• A Marseille, le pape François lance un appel vibrant en faveur des migrants : « Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par le fanatisme de l’indifférence »
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    A Marseille, le pape François lance un appel vibrant en faveur des migrants : « Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par le fanatisme de l’indifférence " Par Sarah Belouezzane(Marseille, envoyée spéciale) et Gilles Rof(Marseille, correspondant)
    La mer d’un bleu profond, baignée de soleil, se découpe derrière la silhouette de la croix camarguaise. Le monument installé à l’ombre de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, sur les hauteurs de Marseille, en l’honneur des marins et des migrants morts en mer, semble veiller sur l’immense étendue, à défaut d’avoir pu servir à les sauver. Entouré de responsables marseillais de toutes les religions et de personnalités impliquées dans l’aide aux réfugiés, François a choisi ce mémorial pour donner un discours très marquant en cette première journée à Marseille, vendredi 22 septembre. Avec en tête l’un des sujets qui lui tient le plus à cœur depuis le début de son pontificat : la question migratoire. « Devant un tel drame, a-t-il prévenu vendredi, les mots ne servent à rien. » Il faut « des actes », a-t-il martelé, considérant que l’Europe, l’humanité sont à « un carrefour des civilisations » face à une tragédie « qui ensanglante la Méditerranée ».
    En venant dans la cité phocéenne, ville de métissage à l’histoire marquée par différentes vagues d’immigration, le pape avait prévu de mettre l’accent sur la question des réfugiés. Un sujet qui a jalonné dix ans d’un pontificat tourné vers les marges et les fractures : de Lampedusa, en Italie, à Lesbos, en Grèce, en passant par l’avion qui le ramenait du Portugal en août et aujourd’hui dans la cité phocéenne, le chef de l’Eglise catholique ne manque jamais de tonner contre ce qu’il appelle « la guerre de ce temps ». Une expression pour rendre compte de l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui se joue en Méditerranée depuis une décennie. Dans l’avion qui le menait à Marseille, le souverain pontife a prévenu : « J’espère avoir le courage de dire tout ce que je veux dire. » Comme un avertissement de la puissance du discours qu’il allait délivrer quelques heures plus tard. Sans doute le plus fort depuis le cri qu’il avait poussé lors de sa visite d’un camp de migrants sur l’île de Lesbos en 2021.
    Devant cette mer si bleue, théâtre de tragédies sans cesse renouvelées ces dix dernières années, il a bien sûr rendu un vibrant hommage à ceux qui trouvent la mort en tentant de se rendre en Europe avec l’espoir d’une meilleure vie. Mais il a surtout appelé le Vieux Continent à un sursaut collectif obéissant à un « devoir d’humanité ». Vendredi, les mots étaient forts. « Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés », a tout de suite précisé un François visiblement ému, avant de lancer : « Ne nous habituons pas à considérer les naufrages comme des faits divers et les morts en mer comme des numéros. » « Non ! », a-t-il tonné, ce sont « des noms et des prénoms », « des visages et des histoires », « des vies brisées et des rêves anéantis ».
    Appelant les présents à observer une minute de silence, François a regretté que « cette mer magnifique » soit devenue « un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe », « où seule est ensevelie la dignité humaine ».Conscient du contexte politique tendu dans lequel il vient délivrer son message – l’île de Lampedusa faisant face à un afflux de migrants massifs depuis la mi-septembre –, le pape a adressé un avertissement à tous ceux qui auraient la tentation d’ignorer le problème ou de le voir sous un angle autre qu’humanitaire. « Nous sommes à un carrefour », a-t-il ainsi prévenu. D’un côté, « la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine », de l’autre « l’indifférence, qui ensanglante la Méditerranée ». L’Europe, qui voit toujours plus de migrants arriver par la mer, est à un « carrefour des civilisations », a répété le pape. Avec le choix entre « la culture de l’humanité » et celle de « l’indifférence », a-t-il insisté.
    « Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu’elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de civilisation », a-t-il ainsi appelé. Une phrase qui résonne particulièrement fort après les prises de parole récentes de l’extrême droite française contre le pape François, notamment de la part d’Eric Zemmour, le patron de Reconquête !, qui s’était demandé : « Que veut le pape ? Il veut que l’Europe chrétienne, berceau du christianisme, devienne une terre islamique ? » Le constat est simple. Alors que pour l’extrême droite, la civilisation est en danger en acceptant trop de migrants, pour François, elle est en danger lorsqu’elle refuse d’accueillir et laisse les hommes mourir. Les considérations politiques ou économiques n’ont donc pas de place devant l’urgence humaine. « Nous ne pouvons pas nous résigner à voir des êtres humains traités comme des monnaies d’échange, emprisonnés et torturés de manière atroce ; nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence », a-t-il supplié.
    Le discours prend aussi un sens particulier en France, alors le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé, le 19 septembre, le refus de l’Hexagone d’accueillir des migrants arrivés à Lampedusa, deux jours après que l’Union européenne a adopté un plan d’aide d’urgence à la péninsule. Le sujet devait sans nul doute être au cœur de l’entrevue entre François et le président de la République, Emmanuel Macron, prévue samedi matin.
    Le pape François accueilli par la première ministre, Elisabeth Borne, à son arrivée à l’aéroport de Marseille, le 22 septembre 2023.
    Assis face à des représentants d’associations d’aide aux réfugiés, et notamment des sauveteurs en mer, le pape leur a réservé un petit mot improvisé sortant de son discours écrit : « Cela me fait plaisir de voir ici ceux qui partent en mer pour sauver les migrants. » « Ceux qu’on empêche si souvent de partir les sauver », a ajouté François, en référence aux blocages légaux régulièrement imposés aux bateaux de sauvetage par le gouvernement italien. Des obstacles qualifiés de « geste de haine contre le frère » par le chef de l’Eglise catholique. Des mots salués par l’association d’aide aux migrants SOS Méditerranée. « On espérait des paroles fortes, mais ça va au-delà de ce qu’on pouvait espérer », a déclaré François Thomas, le président de l’organisation. L’association n’a pas été la seule à être profondément marquée par l’ardent appel du pontife en faveur des migrants. Présente parmi les invités, sœur Marie-Joseph Biloa tient une permanence consacrée à l’aide des migrants à la chapelle Saint-Pierre-Saint-Paul dans le 18e arrondissement de Paris. Elle qui dit ne plus supporter qu’« autant de personnes soient privées de leur dignité » voit en la venue du pape et en son discours « un moment fort d’encouragement pour [eux] qui so[nt] sur le terrain ». « Il vient nous stimuler dans une tâche harassante, difficile, dont on ne voit pas le bout, confie-t-elle. Il nous dit “tenez bon” car c’est la vocation de l’Eglise que de s’occuper de toute personne qui est en détresse. » A côté d’elle, Arthur, 22 ans. Lui a connu les affres de la migration tels que les décrit le pape. Arrivé du Cameroun à l’âge de 17 ans, il est passé par la Libye, a traversé la Méditerranée pour atteindre l’Italie, avant de passer la frontière et d’aller en train et à pied jusqu’à Paris, où il a d’abord vécu dans la rue. Sa rencontre avec la religieuse est « l’effet du Seigneur », dit-il souriant. Pour lui, la présence du pape et l’accent mis sur un sujet aussi sensible sont une « initiative salutaire ». « Il faut que les chrétiens s’impliquent aussi. Si les gens s’y mettent un peu, ça peut changer les choses », veut-il croire.
    Venu du quartier voisin de Castellane, et posté dans la montée du boulevard André-Aune (6e arrondissement) pour guetter l’arrivée du pape un peu plus tôt dans l’après-midi, Nicolas Kaczmarek, 19 ans, a déjà vu François. Il y a quelques semaines seulement, le jeune Marseillais, moulé dans un tee-shirt bleu à l’effigie de l’Olympique de Marseille, s’est rendu aux Journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne. Il réfléchit à haute voix : « Je ne sais si les mots du pape auront un effet, mais il a bien choisi l’endroit pour parler de la question des migrants. » Quelques minutes plus tôt, Michèle Bonnaud, fervente catholique de 83 ans, fondait en larmes en voyant la voiture du pontife passer. Si elle comprend son engagement en faveur des migrants, elle ne souhaite pas « qu’il aille contre ce que veut faire le gouvernement ». Pour cette retraitée du domaine de la santé, « Marseille ne peut plus accueillir d’autres migrants ». « Il y en a trop déjà ! », assure-t-elle. Comme un écho à toutes les polémiques qui traversent la France en particulier, et l’Europe en général.

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  • A Beaucaire, bastion du RN, la difficile intégration de Sud-Américains corvéables à merci
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    A Beaucaire, bastion du RN, la difficile intégration de Sud-Américains corvéables à merci
    Par Alexandre Duyck, avec Eric Besatti
    Depuis une dizaine d’années, Equatoriens, Colombiens, Vénézuéliens sont les forçats des exploitations de fruits de Beaucaire, une ville du Gard dirigée par le Rassemblement national. Cette communauté grandissante reste en marge alors qu’elle contribue à faire vivre l’économie locale.
    Ils sont des centaines, un samedi soir d’été. Nous sommes en Provence, le Rhône ne coule pas loin. Une sorte d’immense parking perdu tout au bout d’une piste cabossée, impossible à trouver si on ne connaît pas. Tout le monde parle espagnol, les corps dansent au son d’une musique latine balancée par des haut-parleurs.(...)
    La bière, blonde et légère, coule à flots, les gamins jouent, tout le monde parle fort. Sur quatre terrains improvisés, on joue au volley-ball, à trois contre trois, tel qu’il se pratique en Equateur. Plus loin, deux équipes de football s’affrontent, les jaunes finissent par l’emporter aux tirs au but et posent pour la photo accompagnés d’un énorme pitbull. Entre eux, ils nomment ce lieu la Cancha, le « terrain ». Il y a quatre ans encore, la fête hebdomadaire se déroulait sur le grand parking du champ de foire de la ville de Beaucaire (Gard). Mais le maire Rassemblement national (RN), Julien Sanchez, leur a demandé de partir. Le 8 septembre, la mairie d’Arles (Bouches-du-Rhône), dont dépend le terrain vague, les a aussi sommés de se mettre en conformité avec la réglementation sous peine d’être expulsés. « Ce lieu, c’est notre moment de retrouvailles et de joie chaque semaine, c’est très important pour nous de venir ici », explique en espagnol le capitaine de l’équipe de foot victorieuse, prénommé Soto, 25 ans, dont huit passés en France.
    Le soleil commence à décliner, une armada de moustiques surgit, mais ne décourage pas le père Ronald Niño, aumônier de la communauté latina, de célébrer en espagnol la messe en plein air. L’autel est kitsch, arche de fleurs en plastique, portrait géant de Jésus sur fond rose pastel. Le padre, qui parle un français impeccable, est arrivé de Colombie il y a trois ans. En septembre 2022, l’évêque de Nîmes le nomme à Beaucaire.
    Pile en face, sur l’autre rive du Rhône, Tarascon (Bouches-du-Rhône), elle aussi, compte son château et son curé sud-américain, venu du Venezuela. A la différence de nombre de leurs confrères, aucun des deux n’a de mal à remplir son église… Depuis une dizaine d’années, les deux villes voient s’installer une population venue d’Amérique du Sud toujours plus nombreuse.
    Beaucaire surtout, et ses seize mille habitants, où l’on croise, en fin de journée, de nombreux Equatoriens mais aussi des Colombiens ou des Péruviens qui rentrent du travail. Le maire, Julien Sanchez, vice-président du RN, élu en 2014, admet ne pas connaître leur nombre. « Les services de l’Etat eux-mêmes n’en ont aucune idée. Avant la pandémie, ils pensaient qu’il y avait de soixante-dix à quatre-vingts personnes en centre-ville. Au moment du Covid-19, nous avons eu une estimation à environ huit cents Sud-Américains. » Principal opposant politique (gauche sans étiquette) à l’équipe municipale, Luc Perrin semble plus près des vrais chiffres en parlant de « peut-être trois mille ou quatre mille personnes ». « Dans certaines écoles, je pense qu’il y a au moins 30 % d’enfants latinos », ajoute-t-il. L’immense majorité des adultes travaillent dans les champs à ramasser abricots, pêches, nectarines, raisins, tomates et dans les ateliers de conditionnement.
    A la fin de l’année 1999, le secteur bancaire et financier équatorien s’effondre. Le pays (peuplé aujourd’hui de dix-huit millions d’habitants) perd 15 % de sa population, qui migre massivement en Espagne. Aussi, dix ans plus tard, quand les producteurs de fruits du sud-est de la France annoncent qu’ils manquent de bras, les sociétés espagnoles de travail temporaire spécialisées dans l’agriculture, comme Terra Fecundis et Laboral Terra, font venir par bus, année après année, des dizaines de milliers de Sud-Américains. Santiago Pichazaca Pinguil, arrivé en Espagne il y a trente-trois ans, a ainsi débarqué à Beaucaire parmi les premiers, en 2013. Tee-shirt de l’équipe de France de football sur le dos, il explique qu’à l’époque les Sud-Américains se comptaient sur les doigts des deux mains. « Nous n’étions que des hommes, aucune famille. Puis une est venue, puis deux, puis trois… »
    Attablée en terrasse au pied du château de Beaucaire, Consuelo, qui ne souhaite pas donner son nom, 36 ans, est arrivée le 7 janvier 2020. Sa mère était déjà là, elle aussi immigrée, arrivée par Terra Fecundis. « Elle me disait que Beaucaire, comparée à l’Espagne, c’était plus vert, que l’architecture y était plus jolie, la ville plus ancienne, il y avait du travail, les Français payaient mieux, se comportaient bien avec nous. » Elle travaille dans une entreprise de fruits. Contrairement à une majorité de ses compatriotes qui ont fini par obtenir la nationalité espagnole, et donc le droit de travailler n’importe où au sein de l’Union européenne, elle ne détient pas de titre de séjour et sa demande de régularisation a été rejetée par la préfecture du Gard. Une obligation de quitter le territoire d’ici à novembre lui a été signifiée. Elle n’en dort plus la nuit, s’inquiète pour l’avenir de ses deux garçons, 10 et 16 ans, qui parlent couramment le français trois ans après leur arrivée.
    Le plus jeune, Julian, voudrait devenir policier ou vétérinaire : « J’aime l’école, on se fait des amis, on apprend beaucoup de choses et ce que je préfère c’est le calcul. » Ses parents l’ont scolarisé dans une école privée pour qu’il ne soit pas tenté de parler espagnol à la récréation. Consuelo s’en remet désormais à Dieu pour échapper à l’expulsion : « J’espère qu’Il va illuminer les gens de la préfecture. Je crois aux miracles. Mais j’ai du mal à comprendre : je travaille, je cotise, je ne fais rien de mal, les enfants vont à l’école… Pourquoi ne pouvons-nous pas rester ? » A ses proches restés en Equateur qui eux aussi aimeraient venir, elle répond que la France « est un pays très agréable pour vivre et travailler, mais compliqué pour les papiers. Alors qu’ils ont besoin de nous ».
    Dans certaines entreprises de la région spécialisées dans les fruits, on ne compte aucun Français parmi les employés, à l’exception des dirigeants. L’élu d’opposition Luc Perrin, ancien exploitant agricole, proteste : « Ici, on dit à ces gens : “Vous pouvez venir travailler, mais qu’on ne vous voie pas !” On les maintient à l’abri des regards. Je n’arrête pas de dire au maire : “Arrêtez de tourner le dos à cette population, intégrez-la !” »
    A une quinzaine de minutes du centre-ville, sur la commune de Jonquières-Saint-Vincent (Gard), des centaines de Sud-Américains travaillent dans l’entreprise Mas rouge, codirigée par Salvatore Zoroddu, aux faux airs de Lino Ventura. C’est son père, venu de Sardaigne, qui s’est lancé dans la culture des fruits, en 1974, en achetant là 8 hectares. Les champs courent aujourd’hui sur 350 hectares et la société emploie, en haute saison, jusqu’à cinq cents personnes, dont au moins 75 % d’étrangers.
    Dans l’immense atelier où les employés déposent et vérifient les nectarines dans des cagettes, on ne parle qu’une seule langue, l’espagnol, que le patron maîtrise couramment. « Je crois que j’ai été le premier à faire travailler des Latinos, se souvient Salvatore Zoroddu. Au début des années 2000, on a eu une grosse pénurie de main-d’œuvre, j’appelais Pôle emploi, qui me disait déjà “on n’a personne”. » Il travaille alors avec les entreprises espagnoles d’intérim, surtout implantées dans la région de Murcie (Sud-Est). « Et puis l’inspection du travail a mis son nez dans les affaires, c’est devenu compliqué et j’ai arrêté de passer par ces intermédiaires. Ça fait plus de dix ans que je recrute tous les salariés en direct », assure-t-il.
    Salvatore Zoroddu, à la tête d’une société de production de fruits, a longtemps travaillé avec des sous-traitants espagnols qui lui assuraient une main-d’œuvre sud-américaine pour la récolte.Il garantit que tous ses employés sont en règle, dotés de la nationalité espagnole ou, pour les Marocains, d’un document délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. « Toutes les heures supplémentaires sont payées. Attention, c’est dur comme travail ! Mais regardez, à la fin, pour certains, ça fait ça… » Il montre une fiche de paye : 3 032 euros net pour deux cent quarante-sept heures travaillées dans le mois (soit environ dix heures de travail par jour, six jours sur sept). Le salaire moyen en Equateur est de 475 euros. « C’est comme partout, il y a de tout, mais, dans l’ensemble, ce sont des gens très travailleurs et consciencieux. » Il assure que certains matins, des personnes arrivant directement d’Espagne viennent sonner à la porte de l’entreprise avec leurs valises encore dans la voiture.
    Beaucaire est une ville-musée, riche de sublimes hôtels particuliers de style Renaissance. Mais la cité a perdu sa splendeur d’antan. Si le bord du canal est plutôt vivant, on ne compte pas les boutiques fermées rue Nationale, l’artère principale, où se trouvent deux commerces qui, eux, marchent bien : le restaurant colombien Sabor latino, où l’on mange notamment un plat à base de porc, de crevettes, de riz et de poivrons, où l’on boit des boissons sud-américaines, comme le Pony malta ; et l’épicerie Tienda latina, où l’on trouve piments, avocats, bananes plantain, manioc, glaces au fromage, préparations instantanées et toutes les sauces possibles et imaginables.
    Pablo Abad Cuenca a ouvert sa boutique, la première latina de la ville, il y a sept ans. Avant, il travaillait dans des plantations de café en Equateur. « On m’avait dit qu’à Beaucaire il y avait plein de compatriotes, mais aucun magasin pour eux. » Son épicerie ne désemplit jamais, séduisant aussi des clients français attirés par le choix de fruits et de légumes.« Le problème, c’est que c’est trop petit. J’ai 90 mètres carrés ici, il faut que je m’agrandisse. J’avais l’accord de la banque pour un local de 200 mètres carrés dans la rue, mais la mairie s’y est opposée, ils ont préempté le lieu. Ils disent qu’ils ne veulent pas d’autres commerces latinos alors qu’il y a tellement de magasins fermés dans le centre ! » Le maire élude : « Je ne sais pas de quoi vous parlez. »
    Y aurait-il deux populations à Beaucaire, ville que le Rassemblement national a choisie pour y tenir sa rentrée politique le week-end du 16 septembre en présence de Marine Le Pen et de Jordan Bardella ? En trop grand nombre, pas assez intégrés, buvant trop… certains Beaucairois ne sont pas tendres avec les Sud-Américains. « Quand nos parents sont arrivés, il n’y avait rien, déplore un fils de harkis. Encore aujourd’hui, tu dis que tu manges hallal, c’est mal vu. Alors qu’eux, à l’Intermarché, ils disposent d’un rayon immense avec tous leurs produits. » Dans la pharmacie de Saïd Ouhdouch, au bord du canal, des clients expriment leur colère à voix basse : « On a un maire qui appartient à un parti qui ne veut plus d’étrangers alors qu’ici il n’y en a jamais eu autant. Comment est-ce possible ? » Une femme explique qu’elle a beaucoup aidé, bénévolement, les premiers arrivés, mais qu’aujourd’hui « il y a trop de soucis, ils font trop de bruit, ils jettent tout par terre, ils boivent… Pas tous, bien sûr. Les familles récemment arrivées s’intègrent bien et les enfants parlent de mieux en mieux le français. » Sa fille est plus radicale : « Faut tous les faire partir ! » En attendant, elle s’est installée à l’autre bout de la France. « Je n’en pouvais plus de Beaucaire. » Saïd Ouhdouch se veut plus nuancé : « Oui, il y a des problèmes. Des vols dans ma boutique, de la prostitution, des hommes qui boivent beaucoup trop. Des gens qui pensent que nous sommes obligés de parler espagnol. En même temps, tout le monde n’est évidemment pas comme ça, beaucoup sont très gentils. Et puis, il faut dire les choses, ils font vivre les commerces du centre-ville. »
    Par exemple, le studio de photographie de la rue Nationale. Issu d’une famille d’origine espagnole, son patron, David Bascuñana, se plaint lui aussi d’incivilités. Des personnes entrent, selon lui, dans la boutique sans un mot de politesse, en lançant seulement « Foto ! ». D’autres boivent dès le matin sur son perron. Il habite sur le canal et assiste presque quotidiennement à des scènes d’ivresse sur la voie publique. « Mais je ne veux surtout pas généraliser. Il y a aussi une minorité qui parle bien le français, fait beaucoup d’efforts, participe à la vie de la société et veut donner une meilleure image de la communauté. » Le fait que certains partent travailler en Espagne en hiver et perçoivent quand même les allocations chômage revient aussi souvent. « Je vais vous dire la vérité, prévient Salvatore Zoroddu. J’entends évidemment, et de plus en plus souvent, dire tout ça. Que certains perçoivent le chômage les mois où ils ne travaillent pas chez moi, alors qu’en vrai ils bossent ailleurs, cela me choque. Mais c’est la faute du système, pas des gens. Pour le reste, c’est un processus d’immigration comme tant d’autres avant. Et puis, surtout, heureusement qu’ils sont là ! Sans ces gens, plus personne ne mangerait un fruit. »
    Un employé marocain croisé dans les vignes, sous un soleil à défaillir, en sourit : « Les Français, quand ils viennent, ils restent un jour, deux parfois, et le troisième ils ne sont plus là. » Le Gard compte pourtant parmi les départements les plus frappés par le chômage en France. Selon Pôle emploi, fin juin, on dénombrait neuf mille sept cent trente-six demandeurs d’emploi inscrits sur le bassin de Beaucaire. Alors qu’en un an les offres de postes dans l’agriculture y ont augmenté de 108,3 %. Un métier en tension qui pourrait profiter de la régularisation des sans-papiers prévue dans le futur projet de loi immigration qui hérisse le RN.
    En attendant, beaucoup profitent de la précarité de la situation de ces travailleurs immigrés. A commencer par les entreprises espagnoles qui se chargent de les recruter, de les conduire en France et de leur fournir un emploi, parfois sans contrat de travail. Un marché souvent organisé dans des conditions inhumaines et qui leur rapporte des centaines de millions d’euros. En 2011, au Domaine des Sources, au sud d’Avignon, Iban Elio Granda Maldonado, 33 ans, meurt de déshydratation sur le lieu de son travail. Les associations, la presse locale, notamment la revue d’enquête L’Arlésienne ou Le Ravi, les services de l’Etat recueillent un nombre incalculable de témoignages accablants sur les conditions de travail dans les exploitations agricoles. Ils racontent l’interdiction de prendre la moindre pause pour aller aux toilettes, de se redresser pour soulager son dos meurtri, les heures supplémentaires non payées…
    En 2020, des clusters de Covid-19 sont découverts parmi les ouvriers agricoles de la région. Interrogé à l’époque par Le Monde, un d’entre eux s’emporte : « On est traités comme des animaux ! » En 2021, Terra Fecundis (devenue Work for All) est condamnée par le tribunal de Marseille à 500 000 euros d’amende et à des peines de prison avec sursis à l’encontre de plusieurs de ses dirigeants ou ex-dirigeants pour ne pas avoir respecté la réglementation européenne sur le travail détaché. Puis, l’année suivante, à plus de 80 millions d’euros de dommages et intérêts à verser à l’Urssaf pour compenser le préjudice lié au non-paiement de cotisations sociales. Dans la région ou en Camargue, on voit désormais arriver massivement d’autres travailleurs, africains cette fois-ci, trimballés à leur tour depuis l’Espagne. « Ces entreprises [d’intérim] sont toujours là, sous d’autres identités et d’autres formes, c’est de l’esclavagisme moderne », se désole Luc Perrin.
    Dans l’immense atelier du Mas rouge, Maritza Delgado, 39 ans, vérifie l’état des nectarines placées dans des cagettes. Arrivée d’Equateur en Espagne, où elle a obtenu la nationalité espagnole, elle s’est ensuite installée dans la région, il y a dix ans. Elle ne regrette pas sa décision d’avoir quitté son pays et sa terrible crise économique. (..) Au milieu des vignes, Luis Tuarez, 49 ans, depuis douze ans en France, travaillait dans le textile en Equateur, où il a laissé son épouse et leurs trois enfants. Il rentre chez lui une fois par an, parfois une fois tous les deux ans. Ni Maritza ni Luis ne sont réellement intégrés à la vie de Beaucaire. Aucun des deux ne parle français. Si les enfants parviennent à maîtriser la langue en à peine un an, l’immense majorité des adultes ne la pratique pas, ou très mal, même après des années de présence. Les hommes, surtout. « Certaines semaines, nous avons tout de même cent cinquante personnes à la fois à nos cours de français, explique Marie Sanchez, responsable du Secours catholique de Tarascon. Mais je me mets à leur place. Quand tout le monde, vos collègues, vos chefs, parlent espagnol ; que vous avez travaillé dix heures dans la journée à ramasser des fruits, vous n’avez pas forcément la force ou le temps d’apprendre une langue étrangère. J’ai des élèves qui viennent quand même et qui, littéralement, tombent de sommeil sur la table. »
    En Uruguay, Santiago Pichazaca Pinguil était professeur dans un collège. A 63 ans, il ramasse des fruits, souvent six jours par semaine. Depuis un an, il apprend le français : « Le principal obstacle que j’ai rencontré dans ma vie, c’est la langue, pas le travail. » En 2016, avec d’autres, il crée l’association Latinos sin fronteras. « Nous faisons face à de nombreux obstacles : problèmes de logement, ouverture de compte à la banque, couverture sociale… Peu nombreux et isolés, nous n’avions pas d’impact. Quand on sollicitait les autorités locales, la seule réponse à nos questions était : “On va vous écrire.” » Il l’assure : les choses ont changé. La nouvelle génération arrivée pour travailler, et dont les enfants vont à l’école, apprend le français et ne voudra pas repartir. Mais elle a besoin d’aide. « Il nous faudrait un local où l’on pourrait recevoir des cours de langue en échange, par exemple, de cours de danse, de couture, de cuisine… On pourrait inventer plein de choses, veut croire Santiago Pichazaca Pinguil. Nous ne voulons plus être considérés seulement comme des outils de production. Nous demandons à faire pleinement partie de la société dans cette ville. » Face aux banques, aux agences immobilières ou aux compagnies d’assurances qui affichent sur leurs vitrines en français et en espagnol « merci de venir impérativement avec un traducteur si vous ne parlez pas la langue », certains habitants se font payer plusieurs dizaines d’euros pour jouer les traducteurs durant quelques minutes et plusieurs centaines pour remplir un dossier administratif ou accompagner quelqu’un à la préfecture. L’opposition au conseil municipal réclame la mise en place de traducteurs, d’écrivains publics, de médiateurs… Qu’un dialogue s’installe pour mettre fin aux bagarres qui se produisent régulièrement le vendredi ou le samedi soir le long du canal, dans le centre-ville, quand certains Latinos abusent de l’alcool.
    Le maire se défend de ne rien faire : « Avec une équipe de bénévoles, la mairie propose des cours de français aux Latinos qui souhaitent s’intégrer, à mon initiative. Cela n’a aucun coût pour la collectivité, car je considère que la gestion de la politique d’immigration n’a pas à incomber à la commune. » Que répond-il aux entreprises qui disent ne pas avoir d’autre choix que de recourir à cette main-d’œuvre étrangère, faute de devoir fermer boutique ? Ne faudrait-il pas accueillir dignement les salariés et leurs familles ? « Personne ne peut nier la pénurie de travailleurs français dans le domaine agricole. Néanmoins, ce n’est pas une fatalité. Comment se satisfaire de devoir importer des travailleurs manuels ? C’est juste dingue ! »
    En attendant, le comité de quartier animé par Saïd Ouhdouch, le pharmacien, a organisé un concours de la meilleure soupe, « pour rapprocher les habitants » (...). Fin septembre, le père Niño a célébré une messe en deux langues avec un curé français. Il a aussi obtenu de la mairie que ses ouailles soient impliquées dans les fêtes de la Madeleine, patronne de la ville, à l’été 2024. « Peut-être faudrait-il en effet plus d’échange », dit-il dans un euphémisme. Il y a quelques mois, Latinos sin fronteras a aussi proposé d’organiser un concert gratuit. La mairie n’a pas donné suite. A la place, cet été, les Beaucairois ont pu applaudir Les Forbans, formation de rockabilly qui connut son heure de gloire il y a quarante ans et se produit volontiers dans les municipalités dirigées par l’extrême droite.

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  • Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de #main-d’œuvre en #France

    Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
    Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins hospitaliers… Les travailleurs venus d’autres pays sont essentiels pour faire fonctionner de nombreux secteurs. Enquête sur un déni français, loin du fantasme de la submersion démographique agité par l’extrême droite.
    Par Marie Charrel
    Il se souvient des poèmes et des dessins d’enfants, des saluts depuis les fenêtres, et même des chocolats qu’un matin une jeune femme bravant le confinement lui avait offerts. Eboueur dans la petite couronne parisienne, Bakary (il préfère ne pas donner son nom) pensait que les gestes de solidarité envers sa profession durant la pandémie de Covid-19 avaient changé les choses. « Soudain, on nous célébrait, nous, les premières lignes et les immigrés, sans qui le pays ne tient pas debout », raconte cet Ivoirien de 43 ans, arrivé en France il y a quinze ans. Bakary aimerait ne pas être le seul à se souvenir des poèmes. Lui a une carte de résident, mais il s’inquiète pour ses collègues, nombreux, qui n’en ont pas. « Parfois, je suis en colère, parfois, je pleure. Entre les patrons bien contents d’exploiter les sans-papiers et ceux qui voudraient nous mettre dehors, où sont passés ceux qui applaudissaient les héros du Covid ? »
    Depuis sa présentation en conseil des ministres, début 2023, le projet de loi relatif à l’immigration, qui devrait être examiné par le Sénat début novembre, déchire la classe politique, et plus encore : il met en lumière les tabous et crispations de la société française sur le sujet. En particulier l’article 3, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers y travaillant.
    Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, qui en a fait une ligne rouge, agite régulièrement le risque d’un « appel d’air migratoire », reprenant un argument cher à l’extrême droite. A l’opposé, certains membres de la majorité soulignent que ces sans-papiers sont indispensables à notre économie. « Sans eux, des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », ont écrit une trentaine de parlementaires, allant du MoDem et de Renaissance à Europe Ecologie-Les Verts, dans une tribune publiée, lundi 11 septembre, par Libération.
    Le sujet n’est pas seulement franco-français. « Partout en Europe, des secteurs se sont retrouvés confrontés à une pénurie de main-d’œuvre encore plus criante au sortir de la pandémie, poussant certains Etats à revoir leur politique d’immigration », rappelle Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Nous avons besoin d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée », assurait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi 13 septembre. Et pour cause : le nombre des décès dépasse aujourd’hui celui des naissances dans l’Union européenne (UE) vieillissante. Si, après deux années de baisse, sa population a crû de 2,8 millions de personnes en 2022, pour atteindre 448,4 millions d’habitants, c’est largement grâce aux flux migratoires, montrent les données d’Eurostat. « Aujourd’hui, 100 % de la croissance de la force de travail de l’UE est liée à l’immigration », résume M. Dumont.
    La France, elle, accueille moins d’immigrés que ses voisins – leur nombre a progressé de 36 % entre 2000 et 2020, d’après les Nations unies (ONU), contre 75 % en Allemagne, 121 % dans les pays nordiques et 181 % en Europe du Sud. Il n’empêche : la crise sanitaire a souligné à quel point une série de secteurs ne pourraient pas tourner sans eux. Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, les immigrés, qui représentent 10,3 % de la population française, pèsent 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP.
    Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) datée de février 2022 montre qu’ils représentent également 17 % des médecins hospitaliers et que près de la moitié (44,4 %) des travailleurs immigrés sont regroupés en Ile-de-France, où ils sont 60 % des aides à domicile. « Les entreprises désœuvrées face au manque de bras sont de plus en plus pragmatiques et sortent des sentiers battus pour trouver des candidats : elles se tournent donc vers ces profils », explique Théo Scubla, fondateur d’Each One, un cabinet spécialisé dans l’inclusion de réfugiés et d’immigrés en entreprise.
    Bien sûr, la barrière de la langue et le besoin de qualification constituent de sérieux freins à l’emploi, sans parler de l’administratif, aux méandres kafkaïens. Pour les dépasser, les entreprises souhaitant s’engager dans cette voie, y compris les PME, se font souvent accompagner par des associations ou sociétés spécialisées. (...) Mais les services ne sont pas les seuls à se tourner vers ces travailleurs. « On en parle moins, mais les besoins sont aussi massifs dans l’industrie, qui s’est historiquement construite grâce à la main-d’œuvre étrangère : les Italiens dans la Lorraine de la fin du XIXe siècle, les Polonais dans les années 1930 ou encore les Portugais et Nord-Africains venus entre 1965 et 1975 », rappelle Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d’investissement.
    Les 160 entreprises du cluster de la « Mecanic Vallée », qui emploient 12 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, en zone rurale et périurbaine, ouvrent 800 nouveaux postes de tourneurs-fraiseurs et autres opérateurs de machines chaque année. « C’est deux fois plus qu’avant le Covid, et nous échouons à tous les pourvoir, tant les candidats manquent, raconte Hervé Danton, délégué général de l’association qui regroupe ces industriels. Alors, nous allons chercher des Ukrainiens et des Maliens déjà installés dans la région, ou des Portugais et des Polonais dans leur pays. » Des profils dont il estime le nombre à environ 300 dans ces entreprises.
    « Des patrons nous paient en retard ou pas du tout » Confronté aux mêmes difficultés, Olivier Fontaine, patron de Filair, une PME de vingt-cinq salariés fabriquant des équipements en inox à La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres), a embauché un réfugié syrien de 36 ans grâce à une association d’insertion, en mars 2022. Celui-ci travaille sur un poste de soudage électrique que l’entreprise échouait à pourvoir jusque-là. « Nous sommes dans le Sud-Ouest rural, je craignais que son intégration dans l’équipe pose question, mais tout s’est bien passé : son engagement et son désir de travailler ont vite fait oublier les différences culturelles », témoigne-t-il.
    Lui est venu en France pour motif humanitaire, comme 14,6 % des personnes admises sur le territoire en 2021, selon l’Insee. L’immigration estudiantine (32,4 %) représente le principal flux migratoire, loin devant les entrées pour motifs économiques (13,3 %), mais aussi le regroupement familial (31,7 %) – une démarche en général entreprise par le primo-arrivant après des années de présence dans le pays.
    Nihad Boukaibat est ainsi arrivée du Maroc en mai 2022 pour rejoindre son mari, installé dans la région lyonnaise. La jeune femme de 28 ans a presque aussitôt intégré, comme dix-neuf autres personnes exilées, un programme de quinze semaines mené par l’association de formation Weavers et l’entreprise Accor (cours de français, de numérique, apprentissage des métiers de l’hôtellerie…), à l’issue duquel elle s’est vu offrir un CDI dans l’un des hôtels lyonnais du groupe. « J’ai trouvé un emploi stable et à temps plein rapidement, dans une équipe où je ne me sens pas étrangère. Je suis très reconnaissante », raconte-t-elle. Carole Lathouche, directrice de l’hôtel Mercure où travaille Nihad, confie que les salariés des établissements participants ont également été sensibilisés à l’accueil de ces recrues, et qu’elle est prête à renouveler l’expérience. Signe que l’intégration est amplement facilitée lorsqu’elle est accompagnée.
    Des histoires comme celle de Nihad Boukaibat, il y en a des milliers en France. Mais il y a celles, aussi, qui révèlent l’autre face du travail immigré, bien plus sombre. En particulier celui des sans-papiers. « Parce qu’on ne peut pas se plaindre, des patrons nous paient en retard ou pas du tout, exigent des heures sup au pied levé, refusent les arrêts maladie. J’en ai connu des comme ça, ils en profitent », raconte Mamadou (il n’a pas souhaité donner son nom), 33 ans, cuisinier à Nice. Arrivé de Mauritanie en 2015 pour étudier la sociologie, il s’est retrouvé sans titre de séjour après son diplôme, en 2019. « Pourtant, je paie des impôts depuis 2017. J’ai gardé toutes mes fiches d’imposition et j’ai toujours travaillé sous mon nom. » Aujourd’hui, il est salarié d’un restaurant dont le patron a accepté de lancer les démarches administratives avec lui, afin qu’il soit régularisé. Mais combien d’autres, avant, ont refusé de l’aider ? « Il y a une véritable hypocrisie dans l’hôtellerie-restauration, dénonce Nicolas Bergerault, le fondateur de l’Atelier des chefs, une entreprise qui anime des cours de cuisine aux particuliers et des formations aux métiers de services. Beaucoup d’établissements offrent des conditions de travail déplorables et se plaignent de peiner à recruter. La solution n’est pas d’aller chercher des immigrés ou des sans-papiers contraints d’être corvéables à merci, mais d’améliorer ces conditions. » Il n’en va pas autrement dans la sous-traitance en cascade du BTP, le nettoyage et les plates-formes de livraison, où les témoignages comme celui de Mamadou sont légion. « C’est le fond du problème : ces pratiques s’apparentent à du dumping social organisé », déplore Gérard Ré, membre du collectif immigration de la CGT. La confédération syndicale réclame la régularisation de ces personnes, soulignant également qu’on ne peut pas se contenter de les considérer uniquement comme une force de travail. « Sans régularisation, l’Etat valide le fait que des travailleurs n’ont pas les mêmes droits que les autres sur notre sol », ajoute M. Ré. Sachant que le nombre total de sans-papiers, en emploi ou non, est estimé de 300 000 à 750 000 personnes, selon les sources.
    La France a pourtant une longue expérience de l’immigration, rappelle-t-il. Celle-ci a pris son essor au XIXe siècle, au moment où les autres pays européens étaient encore des terres d’émigration. Trois grandes vagues migratoires se sont succédé, à la fin du XIXe siècle, durant les années 1920, puis pendant les « trente glorieuses ». Chaque fois, il s’est agi d’une immigration de travail. Chaque fois, ces vagues ont été marquées par des « ruptures brutales lors des crises économiques qui les ont suivies », soulignent les travaux de l’historien Gérard Noiriel. En 1934, la France expulse les Polonais à la suite de la crise de 1929 et la poussée des ligues d’extrême droite. En 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet freine l’entrée des travailleurs étrangers, alors que la croissance marque le pas.
    « Depuis la fin du XIXe, les mêmes arguments xénophobes ressurgissent régulièrement : le fantasme de la submersion démographique, la crainte des étrangers qui volent nos emplois et pervertissent la nation », relève Laurent Dornel, historien à l’université de Pau et des pays de l’Adour. « Cela explique pourquoi la classe politique française, également prisonnière des amalgames avec le problème des banlieues et de la question coloniale non digérée, échoue aujourd’hui à mener une politique migratoire rationnelle », estime Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste des migrations à Sciences Po. Pourtant, les travaux d’économistes, de sociologues, de démographes européens comme américains démontant ces arguments ne manquent pas. A l’exemple de ceux sur les finances publiques. « Les immigrés touchent des aides sociales et allocations, mais ils paient aussi des taxes, impôts et contributions sociales : la difficulté est de mesurer la différence », résume Lionel Ragot, économiste à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une étude sur le sujet en 2021. Les différentes évaluations n’utilisent pas toujours la même méthodologie. « Mais toutes montrent que l’incidence des immigrés sur le budget public est à peu près neutre », explique Hippolyte d’Albis, de l’Ecole d’économie de Paris.
    Que dire du marché du travail ? « Il convient de différencier les vagues d’immigration massives et temporaires de l’immigration régulière et étalée dans le temps », explique Anthony Edo, spécialiste du sujet au Cepii. Cela dépend, en outre, du niveau de diplôme des arrivants, de la reconnaissance ou non de leurs qualifications et de la vitesse à laquelle ils peuvent accéder au marché du travail – d’où l’importance de politiques d’intégration efficaces. En la matière, les travaux de David Card, économiste à Berkeley (Californie) et prix Nobel d’économie 2021, font référence. Il s’est penché sur l’« exode de Mariel », lorsque, en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride avait « absorbé » ces arrivées, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes. Résultat : ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage ni fait plonger les salaires.
    « A court terme, l’arrivée d’immigrés peut néanmoins freiner la progression des salaires de personnes de mêmes qualifications peu élevées dans le pays d’arrivée – le plus souvent, il s’agit d’ailleurs des immigrés des vagues précédentes », nuance Anthony Edo. « Mais il faut également prendre en compte les effets indirects et de complémentarité, ajoute Ekrame Boubtane, chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. L’afflux d’immigrées peu qualifiées, notamment des Philippines, aux Etats-Unis, a ainsi augmenté l’offre d’aides à domicile pour les enfants et augmenté par ricochet le taux d’emploi des femmes américaines qui les ont embauchées », explique-t-elle, citant entre autres les travaux de l’économiste américaine Patricia Cortes. Si l’on s’en tient au seul produit intérieur brut, l’effet est nettement positif – les immigrés consomment et se logent, gonflant mécaniquement l’activité. Cependant, leur contribution est d’autant plus forte que leur niveau de qualification est haut. Une étude du Cepii de juin rappelle ainsi qu’entre 1965 et 2010 l’immigration aux Etats-Unis a entraîné une augmentation supplémentaire de 8 % des brevets par habitant. Et qu’en France la hausse de 1 point de pourcentage de travailleurs immigrés qualifiés dans un département permet aux entreprises locales de déposer 5,2 % de brevets supplémentaires.
    « L’immigration qualifiée pourrait être un véritable atout pour l’innovation et le dynamisme économique de la France », insiste Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d’économie de Toulouse. « Mais à tant s’enliser dans des considérations sécuritaires et complexités administratives, elle oublie qu’elle doit fournir de sérieux efforts si elle veut attirer les cerveaux que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Canada, se disputent », explique Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, un centre de réflexion indépendant. L’Allemagne, elle, l’a compris également et voit l’extrême droite se renforcer. Le sujet soulève aussi les craintes d’une partie de la population, notamment au regard des problèmes de logement. Pourtant, « la peur d’une pénurie croissante de salariés suscite un sentiment d’urgence dans l’industrie et a fait basculer le gouvernement vers une politique prioritaire d’attractivité de la main-d’œuvre qualifiée », expliquent Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, du cabinet Kohler Consulting & Coaching, auteurs d’une étude sur le sujet pour Bpifrance publiée en septembre.Pour combler les besoins vertigineux – deux millions de postes étaient vacants outre-Rhin fin 2022 –, il n’est désormais plus nécessaire de justifier, pour les employeurs, être à la recherche de personnel pour des métiers en tension. Le gouvernement s’apprête, en outre, à faciliter l’acquisition de la double nationalité et à réduire les barrières administratives à l’entrée sur le territoire pour les travailleurs, afin de limiter les freins à l’intégration. Il espère ainsi convaincre les nouveaux arrivants et leurs familles de rester durablement en Allemagne.

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/22/comment-le-travail-des-immigres-contribue-a-limiter-la-penurie-de-main-d-uvr

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    déjà sur seenthis ici :
    https://seenthis.net/messages/1017964

  • Immigration : la maire de Rennes réclame à la gauche un « discours courageux »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/21/immigration-la-maire-de-rennes-reclame-a-la-gauche-un-discours-courageux_619

    Immigration : la maire de Rennes réclame à la gauche un « discours courageux »
    Habituée à se substituer à l’Etat pour pallier le manque d’hébergements d’urgence dans sa ville, Nathalie Appéré plaide pour un accueil « digne » des demandeurs d’asile. L’élue socialiste appelle son camp à se saisir du sujet pour contrer le discours du RN.
    Par Benjamin Keltz(Rennes, correspondance)
    Elle pèse chacun de ses mots, ce vendredi 15 septembre. Nathalie Appéré, maire socialiste de Rennes, devine qu’une prise de position sur l’immigration lui vaudra davantage de critiques que de compliments. Révoltée par les discours de « submersion migratoire » développés à droite et à l’extrême droite en réaction à l’arrivée de milliers de personnes sur l’île de Lampedusa en Italie, depuis le 11 septembre, et à l’aube des débats sur la loi « immigration » au Parlement, elle s’agace : « Nous devons déconstruire ces mystifications funestes. La France accueille moins de migrants que nombre de pays et a les moyens de le faire dignement. »
    Depuis quelques mois, l’édile tente de mobiliser sur ce sujet qui « prend aux tripes » : « Je n’accepte pas de voir des enfants dormir à la rue. Ces mômes ne sont pas des statistiques, mais des visages que je connais. Alors, je parle avec la légitimité de maire d’une ville qui, comme d’autres, est en bout de chaîne d’un dispositif d’accueil des migrants dysfonctionnel et indigne. »
    Depuis le début de sa carrière politique en 2001 comme adjointe au maire de Rennes, elle affronte l’explosion des difficultés à loger les demandeurs d’asile arrivant dans la capitale bretonne. La problématique est même devenue celle qui alimente le plus la boucle de messagerie qu’elle entretient avec ses proches collaborateurs. Bien que le nombre de logements d’urgence ne cesse d’augmenter en Ille-et-Vilaine, moins de 20 % des demandes de mise à l’abri des personnes en errance, majoritairement des migrants, sont satisfaites. La ville de Rennes a pourtant pris l’habitude de combler les manques de l’Etat. Chaque soir, la municipalité loge dans des hôtels ou des bâtiments publics plus d’un millier de demandeurs d’asile. Un choix politique qui coûte près de 4 millions d’euros annuels à la collectivité, et atteint ses limites. En octobre 2022, tandis que des associations de soutien aux demandeurs d’asile ouvraient des squats dans la ville et que des collectifs de parents d’élèves réquisitionnaient des écoles pour loger des familles à la rue, Mme Appéré reconnaissait : « On n’y arrive plus. » Avec d’autres maires, elle avait rappelé l’Etat à ses responsabilités. Après moult tractations, le gouvernement avait finalement débloqué suffisamment de moyens pour apaiser la situation à Rennes et ailleurs.
    A l’approche d’un nouvel hiver, la tension repart de plus belle. Le 13 septembre, l’édile a saisi le tribunal administratif en référé pour procéder à l’évacuation d’un camp de migrants installé dans un parc. La moitié des quelque 200 personnes ont été relogées. Les autres ont déménagé leurs tentes dans un autre jardin public… Dans les couloirs de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, beaucoup constatent, sous le ton du reproche, « l’appel d’air » provoqué par l’action politique de la socialiste. Cette dernière conteste : « Si on n’y arrive pas, ce n’est pas parce que j’en fais trop. C’est parce que les autres n’en font pas assez. Localement, j’ai quelques clés pour agir, mais les plus importantes ne sont pas à ma disposition. »
    Alors, Mme Appéré a entrepris un hypothétique travail d’influence, ces dernières semaines. En mai, elle s’est déplacée à Bruxelles pour déposer à la Commission européenne un projet d’initiative citoyenne européenne (ICE) pour améliorer les conditions d’accueil des étrangers, rédigé par des collégiens d’un quartier populaire et des associations locales. L’édile s’est saisie du dossier pour plaider auprès de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, le besoin d’une directive révisant le règlement de Dublin III, qui impose aux migrants de poursuivre leur demande d’asile dans le pays membre où la démarche a été lancée et obligeant les Etats à l’application de normes d’accueil similaires.
    Jugé recevable, le projet doit désormais obtenir, d’ici avril 2024, un million de signatures pour être étudié par la Commission européenne. A ce jour, l’initiative compte… 7 780 soutiens. « Nous faisons ce que nous pouvons avec nos moyens. Cette ICE nous sert à rappeler notre ancrage européen et nos valeurs humanistes. Nous avons démontré collectivement que nous en étions capables de bien accueillir les Ukrainiens. Pourquoi ne sommes-nous pas en mesure de le faire pour des migrants que le système actuel maintient dans une extrême précarité ? », martèle la maire de Rennes. Esseulée dans ses démarches, l’élue relativise et se présente comme la porte-parole d’une expression populaire dans sa ville, un bastion historique de gauche qui a voté à 36,31 % pour Jean-Luc Mélenchon (LFI) lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Mme Appéré dit aussi échanger avec les maires écologistes de Strasbourg ou Lyon, puis elle évoque des discussions « constructives » au sein de cénacles d’élus locaux qu’elle fréquente. Il n’empêche. Au sein de sa famille politique, peu la soutiennent franchement.
    « Je ne crois pas au discours cynique, endossé parfois par la majorité présidentielle, selon lequel la France populaire n’en pourrait plus de l’immigration », reprend Nathalie Appéré. Ancienne députée d’Ille-et-Vilaine (2012-2017), elle s’est rapprochée de Boris Vallaud, président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, pour lui enjoindre de se positionner franchement à l’aube des débats autour de la loi « immigration ». Elle insiste : « La gauche a une grande responsabilité. Elle doit produire des politiques crédibles et un discours courageux. Sinon, le Rassemblement national va prospérer sur les tensions et développer ses thèses de préférences nationales, de murs et de barbelés. »

    #Covid-19#migration#migrant#france#politique#politiquemigratoire#accueil#asile#logement#loi#immigration#gauche

  • Emmanuel Macron et le pape François, deux visions divergentes de l’immigration
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/22/emmanuel-macron-et-le-pape-francois-deux-visions-divergentes-de-l-immigratio

    Emmanuel Macron et le pape François, deux visions divergentes de l’immigration
    Le chef de l’Etat et le souverain pontife, qui se rencontrent samedi en marge de la visite épiscopale à Marseille, défendent respectivement une politique de fermeté et de contrôle des flux migratoires et un accueil le plus large possible.
    Par Julia Pascual
    « La France n’accueillera pas de migrants qui viennent de Lampedusa. (…) Ce n’est pas en accueillant plus de personnes que l’on va tarir un flux qui évidemment touche nos capacités d’intégration. » Mercredi 20 septembre, sur TF1, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a adressé un message de « fermeté », alors que l’île italienne de Lampedusa a été confrontée à plusieurs milliers d’arrivées de migrants en quelques jours. Un message, bien que tempéré d’un appel à protéger les réfugiés, qui cogne avec celui porté par le pape François, attendu à Marseille, vendredi 22 et samedi 23 septembre, à l’occasion des Rencontres méditerranéennes et qui doit consacrer une prière aux migrants disparus en mer.
    Le souverain pontife a fait de Lampedusa un symbole de son message d’ouverture, dès son premier déplacement, en 2013, pour dénoncer la « mondialisation de l’indifférence ». Samedi, il doit rencontrer le président de la République, Emmanuel Macron, à Marseille. Evoqueront-ils le sujet ? Sera-ce, alors, l’occasion de trouver un terrain d’entente ou de mesurer ce qui les sépare ?« Pour le pape, l’accueil doit être très large et il est évident qu’il n’y a pas cette volonté de la part du président de la République, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur », explique Eric Millot, directeur du service national mission et migrations de la Conférence des évêques de France. Dans une tribune publiée par Le Monde, le 2 janvier 2017, alors qu’il n’était que candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait pourtant regretté que lorsque « l’Italie affrontait seule l’arrivée des réfugiés à Lampedusa, au point que le pape François s’en [était] vivement ému, ni la France ni l’Allemagne n’[aient] été au rendez-vous ». Il estimait que l’Allemagne avait, par la suite, « sauvé notre dignité collective en accueillant des réfugiés en détresse ».
    A l’épreuve du pouvoir, sa vision libérale s’est raidie. « A ces fonctions, vous prenez la pleine mesure de certains enjeux tels que la sécurité et la menace terroriste ; le ministère de l’intérieur, dans ce qu’il a de conformiste, a joué à plein et Emmanuel Macron est par ailleurs très conscient du délitement social du pays et de la montée de l’extrême droite, analyse Pascal Brice, ancien directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et actuel président de la Fédération des acteurs de la solidarité. Je partage cette inquiétude, mais quelle politique en tire-t-on ? C’est bien ça la question. » En six années de pouvoir, le chef de l’Etat a, à son bilan, d’avoir poussé deux lois immigration. La première, dite « loi Collomb », adoptée en 2018, avait déchiré la majorité présidentielle à l’Assemblée car jugée trop dure par son aile gauche. La seconde – sur laquelle le gouvernement veut trouver un accord avec la droite – arrive en séance publique au Sénat début novembre. Entre ces deux textes, M. Macron a fait de l’immigration un thème de la grande consultation citoyenne lancée à la suite du mouvement des « gilets jaunes » – alors même qu’il ne ressortait pas des cahiers de doléances du grand débat national –, de même qu’il a voulu un débat sur l’immigration au Parlement, en 2019.
    Sa politique est censée naviguer entre fermeté et humanité avec, d’une part, une reprise du « contrôle » des flux incarnée par l’amélioration des expulsions et, d’autre part, des efforts sur l’intégration et la préservation de l’asile. « Il y a une colonne vertébrale sur le respect du droit international qui est à mettre à son crédit », souligne un préfet, au moment où la droite républicaine veut s’en affranchir pour se conformer à la « volonté populaire ».Cet attachement s’est traduit, notamment, par l’engagement de la France à accueillir des réfugiés réinstallés depuis des pays tiers (bien que les objectifs soient passés de 10 000 entre 2017 et 2019 à 3 000 entre 2021 et 2023). Mais il est contrebalancé par d’autres actes symboliques : en 2018, la France a refusé d’accueillir le bateau de sauvetage de migrants Aquarius, le laissant mettre le cap vers l’Espagne alors que l’Italie refusait d’ouvrir ses ports ; en octobre 2019, M. Macron a choisi de confier à l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles sa vision de l’immigration, formulant, à cette occasion, le souhait intenable d’exécuter « 100 % » des obligations de quitter le territoire français. D’aucuns soulignent l’influence du chevènementiste Didier Leschi, actuel directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. « Si l’on prend en compte le ressentiment croissant des classes populaires, sur qui repose l’accueil, des mesures de régulation des flux sont nécessaires pour ne pas accentuer les problèmes sociaux, la concurrence dans l’accès au logement par exemple, et les difficultés d’intégration », défend ce dernier. « Macron est un politique, il regarde les rapports de force dans la société française, et d’une certaine manière, il les suit, estime Pierre Henry, président de France Fraternités et ancien directeur général de l’association France terre d’asile. Nous sommes dans un moment de bascule où on a le choix entre un modèle pragmatique d’accueil et le nationalisme, et on aurait aimé un président plus offensif face au déferlement idéologique de l’extrême droite. » Le silence des pouvoirs publics face aux attaques de l’extrême droite dans les zones rurales où existent des projets d’accueil de demandeurs d’asile – comme à Callac (Côtes-d’Armor) ou Saint-Brevin (Loire-Atlantique) – témoigne d’une ambivalence, alors qu’une politique de répartition territoriale des migrants est impulsée par l’Etat, ou encore que le nombre de places d’hébergement pour les demandeurs d’asile a considérablement progressé sous M. Macron.
    Confronté à l’augmentation de l’immigration régulière, de la demande d’asile et des traversées de la Méditerranée, le chef de l’Etat a dit au Point, le 23 août : « La situation que nous connaissons n’est pas tenable et nous devons réduire significativement l’immigration. » Contraint par la situation économique du pays et les tensions de recrutement sur de nombreux secteurs, il envisage, dans le projet de loi à l’étude, de simplifier la régularisation de certains travailleurs sans-papiers. Une mesure érigée en ligne rouge par la droite. « S’il ne tient pas sur ce point, ce sera la preuve qu’il est à la remorque de la droite », prévient l’ancien eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit, qui a longtemps échangé avec le chef de l’Etat sur ces questions-là.

    #Covid-19#migration#migrant#france#mediterranee#lampedusa#immigration#migrationirreguliere#asile#politiquemigratoire#droit#catholique#integration

  • Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/22/comment-le-travail-des-immigres-contribue-a-limiter-la-penurie-de-main-d-uvr

    Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
    Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins hospitaliers… Les travailleurs venus d’autres pays sont essentiels pour faire fonctionner de nombreux secteurs. Enquête sur un déni français, loin du fantasme de la submersion démographique agité par l’extrême droite.
    Par Marie Charrel
    Il se souvient des poèmes et des dessins d’enfants, des saluts depuis les fenêtres, et même des chocolats qu’un matin une jeune femme bravant le confinement lui avait offerts. Eboueur dans la petite couronne parisienne, Bakary (il préfère ne pas donner son nom) pensait que les gestes de solidarité envers sa profession durant la pandémie de Covid-19 avaient changé les choses. « Soudain, on nous célébrait, nous, les premières lignes et les immigrés, sans qui le pays ne tient pas debout », raconte cet Ivoirien de 43 ans, arrivé en France il y a quinze ans. Bakary aimerait ne pas être le seul à se souvenir des poèmes. Lui a une carte de résident, mais il s’inquiète pour ses collègues, nombreux, qui n’en ont pas. « Parfois, je suis en colère, parfois, je pleure. Entre les patrons bien contents d’exploiter les sans-papiers et ceux qui voudraient nous mettre dehors, où sont passés ceux qui applaudissaient les héros du Covid ? »
    Depuis sa présentation en conseil des ministres, début 2023, le projet de loi relatif à l’immigration, qui devrait être examiné par le Sénat début novembre, déchire la classe politique, et plus encore : il met en lumière les tabous et crispations de la société française sur le sujet. En particulier l’article 3, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers y travaillant.
    Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, qui en a fait une ligne rouge, agite régulièrement le risque d’un « appel d’air migratoire », reprenant un argument cher à l’extrême droite. A l’opposé, certains membres de la majorité soulignent que ces sans-papiers sont indispensables à notre économie. « Sans eux, des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », ont écrit une trentaine de parlementaires, allant du MoDem et de Renaissance à Europe Ecologie-Les Verts, dans une tribune publiée, lundi 11 septembre, par Libération.
    Le sujet n’est pas seulement franco-français. « Partout en Europe, des secteurs se sont retrouvés confrontés à une pénurie de main-d’œuvre encore plus criante au sortir de la pandémie, poussant certains Etats à revoir leur politique d’immigration », rappelle Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Nous avons besoin d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée », assurait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi 13 septembre. Et pour cause : le nombre des décès dépasse aujourd’hui celui des naissances dans l’Union européenne (UE) vieillissante. Si, après deux années de baisse, sa population a crû de 2,8 millions de personnes en 2022, pour atteindre 448,4 millions d’habitants, c’est largement grâce aux flux migratoires, montrent les données d’Eurostat. « Aujourd’hui, 100 % de la croissance de la force de travail de l’UE est liée à l’immigration », résume M. Dumont.
    La France, elle, accueille moins d’immigrés que ses voisins – leur nombre a progressé de 36 % entre 2000 et 2020, d’après les Nations unies (ONU), contre 75 % en Allemagne, 121 % dans les pays nordiques et 181 % en Europe du Sud. Il n’empêche : la crise sanitaire a souligné à quel point une série de secteurs ne pourraient pas tourner sans eux. Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, les immigrés, qui représentent 10,3 % de la population française, pèsent 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP.
    Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) datée de février 2022 montre qu’ils représentent également 17 % des médecins hospitaliers et que près de la moitié (44,4 %) des travailleurs immigrés sont regroupés en Ile-de-France, où ils sont 60 % des aides à domicile. « Les entreprises désœuvrées face au manque de bras sont de plus en plus pragmatiques et sortent des sentiers battus pour trouver des candidats : elles se tournent donc vers ces profils », explique Théo Scubla, fondateur d’Each One, un cabinet spécialisé dans l’inclusion de réfugiés et d’immigrés en entreprise.
    Bien sûr, la barrière de la langue et le besoin de qualification constituent de sérieux freins à l’emploi, sans parler de l’administratif, aux méandres kafkaïens. Pour les dépasser, les entreprises souhaitant s’engager dans cette voie, y compris les PME, se font souvent accompagner par des associations ou sociétés spécialisées. (...) Mais les services ne sont pas les seuls à se tourner vers ces travailleurs. « On en parle moins, mais les besoins sont aussi massifs dans l’industrie, qui s’est historiquement construite grâce à la main-d’œuvre étrangère : les Italiens dans la Lorraine de la fin du XIXe siècle, les Polonais dans les années 1930 ou encore les Portugais et Nord-Africains venus entre 1965 et 1975 », rappelle Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d’investissement.
    Les 160 entreprises du cluster de la « Mecanic Vallée », qui emploient 12 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, en zone rurale et périurbaine, ouvrent 800 nouveaux postes de tourneurs-fraiseurs et autres opérateurs de machines chaque année. « C’est deux fois plus qu’avant le Covid, et nous échouons à tous les pourvoir, tant les candidats manquent, raconte Hervé Danton, délégué général de l’association qui regroupe ces industriels. Alors, nous allons chercher des Ukrainiens et des Maliens déjà installés dans la région, ou des Portugais et des Polonais dans leur pays. » Des profils dont il estime le nombre à environ 300 dans ces entreprises.
    « Des patrons nous paient en retard ou pas du tout » Confronté aux mêmes difficultés, Olivier Fontaine, patron de Filair, une PME de vingt-cinq salariés fabriquant des équipements en inox à La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres), a embauché un réfugié syrien de 36 ans grâce à une association d’insertion, en mars 2022. Celui-ci travaille sur un poste de soudage électrique que l’entreprise échouait à pourvoir jusque-là. « Nous sommes dans le Sud-Ouest rural, je craignais que son intégration dans l’équipe pose question, mais tout s’est bien passé : son engagement et son désir de travailler ont vite fait oublier les différences culturelles », témoigne-t-il.
    Lui est venu en France pour motif humanitaire, comme 14,6 % des personnes admises sur le territoire en 2021, selon l’Insee. L’immigration estudiantine (32,4 %) représente le principal flux migratoire, loin devant les entrées pour motifs économiques (13,3 %), mais aussi le regroupement familial (31,7 %) – une démarche en général entreprise par le primo-arrivant après des années de présence dans le pays.
    Nihad Boukaibat est ainsi arrivée du Maroc en mai 2022 pour rejoindre son mari, installé dans la région lyonnaise. La jeune femme de 28 ans a presque aussitôt intégré, comme dix-neuf autres personnes exilées, un programme de quinze semaines mené par l’association de formation Weavers et l’entreprise Accor (cours de français, de numérique, apprentissage des métiers de l’hôtellerie…), à l’issue duquel elle s’est vu offrir un CDI dans l’un des hôtels lyonnais du groupe. « J’ai trouvé un emploi stable et à temps plein rapidement, dans une équipe où je ne me sens pas étrangère. Je suis très reconnaissante », raconte-t-elle. Carole Lathouche, directrice de l’hôtel Mercure où travaille Nihad, confie que les salariés des établissements participants ont également été sensibilisés à l’accueil de ces recrues, et qu’elle est prête à renouveler l’expérience. Signe que l’intégration est amplement facilitée lorsqu’elle est accompagnée.
    Des histoires comme celle de Nihad Boukaibat, il y en a des milliers en France. Mais il y a celles, aussi, qui révèlent l’autre face du travail immigré, bien plus sombre. En particulier celui des sans-papiers. « Parce qu’on ne peut pas se plaindre, des patrons nous paient en retard ou pas du tout, exigent des heures sup au pied levé, refusent les arrêts maladie. J’en ai connu des comme ça, ils en profitent », raconte Mamadou (il n’a pas souhaité donner son nom), 33 ans, cuisinier à Nice. Arrivé de Mauritanie en 2015 pour étudier la sociologie, il s’est retrouvé sans titre de séjour après son diplôme, en 2019. « Pourtant, je paie des impôts depuis 2017. J’ai gardé toutes mes fiches d’imposition et j’ai toujours travaillé sous mon nom. » Aujourd’hui, il est salarié d’un restaurant dont le patron a accepté de lancer les démarches administratives avec lui, afin qu’il soit régularisé. Mais combien d’autres, avant, ont refusé de l’aider ? « Il y a une véritable hypocrisie dans l’hôtellerie-restauration, dénonce Nicolas Bergerault, le fondateur de l’Atelier des chefs, une entreprise qui anime des cours de cuisine aux particuliers et des formations aux métiers de services. Beaucoup d’établissements offrent des conditions de travail déplorables et se plaignent de peiner à recruter. La solution n’est pas d’aller chercher des immigrés ou des sans-papiers contraints d’être corvéables à merci, mais d’améliorer ces conditions. » Il n’en va pas autrement dans la sous-traitance en cascade du BTP, le nettoyage et les plates-formes de livraison, où les témoignages comme celui de Mamadou sont légion. « C’est le fond du problème : ces pratiques s’apparentent à du dumping social organisé », déplore Gérard Ré, membre du collectif immigration de la CGT. La confédération syndicale réclame la régularisation de ces personnes, soulignant également qu’on ne peut pas se contenter de les considérer uniquement comme une force de travail. « Sans régularisation, l’Etat valide le fait que des travailleurs n’ont pas les mêmes droits que les autres sur notre sol », ajoute M. Ré. Sachant que le nombre total de sans-papiers, en emploi ou non, est estimé de 300 000 à 750 000 personnes, selon les sources.
    La France a pourtant une longue expérience de l’immigration, rappelle-t-il. Celle-ci a pris son essor au XIXe siècle, au moment où les autres pays européens étaient encore des terres d’émigration. Trois grandes vagues migratoires se sont succédé, à la fin du XIXe siècle, durant les années 1920, puis pendant les « trente glorieuses ». Chaque fois, il s’est agi d’une immigration de travail. Chaque fois, ces vagues ont été marquées par des « ruptures brutales lors des crises économiques qui les ont suivies », soulignent les travaux de l’historien Gérard Noiriel. En 1934, la France expulse les Polonais à la suite de la crise de 1929 et la poussée des ligues d’extrême droite. En 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet freine l’entrée des travailleurs étrangers, alors que la croissance marque le pas.
    « Depuis la fin du XIXe, les mêmes arguments xénophobes ressurgissent régulièrement : le fantasme de la submersion démographique, la crainte des étrangers qui volent nos emplois et pervertissent la nation », relève Laurent Dornel, historien à l’université de Pau et des pays de l’Adour. « Cela explique pourquoi la classe politique française, également prisonnière des amalgames avec le problème des banlieues et de la question coloniale non digérée, échoue aujourd’hui à mener une politique migratoire rationnelle », estime Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste des migrations à Sciences Po. Pourtant, les travaux d’économistes, de sociologues, de démographes européens comme américains démontant ces arguments ne manquent pas. A l’exemple de ceux sur les finances publiques. « Les immigrés touchent des aides sociales et allocations, mais ils paient aussi des taxes, impôts et contributions sociales : la difficulté est de mesurer la différence », résume Lionel Ragot, économiste à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une étude sur le sujet en 2021. Les différentes évaluations n’utilisent pas toujours la même méthodologie. « Mais toutes montrent que l’incidence des immigrés sur le budget public est à peu près neutre », explique Hippolyte d’Albis, de l’Ecole d’économie de Paris.
    Que dire du marché du travail ? « Il convient de différencier les vagues d’immigration massives et temporaires de l’immigration régulière et étalée dans le temps », explique Anthony Edo, spécialiste du sujet au Cepii. Cela dépend, en outre, du niveau de diplôme des arrivants, de la reconnaissance ou non de leurs qualifications et de la vitesse à laquelle ils peuvent accéder au marché du travail – d’où l’importance de politiques d’intégration efficaces. En la matière, les travaux de David Card, économiste à Berkeley (Californie) et prix Nobel d’économie 2021, font référence. Il s’est penché sur l’« exode de Mariel », lorsque, en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride avait « absorbé » ces arrivées, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes. Résultat : ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage ni fait plonger les salaires.
    « A court terme, l’arrivée d’immigrés peut néanmoins freiner la progression des salaires de personnes de mêmes qualifications peu élevées dans le pays d’arrivée – le plus souvent, il s’agit d’ailleurs des immigrés des vagues précédentes », nuance Anthony Edo. « Mais il faut également prendre en compte les effets indirects et de complémentarité, ajoute Ekrame Boubtane, chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. L’afflux d’immigrées peu qualifiées, notamment des Philippines, aux Etats-Unis, a ainsi augmenté l’offre d’aides à domicile pour les enfants et augmenté par ricochet le taux d’emploi des femmes américaines qui les ont embauchées », explique-t-elle, citant entre autres les travaux de l’économiste américaine Patricia Cortes. Si l’on s’en tient au seul produit intérieur brut, l’effet est nettement positif – les immigrés consomment et se logent, gonflant mécaniquement l’activité. Cependant, leur contribution est d’autant plus forte que leur niveau de qualification est haut. Une étude du Cepii de juin rappelle ainsi qu’entre 1965 et 2010 l’immigration aux Etats-Unis a entraîné une augmentation supplémentaire de 8 % des brevets par habitant. Et qu’en France la hausse de 1 point de pourcentage de travailleurs immigrés qualifiés dans un département permet aux entreprises locales de déposer 5,2 % de brevets supplémentaires.
    « L’immigration qualifiée pourrait être un véritable atout pour l’innovation et le dynamisme économique de la France », insiste Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d’économie de Toulouse. « Mais à tant s’enliser dans des considérations sécuritaires et complexités administratives, elle oublie qu’elle doit fournir de sérieux efforts si elle veut attirer les cerveaux que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Canada, se disputent », explique Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, un centre de réflexion indépendant. L’Allemagne, elle, l’a compris également et voit l’extrême droite se renforcer. Le sujet soulève aussi les craintes d’une partie de la population, notamment au regard des problèmes de logement. Pourtant, « la peur d’une pénurie croissante de salariés suscite un sentiment d’urgence dans l’industrie et a fait basculer le gouvernement vers une politique prioritaire d’attractivité de la main-d’œuvre qualifiée », expliquent Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, du cabinet Kohler Consulting & Coaching, auteurs d’une étude sur le sujet pour Bpifrance publiée en septembre.Pour combler les besoins vertigineux – deux millions de postes étaient vacants outre-Rhin fin 2022 –, il n’est désormais plus nécessaire de justifier, pour les employeurs, être à la recherche de personnel pour des métiers en tension. Le gouvernement s’apprête, en outre, à faciliter l’acquisition de la double nationalité et à réduire les barrières administratives à l’entrée sur le territoire pour les travailleurs, afin de limiter les freins à l’intégration. Il espère ainsi convaincre les nouveaux arrivants et leurs familles de rester durablement en Allemagne.
    Marie Charrel

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#crisesanitaire#travailleurmigrant#regularisation#politiquemigratoire#maindoeuvre#immigration#integration#sante#demographie

  • Immigration et travail : la grande #hypocrisie française ?

    C’est une tribune parue mardi dans Libération et qui a relancé un éternel débat : “Travailleurs sans papiers, l’appel à régulariser”. Une tribune transpartisane pour dénoncer notre “#hypocrisie_collective” sur la question migratoire.

    Une initiative qui intervient à quelques semaines de la future loi immigration, qui prévoit d’introduire un titre de séjour “#métiers_en_tension”, et qui divise aussi bien à gauche qu’à droite. Les uns craignent un #appel_d’air, la mise en danger de l’#identité française… Les autres dénoncent une vision utilitariste et immorale de l’immigration. Alors comment sortir de la politisation permanente de la question migratoire ? L’immigration est-elle un risque, une opportunité, voire une nécessité pour l’économie française ? Une approche à la fois pragmatique et humaniste est-elle possible ? on en débat avec :

    - Marie-Pierre De La Gontrie, Sénatrice PS de Paris, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, co-signataire de la tribune "Nous demandons des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers" dans Libération (11.09.23)

    - #Constance_Rivière, Directrice générale du Palais de la Porte Dorée, autrice de "La vie des ombres" aux éditions Stock (06.09.23)

    - #Olivier_Babeau, Essayiste, président de l’Institut Sapiens, professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux

    - #Sami_Biasoni, Docteur en philosophie de l’École normale supérieure, professeur chargé de cours à l’ESSEC, auteur de "Le statistiquement correct" aux éditions du Cerf (21.09.23)

    - #François_Héran, Démographe, sociologue, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "Migrations et sociétés", auteur de "Immigration : le grand déni" aux éditions du Seuil (03/03/2023)

    https://www.france.tv/france-5/c-ce-soir/saison-4/5204787-immigration-et-travail-la-grande-hypocrisie-francaise.html
    #France #travail #migrations #immigration #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #régularisation #utilitarisme

    ping @karine4 @isskein

    • Loi immigration : « Nous demandons des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers »

      Dans une tribune transpartisane, une trentaine de parlementaires allant du Modem à EE-LV proposent trois mesures pour la régularisation des travailleurs sans papiers, souvent en première ligne dans des secteurs en tension.

      Nous portons un projet humaniste et concret. Nous souhaitons l’adoption de trois mesures urgentes pour l’accès des personnes étrangères au travail.

      Tout d’abord, nous assumons la nécessité d’une régularisation de travailleuses et de travailleurs sans papiers, dans tous ces métiers qui connaissent une forte proportion de personnes placées en situation irrégulière. Ce sont bien souvent ceux que l’on retrouve en première ligne dans les secteurs en tension comme le BTP, l’hôtellerie-restauration, la propreté, la manutention, l’aide à la personne. Des milliers de personnes sont maintenues dans la précarité, a fortiori les vrais-faux indépendants comme auto-entrepreneurs, dans les métiers les plus pénibles comme les plus utiles socialement.

      Ces travailleurs sans papiers contribuent à l’économie et à la vie sociale de notre pays. Sans eux, ces secteurs et des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner. La France qui se lève tôt, ce sont aussi elles et eux, si utiles, si nécessaires. Et pourtant ils n’ont pas officiellement le droit de travailler faute de pouvoir disposer d’un titre de séjour.

      Si ces immigrés travaillent tout de même, c’est pour survivre et parce que les employeurs ont besoin de salariés. Les pouvoirs publics ferment les yeux ou ignorent leur situation en raison du caractère indispensable de ces travailleurs pour notre économie et pour répondre aux besoins sociaux. Leur précarisation est le résultat d’une hypocrisie collective : ne pas les autoriser légalement à travailler mais continuer à solliciter leurs concours. Sans papiers, sans reconnaissance, ils éprouvent les plus grandes difficultés pour se nourrir, se loger, se soigner et accéder à une vie sociale normale. La clandestinité les invisibilise, les fragilise et les condamne à la précarisation et à la désocialisation. Faute de pouvoir faire valoir leurs droits, ils acceptent de faibles salaires qui pèsent sur le niveau des rémunérations dans certains secteurs.

      A cela s’ajoutent toutes celles et ceux qui sont présents sur le territoire national et qui sont empêchés de travailler faute de papiers. Ils n’ont d’autres solutions que de recourir à l’hébergement d’urgence ou à d’autres solutions de fortune. Alors qu’ils ne demandent qu’à travailler. Ils pourraient le faire directement ou après une formation que de nombreuses branches professionnelles et des centres de formation publics sont prêts à développer. L’accent doit être en particulier mis sur l’accès des femmes étrangères au travail, l’un des plus faibles de l’OCDE.

      La régularisation de leurs situations, demande de longue date des associations qui les accueillent dans la précarité, émane tout autant des organisations syndicales et patronales.

      Il s’agit également de rétablir le droit au travail pour les demandeurs d’asile. La loi leur impose six mois d’attente avant de pouvoir demander une autorisation de travail. Cette règle a pour conséquence d’augmenter à la fois le coût budgétaire de l’allocation pour demandeur d’asile et le recours à l’emploi non déclaré pour pouvoir survivre. Cette logique nuit considérablement à leur autonomie et donc à leurs facultés ultérieures d’intégration.

      Enfin, il faut d’urgence remédier à la situation d’embolie des préfectures qui conduit à fabriquer chaque jour de nouveaux sans-papiers.

      Pas une semaine, pas une journée sans que nos permanences de parlementaires ne soient sollicitées pour un titre de séjour dont le renouvellement est compromis faute de rendez-vous en préfecture. Le rapport de l’Assemblée nationale sur « les moyens des préfectures pour l’instruction des demandes de séjour » de 2021 décrit très précisément une situation qui a encore empiré depuis lors : du jour au lendemain, faute de rendez-vous, des personnes en situation parfaitement régulière, insérées professionnellement et socialement, basculent en situation irrégulière entre deux titres et perdent leurs droits. Leurs employeurs sont quant à eux confrontés à un dilemme : perdre un employé qui répond pourtant à leurs attentes ou basculer dans le travail non déclaré pour garder cet employé. Cette situation kafkaïenne est à l’origine d’un contentieux de masse qui engorge les tribunaux administratifs sous les référés « mesures-utiles » visant à contraindre l’administration à accorder un rendez-vous en préfecture.

      Il est temps de fixer un délai maximal à l’administration pour accorder un rendez-vous en préfecture, comme c’est la règle pour les passeports « talent », et d’augmenter considérablement le nombre de rendez-vous y compris en présentiel en affectant davantage de moyens aux services chargés du séjour des étrangers au sein des préfectures.

      Ces trois mesures sont à la fois urgentes, humanistes et concrètes. Si le gouvernement n’est pas en mesure de les faire rapidement adopter par le Parlement, nous en prendrons l’initiative.

      Avançons.

      Signataires

      Julien Bayou (député EE-LV) ; Mélanie Vogel (sénatrice EE-LV) ; Guillaume Gontard (sénateur EE-LV) ; Sabrina Sebaihi (députée EE-LV) ; Guy Benarroche (sénateur EE-LV) ; Francesca Pasquini (députée EE-LV) ; Maud Gatel (députée Modem) ; Elodie Jacquier-Laforge (députée Modem) ; Erwan Balanant (député Modem) ; Mathilde Desjonquères (députée Modem) ; Eric Martineau (député Modem) ; Jimmy Pahun (député Modem) ; Fabien Roussel (député PCF) ; André Chassaigne (député PCF) ; Marie-Claude Varaillas (sénatrice PCF) ; Stéphane Peu (député PCF) ; Davy Rimane (député PCF) ; Gérard Lahellec (sénateur PCF) ; Boris Vallaud (député PS) ; Marie-Pierre de La Gontrie (sénatrice PS) ; Marietta Karamanli (députée PS) ; Hervé Saulignac (député PS) ; Jean-Yves Leconte (sénateur PS) ; Laurence Rossignol (sénatrice PS) ; Sacha Houlié (député Renaissance) ; Stella Dupont (députée Renaissance et apparentés) ; Bruno Studer (député Renaissance) ; Fanta Berete (députée Renaissance) ; Cécile Rilhac (députée Renaissance) ; Benoît Bordat (député Renaissance et apparentés) ; Jean-Louis Bricout (député Liot) ; Martine Froger (députée Liot) ; Benjamin Saint-Huile (député Liot) ; Laurent Panifous (député Liot) ; David Taupiac (député Liot)
      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/loi-immigration-nous-demandons-des-mesures-urgentes-humanistes-et-concret

  • « Métiers en tension » : le projet de loi immigration divise le camp présidentiel
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/08/metiers-en-tension-le-projet-de-loi-immigration-divise-le-camp-presidentiel_

    « Métiers en tension » : le projet de loi immigration divise le camp présidentiel
    La création d’un titre de séjour pour certains travailleurs étrangers est une « ligne rouge » pour la droite. Des députés de la majorité sont prêts à lâcher sur ce volet, quand l’aile gauche cherche à peser dans le sens inverse.
    Par Jérémie Lamothe

    Malgré plusieurs reports pour favoriser les négociations entre Gérald Darmanin et des députés du parti Les Républicains (LR) indispensables pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, l’exécutif ne parvient pas à sortir de l’impasse dans lequel se trouve son projet de loi sur l’immigration. Si le ministre de l’intérieur a affiché son optimisme, mercredi 6 septembre, en affirmant sur Franceinfo qu’il « y aura, avant la fin de session parlementaire, un texte immigration voté », de nombreuses incertitudes demeurent sur son contenu.
    Depuis la présentation du projet de loi en conseil des ministres, le 1er février, le camp présidentiel essaie tant bien que mal d’en conserver « l’équilibre », avec un volet répressif, visant à accélérer les reconduites à la frontière des étrangers délinquants, et un autre, plus social, permettant la création de titres de séjour pour les sans-papiers travaillant dans des métiers en tension (bâtiment, hôtellerie-restauration, aide à la personne…). « Autrement dit : être très dur avec les méchants. Et puis être gentil avec les gentils », a résumé, mercredi, Gérald Darmanin.Mais l’exécutif est confronté à l’intransigeance des dirigeants de LR, qui assimilent la régularisation des travailleurs sans papiers inscrit dans l’article 3 du texte à un « appel d’air migratoire », constituant pour eux une « véritable ligne rouge ». Pour le président de LR, Eric Ciotti, l’abandon de ces titres de séjour est « non négociable » afin que ses 61 députés soutiennent le texte à l’Assemblée nationale. « On a 500 000 étrangers au chômage et on nous parle d’en appeler d’autres, ou d’en régulariser d’autres ? Non, je le dis clairement », a abondé mercredi matin sur BFM-TV et RMC le président du Sénat, Gérard Larcher (LR).
    Avant que l’examen du texte ne soit interrompu par l’exécutif en mars, troublé par la contestation de la réforme des retraites, les sénateurs LR avaient adopté en commission des lois une version durcie du projet de loi, mais sans toucher alors à l’article 3, sur les métiers en tension, faute d’accord avec leurs partenaires de l’Union centriste.Le ministre de l’intérieur a avancé mercredi que le texte reprendra son parcours parlementaire au Sénat « d’ici à novembre », avant d’être « étudié à la fin de l’année, en début d’année prochaine, à l’Assemblée nationale ». « Il y a un calendrier avec énormément de guillemets, énormément de points d’interrogation », a nuancé mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l’issue du conseil des ministres. Ces derniers jours, l’exécutif semble néanmoins faire un pas en direction de la droite. Quand Gérald Darmanin plaide pour « un compromis » avec les sénateurs LR, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, défendait dans un entretien au Figaro, mardi, « la fermeté sur la régulation des flux migratoires ». Dans sa lettre aux chefs de parti transmise jeudi matin, une semaine après les Rencontres de Saint-Denis, le 30 août, Emmanuel Macron a aussi ouvert la porte à une extension du champ d’application de l’article 11 de la Constitution, qui régit le cadre des référendums. Répondant à une demande de LR et du Rassemblement national, qui souhaitent l’élargir aux sujets migratoires, le chef de l’Etat annonce dans sa missive qu’il fera « une proposition sur ce sujet dans les semaines qui viennent ».
    Mais la radicalité assumée de LR et les tergiversations de l’exécutif provoquent des tiraillements au sein même de la coalition présidentielle. Faut-il accorder ou non des concessions à la droite pour sécuriser le vote au Parlement, quitte à déséquilibrer le texte ? Des voix au sein des trois groupes de la majorité relative (Renaissance, MoDem et Horizons) appellent à faire preuve de « pragmatisme » en sortant l’article 3 du projet de loi. Ils proposent notamment de passer par la voie réglementaire en s’appuyant sur la circulaire signée par Manuel Valls en novembre 2012, qui définit actuellement les modalités de régularisation par le travail. « Le totem, c’est la mesure sur les métiers en tension, on y tient absolument. Après, la voie de passage, il ne faut pas en faire un totem », estime le député Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre, pour qui « l’essentiel est que le texte soit voté le plus rapidement possible ». « Que la disposition soit ou non dans le projet de loi, ça ne me gêne pas, assure de son côté la vice-présidente (Horizons) de l’Assemblée nationale Naïma Moutchou. Les gens ont besoin sur le sujet migratoire d’un message de fermeté et pas de “en même temps”. » Si elle se dit « très attachée à ce dispositif qui répond à une véritable demande sur le terrain », la vice-présidente MoDem de l’Assemblée, Elodie Jacquier-Laforge, se montre aussi ouverte à l’option de la voie réglementaire, tout en imposant un suivi régulier de son application par le Parlement. « Ce qui compte, c’est le résultat, que les personnes puissent travailler dans des conditions qui respectent notre droit du travail », explique l’élue centriste. Des compromis envers la droite immédiatement rejetés par l’aile gauche du groupe Renaissance, qui cherche à peser dans les arbitrages. Et à se faire entendre. Dimanche, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a défendu sur LCI ce volet « métiers en tension » au nom « des convictions, des valeurs et de la cohérence ». Mercredi, plusieurs d’entre eux, dont les anciens ministres Barbara Pompili et Stéphane Travert, ont signé un communiqué avec des députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) pour mettre en garde contre un retrait de l’article 3, qui « constituerait un signal inquiétant ». « C’est un gentil rappel de notre existence, souligne un des signataires, Benoît Bordat, député de Côte-d’Or. S’il n’y a plus la partie sur les métiers en tension, quel est l’intérêt du texte ? Il faut garder une forme de “en même temps”, la ligne historique du président de la République. »« A titre personnel, cet article 3 est l’axe majeur du texte, estime aussi la députée apparentée Renaissance de Maine-et-Loire Stella Dupont, signataire du communiqué. C’est important de regarder la réalité en face. On sait très bien que dans notre économie, il y a un certain nombre de secteurs qui peinent à recruter et qui emploient des personnes qui peuvent être en situation irrégulière. » Le flou autour de l’article 3 pousse aussi l’aile gauche de la majorité à chercher des soutiens inattendus. Une tribune cosignée par des députés Renaissance et de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, comme le président des députés socialistes, Boris Vallaud, le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, ou l’écologiste Julien Bayou, est en préparation pour défendre « l’accès des personnes étrangères au travail » et le maintien de l’article incriminé dans le projet de loi. Une initiative qui fait suite à des rencontres organisées ces derniers mois, à l’invitation de Pascal Brice, ancien directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de Marilyne Poulain, ancienne référente de la CGT sur les travailleurs migrants, entre des chefs de file de la gauche et le président Renaissance de la commission des lois, Sacha Houlié.Fervent défenseur de la première mouture du texte, ce dernier assure aujourd’hui avoir reçu « les garanties de l’Elysée et de Matignon » que l’article 3 figurera bien dans le texte. Pour l’élu de la Vienne, une majorité peut d’ailleurs encore être trouvée sur ce projet de loi à l’Assemblée en misant sur l’abstention de certains députés LR, socialistes ou encore de LIOT.D’autres élus Renaissance appellent aussi à assumer la version présentée en février en prenant l’opinion publique à témoin, quitte à risquer une défaite dans l’Hémicycle. « Sur des sujets qui sont des marqueurs politiques comme l’immigration, nous avons donné du temps pour trouver un compromis, estime la députée Renaissance des Yvelines Marie Lebec. Mais je crois qu’il ne faut pas avoir peur d’aller à la confrontation politique ni de dire aux oppositions : “Si vous ne voulez pas de ce texte, c’est votre responsabilité de l’expliquer à nos concitoyens.”

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#politiquemigratoire#metiersentension#travailleurmigrant#fluxmigratoire#economie

  • « Le pourcentage de ceux qui estiment qu’il y a “trop” d’immigrés est en forte baisse depuis plusieurs années »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/29/le-pourcentage-de-ceux-qui-estiment-qu-il-y-a-trop-d-immigres-est-en-forte-b

    « Le pourcentage de ceux qui estiment qu’il y a “trop” d’immigrés est en forte baisse depuis plusieurs années »
    Louis Maurin Directeur de l’Observatoire des inégalités
    En France, 45 % de la population estime qu’« il y a trop d’immigrés », selon une enquête Kantar (ex-Sofres) de décembre 2022. L’affaire semble entendue : l’« opinion » rejette les immigrés. Ce chiffre, médiatisé à outrance, est un élément d’explication de la xénophobie ambiante d’une partie du personnel politique, notamment l’alignement du discours du parti Les Républicains sur celui du Rassemblement national. C’est aussi en partie pour cela que le gouvernement propose une énième loi sur l’immigration.
    L’unanimisme sur ce sujet mérite quelques nuances. Ce pourcentage global rassemble le camp des « tout à fait d’accord » et celui des « plutôt d’accord ». Dans le sondage Kantar, les premiers représentent 20 % de la population, les seconds 25 %. Parmi ces derniers, une bonne partie suit le sens du débat médiatique, pense : « Après tout, puisqu’on nous le dit, c’est sans doute vrai… », ou estime que, dans certains quartiers, la ségrégation est trop grande. Résumer l’« opinion » à une seule question a peu de sens. Ainsi, en même temps, plus de 60 % des Français trouvent que « l’immigration est une source d’enrichissement culturel », selon les enquêtes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
    De plus, les commentateurs des sondages ne soulignent jamais que le pourcentage de ceux qui estiment qu’il y a « trop » d’immigrés est en forte baisse depuis plusieurs années. Il était de 63 % en 2005 et même de 74 % en 1995… La part des « tout à fait d’accord » était de 45 % en 1994, plus de deux fois supérieure au niveau d’aujourd’hui. La part de ceux qui pensent que « l’immigration est une source d’enrichissement culturel » n’était que de 45 % au début des années 1990.
    Les sondages ne valent que pour ce qu’ils sont : un clic sur Internet au milieu de dizaines de questions sans rapport les unes avec les autres. Une réponse à une question qu’on ne se posait pas forcément, du moins en ces termes. Les sondages « hument » l’air du temps, ils ne représentent que l’ombre des valeurs. Le clic sur le « oui » au « trop d’immigrés » est la conséquence de l’amplification à outrance de la parole xénophobe (que l’on pourrait qualifier de « xénophobisme »).
    Il traduit aussi un ras-le-bol des classes populaires et moyennes. Les niveaux de vie des catégories populaires stagnent depuis le début des années 2000. Répondre à un sondeur qu’il y a « plutôt » trop d’immigrés, c’est une manière de dire son sentiment de ne pas être écouté face à la violence de la précarité croissante du travail, des pertes de pouvoir d’achat et des inégalités scolaires, pour ne citer que quelques exemples. Pour les classes moyennes, c’est aussi l’impression d’être le dindon de la farce de politiques qui se concentrent sur les plus pauvres et nourrissent l’épargne des riches à force de baisses d’impôts.
    Le succès de l’extrême droite ne corrobore-t-il pas les sondages ? Interrogeons-nous un instant. Celui qui, en 2022, a placé dans l’urne un bulletin Marine Le Pen – comme celui qui s’est abstenu – est responsable de son vote. Est-il raciste ? Pour partie, sans doute. Dans la dernière enquête de la CNCDH, 3 % des Français se disent « plutôt » racistes et 15 % « un peu » (contre respectivement 12 % et 31 % en 2000). Cette explication est cependant trop courte, car ce vote traduit beaucoup de choses. Par exemple, la peur de la fin d’un monde pour les catholiques. Leur part dans la population est passée de 70 % en 1981 à 32 % en 2018, selon l’enquête Arval sur les valeurs. Les mariages religieux et les baptêmes ont chuté, les églises se vident, le nombre d’ordinations de prêtres n’a jamais été aussi bas. Le « remplacement » n’a rien à voir avec l’islam, qui représente 6 % de la population, mais avec les non-croyants, dont la part a plus que doublé (de 26 % à 58 %)… Les musulmans sont les boucs émissaires d’un autre phénomène.
    Le vote pour l’extrême droite exprime surtout le rejet de forces politiques qui ne parlent plus aux classes populaires. Dont les mots et les programmes, forgés par notre élite scolaire, sont inintelligibles et inadaptés à ses besoins, à droite comme à gauche. Dans le secret de l’isoloir, l’électeur inquiet sacrifie l’immigré sur l’autel du coup de gueule et de l’appel à l’aide sans réponse depuis des années.
    Suivre ce raisonnement n’empêche en rien de débattre des difficultés posées par la concentration d’immigrés dans certaines cités, par l’expression du radicalisme religieux, quel qu’il soit, et des solutions concrètes à mettre en œuvre. Les premières victimes en sont souvent les immigrés eux-mêmes. Ce même raisonnement devrait surtout conduire la classe politique à une cure de désintoxication aux sondages afin de sortir de l’ivresse dans laquelle elle se trouve. Elle doit quitter au plus vite cette bulle de communication qui la tue à petit feu et qui menace nos valeurs démocratiques. Sauf à imaginer qu’ils se moquent, au fond, de l’avènement d’un régime autoritaire, les partis politiques responsables devraient mener une réflexion sur les motivations profondes des électeurs et sur la fracture sociale qui mine le pays, sur les programmes capables de répondre aux besoins sociaux concrets des classes populaires et moyennes, notamment dans le domaine de l’école, du logement, ou des transports. Plutôt que de restreindre sans fin leurs droits, ils devraient faciliter l’insertion des étrangers vivant en France, en particulier sur le marché du travail.
    Louis Maurin est directeur de l’Observatoire des inégalités. Il a notamment publié « Encore plus ! Enquête sur ces privilégiés qui n’en ont jamais assez » (Plon, 2021).

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#politiquemigratoire#xenophobie#sondage

  • « En 2080, quand les réfugiés climatiques européens sont refoulés systématiquement par leurs voisins... »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/30/en-2080-quand-les-refugies-climatiques-europeens-sont-refoules-systematiquem

    « En 2080, quand les réfugiés climatiques européens sont refoulés systématiquement par leurs voisins... »
    Tribune François Julien-Laferrière
    professeur émérite de droit public à l’université Paris Saclay
    2080. La Camargue a disparu sous les eaux. Aigues-Mortes (Gard) et Narbonne (Aude) sont redevenues des ports. Sète (Hérault) est réduite au mont Saint-Clair, le reste de la ville a été submergé. Les étangs de Mauguio, du Méjean, de Thau (Hérault), de Sigean (Aude), de Leucate (Aude et Pyrénées-Orientales) ne sont plus que souvenirs. Les Pays-Bas ont perdu près de la moitié de leur superficie, tout comme le Danemark. Le désert couvre la moitié de l’Espagne, le feu a dévoré la forêt portugaise.
    La catastrophe annoncée depuis près d’un siècle est là. Les habitants des zones conquises par les mers fuient. Les uns se réfugient à l’intérieur des terres, pour l’instant épargné. D’autres tentent de gagner des contrées qui devraient être à l’abri de la montée des eaux pendant au moins quelques décennies. L’Ecosse et la Norvège sont les destinations privilégiées. La population de Lyon et de Grenoble double, celle de Toulouse et Strasbourg aussi, tandis que Montpellier et Bordeaux perdent près de la moitié de leurs habitants. Ces migrations internes et internationales causent des tensions. Tout un quartier d’une sous-préfecture de l’est de la France manifeste contre l’ouverture d’un « centre d’accueil pour réfugiés internes » qui doit recevoir douze familles originaires du Languedoc.
    Quant à ceux qui ont cru trouver asile en Scandinavie, ils doivent déchanter. Le Danemark, lui-même profondément affecté, et la Norvège, très sollicitée, se retirent de l’espace Schengen pour ne plus être liés par le principe de libre circulation des personnes. Ils mobilisent leurs gardes-côtes – dont les effectifs sont considérablement augmentés – et refoulent systématiquement les migrants européens qui tentent d’accoster. Et ceux qui ont réussi à gagner la terre ferme sont parqués dans des « camps » spécialement créés pour eux, dotés d’équipements rudimentaires, d’où il est interdit de sortir tant que l’examen de leur demande d’asile n’est pas terminé. Et si l’asile est refusé – ce qui est le cas pour environ 90 % des demandes –, le retour au pays d’origine est la règle, le recours contre cette décision n’étant pas suspensif, sauf raison de santé ou motif « humanitaire ».
    C’est que ces réfugiés d’un nouveau type n’entrent dans aucun des cas prévus par la convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, qui ne s’applique qu’aux personnes fuyant leur pays « en raison de leur race, de leur religion, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ». C’est pourquoi les gouvernements des pays d’Europe du Sud ont demandé, aussi bien dans le cadre de l’Union européenne que de l’Organisation des Nations unies, l’ouverture de négociations en vue de l’élaboration d’une convention qui s’appliquerait aux « réfugiés climatiques ». Vainement. Les Etats d’Europe du Nord et des deux Amériques, mais aussi certains pays africains, s’y opposent fermement, craignant un effet d’« appel d’air » et une « invasion de migrants ».
    L’une des seules voies qui reste ouverte aux candidats au départ, c’est la traversée de la Méditerranée, puis de l’Afrique du Nord et du Sahel, avec l’espoir de gagner les pays d’Afrique centrale où l’éloignement de la mer et le climat semblent encore permettre de survivre pour quelques générations. Mais, eux aussi, se défendent, dressent des murs et des barbelés dans l’espoir de se protéger de cet afflux – ces hordes – d’Européens, blancs, chrétiens, arrogants, qui risquent de mettre en péril leur économie et leur cohésion nationale déjà si fragile. On recense tous les jours des naufrages d’embarcations surchargées. On trouve dans le désert des cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants morts de soif, on en sauve parfois quelques-uns avant l’issue fatale. Mais les autorités de certains pays refusent, notamment à SOS Méditerranée, l’autorisation de débarquer les rescapés ou ferment leur espace aérien aux avions ou hélicoptères effectuant des sauvetages.
    Nul n’est à l’abri de devoir un jour quitter son pays pour trouver la paix, la sécurité, ou tout simplement pour pouvoir survivre ; pas même nous, Français. Alors, ce scénario d’apocalypse est-il totalement absurde ? Imaginer seulement qu’il n’est pas totalement invraisemblable, sans aller jusqu’à le penser probable, ne doit-il pas nous conduire à être davantage accueillants envers ceux qui frappent à nos portes ? Les débats qui vont entourer l’élaboration puis le vote de la future loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » doivent être l’occasion d’envisager différemment les phénomènes migratoires, de ne pas les regarder qu’avec nos yeux de pays sollicités, mais aussi avec ceux de nos semblables humains qui nous sollicitent.
    François Julien-Laferrière est professeur émérite de droit public à l’université Paris-Saclay, spécialiste du droit des étrangers et de l’asile, ancien juge à la Cour nationale du droit d’asile.

    #Covid-19#migrant#migration#asile#refugieclimatique#refoulement#accueil#immigration#integration#prospective

  • Au Sénégal, Fass Boye, port d’embarquement clandestin pour les Canaries
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/29/au-senegal-fass-boye-port-d-embarquement-clandestin-pour-les-canaries_618699

    Au Sénégal, Fass Boye, port d’embarquement clandestin pour les Canaries
    Plus de 1 500 km séparent le village de pêcheurs du territoire espagnol. Malgré la grande dangerosité de cette route migratoire, les jeunes, désœuvrés, sans espoir, continuent de partir.
    Par Théa Ollivier(Fass Boye, Sénégal, envoyée spéciale)
    A l’abri sous une paillote de fortune sur la plage de sable blanc, Babacar Dièye regarde quelques pêcheurs sortir deux maigres caisses de poissons de leur pirogue colorée. Des gestes répétés à maintes reprises avec son frère de 37 ans qui a disparu dans le bateau secouru le 15 août au large du Cap-Vert, qui avait pour objectif de rejoindre clandestinement les îles espagnoles des Canaries. « Je suis encore sous le choc… Nous n’avons pas de corps, ni personne pour nous expliquer les raisons de son décès, c’est trop dur », se lamente le pêcheur, qui a pris en charge la veuve et les quatre enfants du disparu.Selon un communiqué du ministère des affaires étrangères, l’embarcation avait quitté le 10 juillet la localité de Fass Boye, à 150 km au nord de Dakar, avec officiellement 101 passagers à bord – autour de 150 selon les habitants du village. Sur les 38 rescapés, tous originaires de Fass Boye, 37 ont été rapatriés mardi 22 août au Sénégal par un avion militaire. Sept corps ont été retrouvés mais ils ont été enterrés au Cap-Vert faute de pouvoir les transporter.
    Galam Boye, habitant du village, a fait partie de la délégation qui est allée reconnaître les corps et chercher les rescapés. « Les jeunes avaient tous très peur, criaient et ne voulaient parler à personne. Ils étaient traumatisés psychologiquement par le voyage. J’ai pleuré, ils étaient très maigres et perdaient la mémoire », témoigne en espagnol ce père de famille qui a habité plusieurs années en Espagne, après avoir réussi en 2006 à rejoindre les îles Canaries par la mer.Mais cette fois-ci, le trajet ne s’est pas déroulé comme prévu. Le regard dans le vague, Galam Boye répète les récits rapportés par les jeunes qu’il a rencontrés. « Au bout de dix jours en mer, le carburant était terminé, ils sont partis à la dérive. Cinq jours plus tard, ils ont épuisé les réserves d’eau et de nourriture. Ils jetaient quotidiennement à la mer le corps de ceux qui étaient décédés », relate-t-il sans respirer. Les rescapés ont finalement été sauvés au bout de trente-six jours de mer. « Deux d’entre eux avaient des blessures autour du cou, on m’a raconté qu’ils devenaient fous et voulaient sauter de la pirogue… Ils les ont donc attachés avec une corde », continue Galam Boye.
    Mais au village, impossible de rencontrer les survivants. Tous ont été confiés aux hôpitaux pour soigner leurs blessures physiques et psychologiques. Allongé sur une natte sur la plage, Ahmed Diop Mbaye a du mal à imaginer l’horreur qu’a traversée son fils, Ali Mbaye, pêcheur de 30 ans, qui est encore hospitalisé dans une clinique privée de Mboro, à moins de 30 km de là. « Il est malade car la nourriture manquait sur le bateau. Il n’a pas mangé pendant plusieurs jours et il a bu l’eau de la mer, ses pieds et ses yeux sont gonflés », témoigne le père de famille, qui remercie Dieu de lui avoir rendu son fils.
    Abdou Karim Sarr, une cinquantaine d’années, n’a pas eu cette chance : cinq membres de sa famille ont disparu, dont son fils. Dans la grande concession familiale, les femmes assises à l’ombre sur des nattes, égrènent leur kurus, le chapelet musulman, et refusent de parler de peur de pleurer. Même s’il n’était pas au courant de leur départ, M. Sarr comprend le désespoir des plus jeunes. « Ils ont voulu aller en Europe pour espérer une vie meilleure car ici nous n’avons pas les moyens de nous nourrir. Le poisson manque : il y a quelques années, nous pouvions ramener deux ou trois tonnes par sortie, mais maintenant nous avons du mal à avoir 500 kg », témoigne-t-il tout en plaidant pour « une diminution du nombre de licences de pêche accordées aux bateaux étrangers. ».
    En 2006, Galam Boye avait quitté le village pour les mêmes raisons. « Nous ne vivions pas bien de la pêche. Aujourd’hui, rien n’a changé. Des bateaux étrangers viennent toujours pêcher dans notre mer et épuiser nos ressources », alerte-t-il, assurant qu’en six mois les pêcheurs de sa famille n’arrivent pas à gagner un million de francs CFA (environ 1 500 euros). Mais le risque est trop élevé de voyager par la mer, prévient Galam Boye. Lui avait été arrêté en 2006 à son arrivée aux Canaries et a été incarcéré pendant trois ans, accusé d’être le capitaine du bateau, avant d’être expulsé quelques années plus tard. « J’avais un travail en prison, je gagnais 500 euros par mois et je pouvais aider ma famille. Moi, je préfère retourner en prison en Espagne que vivre ici », témoigne le pêcheur.
    Les premières pirogues clandestines ont commencé à partir en 2006 puis se sont arrêtées autour de 2014 avant de reprendre aujourd’hui. Plus de 800 milles nautiques (1 500 km) séparent Fass Boye des Canaries qui rendent cette route migratoire particulièrement longue et dangereuse. Dans ce village de pêcheurs, la rareté des ressources halieutiques s’amplifie avec le réchauffement climatique et l’installation d’usines de farine de poisson dans la région.
    Mais ce regain de départs à Fass Boye, devenu une plaque tournante de l’émigration clandestine, ne peut pas s’expliquer par cette unique raison alors que la deuxième activité économique est le maraîchage. « Les prix de vente ne sont pas bons, car les cultivateurs sont trop nombreux et nous vendons tous notre production en même temps car nous n’avons aucun moyen de stockage », constate Ibrahima Diop, 42 ans, qui a perdu plusieurs amis en mer. « Je sais que l’Etat ne peut pas nous donner du travail, mais il peut nous aider à investir, comme dans l’achat d’un frigo, car nous n’avons pas les moyens », propose-t-il.
    Dans ce village isolé, accessible par une seule route abîmée, l’autre enjeu de taille est l’accès au foncier pour les jeunes générations alors que plus aucun terrain n’est disponible, ni pour habiter ni pour cultiver. « Nous faisons face à un boom démographique : les jeunes se marient tôt et font rapidement des enfants mais ils ne peuvent pas se projeter dans les dix prochaines années », explique Moustapha Gueye, un membre de la société civile. Ils rêvent donc d’Europe alors que ceux qui sont revenus d’Espagne ont réussi à construire leur maison.« Ceux qui sont partis en pirogue développent le village. Moi aussi je veux réussir dans la vie, avoir un travail, des femmes et des enfants », prévient un jeune commerçant de 17 ans, qui préfère taire son nom, mais se dit prêt à risquer le voyage vers l’Espagne dès qu’il aura réuni la somme nécessaire.
    Si les motivations de départ sont avant tout économiques, certains pointent égalmeent des raisons politiques. A six mois de l’élection présidentielle prévue en février 2024, Alexandre Gubert Lette, directeur exécutif de l’association Teranga Lab, pointe ainsi du doigt l’instabilité politique qui encourage les départs. « L’avènement de l’opposant Ousmane Sonko qui est maintenant derrière les barreaux a un impact clair sur les jeunes populations, alors que les manifestations sont étouffées et réprimées. Cela accentue le sentiment d’être dans un pays où la justice n’est pas impartiale et contribue à alimenter le désespoir des jeunes qui veulent partir », observe-t-il.
    La recrudescence de départs vers les îles Canaries touche tout le nord de la côte ouest-africaine. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 126 personnes sont mortes ou ont disparu entre le continent et les îles espagnoles au premier semestre 2023. Mais, d’après l’association Caminando Fronteras, le bilan est bien plus lourd. L’ONG qui défend les droits des migrants a recensé jusque-là 778 victimes. A Dakhla, ville du Sahara occidental, des milliers de ressortissants sénégalais, dont certains originaires de Fass Boye, ont été interceptés par les autorités marocaines puis rapatriés. Pour faire face, le gouvernement sénégalais a présenté fin juillet une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière qui vise à « réduire drastiquement le phénomène à l’horizon 2033 », selon le ministre de l’intérieur Antoine Félix Diome.
    Dans l’attente de sa mise en œuvre, ce sont les autorités locales qui tentent de dissuader les jeunes de partir. Vendredi, jour de grande prière, le prêche de l’imam les conseillant de rester travailler au village résonne dans les rues de Fass Boye. Entouré d’une foule venue prier pour les morts du dernier drame, le religieux n’a que peu de chances d’être entendu, dès lors il demande à Dieu « d’accueillir les victimes au paradis ».
    Théa Ollivier(Fass Boye, Sénégal, envoyée spéciale)

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#immigrationirreguliere#routemigratoire#mortalite#traversee#atlantique#sante#santementale#fassboye#OIM#dakhla#rapatriement#politiquemigratoire

  • « Les immigrés partagent les valeurs dominantes de leur pays d’accueil »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/28/les-immigres-partagent-les-valeurs-dominantes-de-leur-pays-d-accueil_6186785

    « Les immigrés partagent les valeurs dominantes de leur pays d’accueil »
    Tribune
    Bernard Denni
    L’enquête « European Values Study » montre qu’en Europe, la majorité des personnes étrangères et d’origine étrangère ont, de la même manière que les autochtones, des valeurs traditionnelles dans l’Est et le Sud, et d’émancipation personnelle dans le Nord et l’Ouest, explique le politiste Bernard Denni, dans une tribune au « Monde ».
    L’immigré est très souvent perçu par les Européens comme une menace pour leur mode de vie et les idéaux démocratiques. Une actualité trop souvent tragique et très médiatisée nourrit cette perception. Dans le cadre de l’European Values Study [une enquête menée dans 35 pays européens entre 2017 et 2020, portant sur le sens que les individus donnent à la famille, au travail, aux loisirs, aux relations à autrui, à la religion et à la politique], l’analyse des réponses des personnes d’origine étrangère dans vingt Etats de l’Union européenne (UE) met en lumière une tout autre réalité. Dans leur grande majorité, les immigrés partagent les valeurs dominantes de leur pays d’accueil.
    L’immigré est défini ici comme une personne née hors du pays de résidence ou bien née dans ce pays mais qui a au moins un des deux parents né dans un autre pays. Parmi ces immigrés, on distingue les « immigrés nationaux » qui ont la nationalité de leur pays de résidence (3 351 personnes interrogées) et ceux qui ne l’ont pas, les « étrangers » (957). Les autres personnes sont les « autochtones » (85 % des enquêtés).
    Dans Les Transformations culturelles. Comment les valeurs des individus bouleversent le monde ? (Presses universitaires de Grenoble, 2018), le politologue Ronald Inglehart démontre que le remplacement progressif des valeurs conservatrices d’ordre et d’autorité par des valeurs d’autonomie et d’émancipation personnelle favorise la démocratie. Celle-ci est étroitement liée à la diffusion de valeurs non directement politiques, parmi lesquelles la tolérance à l’égard de la diversité des mœurs, la confiance en autrui et une perception égalitaire des êtres humains. Ces valeurs sont constitutives d’une « super-dimension culturelle latente » qui oppose les sociétés traditionnelles aux sociétés individualisées.
    Construite à partir de l’analyse statistique des réponses à quatorze questions relatives aux trois valeurs retenues, cette super-dimension permet d’évaluer où se situe une société entre tradition et individualisation. Son score varie de 0 à 20 : plus il est élevé, plus les valeurs d’autonomie sont répandues ; plus il est faible, plus les valeurs traditionnelles sont fréquentes. Le score moyen de 9,90 montre que les Européens se situent à mi-chemin entre les deux systèmes de valeurs. Il existe de très fortes variations en fonction des Etats de l’UE et des groupes sociaux, mais à peu près sans lien avec le statut d’immigré.
    Ainsi, à propos de l’égalité de genre, dans les sociétés individualisées 63 % des autochtones, 64 % des immigrés nationaux et 62 % des étrangers accordent la même importance à l’éducation des garçons et des filles. Un sur deux, dans chaque groupe, reconnaît aux deux sexes le même droit à l’embauche quand les emplois sont rares. Dans les sociétés plus traditionnelles, le rejet de la discrimination de genre est nettement moins fréquent, presque à égalité dans chacun des trois groupes : de 38 % à 41 % pour l’éducation et autour de 20 % pour l’égalité à l’embauche.
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    Au chapitre de la tolérance, dans les sociétés traditionnelles, l’homosexualité est jugée « toujours justifiée » par 19 % des autochtones, 23 % des immigrés nationaux et 21 % des étrangers. Dans les sociétés individualisées, la même réponse est donnée par 56 % des autochtones, 51 % des immigrés nationaux et seulement 36 % des étrangers. Plusieurs facteurs expliquent cet écart.
    Huit étrangers sur dix sont nés dans une société traditionnelle, soit plus du double des immigrés nationaux. Les conflits entre les cultures des sociétés d’origine et d’accueil, plus fréquents, ralentissent le processus d’individualisation, d’autant que leur temps de résidence dans la société d’accueil est deux fois plus court que celui des immigrés nationaux. De surcroît, leur statut social est plus modeste et ils sont deux fois plus nombreux à se déclarer de religion orthodoxe ou musulmane. Or le statut social et, plus encore, la religion ont un effet puissant sur la persistance des valeurs conservatrices dans les sociétés individualisées : 55 % des étrangers acceptent l’homosexualité s’ils sont sans religion et 26 % s’ils sont pratiquants.
    Le brassage des normes et des valeurs entre autochtones, immigrés et étrangers, sur fond d’inégalités sociales, n’est pas toujours un long fleuve tranquille et engendre d’inévitables tensions. Mais ces analyses ne font pas apparaître de clivages entre les valeurs des autochtones et celles des immigrés justifiant un sentiment de menace. Comme les autochtones, la majorité des personnes d’origine étrangère ont des valeurs traditionnelles à l’est et au sud de l’Europe, et des valeurs d’émancipation personnelle au nord et à l’ouest, avec des variations liées aux mêmes facteurs socio-économiques et religieux. Les politiques d’immigration devraient favoriser davantage ces ressorts sociologiques par lesquels les immigrés deviennent des Européens comme les autres.
    Une enquête quantitative, la European Values Study, est menée régulièrement depuis 1981 dans une très grande partie de l’Europe : trente-cinq pays en 2017-2020, 56 491 interviews d’une heure, face à face, sur des échantillons le plus représentatifs possible des populations de chaque pays, avec une méthodologie strictement aléatoire. Le questionnaire, très détaillé, porte sur le sens que les individus donnent à la famille, au travail, aux loisirs, aux relations à autrui, à la religion et à la politique.
    Cette enquête permet de mesurer les valeurs et les systèmes de valeurs, c’est-à-dire les idéaux intériorisés par les individus, qui les animent et les font vivre. On peut ainsi comparer de façon précise les valeurs dans les différentes aires géographiques et pays. L’équipe française qui analyse ces données est pilotée depuis Sciences Po Grenoble et le laboratoire de sciences sociales Pacte, en partenariat avec des enseignants-chercheurs de huit établissements d’enseignement supérieur. Elle vient de publier, sous la direction de Pierre Bréchon, Les Européens et leurs valeurs. Entre individualisme et individualisation (Presses universitaires de Grenoble, 312 pages, 29,50 euros, numérique 27 euros).
    Bernard Denni est professeur émérite de science politique, chercheur au laboratoire Pacte, qui réunit l’université Grenoble-Alpes, Science Po Grenoble et le CNRS.

    #Covid-19#migrant#migration#france#europe#immigration#enquete#systemevaleur#famille#travail#religion#politique

  • Migration professionnelle : 150 jeunes sénégalais présélectionnés pour travailler au Canada – le soleil
    https://lesoleil.sn/migration-professionnelle-150-jeunes-senegalais-preselectionnes-pour-travai

    Migration professionnelle : 150 jeunes sénégalais présélectionnés pour travailler au Canada
    18 août 2023
    Des jeunes sénégalais seront bientôt au Canada dans le cadre d’un partenariat entre l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes et Galileo Partners, un cabinet d’avocats spécialisé en immigration et recrutement international. L’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (Anpej) participe à une mission de recrutement avec son partenaire Galileo partners, un cabinet d’avocats spécialisé en immigration et recrutement international pour les entreprises du Québec et du Canada. Dans le cadre de cette activité, une rencontre s’est tenue, mercredi 16 août 2023, à Dakar, afin de partager avec les jeunes le maximum d’informations sur les opportunités au Canada.
    Galileo partners a entamé des entretiens d’embauche qui se tiennent du 14 au 18 août. Des rencontres qui incluent des sessions d’information sur la migration professionnelle. L’objectif de cette mission de quatre jours est de recevoir en entretien d’embauche les 150 jeunes présélectionnés à la suite de l’appel à candidature lancé le 18 juillet pour des postes d’électromécaniciens, de caristes-magasiniers, d’opérateurs de production ou encore de cuisiniers-serveurs. « Cette initiative vient à son heure dans un contexte marqué par l’émigration clandestine », a reconnu Tamsir Faye, Directeur général de l’Anpej. Ce dernier soutient que cela participe à aider les jeunes à trouver de l’emploi et leur permettre de choisir la voie de l’immigration régulière. « Nous avons eu l’occasion de travailler avec l’Anpej pour mettre sur pied un recrutement international », informe Francis Grignet, avocat en immigration et cofondateur de Galileo partners. Ce recrutement permet, selon lui, de donner l’occasion de venir rencontrer des travailleurs pour des employeurs canadiens dans des domaines où il y a une pénurie de main d’œuvre. « Cela nous permet également de donner la bonne information sur l’immigration canadienne aux jeunes sénégalais », a déclaré l’avocat en immigration. Arame NDIAYE

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#canada#economie#travailleurmigrant#immigration#information#politiquemigratoire#postcovid

  • La Fabrique des Français. Histoire d’un peuple et d’une nation de 1870 à nos jours

    Aujourd’hui, un quart de la population française trouve ses racines à l’extérieur du territoire. De la IIIe République à nos jours, cette fiction documentaire en bande dessinée illustre la construction d’une #nation par le prisme de son immigration, de toutes les immigrations. Celle des Italiens, des Polonais, des Arméniens, des Russes, des Espagnols, des Portugais, des Algériens, des Maliens, des Cambodgiens... et de tous ceux venus y faire leur vie.
    En croisant enquête historique et contemporaine, les auteurs racontent la France « au pluriel » et la manière dont elle s’est construite depuis plus de 150 ans. Un document salutaire.

    https://www.futuropolis.fr/9782754828796/la-fabrique-des-francais.html

    https://www.youtube.com/watch?v=bv9-dUnYpb0


    #France #immigration #nationalisme #migrations #racisme #BD #bande-dessinée #BD #accordéon #Sébastien_Vassant

  • ★ Les années se suivent et se ressemblent - Le Libertaire GLJD

    (...) L’Etat et le patronat s’attaquent à tout ce qui est collectif. Les syndicats sont marginalisés même si la récente réforme des retraites a coalisé l’intersyndicale, ce qui ne fut pas pour autant un succès de lutte. Les solidarités s’étiolent sauf quelques exemples qui confirment la règle. Les relations humaines s’estompent notamment dans les grandes villes. L’égoïsme et la solitude triomphent. En tant qu’anarchistes, nous faisons bien le distinguo entre la philosophie individualiste qui enrichit l’autonomie personnelle et l’individualisme bourgeois qui ne tient aucun cas des autres.

    Des trois tendances socialistes historiques, seul l’anarchisme n’a pu montrer ses possibilités hormis le bref été de l’anarchie en Espagne durant la Révolution espagnole en 1936-1937. La social-démocratie a été usée par le pouvoir mitterrandien et hollandais et le communisme marxiste n’a produit que des dictatures avec à la clef une répression féroce et morbide de millions de personnes (URSS, Chine, Cuba, Vietnam…). Marx et ses successeurs qui ont eu foi dans un parti progressiste de bourgeois et d’ouvriers sont vite tombés dans les travers de la dictature sur le prolétariat (...)

    #anarchisme #anticapitalisme #émancipation
    #Nahel #pauvreté #macronie #répression #capitalisme #Etat #patronat #socialisme #social-démocratie #communisme #marxisme #écologie #extrêmedroite #Immigration #quartiers...

    https://le-libertaire.net/les-annees-se-suivent-et-se-ressemblent

  • Giftcocktail für Bauarbeiter
    https://jungle.world/artikel/2023/31/giftcocktail-fuer-bauarbeiter

    Le patronat de l’industrie du bàtiment allemande s’est défait du salaire minimum du secteur. Un règlement d’exception pour les travailleurs des pays du Balkan hors EU autorise leur embauche directe. Leur droit de séjour est invalidé dès qu’ils terminent leur contrat avec leur employeur. Les entreprises du secteur peuvent alors maintenir de trè bas salaires au lieu de former des jeunes qu’il faudrait payer plus cher.

    Ausgabe 2023/31 von Stefan Dietl - »Das Baugewerbe atmet auf«, kommentierte die Nachrichten-Website Handwerk.com, die sich an »Chefinnen und Chefs im Handwerk« richtet. Ende Juni hatte die Bundesregierung die sogenannte Westbalkan-Regelung entfristet und ausgeweitet. Damit sicherte sie vielen Unternehmen, die wegen schlechter Lohn- und Arbeitsbedingungen nicht genug Personal auf dem deutschen ­Arbeitsmarkt finden, die Zufuhr billiger Arbeitskraft.

    Die Westbalkan-Regelung war 2016 eingeführt worden. In den Jahren davor hatte die damalige schwarz-rote Regierungskoalition die Länder des Westbalkan zu sicheren Herkunftsländern erklärt. Dadurch wurden Abschiebungen erleichtert und Menschen von dort hatten kaum noch Chancen auf Asyl. Im Gegenzug sollte die Westbalkan-Regelung Arbeitskräften, die in Deutschland gebraucht wurden, den Zuzug erleichtern.

    Menschen aus Albanien, Bosnien und Herzegowina, Kosovo, Montenegro, Nordmazedonien und Serbien erhielten dadurch erleichterten Zugang zum deutschen Arbeitsmarkt – und zwar »für jede Art von Beschäftigung, unabhängig von einer anerkannten Qualifikation«, wie auf der Website der Deutschen Botschaft im Kosovo nachzulesen ist. Der Antrag dafür kann nur in den Herkunftsländern gestellt werden, Voraussetzung ist ein verbindliches Arbeitsplatzangebot in Deutschland.

    Pro Jahr gab es diese Möglichkeit für maximal 25.000 Menschen, außerdem wurde die Regelung bis 2020 befristet und dann auf Drängen von Arbeitgeberverbänden zunächst bis 2023 verlängert. Schließlich beschloss die Bundesregierung, die Verordnung zu entfristen, und erhöhte zugleich die Zahl der Menschen, die jährlich zum Arbeiten nach Deutschland kommen können, auf 50.000. Der Bundesrat stimmte dem Ende Juni zu.

    Die Westbalkan-Regelung ist für Unternehmen besonders attraktiv, weil die Arbeitsmigranten voll und ganz an ihren Arbeitgeber gebunden sind. Ein Arbeitsplatzwechsel ist ausgeschlossen und würde zum Verlust der befristeten Aufenthaltserlaubnis führen. Hinzu kommen oft weitere persönliche Abhängigkeiten, da die Arbeitsplätze nicht durch staatliche Stellen der Herkunftsländer, sondern meist informell vergeben werden. Nicht selten fließt ein Teil des kargen Lohns in die Taschen von Mittelsmännern.

    Vergangenes Jahr verwarfen die Arbeitgeberverbände der Bauwirtschaft den seit über 25 Jahren bestehenden Branchenmindestlohn.

    Von der Westbalkan-Regelung profitiert insbesondere das Baugewerbe. 44 Prozent der derart angeworbenen Arbeiter:innen schuften in Deutschland auf Baustellen – zu dem Ergebnis kam eine Untersuchung des Instituts für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung der Bundesagentur für Arbeit über die Jahre 2016 und 2017. Der über Jahre andauernde Boom der Branche, der deutschen Baukonzernen große Profite bescherte, basierte auf der massenhaften Ausbeutung migrantischer Arbeitskräfte in prekären Beschäftigungsverhältnissen. Lohndumping, Arbeitszeitbetrug und die Umgehung gesetzlicher Normen gehören im Bausektor zum Alltag insbesondere ausländischer Arbeitskräfte.

    Viele Bauarbeiter:innen, die über die Westbalkan-Regelung nach Deutschland kommen, haben zwar wenig formelle Qualifikationen, bringen jedoch umfassende berufspraktische Erfahrungen mit. Über die Hälfte von ihnen ist daher als Fachkraft tätig – bezahlt werden sie jedoch meist nur auf Helfer:innenniveau. Wie im März aus der Antwort der Bundesregierung auf eine Anfrage der stellvertretenden Vorsitzenden der Bundestagsfraktion der Linkspartei, Susanne Ferschl, hervorging, verdienten 2021 45 Prozent der betroffenen Vollzeitbeschäftigten weniger als 2 500 Euro brutto im Monat, 15 Prozent gar weniger als 2.000 Euro.

    Dass es den Bauunternehmen in den vergangenen Jahren gelang, die Lohnkosten in der Branche trotz des eklatanten Arbeitskräftemangels niedrig zu halten, haben sie also nicht zuletzt der Westbalkan-Regelung zu verdanken. »Die Westbalkanregelung in ihrer derzeitigen Form ermöglicht die syste­matische Ausbeutung ausländischer Arbeitskräfte, in Branchen, in denen aufgrund schlechter Arbeitsbedingungen und niedriger Löhne fast niemand mehr arbeiten möchte«, sagte Ferschl der Tageszeitung ND.

    Vergangenes Jahr verwarfen die Arbeitgeberverbände der Bauwirtschaft sogar den seit über 25 Jahren bestehenden Branchenmindestlohn; nun gilt bis auf weiteres der niedrigere gesetzliche Mindestlohn. Belohnt werden sie dafür nun von der Bundesregierung mit der Ausweitung der Westbalkan-Regelung – trotz der deutlichen Kritik der Gewerkschaften. »Der erhebliche Fachkräftebedarf der Branche soll also auf dem Rücken eingewanderter Beschäftigter zu Niedriglöhnen behoben werden, statt die gerade im Baugewerbe dringend benötigten Fachkräfte angemessen zu bezahlen«, hieß es Anfang des Jahres in einer Stellungnahme des DGB. Dass Unternehmen, welche die Westbalkan-Regelung in Anspruch nehmen, keine Tarifbindung vorweisen müssen, »öffnet dem Lohndumping Tür und Tor«, kritisierte der Bundesvorsitzende der für das Baugewerbe zuständigen Gewerkschaft IG BAU, Robert Feiger. In Kombination mit einem fehlenden Branchenmindestlohn werde daraus ein »richtiger Giftcocktail«, so Feiger.

    Die Bundesregierung sieht darin offenbar kein Problem. Im Gegenteil: Manche in der FDP und der SPD möchten die Verordnung in Zukunft auch auf andere Länder anwenden. Die SPD-Bundestagsabgeordneten Hakan Demir und Rasha Nasr hatten zum Beispiel im April eine Ausweitung der Westbalkan-Regelung auf Tunesien, Georgien und die Republik Moldau vorgeschlagen.

    Wie auch die kürzlich verabschiedete Reform des Fachkräfteeinwanderungsgesetzes zeigte, will die Bundesregierung den vielfach beklagten Personalmangel vor allem mit Hilfe schlecht bezahlter auslän­discher Arbeitskräfte lösen, anstatt Arbeitsbedingungen zu verbessern.

    #travail #Alkamagne #Balkan #immigration #exploitation

  • Libération de passeurs : la Commission européenne lance une procédure contre la Hongrie
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/14/liberation-de-passeurs-la-commission-europeenne-lance-une-procedure-contre-l

    Libération de passeurs : la Commission européenne lance une procédure contre la Hongrie
    Le Monde avec AFP
    Publié hier à 19h28, modifié hier à 21h13
    La Commission européenne a lancé, vendredi 14 juillet, une procédure d’infraction contre la Hongrie à propos d’un décret prévoyant la remise en liberté de centaines de passeurs de migrants en vue de leur expulsion. Le gouvernement du premier ministre, le nationaliste Viktor Orban, a décidé à la fin d’avril de relâcher 700 détenus condamnés pour trafic d’êtres humains, pour la plupart originaires des pays alentour.Le texte vise à permettre la libération anticipée de tout détenu étranger condamné pour trafic d’êtres humains, – crime passible d’une peine allant jusqu’à dix ans de prison –, à condition qu’il s’engage à quitter le territoire hongrois dans « les soixante-douze heures ». Il stipule aussi que le prisonnier peut aller poursuivre « sa détention » dans « son territoire de résidence habituelle ».
    Les autorités hongroises font valoir que les prisons sont confrontées à une hausse du nombre de détenus condamnés pour trafic d’êtres humains – ils représentent 13 % du total, soit 2 600 personnes, originaires de 73 pays. Le décret publié le 27 avril vise donc à limiter « le coût pour les contribuables hongrois ».
    Cette décision de la Hongrie a déclenché, entre autres, les protestations de l’Autriche voisine, qui l’a qualifiée par la voix de son ministre des affaires étrangères de « signal totalement erroné ». Alexander Schallenberg a convoqué l’ambassadeur hongrois à Vienne pour lui demander « des explications ». Les autorités autrichiennes craignent en effet que de nombreux passeurs libérés en profitent pour entrer en Autriche. Les contrôles ont été renforcés tout au long des quelque 400 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays.Aucune disposition n’est prévue pour surveiller l’application de la peine de détention des passeurs hors de la Hongrie, note la Commission européenne. L’exécutif européen considère en outre que « de telles sanctions raccourcies appliquées à des gens condamnés pour trafic d’êtres humains ne sont ni efficaces ni dissuasives ».
    La Commission européenne a envoyé une lettre de mise en demeure à la Hongrie, qui a deux mois pour répondre à ses préoccupations. Une telle procédure peut conduire à la saisine de la justice européenne, et à d’éventuelles sanctions financières.Le ministre des affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, a fustigé cette mesure. « Le modèle du trafic d’êtres humains fonctionne parce que Bruxelles met en œuvre des politiques favorables à l’immigration », a-t-il estimé.

    #Covid-19#migrant#migration#hongrie#autriche#immigration#UE#passeur#traficetrehumain#commissioneuropeenne#postcovid

  • On sait mieux où va la France - Jean-François Bayart, Le Temps
    https://www.letemps.ch/opinions/on-sait-mieux-ou-va-la-france

    Reprenons les faits. La France brûle. Pour un homme qui se faisait fort de l’apaiser et clignait de l’œil à la #banlieue lors de sa première campagne électorale, le constat est amer. Il vient après le mouvement des Gilets jaunes et une succession de mouvements sociaux de grande intensité. Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’embrasement des #quartiers_populaires, tant était connue la colère sociale qui y couvait. Tellement redouté, même, qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin ont immédiatement compris la gravité et le caractère inacceptable de l’#exécution_extra-judiciaire de Nahel – le mot est fort, j’en conviens, mais de quoi s’agit-il d’autre au vu de la vidéo ?
    Les paroles d’apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la démission du pouvoir politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la #police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’Etat de droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’immigration et la délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre. Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour « refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt » :5 fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.
    Et l’avocat du policier meurtrier de justifier son client : Nahel n’obtempérait pas et il n’y avait pas d’autre moyen de l’arrêter que de tirer. A-t-on besoin d’un avocat pour entendre une insanité pareille alors qu’il suffit de tirer dans les roues ? On se croirait à Moscou ou Minsk, où des hommes politiques promettent à Prigojine une « balle dans la tête ». Aux yeux de certains, le refus d’obtempérer semble désormais passible de la peine de mort. Une grammaire s’installe, qui brutalise les rapports sociaux, et dont on voudrait faire porter la responsabilité à l’« ultragauche », aux « éco-terroristes », à La France insoumise, alors qu’elle émane d’abord de certains médias et des pouvoirs publics, sous influence de l’extrême droite.

    Nils Wilcke @paul_denton
    https://twitter.com/paul_denton/status/1675117088661286915

    Macron n’a pas activé l’état d’urgence suite aux violences après la mort de Nahel : « En réalité, l’exécutif a à sa disposition un tel arsenal de lois répressif depuis 2015 qu’il n’est presque plus nécessaire d’y avoir recours », observe un conseiller. Vu comme ça... #Off

    #Nahel #racisme #révolte #émeutes #média #extrême_droite

    • Le texte complet:

      Où va la France ? demandai-je le 8 mai, dans Le Temps. Aujourd’hui, on le sait mieux. Vers l’#explosion_sociale, vers son inévitable #répression_policière puisque la fermeture des canaux démocratiques contraint la #protestation à la #violence_émeutière, et vers l’instauration d’un régime paresseusement qualifié d’« illibéral » (c’est le sociologue du politique qui écrit, peu convaincu par cette notion valise qui pourtant fait florès).

      Reprenons les faits. La France brûle. Pour un homme qui se faisait fort de l’apaiser et clignait de l’œil à la #banlieue lors de sa première campagne électorale, le constat est amer. Il vient après le mouvement des Gilets jaunes et une succession de mouvements sociaux de grande intensité. Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’#embrasement des #quartiers_populaires, tant était connue la #colère_sociale qui y couvait. Tellement redouté, même, qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin ont immédiatement compris la gravité et le caractère inacceptable de l’#exécution_extra-judiciaire de #Nahel – le mot est fort, j’en conviens, mais de quoi s’agit-il d’autre au vu de la vidéo ?

      Les paroles d’#apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple #bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la #démission du #pouvoir_politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la #police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’#Etat_de_droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le #terrorisme, l’#immigration et la #délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article #435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des #armes_à_feu par les #forces_de_l’ordre. Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour « refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt » :5 fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.

      Et l’avocat du policier meurtrier de justifier son client : Nahel n’obtempérait pas et il n’y avait pas d’autre moyen de l’arrêter que de tirer. A-t-on besoin d’un avocat pour entendre une insanité pareille alors qu’il suffit de tirer dans les roues ? On se croirait à Moscou ou Minsk, où des hommes politiques promettent à Prigojine une « balle dans la tête ». Aux yeux de certains, le #refus_d’obtempérer semble désormais passible de la #peine_de_mort. Une grammaire s’installe, qui brutalise les #rapports_sociaux, et dont on voudrait faire porter la #responsabilité à l’« #ultragauche », aux « #éco-terroristes », à La France insoumise, alors qu’elle émane d’abord de certains médias et des pouvoirs publics, sous influence de l’extrême droite.

      Une #violence_policière qui est aussi le prix du retrait de l’Etat

      Comme l’ont démontré depuis des années nombre de chercheurs,la violence policière est devenue la règle dans les « quartiers », et le refus des autorités politiques de prononcer ce vilain mot aggrave le #sentiment_d’injustice. Mais la vérité oblige à dire que ladite violence policière est aussi le prix du retrait de l’Etat qui a asphyxié financièrement le tissu associatif de proximité et démantelé les #services_publics en confiant à ses flics une mission impossible : celle de maintenir la #paix_sociale dans un Etat d’#injustice_sociale, prompt à l’#injure_publique à l’encontre de la « #racaille ». Tout cela sur fond de dénonciation hystérique du « #wokisme » et de vociférations sur les chaînes d’information continue des syndicats de police, dont les membres sont de plus en plus nombreux à porter sur leur uniforme la #Thin_Blue_Line prisée de l’extrême droite suprémaciste américaine.

      Bien sûr, l’Etat ne peut laisser sans réagir la banlieue s’embraser. L’ « #ordre_républicain » est en marche, avec son lot d’#arrestations, de #blessés, peut-être au prix de l’#état_d’urgence ou d’un #couvre-feu national, « quoi qu’il en coûte », à un an des #Jeux_Olympiques. Le #piège s’est refermé. Quel « #Grand_débat_national » (ou banlieusard) le magicien Macron va-t-il sortir de son chapeau pendant que les chats de Marine Le Pen se pourlèchent les babines ?

      Certains lecteurs de ma tribune « Où va la France ? » se sont offusqués de la comparaison que j’établissais entre Macron et Orban, voire Poutine ou Erdogan. C’était mal me comprendre. Il ne s’agissait pas d’une question de personnes, bien que les qualités ou les faiblesses d’un homme puissent avoir leur importance. Il s’agit d’une logique de situation, qui me faisait écrire que la France « bascule ». Or, depuis la parution de cette tribune, les signes d’un tel basculement se sont accumulés. Que l’on en juge, en vrac.

      Pour reconquérir l’opinion le président de la République, fébrile, sans jamais se départir de sa condescendance à l’égard de « Jojo » – c’est ainsi qu’il nomme dans l’intimité le Français moyen – ce « Gaulois réfractaire » : « Mon peuple », disait-il en 2017, en monarque frustré – sillonne le pays, court-circuite le gouvernement et multiplie les effets d’annonce, au point que Le Monde titre : « Emmanuel Macron, ministre de tout ». On pourrait ajouter : « et maire de Marseille ».

      #Anticor mis à l’index, dissolution des #Soulèvements_de_la_Terre

      La justice refuse à l’association Anticor (lire « anticorruption »), à l’origine de la plainte qui a conduit à la mise en examen du secrétaire général de l’Elysée, le renouvellement de son « agrément », lequel lui permet de se porter partie civile devant les tribunaux. Cela sent un peu les eaux troubles du Danube, non ?

      Le mouvement des Soulèvements de la Terre a été dissous sous la pression de la #FNSEA, le grand syndicat de l’agro-industrie dont les militants ou les responsables multiplient les menaces et les violences contre les écologistes, en toute impunité, quitte à faire oublier que dans l’histoire il a à son actif nombre d’assauts contre des préfectures. Le décret de dissolution justifie notamment la mesure par le fait que les militants des Soulèvements de la Terre lisent l’essai d’Andreas Malm Comment saboter un pipeline et mettent en mode avion leur téléphone portable quand ils vont manifester. Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, va jusqu’à les accuser d’intentions homicides à l’encontre des forces de l’ordre, contre toute évidence. Orwell n’est pas loin.

      #Vincent_Bolloré, le grand argentier de la révolution conservatrice en France, fait nommer un journaliste d’extrême droite, un ami d’#Eric_Zemmour, comme rédacteur en chef du Journal du Dimanche,l’un des principaux hebdomadaires du pays. Le piquant de la chose est que ledit journaliste s’était fait congédier par un autre hebdomadaire, d’extrême droite celui-ci, Valeurs actuelles, qui lui reprochait sa radicalité.

      #Laurent_Wauquiez, président de la méga région Auvergne-Rhône-Alpes, prive de subvention un théâtre dont le directeur avait osé critiquer sa politique.

      La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’alarme de la hausse des requêtes des services secrets en matière de surveillance du militantisme politique et social.

      #Richard_Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale, l’un des plus proches conseillers d’Emmanuel Macron, lâche un ballon d’essai sur la possibilité d’une révision constitutionnelle qui autoriserait à celui-ci un troisième mandat, pendant que d’autres préparent une candidature de Jean Castex-Medvedev. Sommes-nous à Dakar ou à Moscou ?

      Tout cela en deux petits mois. Oui, la France bascule. Nul doute que l’explosion sociale dans les banlieues accélérera le mouvement. Mais peut-être faut-il rappeler la définition du « #point_de_bascule » que donnent les experts du GIEC : le « degré de changement des propriétés d’un système au-delà duquel le système en question se réorganise, souvent de façon abrupte, et ne retrouve pas son état initial même si les facteurs du changement sont éliminés ».

      Le #climat_politique en France en est bien là, et Macron, qui dans son #immaturité se voulait « maître des horloges » et se piquait de séduire la banlieue par diaspora africaine interposée, n’est que le fondé de pouvoir d’une situation qui échappe à son entendement, mais qu’il a contribué à créer. Comme, par ailleurs, les droites de gouvernement, à l’échelle européenne, de l’Italie à la Suède et à la Finlande, se compromettent de plus en plus avec l’extrême droite, la comparaison que certains m’ont reprochée est hélas politiquement pertinente, et même nécessaire.

      #basculement

    • même à BFM, on s’interroge sur les racines du problème

      mais soyons en certains, "Il n’y a pas de racisme dans la police", Nunez, préfet de Paris.

      l’avocat du flic assassin de Nahel, n’est pas sur la même longues d’onde :_"J’ai un client qui a eu des idées suicidaires parce qu’on parle de son métier. Il est triste parce qu’on parle en mal de son métier. lui il est persuadé de faire le bien. Et son ministre lui a enfoncé la tête Je lui dis ’Changez-de travail’. Il me dit ’Mais je veux être policier ! Je veux interpeller des gens ! Je veux pouvoir les étrangler quand ils luttent !’. Évidemment qu’il y a du racisme dans la police. Et d’ailleurs être raciste c’est autorisé par la loi, ce qui est interdit c’est les manifestations d’opinions racistes", Laurent-Franck Lienard

  • Dossier thématique : Les émeutes et leur répétition
    https://collectiflieuxcommuns.fr/?1147-Dossier-thematique-Les-emeutes-et-leur-repetition

    Depuis un demi-siècle, les « émeutes » en Occident se succèdent, s’étendent et s’intensifient. Toujours plus ou moins adossées à un évènement surinterprété à la lumière d’un « racisme », elles sont l’occasion d’explosions de violences, de saccages aveugles, de pillages hystériques et de meurtres tus. La gauche et ses gauchismes y plaquent de manière irréelle une aspiration à la « justice sociale », comme ils confondent organiquement putsch et révolution, démagogie et démocratie, logomachie et pensée. Ces éruptions anomiques sont en réalité à la confluence de deux grandes régressions. (...)

    #Dossiers_thématiques, #Lieux_Communs, #Politique, #Psycho-sociologie, #Gauchisme, #Insurrectionnalisme, #Multiculturalisme, #Progressisme,, #Banlieue, #Émeutes, #Immigration#Pseudo-subversion

  • Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/29/tunisie-dans-la-ville-portuaire-de-sfax-l-espoir-blesse-des-migrants-subsaha

    Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    Depuis le début de l’année, six fois plus de migrants qu’à la même période en 2022 sont partis de Tunisie vers l’Europe. Mais beaucoup d’Africains viennent dans le pays maghrébin pour s’y installer pour étudier et travailler.
    Par Nissim Gasteli(Sfax, Tunisie, envoyé spécial)
    Publié hier à 19h00, modifié hier à 19h00
    La lumière des projecteurs déchire le crépuscule. Sur la pelouse synthétique du stade de la faculté des sciences économiques de Sfax, Baba Car, le capitaine de la sélection estudiantine sénégalaise, dépose le ballon au point de penalty avant de faire quelques pas en arrière. L’arbitre siffle. Le jeune homme s’élance et frappe avec force et précision. Le malheureux gardien ne peut rien. Le stade exulte. En cette soirée de début mai, le Sénégal l’emporte 2 à 1 face au Tchad dans ce match de poule de la Coupe d’Afrique des nations universitaires de football.
    Au bord du terrain, un homme s’agite comme un gamin. « Bravo les gars ! Bravo ! », répète-t-il en félicitant les vainqueurs. Jogging, sweat-shirt, casquette, Franck Yotedje a troqué ses habits de membre actif de la société civile pour la tenue de coach. Ce Camerounais de 31 ans, installé à Sfax depuis sept ans, préside l’association Afrique Intelligence. C’est à son initiative qu’a été organisée la compétition dans le but de rassembler, autour du sport, les jeunes originaires d’Afrique subsaharienne venus étudier dans le pays et leurs camarades tunisiens. A travers ce type d’événement, l’association œuvre ces dernières années à favoriser l’intégration des migrants. Elle agit particulièrement à Sfax, cité portuaire à la riche tradition marchande et deuxième ville du pays, où une communauté relativement importante d’étudiants, de stagiaires et de travailleurs est établie. Mais elle se bat surtout depuis quelques mois pour préserver un semblant de cohésion sociale, fortement ébranlée par la vague de violences racistes libérée le 21 février par le discours du président Kaïs Saïed à l’encontre des « hordes de migrants clandestins ».
    En désignant la migration subsaharienne comme « un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », le chef de l’Etat tunisien a fait de tout migrant subsaharien un complice présumé de ce prétendu complot. Tout s’est enchaîné dans la foulée de la harangue. Expulsés par leurs bailleurs, licenciés par leurs employeurs, les étrangers ont en outre dû essuyer des attaques physiques.
    « Pendant le Covid, il y a eu un énorme élan de solidarité avec les migrants. Beaucoup de choses se sont mises en place pour venir en aide aux plus précaires. Après la pandémie, ça a permis l’organisation d’activités de cohésion sociale, de plaidoyer et on a obtenu certaines avancées. » Mais aujourd’hui, « tout est à refaire ».
    Dans les semaines qui ont suivi la saillie présidentielle, Afrique Intelligence a recensé 246 agressions contre des migrants. Plus récemment, dans la nuit du 22 au 23 mai, une attaque raciste au couteau et au sabre perpétrée par des Tunisiens contre des migrants subsahariens a fait un mort et deux blessés. A Sfax, le climat est devenu électrique. Dimanche 25 juin, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues de la cité portuaire devant le siège du gouvernorat pour protester contre la présence des migrants dans la ville. Les quelques écriteaux « Live together but live in peace » (« vivre ensemble mais vivre en paix ») et « No to racism » (« non au racisme ») ne sauraient faire oublier les chants de la foule : « Sfax n’est pas à vendre ! », « Fermez les frontières ! », « Le peuple veut l’expulsion des migrants ! ». A l’issue de la manifestation, certains protestataires ont même jeté des pierres vers des migrants soudanais installés dans un parc à proximité. Nombre d’habitants de Sfax opposés à la présence de ces derniers justifient leur véhémence par une « augmentation visible du nombre de migrants », responsable selon eux d’une « explosion de la criminalité ». L’un d’eux brandit son téléphone pour montrer la vidéo de ce qui semble être une rixe intracommunautaire entre plusieurs migrants dont l’un porte une machette. Les manifestants insistent : ils ne sont pas « racistes ». Ils se soucient juste, disent-ils, de « leur sécurité ».
    « Quand on voit ça, on se sent rejetés, on se dit que la Tunisie ne veut pas de nous. C’est bien pour cela que beaucoup de gens sont partis », se désole Loïc Oyono, sept années passées à Sfax. Attablé à un café, cet entrepreneur camerounais de 29 ans à la voix suave, au style soigné, lunettes de soleil sur la tête malgré la nuit ambiante, s’affiche « solidaire avec les autres migrants ». Mais il précise que derrière les catégories globalisantes des « Africains » ou des « Subsahariens », il y a en réalité une pluralité de parcours. Les étudiants et stagiaires composent un premier groupe. Loïc Oyono en fait partie. Ils sont près de 8 000 à avoir choisi de venir poursuivre leurs études en Tunisie. A leurs côtés s’ajoutent des travailleurs et de travailleuses venus – généralement par avion – d’Afrique de l’Ouest pour occuper des emplois délaissés dans les secteurs du travail domestique, de l’agriculture, de la manufacture et du bâtiment. « Nombre d’entre eux ne sont pas en transit [vers l’Europe]. Ils ont trouvé un petit cocon, ils gagnent un peu d’argent et ils arrivent à vivre », rapporte M. Oyono. Puis, plus récemment, « il y a eu du changement » , ajoute-t-il. « On a noté une augmentation des migrants subsahariens issus de trajectoires différentes, notamment ceux arrivés par les frontières de la Libye et de l’Algérie », relève le Camerounais. Sfax, jusqu’alors port d’attache pour de nombreux citoyens du continent venus y chercher un avenir universitaire ou professionnel, s’est transformé en plateforme de départ vers l’Europe, alternative aux bases d’embarquement libyennes, sous pression croissante des garde-côtes du littoral tripolitain. La Tunisie a d’ailleurs supplanté son voisin comme premier point de départ vers le Vieux Continent : depuis le début de l’année, 30 000 personnes ont déjà rejoint les côtes italiennes, dont une grande majorité en partant du littoral nord de Sfax. C’est six fois plus qu’à la même période de 2022.
    (...) Aux abords du marché, dans un parc peu fréquenté, de nouveaux migrants sont récemment apparus : plusieurs dizaines de Soudanais arrivés à la suite de l’éclatement à la mi-avril de la guerre dans leur pays. Précaires parmi les précaires, ils attendent une traversée pour l’Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs fois le périple, mais ont été rattrapés au large par la Garde nationale maritime et ramenés au port de Sfax. Si la variété des trajectoires migratoires peut produire une confusion auprès de la population, entretenue au sommet de l’Etat, le patronat local, lui, sait tout ce qu’il doit à une population de travailleurs qu’il ne souhaite pas voir filer. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons des difficultés à trouver de la main-d’œuvre », reconnaît Slim Marrakchi, porte-parole de l’antenne sfaxienne de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). « Ce qu’on propose, c’est la régularisation de ces migrants », lance-t-il comme un appel aux autorités. Les propositions de l’organisation sont précises : des cartes de séjour provisoires de trois ou six mois, lesquelles seraient prolongées « s’ils réussissent à trouver un emploi ». La position peut surprendre dans le contexte actuel mais elle reste pragmatique. Car Sfax est une ville industrielle, souvent qualifiée de poumon économique de la Tunisie. Et elle a besoin de bras, notamment dans des emplois non qualifiés que les Tunisiens ont tendance à délaisser, malgré le chômage.« Sfax, c’est la ville où il faut être, car il y a cette âme du travail », abonde Loïc Oyono, dont l’esprit d’entreprise a trouvé ici de quoi s’épanouir. Il est fort dommage, déplore-t-il, que nombre de résidents ne voient « la migration qu’à travers quelque chose de néfaste, de négatif ». Car, souligne-t-il, beaucoup parmi les nouveaux arrivants « apportent du positif » avec leur parcours « d’entrepreneurs, de membres de la société civile et de brillants étudiants », autant de profils qui « sont une force pour le pays ».

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#libye#immigrationirreguliere#politiquemigratoire#routemigratoire#economie#etudiant#travailleur#postcovid#regularisation

  • Mort de #Nahel : « Ils sont rattrapés par le réel »

    #Ali_Rabeh, maire de #Trappes, et #Amal_Bentounsi, fondatrice du collectif Urgence, notre police assassine, reviennent dans « À l’air libre » sur la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre, et les révoltes qui ont suivi dans de nombreuses villes de France.

    https://www.youtube.com/watch?v=euw03owAwU8&embeds_widget_referrer=https%3A%2F%2Fwww.mediapart.fr%2

    https://www.mediapart.fr/journal/france/290623/mort-de-nahel-ils-sont-rattrapes-par-le-reel
    #violences_policières #banlieues #quartiers_populaires #naïveté

    • « #Emmanuel_Macron ne comprend rien aux banlieues »

      Ali Rabeh, maire de Trappes (Yvelines), a participé à l’Élysée à la rencontre entre le chef de l’État et quelque 200 maires, le 4 juillet, pour évoquer la révolte des quartiers populaires. Il dénonce sans langue de bois l’incapacité du Président à comprendre ce qui se joue dans les banlieues et son manque de perspectives pour l’avenir.

      Vous avez été reçu mardi 4 juillet à l’Élysée par le président de la République avec des dizaines d’autres maires. Comment ça s’est passé ?

      Ali Rabeh : Le Président a fait une introduction très courte pour mettre en scène sa volonté de nous écouter, de nous câliner à court terme, en nous disant à quel point on était formidable. Puis ça a viré à la #thérapie_de_groupe. On se serait cru aux #alcooliques_anonymes. Tout le monde était là à demander son petit bout de subvention, à se plaindre de la suppression de la taxe d’habitation, de la taille des LBD pour la police municipale ou de l’absence du droit de fouiller les coffres de voiture… Chacun a vidé son sac mais, à part ça et nous proposer l’accélération de la prise en charge par les #assurances, c’est le néant. La question primordiale pour moi n’est pas de savoir si on va pouvoir réinstaller des caméras de surveillances en urgence, ou comment réparer quelques mètres de voiries ou des bâtiments incendiés. Si c’est cela, on prend rendez-vous avec le cabinet du ministre de la Ville ou celui des Collectivités territoriales. Mais ce n’est pas du niveau présidentiel.

      Quand on parle avec le président de la nation, c’est pour cerner les #causes_structurelles du problème et fixer un cap afin d’éviter que ça ne se reproduise. Et là-dessus on n’a eu #aucune_réponse, ni #aucune_méthode. Il nous a dit qu’il avait besoin d’y réfléchir cet été. En fait, Emmanuel Macron voulait réunir une assemblée déstructurée, sans discours commun. Il a préféré ça au front commun de l’association #Ville_&_Banlieue réunissant des maires de gauche et de droite qui structurent ensemble un discours et des #revendications. Mais le Président refuse de travailler avec ces maires unis. Il préfère 200 maires en mode grand débat qui va dans tous les sens, parce que ça lui donne le beau rôle. En réalité, on affaire à des #amateurs qui improvisent. Globalement ce n’était pas à la hauteur.

      Le Président n’a donc rien évoqué, par exemple, de l’#appel_de_Grigny ou des nombreuses #propositions déjà faites par le passé sur les problématiques liées aux #banlieues et qui ne datent quand même pas d’hier ?

      Non. Il a fait du « Macron » : il a repris quelques éléments de ce qu’on racontait et il en fait un discours général. Il avait besoin d‘afficher qu’il avait les maires autour de lui, il nous a réunis en urgence pendant que les cendres sont brûlantes, ce qu’il a refusé de faire avant que ça n’explose. Et ce, malgré nos supplications. Pendant des mois, l’association Ville & Banlieue a harcelé le cabinet de Mme Borne pour que soit convoqué un Conseil interministériel des villes conformément à ce qu’avait promis le Président. Cela ne s’est jamais fait. Macron n’a pas tenu sa parole. On a eu du #mépris, de l’#arrogance et de l’#ignorance. Il n’a pas écouté les nombreuses #alertes des maires de banlieue parce qu’il pensait que nous étions des cassandres, des pleureuses qui réclament de l’argent. C’est sa vision des territoires. Elle rappelle celle qu’il a des chômeurs vus comme des gens qui ne veulent pas travailler alors qu’il suffirait de traverser la route. Emmanuel Macron n’a donc pas vu venir l’explosion. Fondamentalement, il ne comprend rien aux banlieues. Il ne comprend rien à ce qu’il s’est passé ces derniers jours.

      A-t-il au moins évoqué le #plan_Borloo qu’il a balayé d’un revers de main en 2018 ?

      Je m’attendais justement à ce qu’il annonce quelque chose de cet acabit. Il ne l’a pas fait. Il a fait un petit mea-culpa en disant qu’à l’époque du rapport Borloo, sur la forme il n’avait pas été adroit mais il affirme que la plupart des mesures sont mises en œuvre. Il prétend, tout content de lui, qu’il y a plus de milliards aujourd’hui qu’hier et que le plan Borloo est appliqué sans le dire. C’était #grotesque. J’aurais aimé qu’il nous annonce une reprise de la #méthode_Borloo : on fait travailler ensemble les centaines de maires et d’associatifs. On se donne six mois pour construire des propositions actualisées par rapport au rapport Borloo et s’imposer une méthode. Lui a dit : « J’ai besoin de l’été pour réfléchir. » Mais quelle est notre place là-dedans ?

      Dans ses prises de paroles publiques, le Président a fustigé la #responsabilité des #parents qui seraient incapables de tenir leurs enfants. Qu’en pensez-vous ?

      Qu’il faut commencer par faire respecter les mesures éducatives prescrites par les tribunaux. Pour ces mamans qui n’arrivent pas à gérer leurs enfants dont certains déconnent, les magistrats imposent des éducateurs spécialisés chargés de les accompagner dans leur #fonction_parentale. Or, ces mesures ne sont pas appliquées faute de moyens. C’est facile après de les accabler et de vouloir les taper au porte-monnaie mais commençons par mettre les moyens pour soutenir et accompagner les #familles_monoparentales en difficulté.

      Le deuxième élément avancé ce sont les #réseaux_sociaux

      C’est du niveau café du commerce. C’est ce qu’on entend au comptoir : « Faut que les parents s’occupent de leur môme, faut les taper aux allocs. Le problème ce sont les réseaux sociaux ou les jeux vidéo… » Quand on connaît la réalité c’est un peu court comme réponse. On peut choisir d’aller à la simplicité ou on peut se poser la question fondamentale des #ghettos de pauvres et de riches. Pour moi l’enjeu c’est la #mixité_sociale : comment les quartiers « politique de la ville » restent des quartiers « #politique_de_la_ville » trente ans après. Or personne ne veut vraiment l’aborder car c’est la montagne à gravir.

      Vous avez abordé cette question lors de votre intervention à l’Élysée. Comment le Président a-t-il réagi ?

      Il a semblé réceptif quand j’ai évoqué les ghettos de riches et les #maires_délinquants qui, depuis vingt-deux ans, ne respectent pas la #loi_SRU. Il a improvisé une réponse en évoquant le fait que dans le cadre des J.O, l’État prenait la main sur les permis de construire en décrétant des opérations d’intérêt national, un moyen de déroger au droit classique de l’#urbanisme. Il s’est demandé pourquoi ne pas l’envisager pour les #logements_sociaux. S’il le fait, j’applaudis des deux mains. Ça serait courageux. Mais je pense qu’il a complètement improvisé cette réponse.

      En ce moment, on assiste à une #répression_judiciaire extrêmement ferme : de nombreux jeunes sans casier judiciaire sont condamnés à des peines de prison ferme. Est-ce de nature à calmer les choses, à envoyer un message fort ?

      Non. On l’a toujours fait. À chaque émeute, on a utilisé la matraque. Pareil pour les gilets jaunes. Pensez-vous que la #colère est moins forte et que cela nous prémunit pour demain ? Pas du tout. Que les peines soient sévères pour des gens qui ont mis le feu pourquoi pas, mais ça ne retiendra le bras d’aucun émeutier dans les années qui viennent.

      Vous avez été dans les rues de Trappes pour calmer les jeunes. Qu’est-ce qui vous a marqué ?

      La rupture avec les institutions est vertigineuse. Elle va au-delà de ce que j’imaginais. J’ai vu dans les yeux des jeunes une véritable #haine de la police qui m’a glacé le sang. Certains étaient déterminés à en découdre. Un jeune homme de 16 ans m’a dit « Ce soir on va régler les comptes », comme s’il attendait ce moment depuis longtemps. Il m’a raconté des séances d’#humiliation et de #violence qu’il dit avoir subies il y a quelques mois de la part d’un équipage de police à #Trappes. Beaucoup m’ont dit : « Ça aurait pu être nous à la place de Nahel : on connaît des policiers qui auraient pu nous faire ça. » J’ai tenté de leur dire qu’il fallait laisser la justice faire son travail. Leur réponse a été sans appel : « Jamais ça ne marchera ! Il va ressortir libre comme tous ceux qui nous ont mis la misère. » Ils disent la même chose de l’#impunité des politiques comme Nicolas Sarkozy qui, pour eux, n’ira jamais en prison malgré ses nombreuses condamnations. Qui peut leur donner tort ?

      Il se développe aussi un discours politique extrêmement virulent sur le lien de ces #violences_urbaines avec les origines supposément immigrées des jeunes émeutiers. Qu’en pensez-vous ?

      Quand Robert Ménard a frontalement dit, dans cette réunion des maires, que le problème provenait de l’#immigration, le président de la République n’a pas tiqué. Une partie de la salle, principalement des maires LR, a même applaudi des deux mains. Il y a un #glissement_identitaire très inquiétant. Culturellement, l’extrême droite a contaminé la droite qui se lâche désormais sur ces sujets. Ces situations demandent de raisonner pour aller chercher les causes réelles et profondes du malaise comme l’absence d’#équité, la concentration d’#inégalités, d’#injustices, de #frustrations et d’#échecs. C’est beaucoup plus simple de s’intéresser à la pigmentation de la peau ou d’expliquer que ce sont des musulmans ou des Africains violents par nature ou mal élevés.

      Comment ces discours sont-ils perçus par les habitants de Trappes ?

      Comme la confirmation de ce qu’ils pensent déjà : la société française les déteste. Dans les médias, matin, midi et soir, ils subissent continuellement des #discours_haineux et stigmatisant de gens comme Éric Zemmour, Marine le Pen, Éric Ciotti, etc. qui insultent leurs parents et eux-mêmes au regard de leur couleur de peau, leur religion ou leur statut de jeune de banlieue. Ils ont le sentiment d’être les #rebuts_de_la_nation. Quotidiennement, ils ont aussi affaire à une #police qui malheureusement contient en son sein des éléments racistes qui l’expriment sur la voie publique dans l’exercice de leur métier. Ça infuse. Les jeunes ne sont pas surpris de l’interprétation qui est faite des émeutes. En réalité ils l’écoutent très peu, parce qu’ils ont l’habitude d’être insultés.

      D’après vous, que faut-il faire dans l’#urgence ?

      Il faut arrêter de réfléchir dans l’urgence. Il faut s’engager sur une politique qui change les choses sur dix à quinze ans. C’est possible. On peut desserrer l’étau qui pèse sur les quartiers en construisant des logements sociaux dans les villes qui en ont moins. Moi, je ne demande pas plus de subventions. Je veux que dans quinze à vingt ans, on me retire les subventions « politique de la ville » parce que je n’en aurai plus besoin. C’est l’ambition qu’on doit porter.

      Et sur le court terme ?

      Il faut envoyer des signaux. Revenir sur la loi 2017 car cela protégera les policiers qui arrêteront de faire usage de leurs armes à tort et à travers, s’exposant ainsi à des plaintes pour homicide volontaire, et cela protégera les jeunes qui n’auront plus peur de se faire tirer comme des lapins. Il faut aussi engager un grand #dialogue entre la police et les jeunes. On l’a amorcé à Trappes avec le commissaire et ça produit des résultats. Le commissaire a fait l’effort de venir écouter des jeunes hermétiquement hostiles à la police, tout en rappelant le cadre et la règle, la logique des forces de l’ordre. C’était très riche. Quelques semaines plus tard le commissaire m’a dit que ses équipes avaient réussi une intervention dans le quartier parce que ces jeunes ont calmé le jeu en disant « on le connaît, il nous respecte ». Il faut lancer un #cercle_vertueux de #dialogue_police-population, et #jeunesse en particulier, dans les mois qui viennent. La police doit reprendre l’habitude de parler avec sa population et être acceptée par elle. Mettons la police autour de la table avec les jeunes, les parents du quartier, des éducateurs, les élus locaux pour parler paisiblement du ressenti des uns et des autres. Il peut y avoir des signaux constructifs de cet ordre-là. Or là on est dans la culpabilisation des parents. Ça ne va pas dans le bon sens.

      https://www.politis.fr/articles/2023/07/emmanuel-macron-ne-comprend-rien-aux-banlieues
      #Macron #ignorance

    • Entre Emmanuel Macron et les banlieues, le #rendez-vous_manqué

      En 2017, le volontarisme du chef de l’Etat avait fait naître des #espoirs dans les #quartiers_populaires. Malgré la relance de la #rénovation_urbaine, le rejet du plan Borloo comme son discours sur le #séparatisme l’ont peu à peu coupé des habitants.

      Il n’y a « pas de solution miracle ». Surtout pas « avec plus d’argent », a prévenu le chef de l’Etat devant quelque 250 maires réunis à l’Elysée, mardi 4 juillet, sur l’air du « trop, c’est trop » : « La santé est gratuite, l’école est gratuite, et on a parfois le sentiment que ce n’est jamais assez. » Dans la crise des violences urbaines qui a meurtri 500 villes, après la mort du jeune Nahel M. tué par un policier, le président de la République a durci le ton, allant jusqu’à rappeler à l’ordre des parents. Une méthode résumée hâtivement la veille par le préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh, sur France Bleu : « C’est deux claques, et au lit ! »

      L’urgence politique, dit-on dans le camp présidentiel, est de rassurer une opinion publique encore sous le choc des destructions et des pillages. « Une écrasante majorité de Français se raidit, avec une demande d’autorité forte, confirme Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Déjà sous Sarkozy, l’idée dominait qu’on en faisait trop pour les banlieues. Les dégradations réactivent cette opinion. Emmanuel Macron est sur une crête difficile à tenir. »

      Ce raidissement intervient sur fond de #fracture territoriale et politique. « L’opposition entre la France des quartiers et celle des campagnes nous revient en pleine figure. Si on met encore de l’argent, on accentuera la fracture », pense Saïd Ahamada, ex-député de la majorité à Marseille. « Les gens en ont ras le bol, ils ne peuvent plus entendre que ces quartiers sont abandonnés », abonde Arnaud Robinet, maire de Reims, qui abrite sept #quartiers_prioritaires_de_la_politique_de_la_ville (#QPV), et membre du parti d’Edouard Philippe.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/06/entre-emmanuel-macron-et-les-banlieues-le-rendez-vous-manque_6180759_823448.

  • « Considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde et des relations diplomatiques revient à se condamner à l’impuissance »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/25/considerer-les-migrations-independamment-des-soubresauts-du-monde-et-des-rel

    « Considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde et des relations diplomatiques revient à se condamner à l’impuissance »
    Chronique
    auteur
    Philippe Bernard
    Alors que la droite, notamment Edouard Philippe, veut remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie sur les questions migratoires, Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », rappelle dans sa chronique que la maîtrise des flux passe aussi par les relations avec les pays d’origine.
    Publié le 25 juin 2023 à 05h00,
    L’immigration est une question bien trop sérieuse – et complexe – pour être laissée aux seuls politiques quand ils en caricaturent les réalités et les enjeux pour tenter de se hisser au pouvoir en bernant l’opinion. Le succès, à droite et jusqu’auprès d’Edouard Philippe, de l’idée de dénoncer l’accord de 1968 sur l’entrée, le séjour et l’emploi des Algériens en France, en est le dernier exemple en date. L’idée est tout sauf neuve – le texte a déjà été renégocié trois fois, avec trois avenants en 1985, en 1994 et en 2001, et sa remise en cause est un serpent de mer. Mais elle présente toutes les caractéristiques de la bombe à fragmentation politique, en plein forcing de la droite et l’extrême droite pour durcir le projet de loi sur l’immigration finalement relancé par le gouvernement.
    Détaché de sa – longue – histoire, l’accord en question apparaît comme une anomalie : il a pour conséquence de faire échapper les immigrés algériens au droit commun des lois françaises sur les étrangers pour les soumettre à des dispositions négociées par les deux Etats. Des Algériens « privilégiés » ! S’agissant de la première communauté étrangère vivant en France (887 000 personnes), la formule tient de la provocation, alors que la rancœur à l’égard de l’ancienne colonie continue, plus de soixante ans après l’indépendance, à alimenter les discours hostiles à l’immigration. Au moment aussi où l’Algérie use de l’arme migratoire, en refusant de réadmettre ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français.
    Pour les besoins de sa cause, Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France en Algérie qui a relancé le débat sur l’accord de 1968, commet un double contresens, historique et juridique. Contrairement à ce qu’il prétend, le texte, loin d’avoir été conçu pour favoriser les Algériens, a été négocié au contraire par Paris pour en limiter l’afflux – un quota de 35 000 par an était fixé – à un moment où la France désirait diversifier les origines de sa main-d’œuvre immigrée. Surtout, il s’agit de rééquilibrer un tant soit peu les accords d’Evian de 1962 dont l’une des clauses essentielles – le maintien de la libre circulation entre les deux pays – a été doublement balayée par l’histoire : tandis que les Français d’Algérie ont été expulsés, les Algériens, sitôt l’indépendance acquise, ont afflué massivement – paradoxe, lourd de sens et rarement souligné – chez leur ancien colonisateur.
    En 1968, la France a donc obtenu la fin de la libre circulation en échange du maintien d’un statut spécifique pour les Algériens. Mais les avantages de ce dernier ont été élagués au fil des trois avenants et lorsque Jacques Chirac, au moment des attentats terroristes de 1986, a généralisé l’obligation du visa. Ceux qui subsistent aujourd’hui – comme la libre installation des commerçants, qui permet, de fait, à des étudiants algériens de pérenniser leur séjour en France – sont difficiles à justifier.
    Le maintien de ce régime particulier ne constitue pas une brèche majeure dans la législation migratoire française. Mais sa dénonciation permet à la droite de mettre en cause les supposées faiblesses d’Emmanuel Macron sur l’immigration, mais aussi à l’égard du régime algérien – ses concessions mémorielles non payées de retour –, au moment où le président, Abdelmadjid Tebboune, rétablit un couplet antifrançais de l’hymne national algérien et célèbre à Moscou la « coopération algéro-russe ».Alors qu’une énième réforme des lois françaises sur l’immigration est présentée comme le moyen de contrôler le flux des arrivées, la campagne de la droite sur l’Algérie met en lumière le fait que cette maîtrise passe aussi par les relations avec les pays d’origine et l’action sur les causes économiques et politiques des émigrations. Le dossier devrait ressortir au moins autant du Quai d’Orsay que de la Place Beauvau.
    L’équation franco-algérienne est, de ce point de vue, emblématique. Depuis 1962, la question de l’émigration algérienne – on parlait de « main-d’œuvre » jusqu’aux années 1980 – n’a jamais cessé de figurer, aux côtés du vin, du gaz et du pétrole ou des innombrables sujets de transaction diplomatique, comme une monnaie d’échange entre les deux pays, faisant l’objet de discours hypocrites cachés sous les proclamations d’amitié.
    La France a souvent cherché à restreindre l’arrivée des Algériens. De son côté, le pouvoir algérien, sous couvert de discours nationalistes et d’une rhétorique outragée sur le mépris de l’ancien colonisateur, n’a cessé d’encourager les départs, commode soupape sociale et politique et source non négligeable de transferts financiers. Aujourd’hui, en amenant la France à remettre en liberté au bout de quatre-vingt-dix jours (le maximum légal) les délinquants algériens placés dans les centres de rétention qu’elle refuse de reprendre, et en fermant les yeux sur la grosse ardoise de soins impayés dans les hôpitaux parisiens, les généraux au pouvoir à Alger mettent en pratique les propos tenus au Figaro par M. Tebboune en décembre 2022 : « Les Algériens devraient avoir des visas [pour la France] d’une durée de cent trente-deux ans [la durée de la colonisation]. »
    Le cas d’école algérien le rappelle clairement : considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde, oublier qu’elles constituent une arme diplomatique redoutable entre les mains des pays du Sud, faire fi, le cas échéant, de l’histoire commune, revient à se condamner à l’impuissance. Alors que Giorgia Meloni promettait un « blocus maritime » pour stopper les migrants, la présidente du conseil italien fait aujourd’hui assaut de diplomatie et de financement envers la Tunisie. Les 61 % de Français qui estiment, selon le récent sondage IFOP-Fiducial pour Le Journal du dimanche et Sud Radio, que l’élection de Marine Le Pen « nuirait à l’image de la France à l’étranger », ont bien compris qu’un tel isolement n’aurait rien de bon. C’est vrai, y compris en matière d’immigration.

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  • Le président tunisien, Kaïs Saïed, s’oppose au nouveau pacte migratoire de l’Union européenne
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/16/le-president-tunisien-kais-saied-s-oppose-au-nouveau-pacte-migratoire-de-l-u

    Le président tunisien, Kaïs Saïed, s’oppose au nouveau pacte migratoire de l’Union européenne
    « La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement », a déclaré le chef de l’Etat, alors que Bruxelles veut pouvoir y renvoyer des migrants d’autres nationalités.
    Par Monia Ben Hamadi(Tunis, correspondance)
    Publié hier à 09h58
    « La Tunisie n’est garante que de ses propres frontières », a déclaré, mercredi 14 juin, le président Kaïs Saïed à l’issue d’un entretien téléphonique avec Charles Michel, le président du Conseil européen. Cette déclaration intervient à la suite de la visite effectuée le dimanche précédent à Tunis par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, accompagnée de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et du premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Lors de cette visite, la deuxième dans le pays pour la dirigeante italienne en moins de cinq jours, la question d’un accord entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie sur le contrôle des flux migratoires vers l’Europe a été posée. La Commission a annoncé le déblocage de 105 millions d’euros pour lutter contre les passeurs, investir dans l’équipement des gardes-côtes ou faciliter les procédures de rapatriement.
    Si Tunis collabore officiellement avec Rome depuis 2011 pour permettre le rapatriement de migrants irréguliers tunisiens, le nouveau pacte de l’UE est susceptible de lui imposer la réadmission de migrants y ayant seulement transité. La possibilité de renvoyer des demandeurs d’asile vers un « pays tiers sûr » est prévue dans l’accord obtenu le 8 juin, sous la pression de l’Italie, entre les ministres de l’intérieur des 27 Etats membres de l’UE, dans le cadre du « pacte sur la migration et l’asile ». Ursula von der Leyen avait annoncé dimanche qu’un protocole d’entente entre la Tunisie et l’UE devrait être signé avant la fin du mois pour être discuté lors du prochain Conseil européen, prévu les 29 et 30 juin, sans que le contenu des négociations n’ait été communiqué. « La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement », a rétorqué Kaïs Saïed mercredi, estimant que « le phénomène de la migration ne peut être abordé qu’en éliminant les causes et non en se limitant au traitement des conséquences ».
    Parmi les annonces faites par la présidente de la Commission, 900 millions d’euros d’assistance financière devraient être débloqués à condition que la Tunisie parvienne à trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un prêt de 1,9 milliard de dollars (1,75 milliard d’euros). L’exécution de cet accord acté depuis octobre 2022 a été reportée à la suite du refus de Kaïs Saïed de se plier aux « diktats » imposés par l’institution financière.« Les accords de Bretton Woods ne sont pas une fatalité et les diktats [du FMI] ne sont pas acceptables, car s’ils étaient appliqués comme ils l’ont été en 1984, ils menaceraient la paix sociale », a-t-il réitéré lors de son entretien avec Charles Michel (selon le communiqué publié par la présidence tunisienne), en référence aux révoltes du pain qui ont éclaté en janvier 1984 à la suite d’un accord avec le FMI pour augmenter le prix du pain et des produits céréaliers.
    En visite dans le bassin minier de Gafsa (centre-ouest) la veille, le président tunisien a estimé qu’il était préférable de « mourir plutôt que de demander l’aumône aux étrangers », tentant de convaincre des manifestants de mettre fin à leur mouvement de protestation et de permettre la reprise de la production de phosphate, un secteur qui a fortement été ralenti depuis 2011 alors qu’il représentait près de 10 % des exportations. « Il n’y a aucune sourate qui porte le nom du Fonds monétaire », a-t-il asséné devant des dizaines de demandeurs d’emploi regroupés autour de lui. En plus de la production de phosphate et pour éviter la suppression des subventions sur les produits de base et les hydrocarbures, Kaïs Saïed a proposé début juin de « prendre l’excédent d’argent des riches pour le donner aux pauvres », reprenant une citation attribuée à l’un des premiers califes de l’islam, Omar Ibn Al-Khattab. « Au lieu de lever les subventions au nom de la rationalisation, il serait possible d’introduire des taxes supplémentaires à ceux qui en bénéficient sans qu’ils en aient besoin », avait-il ajouté.
    Lourdement endettée à hauteur de 80 % de son PIB et en proie à une inflation galopante (10 % en moyenne depuis le début de l’année et plus de 30 % pour certains produits alimentaires), la Tunisie peine à trouver les financements nécessaires pour combler son déficit budgétaire en l’absence d’un accord avec le FMI. La dégradation, vendredi, par l’agence de notation américaine Fitch Ratings de la note de la Tunisie, passée de CCC + à CCC – (risque élevé de défaut), n’a fait que conforter les craintes sur la santé financière du pays et, potentiellement, sur ses équilibres sociaux.

    #Covid-19#migration#migrant#tunisie#UE#FMI#immigration#pactemigration#asileeconomie#migrationirreguliere#transit#postcovid

  • Cartographie des mouvances anti-Lumières (Version 3.0)
    https://collectiflieuxcommuns.fr/?1102-Cartographie-des-mouvances-anti-Lumieres

    [Màj : 12.06.22 — Version 3.0 — x.00 = changement de version / 0.x0 = modification graphique / 0.0x = mise à jour des notices]
    –> Màj du pôle « Lobby pro-religions » avec ajouts des notices de Jean-Louis Bianco, Nicolas Cadène, L’Observatoire de la Laïcité, Vigie de la Laïcité, Abdennour Bidar et Convivencia conseil.

    #Avant-gardisme, #Écologie(dé)coloniale, #Écologisme, #Empire, #Extrêmes-droites, #Féminisme, #Gauchisme, #Immigration, #Insurrectionnalisme , #Islam, #Islamogauchisme, #Progressisme, " #woke

  • Immigration : « L’attractivité relative de la France pourrait décrocher, menaçant son économie et son modèle social »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/31/immigration-l-attractivite-relative-de-la-france-pourrait-decrocher-menacant

    Immigration : « L’attractivité relative de la France pourrait décrocher, menaçant son économie et son modèle social »
    Philippe Askenazy Economiste
    Au cours de la prochaine décennie, la France, sans apport migratoire externe, devrait connaître une baisse de son attrait économique par rapport aux autres pays européens, en particulier l’Allemagne, observe l’économiste Philippe Askenazy, dans sa chronique au « Monde ».
    Publié aujourd’hui à 16h09, modifié à 16h09 Temps de Lecture 2 min.
    Il y a dix ans, les projections des Nations unies affichaient un bouleversement de l’équilibre démographique en Europe : à l’horizon 2050, la France devait devenir le pays le plus peuplé de l’Union européenne. Plongée dans un hiver démographique, l’Allemagne devait perdre 10 millions d’habitants, alors que la France en aurait gagné près de 10 millions, pour approcher, au total, 75 millions. Une France plus jeune que sa voisine pouvait ainsi devenir la première puissance, à la fois humaine et économique, de l’Europe continentale. Cet espoir est aujourd’hui enterré : les dernières projections sont spectaculairement différentes. En 2050, la France métropolitaine ne compterait que 66 millions d’habitants, contre 79 millions pour l’Allemagne.
    Au-delà de la fragilité inhérente à ce type d’exercice prospectif, que s’est-il passé en dix ans ? Le mini-baby-boom français du début du siècle s’est estompé et le nombre de décès s’avère bien supérieur. Outre-Rhin, les flux migratoires ont été largement révisés. Dans un contexte de mondialisation des personnes, de guerres avec leurs cortèges de réfugiés, de croissance démographique et de changement climatique au « sud », partout, la population immigrée est en croissance. Mais, comme le décortique remarquablement le dernier ouvrage de François Héran, Immigration : le grand déni (Seuil, 192 pages, 13,50 euros), la France ne s’est pas révélée particulièrement attractive. Dans le même temps, l’Allemagne a accueilli un flux annuel moyen de 1 million de migrants en gros, pour moitié européens et pour moitié de pays tiers. Au contraste des chiffres répond un contraste vertigineux sur le plan politique. Au lieu d’en être inquiet, le pouvoir est, en aparté, soulagé que si peu d’Ukrainiens aient choisi la France comme refuge, même en comparaison avec des pays encore plus éloignés géographiquement de l’Ukraine : rapporté à la population, six fois moins qu’en Irlande, trois fois moins qu’au Portugal et deux fois moins qu’en Espagne. Que ce soit le projet Darmanin ou ceux des membres du parti Les Républicains, l’obsession est de « reprendre le contrôle » en luttant contre le mirage d’une France attractive, à coups d’une police bureaucratique coûteuse et de quotas également bureaucratiques.
    Pourtant, si la démographie naturelle française demeure plus favorable qu’outre-Rhin, les dernières projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à politique migratoire constante, suggèrent une quasi-stagnation de la main-d’œuvre disponible dans les prochaines décennies. Même en éradiquant le sous-emploi, des bras manqueront pour répondre aux besoins déjà présents, à ceux induits par la dépendance et, plus encore, par la nécessaire « action d’envergure » pour le climat rappelée dans le rapport Pisani-Ferry - Mahfouz.
    L’Allemagne prépare également une grande loi sur la migration. Une crainte, partagée des Verts aux conservateurs, est que les flux actuels soient insuffisants pour garantir la pérennité de la puissance germanique au-delà de la sphère européenne et de son modèle social. L’Allemagne doit être plus attractive. Des universitaires sont mobilisés pour imaginer des innovations permettant l’acceptabilité sociale de cet impératif.
    Ainsi, une équipe internationale d’économistes sous l’égide de l’Institut d’économie du travail de Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) vient de proposer un assouplissement majeur des conditions d’immigration : l’octroi quasi automatique d’une autorisation de travail pour les ressortissants des pays tiers répondant à une offre existante d’emploi ou de formation, mais uniquement dans les entreprises couvertes par un accord collectif. Les auteurs y voient un moyen d’accroître l’attractivité de ces offres, d’éviter un dumping social et de relancer le dialogue social. En intégrant de fait la gestion migratoire dans la cogestion allemande, elle serait à la fois pertinente économiquement et acceptable socialement. Si de telles propositions sont retenues, l’attractivité relative de la France décrochera, menaçant son économie et son modèle social. Dans l’histoire, l’extrême droite française a démontré qu’elle se moquait de l’avenir de la France, mais il est étonnant que les héritiers du gaullisme soient insensibles à cet enjeu.
    Philippe Askenazy est économiste au Centre Maurice-Halbwachs (ENS-CNRS-EHESS)

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