• Une vingtaine de groupes néo-nazi infiltré, @Tajmaat_Service
    https://threadreaderapp.com/thread/1642506496956137472.html

    THREAD - Une vingtaine de groupes néo-nazi infiltré, appel aux meurtres, menace de mort contre un élu, ratonnades, des centaines de personnes impliquées dont des militaires et policiers.

    Notre enquête choc sur le groupuscule « FRDETER ». #FRDeterGate
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    Le groupuscule néo-nazi « #FRDETER », est un groupe créé pour réunir des identitaires de toute la France.

    Composé de sous groupe départemental, des modérateurs sont chargés de surveiller et de recruter les personnes les plus actives, afin d’aboutir à des actions coups de poing.

    Le co-fondateur du groupe, « VLAD », affirme dans des vocaux ne pas être néo-nazi.

    Cependant, nous avons pu retrouver l’historique de ses conversations où il affirme bien que les ennemis sont « Les #Arabes, les #Musulmans, et les #Noirs »
    Un administrateur et ami du co-fondateur, affirme que le groupe a également pour vocation de rediriger les recrues dans des structures déjà existantes.

    Il revendique également l’action du groupe néo-nazi GUD, où une personne avait été agressé. twitter.com/i/web/status/1…

    Les admins du groupe principal et des sous-groupes départementaux ne cachent pas leur haine envers les #Maghrébins.

    Apologie du terrorisme et actions violentes, ils poussent les recrues à commettre des ratonnades. #FrDeterGate

    Dans le groupe « #FRDETER », des internautes expliquent que pour « tuer des #Maghrébins ou d’autres étrangers », il faut s’en prendre à des sans papiers pour éviter des enquêtes, d’autres souhaitent « violer une femme #Maghrébine » car elle porte le voile.

    #extrême_droite #identitaires #gud #la_cocarde

  • #Shepenaset plonge la #Suisse dans un vif débat

    Les #biens_culturels forgent l’#identité des peuples. Le #vol de ces biens est donc un sujet qui agite la société, surtout dans les pays qui possédaient autrefois des colonies. Mais la Suisse aussi abrite des trésors culturels qui posent problème. Le débat est vif, comme le montre le cas d’une #momie à Saint-Gall.

    Elle est couchée dans la somptueuse salle baroque de la bibliothèque de l’abbaye de #Saint-Gall, l’une des plus anciennes bibliothèques historiques du monde : il s’agit de la momie égyptienne de Shepenaset, fille d’un prêtre du VIIe siècle avant J.-C., croit-on aujourd’hui savoir, décédée à un peu plus de 30 ans. Saint-Gall et le cercueil de verre où elle est exposée sont-ils une dernière demeure convenable pour Shepenaset voire, comme l’écrit même la bibliothèque, « le plus beau mausolée qu’on puisse imaginer » ? La question suscite actuellement un vif débat. Lorsque le metteur en scène saint-gallois #Milo_Rau reçoit le prix culturel de sa ville, en novembre 2022, il informe les Saint-Gallois qu’il dépensera les 30 000 francs du prix pour faire rapatrier la momie en #Égypte. Il organise une « action artistique » afin de sensibiliser le public à la cause, promenant une fausse momie à travers la ville et vilipendant l’exhibition de la vraie « source de gêne morale permanente ». Dans une « #déclaration_de_Saint-Gall », rédigée avec le concours d’un comité, il dénonce « un #pillage, un manque de respect ou du moins de scrupules », indigne selon lui d’une métropole culturelle comme Saint-Gall.

    Autrefois enterrée à Louxor

    Que s’est-il passé ? Shepenaset était autrefois enterrée en Égypte, sans doute dans la nécropole située non loin de #Louxor. A-t-elle été « arrachée à son tombeau par des pilleurs », comme l’écrit le comité ? D’après les responsables de la bibliothèque de l’abbaye, ce faits ne peuvent pas être prouvés. Dans un commentaire sur la « déclaration de Saint-Gall », ils notent qu’il n’est pas correct de parler d’un pillage de l’Égypte au XVIIIe siècle et soulignent que, depuis la campagne d’Égypte de Napoléon en 1798, les scientifiques français, anglais et, plus tard, allemands, ont prêté beaucoup d’attention au #patrimoine_culturel de l’Égypte ancienne, contrairement aux Égyptiens eux-mêmes, qui ont témoigné peu de considération pour ce #patrimoine qui est le leur. La bibliothèque illustre cette affirmation par l’exemple du vice-roi égyptien Méhémet Ali, qui, en 1830, avait traité l’une des pyramides de Gizeh aujourd’hui mondialement connues, de « pauvre montagne », et qui voulait construire des canaux en Égypte avec ses « gravats ». La destruction de la pyramide fut alors empêchée par le consul français à Alexandrie, indique le commentaire.

    Une question de #dignité

    Shepenaset est arrivée à Saint-Gall il y a près de 200 ans. C’est un homme d’affaires allemand, #Philipp_Roux, qui en aurait fait l’acquisition à Alexandrie avec deux cercueils en bois, et qui l’aurait envoyée à l’un de ses amis, l’homme politique #Karl_Müller-Friedberg, père fondateur du canton de Saint-Gall. Müller-Friedberg a-t-il reçu la momie en cadeau ou l’a-t-il payée à son tour, la question n’a pas été définitivement tranchée. À son arrivée à Saint-Gall, relatent des savants de l’époque conviés pour l’occasion, Shepenaset fut démaillotée jusqu’aux épaules et, à l’issue d’une cérémonie festive, chaque invité reçut un morceau de tissu de la momie en souvenir. Est-ce là le manque de respect que Milo Rau dénonce ? Il y a peu, l’ethnologue allemande Wiebke Ahrndt relatait qu’au XIXe siècle, les démonstrations de démaillotage de momies n’étaient pas rares et ce, non seulement en Europe, mais aussi en Égypte. On ne refait pas le passé, notait-elle. Autrice d’un guide pour la prise en charge des dépouilles humaines dans les musées et les collections, Wiebke Ahrndt est d’avis qu’on peut exposer des momies tant que cela est fait avec dignité et que le pays d’origine n’est pas contre. Les musées égyptiens exhibent eux aussi des momies ; jusqu’en 1983, souligne l’ethnologue, leur exportation était même légale. Les responsables de la bibliothèque insistent de leur côté sur le fait que Shepenaset n’est pas jetée en pâture aux curieux. Ils affirment que sa présentation est conforme aux pratiques muséales usuelles. Même les photos mises à la disposition des médias montrent la momie à distance, le visage de profil.

    Ces explications sont-elles suffisantes pour conserver Shepenaset à Saint-Gall ? Le conseil catholique du canton de Saint-Gall, un organe de droit ecclésiastique à qui appartiennent tous les objets de la bibliothèque de l’abbaye, semble réagir à la critique de Milo Rau et réviser sa position. Trois semaines après l’« action artistique », la direction du conseil a décidé d’« examiner sérieusement » un possible retour de Shepenaset dans son pays d’origine, et ce en collaboration avec les autorités égyptiennes compétentes.

    Des trésors culturels de la période nazie

    Des débats sur la recherche de l’origine de biens artistiques et culturels étrangers, ou « #recherche_de_provenance », la Suisse en connaît, surtout dans le contexte de l’or et de l’art volés pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 2002, un groupe d’experts dirigés par Jean-François Bergier a soumis au Conseil fédéral un rapport détaillé montrant que le secteur économique suisse avait étroitement collaboré avec le régime national-socialiste. Des œuvres d’art vendues pendant la période nazie en Allemagne (1933-1945) se sont retrouvées dans des collections publiques et privées. Aujourd’hui, on estime qu’il est nécessaire de savoir s’il s’agit d’art confisqué par les nazis. Cet engagement moral, le Kunstmuseum de Berne – qui a accepté en 2014 l’héritage du collectionneur d’art #Cornelius_Gurlitt, contenant des œuvres de cette période – l’a rendu visible dans son exposition.

    Le #cas_Gurlitt a représenté un tournant. Dans son sillage, le Conseil fédéral a décidé d’accorder chaque année 500 000 francs aux musées suisses pour la recherche de la provenance des oeuvres. Une somme qui ne permet pas d’aller très loin, souligne Joachim Sieber, président de l’Association suisse de recherche en provenance (ARP), mais qui constitue tout de même un début.

    L’époque coloniale dans le viseur des politiques

    Les biens culturels acquis à l’époque coloniale sont un autre « gros morceau » auquel la recherche suisse en provenance doit à présent s’attaquer. Cela peut sembler paradoxal, puisque la Suisse n’a jamais possédé de colonies. Cependant, pour Joachim Sieber, il est évident que « la Suisse a fait et fait partie de l’entreprise (post)coloniale européenne ». Et c’est précisément parce qu’elle n’était pas une puissance coloniale, affirme-t-il, que la Suisse et les entreprises suisses ont pu, après l’effondrement des empires coloniaux ou après 1945, se présenter aux nations nouvellement formées comme une partenaire au-dessus de tout soupçon face aux anciennes colonies. En effet, même dans la politique, les mentalités évoluent. En témoignent, d’après le président de l’ARP, les innombrables débats, motions et interpellations au Parlement fédéral, « même si cela secoue l’identité de la Suisse en tant que pays neutre et remet en question l’image de la nation égalitaire, solidaire et humanitaire qu’elle se fait d’elle-même ».

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/shepenaset-plonge-la-suisse-dans-un-vif-debat
    #restitution #colonisation #colonialisme #Egypte

    ping @reka @cede

  • Voix noires

    Pour son premier documentaire « #Je_suis_noires », la Lausannoise #Rachel_M’bon a donné la voix à des #femmes_noires pour parler #racisme et quête identitaire.

    > AMNESTY : Pourquoi ce documentaire ?

    < Rachel M’bon : J’avais déjà réalisé des portraits de femmes afro-descendantes, en lançant en 2017 la page Instagram « @n_o_i_r_e_s ». Je les approchais dans la rue pour discuter de leur identité et du racisme en Suisse, pour les connaître au-delà des stéréotypes. Mais j’avais envie de leur donner une visibilité sur les écrans de cinéma : pour ce film, Juliana Fanjul et moi avons interrogé des femmes noires de toutes générations, actives dans différents secteurs, pour que chacun puisse s’identifier à elles. Je voulais montrer que malgré un statut social privilégié, leur couleur de peau a conditionné toute leur vie.
    > Comment le racisme systémique se déploie-t-il aujourd’hui en Suisse ?

    < Il y a de la discrimination à l’embauche, une éducation biaisée et un accès au logement plus compliqué. Dans le milieu de la santé, certains patients refusent d’être soignés par des personnes noires. La prise en charge est aussi problématique : le mal-être des patients noirs va fréquemment être minimisé. En cause, des biais racistes comme le « syndrome méditerranéen », qui suppose qu’ils vont exagérer leurs douleurs.
    > On parle souvent de micro-agressions, des comportements racistes banalisés qui ne seraient « pas méchants »…

    < Bien qu’elles ne partent pas forcément d’un mauvais sentiment, les micro agressions te renvoient à ton altérité. Comme lorsque l’on demande à une personne racisée d’où elle vient. Sa couleur de peau suppose qu’elle a moins sa place ici, alors qu’elle a peut-être vécu toute sa vie en Suisse depuis plusieurs générations. Autre exemple : on m’a demandé si j’étais adoptée car j’avais « des manières de blanche ». Qu’est-ce que cela signifie ? On s’attendait à me voir danser sur la table, ou à ce que je parle avec un accent ? Ces remarques peuvent nuire à l’estime de soi et la santé mentale.
    > Dans le documentaire, une jeune femme métisse confie qu’une partie de sa famille blanche ne lui fait pas la bise…

    < Le racisme au sein des familles est tabou. Ma mère s’est fait mal juger par une partie de sa famille bernoise, et des inconnus dans la rue la traitaient de « prostituée » car elle avait épousé un homme noir. C’est aussi très difficile pour les parents qui « ne ressemblent pas » à leur enfant. Lorsque je suis en public avec ma mère – blanche aux yeux bleus – et que je me présente comme étant sa fille, il y a toujours des regards dubitatifs.
    > Comment construire son identité noire dans un pays à majorité blanche ?

    < Il faut réussir à faire de ses multiples appartenances une force. À commencer par valoriser ses héritages culturels, sans pour autant négliger la culture du pays dans lequel on vit. J’ai moi-même longtemps renié mon africanité, avant de l’affirmer. Cela passe par le fait d’avoir des modèles noirs et de s’intéresser au cinéma, à la musique et à la littérature de différents pays africains. La collectivité est aussi une force : les espaces de parole non-mixtes, où l’on échange sur son vécu et ses questionnements, sont libérateurs. Même si chaque personne noire a une identité propre, on peut trouver des similarités dans les parcours de vie.
    > Quels effets espérez-vous que « Je suis noires » produise ?

    > Je le vois comme un outil de dialogue et de déconstruction de soi. Je l’ai projeté dans plusieurs lycées et il y a eu beaucoup de retours positifs. Le racisme est un problème de blanc, comme dirait l’autrice Reni Eddo-Lodge. La lutte ne doit pas être uniquement menée par les personnes concernées, elle doit être collective. Tant que les personnes blanches ne se conscientisent pas, la discrimination raciale ne pourra pas être éradiquée.
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    Mots clé

    Magazine « amnesty »
    Suisse
    Discrimination
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    #documentaire #film #film_documentaire #Suisse

    ping @cede

  • L’enquête sur l’être
    https://laviedesidees.fr/Sebastien-Motta-Le-Melange-des-genres.html

    À propos de : Sébastien Motta, Le Mélange des genres, Critique de l’ontologie par l’élucidation du concept d’identité, Classiques Garnier. En dépit des proclamations répétées de mort de la #métaphysique, le paysage philosophique contemporain est marqué par la floraison des ontologies. Sébastien Motta entend montrer, par une analyse logique de leurs présupposés, la stérilité de ces entreprises.

    #Philosophie #identité #philosophie_analytique #ontologie
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230112_motta-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230112_motta-2.pdf

    • UNE IMAGE DU RÉGIME
      https://contre-attaque.net/2022/12/17/une-image-du-regime

      On y voit un homme vêtu de noir qui attaque avec une arme qui ressemble à une barre de fer ou une masse, en tout cas un outil qui peut tuer quelqu’un. Cet attaquant est un militant #néo-nazi, qui s’en prend aux supporters marocains, après le match entre la France et le Maroc. Au second plan de cette agression armée, une ligne de #forces_de_l’ordre. Leurs casques indiquent qu’il s’agit de la compagnie d’intervention, une unité anti-émeute.

      Cette photo résume l’époque, et en particulier la situation lyonnaise. Les témoins et plusieurs vidéos expliquent que des dizaines de néo-nazis ont attaqué la foule de supporters dans les rues de Lyon en criant notamment « on est chez nous » et « la France aux français » ce soir là. Ils s’étaient réunis dans leurs locaux, qui ont pignon sur rue à Lyon depuis des années, en toute impunité. Dans ces locaux, #identitaires et néo-nazis organisent depuis des années des entraînements au combat, des soirées, des expéditions violentes. Ils ne s’en cachent même pas. Ils s’en vantent même sur les réseaux sociaux.

      Les témoins sur place le 14 décembre assurent que les agresseurs ont pu se replier derrière la ligne de policiers, qui les ont laissé repartir, avant de tirer au LBD sur la foule qui ripostait. Nous avons donc une photographie d’un milicien armé, membre d’un réseau néo-nazi qui a organisé ce soir là des émeutes racistes dans plusieurs villes de France, protégé par la #police.

      #extrême_droite #racisme

  • #Chine : le drame ouïghour

    La politique que mène la Chine au Xinjiang à l’égard de la population ouïghoure peut être considérée comme un #génocide : plus d’un million de personnes internées arbitrairement, travail forcé, tortures, stérilisations forcées, « rééducation » culturelle des enfants comme des adultes…
    Quel est le veritable objectif du parti communiste chinois ?

     
    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64324

    #Ouïghours #Xinjiang #camps_d'internement #torture #stérilisation_forcée #camps_de_concentration #persécution #crimes_contre_l'humanité #silence #matières_premières #assimilation #islam #islamophobie #internement #gaz #coton #charbon #route_de_la_soie #pétrole #Xi_Jinping #séparatisme #extrémisme #terrorisme #Kunming #peur #état_policier #répression #rééducation #Radio_Free_Asia #disparition #emprisonnement_de_masse #images_satellites #droits_humains #zone_de_non-droit #propagande #torture_psychique #lavage_de_cerveau #faim #Xinjiang_papers #surveillance #surveillance_de_masse #biométrie #vidéo-surveillance #politique_de_prévention #surveillance_d'Etat #identité #nationalisme #minorités #destruction #génocide_culturel #Ilham_Tohti #manuels_d'école #langue #patriotisme #contrôle_démographique #contrôle_de_la_natalité #politique_de_l'enfant_unique #travail_forcé #multinationales #déplacements_forcés #économie #colonisation #Turkestan_oriental #autonomie #Mao_Zedong #révolution_culturelle #assimilation_forcée #Chen_Quanguo #cour_pénale_internationale (#CPI) #sanctions

    #film #film_documentaire #documentaire

  • Le cas choquant d’une victime d’agression à qui l’on a refusé une intervention chirurgicale vitale parce qu’elle avait demandé un personnel non mixte. | TRADFEM
    https://tradfem.wordpress.com/2022/11/26/le-cas-choquant-dune-victime-dagression-a-qui-lon-a-refuse-une-in

    Dans Trauma and Recovery, la psychiatre Judith Herman fait la distinction entre les événements traumatiques qui sont des « catastrophes naturelles ou des « actes de Dieu » » et ceux qui sont « d’origine humaine ». Dans le premier cas, écrit-elle, « les personnes qui en sont témoins sympathisent volontiers avec la victime ».

    Dans le second cas, la situation est plus complexe. Ici, prendre parti pour la victime n’est pas une réaction aussi naturelle. Après tout, souligne Herman, « tout ce que l’agresseur demande, c’est que le spectateur n’intervienne pas ». Il fait appel au désir universel de « ne pas voir, ne pas entendre, et ne pas faire état d’un tort ». En revanche, la victime « demande au spectateur de partager le fardeau de la douleur. La victime exige l’action, l’engagement et le souvenir ».

    Les victimes sont des personnes difficiles. Elles perturbent les récits sereins que nous nous racontons sur le monde dans lequel nous vivons et sur les gens que nous connaissons. Elles tirent sur des fils qui sont censés rester intouchés.

    Cela n’est nulle part plus vrai que dans le cas des victimes de violences sexuelles masculines. Le viol, l’exploitation sexuelle et la molestation d’enfants ne sont pas des phénomènes rares ; leur occurrence ne se limite pas à des communautés spécifiques aux failles idéologiques connues.

  • Petite sélection de documentaires à voir sur Arte.fr (note partagée — j’y précise les deadlines) #curious_about

    Le monde de Marcel Proust
    https://www.arte.tv/fr/videos/096300-000-A/le-monde-de-marcel-proust jusqu’au 16/01/2023 #Marcel_Proust #littérature

    L’incroyable périple de Magellan (4 épisodes)
    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023013/l-incroyable-periple-de-magellan https://www.arte.tv/fr/videos/093644-001-A/l-incroyable-periple-de-magellan-1-4 jusqu’au 17/01/2023 #Magellan

    Qui a tué l’Empire romain ?
    https://www.arte.tv/fr/videos/098123-000-A/qui-a-tue-l-empire-romain jusqu’au 24/01/2023 #Rome_antique #histoire

    Histoire de la #domestication. 1, Des origines au Moyen Âge ; 2, De l’âge industriel à nos jours https://www.arte.tv/fr/videos/093643-001-A/histoire-de-la-domestication-1-2 jusqu’au 29/12/2022 #élevage

    #Toutankhamon, le trésor redécouvert
    https://www.arte.tv/fr/videos/079391-000-A/toutankhamon-le-tresor-redecouvert jusqu’au 03/01/2023

    Faire l’histoire. L’épopée homérique, ou la popculture antique
    https://www.arte.tv/fr/videos/108505-009-A/faire-l-histoire jusqu’au 27/10/2026 #Homère #

    L’origine du #christianisme (10 épisodes). Jésus après Jésus
    https://www.arte.tv/fr/videos/029758-001-A/l-origine-du-christianisme-1-10 jusqu’au 3/12/2022

    Léon #Trotsky - Un homme à abattre (vu. Je conseille)
    https://www.arte.tv/fr/videos/101948-000-A/leon-trotsky-un-homme-a-abattre jusqu’au 30/12/2025 #stalinisme

    "J’irai cracher sur vos tombes" - Rage, sexe et jazz
    https://www.arte.tv/fr/videos/106281-000-A/j-irai-cracher-sur-vos-tombes-rage-sexe-et-jazz jusqu’au 14/01/2023 #Boris_Vian

    "Ulysse" de #James_Joyce. Le roman d’un siècle
    https://www.arte.tv/fr/videos/103013-000-A/ulysse-de-james-joyce jusqu’au 19/12/2022

    – (derniers jours !) Petite fille (vu. Magnifique)
    https://www.arte.tv/fr/videos/083141-000-A/petite-fille (il reste 2 jours !) #genre #identité_sexuelle

  • #Alessandro_Chiappanuvoli. In ascolto de #L’Aquila

    Dal terremoto dell’aprile 2009 il capoluogo abruzzese è ancora un cantiere. Il podcast “#L’Aquila_fenice” racconta l’urgenza di costruire un’identità per la futura città. Partendo dalla rielaborazione collettiva di quanto accaduto.

    Se il terremoto ha insegnato qualcosa agli aquilani è a sperimentare, a lanciarsi nelle sfide, a collaborare, a creare nuove realtà e soluzioni dal basso”, dice Alessandro Chiappanuvoli. Giornalista, scrittore, il 6 aprile del 2009 aveva 28 anni e stava per decidere di abbandonare la sua città, per lavorare come cooperante in Sud America dopo essersi laureato in Sociologia della multiculturalità a Urbino. Non se n’è mai andato, però: a luglio ha riassunto tredici anni di vita in un podcast, “L’Aquila fenice”, prodotto da Spotify studios in collaborazione con Chora Media e Maxxi. “La memoria di ciò che è stato è fondamentale -dice- L’Aquila non può permettersi di non essere testimone del proprio terremoto. Non è più la città che stavo per abbandonare, ma un centro nevralgico di sperimentazione. Questo fermento deve essere alimentato. Ricostruite le case andrà ricostruita la città, l’idea di città, e l’identità dei suoi cittadini”.

    Attraversare un terremoto cambia l’approccio alla vita nel quotidiano. Porta a chiedersi “quand’è che sono felice?”. Che cosa significa questa domanda per te?
    AC Il terremoto è un momento di crisi, individuale e collettivo. Come tale porta con sé un dono, un’opportunità, quella di poter ripensare la propria vita. A me è accaduto nel 2010 quando mi posi la domanda che riporto nel podcast, e la risposta fu facile: “Quando scrivo”. Dopo 13 anni credo che il valore che ho dato a quella domanda e l’approccio alla vita non siano cambiati. La mia esistenza può finire da un giorno all’altro e devo viverla come se fosse sempre l’ultimo giorno, nel lavoro, nei sentimenti, nella socialità e nella vita politica (ovvero nella vita finalizzata alla realizzazione del bene comune). Ogni giorno cerco di andare a dormire sereno, soddisfatto, e così mi sveglio propositivo, energico, con la voglia di fare ancora di più.

    “L’Aquila non è più la città che stavo per abbandonare, ma un centro nevralgico di sperimentazione. Questo fermento deve essere alimentato. Ricostruite le case andrà ricostruita la città, l’idea di città, e l’identità dei suoi cittadini”

    Nel podcast racconti del grande attivismo post-terremoto, della mobilitazione dei giovani e non solo, di progetti come Casematte e 3e32. Però L’Aquila è stato il primo capoluogo di Regione in cui Fratelli d’Italia (FdI) ha vinto le elezioni, nel 2017. Perché?
    AC Le elezioni del 2017 furono controverse. Il candidato del Partito democratico perse al ballottaggio ma era dato come sicuro vincitore. E non credo che la vittoria sia targata FdI, quanto centrodestra. In città si è parlato di faide interne al Pd o di distrazione di voti a sinistra, causati dai movimenti nati dai comitati come il 3e32. Credo che il centro di potere del Pd che ha governato la città durante il terremoto abbia commesso un grave errore, perpetrato ancora nelle amministrative di quest’anno: non dare continuità alla propria azione, non alimentare un ricambio generazionale, non coinvolgere pienamente la grande mobilitazione nata a seguito del terremoto. L’Aquila prima del 2009 era un paesotto piccolo borghese con fulcri di potere ben definiti, il terremoto ha attivato processi di partecipazione strutturati o spontanei, calati dall’alto o nati dal basso. Questa partecipazione andava alimentata e organizzata, poiché un passo indietro è sempre possibile. Poi c’è una cosa che penso da 13 anni: L’Aquila è lo specchio futuro dell’Italia, la mia città è l’Italia tra cinque anni, quel che succede da noi è molto probabile succeda anche nel resto del Paese. Non avrei nulla contro la destra, purché sappia essere progressista, aperta al dialogo, partecipativa, responsabilizzante di tutte le parti sociali. Ciò che la sinistra non sta riuscendo a fare.

    Nel tuo racconto dai voce ai giovani aquilani, che erano bambini ai tempi del terremoto.
    AC Molti hanno avuto la fortuna di crescere al fianco di persone che si sono spese anima e corpo per L’Aquila, per il suo futuro e per strutturare un’idea di città anche se oggi nessuno sta lavorando per costruire un’idea di città futura. Ci sono intenzioni, protocolli d’intesa, strategie, ma poche azioni concrete, sostenibili, pochissime visioni di lungo periodo. I giovani hanno il diritto al futuro. Noi abbiamo il dovere di indicare la via, loro di sognare. L’Aquila quand’ero giovane era una città da cui scappare, oggi è in continuo mutamento, ma non è ancora una città dove restare. Ecco, forse dovremmo iniziare a chiedere in prestito i sogni dei giovani aquilani per costruire una vera idea de L’Aquila futura.

    “L’Aquila fenice” è un podcast in sei puntate scritto da Alessandro Chiappanuvoli, prodotto da Spotify Studios in collaborazione con Chora Media e Maxxi

    Una puntata è dedicata al tema della memoria, che non significa semplicemente non dimenticare.
    AC Davanti a una crisi personale, dopo il momento del dolore e di emergenza, le strade sono due: chiudere col passato e voltare pagina o metabolizzare quanto accaduto e imparare dai propri errori. Con il terremoto, un momento di crisi collettiva, è diverso: l’unica strada percorribile è la seconda. Bisogna costruire una memoria pubblica che aiuti la comunità a fare pace con l’emergenza, con il dolore, come hanno fatto i cittadini che hanno voluto il Parco della memoria. Questo non solo per non ripetere gli errori commessi -la cattiva gestione degli sfollati, i ritardi nella ricostruzione- e per non affrontare le catastrofi naturali come se fosse sempre la prima volta. È necessario per ricucire le ferite nell’animo della comunità, per rinsaldare lo spirito sociale di mutuo aiuto. La collettività non può vivere in salute con un rimosso. Gli esseri umani costruiscono sul passato una sovrastruttura sulla quale erigere l’esperienza di vita. Oggi invece sembra sia diventato importante soltanto commemorare il dolore, ricordare l’anniversario. Non c’è nulla di più inutile.

    Il terremoto ha tenuto L’Aquila ai margini degli effetti della crisi economica, ma rischia di causare una bolla. La città si sta preparando alla fine della ricostruzione?
    AC No, né da un punto di vista economico, né da quello socio-culturale. Si vive in una specie di presentismo precario, ma tra qualche anno la ricostruzione sarà ultimata e anche i flussi di denaro per la ripresa sociale smetteranno di arrivare. E se deperisce l’economia della città non so quanto realtà come il museo Maxxi L’Aquila o il Gran Sasso science institute, create dopo il terremoto, possano resistere in un contesto non più in crescita. Basti pensare che una buona parte dei fondi del Pnrr sono stati destinati al recupero del decoro urbano e non a costruire un futuro per le prossime generazioni. Come se fosse possibile per una città di provincia come L’Aquila, che certo non è Firenze, Roma o Venezia, puntare forte sul turismo. Temo che tra qualche anno ci ritroveremo con una città, ricostruita con i soldi degli italiani, bella ma vuota, nuova ma priva d’identità, una cattedrale desertificata, gentrificata.

    “Si vive in una specie di presentismo precario […]. Temo che tra qualche anno ci ritroveremo con una città, ricostruita con i soldi degli italiani, bella ma vuota, nuova ma priva d’identità, una cattedrale desertificata, gentrificata”

    Hai citato il Gran sasso science institute (Gssi). Quand’è arrivato e perché può rappresentare un modello, in generale per l’Italia interna e le sue università?
    AC Il Gssi è un centro di alta formazione che apre la città al mondo e che, fatto non secondario, tenta di concretizzare i saperi che produce. È fuor di dubbio un modello per l’Italia interna e per le università, ed è innegabile la mole di studi che mette a disposizione dei territori. Il problema è che fatica a non essere percepito come la classica astronave scesa dal cielo e non è solo una responsabilità dell’istituto costruire un rapporto con la città e con i cittadini, che va costruito da ambo le parti. È una questione che riguarda il rapporto dei cittadini con la cultura. Se la formazione continuerà a essere percepita solo come un’attività professionalizzante, questo divario diventerà sempre più ampio. Ma il punto, per tornare al Gssi, è questo. Dobbiamo trovare una risposta seria a queste domande: “A che serve il Gran sasso science institute per la quotidiana degli aquilani? Cosa ci può dare culturalmente che non siano benefici superficiali come affitti e introiti economici per i commercianti? Come può migliorare le nostre vite?”. Ecco, troviamo una risposta a queste domande.

    Tra i luoghi della cultura, gli spazi che guardano al futuro, elenchi anche il Mercato contadino: che cosa rappresenta?
    AC A citarlo è Quirino Crosta, attivista, tra le altre cose, di Slow Food, che ha partecipato in prima linea alla sua creazione. Io lo frequento come acquirente. Posso dire che rappresenta anch’esso un’opportunità e la più evidente: aiutare i produttori locali a raggiungere sempre più ampie fette di mercato e contribuire alla salvaguardia della memoria, dei saperi contadini locali, delle specificità, della biodiversità. Il Mercato contadino è un presidio, un tentativo di resistenza, una realtà che nel suo piccolo già crea cultura, già cambia la prospettiva e alimenta una nuova visione di consumo e di benessere.

    #tremblement_de_terre #Italie #Abruzzes #identité #experimentation #mémoire #reconstruction #crise #Casematte #3e32 #mémoire_publique #Gran_sasso_science_institute (#Gssi)

    • J’ai été formée à peser la douleur et la souffrance, à les mesurer et à déterminer laquelle est la pire et laquelle est digne de mon attention. On m’a appris à me sentir coupable de tous les « privilèges » que j’avais et à croire que je les avais aux dépens de ciels qui étaient plus marginalisé·e·s que moi. Personne ne s’est vraiment arrêté pour m’expliquer pourquoi c’était le cas, ou d’où venait ce manque. Personne ne m’a expliqué pourquoi le fait que j’aie un endroit où vivre signifierait que quelqu’un d’autre n’en ait pas, ou pourquoi le fait que mon humanité soit reconnue signifierait que celle de quelqu’un d’autre ne le soit pas, ou encore pourquoi le fait que je ne vive pas (plus) dans une pauvreté abjecte signifierait que je devais « rendre ce que j’avais ».

      #identité #privilège #capitalisme #solidarité

    • incroyable le nombre d’épisodes du podcast de fuckingcancelled... mais en anglais. Quelqu’un connait des émissions sur le même thème en français ?

    • Pour connaitre un peu wikipédia je ne nie pas que des contributeurices puissent etre transphobe. Il y a par contre une opposition total entre les croyances transactivistes et ce qu’est un travail encyclopédique.

      Qu’une encyclopédie mentionne le nom de naissance des personnes atteintes de dysphorie ne me semble pas etre un acte de discrimination. Qu’une encyclopédie demande des sources et documents pour affirmer une chose n’est pas non plus une brimade infligée aux trans. Qu’une encyclopédie ne se fie pas au seul ressenti des individus pour établir ses articles me semble etre necessaire. C’est le propre des catégories d’exclure certains critères et ce n’est pas un acte de haine, les chats sont exclus de la catégorie des lapins, c’est pas de la haine anti féline pour autant. Si des croyant·es affirment que la vierge leur parle chaque matin ou qu’illes ont un esprit de femme prisonnier d’un corps d’homme c’est pas pour autant un fait, ca reste une croyance qui doit être mentionnée comme telle dans une encyclopédie.

      Pour ce qui est des intersexes leurs problématiques n’ont rien en commun avec celles des trans et non binaires, beaucoup d’entre elleux se plaignent d’etre instrumentalisé·es par les transactivistes. Les intersexes sont assigné·es à la naissances mais pas les trans ni les non binaire, ni les gender fluide, gender neutres, agender, xénogender... chez qui on ne fait qu’observer le sexe de naissance, ce qui n’est pas une assignation.
      Ici le témoignage d’une personne intersexe qui affiche son opposition à l’idéologie transactiviste libérale.
      https://www.youtube.com/watch?v=hNpW6QGYQso

      Les transactivistes s’attaquent aux encyclopédies puisqu’illes refusent toute forme de définition collective, et préfèrent une autodéfinition du reel par le ressenti individuel.

      Ainsi que Butler le souligne, la critique des catégories et des politiques identitaires et leur contestation n’impliquent pas, comme c’est le cas pour les notions de catégorie femmes, de sujet et de plusieurs autres, la répudiation totale de ces dernières[25]. Il suffit plutôt de faire une utilisation critique et prudente de ces catégories et de ces politiques, en les laissant ouvertes aux changements, aux redéfinitions, à l’inclusion de nouvelles ou de nouveaux membres , etc. (Butler 2001a : 147 ; 2005b ; 2006 : 52-53). Voici comment Butler exprime sa thèse concernant la catégorie « lesbienne » (2001a : 143-144) :

      Je ne suis pas à l’aise avec les « théories lesbiennes » et les « théories gay », car […] les catégories identitaires tendent à servir d’instruments aux régimes de contrôle, soit comme catégories normalisantes des structures d’oppression, soit comme points de ralliement pour la contestation libératoire de cette oppression même. Je ne suis pas en train de dire qu’en quelque occasion politique, je refuserai de défiler sous la bannière lesbienne, mais j’aimerais que la signification de cette bannière ne soit jamais ni trop claire ni trop précise.

      https://www.erudit.org/fr/revues/rf/2007-v20-n2-rf2109/017606ar

      Si on laisse les catégories ouvertes aux redéfinitions constantes et à l’inclusion de tous nouvelleaux membres qui en exprime le désir, alors plus aucun travail de définition ni de catégorisation ni d’encyclopédie, n’est possible. Si les « bannières » ne doivent etre ni claires ni précises les encyclopédies sont à mettre au feu et c’est tout naturellement que ces idéologues s’attaquent à wikipédia.

      #transactivisme #identitaires #liberalisme #sexisme #discrimination #définition #wikipédia #identité

    • En l’absence d’exemples, le texte de l’Obs est assez difficile à suivre. Alors prenons l’exemple de la fiche de Chelsea Manning :
      https://en.wikipedia.org/wiki/Chelsea_Manning

      Si je lis le texte de l’Obs, il me semble que je devrais admettre que cette fiche est transphobe (son ancienne identité est « dévoilée », il y a des photos d’elle avant sa transition…). Alors qu’il semble tout de même que, dans la logique exposée par Mad Meg, ce qui est reproché (ce qu’on trouve donc dans cette fiche en particulier) relève du travail de documentation normal de l’encyclopédie.

      En ajoutant aussi le fait que l’encyclopédie n’est censée documenter que des personnalités publiques ayant une certaine notoriété, pas d’outer des personnes transgenres dont l’histoire ne serait pas déjà connue. Si on gomme l’identité passée Chelsea Manning, on se condamne à ne plus pouvoir comprendre les archives des journaux ; or c’est bien à cela que sert l’encyclopédie.

    • Clap Clap Clap 👏
      (j’ajoute néanmoins pour relativiser mon intervention que je ne suis pas équipé pour réfléchir au transactivisme ; je pourrais dire la même chose si on me demandait de réfléchir à la théorie de la relativité afin de donner le change à Einstein car oui, je ne suis pas au niveau pour discuter avec des théoriciens de la transidentité, ces gens sont dans des sphères inatteignables par le commun, et le commun ne peut que rester coi, pour sûr).

    • Merci Meg. Mais je ne comprends pas bien en quoi ces deux pages correspondent aux accusations de la tribune de l’Obs : une part des critiques concerne clairement les articles publics (mégenre, photos avant transition, rappel de l’identité avant transition…), et pour ce qui est de « harcèlement », qui là relèverait des échanges dans les espaces de discussion, ça n’est pas clair non plus dans ces deux pages. Ou alors, il faut considérer que les gens qui contredisent leurs interlocuteur·ices trans sont transphobes, et avec ce genre de tribune qui ne donnent pas d’exemple concret, c’est une tendance qu’on sent poindre rapidement (et ce serait ce que tu veux me dire avec ces deux liens : ce qui suscite cette tribune, c’est d’abord que les transactivistes sont contredit·es dans les forums de Wikipédia).

      Sinon, j’avais particulièrement tiqué sur ce passage :

      La société contemporaine à tradition coloniale semble se rendre compte de notre existence depuis peu alors que nous avons toujours existé à travers le monde. Avant d’être envahies, décimées ou réduites en esclavage, nombre de cultures pré-coloniales comptaient en leur sein des sujets trans et non binaires dont la plupart avaient un rôle social voire spirituel, ce qui reste le cas dans certaines cultures (10).

      Wikipédia étant un média attaché à un système de sources écrites et mainstream, sa vision élitiste et blanche ne rend pas justice aux cultures à tradition orale.

      C’est pratique, ça, de dénoncer une encyclopédie, au motif qu’elle repose sur « un système de sources écrites et mainstream », et donc « élitiste et blanche ».

    • @biggrizzly on sent bien que tu n’as pas envie d’en parler ! ^^

      @arno J’ai mis ces articles pour montrer des exemples de discutions sur des sujets potentiellement polémiques. C’est pas « le bistrot » dont parle l’article mais je vais aller voire.
      Et sans nier que les transactivistes subissent du harcelement sur wikipédia, je pense qu’il y a une part d’opportunisme de mauvaise foie dans leurs déclarations. Le fait de ne pas donner d’exemples précis ni liens pour en juger ne me donne pas une bonne impression.

    • J’ai parfois essayé de discuter avec des personnes bourrées, et ça a souvent été décevant. L’incommunicabilité, c’est un truc qui me met terriblement mal à l’aise. Les discussions sur la transidentité, ça me fait pareil. A partir du moment où un des interlocuteurs peut décider de changer le sens des mots quand cela LUI chante... je décroche. Je ne suis pas de taille. Je le laisse avec LUI même.

    • Pour le deadname c’est assez proche de la question du pseudonymat. Quand la personne a eu une vie médiatique sous plusieurs pseudonymes ou plusieurs noms ca peut etre utile de le mentionné mais la plus part du temps c’est le nom d’usage qui doit être utiliser. En lisant le forum je trouve les propositions de discuter au cas par cas plus judicieuses.

  • Mediterraneo nero. Archivio, memorie, corpi

    L’importanza di una riflessione sul Mediterraneo nero è legata alle profonde trasformazioni, in termini culturali, sociali ed economici, che avvengono non solo in Europa, ma nel mondo intero. Oggi è necessario leggere il Mediterraneo in una prospettiva globale e transnazionale, ma anche quale archivio di memorie, pratiche e immagini che stanno ridiscutendo le geografie culturali. Centro di questo sistema epistemologico è il corpo, il rapporto di prossimità e distanza non solo con l’Europa, ma anche con una parte specifica del suo passato: il colonialismo e lo schiavismo. Connettendo passato e presente, l’autore si sofferma sulle memorie orali delle migrazioni raccolte in Italia: voci di etiopi, eritrei, somali e di persone che potremmo definire ‘seconde generazioni’ a proposito delle traversate mediterranee. L’obiettivo è quello di contribuire a una nuova riflessione sul rapporto tra il Mediterraneo nero e la riscrittura/reinvenzione dell’Europa e dell’identità europea.

    http://www.manifestolibri.it/shopnew/product.php?id_product=801

    #Méditerranée_noire #Méditerranée #livre #mémoire #corps #proximité #distance #passé #colonialisme #esclavage #passé_colonial #mémoire_orale #deuxième_génération #identité #identité_européenne #Gabriele_Proglio

    Et plein d’autres ressources intéressantes de ce chercheur (historien) sur son CV :
    https://www.unisg.it/docenti/gabriele-proglio
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    ajouté à la métaliste sur l’#Italie_coloniale / #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    ping @olivier_aubert @cede

    • The Horn of Africa Diasporas in Italy

      This book delves into the history of the Horn of Africa diaspora in Italy and Europe through the stories of those who fled to Italy from East African states. It draws on oral history research carried out by the BABE project (Bodies Across Borders: Oral and Visual Memories in Europe and Beyond) in a host of cities across Italy that explored topics including migration journeys, the memory of colonialism in the Horn of Africa, cultural identity in Italy and Europe, and Mediterranean crossings. This book shows how the cultural memory of interviewees is deeply linked to an intersubjective context that is changing Italian and European identities. The collected narratives reveal the existence of another Italy – and another Europe – through stories that cross national and European borders and unfold in transnational and global networks. They tell of the multiple identities of the diaspora and reconsider the geography of the continent, in terms of experiences, emotions, and close relationships, and help reinterpret the history and legacy of Italian colonialism.

      https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-58326-2#toc

    • Libia 1911-1912. Immaginari coloniali e italianità

      L’Italia va alla guerra per conquistare il suo ’posto al sole’ senza realmente sapere cosa troverà sull’altra sponda del Mediterraneo. Il volume analizza la propaganda coloniale e, in particolare, la stretta relazione tra la costruzione narrativa della colonia libica e le trasformazioni dell’italianità. All’iniziale studio degli immaginari sulla Libia precedenti il 1911, segue una disamina di quelle voci che si mobilitarono a favore della guerra, partendo dai nazionalisti di Enrico Corradini con i riferimenti all’Impero romano, al Risorgimento, al mito della ’terra promessa’. L’archivio coloniale è indagato anche attraverso lo studio delle omelie funebri per i soldati caduti durante la guerra, con immagini che vanno dal buon soldato al figlio della patria. Un altro campo d’analisi è quello dell’infanzia: i discorsi dei docenti sul conflitto, del «Corriere dei Piccoli» e della letteratura per ragazzi lavorano per «costruire» i corpi dei piccoli italiani. Non manca, infine, lo studio della letteratura interventista: Gabriele D’Annunzio, Giovanni Pascoli, Filippo Tommaso Marinetti, Matilde Serao, Ezio Maria Gray, Umberto Saba, Ada Negri, Giovanni Bevione.

      https://www.mondadoristore.it/Libia-1911-1912-Immaginari-Gabriele-Proglio/eai978880074729
      #imaginaire_colonial #italianité #Libye

  • #Colonia_per_maschi. Italiani in Africa Orientale: una storia di genere

    Quella degli italiani che combatterono o lavorarono nelle colonie africane del fascismo è una storia poco e mal conosciuta. Questo libro intende fornire un contributo di conoscenza sui comportamenti e i sentimenti di quanti, militari o civili, furono coinvolti nella colonizzazione dell’Etiopia (1935-41). Attraverso lo studio di memorie e diari inediti, ma anche della propaganda e della letteratura coloniale coeva, il volume indaga sul significato del colonialismo per gli italiani in termini di identità maschile, sia sul piano dell’esperienza vissuta che su quello dell’immaginario e della rappresentazione, pubblica e privata. Partendo dall’ipotesi della conquista coloniale come «terapia» per arginare la «degenerazione» del maschio e, in questa chiave, dal mito dell’Africa come luogo di frontiera e «paradiso dei sensi», il saggio intreccia l’analisi dei modelli maschili e delle politiche coloniali del fascismo con la ricostruzione delle esperienze quotidiane e delle percezioni di sé degli italiani. In particolare, sulla scia di molti studi coloniali stranieri focalizzati sulle variabili di genere e razza, l’analisi si sofferma sulla sfera dei complessi e multiformi contatti con gli uomini e le donne della società locale. Ne emerge un quadro articolato e contraddittorio, un complesso di relazioni tra colonizzatori e colonizzati sicuramente caratterizzato da gerarchie e razzismo, ma anche da rapporti amicali, erotici e omoerotici, paternalistici e, talora, paterni.
    Come scrive Luisa Passerini nella prefazione, questo libro è un «contributo originale [...] a un tema di grande rilevanza, che permette di comprendere meglio sia la complessità del passato recente della nazione sia le difficoltà di fare i conti con il suo retaggio coloniale».

    http://www.ombrecorte.it/vecchio/more.asp?id=129&tipo=documenta

    #colonialisme #colonisation #Italie_coloniale #colonialisme_italien #genre #femmes #livre #masculinité #identité_masculine

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    • La conquête de l’Éthiopie et le rêve d’une #sexualité sur ordonnance (1), par Marie-Anne Matard-Bonucci.

      PARTIE 1

      Le 9 mai 1936, à Rome, dans un discours retransmis par des milliers de haut-parleurs dans toute l’Italie, Mussolini annonce la conquête de l’Éthiopie. Du Palais de Venise où il est acclamé par une foule en liesse, le Duce prétend donner au monde une leçon de civilisation, célébrant le combat de l’Italie contre « l’arbitraire cruel », « l’esclavage millénaire » et la victoire de la justice sur la barbarie. La veille, dans un climat analogue, le Duce s’est adressé aux organisations féminines du régime, et a remercié les femmes d’avoir soutenu l’héroïsme de leurs frères, fils et maris en résistant aux sanctions décrétées par la Société des Nations1. Quelques mois plus tôt pour la journée de la « Foi », des cohortes de femmes avaient offert leur alliance, le don de l’anneau nuptial symbolisant l’engagement de toute la nation dans l’aventure coloniale.

      Cette communion des genres sur l’autel de l’impérialisme fasciste ne doit pas masquer que la guerre d’Éthiopie fut un pic d’exaltation de la virilité par un régime qui l’avait élevée à des sommets jamais atteints2. « Rappelez-vous que la passion des colonies est la plus masculine, la plus fière et la plus puissante qu’un Italien puisse nourrir ; aimez-les plus encore pour les sacrifices qu’elles nous ont coûtés et qu’elles nous coûteront que pour les richesses qu’elles pourront nous apporter. Préparez-vous à mesurer dans les colonies votre force de dominateur et votre pouvoir de condottiere » exhortait le maréchal Rodolfo Graziani, devenu vice-Roi d’Éthiopie en juin 19363. Guerre coloniale et fasciste, le conflit éthiopien fut pensé comme un temps fort dans la stratégie destinée à créer un « homme nouveau fasciste »4. Soldats et colons étaient invités par le Duce, le maréchal Graziani et les élites fascistes à se comporter en peuple dominateur et impitoyable. Tous les moyens furent bons pour écraser un adversaire aussi mal équipé que déterminé : emploi de gaz asphyxiants, bombardements, massacres de civils, anéantissement des élites5. L’Éthiopie fut le théâtre d’une violence extrême. Soldats et hiérarques expérimentèrent l’hubris guerrière, comme aux meilleurs temps du squadrisme, l’infériorité présumée des indigènes autorisant une cruauté particulière. Dans son journal, l’intellectuel et hiérarque fasciste Giuseppe Bottai déplorait des épisodes de barbarie dont s’étaient principalement rendus coupables des officiers et dirigeants : « Le mouton des classes moyennes devient un petit lion, confondant l’héroïsme et la cruauté »6. Starace, le secrétaire national du parti fasciste, n’avait pas hésité à donner l’exemple, se livrant à des exercices de tir sur des prisonniers tandis que des soldats prenaient la pose près de cadavres ou brandissaint des restes humains comme des trophées.

      En dépit de discours affichant un humanisme à l’italienne, les autorités fascistes ne réprimèrent pas ces pratiques barbares des combattants, jugeant plus important de modifier les comportements sur un autre terrain : celui de la sexualité. Quelques mois après le début des hostilités, les relations des Italiens avec les femmes éthiopiennes devinrent, aux yeux des élites fascistes, une véritable « question » politique et une bataille prioritaire du régime.

      Les Éthiopiennes, obscurs objets de désir

      Préparée par plusieurs décennies d’idéologie nationaliste, la conquête de l’Éthiopie avait suscité de nombreuses attentes au sein de la population italienne. Au désir des plus démunis d’accéder à la propriété foncière s’ajoutaient des motivations plus complexes où se mêlaient confusément, comme dans d’autres contextes coloniaux, exotisme et érotisme. La beauté légendaire des femmes de la région n’était pas pour rien dans l’attrait de cet Eldorado, l’espoir de les posséder apparaissant aussi légitime que la prétention à s’emparer des terres.
      Photographies d’Éthiopiennes forcément dénudées, comme dans la plupart des représentations des femmes africaines jusqu’aux années Trente, romans populaires publicités et chansons avaient aussi contribué, avant et pendant la conquête, à répandre le stéréotype de créatures à la sensualité exacerbée, offertes au plaisir de l’homme blanc7. Dans l’Italie puritaine qui n’autorisait la nudité que dans l’art, les poitrines des Éthiopiennes nourrissaient tous les fantasmes. « Les Italiens avaient hâte de partir. L’Abyssinie, à leurs yeux, apparaissait comme une forêt de superbes mamelles à portée de main » se souvient Léo Longanesi8. Pendant la guerre, de nombreux dessins humoristiques véhiculés par la presse ou des cartes postales opposaient l’image d’un peuple d’hommes arriérés et sauvages et de femmes séduisantes et avenantes9. Dans un registre qui se voulait humoristique, le dessinateur Enrico De Seta, sur une carte intitulée « Bureau de poste », montrait un soldat devant un guichet postal. Il s’apprêtait à expédier un curieux colis : une femme abyssine empaquetée dans une couverture, dont dépassaient la tête et les pieds10 !

      En 1935, la chanson Faccetta Nera, (Petite frimousse noire) avait accompagné les troupes en campagne. Composée d’abord en dialecte romain, la chanson était devenue très populaire dans sa version italienne11. Les paroles étaient à l’image des sentiments complexes des colonisateurs à l’égard des femmes africaines : volonté de possession et de domination, promesse de libération et de civilisation, désir et fascination. « Facetta Nera, Belle abyssine, attends et espère, l’heure est prochaine. Quand nous serons près de toi nous te donnerons une autre loi et un autre roi. Notre loi est esclavage d’amour, notre slogan est liberté et devoir etc. »12.

      L’imaginaire des romanciers ou chansonniers n’était pas sans rapport avec une certaine réalité des rapports hommes femmes en Éthiopie. Tandis qu’en Italie les interdits pesant sur la sexualité des femmes étaient encore très forts, l’Éthiopie offrait aux femmes, surtout aux Amharas, une liberté plus grande, les relations hors mariage n’étant pas frappées d’opprobre comme dans les sociétés catholiques européennes. Non seulement le concubinage était une pratique qui n’était pas réprouvée par l’entourage – le mariage dämòs permettait aux femmes une forme d’union contractuelle temporaire- mais il pouvait s’inscrire, comme l’ont révélé des travaux récents, du point de vue des Éthiopiennes, dans le cadre d’une stratégie d’élévation sociale, voire d’émancipation13. La pratique du madamismo était répandue, en Somalie et en Érythrée, y compris parmi les fonctionnaires et militaires de haut grade14. En Érythrée, le fonctionnaire Alberto Pollera, pour convaincu qu’il fût des bienfaits de la colonisation, et en dépit de ses responsabilités, n’en avaient pas moins six enfants de deux femmes érythréennes15. Comme l’écrit Giulia Barrera : « The madamato was a set of relationships grounded in the material basis of colonialism and shaped by colonial discourse but it was lived out by concrete individuals : by men who participated in very different ways in the colonial enterprise and by women who were note merely passive victims »16.

      Pour les 300 000 pionniers et soldats présents après la conquête, certains subirent, effectivement, le « doux esclavage » mentionné par la chanson. Même quand la fascination n’était pas au rendez-vous, le concubinage s’imposait presque par défaut, représentant « la véritable institution des rapports sexuels sous le colonialisme »17. En dépit de la propagande visant à les attirer, bien peu de femmes de métropole avaient accepté de s’installer sur place, craignant l’insécurité ou des conditions de vie précaire. Peu après la conquête, un navire de 2000 épouses et fiancées fut appareillé à destination de l’Empire18. En 1938, 10 000 Italiennes avaient accepté de participer à l’aventure coloniale, dont la moitié dans la capitale de l’Empire. Le régime avait également cherché à installer des prostituées blanches recrutées dans la péninsule mais, là encore, l’offre était restée largement inférieure à la demande19. Les hommes continuaient de fréquenter assidûment les sciarmute, les prostituées indigènes, que les autorités s’efforçaient contrôler. Parmi les 1500 femmes autorisées à faire le commerce du sexe à Addis Abeba, et contrôlées lors de visites médicales, les autorités distinguaient trois catégories, identifiables à la couleur d’un petit drapeau affiché sur leur tucul, l’habitation traditionnelle : jaune pour les officiers, verte pour les soldats et travailleurs, noir pour les troupes coloniales. Cette prostitution encadrée et hiérarchisée ne couvrait pas davantage les besoins et certains responsables militaires s’indignaient des longues files d’attente devant les bordels indigènes. Restaient enfin les prostituées occasionnelles ou clandestines, présentes sur l’ensemble du territoire.

      Entre l’exploitation sexuelle des indigènes et la chasteté existait toute une gradation de comportements. Le concubinage fut l’un d’entre-eux qui présentait, avant d’être placé hors la loi, de nombreux avantages pour les colons. Avant la conquête de l’Éthiopie, dans les colonies italiennes d’Afrique noire, Somalie et Érythrée, il était fréquent que des fonctionnaires de l’administration coloniale ou des militaires vivent avec des femmes africaines. Les compagnes des Italiens étaient nommées les madame et le concubinage le madamismo. Ces unions donnaient souvent lieu à la naissance d’enfants métis qui eurent la possibilité, à partir de 1933, en vertu de la « Loi organique pour l’Érythrée et la Somalie » d’obtenir la nationalité italienne20. En Érythrée, en 1935, on comptait 1000 métis sur une population de 3500 Italiens21. Pour les colons, la mise en ménage avec des Éthiopiennes, résultait de motivations diverses, parfois concomitantes, qui n’excluaient pas le sentiment amoureux : disposer d’une compagne pour partager le quotidien et les tâches ménagères, disposer d’une partenaire sexuelle stable et plus sûre que des prostituées. Le journaliste Indro Montanelli, enrôlé comme volontaire en Éthiopie à l’âge de 23 ans, fut nommé à la tête d’un bataillon d’indigènes Érythréens. Il dit avoir « acheté » à son père pour 500 lires, une jeune fille de douze ans. Pratique répréhensible en métropole mais diffusée dans les colonies, celle-ci était justifiée en ces termes : « mais à douze ans [en Afrique] les jeunes filles sont déjà des femmes ». À son départ, il revendit la jeune fille « petit animal docile » à un officier de haut rang, lequel disposait déjà d’un « petit harem »22 Selon son témoignage, la jeune fille était musulmane.

      Avant que le racisme ne devînt doctrine officielle du fascisme, les points de vue sur les unions mixtes étaient partagés. Lidio Cipriani s’alarmait du métissage alors que les démographes Corrado Gini ou Domenico Simonelli y voyait une opportunité de régénération des populations européennes et, pour le second, un facteur de peuplement pour les colonies23. Dans la presse coloniale, les unions mixtes n’étaient pas encore dénoncées24. En février 1936, dans l’Illustrazione coloniale, Lorenzo Ratto opposait l’attitude raciste des colonisateurs britanniques à la tradition « romaine » de fraternisation avec les populations vaincues. Réprouvant le métissage avec les « nègres », il admettait les unions mixtes avec les Éthiopiennes, racialement supérieures : « les plus belles filles de race sémitico-éthiopiennes, facilement sélectionnables sur les plateaux éthiopiens pourront être choisies par les pionniers du Génie militaire rural pour faire partie de nos colonies en tant qu’épouses légitimes (…) »25.

      Texte paru in D. Herzog, Brutality and desire. War and Sexuality in Europe’s Twentieth Century, Palgrave Macmillan, 2008.

      Pour aller plus loin :

      La guerre d’Éthiopie, un inconscient italien, par Olivier Favier. Sur le mausolée au maréchal Graziani à Affile (août 2012), la naissance d’une littérature italophone et postcoloniale et le documentaire de Luca Guadagnino, Inconscio italiano (2011). Voir aussi : L’Italie et ses crimes : un mausolée pour Graziani, par Olivier Favier.
      Mémoire littéraire, mémoire historique, entretien croisé avec Aldo Zargani et Marie-Anne Matard-Bonucci, par Olivier Favier.
      Le fascisme, Auschwitz et Berlusconi, par Marie-Anne Matard Bonucci, Le Monde, 11 février 2013. Marie-Anne Matard-Bonucci est professeure d’histoire contemporaine à Paris VIII, Institut Universitaire de France. Elle est également l’auteure de L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Puf, 2012.

      « Éloge des femmes italiennes » discours prononcé le 8 mai 1936, in B. Mussolini, Édition définitive des œuvres de B. Mussolini, ed. Flammarion, vol. XI, 1938, p. 69-71. [↩]
      Voir G. L. Mosse, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Pocket, Agora, p. 179-203. B., Spackman, Fascist Virilities : Rhetoric, Ideology, and Social Fantasy in Italy, University of Minnesota Press, 1996. [↩]
      Cité par F. Le Houérou, L’épopée des soldats de Mussolini en Abyssinie. 1936-1938. Les ensablés, L’Harmattan, 1994, p. 50. [↩]
      M.-A. Matard-Bonucci, P. Milza, L’Homme nouveau entre dictature et totalitarisme, Fayard, 2004. [↩]
      A. Sbacchi, Legacy of Bitterness. Ethiopia end fascist Italy, 1935-1941, The Read Sea Press, 1997. Voir en particulier le chapitre 3, “Poison gas and atrocities in the Italo-Ethiopian War, 1935-1936”, p. 55-85. A. Del Boca (dir.) , I gas di Mussolini. Il fascismo e la guerra d’Etiopia, Roma, Editori riuniti, 1996. G. Rochat, « L’attentato a Graziani e la repressione italiana in Etiopia 1936-1937 », in Italia contemporanea, 1975, n. 118, pp. 3-38. Plus généralement, voir l’œuvre considérable d’A. Del Boca, de R. Pankhurst. Voir aussi A. Mockler, Haile Selassie’s war : The Italian Ethiopian campaign, 1936-41, Oxford University Press, 1984, rééd. Grafton Books, 1987. [↩]
      G. Bottai, Diario 1935-1944, Ed . Bur, 2001, p. 102, note du 16 mai 1936. [↩]
      Sur la littérature coloniale : G. Tomasello, La letteratura coloniale italiana dalle avanguardie al fascismo, Palerme, Sellerio, 1984. R. Bonavita, « Lo sguardo dall’alto. Le forme della razzizzazione nei romanzi coloniali nella narrativa esotica », in La menzogna della razza. Documenti e immagini del razzismo e dell’antisemitismo fascista, Grafis, Bologne, 1994, p. 53-62. [↩]
      Cité par A. Petacco, Faccetta nera, Mondadori, ed. 2008, p. 191. [↩]
      Voir les vignettes reproduites dans le catalogue La Menzogna della Razza, p. 156-157. Sur l’iconographie coloniale : A. Mignemi., Immagine coordinata per un impero, GEF, 1984, Novara. G. Campassi, M.-Teresa Sega, « Uomo bianco, donna nera. L’immagine della donna nella fotografia coloniale » in Rivista di storia e teoria della fotografia, vol. 4, n° 5, 1983, p. 54-62. [↩]
      L. Goglia, « Le cartoline illustrate italiane della guerra etiopica 1935-1936 : il negro nemico selvaggio e il trionfo della civiltà di Rome » dans le catalogue de l’exposition La menzogna della Razza, cit. p. 27-40. L’image décrite est située dans le catalogue, à la p. 175. [↩]
      S. Pivato, Bella ciao. Canto e politica nella storia d’Italia, GLF, Editori Laterza, Bari-Laterza, 2007, p. 161-162. [↩]
      Le texte de la chanson est publié par A. Petacco, op. cit., p. 189-190. [↩]
      Après avoir été ignorée dans leur dimension raciste et sexiste, les relations hommes-femmes ont été analysées en privilégiant la clef de lecture de l’oppression coloniale puis du genre. Voir G. Campassi, « Il madamato in Africa orientale : relazioni tra italiani e indigene come forma di agressione coloniale » in Miscellanea di storia delle esplorazioni, Genova, 1987, p. 219-260. Giulia Barrera, dans une étude pionnière, se place du point de vue des femmes érythréennes livrant une vision plus complexe des rapports de genre dans ce contexte : G. Barrera, Dangerous Liaisons, Colonial Concubinage in Eritrea, 1890-1941, PAS Working Paper, Program of african Studies, Northwestern University, Evanston Illinois, USA, 1996. [↩]
      Carlo Rossetti « Razze e religioni nei territori dell’Impero », L’impero (A.O.I). Studi e documenti raccolti e ordinati da T. Sillani, Rome, La Rassegna italiana, XVI, p. 76. L’auteur était le chef du Bureau des études du Ministère de l’Afrique italienne. [↩]
      B. Sorgoni, Etnografia e colonialismo. L’Eritrea e l’Etiopia di Alberto Pollera 1873-1939, Torino, Bollato Boringhieri, 2001. [↩]
      G. Barrera, Ibid., p. 6. [↩]
      Voir A. Gauthier, “Femmes et colonialisme” in M. Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme. XVIe-XXIe siècle : de l’extermination à la repentance, Poche, Pluriel, Hachette, 2006, p. 759-811. La citation est à la p. 802. Voir également A.-L. Stoler, Carnal Knowledge and Imperial Power : Race and the Intimate in Colonial Rule, Berkeley : University of California press, 2002. [↩]
      Article de Carlo Rossetti, Capo dell’Ufficio studi del Ministero dell’Africa italiana, « Razze e religioni eni territori dell’Impero », in L’impero (A.O.I). Studi e documenti raccolti e ordinati da T. Sillani, La Rassegna italiana, XVI, p. 76. [↩]
      Sur la prostitution, A. Del Boca, La caduta cit. p. 244-245. Pankhurst, R. « The history of prostitution in Ethiopia », Journal of Ethiopian Studies, 12, n° 2, p. 159-178. [↩]
      À condition, disait le texte de loi, que les intéressés « se montrent dignes de la nationalité italienne par leur éducation, culture et niveau de vie ». Loi du 6 juillet 1933, n° 999. [↩]
      Chiffre cité par A. Del Boca, op. cit., p. 248. [↩]
      Le témoignage de I. Montanelli est cité par E. Biagi in 1935 e dintorni, Mondadori, 1982, 58-61. [↩]
      Sur C. Gini, M.-A. Matard-Bonucci, L’Italie fasciste op. cit., p. 74-75. D. Simonelli, La demografia dei meticci, 1929. [↩]
      Avant la guerre d’Éthiopie, on ne trouve pas de textes dénonçant les méfaits du métissage dans la presse coloniale. Voir le mémoire de maîtrise inédit de F. Marfoli, La vision des Éthiopiens sous le fascisme : étude de quatre revues coloniales italiennes, dir. O. Dumoulin, Université de Rouen, sept-oct 2001. [↩]
      Illustrazione coloniale, Fev. 1936, n.2, « Metodo romano per colonizzare l’Etiopia ». [↩]

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      PARTIE 2
      La conquête de l’Éthiopie et le rêve d’une sexualité sur ordonnance (2), par Marie-Anne Matard-Bonucci.

      Le spectre du #métissage

      La proclamation de l’Empire représenta un tournant dans l’histoire du racisme et de la doctrine fasciste. Jusque-là, la domination des Italiens sur les populations coloniales s’était traduite par un racisme colonial assez banal. En Libye, aucune législation sur le métissage n’avait été adoptée et les Arabes étaient autorisés à fréquenter les bordels des Européens. À une économie propre au racisme qui valorisait les populations arabes par rapport aux habitants d’Afrique noire s’ajoutaient des facteurs objectifs limitant les risques de procréation des couples mixtes : les femmes italiennes y étaient plus nombreuses et les mariages « à court terme » n’existaient pas1.

      Dans la radicalisation raciste de l’été 1936, il est difficile de savoir si la question sexuelle fit office de catalyseur ou servit de révélateur. Mussolini était ulcéré depuis longtemps par l’idée même des couples mixtes. En avril 1934, il avait exigé de retirer de la circulation le roman Amour noir : « Il s’agit des amours d’un Italien avec une négresse. Inadmissible de la part d’une nation qui veut créer un Empire »2. Deux jours après la proclamation de l’Empire, le chef du gouvernement ordonna à Badoglio et Graziani de n’autoriser aucun Italien civil ou militaire à rester plus de six mois sans femme en Éthiopie pour prévenir « les terribles et prévisibles effets du métissage »3. Échafaudant de grands projets d’expansion économique pour l’Empire, Mussolini avait expliqué, à la même époque, au baron Aloisi, chef de cabinet du Ministère des affaires étrangères, son intention d’y envoyer « beaucoup d’Italiens, mais avec l’obligation d’emmener leurs femmes, car il faut absolument éviter le danger d’une race de métis qui deviendraient nos pires ennemis »4. En juin 1936, Facetta Nera tomba en disgrâce peu après avoir subi les assauts du journaliste à succès, Paolo Monelli. Dans un article intitulé « Donne e buoi dei paesi tuoi », et peut-être écrit sur ordonnance, il mettait au défi l’auteur de la chanson de partager quelques jours de l’existence d’une « facetta nera », « une de ces abyssines crasseuses, à la puanteur ancestrale qui puent le beurre rance qui dégouline à petites gouttes dans le cou ; détruites dès l’âge de vingt ans par une tradition séculaire de servage amoureux et rendues froides et inertes dans les bras de l’homme ; pour une beauté au visage noble cent ont les yeux chassieux, les traits durs et masculins, la peau variolée »5. La plume haineuse vitupérait le romantisme à l’eau de rose de la chanson et dénonçait l’incitation à fréquenter les « petites négresses puantes », qui conduisait au métissage et au « délit contre la race ». En rupture avec le climat de badinage et de libertinage qui avait accompagné la conquête de l’Éthiopie, l’article était en phase avec l’évolution idéologique de l’époque. En novembre 1936, devant le Grand Conseil du fascisme Mussolini affirma la nécessité « d’affronter le problème racial et de l’introduire dans la littérature et la doctrine fascistes »6.

      À cette date, la constitution d’un corpus de littérature et de propagande raciste était en bonne voie. Depuis plusieurs mois, le roman d’aventure de la conquête coloniale occupait les pages des journaux. À partir de mai 1936, s’insinua bientôt la figure d’épouvante du métis, en métropole comme dans les colonies, dans les feuilles fascistes comme dans la presse dite d’information7. Non seulement le métissage portait atteinte au prestige de la race mais le métis était présenté tantôt comme un délinquant en puissance, tantôt comme un malheureux. Un haut fonctionnaire du Ministère de l’Afrique italienne brossait un tableau assez sombre : « On a assez vu, en Érythrée et en Somalie, des officiers et fonctionnaires, parfois de grade élevé, vivre maritalement avec des femmes indigènes donnant naissance à une catégorie d’infortunés ; leur paternité italienne n’empêchait pas, une fois le père rentré en métropole, et si les missionnaires n’intervenaient pas, qu’il vive son adolescence dans le milieu de la race maternelle. Ces malheureux étaient évités par les Blancs et méprisés par les Indigènes8.

      Pour la bataille de la race on fit appel à des racistes patentés tels Lidio Cipriani, lequel agitaient depuis le début des années Trente l’épouvantail du métissage entre races supérieures et inférieures9. Ses multiples expéditions « du Cap au Caire » l’avaient imposé comme spécialiste des populations africaines, par des reportages dans des journaux grand public et dans l’Illustrazione italiana10. En 1937, il devint le directeur de l’Institut et du musée d’anthropologie de Florence, l’un des plus renommés d’Italie. Il s’imposa comme l’un des acteurs de premier plan de la croisade contre le métissage jouant un rôle important dans la principale revue du racisme militant, La Difesa della razza, lancée à l’été 193811. Il mit à la disposition de la revue ses collections de photographies des populations africaines12.

      La Difesa della Razza excella dans l’invention de procédés de photomontages destinée à matérialiser visuellement le métissage. Un quart des couvertures interpellait les lecteurs sur ce thème. L’une d’entre elles montrait l’addition d’un faciès de femme blanche et d’homme noir dont il résultait un masque grotesque. Une autre accolait une tête de blanche et d’Africain : de cet étrange Janus, surgissait une tête de mort édentée. Deux mains, l’une blanche, l’autre noire s’enlaçaient laissant choir une fleur fanée. Plus classique, la couverture de mai 1940, mettait en présence une Ève africaine offrant le fruit défendu à un « aryen ». Un cactus, au premier plan signalait, une fois encore, le danger de la fusion des races13.Le Parti fasciste suscita sa propre littérature sur le sujet. En 1939, parut Le problème des métis sous l’égide de l’institut fasciste de l’Afrique italiennes14. « Dieu a créé les blancs, le diable les mulâtres » pouvait-on lire en exergue15. En Afrique, le Parti fasciste fit campagne pour changer les mentalités. Guido Cortese, secrétaire du faisceau d’Addis Abeba, interprétait fidèlement le nouveau cours politique16 : « Le folklore, celui des nus, des pleines lunes, des longues caravanes et des couchers de soleil ardents, des amours folles avec l’indigène humble et fidèle, tout cela représente des choses dépassées, qui relèvent du roman de troisième ordre. Il serait temps de détruire tout de suite les romans, illustrations et chansonnettes de ce genre afin d’éviter qu’ils donnent naissance à une mentalité tout autre que fasciste ».

      Réformer les pratiques sexuelles des Italiens dans l’Empire

      Le 19 avril 1937, un décret-loi fut adopté pour sanctionner les rapports « de nature conjugale » entre citoyens italiens et sujets de l’Empire, passibles de un à cinq ans de prison17. La loi frappait les Italiens seuls et non les sujets de l’Empire – une situation qui serait bientôt considérée comme injuste par certains fascistes qui réclameraient un durcissement de la loi18. Avec les mesures pour la défense de la race qui installèrent l’antisémitisme d’État à l’automne 1938, la question était affrontée dans le cadre de la partition entre citoyens, ou non, de race italienne. Les juifs, comme les sujets de l’Empire, n’appartenaient pas à la race italienne. Dans ce cadre, les mariages entre individus de race différente étaient interdits : même si elle s’appliquait à l’Empire, la loi visait principalement les unions mixtes impliquant des juifs, très fréquentes, alors que celles-ci prolongeaient rarissimement une situation de madamismo.

      Dans l’Empire les troupes d’occupation et les colons pouvaient continuer à fréquenter les maisons closes et les très nombreuses prostituées africaines, les sciarmute19. En juin 1939, une nouvelle loi précisait et aggravait la précédente, la répression des couples mixtes et du métissage s’intégrant dans un texte plus large de défense du prestige de la race20. Tout délit, quel qu’il fût, était passible d’une peine plus lourde (un quart à un tiers) s’il y avait atteinte au prestige de la race italienne, ou lorsqu’il était commis en présence d’un indigène ou en complicité avec celui-ci. La loi reconduisait les dispositions de 1937 sanctionnant les relations de nature conjugale entre Italiens et sujets de l’Empire mais une disposition nouvelle marquait le franchissement d’un seuil dans la lutte contre le métissage. L’article 11, « Inchiesta relativa ai meticci » invitait les Procureurs à diligenter une enquête, en présence d’un enfant métis, probablement conçu après l’entrée en vigueur de la loi d’avril 1937. Le texte annonçait (art 20, Meticci) des dispositions à venir concernant la position des métis dans l’Empire. En mai 1940, de nouvelles dispositions assimilaient les métis à des sujets africains, interdisant aux pères italiens de les reconnaître. À l’instar des mesures antisémites, les lois coloniales ignoraient le statut de métis, par crainte sans doute que l’invention d’une catégorie juridique n’installe durablement le phénomène.

      La répression s’exerça de plusieurs façons. Plusieurs officiers furent rapatriés en métropole et parfois radiés des cadres de l’armée21. S’agissant des civils, il incombait à la police et à la justice de mettre un terme à des agissements qualifiés par le Duce de « scandaleux » et de « criminels ». Une « police » du madamismo était habilitée à distribuer des « billets jaunes » de mise en garde22.

      Plusieurs procès furent attentés à des Italiens pour réprimer le délit de madamismo23. Un premier jugement fut rendu en septembre 1937. Plusieurs dizaines d’autres procès suivirent devant les tribunaux d’Addis Abeba, Asmara, Gondar, Harar. Le nombre de procès peut sembler anecdotique en regard d’un phénomène qui concernait plusieurs milliers d’individus. Mais les textes des décisions de justice sont cependant riches d’enseignements quant à la façon dont les juges interprétaient la loi. La difficulté consistait dans l’établissement du délit, avec ce que cela supposait d’atteintes à la vie privée des individus. Confronté à un premier procès pour madamismo, en novembre 1938, le Tribunal de Gondar admettait la difficulté à juger en regard du caractère récent de la jurisprudence constituée. Il résumait efficacement la ligne de conduite suivie par les juges dans la plupart des procès : « Compte-tenu des jugements rendus par les autres Tribunaux de l’Empire, ce Tribunal entend diriger l’enquête vers la recherche des preuves matérielles telle que la vie commune menée pendant un certain temps et caractérisée par des rapports sexuels réitérés ; il s’agit aussi de déceler, sur le plan moral ou psychique, les éléments attestant d’un lien spirituel particulier qui ressemble d’une façon ou d’une autre à notre affectio maritalis24. À l’évidence, le fait d’avoir des relations sexuelles avec des Africaines n’était pas en cause. Plusieurs sentences laissaient transparaître la compréhension des juges à l’égard des « besoins sexuels » des expatriés, de la nécessité d’un « défoulement physiologique ». Les rapports sexuels occasionnels avec une domestique dès lors qu’elle ne vivait pas sous le même toit n’étaient pas condamnés25.

      Le sexe était toléré avec les indigènes pourvu qu’il fût dénué de tout affect. Dans une affaire de madamismo, les juges de Gondar estimaient que l’accusé -que son attachement manifeste à la femme accablait- n’aurait pas été coupable « s’il s’était servi de la femme seulement comme prostituée en lui payant le prix d’accouplements occasionnels puis en la congédiant après avoir satisfait ses besoins sexuels »26. En dépit de l’affichage d’un tel cynisme, certains juges prétendaient imposer une morale dans le commerce sexuel entre homme blancs et femmes noires, s’indignant parfois des pratiques de certains colons27. Deux Italiens furent ainsi condamnés pour atteinte au prestige de la race, pour avoir partagé une seule chambre à coucher avec deux Éthiopiennes. « Sans nul doute, l’acte sexuel accompli en présence de tiers offense la pudeur et dénote une pudeur inférieure à celle qui existe chez les peuples civilisés, et en particulier au sein du peuple italien du fait de la conjonction heureuse des principes du fascisme et des enseignements moraux du catholicisme. Cela est d’autant plus répréhensible si l’on tient compte de la réserve notoire des femmes indigènes en matière de sexualité. »28

      Comment statuer sur l’existence de rapports sexuels dès lors qu’ils n’étaient plus « de simples échanges destinés à assouvir une pulsion physique »29. Comment établir la réalité d’une relation de nature conjugale ? La cohabitation prolongée constituait donc une présomption importante qui ne fut pas toujours considérée comme suffisante pour l’établissement des faits. Le caractère passionnel de certaines relations était considéré comme preuve de culpabilité. Quelques procès avaient été motivés par des plaintes de femmes contre la violence dont elles avaient été victimes30. La violence contre les femmes n’intéressait pas les juges en tant que telle mais en ce qu’elle révélait une dépendance affective des accusés, en proie à la jalousie. Plusieurs affaires trahissaient le manque de confiance des Italiens à l’égard de leurs compagnes31. Les recommandations de fidélité sexuelle étaient prises pour l’aveu d’une affection coupable. Les cadeaux étaient considérés comme des indices à charge : le caractère utilitaire de certains présents pouvait être plaidé mais ceux qui n’étaient manifestement destinés qu’à faire plaisir, enfonçaient les accusés32. Tous les éléments « à charge » étaient réunis dans une affaire jugée en septembre 1939. Une Africaine avait été embauchée pour 150 lires par mois comme domestique par un homme dont elle partageait le couvert et la couche. L’homme était subjugué par cette femme au point de vanter ses qualités dans son entourage, de lui offrir des parfums. Il était allé la rechercher quand elle l’avait abandonné pour épouser un « homme de sa race ». Pour les juges, la culpabilité était flagrante : « Cohabitation, table commune, confiance et tendresse, jalousie réciproque, cadeaux de coquetterie et non utilitaires font de la petite servante une compagne de vie, ce qu’est justement l’épouse »33. Les marques de tendresse ou d’attention particulière à l’égard des indigènes étaient particulièrement suspectes : raccompagner une femme chez elle le soir, la désigner comme sa femme34, lui rendre visite lorsqu’elle était malade35.

      « L’affection », la passion qualifiée parfois « d’enivrement » étaient en revanche répréhensibles. Le mot « amour » n’était jamais employé, tant les juges considéraient cette éventualité comme improbable ou inconvenante. En janvier 1939, un homme fut condamné à un an et demi de prison pour madamismo. Facteur aggravant, l’homme avait avoué aimer la femme indigène36. Il avait admis lui avoir fait des cadeaux, à elle et à sa mère. Espérant fonder un foyer, il avait préparé une lettre au Roi pour demander à l’épouser. Les juges diagnostiquaient un cas « macroscopique d’ensablement »37, « car ici, le blanc ne désire pas simplement la Vénus noire en la tenant à ses côtés pour des raisons de tranquillité et pour bénéficier de rapports faciles et sûrs mais c’est l’âme de cet Italien qui est troublée ; il est entièrement dévoué à la jeune noire qu’il veut élever au rang de compagne de sa vie et qu’il associe à tous les évènements, y compris hors sexualité, de sa vie38. »

      La lutte contre le métissage inaugura bien, sur le plan juridique, la mise en œuvre d’un racisme biologique fondé sur le principe de la pureté du sang. En ce sens, elle marquait un changement radical dans les conceptions qui avaient prévalu jusque-là en matière de citoyenneté et d’identité, dans l’Empire comme en métropole. Toutefois, ces mesures furent adoptées pour répondre à une question de gouvernance coloniale locale : il n’était pas encore question d’une politique globale de la race -à aucun moment, des mesures analogues ne furent envisagées pour prévenir les métissages arabo-italiens en Libye, autre importante colonie de peuplement italienne- ni de mesures visant les juifs39.

      La partie qui se jouait en Éthiopie concernait autant l’Italie que la corne de l’Afrique. Le front pionnier de l’Empire ramenait sur le devant de la scène les projets de révolution anthropologique et de construction de l’homme nouveau et les difficultés à les mettre en œuvre.

      Sexe, race et totalitarisme fasciste.

      Une fois l’Empire proclamé, le rêve colonial et l’utopie fasciste de l’homme nouveau se trouvèrent en contradiction, non sur le terrain de la violence mais sur celui de la sexualité. Objets de désir, d’abord instrumentalisées par la propagande, les « Vénus noires » furent bientôt diabolisées, leur fréquentation n’étant autorisée que dans le cadre d’une relation proscrivant tout affect. En organisant la prostitution en terre coloniale, le fascisme heurtait la morale en usage dans la péninsule, suscitait la réprobation du Vatican, mais se comportait comme la plupart des puissances coloniales confrontées à la demande sexuelle des troupes en campagne40.

      En revanche, en menant la lutte contre le madamismo à un niveau d’État, le fascisme se singularisait par une démarche fusionnant racisme et totalitarisme, la doctrine de la race venant au secours du projet de révolution anthropologique du régime. D’un côté, en traquant le concubinage des Italiens et des Africaines, les responsables fascistes cherchaient à prévenir le métissage au nom de conceptions racistes qui n’étaient guère originales en contexte colonial41. Mais le régime pourchassait aussi d’autres démons, les défauts supposés d’un peuple que le Duce voulait transformer : le sentimentalisme, un certain humanisme et des comportements jugés aux antipodes de la virilité fasciste.

      Dans la métropole, la volonté d’orienter les comportements affectifs et sexuels était à l’œuvre depuis plusieurs années. La famille et la procréation devaient borner l’horizon amoureux des Italiens. Dans cette perspective, l’homosexualité -masculine seulement- fut réprimée par le code pénal de 1931. En décembre 1926 une taxe sur le célibat fut adoptée, les célibataires ne cessant par la suite d’être montrés du doigt et pénalisés, par exemple dans leur carrière lorsqu’ils étaient fonctionnaires. Paolo Orano intellectuel proche du pouvoir assimilait le célibat à une forme « de fuoruscitismo » civil et social42.

      S’agissant du couple, il n’était guère besoin de légiférer sur les rapports hommes femmes tant la domination des premiers allait de soi. Toutefois, certains fascistes rêvaient aussi de marquer les relations amoureuses au sceau du totalitarisme fasciste. Dès 1915, le nationaliste Giovanni Papini, l’une des sources d’inspiration du fascisme, recommandait dans Maschilità de se libérer de la famille, du romantisme et de l’amour, opposant les femmes et hommes, le miel et la pierre, et dénonçant l’amour comme un asservissement43. Pour un régime qui érigeait la famille en absolu et qui s’appuyait sur l’Église pour gouverner, il semblait difficile, après 1922, de souscrire à la totalité de ce programme. Paolo Orano proposait une voie de compromis étant entendu que sous le fascisme, « L’État entre avec méthode et énergie au cœur de la moralité individuelle et domestique, car il est le maître de la vie sociale ». Il convenait de se libérer de l’idée bourgeoise suivant laquelle l’amour devait précéder le mariage et en finir avec les illusions romantiques et égoïstes de l’amour comme fin en soi. Le couple devenait une forme d’association tendue vers la procréation dont l’amour était une conséquence et non un préalable44.

      Cette philosophie des rapports homme femme inspira la politique fasciste en Éthiopie. L’éloignement, de plus fortes contraintes pour les hommes dans un contexte de guerre puis d’occupation permettaient, en théorie, de contrôler plus efficacement les comportements amoureux. Dans l’économie licite des pratiques sexuelles deux solutions s’offraient aux soldats colons fascistes, célibataires par force : la chasteté, le colonisateur cédant la place à une forme de moine soldat, ou la pratique d’une sexualité déconnectée de tout sentiment.

      Ceux qui firent le premier choix furent une minorité. Certains hommes mariés mirent un point d’honneur à résister à la tentation du sexe qui « était au cœur de toutes les préoccupations »45. Brandissant l’étendard de la fidélité au mariage, ils justifiaient l’obligation de chasteté et la frustration sexuelle par la morale, les valeurs du catholicisme, la loi fasciste et une répulsion d’ordre raciste46. Laissant femme et enfants dans la péninsule, Nicola Gattari était venu en Éthiopie comme soldat et y était resté pour se faire une situation, comme patron de camion. Dans certaines lettres adressées à sa femme bien-aimée, il abordait ce sujet délicat47 « Je suis un homme jeune plein de désirs mais qui peut les satisfaire ? Ces femmes noires puantes auprès de qui des milliers d’hommes de tous les âges contractent des infections ? Non, ma chérie, ton Nicola reviendra comme il est parti, je te le jure (…) Pense à nos retrouvailles, comme notre étreinte sera belle ! » Répondant à son épouse qui lui avait demandé, sans trop y croire, s’il était tombé amoureux d’une petite noire, il réaffirmait sa constance : … « Oui, je passerai peut-être pour un imbécile par rapport à d’autres et je dois admettre que ma volonté de rester fidèle aux liens sacrés du mariage doit être le fait d’un résident sur mille en Afrique. Si je me suis amouraché d’une petite négresse ? Je pourrais te répondre que pour conquérir une de ces pouilleuses il n’y a pas besoin d’être amoureux car ce sont des filles faciles : 5 lires suffisent et l’affaire est conclue ».

      La prostitution constituait donc une porte de sortie. Celle-ci ne bloquait pas nécessairement l’appel du concubinage, le passage de la condition de sciarmutta à celle de madama étant fréquente chez les femmes éthiopiennes48. En allant inspecter les chambres à coucher, en suscitant les confessions intimes lors des procès, l’État avait, en effet, pénétré « au cœur de la moralité individuelle et domestique ». De trop nombreuses barrières rendaient l’entreprise difficile dans la métropole : elle fut tentée, au nom de la lutte contre le métissage, dans l’Empire. Par leurs recommandations concernant les échanges avec les indigènes, les juges inventaient un idéal-type, celui d’une sexualité émancipée de tout sentiment, ramenée en définitive, à la « masculinité » exaltée par Papini.

      Quel fut l’impact des procès et des condamnations qui en résultèrent ? Le traitement judiciaire de la question permit aux juges de montrer leur zèle fasciste. Les sentences des procès furent autant de leçons de racisme et de fascisme, infligées peut-être surtout pour l’exemple à des hommes de milieux modestes49. En infligeant une peine d’un an et demi de prison à un prévenu manifestement amoureux d’une Éthiopienne le juge prétendait lui « éclaircir les idées »50.La répression installa un climat de peur parmi certains colons, à en juger par les comportements des couples qui se cachaient et d’amants qui se réunissaient une fois la nuit tombée51.

      En janvier 1939, l’anthropologue raciste Lidio Cipriani, était modérément optimiste : « Malheureusement l’obscénité des rapports sexuels entre Blancs et indigènes continue, mais il semblerait que les mesures racistes aient conduit à une diminution sensible des cas de fécondation indésirables … Il est probable que le blanc commence désormais à se rendre compte de l’inconvénient qu’il y a à s’abandonner sans vergogne à une femme de couleur »52. Toutefois, la plupart des témoignages invitent à penser que la loi contre le madamismo ne fut guère respectée, y compris par ceux qui devaient imposer l’ordre fasciste, et notamment les carabiniers53. En Érythrée, on dénombrait 10 000 les femmes africaines vivant avec des Italiens en 1935 et 15 000 en 194054.

      La question du sexe et du métissage, comme d’autres mesures destinées à réformer les comportements en profondeur traçait les limites de l’emprise fasciste sur les esprits et de sa capacité à façonner les mœurs.

      Texte paru in D. Herzog, Brutality and desire. War and Sexuality in Europe’s Twentieth Century, Palgrave Macmillan, 2008.

      Pour aller plus loin :

      La guerre d’Éthiopie, un inconscient italien, par Olivier Favier. Sur le mausolée au maréchal Graziani à Affile (août 2012), la naissance d’une littérature italophone et postcoloniale et le documentaire de Luca Guadagnino, Inconscio italiano (2011). Voir aussi : L’Italie et ses crimes : un mausolée pour Graziani, par Olivier Favier.
      Mémoire littéraire, mémoire historique, entretien croisé avec Aldo Zargani et Marie-Anne Matard-Bonucci, par Olivier Favier.
      Le fascisme, Auschwitz et Berlusconi, par Marie-Anne Matard Bonucci, Le Monde, 11 février 2013. Marie-Anne Matard-Bonucci est professeure d’histoire contemporaine à Paris VIII, Institut Universitaire de France. Elle est également l’auteure deL’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Puf, 2012.

      C. Ipsen, Demografia totalitaria, Il Mulino, p. 256. [↩]
      Propos rapporté par le Baron Pompeo Aloisi, chef de cabinet du ministre des affaires étrangères à partir de juillet 1932 : Journal (25 juillet 1932-14 juin 1936), Plon, Paris, 1957, p. 185. [↩]
      Télégramme de Mussolini à Badoglio et Graziani, in La menzogna cit., p. 20. [↩]
      B Aloisi, Journal, cit., p. 382. La conversation est datée du 8 mai. [↩]
      L’article parut dans La Gazzetta del popolo de Turin, le 13 juin 1936. [↩]
      G. Bottai, Diario 1936-1943, op. cit., p. 115. 19 novembre 1936. Rien ne prouve qu’à cette date, Mussolini songeait aussi à l’antisémitisme. [↩]
      La presse coloniale fut particulièrement mobilisée : en janvier 1940, Africa italiana sortait un numéro spécial « Discipline et tutelle des races dans l’Empire ». Un mois plus tard, la même revue traitait du rôle de la femme italienne dans l’Empire. [↩]
      C. Rossetti, Ibid. [↩]
      L. Cipriani, Considerazioni sopra il passato e l’avvenire delle popolazioni africane, 1932. Sur le personnage, voir : R. Maiocchi, Scienza italiana e razzismo fascista, La Nuova Italia, Firenze, 1999, p. 161-163. [↩]
      In Africa, dal Capo al Cairo est le titre du livre publié en 1932, Florence, Bemporad. [↩]
      Sur le rôle de cette revue dans le dispositif propagandiste raciste, M. A. Bonucci, L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Perrin, 2007. [↩]
      P. Chiozzi, “Autoritratto del razzismo : le fotografie di Lidio Cipriani in La menzogna della razza, cit., p. 91-94. [↩]
      Les couvertures évoquées sont respectivement celles des numéros : A. III, 14-20/05/40
      A. III, 11- 5/04/40 ; A. IV, 3-5/12/40 ; A. III, 8-20/02/1940. [↩]
      G. Masucci, Il problema dei meticci, Istituto Fascista dell’Africa italiana, 1939, XVII. [↩]
      Un compte-rendu figure dans Razza e Civiltà, A. I, n°1, 23 mars 1940, p. 107. [↩]
      G. Cortese, Problemi dell’Impero, Pinciana, Rome, 1937. Cité in F. Le Houerou, op. cit., p.95. [↩]
      Décret-Loi (RDL) du 19 avril 1937, n°880, « Sanzioni per i rapporti d’indole coniugale fra cittadini e sudditi » [↩]
      Voir la position de Giovanni Rosso, « Il reato di madamismo nei confronti dell’indigena che abbia una relazione di indole coniugale con un cittadino italiano » in Razza e Civiltà, An I, n°1, p. 131-139. [↩]
      Voir A. Del Boca, La caduta dell’Impero, op. cit., p. 243-245. [↩]
      RDL n°1004 du 29 juin 1939. [↩]
      A. Del Boca évoque plusieurs cas, in La caduta cit. , p. 246-247. [↩]
      F. Le Houerou, op. cit., p. 95. [↩]
      La Revue Razza e Civiltà, publiée à partir de mars 1940 : il s’agissait de l’organe du Conseil Supérieur et de la Direction générale pour la Démographie et la race. Dans le cadre de la rubrique « Giurisprudenza e legislazione razziale » a publié de nombreux extraits des décisions judiciaires. Les analyses présentées ci-dessus se fondent sur l’analyse de 28 cas présentés par la revue. La moitié conclut au délit de madamismo ou d’atteinte à la dignité raciale. [↩]
      Sentence du Tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, Président Maistro, Accusé Spano. RC, An I, n.1 p. 128-131. [↩]
      Sentence du 7 février 1939, accusé Venturiello, Pres. Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 549. [↩]
      Sentence du Tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, Accusé Spano, Président Maistro RC, An I, n.1 p. 1p. 130. [↩]
      Voir Sentence de la Cour d’Appel d’Addis Abeba, 4 avril 1939, accusé Isella, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 552. [↩]
      Sentence du 21 décembre 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, accusés Lauria et Ciulla, Pres. Morando, RC, A. I, n°5-6-7, p.548. [↩]
      Sentence du 3 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Accusé Melchionne, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p.548. « I congressi carnali perdono il carattere d’incontro a mero sfogo fisiologico ». [↩]
      Ainsi, le procès contre G. Spano a été suscité par une plainte de sa concubine auprès des carabiniers. Sentence du tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, RC, An I, n°1, p. 128. [↩]
      Cour d’Appel d’Addis Abeba, Sentences du 31 janvier 1939, Accusé Seneca, Pres Guerrazzi ; 3. janvier 1939 Accusé Marca, Pres. Guerrazzi, RC, A. I, n°5-6-7, p. 548 et 551. [↩]
      Des cadeaux sont mentionnés dans plusieurs affaires. [↩]
      Sentence du 5 septembre 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Fagà, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 547. [↩]
      Sentence du 14 février 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Autieri, Pres Carnaroli , RC, A. I, n°5-6-7, p. 549. [↩]
      Sentence du 3 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Giuliano, Pres Carnaroli RC, A. I, n°5-6-7, p. 550. [↩]
      L’expression utilisée est « volerle bene ». [↩]
      On désignait comme insabbiati, « ensablés », les hommes restés vivre en Éthiopie, souvent aux côtés d’une Africaine. [↩]
      Sentence du 31 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Seneca, Pres Guerrazzi , RC, A. I, n°5-6-7, p 548-549 [↩]
      Outre que le métissage semblait inspirer moins de crainte s’agissant des Arabes que des populations d’Afrique noire, des raisons tenant au contexte proprement libyen expliquent un tel choix : présence plus nombreuse de femmes italiennes en Libye ; statut différent du mariage dans ce pays par rapport à l’Éthiopie. Cf. C. Ipsen, op. cit, p. 256. [↩]
      Au demeurant, en métropole aussi, le fascisme avait une politique visant à contrôler la prostitution sans l’interdire définitivement. Sur la duplicité du gouvernement italien qui réprima la présence de prostituées dans la rue et mais la tolérait dans des bordels soumis à un contrôle policier et sanitaire : V. De Grazia, Le donne nel regime fascista, Tascabili Marsili, p. 73-74. [↩]
      V. Joly écrit : « Les amours exotiques doivent être éphémères. Les femmes indigènes ne sont que des substituts qu’imposent la solitude et l’éloignement de la promise qui attend en métropole, simple rêve parfois. Elles ne doivent pas plus être sentimentales tant est vive la crainte du « métissage » affaiblissement pour la race du vainqueur », in « Sexe, guerre et désir colonial » in F. Rouquet, F. Virgili, D. Voldman, Amours, guerres et sexualité 1914-1945, Gallimard, BDIC, 2007, 62-69. [↩]
      La formule est de Paolo Orano in « Famiglia, razza, potenza », Il fascismo, vol. II, Pinciana, Rome, XVIII, p. 391-429. Le fuoruscitismo désignait l’exil antifasciste. [↩]
      Maschilità, Firenze, Libreria della Voce, 1915. [↩]
      P. Orano, Ibid. [↩]
      A. Del Boca, Gli Italiani in Africa orientale, La caduta dell’Impero, Rome-Bari, Laterza, 1982, p. 243. [↩]
      A. Del Boca donne quelques exemples parmi lesquels celui du Résident de Bacco ou encore le témoignage d’un Consul de la Milice. Ibid. p. 250. [↩]
      Ces lettres ont été publiées par S. Luzzatto, La strada per Adis Abeba. Lettere di un camionista dall’Impero (1936-1941), Paravia. Scriptorium, 2000 : Les citations sont aux pages 85 et 144. [↩]
      G. Barrera, op. cit. p. 26. [↩]
      Les sentences des procès ne permettent pas toujours de connaître la profession des accusés. Reste que l’impression dominante est celle de procès attentés à des hommes de condition modeste, issus du prolétariat ou d’une basse classe moyenne. Sur la sociologie des colons éthiopiens, F. le Houérou, op. cit., p. 115-135. [↩]
      Sentence du 31 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, accusé Seneca, Président Guerrazzi, RC, A. I, n°5-6-7, p. 548-549. [↩]
      Autant qu’on puisse en juger par les allusions contenues dans certaines sentences à la crainte de perquisitions de la police pendant la nuit pour constater le délit. [↩]
      Archivio Centrale dello Stato (Rome) MCP, Gab., b. 151, lettre du 18/01/1939. Dans une autre lettre de l’hiver 1939, à une époque où il propose, il est vrai, ses services comme « consulente razziale nell’Impero », Cipriani revient sur la question (Lettre de Cipriani à Landra du 31/01/39, in ACS, MCP, Gab., b. 151). [↩]
      F. Le Houérou a recueilli 35 témoignages dont la plupart émanent des « ensablés », les Italiens restés sur place souvent après avoir vécu avec une Madama. Par sa nature, la population interviewée amplifie peut-être la réalité du phénomène. Voir en particulier, op. cit. p. 97-105. [↩]
      Chiffres cités par G. Barrera, op. cit., p. 43. [↩]

      http://dormirajamais.org/conquete-2

      via @olivier_aubert à qui je dis #merci (@olivier_aubert —> j’ai déplacé la référence ici, car plus appropriée qu’ici : https://seenthis.net/messages/972185)

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  • Thomas de Stanford : le rêve américain Les Pieds sur Terre - France Culture
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/thomas-de-stanford-8659510

    Thomas, 29 ans, étudiant français d’origine asiatique, raconte ses deux ans dans le MBA le plus prestigieux du monde, la vie dispendieuse des étudiants, et ce qu’il en a tiré.

    « Avec 220 000 €, j’ai appris à ne pas avoir honte de mes origines »
    « Tous les sacrifices que mes parents ont faits, ça m’a permis d’en arriver là, à Stanford, entouré de cette élite sociale et intellectuelle. »  Thomas

    https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18722-29.08.2022-ITEMA_23115841-2022C6612S0241-21.mp3

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  • « Tant qu’on sera dans un système capitaliste, il y aura du #patriarcat » – Entretien avec #Haude_Rivoal

    Haude Rivoal est l’autrice d’une enquête sociologique publiée en 2021 aux éditions La Dispute, La fabrique des masculinités au travail. Par un travail de terrain de plusieurs années au sein d’une entreprise de distribution de produits frais de 15 000 salariés, la sociologue cherche à comprendre comment se forgent les identités masculines au travail, dans un milieu professionnel qui se précarise (vite) et se féminise (lentement). Les travailleurs, majoritairement ouvriers, sont soumis comme dans tous les secteurs à l’intensification, à la rationalisation et à la flexibilisation du travail. Leur réponse aux injonctions du capitalisme et à la précarisation de leur statut, c’est entre autres un renforcement des pratiques viriles : solidarité accrue entre hommes, exclusion subtile (ou non) des femmes, déni de la souffrance… Pour s’adapter pleinement aux exigences du capitalisme et du patriarcat, il leur faut non seulement être de bons travailleurs, productifs, engagés et disciplinés, mais aussi des “hommes virils mais pas machos”. Pour éviter la mise à l’écart, adopter de nouveaux codes de masculinité est donc nécessaire – mais laborieux. Dans cette étude passionnante, Haude Rivoal met en lumière les mécanismes de la fabrique des masculinités au travail, au croisement des facteurs de genre, de classe et de race.

    Entretien par Eugénie P.

    Ton hypothèse de départ est originale, elle va à rebours des postulats féministes habituels : au lieu d’étudier ce qui freine les femmes au travail, tu préfères analyser comment les hommes gardent leur hégémonie au travail « malgré la déstabilisation des identités masculines au et par le travail ». Pourquoi as-tu choisi ce point de départ ?

    J’étais en contrat Cifre [contrat de thèse où le ou la doctorant.e est embauché.e par une entreprise qui bénéficie également de ses recherches, ndlr] dans l’entreprise où j’ai fait cette enquête. J’avais commencé à étudier les femmes, je voulais voir comment elles s’intégraient, trouvaient des stratégies pour s’adapter dans un univers masculin à 80%. Ce que je découvrais sur le terrain était assez similaire à toutes les enquêtes que j’avais pu lire : c’était les mêmes stratégies d’adaptation ou d’autocensure. J’ai été embauchée pour travailler sur l’égalité professionnelle, mais je n’arrivais pas à faire mon métier correctement, parce que je rencontrais beaucoup de résistances de la part de l’entreprise et de la part des hommes. Et comme je ne comprenais pas pourquoi on m’avait embauchée, je me suis dit que ça serait intéressant de poser la question des résistances des hommes, sachant que ce n’est pas beaucoup étudié par la littérature sociologique. J’ai changé un peu de sujet après le début de ma thèse, et c’est au moment où est sortie la traduction française des travaux de Raewyn Connell [Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, ndlr] : cet ouvrage m’a ouvert un espace intellectuel complètement fou ! Ça m’a beaucoup intéressée et je me suis engouffrée dans la question des masculinités.

    C’est donc la difficulté à faire ton travail qui a renversé ton point de vue, en fait ?

    Oui, la difficulté à faire le travail pour lequel j’ai été embauchée, qui consistait à mettre en place des politiques d’égalité professionnelle : je me rendais compte que non seulement je n’avais pas les moyens de les mettre en place, mais qu’en plus, tout le monde s’en foutait. Et je me suis rendue compte aussi que l’homme qui m’avait embauchée pour ce projet était lui-même extrêmement sexiste, et ne voyait pas l’existence des inégalités hommes-femmes, donc je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il m’avait embauchée. J’ai compris plus tard que les raisons de mon embauche était une défense de ses propres intérêts professionnels, j’y reviendrai. Ce n’est pas qu’il était aveugle face aux inégalités – il travaillait dans le transport routier depuis 40 ans, évidemment que les choses avaient changé -, mais j’avais beau lui expliquer que les discriminations étaient plus pernicieuses, il était persuadé qu’il ne restait plus grand-chose à faire sur l’égalité hommes-femmes.

    Comment se manifeste cette “déstabilisation des identités masculines au et par le travail”, cette supposée « crise de la virilité », que tu évoques au début de ton livre ?

    Je me suis rendue compte en interviewant les anciens et les nouveaux que rien qu’en l’espace d’une génération, il y avait beaucoup moins d’attachement à l’entreprise. Les jeunes générations avaient très vite compris que pour monter dans la hiérarchie, pour être mieux payé ou pour avoir plus de responsabilités, il ne suffisait pas juste d’être loyal à l’entreprise : il fallait la quitter et changer de boulot, tout simplement. Ce n’est pas du tout l’état d’esprit des anciens, dont beaucoup étaient des autodidactes qui avaient eu des carrières ascensionnelles. Il y avait énormément de turnover, et ça créait un sentiment d’instabilité permanent. Il n’y avait plus d’esprit de solidarité ; ils n’arrêtaient pas de dire “on est une grande famille” mais au final, l’esprit de famille ne parlait pas vraiment aux jeunes. Par ailleurs, dans les années 2010, une nouvelle activité a été introduite : la logistique. Il y a eu beaucoup d’enquêtes sur le sujet ! Beaucoup de médias ont parlé de l’activité logistique avec les préparateurs de commandes par exemple, une population majoritairement intérimaire, très précaire, qui ne reste pas longtemps… et du coup, beaucoup d’ouvriers qui avaient un espoir d’ascension sociale se sont retrouvés contrariés. Ce n’est pas exactement du déclassement, mais beaucoup se sont sentis coincés dans une précarité, et d’autant plus face à moi qui suis sociologue, ça faisait un peu violence parfois. Donc c’est à la fois le fait qu’il y ait beaucoup de turnover, et le fait qu’il n’y ait plus le même sentiment de famille et de protection que pouvait apporter l’entreprise, qui font qu’il y a une instabilité permanente pour ces hommes-là. Et comme on sait que l’identité des hommes se construit en grande partie par le travail, cette identité masculine était mise à mal : si elle ne se construit pas par le travail, par quoi elle se construit ?

    Ça interroge beaucoup le lien que tu évoques entre le capitalisme et le patriarcat : la précarisation et la flexibilisation du travail entraînent donc un renforcement des résistances des hommes ?

    Oui, carrément. Il y a beaucoup d’hommes, surtout dans les métiers ouvriers, qui tirent une certaine fierté du fait de faire un “métier d’hommes ». Et donc, face à la précarisation du travail, c’est un peu tout ce qu’il leur reste. Si on introduit des femmes dans ces métiers-là, qui peuvent faire le boulot dont ils étaient si fiers parce que précisément c’est un “métier d’hommes”, forcément ça crée des résistances très fortes. Quand l’identité des hommes est déstabilisée (soit par la précarisation du travail, soit par l’entrée des femmes), ça crée des résistances très fortes.

    Tu explores justement les différentes formes de résistance, qui mènent à des identités masculines diversifiées. L’injonction principale est difficile : il faut être un homme « masculin mais pas macho ». Ceux qui sont trop machos, un peu trop à l’ancienne, sont disqualifiés, et ceux qui sont pas assez masculins, pareil. C’est un équilibre très fin à tenir ! Quelles sont les incidences concrètes de ces disqualifications dans le travail, comment se retrouvent ces personnes-là dans le collectif ?

    Effectivement, il y a plein de manières d’être homme et il ne suffit pas d’être un homme pour être dominant, encore faut-il l’être “correctement”. Et ce “correctement” est presque impossible à atteindre, c’est vraiment un idéal assez difficile. Par exemple, on peut avoir des propos sexistes, mais quand c’est trop vulgaire, que ça va trop loin, là ça va être disqualifié, ça va être qualifié de “beauf”, et pire, ça va qualifier la personne de pas très sérieuse, de quelqu’un à qui on ne pourra pas trop faire confiance. L’incidence de cette disqualification, c’est que non seulement la personne sera un peu mise à l’écart, mais en plus, ce sera potentiellement quelqu’un à qui on ne donnera pas de responsabilités. Parce qu’un responsable doit être un meneur d’hommes, il faut qu’il soit une figure exemplaire, il doit pouvoir aller sur le terrain mais aussi avoir des qualités d’encadrement et des qualités intellectuelles. Donc un homme trop vulgaire, il va avoir une carrière qui ne va pas décoller, ou des promotions qui ne vont pas se faire.

    Quant à ceux qui ne sont “pas assez masculins », je n’en ai pas beaucoup rencontrés, ce qui est déjà une réponse en soi !

    Peut-on dire qu’il y a une “mise à l’écart” des travailleurs les moins qualifiés, qui n’ont pas intégré les nouveaux codes de la masculinité, au profit des cadres ?

    Non, c’est un phénomène que j’ai retrouvé aussi chez les cadres. Mais chez les cadres, le conflit est plutôt générationnel : il y avait les vieux autodidactes et les jeunes loups, et c’est la course à qui s’adapte le mieux aux transformations du monde du travail, qui vont extrêmement vite, en particulier dans la grande distribution. C’est une des raisons pour laquelle le directeur des RH m’a embauchée : il avait peur de ne pas être dans le coup ! L’égalité professionnelle était un sujet, non seulement parce qu’il y avait des obligations légales mais aussi parce que dans la société, ça commençait à bouger un peu à ce moment-là. Donc il s’est dit que c’est un sujet porteur et que potentiellement pour sa carrière à lui, ça pouvait être très bon. Ça explique qu’il y ait des cadres qui adhèrent à des projets d’entreprise avec lesquels ils ne sont pas forcément d’accord, mais juste parce qu’il y a un intérêt final un peu égoïste en termes d’évolution de carrière.

    On dit toujours que les jeunes générations sont plus ouvertes à l’égalité que les aînés, je pense que ce n’est pas tout à fait vrai ; les aînés ont à cœur de s’adapter, ils ont tellement peur d’être dépassés que parfois ils peuvent en faire plus que les jeunes. Et par ailleurs, les jeunes sont ouverts, par exemple sur l’équilibre vie pro et vie perso, mais il y a quand même des injonctions (qui, pour le coup, sont propres au travail) de présentéisme, de présentation de soi, d’un ethos viril à performer… qui font qu’ils sont dans des positions où ils n’ont pas d’autres choix que d’adopter certains comportements virilistes. Donc certes, ils sont plus pour l’égalité hommes-femmes, mais ils ne peuvent pas complètement l’incarner.

    L’une de tes hypothèses fortes, c’est que le patriarcat ingurgite et adapte à son avantage toutes les revendications sur la fin des discriminations pour se consolider. Est-ce qu’on peut progresser sur l’égalité professionnelle, et plus globalement les questions de genre, sans que le patriarcat s’en empare à son avantage ?

    Très clairement, tant qu’on sera dans un système capitaliste, on aura toujours du patriarcat, à mon sens. C’était une hypothèse, maintenant c’est une certitude ! J’ai fait une analogie avec l’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, pour dire que la domination masculine est pareille que le capitalisme, elle trouve toujours des moyens de se renouveler. En particulier, elle est tellement bien imbriquée dans le système capitaliste qui fonctionne avec les mêmes valeurs virilistes (on associe encore majoritairement la virilité aux hommes), que les hommes partent avec des avantages compétitifs par rapport aux femmes. Donc quand les femmes arrivent dans des positions de pouvoir, est-ce que c’est une bonne nouvelle qu’elles deviennent “des hommes comme les autres”, c’est-à-dire avec des pratiques de pouvoir et de domination ? Je ne suis pas sûre. C’est “l’égalité élitiste” : des femmes arrivent à des positions de dirigeantes, mais ça ne change rien en dessous, ça ne change pas le système sur lequel ça fonctionne, à savoir : un système de domination, de hiérarchies et de jeux de pouvoir.

    Donc selon toi, l’imbrication entre patriarcat et capitalisme est indissociable ?

    Absolument, pour une simple et bonne raison : le capitalisme fonctionne sur une partie du travail gratuit qui est assuré par les femmes à la maison. Sans ce travail gratuit, le système capitaliste ne tiendrait pas. [à ce sujet, voir par exemple les travaux de Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, ndlr]

    Ça pose la question des politiques d’égalité professionnelle en entreprise : sans remise en question du système capitaliste, elles sont destinées à être seulement du vernis marketing ? On ne peut pas faire de vrais progrès ?

    Je pense que non. D’ailleurs, beaucoup de gens m’ont dit que mon livre était déprimant pour ça. Je pense que les politiques d’égalité professionnelle ne marchent pas car elles ne font pas sens sur le terrain. Les gens ne voient pas l’intérêt, parce qu’ils fonctionnent essentiellement d’un point de vue rationnel et économique (donc le but est de faire du profit, que l’entreprise tourne et qu’éventuellement des emplois se créent, etc), et ils ne voient pas l’intérêt d’investir sur ce sujet, surtout dans les milieux masculins car il n’y a pas suffisamment de femmes pour investir sur le sujet. J’ai beau leur dire que justement, s’il n’y a pas de femmes c’est que ça veut dire quelque chose, ils ont toujours des contre-arguments très “logiques” : par exemple la force physique. Ils ne vont pas permettre aux femmes de trouver une place égale sur les postes qui requièrent de la force physique. Quand les femmes sont intégrées et qu’elles trouvent une place valorisante, ce qui est le cas dans certains endroits, c’est parce qu’elles sont valorisées pour leurs qualités dites “féminines”, d’écoute, d’empathie, mais elles n’atteindront jamais l’égalité car précisément, elles sont valorisées pour leur différence. Le problème n’est pas la différence, ce sont les inégalités qui en résultent. On peut se dire que c’est super que tout le monde soit différent, mais on vit dans un monde où il y a une hiérarchie de ces différences. Ces qualités (écoute, empathie) sont moins valorisées dans le monde du travail que le leadership, l’endurance…

    Ça ne nous rassure pas sur les politiques d’égalité professionnelle…

    Si les politiques d’égalité professionnelle marchaient vraiment, on ne parlerait peut-être plus de ce sujet ! Je pense que les entreprises n’ont pas intérêt à ce qu’elles marchent, parce que ça fonctionne bien comme ça pour elles. Ca peut prendre des formes très concrètes, par exemple les RH disaient clairement en amont des recrutements : ”on prend pas de femmes parce que physiquement elles ne tiennent pas”, “les environnement d’hommes sont plus dangereux pour elles”, “la nuit c’est pas un environnement propice au travail des femmes”… Tu as beau répondre que les femmes travaillent la nuit aussi, les infirmières par exemple… Il y a un tas d’arguments qui montrent la construction sociale qui s’est faite autour de certains métiers, de certaines qualités professionnelles attendues, qu’il faudrait déconstruire – même si c’est très difficile à déconstruire. Ça montre toute une rhétorique capitaliste, mais aussi sexiste, qui explique une mise à l’écart des femmes.

    On a l’impression d’une progression linéaire des femmes dans le monde du travail, que ça avance doucement mais lentement, mais je constate que certains secteurs et certains métiers se déféminisent. On observe des retours en arrière dans certains endroits, ce qui légitime encore plus le fait de faire des enquêtes. Ce n’est pas juste un retour de bâton des vieux mormons qui veulent interdire l’avortement, il y aussi des choses plus insidieuses, des résistances diverses et variées.

    En plus, l’intensification du travail est un risque à long terme pour les femmes. Par exemple, il y a plus de femmes qui font des burnout. Ce n’est pas parce qu’elles sont plus fragiles psychologiquement, contrairement à ce qu’on dit, mais c’est parce qu’elles assurent des doubles journées, donc elles sont plus sujettes au burnout. Les transformations du monde du travail sont donc un risque avéré pour l’emploi des femmes, ne serait-ce que parce que par exemple, les agences d’intérim trient en amont les candidats en fonction de la cadence. Il faut redoubler de vigilance là-dessus.

    Tu analyses les types de masculinité qui se façonnent en fonction des facteurs de classe et de race. On voit que ce ne sont pas les mêmes types d’identités masculines, certaines sont dévalorisées. Quelles en sont les grandes différences ?

    Je ne vais pas faire de généralités car ça dépend beaucoup des milieux. Ce que Raewyn Connell appelle la “masculinité hégémonique”, au sens culturel et non quantitatif (assez peu d’hommes l’incarnent), qui prendrait les traits d’un homme blanc, d’âge moyen, hétérosexuel, de classe moyenne supérieure. Par rapport à ce modèle, il y a des masculinités “non-hégémoniques”, “subalternes”, qui forment une hiérarchie entre elles. Malgré le fait que ces masculinités soient plurielles, il y a une solidarité au sein du groupe des hommes par rapport au groupe des femmes, et à l’intérieur du groupe des hommes, il y a une hiérarchie entre eux. Les masculinités qu’on appelle subalternes sont plutôt les masculinités racisées ou homosexuelles. Elles s’expriment sous le contrôle de la masculinité hégémonique. Elles sont appréciées pour certaines qualités qu’elles peuvent avoir : j’ai pu voir que les ouvriers racisés étaient appréciés pour leur endurance, mais qu’ils étaient aussi assez craints pour leur “indiscipline” supposée. En fait, les personnes “dévalorisées” par rapport à la masculinité hégémonique sont appréciées pour leurs différences, mais on va craindre des défauts qui reposent sur des stéréotypes qu’on leur prête. Par exemple, les personnes racisées pour leur supposée indiscipline, les personnes des classes populaires pour leur supposé mode de vie tourné vers l’excès, les femmes pour leurs supposés crêpages de chignon entre elles…. C’est à double tranchant. Les qualités pour lesquelles elles sont valorisées sont précisément ce qui rend l’égalité impossible. Ces qualités qu’on valorise chez elles renforcent les stéréotypes féminins.

    Tu montres que le rapport au corps est central dans le travail des hommes : il faut s’entretenir mais aussi s’engager physiquement dans le travail, quitte à prendre des risques. Il y a une stratégie de déni de la souffrance, de sous-déclaration du stress chez les travailleurs : pour diminuer la souffrance physique et psychologique au travail, il faut changer les conditions de travail mais aussi changer le rapport des hommes à leur corps ?

    Je pensais que oui, mais je suis un peu revenue sur cette idée. Effectivement, il y plein d’études qui montrent que les hommes prennent plus de risques. C’est par exemple ce que décrit Christophe Dejours [psychiatre français spécialisé dans la santé au travail, ndlr] sur le “collectif de défense virile”, qui consiste à se jeter à corps perdu dans le travail pour anesthésier la peur ou la souffrance. Ce n’est pas forcément ce que j’ai observé dans mes enquêtes : en tout cas auprès des ouvriers (qui, pour le coup, avaient engagé leur corps assez fortement dans le travail), non seulement parce qu’ils ont bien conscience que toute une vie de travail ne pourra pas supporter les prises de risque inconsidérées, mais aussi parce qu’aujourd’hui la souffrance est beaucoup plus médiatisée. Cette médiatisation agit comme si elle donnait une autorisation d’exprimer sa souffrance, et c’est souvent un moyen d’entrée pour les syndicats pour l’amélioration des conditions de travail et de la santé au travail. Donc il y a un rapport beaucoup moins manichéen que ce qu’on prête aux hommes sur la prise de risques et le rapport au corps.

    En termes d’émotions, là c’est moins évident : on parle de plus en plus de burnout, mais à la force physique s’est substituée une injonction à la force mentale, à prendre sur soi. Et si ça ne va pas, on va faire en sorte que les individus s’adaptent au monde du travail, mais on ne va jamais faire en sorte que le monde du travail s’adapte au corps et à l’esprit des individus. On va donner des sièges ergonomiques, des ergosquelettes, on va créer des formations gestes et postures, on va embaucher des psychologues pour que les gens tiennent au travail, sans s’interroger sur ce qui initialement a causé ces souffrances.

    D’ailleurs, ce qui est paradoxal, c’est que l’entreprise va mettre en place tous ces outils, mais qu’elle va presque encourager les prises de risque, parce qu’il y a des primes de productivité ! Plus on va vite (donc plus on prend des risques), plus on gagne d’argent. C’est d’ailleurs les intérimaires qui ont le plus d’accidents du travail, déjà parce qu’ils sont moins formés, mais aussi parce qu’ils ont envie de se faire un max d’argent car ils savent très bien qu’ils ne vont pas rester longtemps.

    Donc ce sont les valeurs du capitalisme et ses incidences économiques (les primes par exemple) qui forgent ce rapport masculin au travail ?

    Oui, mais aussi parce qu’il y a une émulation collective. La masculinité est une pratique collective. Il y a une volonté de prouver qu’on est capable par rapport à son voisin, qu’on va dépasser la souffrance même si on est fatigué, et qu’on peut compter sur lui, etc. J’ai pu observer ça à la fois chez les cadres dans ce qu’on appelle les “boys clubs”, et sur le terrain dans des pratiques de renforcement viril.

    Tu n’as pas observé de solidarité entre les femmes ?

    Assez peu, et c’est particulièrement vrai dans les milieux masculins : la sororité est une solidarité entre femmes qui est très difficile à obtenir. J’en ai fait l’expérience en tant que chercheuse mais aussi en tant que femme. Je me suis dit que j’allais trouver une solidarité de genre qui m’aiderait à aller sur le terrain, mais en fait pas du tout. C’est parce que les femmes ont elles-mêmes intériorisé tout un tas de stéréotypes féminins. C’est ce que Danièle Kergoat appelle “le syllogisme des femmes”, qui dit : “toutes les femmes sont jalouses. Moi je ne suis pas jalouse. Donc je ne suis pas une femme.” Il y a alors une impossibilité de création de la solidarité féminine, parce qu’elles ne veulent pas rentrer dans ces stéréotypes dégradants de chieuses, de nunuches, de cuculs… Les femmes sont assez peu nombreuses et assez vites jugées, en particulier sur leurs tenues : les jugements de valeur sont assez sévères ! Par exemple si une femme arrive avec un haut un peu décolleté, les autres femmes vont être plutôt dures envers elle, beaucoup plus que les hommes d’ailleurs. Elles mettent tellement d’efforts à se créer une crédibilité professionnelle que tout à coup, si une femme arrive en décolleté, on ne va parler que de ça.

    Toi en tant que femme dans l’entreprise, tu dis que tu as souvent été renvoyée à ton genre. Il y a une forme de rappel à l’ordre.

    Oui, quand on est peu nombreuses dans un univers masculin, la féminité fait irruption ! Quels que soient tes attributs, que tu sois féminine ou pas tant que ça, tu vas avoir une pression, une injonction tacite à contrôler tous les paramètres de ta féminité. Ce ne sont pas les hommes qui doivent contrôler leurs désirs ou leurs remarques, mais c’est aux femmes de contrôler ce qu’elles provoquent chez les hommes, et la perturbation qu’elles vont provoquer dans cet univers masculin, parce qu’elles y font irruption.

    Toujours rappeler les femmes à l’ordre, c’est une obsession sociale. Les polémiques sur les tenues des filles à l’école, sur les tenues des femmes musulmanes en sont des exemples… Cette volonté de contrôle des corps féminins est-elle aussi forte que les avancées féministes récentes ?

    C’est difficile à mesurer mais ce n’est pas impossible. S’il y a des mouvements masculinistes aussi forts au Canada par exemple, c’est peut-être que le mouvement féministe y est hyper fort. Ce n’est pas impossible de se dire qu’à chaque fois qu’il y a eu une vague d’avancées féministes, quelques années plus tard, il y a forcément un retour de bâton. Avec ce qui s’est passé avec #metoo, on dirait que le retour de bâton a commencé avec le verdict du procès Johnny Depp – Amber Heard, puis il y a eu la la décision de la Cour Constitutionnelle contre l’avortement aux Etats-Unis… On n’est pas sorties de l’auberge, on est en train de voir se réveiller un mouvement de fond qui était peut-être un peu dormant, mais qui est bien présent. L’article sur les masculinistes qui vient de sortir dans Le Monde est flippant, c’est vraiment des jeunes. En plus, ils sont bien organisés, et ils ont une rhétorique convaincante quand tu ne t’y connais pas trop.

    Les milieux de travail très féminisés sont-ils aussi sujets à l’absence de sororité et à la solidarité masculine dont tu fais état dans ton enquête ?

    En général, les hommes qui accèdent à ces milieux ont un ”ascenseur de verre” (contrairement aux femmes qui ont le “plafond de verre”) : c’est un accès plus rapide et plus facile à des postes à responsabilité, des postes de direction. C’est le cas par exemple du milieu de l’édition : il y a énormément de femmes qui y travaillent mais les hommes sont aux manettes. Le lien avec capitalisme et virilité se retrouve partout – les hommes partent avec un avantage dans le monde du travail capitaliste, souvent du simple fait qu’ils sont des hommes et qu’on leur prête plus volontiers d’hypothétiques qualités de leader.

    Dans quelle mesure peut-on étendre tes conclusions à d’autres milieux de travail ou d’autres secteurs d’activité ? Est-ce que tes conclusions sont spécifiques à la population majoritairement ouvrière et masculine, et au travail en proie à l’intensification, étudiés dans ta thèse ?

    J’ai pensé mon travail pour que ce soit généralisable à plein d’entreprises. J’ai pensé cette enquête comme étant symptomatique, ou en tout cas assez représentative de plein de tendances du monde du travail : l’intensification, l’informatisation à outrance… Ces tendances se retrouvent dans de nombreux secteurs. Je dis dans l’intro : “depuis l’entrepôt, on comprend tout.” Comme partout, il y a de la rationalisation, de l’intensification, et de la production flexible. A partir de là, on peut réfléchir aux liens entre masculinités et capitalisme. Les problématiques de violence, de harcèlement sortent dans tous les milieux, aucun milieu social n’est épargné, précisément parce qu’elles ont des racines communes.

    Comment peut-on abolir le capitalisme, le patriarcat et le colonialisme ?

    Je vois une piste de sortie, une perspective politique majeure qui est de miser sur la sororité. La sororité fonctionne différemment des boys clubs, c’est beaucoup plus horizontal et beaucoup moins hiérarchique. Il y a cette même notion d’entraide, mais elle est beaucoup plus inclusive. Ce sont des dominées qui se rassemblent et qui refusent d’être dominées parce qu’elles refusent de dominer. Il faut prendre exemple sur les hommes qui savent très bien se donner des coups de main quand il le faut, mais faisons-le à bon escient. C’est une solution hyper puissante.

    Ne pas dominer, quand on est dominante sur d’autres plans (quand on est blanche par exemple), ça revient à enrayer les différents systèmes de domination.

    Tout à fait. Les Pinçon-Charlot, on leur a beaucoup reproché d’avoir travaillé sur les dominants, et c’est le cas aussi pour les masculinités ! Il y a plusieurs types de critique : d’abord, il y a un soupçon de complaisance avec ses sujets d’étude, alors qu’il y a suffisamment de critique à l’égard de nos travaux pour éviter ce biais. Ensuite, on est souvent accusé.e.s de s’intéresser à des vestiges ou à des pratiques dépassés, parce que les groupes (hommes, ou bourgeois) sont en transformation ; en fait, les pratiques de domination se transforment, mais pas la domination ! Enfin, on peut nous reprocher de mettre en lumière des catégories “superflues”, alors qu’on devrait s’intéresser aux dominé.e.s… mais on a besoin de comprendre le fonctionnement des dominant.e.s pour déconstruire leur moyen de domination, et donner des armes à la sororité.

    https://www.frustrationmagazine.fr/entretien-rivoal
    #capitalisme #identité_masculine #travail #féminisation #précarisation #intensification #rationalisation #flexibilisation #pratiques_viriles #masculinité #codes #codes_de_masculinité #genre #classe #race #intersectionnalité #hommes #égalité_professionnelle #sexisme #discriminations #crise_de_la_virilité #turnover #instabilité #solidarité #logistique #ouvriers #ascension_sociale #déclassement #métier_d’hommes #résistance #disqualification #beauf #responsabilités #vulgarité #égalité_professionnelle #carrière #présentéisme #genre #domination_masculine #pouvoir #égalité_élitiste #hiérarchies #travail_gratuit #travail_domestique #force_physique #écoute #empathie #différence #leadership #rhétorique #endurance #déféminisation #intensification_du_travail #burnout #burn-out #cadence #masculinité_hégémonique #masculinités_subalternes #stéréotypes #indiscipline #corps #souffrance #stress #souffrance_physique #souffrance_psychique #conditions_de_travail #risques #santé_au_travail #émotions #force_mentale #primes #boys_clubs #renforcement_viril #sororité #syllogisme_des_femmes #solidarité_féminine #jugements_de_valeur #crédibilité_professionnelle #féminité #violence #harcèlement #entraide

  • La possibilité de l’écofascisme
    https://perspectives-printanieres.info/la-possibilite-de-lecofascisme
    par Antoine Dubiau

    Si la menace néofasciste n’a pas attendu les alertes du #GIEC pour se constituer, le drame climatique en cours pourrait bien lui donner un nouveau souffle, ainsi qu’une nouvelle couleur – le vert. Malgré une multitude de signaux faibles et l’existence d’un corpus théorique suffisamment profond pour soutenir une telle reconfiguration idéologique, le double processus d’écologisation du #fascisme et de fascisation de l’écologie n’est pas encore une réalité massive qu’il ne serait possible de constater qu’avec impuissance. C’est un mouvement en germe dont les prémisses idéologiques peuvent encore être détruites, en comprenant ses fondements, son ancrage organisationnel et les voies par lesquelles il se déploie aujourd’hui.

    Prêter attention à ces écologies politiques d’#extrême-droite, en repérant ses multiples manifestations et les dangers qu’elles représentent, pourrait s’avérer utile sur le plan #antifasciste comme écologiste lui-même. Cela nécessite de prendre au sérieux ces appropriations politiques de la question écologique par l’extrême-droite, non pas en les accréditant mais en les reconnaissant comme de véritables positions écologistes. Beaucoup à gauche cèdent à la tentative de qualifier de « #greenwashing » toute appropriation de la question écologique par leurs ennemis politiques : l’écologie serait intrinsèquement de gauche, par sa seule histoire. Ce récit trop grossier occulte dangereusement les autres écologies politiques. Le verdissement en cours d’organisations électoralistes longtemps hostiles à l’écologie, notamment à l’extrême-droite, n’est peut-être pas sincère (ce qui en ferait effectivement du greenwashing), mais cela importe peu. Comme il ne sera jamais possible d’avoir accès aux intentions derrière ces conceptions droitières de l’écologie, ce n’est pas la sincérité de l’extrême-droite pour l’enjeu écologique qui compte, mais bien l’effet de son discours écologique. La construction de ce dernier est à chercher en-dehors des formes visibles de l’extrême-droite, car ce n’est pas au sein du #Front National que furent théorisées ces écologies politiques réactionnaires.

    En France, dans les années 70, une large nébuleuse idéologique d’extrême-droite s’est constituée autour de quelques organisations intellectuelles et d’une constellation de revues philosophico-politiques. L’organisation la plus visible ayant structuré cette nébuleuse fut le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), fondé en 1969. Trois revues sont directement liées à celui-ci – Éléments, Nouvelle École et Krisis – tandis qu’une multitude d’autres publications (pérennes ou temporaires) ont accompagné la structuration idéologique de cette mouvance d’extrême-droite. Dans l’espace médiatique, cette dynamique droitière reçut l’appellation de « Nouvelle Droite » par analogie avec d’autres mouvances intellectuelles et politiques contemporaines qui reçurent le même qualificatif. Plusieurs traditions politiques s’y croisent, souvent rassemblées en quatre tendances distinctes – le traditionalisme anticatholique, le #néoconservatisme, le #communautarisme ethniste et une forme particulière de positivisme, voire de scientisme – par les observateurs extérieurs, sans que cette classification ne soit officielle. C’est de cette pluralité théorique qu’émergera, plus ou moins directement, une conception #réactionnaire de l’écologie politique, influencée par les thèses fortes de plusieurs tendances précitées.
    Le philosophe Alain de Benoist fut (et reste) la principale figure de la mouvance néo-droitière. Celui-ci joue à la fois le rôle de façade respectable et de modérateur entre les différentes tendances, au carrefour desquelles il s’est lui-même toujours situé – malgré quelques revirements idéologiques lors des 5 dernières décennies. Sous une multitude de pseudonymes (qui n’ont probablement pas tous été identifiés), il participa à plusieurs médias grand public comme Le Figaro ou France Culture, et publia de nombreux ouvrages, y compris chez des éditeurs d’importance (comme Albin Michel ou Robert Laffont). Il illustre ainsi la stratégie métapolitique du « gramscisme de droite » qui caractérise la Nouvelle Droite, qu’il a lui-même rethéorisée et appliquée : diffuser, dans l’imaginaire collectif, les « valeurs » et idées de l’extrême-droite, préparant sa future réussite politique par son hégémonie culturelle. Derrière Alain de Benoist, de nombreux autres théoriciens fascistes ont suivi cette stratégie, comme Guillaume Faye, dont les thèses #identitaires semblent aujourd’hui hégémoniques dans l’espace médiatique. En effet, le mouvement #identitaire contemporain recycle largement les thèses fondatrices de la Nouvelle Droite dans son discours fictionnel sur le « choc des civilisations » ou le #grand_remplacement. Le #racisme derrière ces concepts n’est plus pseudo-biologique mais ethno-différentialiste, revendiquant la préservation de l’héritage culturel européen face à sa supposée dissolution par l’arrivée de populations jugées ethniquement allogènes. Cette culturalisation du racisme, alors débarrassé (en façade) de ses justifications pseudo-biologiques, résulte directement du travail idéologique de la Nouvelle Droite. L’écologisation du socle idéologique de la mouvance néo-droitière semble s’ancrer dans ce virage culturaliste, mais rend en réalité évident le continuum entre racismes biologique et culturel dans les théories politiques de l’extrême-droite.

    Le parcours intellectuel d’Alain de Benoist lui-même permet de comprendre la montée en puissance de la question écologique au sein de la Nouvelle Droite : initialement acquis au #scientisme technophile, qui constitue l’une des quatre tendances historiques de la mouvance, le philosophe a par la suite mis en cohérence les différences facettes de sa pensée en synthétisant, par l’écologie, ses visées traditionalistes/païennes et communautaristes sur le plan ethnique. Au milieu des années 70, l’écologie est en effet apparue comme cohérente avec le rejet romantique de la modernité d’inspiration chrétienne qui fondait déjà certaines thèses néopaïennes de la Nouvelle Droite. La défense de la culture européenne devient dès lors écologique : les communautés humaines seraient liées à leur #environnement, dans une perspective radicalement déterministe selon laquelle l’environnement détermine la culture. Cet équilibre « naturel » entre les humain-es et leur sol serait perturbé par l’arrivée de populations non-européennes, jugées culturellement inadaptées à l’environnement local. Protéger l’environnement consisterait alors à préserver cet équilibre en empêchant l’#immigration. Le fait que cette conception politique de l’écologie fasse notamment écho aux thèses nazies – et plus généralement fascistes – sur le rapport au sol n’est absolument pas un hasard. Elle s’ancre en effet dans plusieurs mythes pseudo-scientifiques et ésotériques très structurants à l’extrême-droite, comme celui du #nordicisme, qui prétend que les populations « indo-européennes » (comprendre : blanches) ne seraient pas originaires d’Afrique comme l’ensemble de l’Humanité, mais auraient vu le jour au-delà du cercle polaire arctique. Abandonnées (en façade) par la Nouvelle Droite au profit de justifications culturelles, les justifications pseudo-biologiques refont explicitement surface avec l’écologisation des thèses fascistes sur l’origine du « peuple » indo-européen et son inscription environnementale, légitimant le recours à l’appellation d’« #écofascisme ».

  • L’envolée de la #censure des #livres aux États-Unis

    À l’automne 2021, l’#Association_américaine_des_bibliothèques a indiqué avoir reçu le nombre “inédit” de 330 #signalements. "Une hausse sans précédent", selon la responsable de l’association…

    Depuis plusieurs années déjà, quelques responsables politiques, une poignée d’éditorialistes, quelques intellectuels inquiets nous alertent sur les dangers d’une vague déferlante venue d’Amérique. La "cancel culture". Soit un pseudo "cancer" de la culture, par le truchement duquel des statues sont déboulonnées, des pièces de théâtre empêchées, certains classiques de la littérature passés au grill de la morale "gauchiste", "identitaire", "antiraciste".

    Et Maintenant ? Dans ce constat, une chose au moins se vérifie : les États-Unis sont rongés par la "cancel culture". Dans de nombreux comtés : enseignants, parents et militants exigent de concert la mise à l’index d’un nombre croissant de livres. Ainsi, à l’automne 2021, l’Association américaine des bibliothèques a indiqué avoir reçu le nombre "inédit" de 330 signalements. "Une hausse sans précédent", selon la responsable de l’association…

    Toutefois, contrairement à ce qu’on entend souvent, la #gauche et les #campus ne sont pas les premiers initiateurs de ce mouvement. Et la "cancel culture" est, très largement, l’œuvre et l’instrument du camp conservateur, qui s’attaque aux livres traitant de thèmes allant du #racisme à l’#identité_de_genre. Un exemple : à l’automne dernier, la commission scolaire d’un comté du Kansas a annoncé le retrait de la circulation de 29 livres dans les #bibliothèques_scolaires. Parmi eux : L’Œil le plus bleu de #Toni_Morrison, qui raconte l’histoire d’une jeune afro-américaine durant la Grande Dépression, raillée pour sa peau sombre. La Servante écarlate, dystopie de #Margaret_Atwood et symbole des luttes féministes. Et beaucoup d’œuvres dites progressistes ou qui portent un message, une sensibilité, d’une telle nature. Esther Cyna, docteure en civilisation américaine, spécialiste d’histoire de l’éducation et enseignante chercheuse à l’université Sorbonne Nouvelle, détaille cette tendance effarante.

    https://www.franceculture.fr/emissions/et-maintenant/et-maintenant-du-mercredi-30-mars-2022

    #conservateurs #racisme_anti-noirs #genre #sexe

    ping @isskein @karine4 @_kg_

    #Etats-Unis #USA #cancel_culture

    ping @isskein @karine4 @cede

    • … contrairement à ce qu’on entend souvent, la gauche et les campus ne sont pas les premiers initiateurs de ce mouvement. Et la « cancel culture » est, très largement, l’œuvre et l’instrument du camp conservateur, qui s’attaque aux livres traitant de thèmes allant du racisme à l’identité de genre.

    • Oui, d’où le fait que je trouve que c’est une mauvaise idée de reprendre le terme « cancel culture », terme inventé par les racistes, masculinistes et autre homophobes américains. C’est amusant ponctuellement d’en inverser le sens, mais le banaliser est par contre problématique, parce que je pense que ça entretient la confusion souhaitée par l’extrême-droite ricaine (ah ah là, nous on veut juste interdire ces livres qui veulent nous empêcher de dire ce qu’on pense).

  • Recension de « La conjuration des ego , d’Aude VIDAL, publiée sur le blog Les Ruminant.e.s | « TRADFEM
    https://tradfem.wordpress.com/2022/04/04/recension-de-la-conjuration-des-ego-daude-vidal-publiee-sur-le-bl

    Le féminisme est une lutte pour toutes les femmes et contre toutes les violences – physiques, psychologiques, verbales – qu’exercent les hommes sur les femmes. Il est incompatible avec les nombreux privilèges dont bénéficient les hommes du fait de leur domination. Que cette domination soit consciente ou pas, de nombreuses études démontrent que la vie commune hétérosexuelle bénéficie aux hommes qui profitent du travail domestique de leur compagne. Cette situation d’exploitation plus ou moins acceptée permet aux hommes de mieux réussir que les femmes dont le temps de travail et le salaire sont réduits. Les femmes, rendues dépendantes économiquement, sont plus facilement victimes de l’accaparement de leurs corps par les hommes qui profitent ainsi de services sexuels, domestiques ou reproductifs.

    Si les hommes peuvent s’approprier et dominer les femmes, c’est parce que les individus sont socialisés selon qu’ils naissent avec une vulve ou un pénis. L’homme est socialisé de telle manière qu’il pense légitime de s’approprier les femmes. Les femmes sont socialisées de façon à accepter leur asservissement. Cette différenciation binaire des sexes est socialement construite. La société divise les individus selon les deux catégories sexuelles – mâle ou femelle – auxquelles elle assigne un genre masculin ou féminin. Personne n’échappe à ces assignations binaires, elles nous façonnent et nous les intégrons malgré nous. Être une femme, c’est subir cette assignation. Puisque le genre est un fait social, une expérience collective, alors on « ne peut être une femme, quelle que soit sa naissance et son vécu, que quand on est perçue et traitée comme une femme dans la société, quand on a en partage cette expérience avec les autres membres de la classe des femmes. » (p. 53)

    C’est pour cela qu’exercer sa liberté individuelle en se définissant non-binaire ou transgenre n’apporte aucune liberté aux autres femmes. D’autant que, comme l’explique l’autrice, la personne qui s’auto-identifie à un genre revendique un genre socialement construit par et pour une société patriarcale. Les non-binaires eux-mêmes tiennent à un pronom plus qu’à un autre. C’est pourtant cette assignation des genres qui doit être combattue collectivement, dans la dimension institutionnelle mais aussi intime.

    #féminisme #identités

  • Identitarismes. Antisémitisme vs islamophobie et enjeux de la spatialité

    Cet article s’inscrit en contrepoint de l’opération politique et médiatique qui n’a cessé de structurer les oppositions de catégories ethnoculturelles entre elles et de les ériger en « identités meurtrières », selon l’expression d’Amin Maalouf. À partir du filtre d’une catégorie commune comme la spatialité qui est, d’un côté, spécifique et relative (en tant qu’elle est portée par les différents groupes sociaux et culturels), mais aussi universelle, nous voulons dépasser les identitarismes qui saturent le débat public et l‘action politique. Par spatialité, on entend une notion qui, plus que l’approche topologique du lieu, rend compte de la relativité du positionnement dans l’espace, et par l’espace, des différents acteurs sociaux. Une telle approche, en même temps qu’elle est structurelle, se doit obligatoirement d’être duelle, respectueuse d’une double focale à l’instar de celle discutée pour l’historicité. Elle se réfère à un espace qui est à la fois subjectif en ce qu’il est fondé par les acteurs eux-mêmes et objectif en ce qu’il fait appel à une approche universalisable et universaliste de l’espace.

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/04/06/identitarismes-antisemitisme-vs-islamophobie-et-enjeux-

    #politique #racisme #identité

  • L’intolérable du présent, l’urgence de la révolution - minorités et classes, entretien avec Maurizio Lazzarato
    https://lundi.am/L-intolerable-du-present-l-urgence-de-la-revolution-minorites-et-classes

    [Dans] son denier livre, L’intolérable du présent, l’urgence de la révolution - minorités et classes, [Maurizio Lazzarato] tente d’analyser le triptyque race-classe-genre sans le vocabulaire de la politique des identités. Tout l’enjeu, selon lui, est de parvenir à lier politique et économie, guerre et capital, production et destruction et de mieux comprendre comment l’exploitation des femmes et des colonies est le complément nécessaire de tout fonctionnement économique « normal ». Le retour du racisme et du sexisme peut alors se lire en parallèle de la crise économique qui ne nous quitte plus depuis quelques années.

    Maurizio : Depuis la crise de 2008, j’essaie de réintroduire dans le débat les concepts de guerre et de révolution. Ils ont été toujours au centre des préoccupations des révolutionnaires, alors que, depuis un certain temps, ils ont été marginalisés. Guerre et révolution sont les deux alternatives que le capitalisme pose encore et toujours, comme on est train de voir en ce moment. La guerre en Ukraine n’est pas celle d’un autocrate contre la démocratie, mais elle exprime les affrontements entre impérialismes qui surgissent à fin du cycle d’accumulation commencé au début des années 70 avec les guerres civiles en Amérique du Sud. Les premiers gouvernements néo–libéraux étaient composés des militaires et des économistes de l’école de Chicago. Nous retrouvons à la fin du cycle économique ce qu’il avait fait démarrer : la guerre entre États et les guerres de classe, de race et de sexe.

    En ce qui concerne la révolution, le plus grand problème qu’elle a rencontré à partir des années soixante, c’est la question de la multiplicité. Multiplicité des rapports de pouvoir, (capital-travail, hommes-femmes, blancs-racisé-e-s), multiplicité aussi des modes de production (capitaliste, patriarcal-hétérosexuel, racial-esclavagiste). Cette multiplicité n’a pas émergé en 68, elle existe depuis la conquête des Amériques qui commence en 1492, mais c’est seulement au XXe siècle que la subjectivisation politique des mouvements des colonisés et des femmes a affirmé son autonomie du mouvement ouvrier.

    Cette multiplicité a été au centre des théories critiques des années soixante et soixante-dix (les minorités chez Deleuze et Guattari, ou bien chez Foucault la population et l’individu, ou encore chez Negri la multitude comme multiplicité des singularités,) mais au prix de ce que j’appelle un refoulement du concept de classe.

    Le féminisme matérialiste français, à contre-courant de cette pensée des années soixante-dix, pense le rapport de domination des hommes sur les femmes comme rapport de classe, comme « rapports sociaux de sexe ». Ce rapport de domination ne profite pas seulement au capital, mais également aux hommes en tant que classe. De la même manière, le rapport de domination raciste ne profite pas seulement au capital, mais également aux blancs en tant que classe.

    Je crois que la « révolution mondiale » qui était devenue possible au XXe siècle (le mot d’ordre de Marx « prolétaires de tous les pays unissez-vous ! » ne concernait que quelques pays européens) a échoué parce qu’on n’a pas été capable de penser et d’organiser le passage de la lutte de classe (capital-travail) aux luttes des classes au pluriel.

    Il faut dire tout de suite que le refoulement des luttes de classe implique le refoulement de la guerre, car elles ne sont qu’une de ses modalités. La guerre entre États et les guerres de classe, de race et de sexe, ont toujours accompagné le développement du capital parce que, à partir de l’accumulation primitive, elles sont les conditions de son existence. La formation des classes (des ouvriers, des esclaves et des colonisés, des femmes) implique une violence extra-économique qui fonde la domination et une violence qui la conserve, stabilisant et reproduisant les rapports entre vainqueurs et vaincus. Il n’y a pas de capital sans guerres de classe, de race et de sexe et sans État qui a la force et les moyens de les mener ! La guerre et les guerres ne sont pas des réalités externes, mais constitutives du rapport de capital, même si nous l’avons oublié. Le capitalisme est production et guerre, accumulation et luttes de classe. Donc il ne faut pas abandonner le concept de classe, mais le reconfigurer.

    H : Quelle différence y a-t-il avec le concept marxiste de la classe ?

    M : Comme dit Fanon, il ne s’agit pas seulement de “distendre” le concept. L’élargissement du concept de classe mine son homogénéité, parce que les classes sont elles-mêmes constituées de multiplicités (des minorités) : la classe ouvrière contient des minorités raciales et sexuelles, la classe des femmes contient à son tour des femmmes riches et pauvres, blanches, noires, indigènes, hétérosexuelles, lesbiennes, etc. A cause de cette multiplicité, le sujet politique n’est pas donné préalablement comme avec la classe ouvrière, mais il est un sujet “imprévu”, dans le sens qu’il faut l’inventer et le construire. Il ne préexiste pas à son action.
    Ce concept de classe permet aussi de critiquer les politiques de l’identité, où les différents mouvements politiques sont toujours prêts à tomber : la classe des femmes, comme la classe ouvrière chez Marx, reussit sa révolution seulement si elle aboutit à sa propre abolition et avec elle l’abolition de l’assujettissement “femme”.

    [...]

    À partir des limites du concept de travail abstrait, on peut tirer plusieurs fils. D’abord un fil politique. Le XXe siècle est celui des révolutions, il n’y jamais eu autant de révolutions concentrées dans un temps si court dans l’histoire de l’humanité. Or, les ruptures les plus importantes ont été pratiquées par les colonisées et les femmes, c’est-à-dire par des sujets qui fournissaient du travail gratuit, du travail dévalorisé, du travail très mal payé. Les salariés, incarnation du travail abstrait, n’étaient pas au centre de ces révolutions. Les marxistes définissent le travail gratuit ou sous payé comme « non libre », comme « improductif », à la différence du travail industriel. Par conséquent, ce travail serait à négliger du point de vue révolutionnaire, car sans lien avec la « production ». Tout au contraire l’importance politique de ce travail s’avère énorme. Pendant tout le XXe siècle, il va mener à bien ses révolutions, tandis que, après 68, les innovations théoriques les plus significatives seront développées par les différents mouvements féministes.

    #Maurizio_Lazzarato #entretien #théorie #livre #classe #travail_abstrait #exploitation #classes #lutte_de_classe #capitalisme #guerre #révolution #racisme #race #colonisés #sexisme #rapports_sociaux_de_sexe #féminisme #colonialité #identités #politiques_de_l’identité #Combahee_River_Collective #Anibal_Quijano

    • cela me semble être un livre politique d’importance (lecture en cours),

      La remontée du racisme et du sexisme en France est moins liée à la question de la laïcité qu’au contrôle de cette colonisation interne. Le racisme et le sexisme reproduisent la violence sans médiation avec laquelle on a toujours contrôlé le travail gratuit, sous payé, précaire et les subjectivités soumises. Les démocraties européennes qui voilaient leur violence sans médiation parce qu’elle s’exerçait loin, au-delà de la mer et des océans, ressemblent de plus en plus aux USA dont la constitution matérielle coïncide avec la « colonisation interne » (l’esclavage des noirs après avoir éliminé les natifs). La démocratie la plus politique (selon H. Arendt) est la plus violemment raciste et génocidaire que l’histoire ait connu. Pour la même raison Israël a une fonction centrale dans la mondialisation : il constitue l’image parfaite de la colonisation interne qui ne cesse de déborder vers l’apartheid.

      #Hannah_Arendt (qui prend très cher, citations à l’appui)
      #Mario_Tronti #Karl_Marx

      #toctoc

    • (...) le capital, contrairement à ce que pensent beaucoup des marxistes est inséparable de l’État (et de la guerre). Le capitalisme est une machine à deux tètes, Capital et État, économie et politique, production et guerre qui, depuis la formation du marché mondial, agissent de concert. L’alliance Capital/État va progressivement s’intégrer, avec une accélération à partir de la Première Guerre mondiale, en produisant une bureaucratie administrative, militaire, politique qui ne se distingue en rien des capitalistes. Bureaucrates et capitalistes, en occupant des fonctions différentes à l’intérieur de la même machine politico-économique, constituent la subjectivation qui instaure et régule le rapport entre guerre de conquête et production, colonisation et ordre juridique, organisation scientifique du travail (abstrait) et pillage des natures humaines et non humaines. Le capitalisme a été toujours politique, mais pour des raisons différentes de celles avancées par Max Weber qui pointe l’imbrication des structures bureaucratiques et capitalistes. Le capitalisme a toujours été politique puisque, pour l’appréhension de sa constitution, il ne faut pas partir de la production économique mais de la distribution violente du pouvoir départageant qui commande et qui obéit. L’appropriation violente des corps des ouvriers, des femmes, des esclaves, des colonisés s’accompagne d’une société normative où l’État administratif et l’État souverain s’intègrent à l’action du Capital. La politique, l’État, l’armée, la bureaucratie administrative sont, depuis toujours, une partie constitutive du capitalisme.

      #Capital #État #guerre

    • Le changement fondamental du capitalisme au XXe siècle n’a pas été la crise financière de 1929, mais la Première Guerre mondiale (1914). La destruction est une condition du développement capitaliste (Schumpeter l’appelle « destruction créative »[créatrice, ndc]) qui, avec la « grande guerre » de relative devient absolue. La guerre de 1914 introduit une grande nouveauté : l’intégration de l’État, de l’économie des monopoles, de la guerre, du travail, de la société, de la science et de la technique dans une méga machine de production pour la guerre, une « mobilisation totale » pour la « production totale » finalisée à la destruction.
      Ernst Jünger dit dans La mobilisation totale, en 1930, que la guerre ressemble moins à un combat qu’à un énorme processus de travail. On crée, à côté des armées qui se battent au front, l’armée des communications, des transports, de la logistique, l’armée du travail, de la science et de la technique etc., pour envoyer 24h sur 24h le produit de cette mega-production, au front qui constitue le marché, lui aussi mécanisé et automatisé, où tout se consomme (se détruit)

      H : La guerre totale en est l’expression.

      M : Totale veut dire que c’est la totalité de la société qui est impliquée dans la production. La subordination de la société à la production n’a pas eu lieu dans les années 50 et 60, mais pendant la Grande Guerre. Ce que Marx appelle General Intellect naît à ce moment et il est marqué, et il le sera toujours, par la guerre.
      La « mobilisation » totale détermine un grand saut dans la production et dans la productivité, mais production et productivité sont pour la destruction. Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme la production est « sociale », mais elle est identique à la destruction. L’augmentation de la production est finalisée à une augmentation de la capacité de détruire.

  • Le Piège identitaire - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Le-Piege-identitaire

    un ouvrage critique des tendances de la gauche à servir les besoins de reconnaissance des minorités tout en abandonnant toute prétention à lutter contre l’organisation socio-économique qui permet l’exploitation des travailleurs et travailleuses. Résumé comme ça, le livre semble rejoindre le lot de ces nombreuses imprécations moqueuses et convenues contre les « racialisateurs », les féministes post-modernes ou les poses de la bourgeoisie de gauche dans l’espace public. Mais l’exercice est bien plus subtil et cette publication, traduite et légèrement adaptée au contexte français de 2022 par Patrick Marcolini (1), est une réussite. Car il ne s’agit pas pour l’auteur de déclarer la nullité des demandes des groupes sociaux minorisés (femmes, personnes non blanches, LGBT, etc.) mais de les articuler à une critique sociale plus large et vigoureuse, celle d’un capitalisme en roue libre, qui ne rencontre plus guère d’opposition dans les sociétés européennes.

    […]

    Mais, contrairement à la vieille gauche avec ses fronts tellement secondaires qu’ils sont à vrai dire sommés de disparaître, Bernabé refuse de jouer la lutte des classes contre les luttes pour la reconnaissance, tant le symbolique et le matériel sont imbriqués : il est « difficile de séparer les questions de représentation et de redistribution, parce que les discriminations fondées sur le genre, la couleur de peau, l’orientation sexuelle sont fréquemment liées à l’exploitation économique » et à des violences bien matérielles. Parmi les activistes de la « diversité », il en crédite certain·es qui réussissent cette articulation (c’est possible, je citais ici quelques chantiers féministes qui ont pris à bras le corps ces questions), sans perdre trop de temps à conspuer les autres. Car dans l’impasse actuelle, il n’identifie pas seulement l’impuissance de la gauche à remettre en cause un ordre économique toujours plus dur et inégalitaire. Il s’inquiète surtout d’une montée du fascisme qui profite de chaque posture aux accents moralisateurs et bienveillante envers les minorités pour faire polémique et se poser en défense de la majorité opprimée ou en seule critique libre du « système » : « Le pire est que la plupart des gens ne perçoivent pas cette instrumentalisation hypocrite de la diversité. Ils y voient juste de la discrimination positive, ce qui finit par se retourner contre les groupes minoritaires eux-mêmes ». Tout en donnant à l’extrême droite une image subversive. Le peuple de gauche, coincé dans l’ornière néolibérale, ne semble avoir pour seule alternative que l’indignation.

    #recension #identité #social #politique #Daniel_Bernabé #Aude_Vidal

  • ¡Yo soy Boricua ! Travail identitaire et stratégies d’élévation collective chez les Portoricains de #New_York
    https://metropolitiques.eu/Yo-soy-Boricua-Travail-identitaire-et-strategies-d-elevation-collect

    Les Portoricains de New York forment un groupe minoritaire en lutte contre les discriminations. Audrey Célestine montre comment ce groupe se réapproprie l’entre-soi imposé par les institutions sur le modèle de l’entraide communautaire afro-américaine et hispanique. Dossier : Espaces non mixtes : l’entre-soi contre les #inégalités ? Citoyens américains d’un territoire colonisé depuis la fin du XIXe siècle, les Portoricains installés à New York subissent la pauvreté et le racisme. Comme l’ensemble des #Terrains

    / #Puerto_Rico, New York, identité, inégalités, #discrimination

    #identité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_celestine.pdf

  • Kiffe ta race

    Pourquoi le mot « race » est-il tabou ? Qu’en est-il quand on est, à la fois, victime de discriminations raciales et sexuelles ? Comment assumer son identité plurielle ? Un mardi sur deux, Rokhaya Diallo et Grace Ly reçoivent un·e invité·e pour explorer les questions raciales sur le mode de la conversation et du vécu.

    https://www.binge.audio/podcast/kiffetarace

    #podcast #race #racism #discrimination #identity