• Nos données de santé fournies à une start-up financée par la CIA ? | L’Humanité
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    Après avoir cédé aux sirènes de l’américain Palantir pour traiter les informations du renseignement français, le gouvernement s’apprête à faire de même avec les hôpitaux publics. La start-up californienne aurait déjà signé une trentaine de contrats avec des services publics européens. L’épidémie de Covid-19 est pour elle une nouvelle opportunité de juteuses affaires...

    Dans la famille des profiteurs de la crise, voici Palantir. L’entreprise, spécialisée dans la visualisation et la mise en forme des données massives, approche tous les services de santé d’Europe pour proposer sa solution. Le NHS – système de santé national britannique – a déjà signé. Et selon l’agence Bloomberg, les négociations sont en cours avec l’Allemagne, mais aussi avec l’AP-HP (les 39 hôpitaux d’Ile-de-France), et pourraient même être étendues à tous les établissements hospitaliers français. La promesse est de mieux analyser la propagation du virus et surtout d’aider les structures de soins à s’organiser.
    L’épidémie est une nouvelle opportunité d’affaires

    Si cela pose problème, c’est que Palantir, start-up californienne à l’ascension fulgurante, a été largement financée par la CIA – les services de renseignements et de sécurité états-uniens sont ses clients historiques, son logiciel aurait même permis de retrouver Oussama ben Laden – et cofondée par Peter Thiel. Libertarien, convaincu que chaque problème a sa solution technologique, y compris la mort et la vieillesse, il prêterait à sourire s’il n’avait pas autant de pouvoir, à commencer par l’oreille de Trump, dont il fut conseiller en numérique, et autant de milliards en poche. L’Humanité (le 10 novembre 2017) avait dénoncé l’achat de la technologie de Palantir par la DGSI. Les renseignements français, débordés par la quantité de données qu’ils captaient de la surveillance de masse instaurée suite aux attentats, et faute de concurrent français, avaient signé avec la start-up pour 15 millions d’euros environ. Le contrat a été renouvelé fin 2019 sans tambour ni trompette, la DGSI assurant que le logiciel de Palantir ne fonctionnait que sur un réseau interne, hermétiquement fermé pour éviter toute fuite. La sécurité informatique des services de santé étant bien moindre, le risque que les données médicales des Français soient captées et réutilisées est réel. « On vient de découvrir que la capacité à produire des médicaments et du matériel médical était une question stratégique pour notre pays, s’emporte Yann Le Pollotec, responsable au PCF de la révolution numérique. Nos données médicales sont parmi les meilleures au monde grâce à la Sécurité sociale et au réseau des hôpitaux publics. Plutôt que de s’appuyer sur cette richesse nationale, on va les céder à un groupe qui dit en substance : « Prête-moi ta montre, je te vendrai l’heure. » C’est un nouveau suicide politique. »

    Palantir aurait déjà signé une trentaine de contrats avec des services publics européens. L’épidémie de Covid-19 est une nouvelle opportunité d’affaires. Et son outil est puissant. Il entend tout capter : répartition et nombre de lits d’hôpitaux, de respirateurs artificiels, localisation du personnel, des stocks de masques… Puis, chaque patient soupçonné ou diagnostiqué contaminé par le virus se voit créer une fiche, composée de nombreuses données personnelles comme son lieu de vie, de travail, le type d’interactions sociales qu’il a, s’il a voyagé, ou encore quel type de suivi médical il nécessite. De là, Palantir entend prévoir quel jour il manquera des masques à tel hôpital, la durée des files d’attente aux urgences, la date à laquelle telle ville manquera de lits en réanimation et où envoyer les patients. « Les décideurs politiques pourront mieux comprendre comment évolue la contagion au niveau local et identifier les mesures à prendre pour protéger les populations les plus fragiles », promet le gouvernement britannique, fier de son partenariat.

    Quant aux données des hôpitaux et des patients britanniques, « elles seront à la fin de la crise rapatriées en Angleterre, et utilisées uniquement par les services publics de santé », assure encore le gouvernement britannique. Rappelons que la police de New York, qui a cessé en 2017 d’utiliser le programme de prédiction des crimes de Palantir, n’a toujours pas réussi à récupérer ses propres données de sécurité dans un format utilisable. « On donne les clés de domaines stratégiques à des entreprises sur lesquelles nous n’avons vraiment aucun contrôle, dénonce Yann Le Pollotec. Depuis les révélations de Snowden ou le scandale Cambridge Analytica, on sait qu’on ne peut faire confiance à ces entreprises, encore moins quand elles sont liées aux services de renseignements américains. »

    #dystopsie #santé