• L’industrie de la #sécurité tire profit de la crise climatique

    Les pays riches, pires contributeurs au #changement_climatique, dépensent bien plus d’argent à renforcer leurs #frontières qu’à contribuer au #développement des pays pauvres : c’est ce qu’a étudié un rapport du Transnational Institute. Les habitants de ces pays sont pourtant les premières victimes de l’alliance occidentale entre business du #pétrole et de la sécurité.

    Le changement climatique est bon pour le #business. Du moins celui de la sécurité. C’est ce que démontre un #rapport publié ce lundi 25 octobre par l’organisation de recherche et de plaidoyer Transnational Institute. Intitulé « un mur contre le climat », il démontre que les pays les plus riches dépensent bien plus pour renforcer leurs frontières contre les migrants que pour aider les pays pauvres, d’où ils viennent, à affronter la crise climatique.

    Il décortique les #dépenses, dans ces deux domaines, des sept pays riches historiquement les plus émetteurs de gaz à effet de serre que sont les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Japon, l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada. Ils sont à eux sept responsables de 48 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Le Brésil, la Chine et la Russie, qui font partie des dix plus gros émetteurs aujourd’hui, ne sont pas inclus car, s’étant enrichis beaucoup plus récemment, ils ne sont pas considérés comme des responsables historiques.

    2,3 fois plus de dollars pour repousser les migrants que pour le climat

    Pour les États étudiés, les auteurs ont regardé leur contribution au « #financement_climatique » : prévu par les négociations internationales sur le climat, il s’agit de fonds que les pays riches s’engagent à verser aux pays dits en développement pour les aider à faire face à la crise climatique. Ils ont ensuite traqué les sommes allouées par chaque pays aux contrôles frontaliers et migratoires. Résultat : entre 2013 et 2018, ces sept pays ont en moyenne dépensé chaque année au moins 2,3 fois plus pour repousser les migrants (33,1 milliards de dollars) que pour contribuer au financement climatique (14,4 milliards de dollars). Et encore, les auteurs du rapport signalent que les pays riches ont tendance à surestimer les sommes allouées au financement climatique.

    Une disproportion encore plus criante quand on regarde en détail. Le Canada a dépensé 15 fois plus, l’Australie 13,5 fois plus, les États-Unis 10,9 fois plus. À noter que ces derniers sont en valeur absolue les plus dépensiers, ils ont à eux seuls mis 19,6 milliards dans la sécurité de leurs frontières sur la période, soit 59 % de la somme totale allouée par les sept pays réunis.

    Le cas des pays européens est moins explicite. La France pourrait avoir l’air de bon élève. A priori, elle dépense moins dans les contrôles aux frontières (1 milliard) que dans le financement climatique (1,6 milliard). Idem pour l’Allemagne (3,4 milliards dans la militarisation des frontières contre 4,4 milliards dans le financement climatique). Mais ce serait oublier qu’une grande partie des dépenses sécuritaires est déportée au niveau de l’Union européenne et de l’agence de contrôle des frontières Frontex. Celle-ci a vu son budget exploser, avec une augmentation de 2 763 % entre 2006 et 2021.

    Cet argent est très concrètement dépensé dans diverses #technologies#caméras, #drones, systèmes d’#identification_biométriques, et dans l’embauche de #gardes-frontières et de #gardes-côtes. « Il y a aussi une #externalisation, avec par exemple l’Union européenne qui conclue des accords avec les pays d’Afrique du Nord et des régimes totalitaires, pour qu’ils empêchent les migrants d’arriver jusqu’à leurs frontières », décrit Nick Buxton, un des auteurs du rapport interrogé par Reporterre. Ces partenariats contribuent à la multiplication des murs anti-migrants partout dans le monde. « La plupart des grands constructeurs de murs du monde ont reçu une aide des programmes d’externalisation de l’Union européenne ou des États-Unis (ou des deux, dans le cas de la Jordanie, du Maroc et de la Turquie) », pointe le rapport.

    L’édification de ces murs empêche-t-elle les pays riches de voir le drame qui se déroule derrière ? À travers divers exemples, les auteurs tentent de montrer l’injustice de la situation : en Somalie, à la suite d’une catastrophe climatique en 2020, un million de personnes ont dû se déplacer. Pourtant, le pays n’est responsable que « de 0,00027 % du total des émissions depuis 1850. » Au Guatemala, l’ouragan Eta ainsi que les inondations fin 2020 ont provoqué le déplacement de 339 000 personnes. Le pays « a été responsable de seulement 0,026 % des émissions de gaz à effet de serre ». Nombre de ces migrants Guatémaltèques tentent désormais d’atteindre les États-Unis, responsables à eux seuls de 30,1 % des émissions depuis 1850.

    Pourtant, parmi les pays riches, « les stratégies nationales de #sécurité_climatique, depuis le début des années 2000, ont massivement présenté les migrants comme des « menaces » et non comme les victimes d’une injustice », indique la synthèse du rapport. Le 11 septembre 2001, en particulier, a accéléré la tendance. Qui s’est maintenue : les budgets de militarisation des frontières ont augmenté de 29 % entre 2013 et 2018. Une orientation politique mais aussi financière, donc, saluée par l’industrie de la sécurité et des frontières.
    Taux de croissance annuel : 5,8 %

    « Des prévisions de 2019 de ResearchAndMarkets.com annonçaient que le marché de la sécurité intérieure des États allait passer de 431 milliards de dollars en 2018 à 606 milliards en 2024, avec un taux de croissance annuel de 5,8 % », indique le rapport. Une des raisons majeures invoquée étant « l’augmentation des catastrophes naturelles liées au changement climatique ». Il cite également la sixième entreprise mondiale en termes de vente de matériel militaire, Raytheon. Pour elle, l’augmentation de la demande pour ses « produits et services militaires […] est le résultat du changement climatique ».

    Transnational Institute, qui travaille sur cette industrie depuis un certain temps, a ainsi calculé qu’aux États-Unis, entre 2008 et 2020, les administrations de l’immigration et des frontières « ont passé plus de 105 000 contrats d’une valeur de 55 milliards de dollars avec des entreprises privées. » Si le mur de Trump a défrayé la chronique, « Biden n’est pas mieux », avertit Nick Buxton. « Pour financer sa campagne, il a reçu plus d’argent de l’industrie de la sécurité des frontières que Trump. »

    L’Union européenne aussi a droit à son lobbying. « Ces entreprises sont présentes dans des groupes de travail de haut niveau, avec des officiels de l’UE. Ils se rencontrent aussi dans les salons comme celui de Milipol », décrit Nick Buxton.

    #Pétrole et sécurité partagent « le même intérêt à ne pas lutter contre le changement climatique »

    Le rapport souligne également les liens de cette industrie de la sécurité avec celle du pétrole. En résumé, il décrit comment les majors du pétrole sécurisent leurs installations en faisant appel aux géants de la sécurité. Mais il souligne aussi que les conseils d’administration des entreprises des deux secteurs ont beaucoup de membres en commun. Des liens concrets qui illustrent, selon Nick Buxton, le fait que « ces deux secteurs ont le même intérêt à ne pas lutter contre le changement climatique. L’industrie pétrolière car cela va à l’encontre de son business model. L’industrie de la sécurité car l’instabilité provoquée par la crise climatique lui apporte des bénéfices. »

    Autant d’argent dépensé à protéger les énergies fossiles et à refouler les migrants, qui « ne fait que maintenir et générer d’immenses souffrances inutiles » dénonce le rapport. Les pays riches avaient promis d’atteindre 100 milliards de financements climatiques annuels pour les pays en développement d’ici 2020. En 2019, ils n’en étaient qu’à 79,6 milliards selon l’OCDE. Et encore, ce chiffre est très surévalué, estime l’ONG Oxfam, qui en déduisant les prêts et les surévaluations aboutit à environ trois fois moins. C’est cette estimation que les experts du Transnational Institute ont adoptée.

    « Il est évident que les pays les plus riches n’assument pas du tout leur responsabilité dans la crise climatique », conclut donc le rapport. Il prône des investissements dans la lutte contre le changement climatique, et des aides pour que les pays les plus pauvres puissent gérer dignement les populations contraintes de se déplacer. À l’inverse, le choix de la militarisation est « une stratégie vouée à l’échec, même du point de vue de l’intérêt personnel des pays les plus riches, car elle accélère les processus d’instabilité et de migration induite par le climat dont ils s’alarment. »

    https://reporterre.net/L-industrie-de-la-securite-tire-profit-de-la-crise-climatique

    #complexe_militaro-industriel #climat

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    déjà signalé ici par @kassem
    https://seenthis.net/messages/934692

    • Global Climate Wall. How the world’s wealthiest nations prioritise borders over climate action

      This report finds that the world’s biggest emitters of green house gases are spending, on average, 2.3 times as much on arming their borders as they are on climate finance. This figure is as high as 15 times as much for the worst offenders. This “Global Climate Wall” aims to seal off powerful countries from migrants, rather than addressing the causes of displacement.

      Executive summary

      The world’s wealthiest countries have chosen how they approach global climate action – by militarising their borders. As this report clearly shows, these countries – which are historically the most responsible for the climate crisis – spend more on arming their borders to keep migrants out than on tackling the crisis that forces people from their homes in the first place.

      This is a global trend, but seven countries in particular – responsible for 48% of the world’s historic greenhouse gas (GHG) emissions – collectively spent at least twice as much on border and immigration enforcement (more than $33.1 billion) as on climate finance ($14.4 billion) between 2013 and 2018.

      These countries have built a ‘Climate Wall’ to keep out the consequences of climate change, in which the bricks come from two distinct but related dynamics: first, a failure to provide the promised climate finance that could help countries mitigate and adapt to climate change; and second, a militarised response to migration that expands border and surveillance infrastructure. This provides booming profits for a border security industry but untold suffering for refugees and migrants who make increasingly dangerous – and frequently deadly – journeys to seek safety in a climate-changed world.
      Key findings:

      Climate-induced migration is now a reality

      - Climate change is increasingly a factor behind displacement and migration. This may be because of a particular catastrophic event, such as a hurricane or a flash flood, but also when the cumulative impacts of drought or sea-level rise, for example, gradually make an area uninhabitable and force entire communities to relocate.
      – The majority of people who become displaced, whether climate-induced or not, remain in their own country, but a number will cross international borders and this is likely to increase as climate-change impacts on entire regions and ecosystems.
      – Climate-induced migration takes place disproportionately in low-income countries and intersects with and accelerates with many other causes for displacement. It is shaped by the systemic injustice that creates the situations of vulnerability, violence, precarity and weak social structures that force people to leave their homes.

      Rich countries spend more on militarising their borders than on providing climate finance to enable the poorest countries to help migrants

      – Seven of the biggest emitters of GHGs – the United States, Germany, Japan, the United Kingdom, Canada, France and Australia – collectively spent at least twice as much on border and immigration enforcement (more than $33.1 billion) as on climate finance ($14.4 billion) between 2013 and 2018.1
      - Canada spent 15 times more ($1.5 billion compared to around $100 million); Australia 13 times more ($2.7 billion compared to $200 million); the US almost 11 times more ($19.6 billion compared to $1.8 billion); and the UK nearly two times more ($2.7 billion compared to $1.4 billion).
      - Border spending by the seven biggest GHG emitters rose by 29% between 2013 and 2018. In the US, spending on border and immigration enforcement tripled between 2003 and 2021. In Europe, the budget for the European Union (EU) border agency, Frontex, has increased by a whopping 2763% since its founding in 2006 up to 2021.
      - This militarisation of borders is partly rooted in national climate security strategies that since the early 2000s have overwhelmingly painted migrants as ‘threats’ rather than victims of injustice. The border security industry has helped promote this process through well-oiled political lobbying, leading to ever more contracts for the border industry and increasingly hostile environments for refugees and migrants.
      - Climate finance could help mitigate the impacts of climate change and help countries adapt to this reality, including supporting people who need to relocate or to migrate abroad. Yet the richest countries have failed even to keep their pledges of meagre $100 billion a year in climate finance. The latest figures from the Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) reported $79.6 billion in total climate finance in 2019, but according to research published by Oxfam International, once over-reporting, and loans rather than grants are taken into account, the true volume of climate finance may be less than half of what is reported by developed countries.
      – Countries with the highest historic emissions are fortifying their borders, while those with lowest are the hardest hit by population displacement. Somalia, for example, is responsible for 0.00027% of total emissions since 1850 but had more than one million people (6% of the population) displaced by a climate-related disaster in 2020.

      The border security industry is profiteering from climate change

      - The border security industry is already profiting from the increased spending on border and immigration enforcement and expects even more profits from anticipated instability due to climate change. A 2019 forecast by ResearchAndMarkets.com predicted that the Global Homeland Security and Public Safety Market would grow from $431 billion in 2018 to $606 billion in 2024, and a 5.8% annual growth rate. According to the report, one factor driving this is ‘climate warming-related natural disasters growth’.
      – Top border contractors boast of the potential to increase their revenue from climate change. Raytheon says ‘demand for its military products and services as security concerns may arise as results of droughts, floods, and storm events occur as a result of climate change’. Cobham, a British company that markets surveillance systems and is one of the main contractors for Australia’s border security, says that ‘changes to countries [sic] resources and habitability could increase the need for border surveillance due to population migration’.
      – As TNI has detailed in many other reports in its Border Wars series,2 the border security industry lobbies and advocates for border militarisation and profits from its expansion.

      The border security industry also provides security to the oil industry that is one of main contributors to the climate crisis and even sit on each other’s executive boards

      - The world’s 10 largest fossil fuel firms also contract the services of the same firms that dominate border security contracts. Chevron (ranked the world’s number 2) contracts with Cobham, G4S, Indra, Leonardo, Thales; Exxon Mobil (ranking 4) with Airbus, Damen, General Dynamics, L3Harris, Leonardo, Lockheed Martin; BP (6) with Airbus, G4S, Indra, Lockheed Martin, Palantir, Thales; and Royal Dutch Shell (7) with Airbus, Boeing, Damen, Leonardo, Lockheed Martin, Thales, G4S.
      – Exxon Mobil, for example, contracted L3Harris (one of the top 14 US border contractors) to provide ‘maritime domain awareness’ of its drilling in the Niger delta in Nigeria, a region which has suffered tremendous population displacement due to environmental contamination. BP has contracted with Palantir, a company that controversially provides surveillance software to agencies like the US Immigration and Customs Enforcement (ICE), to develop a ‘repository of all operated wells historical and real time drilling data’. Border contractor G4S has a relatively long history of protecting oil pipelines, including the Dakota Access pipeline in the US.
      - The synergy between fossil fuel companies and top border security contractors is also seen by the fact that executives from each sector sit on each other’s boards. At Chevron, for example, the former CEO and Chairman of Northrop Grumman, Ronald D. Sugar and Lockheed Martin’s former CEO Marilyn Hewson are on its board. The Italian oil and gas company ENI has Nathalie Tocci on its board, previously a Special Advisor to EU High Representative Mogherini from 2015 to 2019, who helped draft the EU Global Strategy that led to expanding the externalisation of EU borders to third countries.

      This nexus of power, wealth and collusion between fossil fuel firms and the border security industry shows how climate inaction and militarised responses to its consequences increasingly work hand in hand. Both industries profit as ever more resources are diverted towards dealing with the consequences of climate change rather than tackling its root causes. This comes at a terrible human cost. It can be seen in the rising death toll of refugees, deplorable conditions in many refugee camps and detention centres, violent pushbacks from European countries, particularly those bordering the Mediterranean, and from the US, in countless cases of unnecessary suffering and brutality. The International Organization for Migration (IOM) calculates that 41,000 migrants died between 2014 and 2020, although this is widely accepted to be a significant underestimate given that many lives are lost at sea and in remote deserts as migrants and refugees take increasingly dangerous routes to safety.

      The prioritisation of militarised borders over climate finance ultimately threatens to worsen the climate crisis for humanity. Without sufficient investment to help countries mitigate and adapt to climate change, the crisis will wreak even more human devastation and uproot more lives. But, as this report concludes, government spending is a political choice, meaning that different choices are possible. Investing in climate mitigation in the poorest and most vulnerable countries can support a transition to clean energy – and, alongside deep emission cuts by the biggest polluting nations – give the world a chance to keep temperatures below 1.5°C increase since 1850, or pre-industrial levels. Supporting people forced to leave their homes with the resources and infrastructure to rebuild their lives in new locations can help them adapt to climate change and to live in dignity. Migration, if adequately supported, can be an important means of climate adaptation.

      Treating migration positively requires a change of direction and greatly increased climate finance, good public policy and international cooperation, but most importantly it is the only morally just path to support those suffering a crisis they played no part in creating.

      https://www.tni.org/en/publication/global-climate-wall