• Le @mdiplo publie un incroyable recensement de la peur de classe contre les #GiletsJaunes. Et une analyse qui fait le lien entre violences policières et violences judiciaires.

    Lutte de classes en France (aperçu)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/02/HALIMI/59568

    Au mouvement des « gilets jaunes » le chef de l’État français a répondu en lançant un « grand débat national ». Ce genre d’exercice postule que les conflits sociaux s’expliquent par des problèmes de communication entre le pouvoir et ses opposants, plutôt que par des antagonismes fondamentaux. Une hypothèse hasardeuse…

    La peur. Pas celle de perdre un scrutin, d’échouer à « réformer » ou de voir fondre ses actifs en Bourse. Plutôt celle de l’insurrection, de la révolte, de la destitution. Depuis un demi-siècle, les élites françaises n’avaient plus éprouvé pareil sentiment. Samedi 1er décembre 2018, il a soudain glacé certaines consciences. « L’urgent, c’est que les gens rentrent chez eux », s’affole la journaliste-vedette de BFM TV Ruth Elkrief. Sur les écrans de sa chaîne défilent les images de « gilets jaunes » bien déterminés à arracher une vie meilleure.

    Quelques jours plus tard, la journaliste d’un quotidien proche du patronat, L’Opinion, révèle sur un plateau de télévision à quel point la bourrasque a soufflé fort : « Tous les grands groupes vont distribuer des primes, parce qu’ils ont vraiment eu peur à un moment d’avoir leurs têtes sur des piques. Ah oui, les grandes entreprises, quand il y avait le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef [Mouvement des entreprises de France], Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient menacés, physiquement. »

    Assis à côté de la journaliste, le directeur d’un institut de sondage évoque à son tour « des grands patrons effectivement très inquiets », une atmosphère « qui ressemble à ce que j’ai lu sur 1936 ou 1968. Il y a un moment où on se dit : “Il faut savoir lâcher des grosses sommes, plutôt que de perdre l’essentiel” ». Lors du Front populaire, le dirigeant de la Confédération générale du travail (CGT) Benoît Frachon rappelait en effet qu’au cours des négociations de Matignon, consécutives à une flambée de grèves imprévues avec occupation d’usines, les patrons avaient même « cédé sur tous les points ».

    Ce genre de décomposition de la classe possédante est rare, mais il a pour corollaire une leçon qui a traversé l’histoire : ceux qui ont eu peur ne pardonnent ni à ceux qui leur ont fait peur ni à ceux qui ont été témoins (...)

  • Richard Florida : « La #crise urbaine, c’est la crise centrale du #capitalisme »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/07/07/richard-florida-la-crise-urbaine-c-est-la-crise-centrale-du-capitalisme_5327


    Je n’arrête pas de m’en faire la réflexion : les métropoles sont connectées entre elles et tout le reste est de plus en plus exclu, éloigné et négligé.
    À la rentrée, ma fille va intégrer un lycée de la métropole régionale… ce qui a l’air d’être déjà une chance, tant les gosses de bouseux ont l’air assignés à résidence, dans des établissements aussi peu dotés que possible.
    Il y a 30 ans, quand j’ai fait le même chemin, je prenais le bus pour aller à la métropole régionale. Là, les lignes ont été supprimées, nous n’avons trouvé aucune correspondance possible pour le lundi matin, ce qui était impensable il y a 30 ans.
    Là, c’est devenu normal. La plupart des métropoles sont à présent plus proches les unes des autres que les gens de leurs périphéries le sont du centre-ville qui est devenu inatteignable de l’extérieur. Je mets plus de temps pour aller inscrire ma fille à son lycée (où ma présence physique est requise avec des tirages papiers de mes scans, à l’heure d’Internet !), que pour me rendre à Paris, qui est 5 fois plus éloignée !

    Le problème, c’est que quelques grandes ­#métropoles internationales concentrent la ­majorité des #richesses, et deviennent de plus en plus #inaccessibles. Dans ces villes superstars, l’explosion des prix de l’#immobilier chasse peu à peu les artistes, les professions intellectuelles, les créatifs des quartiers qu’ils avaient investis. Mais ce ne sont pas les moins bien lotis, car ceux-ci trouvent souvent d’autres quartiers ­populaires où ils peuvent s’installer. Ce qui est terrifiant, c’est que les policiers, les pompiers, les gens qui travaillent dans des boutiques ou des restaurants, les infirmiers, les artisans, les jardiniers doivent quitter ces grandes villes, devenues trop chères. Et vivre beaucoup plus loin, dans des zones mal desservies par les transports en commun. La nouvelle crise urbaine n’est pas une crise du déclin des villes, comme dans les années 1970. C’est une crise causée par leur succès. Et la conséquence, c’est qu’aux Etats-Unis nous avons d’un côté une petite vingtaine de métropoles superstars, entrées de plain-pied dans l’économie de la connaissance, et de plus en plus riches. Et tout le reste du pays qui plonge et s’appauvrit. La crise urbaine, c’est la crise centrale du capitalisme contemporain.