation de la chose publique – La République – par une oligarchie.

      Nicolas Framont enseigne la sociologie à l’Université Paris-Sorbonne et co-dirige le trimestriel de réflexion politique Frustration. Ses recherches portent sur la sociologie des élites et la crise de la démocratie représentative. Il est le co-auteur de Les Français ont de bonnes raisons de ne pas voter (Le Bord de L’eau , 2015 ).

  • Here’s How Web Service Cloudflare Helps Serve up Hate on the Internet That Fuels Real-Life Killings | Alternet
    http://www.alternet.org/media/heres-how-web-service-cloudflare-helps-serve-hate-internet-fuels-real-life

    The operations of such extreme sites are made possible, in part, by an otherwise very mainstream internet company — Cloudflare. Based in San Francisco, Cloudflare operates more than 100 data centers spread across the world, serving as a sort of middleman for websites — speeding up delivery of a site’s content and protecting it from several kinds of attacks. Cloudflare says that some 10 percent of web requests flow through its network, and the company’s mainstream clients range from the FBI to the dating site OKCupid.

    The widespread use of Cloudflare’s services by racist groups is not an accident. Cloudflare has said it is not in the business of censoring websites and will not deny its services to even the most offensive purveyors of hate.

    “A website is speech. It is not a bomb,” Cloudflare’s CEO Matthew Prince wrote in a 2013 blog post defending his company’s stance. “There is no imminent danger it creates and no provider has an affirmative obligation to monitor and make determinations about the theoretically harmful nature of speech a site may contain.”

    In testimony Tuesday before the Senate Judiciary Committee, Chief Will D. Johnson, chair of the International Association of Chiefs of Police Human and Civil Rights Committee, highlighted the reach and threat of hate on the Internet.

    “The internet provides extremists with an unprecedented ability to spread hate and recruit followers,” he said. “Individual racists and organized hate groups now have the power to reach a global audience of millions and to communicate among like-minded individuals easily, inexpensively, and anonymously.

    “Although hate speech is offensive and hurtful, the First Amendment usually protects such expression,” Johnson said. “However, there is a growing trend to use the Internet to intimidate and harass individuals on the basis of their race, religion, sexual orientation, gender, gender identity, disability, or national origin.”

    Anglin appears quite comfortable with his arrangement with Cloudflare. It doesn’t cost him much either — just $200 a month, according to public posts on the site.

    “[A]ny complaints filed against the site go to Cloudflare, and Cloudflare then sends me an email telling me someone said I was doing something bad and that it is my responsibility to figure out if I am doing that,” he wrote in a 2015 post on his site. “Cloudflare does not regulate content, so it is meaningless.”

    Representatives from Rackspace and GoDaddy, two popular web hosts, said they try to regulate the kinds of sites on their services. For Rackspace, that means drawing the line at hosting white supremacist content or hate speech. For GoDaddy, that means not hosting the sort of abusive publication of personal information that Anglin frequently engages in.

    A former Cloudflare employee, Ryan Lackey, said in an interview that while he doesn’t condone a lot of what Auernheimer does, he did on occasion give technical advice as a friend and helped some of the Stormer’s issues get resolved.

    “I am hardcore libertarian/classical liberal about free speech — something like Daily Stormer has every right to publish, and it is better for everyone if all ideas are out on the internet to do battle in that sphere,” he said.

    Vick at the ADL agrees that Anglin has a right to publish, but said people have the right to hold to task the Internet companies that enable him.

    #idéologie_californienne #cyberlibertarianisme

  • A Lawsuit Against Uber Highlights the Rush to Conquer Driverless Cars - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2017/02/24/technology/anthony-levandowski-waymo-uber-google-lawsuit.html

    SAN FRANCISCO — Late last year, Uber, in defiance of California state regulators, went ahead with a self-driving car experiment on the streets of San Francisco under the leadership of Anthony Levandowski, a new company executive.

    The experiment quickly ran into problems. In one case, an autonomous Volvo zoomed through a red light on a busy street in front of the city’s Museum of Modern Art.

    Uber, a ride-hailing service, said the incident was because of human error. “This is why we believe so much in making the roads safer by building self-driving Ubers,” Chelsea Kohler, a company spokeswoman, said in December.

    But even though Uber said it had suspended an employee riding in the Volvo, the self-driving car was, in fact, driving itself when it barreled through the red light, according to two Uber employees, who spoke on the condition of anonymity because they signed nondisclosure agreements with the company, and internal Uber documents viewed by The New York Times. All told, the mapping programs used by Uber’s cars failed to recognize six traffic lights in the San Francisco area. “In this case, the car went through a red light,” the documents said.

    The legal battle also provides a rare glimpse into the high-stakes world of top technology talent, where star engineers like Mr. Levandowski, who played a central role in Google’s pioneering autonomous car project, command huge sums of money to try to help define a company’s technological future.

    After leaving Google in January 2016, Mr. Levandowski formed the self-driving truck company Otto. About six months later, Uber bought Otto for $680 million, and Mr. Levandowski became Uber’s vice president in charge of its self-driving car project.

    Waymo filed a lawsuit on Thursday in federal court against Uber and Otto, accusing Mr. Levandowski and Uber of planning to steal trade secrets.

    Engineers like Mr. Levandowski are part of a limited pool of people with the experience and capability to lead efforts on self-driving cars. They are wooed by traditional automakers looking to acquire new technical talent and tech companies, both established firms and start-ups, who see the opportunity to use artificial intelligence and sensors to disrupt another industry.

    “What’s in these people’s heads is hugely in demand,” because the talent pool “just doesn’t have enough miles under the wheels,” said Martha Josephson, a partner in the Palo Alto, Calif., office of Egon Zehnder, an executive recruiting firm.

    In fact, Sebastian Thrun, who founded Google’s self-driving car project and is now the chief executive of the online teaching start-up Udacity, said last year that the going rate for driverless car engineering talent was about $10 million a person.

    Current and former co-workers of Mr. Levandowski, who asked for anonymity because they did not have permission to speak to reporters, said he was aggressive and determined with an entrepreneurial streak.

    Since leaving Google, Mr. Levandowski, 36, has embodied the Silicon Valley ethos that it is better to ask for forgiveness rather than permission.

    Mr. Levandowski gained some notoriety within Google for selling start-ups, which he had done as side projects, to his employer. In his biography for a real estate firm, for which he is a board member, Mr. Levandowski said he sold three automation and robotics start-ups to Google, including 510 Systems and Anthony’s Robots, for nearly $500 million. After this story was published, the real estate firm updated its website erasing Mr. Levandowski’s biography and said that it had “erroneously reported certain facts incorrectly without Mr. Levandowski’s knowledge.”

    #idéologie_californienne #automobile

    • Dans un monde idéal, la violence n’est pas, à mon sens, la meilleure manière d’agir, mais nous ne sommes de toute évidence pas dans un monde idéal. Notre situation ne cesse de se détériorer – surpopulation, pollution, zones mortes océaniques, et j’en passe – et toutes les possibilités pour l’humanité de jouir d’un avenir décent et digne s’amenuisent de jour en jour, alors quel choix nous reste-t-il ? Les tentatives individuelles de mener une vie soutenable ne changeront rien tant que la société industrielle perdure. A l’heure actuelle, le démantèlement de l’infrastructure est la pièce manquante la plus importante. C’est là que le système est le plus vulnérable. Il faudrait donc procéder à ce démantèlement sans plus attendre. Cela peut s’avérer efficace, si c’est fait avec responsabilité, prudence et beaucoup de lucidité.

    • Le temps est compté : interview avec un éco-saboteur (partie 2) – Le Partage
      http://partage-le.com/2016/08/le-temps-est-compte-interview-avec-un-eco-saboteur-partie-2

      Rien de ce que fait la culture dominante, qu’il s’agisse de l’exploitation forestière et de la pêche industrielle, de la production d’électricité ou de l’extraction d’énergies fossiles, n’est aussi destructeur que l’agriculture. Rien de tout cela n’est possible sans agriculture. Les couches arables ne subsisteront pas plus d’une quarantaine d’années, tandis que l’agriculture est en train de les épuiser comme si elles devaient durer éternellement. Ces sols sont comme le sable dans le sablier de la civilisation, ainsi que les énergies fossiles et les minerais ; ils n’existent qu’en quantité limitée. En ce qui concerne les limites physiques, la civilisation brille par son incohérence et n’a même pas conscience de ses propres intérêts fondamentaux ; Elle tente seulement de garder secret le fait qu’elle va tout ravager, mais c’est un secret qui crève les yeux. Dans un monde aux ressources limitées, elle ne peut en aucune façon fonctionner encore bien longtemps et en ce moment, elle ne fait que grignoter les dernières frontières. Si la civilisation existe toujours dans 20 ans, le nombre de zones sauvages désignées importera peu ; la civilisation les aura ravagées avant.

  • Notre insertion contre la leur ! Archives du précariat.
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8006

    Lorsqu’existait le RMI, l’idéologie du travail vantait l’« insertion », il fallait impérativement greffer l’« exclu » au vigoureux tronc du travail, productif (?) et intégrateur (?). Quitte à lui forcer la main.

    Depuis, la société de concurrence a marqué des points. Avec le #RSA, on se droit d’être en « activité », de développer son « autonomie », comme ils disent. Le mot a changé, la conditionnalité de ce mini #revenu et le contrôle de ses allocataires ont été renforcés. Une récente surenchère (un vote du conseil départemental du Haut-Rhin) voudrait que les RSAstes soient contraints à des heures de « bénévolat »... D’aucuns pourraient penser que c’est d’une droite de droite soucieuse de se démarquer d’un gouvernement qui applique sa politique. Non sans raison. Mais qui imite qui ? Comme vous le verrez à la lecture de l’article qui suit, la gauche de droite n’a pas été en reste pour prôner le travail forcé au nom de la morale.

    Notre insertion contre la leur !

    Le 19 septembre [1998] à Perpignan, une manifestation organisée à l’initiative d’AC ! s’est achevée par une tentative d’occupation du Conseil général des Pyrénées-Orientales, peu avant d’être dispersée par la police. Le Président #socialiste du Conseil général, Christian Bourquin, avait en effet annoncé vouloir imposer aux #allocataires du #RMI du département des heures de travail non rémunérées.

    #Idéologie_du_travail #travail_forcé #société_punitive #précarité

  • Un entretien avec Thibault Le Texier autour de son livre Le Maniement des hommes (éd. La Découverte) :

    http://rue89.nouvelobs.com/2016/01/17/histoire-management-lefficacite-devient-fin-soi-262864

    Dépasser cette rationalité managériale c’est prendre conscience de ça. L’ennemi c’est nous. C’est nous qu’il faut transformer.

    Qui est contre l’efficacité aujourd’hui ? L’objet de mon livre, c’est de dénaturaliser ça. Ce qui est naturel, pour un être humain, c’est plutôt de s’occuper de ses proches, d’être familier et personnel. Ce mode froid et instrumental de traiter le monde et les gens, c’est quelque chose d’assez fou. C’est complètement anti-naturel.

    #idéologie_managériale #manipulation #management

  • Hubert Auriol sur France Inter racontant "son" Paris-Dakar... 30 ans après : en 2016, même arrogance, même obscénité.

    Profond dégoût.

    Y a t il que moi que ça choque et que ça révolte, les propos d’Hubert Auriol à propos de la mort d’une mère de famille écrasée dans son champ (même pas sur ou au bord de la route) par une voiture qui doublait une moto il y a 30 ans ?

    Y a t il que moi que ça choque et que ça révolte, que l’animateur de l’émission laisse Auriol expliquer ça tranquillement, sans que ça soulève la moindre indignation chez lui ?

    Dialogue :

    Fabrice Drouelle : « Hubert Auriol, on va entendre maintenant un jeune militant anti-Dakar et vous allez voir, il y va ! »

    Hubert Auriol : « Hi hi ! Ah oui, ça, il y en a eu ! »

    Le jeune militant (extrait audio) : « Le Paris Dakar perturbe les services publics, notamment les services de santé, les pistes sont détruites par le passage du rallye, le personnel médical local ne dispose plus de l’essence nécessaire pour aller en brousse faire leur travail parce qu’elle est réquisitionnée. Le rallye a aussi perturbé l’approvisionnement en aide alimentaire.

    En 1984, un pilote pour doubler, à très grande vitesse, est simplement sorti de la route et a roulé sur un champ en fauchant une mère de famille qui y travaillait »

    Fabrice Drouelle : « Il y a eu beaucoup de critiques non ? »

    Hubert Auriol : « Ouais, mais c’est normal qu’il y ait des critiques, je veux dire. Faut remettre ça dans sa dimension : 30 ans après, vous en reparlez, quand vous voyez ce que le Dakar a apporté (sic)... Vous savez, vous pouvez toujours prendre un événement en exergue et lui trouver mille mots, je veux dire, c’est pour tout pareil, moi je veux pas rentrer dans ce genre de polémique (sic) [l’écrasement d’une mère de famille, donc la polémique].

    On a eu une chance extraordinaire de vivre cette époque en Afrique qui n’existera plus, même pour les africains, à l’époque on pouvait circuler librement en Afrique, on pouvait passer d’un pays à l’autre... Aujourd’hui on peut plus circuler ! Je veux dire, cette Afrique là que nous on a connu, même les Africains ils la connaîtront pas. Enfin, ça reviendra peut-être, mais dans combien de temps ?

    Aujourd’hui, on parle plus du Dakar, mais il y a bien d’autres drames par rapport à la réaction qu’on vient d’entendre [d’autres drames que celui du quasi meurtre de cette mère de famille, qui n’est au fond pas si grave, donc] .

    C’est vrai que c’est dramatique un accident [surtout que cet accident là était vraiment inévitable, on se demande bien ce que cette mère de famille foutait dans son champs à ce moment précis] par rapport à toutes les horreurs qu’il y a eu ces dernières années [on voit pas le rapport mais bon, Auriol pense que la mort d’une mère de famille, 30 ans après les faits, c’est rien par rapport aux horreurs de ces derniers temps], avec tous les combats, etc...

    Je crois qu’il faut prendre un peu de hauteur [sans doute pour mieux voir le corps écrasée de la maman] ».

    Je ne sais pas quel putain de tag mettre ici.

    • « à l’époque on pouvait circuler librement en Afrique, on pouvait passer d’un pays à l’autre... Aujourd’hui on peut plus circuler ! »

      ça aussi, ça sonne bizarre dans un contexte où les frontières de l’Europe (au sud, mais aussi entre pays) sont de plus en plus fermées, et particulièrement aux Africains, et pas parce qu’ils veulent y faire des « rallyes », contribuant aussi à une hausse de leur mortalité...

    • J’ai toujours détesté cette saloperie de rallye où l’arrogance des riches et leur mépris pour les pauvres pouvait s’exprimer avec la bénédiction des medias. Ça continue aujourd’hui...

    • Les français sont divers dans toutes leurs attitudes ce qui donne parfois une fausse image, vers l’extérieur. Quand on voit que tout est incompatible et chacun vit dans sa monde clos et finis, l’espoir de pouvoir s’exprimer pour ou contre quelque chose s’évapore. Je déteste plein de choses, mais apprends de m’en ficher. Merci pour le temps gagné.

    • Je vais pas m’abonner à ce tag mais il est bien, oui.
      Mais non, tu n’es pas seul @reka !
      On pourrait mettre les deux fronts face à face longtemps, et celui de la bagnole camperait toujours sur sa mauvaise foi.
      Un jour que je foutais un coup de poing sur le capot d’une 4x4 qui s’est amusé à avancer pour m’écraser au moment ou je traversais au rouge et au passage piéton, le conducteur sort pour m’invectiver et me hurler qu’il ne me casserait pas la gueule car j’étais une nana (malgré mon invitation à oser le faire), mais que surtout, le plus drôle, j’étais jalouse de sa 4x4 !
      #keep_cool il n’y aura bientôt plus de pétrole, et leur égoïsme les fera crever.

    • #anti_voitures, rangez vos arguments, les #pros_voitures s’en occupent tout seuls !
      La surlégislation anti-voiture, même en Formule 1
      https://www.contrepoints.org/2014/07/04/170924-la-surlegislation-anti-voiture-meme-en-formule-1

      Une voiture de course, ça surconsomme, ça fait de l’huile, ça brûle du pneumatique, ça fait du bruit et ça coûte cher. Ça peut occasionner des dégâts aussi. Il y a des écuries richement dotées, d’autres moins bien dotées. C’est une compétition. On peut toujours réglementer pour réduire tous ces désagréments, mais ce sera forcément moins enthousiasmant.

      Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme. Non, je ne tomberai pas dans le cynisme.

    • C’est bien la preuve qu’ils sont vraiment malades à trouver que si il y a moins de souffrances c’est moins enthousiasmant.
      #sado_maso
      Et quand il n’y aura plus de pétrole, il y aura des parcs d’attraction avec des pots d’échappements géants sous lesquels respirer ce qu’il restera de diesel à bruler, avec tous les 50 visiteurs, un cancer gratuit ?

    • Comme tag, je vois aussi #lol mais je crois être tombé dans le cynisme... D’ailleurs je ne te connaissais pas ce goût pour les 4x4 @touti :-p

      Sinon, ce genre de moment mérite Amha la création d’un concept. Je proposerais bien #dakartisme mais c’est pas cool pour la ville. #auriolerie ?

    • Raa, j’ai trouvé une autre sacré #auriolerie ici :

      Grand Prix de Malaisie, la F1 pourrie par l’idéologie anti-voiture
      http://www.contrepoints.org/2014/03/29/161165-grand-prix-de-malaisie-la-f1-pourrie-par-lideologie-anti-voitur

      Quelle meilleur emblème, finalement, de ce nouveau monde, que cette nouvelle F1 émasculée ?

      Ah, ok, en fait, c’est bien une histoire de #violence de #masculinisme et de #couilles_partout la voiture. #sus_aux_bagnoles #vive_les_couilles_libres !

      Et le beau #idéologie_anti-voiture vous le connaissiez pas ?

    • @intermpestive, oui, c’est exactement ce billet-là. Je trouve que l’argument de sécurité ne tient pas, tout conducteur doit rester maître de la vitesse de son véhicule. Evidemment faire porter la sécurité du piéton à ce dernier est plus prudent, en revanche c’est déjà un détournement du sens, d’un côté on légifère dans le sens que c’est au conducteur de veiller à sa sécurité de l’autre on dit plus pragmatiquement que comme c’est dans l’intérêt du piéton d’y veiller lui-même, finalement on peut continuer de déresponsabiliser le conducteur.

      Je remarque par exemple qu’en France c’est extrêmement dangereux de tenter de faire respecter la priorité du piéton dès lors qu’il est en face ’un passage clouté, alors que la même situation en Belgique fait littéralement piler les automobilistes.

      Quant à la reconduction de l’omniprésence du bruit, dont j’aurais tendance à penser qu’elle est voontaire et désirée, pour obtenir toujours plus d’abrutissement, vaste sujet mais que je préférerais évoquer devant un verre (dans pas trop longtemps !)

    • Il y a aussi toute une acceptation sociale des morts de la route. Je crois bien que c’est Italo Calvino qui parlait de la continuité (et nécessité) de la tragédie grâce à la voiture.
      Le constat accablant des amis qui ont tenté de faire reconnaitre les responsabilités des conducteurs lors de mort violente par accident, permet d’affirmer que si vous voulez passer inaperçu pour tuer quelqu’un, préférez l’accident de voiture. C’est très bien encadré par les assurances qui savent faire plier les récalcitrants avec des arguments financiers et les avocats qui vont avec.

    • Bonsoir,
      Je viens d’écouter en podcast et un peu par hasard l’émission dont vous parlez ("affaires sensibles", France Inter). Je suis tellement révoltée par les paroles d’Auriol et la complaisance de Drouelle au sujet de la mort de cette femme que j’ai sauté sur le net, à la recherche de sentiments pareils aux miens. Quelle chance, j’ai très vite trouvé ce post !
      Le plus douloureux pour moi sont ces paroles d’Auriol et la manière de les dire sur le ton serein et confortable de celui qui a tout compris : « Je crois qu’il faut prendre un peu de hauteur ». Mais quelle horreur ! Mais quel concentré de bêtise ! Lui, qu’un peu avant, on entend sangloter honteusement au micro à cause de deux chevilles cassées. Ca doit faire un mal de chien mais il choisi d’être là, non ? Et il tire grande satisfaction de ses « exploits ».
      Pourquoi y a-t-il tant de gens qui ne doutent de rien, qui font les gros malins et à qui ça réussit si bien ?

  • Stephen Jay Gould, l’évolution sans histoire

    http://sniadecki.wordpress.com/2015/12/05/sniadecki-gould

    Comment faire pour discréditer une idée ? Il suffit de la caricaturer, d’en donner une image grossière et inconsistante, de l’entourer de la plus extrême confusion, pour ensuite la démolir à l’aide de toutes sortes d’arguments qui en montrent le caractère simpliste, incohérent et ridicule.

    On lit parfois et l’on entend dire souvent que #Stephen_Jay_Gould (1941-2002), avec son ouvrage L’éventail du vivant, le mythe du progrès (1996), aurait « démontré » que l’#évolution n’est pas dirigée par une tendance vers le « progrès » ou qu’il aurait « prouvé » qu’il n’existe pas de tendance à la complexification des êtres vivants au cours de l’évolution.

    Petit détail qu’oublient au passage ceux qui soutiennent ces affirmations : il est logiquement impossible de prouver qu’un phénomène ou qu’une chose n’existe pas… En logique, en mathématiques et en science, il est uniquement possible de prouver que des objets existent, que les phénomènes suivent telle ou telle loi. Tout au plus, à partir de la connaissance de ce qui est possible, peut-on estimer qu’un phénomène où une chose ont une existence plus ou moins probable.

    Quoiqu’il en soit de ce point d’épistémologie élémentaire, la lecture de ses livres et articles fait comprendre que rien n’est plus faux : Gould n’a rien « démontré » ni « prouvé » en la matière ; comme à son habitude, il n’a fait que marteler ( drill en anglais), en les enrobant dans beaucoup de verbiage sans rapport avec le problème, les quelques idées qui lui tiennent lieu de pensée sur le sujet.

    Cela, nous allons véritablement le démontrer et positivement le prouver.

    par Andréas Sniadecki.

    #biologie ; #idéologie_scientifique ; #darwinisme ;

    Et #évolution, bien sûr !

  • Le radeau de la méduse climatique (2)
    http://www.eauxglacees.com/Le-radeau-de-la-meduse-climatique,1673

    « Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle réactionnaire et monumental mais qui restait lettre morte. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que "la tolérance" de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de l’histoire (...)

    • ...quant à nous, épuisé, effaré, dévasté, plutôt que de nous échiner à parcourir le sinistre calendrier de Lobby Planet Paris, on comprendra sans peine qu’après avoir visionné le nouveau spot télé "décalé" de 30 secondes de #Veolia, qui sera diffusé massivement, #COP_21 oblige, après France 2 juste avant 20 heures dimanche soir, sur France 5, les chaînes d’information (iTélé, BFM TV, BFM Business, France24), BBC worldwide et Euronews jusqu’au 13 décembre, nous allions nous refaire une santé au Fouquets, où le Groupe Barrière nous réserve un accueil de rêve :

      « Nous avons élaboré dans 8 établissements du Groupe un menu spécifique Bon Pour Le #Climat.

      Au Fouquet’s, ce menu a été imaginé en collaboration avec le Chef Gagnaire.

      L’établissement accueille par ailleurs, à partir du mercredi 2 décembre, une exposition de photographies des paysages français réalisée en partenariat avec le Fonds Sylvain Augier.

      Si l’occasion se présente de faire, dans le cadre de vos sujets sur la COP21, un focus sur les palaces parisiens et leur engagement, ce serait un grand plaisir de vous accueillir au Fouquet’s.

      #idéologie_hédoniste #pasolini

  • Andrea Dworkin : La notion de supériorité biologique : un argument dangereux et meurtrier

    https://tradfem.wordpress.com/2014/10/04/andrea-dworkin-la-notion-de-superiorite-biologique-un-argument-da

    En tant que classe (pas nécessairement en tant qu’individues), nous pouvons porter des enfants. De cela découlent, selon l’idéologie patriarcale, tous nos autres attributs et toutes nos autres potentialités. Sur le piédestal, immobiles comme des statues de cire, ou dans le caniveau, icônes déchues embourbées dans la merde, nous sommes adulées ou dénigrées parce que nos traits biologiques sont ce qu’ils sont. Citant des gènes, des organes génitaux, de l’ADN, des odeurs codées, des biogrammes, des hormones, ou quoi que ce soit qui est au goût du jour, les phallocrates plaident leur cause qui est, en essence, que nous sommes biologiquement trop bonnes, trop mauvaises, ou trop différentes pour faire autre chose que de nous reproduire et de servir les hommes aux plans sexuel et domestique.

    Traduction française : Tradfem
    Avant d’être publié dans Letters from a War Zone (1988), l’essai « Biological Superiority : The World’s Most Dangerous and Deadly Idea » (1977) a d’abord été publié dans Heresies n°6 on Women and Violence, Vol. 2, n° 2, été 1978.
    http://www.nostatusquo.com/ACLU/dworkin/WarZoneChaptIIID.html


    #Andrea_Dworkin #féminisme #tradfem #idéologie_naturaliste #supériorité_biologique #super_womon #séparatisme_lesbien

  • Originial. En 1998 déjà, des socialistes voulaient imposer un travail obligatoire aux RMIstes sous peine de radiation... Mais lorsqu’il prône aujourd’hui l’emploi forcé des RSAste, le parvenu N.S n’en dit mot.

    Notre insertion contre la leur ! #CARGO (Collectif d’Agitation pour un Revenu Garanti Optimal)
    http://www.ac.eu.org/spip.php?article496

    Le 19 septembre dernier [en 1998, sous #Jospin] à Perpignan, une #manifestation organisée à l’initiative d’#AC ! s’est achevée par une tentative d’occupation du #Conseil_Général des Pyrénées-Orientales, peu avant d’être dispersée par la police. Le Président #socialiste du Conseil Général, Christian Bourquin, avait en effet annoncé vouloir imposer aux allocataires du #RMI du département des heures de #travail_non_rémunérées. (...) Ils nous veulent honteux et soumis nous choisissons l’arrogance et la fierté.
    Non, nous ne pleurnicherons pas pour obtenir des emplois, nous ne supplierons pas les patrons de nous exploiter, nous ne ramperons pas à genoux devant les #employeurs, histoire que les #salaires baissent encore un peu plus. Ce que fait le #travaillisme, c’est propager de la mauvaise conscience pour aiguiser la #concurrence dans l’obtention d’un poste, pour que le travail devienne une lutte de tous contre tous, et ce, pour le seul profit des exploiteurs. Le Workfare ne passera pas par nous, nous ne serons pas les « jaunes » des temps modernes dont les patrons se serviraient à volonté pour briser les grèves, détériorer les conditions de travail et faire baisser les salaires.

    #luttes_sociales #Archives #idéologie_du_travail

  • C’est une aberration de parler de « tripartisme » – Le blog de Gérard Filoche
    http://www.filoche.net/2015/03/31/c%e2%80%99est-une-aberration-de-parler-de-%c2%ab-tripartisme-%c2%bb

    Il existe deux classes sociales fondamentales.
    L’actionnariat et le salariat. Ceux qui produisent les richesses et ceux qui se les accaparent. Ceux qui vendent le mieux possible leur force de travail et ceux qui l’exploitent au maximum. Ceux qui soutiennent la finance qui pille et ceux s’en défendent pour vivre. Il y a d’un coté, le salariat qui produit les richesses et n’en reçoit la part qu’il mérite, et de l’autre les 1 % de l’oligarchie qui se goinfrent des milliards arrachés au travail.

    Le seul truc avec lequel on ne sera jamais d’accord, c’est l’endroit où il place le curseur de séparation entre la gauche et la droite.

    Il n’y a pas de classe moyenne en France. Le salariat a gagné largement. Il représente 93 % des actifs. Et 98 % des ces 93 % gagnent moins de 3200 euros nets. Entre le bas et le haut du salariat les intérêts fondamentaux sont proches : les mêmes menaces existent contre le droit à l’emploi et le niveau du salaire.

    • Il est encore au PS, il croit encore qu’il parviendra à prendre le pouvoir au PS (tu as reçu toi aussi sa newsletter où il en parle ?). Et il continue à mépriser tout ce qui ne croit pas au PS. Donc...

      Ceci dit, ses analyses sont toujours pertinentes... C’est triste qu’il ne comprenne pas qu’il se rend muet en restant là où il est...

    • Analyses pertinentes, Filoche ? D’un point de vue défensif, certainement, pour une bonne part. Mais partager et propager encore un idéal du « plein emploi » (et le « modèle du CDI » ) le met à la remorque du PS et même de certains syndicats qui veulent bien en causer pour mystifier leur auditoire (car ils ne lâchent pas ce bobard) et par là préserver un lien imaginaire (qui ne mène nulle part) mais ne sont eux mêmes plus tout à fait dupes.

      #idéologie_du_travail

  • « Thomas Piketty, la France et la méritocratie », par Jean-Pierre Dupuy (Le Monde, 10/03/2015)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/10/thomas-piketty-la-france-et-la-meritocratie_4590638_3232.html

    Le succès quasi planétaire du livre de Thomas Piketty, Le #Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), a quelque chose de troublant. C’est comme si la simple publication de données statistiques sur les #inégalités de richesse et de revenu avait une portée morale et politique immédiate, comme si les faits pouvaient à eux seuls constituer des valeurs, ce qui, en bonne philosophie, est un passage indu.

    Des siècles de réflexions et de débats nous ont en effet appris que le sens attribué aux inégalités dépendait fortement du contexte social et moral dans lequel elles se situent. Opposant les sociétés démocratiques aux temps aristocratiques, Tocqueville écrivait ainsi dans De la démocratie en Amérique : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande. »

    Au sujet de la #France, Piketty affirme trois choses : la méritocratie est une des valeurs phares de la République ; c’est pourquoi les inégalités sont le plus souvent justifiées par le mérite ; cette justification est un masque qui cache une réalité plus sordide.

    Sur les deux derniers points, on croirait lire du Pierre Bourdieu (La Reproduction, 1970), mais pas sur le premier point. Car, jamais Bourdieu n’aurait considéré le mérite comme une #valeur devant être récompensée !

    Nous avons tous appris de Bourdieu à suspecter le vernis hypocrite des légitimités qui masque les rapports de force. La priorité de la sociologie critique est de dénoncer la « transmutation de l’héritage social en grâce individuelle ou en mérite personnel ». Le système d’enseignement se dit capable de sélectionner « les meilleurs » (ceux que la nature a dotés largement en capacités et talents, et qui font l’effort de les développer) et d’assurer leur succès dans la vie, alors qu’il ne fait en réalité que reproduire le classement social de départ, tout en le consacrant au moyen de la fiction du mérite individuel.

    En vérité, la cible de la sociologie critique n’est pas tant la méritocratie que la #hiérarchie. Le voile qu’il s’agit de lever est moins celui de la bourgeoisie que celui de la société d’ordres et de castes.

    Et là on retrouve l’idée de #race (au sens de l’abbé Siéyès, confère le prochain numéro de @vacarme, mais aussi au sens de Nietzsche).

    Le bourgeois, c’est le « parvenu » - parvenu à se hisser au faîte de l’échelle sociale au prix d’efforts dont il va jusqu’à se flatter. Le grossier personnage. La méritocratie du travail et de la peine est surtout coupable de naïveté aux yeux de la sociologie critique : elle trahit la vérité honteuse de l’ordre social, faite de conflit et d’arbitraire.

    Non, c’est au noble, à celui qui possède sans jamais s’être donné la peine d’acquérir, qu’il s’agit d’abord de rabaisser le caquet. D’ailleurs, qui méprise qui ? Est-ce le bourgeois qui méprise l’aristocrate ? Dans la pièce inénarrable d’Octave Mirbeau, Les affaires sont les affaires (1903), le noble de Porcelet répond au bourgeois Lechat qui lui propose une alliance : « Vous pouvez tout nous acheter, nos biens, nos titres, nos filles, mais pas la manière de s’en servir ! »

    Entre les #valeurs de l’acquis et du faire et les valeurs de la naissance, de l’essence et de la nature, la hiérarchie propre aux sociétés aristocratiques a toujours placé les secondes au sommet. Mais c’est aussi le cas, par mimétisme, des sociétés bourgeoises qui ne sont pas en reste pour mépriser la « marque roturière de l’effort ». L’élève que l’on admire n’est pas celui qui réussit en se tuant à la tâche. C’est celui à qui tout est donné et qui caracole en tête les doigts dans le nez.

    Là l’auteur exagère. Philosophe et professeur à l’université Stanford, en #Californie, il devrait peut-être songer à prendre un peu l’air pour voir. Puisqu’on parle de valeurs, il y a là un un glissement de la France aux Etats-Unis (#idéologie_californienne ?).

    Le livre de Piketty montre bien que le #capitalisme redevient un monde d’héritiers. Mais il correspond en cela à l’#idéologie profonde des Français. Ceux-ci ne sont-ils pas bien davantage opposés aux droits de succession qu’à l’impôt sur le revenu ? Contrairement à ce que Piketty pense, les faits et les valeurs sont donc bien en phase. Même si cela ne veut évidemment pas dire que ces valeurs échappent à la critique.

    via @opironet

  • La future #prime_d’activité selon Le Monde
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/02/28/comment-la-nouvelle-prime-d-activite-va-fonctionner_4585089_823448.html

    La prime pour l’emploi (PPE) et le #RSA_activité sont bientôt morts, bienvenue à la nouvelle « prime d’activité ».

    La PPE, qui consiste en un crédit d’impôt versé en septembre, bénéficie en effet à 6,3 millions de foyers qui gagnent entre 0,3 et 1,3 smic, mais son montant moyen mensuel était de seulement 36 euros. Trop de bénéficiaires pour un montant trop faible, versé trop tard : la PPE était critiquée pour son absence d’effet incitatif. Elle sera versée pour la dernière fois en septembre 2015. De son côté, le RSA activité (à différencier du RSA socle pour les personnes qui ne travaillent pas du tout et qui va perdurer) bénéficiait lui à seulement 700 000 personnes, mais pour un montant moyen de 176 euros.

    Jugée trop complexe, cette prestation est sous-utilisée, avec à peine un tiers des bénéficiaires potentiels qui en font la demande. « Le bénéficiaire doit effectuer deux déplacements physiques, remplir six pages de formulaires et fournir de nombreuses pièces justificatives pour déposer une demande », dénonçait le député PS Christophe #Sirugue, dans un rapport remis en juillet 2013 et qui a servi de base à la réforme du gouvernement.

    Selon nos informations, M. #Valls devrait annoncer que la nouvelle prime, dont le fonctionnement sera très proche du RSA activité, sera concentrée sur les travailleurs gagnant entre 570 et 1 360 euros net, soit entre 0,5 et 1,2 #smic. Tous les bénéficiaires actuels de la PPE au-delà de ce seuil ne percevront plus rien, mais le gouvernement estime que la perte sera très faible, de l’ordre de quelques dizaines d’euros par an.

    La prime d’activité sera bien versée dès le premier euro gagné mais les #salariés touchant jusqu’à 0,5 smic (soit environ 570 euros) ne devraient pas voir de grand bouleversement, le montant de la nouvelle prime d’activité restant pour eux à peu près le même que celui du RSA activité. « Il s’agit de ne pas inciter les tout petits contrats à temps partiel », justifie un des acteurs du dossier [ah ! ah ! ah !, ndc]. « Le dispositif doit fonctionner comme une incitation à travailler davantage », abonde Matignon. Quitte à ne pas aider les #travailleurs les plus #pauvres. Le montant devrait être maximum pour les salariés gagnant autour de 800 euros . Le collectif Alerte, qui regroupe les associations de lutte contre la pauvreté, a demandé que ce maximum soit de 250 euros, mais le rapport Sirugue avait évoqué de son côté 215 euros.

    Un geste pour les #apprentis ?

    Surtout, la prime d’activité sera ouverte aux #jeunes entre 18 et 25 ans, qui n’ont aujourd’hui pas accès au RSA. Selon le rapport Sirugue, environ #300000_jeunes pourraient ainsi toucher cette prestation. Mais les derniers arbitrages du gouvernement pourraient finalement être bien moins généreux, car les jeunes résidant chez leurs parents verront les revenus de l’ensemble du foyer fiscal pris en compte . « Nous voulons que les jeunes de moins de 25 ans qui travaillent puissent en bénéficier quoi qu’il arrive de manière autonome, sinon seulement 200 000 jeunes pourront en profiter », critique François Soulage, président du collectif Alerte. Le gouvernement s’y oppose pour l’instant, mais serait prêt à faire un geste pour les apprentis qui au départ ne devaient pas bénéficier de la prime. « C’est un point qui pourra bouger lors de l’examen parlementaire [prévu cet été] et faire l’objet d’amendement », confirme Matignon.

    Cette nouvelle prime, qui entrera en vigueur début 2016, devrait coûter environ 4 milliards d’euros par an, le même coût que la PPE et le RSA cumulés. Environ 7 millions de personnes y seraient éligibles, mais Matignon a fondé ses calculs sur le fait que seulement 50 % des bénéficiaires potentiels en feront au final la demande . En revanche, l’allocation spécifique de solidarité (ASS), versée par Pôle emploi à 450 000 chômeurs en fin de droit, ne sera pas incluse dans la réforme et gardera donc son − complexe − fonctionnement propre. Au grand regret des associations de lutte contre la pauvreté.

    En 1998, lorsqu’il était premier ministre et confronté à une mobilisation massive des #chômeurs et #précaires, Lionel Jospin dénigrait déjà -bien avant Sarkozy...- la #solidarité. Il avait déclaré : "je préfère une société de travail à l’#assistance" .

    Voir À gauche poubelle, précaires rebelles
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5374

    #Droits #non_recours #précarité #salaire #travail #emploi #travaillisme #inégalité #idéologie_du_travail #activation_des_dépenses_passives (comme ils disent)

    • Toujours à la rubrique, #l'économie_est_la_politique_du_capital, les 5,3 milliards d’économie réalisées actuellement par l’état grâce au non-recours des #ayants_droits potentiels qui ne demandent pas le RSA ne seront pas perdus avec cette #prime_d'activité : « Matignon a fondé ses calculs sur le fait que seulement 50 % des bénéficiaires potentiels de cette prime en feront au final la demande. »...
      Le salaire que soutiendra le moins mal cette prime c’est 800 boules. Pour les #jeunes, faudra pas qu’ils soient déclarés sur les impôts de leur parents, sinon ceinture. Et toujours pas de droit au RSA « socle » pour ces centaines de milliers d’entrants dans le #salariat qui n’ont pas droit à une #allocation_chômage..

      #austérité #pauvreté #exploitation

    • La « #préférence_nationale » introduite dans la loi RMI en 1988 continue à faire des petits...Ègalite ? mon oeil. Extraits dun mel reçu :

      La future nouvelle « prime d’activité » va remplacer (fusionner) le RSA activité (qui relève, avec le RSA dit « socle », du CASF) et la prime pour l’emploi (qui relève du code des impôts). Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2016 (article 26 avant projet de loi), sauf pour Mayotte où ce sera une ordonnance...

      Le RSA activité, comme le RSA, est conditionné pour les étrangers non UE à une résidence régulière depuis plus de 5 ans (cadeau Hirsch-Sarkozy de la loi RSA)
      La prime pour l’emploi ne comporte pas de telles conditions, elle était due à tout contribuable, donc y compris au sans papiers.
      Eh bien pour la nouvelle prime d’activité (qui relèvera du Code de la sécurité sociale), quelle est la condition retenue ? bingo ! c’est la plus restreinte et discriminatoire des deux... (seul point positif, tous les étrangers UE y ont droit, mais c’est une obligation du droit de l’UE, cela découle de la libre circulation des travailleurs).

      Politiquement, puisque cette prime d’activité est destinée aux #pauvres_méritants car ils travaillent (même pour des semblants de boulot, des bribes de travail, des heures..), et non comme le RSA socle à ces feignasses d’assistés qui se prélassent dans l’oisiveté, on peut se demander pourquoi en priver les étrangers en situation régulière « méritants » qui travaillent ?
      Et pourquoi, puisque l’objectif de la prime d’activité, comme le RSA activité, est d’inciter au travail (), d’encourager à la vertu, de permettre l’insertion professionnelle, pourquoi ne pas vouloir de cet objectif pour les #étrangers résidant régulièrement en France et qui y travaillent ? () selon l’exposé des motifs « encourager l’activité en soutenant le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, de façon simple et lisible, avec une prime mensuelle, dont le montant est étroitement lié aux revenus d’activité des bénéficiaires »
      Le maintien de la condition d’antériorité de 5 ans (en séjour régulier avec droit au travail) est lamentable. Lamentable de la part du mnistère du travail Rebsamen en charge de ce projet de loi, et probablement de la ministre des affaires sociales Touraine (sans doute co-responsable sur le volet sécurité sociale / prime d’activité).

      Voir l’avant projet de loi dialogue social dans lequel figure cette condition, l’article 23 concerne la prime d’activité.
      Pour les autres conditions de la prime d’activité, il semble que c’est un copié-collé des articles du CASF sur le RSA (ce serait à vérifier), avec des choses renvoyées aux décrets.

      #Xénophobie_d'état

  • Le taux de suicide augmente avec le chômage - L’Obs
    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150106.AFP4698/le-taux-de-suicide-augmente-avec-le-chomage.html

    Le taux de décès par suicide augmente avec le taux chômage et près de 600 suicides pourraient être attribués à la hausse du chômage observée en France entre 2008 et 2010, selon une étude publié mardi.

    « Entre 2000 et 2010 en France, le taux de chômage est significativement et positivement associé au taux de suicide », estiment les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui signent cette étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (InVS).

    Lorsque le taux de chômage augmente de 10%, le taux de suicide (nombre de décès par suicide rapporté à la population) progresse en moyenne de 1,5% pour l’ensemble de la population de plus de 15 ans.

    L’association entre chômage et suicide apparaît plus marquée pour les hommes de 25 à 49 ans : la hausse de 10% du taux de chômage s’accompagne par une hausse de 1,8% à 2,6% du taux de suicide.

    Mais les chercheurs soulignent le caractère statistique et « observationnel » de leur étude : « aucun lien » de cause à effet entre chômage et suicide au niveau des individus « ne peut être déduit à partir de ces résultats ».

    La causalité du chômage sur le suicide reste en effet « débattue » car plusieurs « facteurs de confusion » peuvent entrer en jeu. Par exemple, des troubles psychiatriques chez une personne peuvent être se traduire à la fois par un risque accru de chômage et de suicide, expliquent les chercheurs.

    Si on retient l’hypothèse qu’il existe bien un lien de cause à effet entre chômage et suicide alors, selon l’étude, « le nombre de suicides attribuables en France à la hausse du chômage entre 2008 et 2010 » peut être « estimé à 584 » (par rapport au nombre de suicides si le chômage était resté stable au niveau de fin 2007).

    D’après l’Observatoire national du suicide, la France possède un des taux de suicide les plus élevés d’Europe avec un décès sur 50 attribué à un suicide.

    En 2011, 11.400 morts par suicide ont été enregistrées en France métropolitaine, selon un rapport publié en novembre par l’Observatoire, un organisme public créé en 2013 et dépendant du ministère de la Santé.

    Comme dans les autres pays, on compte trois fois plus de décès par suicide chez les hommes que chez les femmes : en moyenne 27,7 décès pour 100.000 habitants chez les hommes et 8,1 chez les femmes.

    #suicide_français #emploi #chômage #violence_masculine #misère #idéologie_du_travail