• #Essais_nucléaires en #Polynésie : « Vu de Paris, ce n’était qu’un désert liquide »

    Près de 30 ans après la fin des essais nucléaires en Polynésie, une commission parlementaire tente de faire reconnaître le préjudice des populations locales. Pour le chercheur Alexis Vrignon, « l’histoire n’est pas terminée ».

    Pendant trente ans, entre 1966 et 1996, la France a effectué 193 essais nucléaires en Polynésie, sur les atolls de #Mururoa et de #Fangataufa. Dans l’air, puis sous l’océan à partir de 1974. Près de 170 000 habitants auraient été exposés à des radiations. Les explosions atmosphériques ont dispersé des substances radioactives, notamment de l’iode, susceptible d’entraîner des cancers. D’après les recherches de l’Institut national de la #santé et de la recherche médicale, entre 1998 et 2002, la Polynésie arrivait en tête du funeste classement du taux d’incidence du #cancer de la thyroïde le plus élevé au monde.

    Pour tenter de faire reconnaître le #préjudice et de réparer les conséquences de ces essais, la députée de Polynésie #Mereana_Reid-Arbelot (Gauche démocrate et républicaine) a initié une #commission_d’enquête à l’Assemblée nationale. Stoppés par la dissolution en juin 2024, les travaux ont repris mardi 6 mai. En filigrane, les auditions permettent de mettre en lumière la question du colonialisme et de ses survivances. Pour Alexis Vrignon, maître de conférences à l’université d’Orléans, coauteur de Des bombes en Polynésie, les essais nucléaires français dans le Pacifique (éd. Vendémiaire, 2022), cette commission d’enquête illustre la difficile « reconnaissance du fait nucléaire ».

    Reporterre — Les essais nucléaires en Polynésie ont pris fin en 1996, mais l’histoire est-elle pour autant terminée ?

    #Alexis_Vrignon — Pas du tout. Au départ, la communication officielle du Commissariat à l’énergie atomique a été de dire qu’une fois le Centre d’expérimentations du Pacifique (CEP) démantelé, 1996 marquait la fin du nucléaire en Polynésie. Tout l’effort d’une partie de la société polynésienne au début des années 2000 a consisté à rappeler combien cette histoire ne pouvait pas se conjuguer au passé et à souligner les implications présentes.

    Ces enjeux ont été peu à peu pris en compte de manière chaotique et la question n’a jamais vraiment quitté l’espace public polynésien. La commission d’enquête qui a lieu en ce moment à l’Assemblée nationale est l’héritière de tous ces tâtonnements, ces hésitations et ces erreurs, qui illustrent les problèmes des pouvoirs publics face à la reconnaissance du fait nucléaire.

    Dans quel contexte la #France a-t-elle démarré ces essais nucléaires en Polynésie ? Pourquoi ce territoire ?

    Ils émergent dans le contexte historique de la #décolonisation, puisque les premiers essais nucléaires français ont eu lieu dans l’#Algérie encore colonie française, mais il était évident qu’à partir des #accords_d’Évian de 1962, cette solution ne pouvait durer et qu’il fallait un autre lieu. Plusieurs localisations ont dès lors été envisagées, certaines en France métropolitaine, notamment dans les Alpes et en Corse, avant d’être rapidement écartées, parfois pour des raisons géologiques, mais aussi et surtout, politiques. Dès lors, la France s’est rapidement tournée vers les outre-mer.

    Les atolls de Moruroa et Fangataufa ont été choisis. Cette décision s’est prise au début des années 1960 dans un contexte particulier de réaffirmation impériale. En 1956, la loi-cadre Defferre avait permis aux outre-mer de bénéficier d’une plus grande autonomie. Sauf qu’à partir de l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958, les choses ont changé, il n’a plus été question d’aller vers l’autonomie totale des anciennes colonies africaines et des territoires d’outre-mer. La Polynésie fut alors choisie, sans consulter la population, ni les élites politiques locales.

    Les essais nucléaires ont-ils continué malgré une connaissance de leurs effets sanitaires et environnementaux ?

    À travers les archives militaires et locales, on constate que l’administration avait claironné à toute la Polynésie que les essais nucléaires allaient être propres et qu’il n’y aurait aucun problème. Après l’#essai_Aldébaran de 1966, qui a exposé les habitants des #îles_Gambier aux rayonnements ionisants et contaminé les citernes d’eau de pluie qu’ils buvaient, elle a été mise en porte-à-faux et c’est à partir de là qu’une culture du secret s’est développée.

    Les autorités ont ensuite tenté de limiter les risques en déplaçant parfois des populations, mais les questions de #sécurité n’étaient clairement pas leur priorité. Elles ont par exemple envoyé un avion dans un nuage radioactif afin d’effectuer des prélèvements. Il y avait aussi des bateaux militaires qui traversaient des zones sous le panache radioactif et à qui on ne disait pas grand-chose.

    Y a-t-il eu des résistances à l’époque ?

    La société polynésienne n’a jamais été totalement unanime. Mais entre 1962 et 1966, la mobilisation locale a été importante, notamment derrière le député #John_Teariki, qui a tenté de faire revenir le gouvernement sur sa décision de création du site d’expérimentations. Il s’appuyait sur la documentation scientifique des conséquences des essais nucléaires américains entre 1946 et 1958 dans les îles Marshall.

    Il insistait aussi sur la connaissance qu’avaient les Polynésiens de leur propre environnement, notamment des poissons qui se déplacent sur de longues distances et peuvent passer dans des zones contaminées avant d’être pêchés. Seulement, les autorités françaises se sont efforcées de marginaliser ces oppositions et de favoriser la montée en puissance des partis politiques liés au gaullisme, plus proches du pouvoir en place à Paris.

    À partir de 1974, les essais nucléaires sont devenus souterrains. En quoi menacent-il encore aujourd’hui l’écosystème des atolls ?

    Pour des raisons avant tout diplomatiques, vis-à-vis des Australiens et des Néo-Zélandais, la France a fait ce choix et réalisé d’importants #forages_offshore. Puisque ces essais fragilisaient notamment l’anneau corallien autour de Fangataufa, la majorité d’entre eux ont été effectués sur l’atoll de #Mururoa. Ces sites sont encore aujourd’hui étroitement monitorés, car les experts redoutent qu’une partie des atolls se décroche et entraîne un tsunami menaçant tout l’archipel, ou bien qu’ils s’ouvrent et libèrent des radio-éléments susceptibles de se disperser partout.

    Plus globalement, que sait-on des effets à long terme des radiations en Polynésie ?

    À l’heure actuelle, il s’agit encore de la question la plus délicate, car on manque de données permettant de mesurer pleinement les effets sanitaires sur les populations. Certaines archives cruciales, comme celles de l’hôpital Jean-Prince de Papeete [à Tahiti] n’ont pas encore été consultées car elles viennent tout juste d’être localisées. La Polynésie est un territoire grand comme l’Europe, mais éclaté sur énormément d’îles, ce qui rend plus complexes les études historiques et épidémiologiques. Ce que l’on sait, c’est qu’en 2023, près de la moitié des #indemnisations acceptées par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires provenaient de Polynésie.

    Dans quelle mesure ces essais relèvent-ils des mêmes logiques coloniales que pour le scandale du chlordécone aux Antilles ?

    Il y a bien sûr des parallèles : quand ces scandales se développent, ce sont sur deux territoires en situation coloniale, c’est-à-dire dont les institutions et les rapports sociaux sont déterminés par ce rapport qui perpétue une inégalité de statuts et de droits entre les populations locales colonisées et les populations colonisatrices.

    En Polynésie, personne n’a été consulté en amont et les essais nucléaires ont été beaucoup plus facilement envisagés par les autorités françaises en outre-mer que dans les Alpes ou en Corse. S’ajoute toute une série de présupposés sur ces espaces qui, vus depuis Paris, n’étaient rien d’autre qu’une sorte de désert liquide où il était plus facile d’installer une base d’essais nucléaires, peu importe les risques sanitaires et environnementaux.

    Peut-on imaginer qu’un jour une enquête parlementaire s’ouvre sur les essais nucléaires réalisés par la France en Algérie ?

    Pour la Polynésie, les procédures de déclassification et de dérogations d’archives ne datent que de 2021, elles ont permis d’établir une chronologie des faits et de documenter ce que les autorités savaient ou non. À ce moment-là, l’historien Renaud Meltz, chargé de la création de l’observatoire de l’héritage du CEP, avait soulevé la question : pourquoi ne pas faire la même chose pour les archives liées aux essais nucléaires en Algérie, qui sont encore peu connus ?

    Mais face aux relations complexes qu’entretiennent la France et l’Algérie, la ministre de la Mémoire et des Anciens combattants d’alors, Geneviève Darrieussecq lui avait opposé une fin de non-recevoir. Ce ne serait pas irréaliste et, en tant qu’historien, je ne peux qu’y être favorable. Mais l’accès aux archives ne sera qu’une première étape, car dès lors que l’on connaît mieux les faits, il faut tenter de les résoudre, et c’est là que les choses les plus difficiles commencent.

    https://reporterre.net/Essais-nucleaires-en-Polynesie-Vu-de-Paris-ce-n-etait-qu-un-desert-liqui

    #désert #désert_liquide #géographie_du_vide #radioactivité #histoire #colonialisme #colonisation

    ping @reka

  • Un groupe minier français détruit un #désert unique au #Sénégal

    #Dépossession des #terres, #destruction de l’#environnement, épuisement des ressources en #eau... Au Sénégal, une filiale du groupe minier français Eramet suscite la colère des habitants.

    Gora Gaye n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Maire de la commune de #Diokoul_Diawrigne, située dans le nord-ouest du Sénégal, à quelques kilomètres de l’océan Atlantique, il est devenu le chef de file d’un mouvement de révolte contre la présence d’#Eramet_Grande_Côte, appelée aussi #Grande_Côte_Opérations (#GCO), sur son territoire.

    L’élu, membre de Pastef, le parti présidentiel, accuse cette entreprise minière, filiale du groupe français #Eramet, d’avoir un effet dévastateur sur l’environnement et les #conditions_de_vie de ses concitoyens. Le 28 décembre, avec plusieurs centaines de personnes, il a participé à une #marche à #Lompoul village, localité de sa commune, pour demander l’arrêt des activités de la compagnie. « GCO, dafa doy ! » (« GCO, ça suffit ! » en wolof), a scandé la foule.

    Détenue à 90 % par Eramet et à 10 % par l’État du Sénégal, GCO a le contrôle, au moins jusqu’en 2029, d’une #concession_minière qui couvre 445 000 hectares et s’étend sur 100 kilomètres le long du littoral. Dans cette région de dunes, riche en #sables_minéralisés, elle extrait depuis dix ans du #zircon (dont Eramet assure être le quatrième producteur mondial grâce à sa filiale sénégalaise) et d’autres minerais (#rutile, #ilménite, #leucoxène) utilisés par diverses industries (bâtiment, nucléaire…). Elle est partie du village de #Diogo, progressant lentement vers le nord, pour arriver en 2023 environ 20 kilomètres plus loin, dans les environs de Lompoul village, où elle se trouve toujours.

    Les moyens techniques qu’elle déploie sont gigantesques : pour traiter des milliers de tonnes de #sable par jour, elle fait serpenter une immense #drague reliée à une usine qui flotte sur un #bassin_artificiel. Depuis quelques mois, elle utilise aussi une unité d’#extraction_minière_sèche.

    Le périmètre que GCO a déjà exploité apparaît sur des images satellites sous la forme d’une longue étendue blanche, sans végétation. Auparavant, cet espace était occupé par des cultures vivrières : il fait partie des #Niayes, une bande côtière qui va de Dakar à Saint-Louis, et est dédiée au #maraîchage, assurant près de 80 % de la production nationale de #légumes.

    Il était aussi habité : plusieurs milliers de personnes ont dû abandonner leur village ou hameau pour laisser la place à la #mine et être relogés dans des « #sites_de_recasement ». Auparavant installés en bordure de l’océan, les habitants des villages de Foth et Diourmel se retrouvent aujourd’hui 20 kilomètres plus loin, à l’intérieur des terres, dans des petites maisons identiques, collées les unes aux autres, souvent trop exiguës pour accueillir décemment tous les membres de leur famille.

    Des terres « lessivées »

    Autour de Lompoul village, le #paysage a été transformé, dit Pape Sarr, membre d’un collectif de personnes affectées par les activités de GCO. « Vous voyez cette immense dune ? Elle n’existait pas il y a six mois. C’est GCO, dont l’usine flottante est passée ici, qui l’a créée. Le terrain était auparavant plat, favorable aux activités agricoles. Ils ont tout détruit », détaille-t-il.

    Lui-même possédait ici 4 hectares pour du #maraîchage et de l’#élevage, ce qui lui rapportait au minimum 30 millions de francs CFA par an (45 000 euros). Il en a perdu une partie au profit de la société minière. Parce qu’il s’opposait à cette #spoliation, il a été convoqué à la gendarmerie. Comme lui, des milliers de petits producteurs ont dû céder leurs terres contre des #indemnisations insignifiantes.

    Multitudes d’arbres arrachés, montagnes de sable retournées au bulldozer dans un bruit assourdissant : GCO s’affaire actuellement dans le désert de Lompoul, une zone de 300 hectares de dunes brunes située à 3 kilomètres du village éponyme. Sous l’action de ses énormes engins, ce lieu unique au Sénégal, prisé par les réalisateurs de cinéma et les touristes qui venaient y dormir dans des tentes aménagées, est en train de disparaître.

    Peu importe qu’il y ait encore sur place un opérateur touristique, l’Écolodge de Lompoul, en attente d’un accord sur le montant de son #indemnisation avant son départ : GCO continue d’avancer, sa drague et son #usine_flottante ne sont désormais qu’à quelques centaines de mètres du campement d’Écolodge, de sa trentaine d’employés et de ses clients, horrifiés.

    GCO dit « restaurer » des secteurs qu’elle a exploités en replantant des arbres, mais il faudra « plusieurs décennies pour remettre en état les terres qu’elle a complètement lessivées », s’indigne Gora Gaye auprès de Reporterre, rappelant combien les Niayes sont fragiles.

    Le #Collectif_de_défense_des_Niayes, un groupe de ressortissants de la zone, partage ses préoccupations. « Notre écosystème est en train d’être détruit et la population se retrouve sans recours », déplore l’un de ses membres, Idy Ka. Un autre, Cheikh Fall, expert environnemental, souligne que les habitants de la région ont demandé en 2022 la révision d’une #étude_d’impact environnemental et social des activités de GCO, mais que les autorités administratives ont validé le document sans prendre en compte leurs doléances.

    Tous s’inquiètent pour les ressources en eau : les maraîchers qui ont encore des champs constatent des perturbations hydriques. Des #puits sont à sec, comme si la #nappe_de_surface avait disparu. « Sur certains sites, pour trouver de l’eau en quantité suffisante, il faut désormais creuser à 50 ou 70 mètres, au lieu de 15 ou 20 mètres auparavant », explique Julien Potron, un entrepreneur spécialisé dans l’installation de pompes solaires.

    Comme d’autres, il est convaincu que GCO, qui utilise des milliards de m3 d’eau, est responsable de la situation. « Faux », répond l’entreprise dans un communiqué, assurant pomper « à plus de 450 m de profondeur, bien en dessous des nappes phréatiques utilisées par les agriculteurs ». Pourtant, une Commission départementale de recensement et évaluation des impacts et une équipe de GCO ont conclu en 2018, selon un document interne à la compagnie, que la baisse du niveau de l’eau des puits de plusieurs paysans était un « effet induit » de sa « drague » sur « la nappe ».

    « GCO nous a tout pris »

    Au bout du compte, on assiste à un #appauvrissement environnemental, mais aussi social et économique, explique Ousmane Sow, chef de village à Lompoul village. Les femmes qui vendaient des souvenirs aux touristes attirés par le désert sont désormais désœuvrées et sans revenus, tout comme les employés des six entreprises touristiques dont les lodges ont été avalés par la mine et les paysans qui n’ont plus de terres.

    « Les jeunes partent. Certains empruntent les filières de l’#émigration clandestine, un phénomène nouveau ici », assurent plusieurs habitants. « Un homme à qui on a pris de force ses champs est passé par le Nicaragua pour entrer clandestinement aux États-Unis », raconte, amer, Cheikh Fall. « [GCO] nous a tout pris : nos terres, nos cultures, nos traditions, notre désert, nos activités de subsistance, notre #dignité », a résumé Gora Gaye lors d’une conférence de presse.

    L’entreprise se défend en déclarant employer 2 000 collaborateurs et contractants, dont 97 % de Sénégalais ; avoir versé, en 2023, 25 millions d’euros de taxes, impôts et dividendes à l’État (avec un chiffre d’affaires de 238 millions d’euros en 2023), et avoir créé une « #oasis » dans une zone qu’elle a exploitée, à 10 kilomètres de Lompoul, pour remplacer le désert qu’elle est en train de pulvériser. Des chiffres et des mesures jugées dérisoires par ses détracteurs.

    « Complicité » des autorités

    Ces dernières années, les médias sénégalais ont rendu régulièrement compte du désarroi des populations locales. Mais cela n’a eu aucun effet : GCO n’a pas changé ses méthodes et l’administration sénégalaise a continué à la soutenir. Aujourd’hui, Gora Gaye et d’autres accusent publiquement les autorités locales de « complicité » avec l’entreprise française.

    Il est vrai que cette dernière veille à entretenir de bonnes relations avec les administrateurs et élus. Dans les rapports de 2022 et 2023 de l’#Initiative_pour_la_transparence_dans_les_industries_extractives (#ITIE), elle indique avoir versé, à titre de « paiements sociaux volontaires » et pour des « appuis divers », des centaines de milliers de francs CFA à des préfets, sous-préfets, chefs de village, maires, gendarmeries, etc. Contacté par Reporterre, le groupe Eramet n’a pas réagi à la question de savoir si ces versements étaient en conformité avec sa charte éthique.

    L’équipe au pouvoir depuis avril dernier, le président, Bassirou Diomaye Faye, et le Premier ministre, Ousmane Sonko, connus pour leurs idées souverainistes et dont le parti a remporté les élections législatives de novembre, modifiera-t-elle la donne ? Beaucoup d’habitants de Lompoul l’espèrent, même si l’actuel président de l’Assemblée nationale a travaillé de 2017 à 2024 pour GCO et même si le ministre de l’Environnement a fait, le 26 décembre, une visite de terrain avec GCO comme guide.

    Déjà, trois députés de Pastef se sont mobilisés ces dernières semaines, demandant la création d’une commission d’enquête parlementaire et plaidant pour l’instauration d’un moratoire sur les activités de GCO afin d’évaluer les dommages et revoir éventuellement son contrat avec l’État. « Si le gouvernement ne réagit pas, nous bloquerons l’entreprise ; elle ne pourra plus progresser », avertit Gora Gaye.

    #Dépossession_foncière

    Les milliers de paysans contraints de laisser leurs terres à GCO n’ont reçu que des « miettes » en guise de dédommagement, selon de nombreux témoignages. « Les montants des indemnisations sont basés sur de vieux barèmes que l’État a fixés en 1974 et n’ont depuis jamais été révisés », précise Demba Fall Diouf, membre de l’association Forum civil. L’organisation Fian International a fait le calcul : en onze ans, le manque à gagner pour un paysan dont la terre est occupée depuis 2012 par GCO « est plus de vingt fois supérieur à l’indemnisation perçue ».

    Ousmane Sow, chef de village, donne l’exemple d’un producteur qui gagnait 500 000 francs CFA par semaine (760 euros), avant de devoir se séparer de ses champs contre 5 millions de francs CFA (7 600 euros). Aujourd’hui, ce sexagénaire est obligé, lui qui employait une trentaine de personnes, de gagner sa vie comme saisonnier pour d’autres producteurs. Il ne récupérera rien : après exploitation, GCO restitue les terrains à l’État.

    https://reporterre.net/Un-groupe-minier-francais-detruit-un-desert-unique-au-Senegal
    #déplacés_internes #extractivisme #minière #résistance
    #tourisme
    ping @6donie

  • #Assurance-chômage : pendant les fêtes, l’Élysée ne fait pas de cadeaux

    Un projet de #décret transmis aux partenaires sociaux la veille du réveillon de Noël prévoit, à la surprise générale, de durcir davantage les règles de l’assurance-chômage en réduisant de 40 % la durée d’indemnisation si le taux de chômage passe sous les 6 %. Une stratégie visant à préparer les esprits à un énième tour de vis, sur fond de désaccords au sommet de l’État.

    DeDe la tactique pure, bien emballée pour indigner sur le fond et la forme. En adressant son projet de décret le 23 décembre aux partenaires sociaux, et en y ajoutant une mesure aussi dure qu’inattendue, le ministère du travail a déclenché la fureur des syndicats et de l’opposition. Et a sans doute obtenu l’effet recherché : abondamment commentée, l’idée de réduire encore plus drastiquement les droits des chômeuses et chômeurs va désormais infuser dans l’opinion publique.

    Selon les informations de Mediapart, c’était bien le but de la manœuvre. Car depuis des semaines, le ministère du travail et l’Élysée seraient en désaccord sur le « coefficient réducteur » à appliquer à la durée d’indemnisation. Le second souhaitant cogner plus fort que le premier.

    Introduire cette « mesure surprise » dans le projet de décret permettrait de faire consensus. Le ministère du travail préserve, pour début 2023, une baisse des droits sévère mais « contenue » à 25 % quand l’Élysée envoie son ballon d’essai dans les médias, préparant les esprits à un avenir encore plus rude pour les chômeuses et les chômeurs.

    Le texte, transmis vendredi dernier aux partenaires sociaux et dévoilé par l’agence de presse AEF, prévoit en effet une disposition consistant à baisser de 40 % la durée d’indemnisation si le taux de chômage, actuellement à 7,3 %, passe sous la barre des 6 %. Cela reviendrait à indemniser quatorze mois, au lieu de vingt-quatre, une personne ayant droit à la durée maximum de versements. Soit dix mois en moins, au motif que la conjoncture économique est bonne.

    C’est le fameux principe de modulation des allocations, permis par la Loi travail 2, définitivement adoptée le 17 novembre 2022 par le Parlement. Quelques jours plus tard, à l’issue d’un simulacre de concertation avec les partenaires sociaux, le ministre du travail avait présenté le contenu du futur décret. Et acté une baisse de 25 % de la durée d’indemnisation pour l’ensemble des inscrit·es à Pôle emploi à compter du 1er février 2023 et tant que le taux de chômage reste sous la barre des 9 %.

    Les syndicats représentant les salarié·es sont formels et unanimes, il n’a jamais été question d’aller plus loin et d’inscrire dans le texte une baisse de 40 % en cas de chômage plus bas. « Ce n’est pas acceptable de faire une annonce le 23 décembre sans concertation. C’est vraiment de très mauvais goût », a ainsi critiqué la CFTC, tandis que la CFDT dénonce « de la pure déloyauté ».
    Des jeux de pouvoir très secrets

    Muet pendant 48 heures, le ministère du travail a fini par réagir ce lundi 26 décembre face aux demandes insistantes des journalistes. « Pas de déclaration et de réaction particulière de notre côté », indique le cabinet d’Olivier Dussopt, assurant que « le ministre avait évoqué qu’il y aurait un cran supplémentaire de modulation lors de la réunion multilatérale [avec les partenaires sociaux – ndlr] et de la conférence de presse qui a suivi ».

    Ce jour-là, Olivier Dussopt avait effectivement avancé la piste d’un « coefficient réducteur » entraînant une baisse de 40 % mais l’avait conditionné à un taux de chômage à 5 % et non à 6 %, « ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! », s’indigne Denis Gravouil de la CGT. Selon lui, le ministre « n’a jamais dit que ce serait inscrit dans le décret, mais il avait renvoyé cette piste aux futures discussions sur l’assurance-chômage, fin 2023 ». Enfin, selon le négociateur CGT, la baisse de 40 % inscrite dans le projet de décret « ne passera pas le Conseil d’État ».

    Dans le texte transmis la veille du réveillon de Noël, le ministère précise en effet que « les conditions d’application de cette disposition sont renvoyées à un décret en Conseil d’État pris après concertation avec les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés ».

    Or plusieurs sources indiquent à Mediapart que renvoyer la mesure « à un futur décret » entraînera sans doute sa suppression par le Conseil d’État, qui ne se penche pas sur de simples annonces. « Au ministère du travail, ils ont conscience que c’est un peu léger et que ça ne passera sans doute pas », souffle l’une de ces sources, persuadée qu’il s’agit d’une stratégie pour lancer le sujet des 40 % de baisse et « mieux faire passer la pilule de la réduction de 25 % en 2023 », tout en donnant satisfaction au président de la République qui souhaiterait aller vite et plus fort.

    « Le massacre de l’assurance-chômage vient du château », souffle encore cette source évoquant « des jeux de pouvoir qui restent très secrets », entre l’Élysée et le ministère du travail. Toujours selon nos informations, le président aurait d’ailleurs pris de court Olivier Dussopt dès l’été dernier, en annonçant le 14 juillet la mise en œuvre rapide de la modulation des allocations-chômage.
    Le soupçon à l’égard des demandeurs d’emploi progresse 

    L’exécutif n’en est pas à son premier passage en force pour s’attaquer aux droits des chômeuses et chômeurs. Déjà en 2018, un décret paru le 30 décembre avait durci le contrôle et les sanctions, en allant beaucoup plus loin que prévu. En 2021, soucieux de faire passer au plus vite sa réforme de l’assurance-chômage, le gouvernement avait également publié un décret à la dernière minute, pour s’assurer que les syndicats ne l’attaquent pas immédiatement.

    Chaque fois, opposition et syndicats réagissent vertement. Mais jamais, l’opinion publique ne s’élève franchement contre cette destruction, pierre par pierre, des droits à l’assurance-chômage. Le bilan de la réforme entrée en vigueur en octobre 2021, enfin rendu public le 22 décembre 2022, révèle pourtant des effets désastreux.

    Les allocations ont baissé de 16 % en moyenne et la part des inscrit·es à Pôle emploi touchant une indemnisation n’a jamais été aussi faible : seulement 36,6 % de l’ensemble des inscrit·es en juin 2022, contre 40,4 % en décembre 2021.

    Pourtant, à en croire le dernier baromètre « sur la perception du chômage et de l’emploi », publié par l’Unédic, « le soupçon à l’égard des demandeurs d’emploi progresse ». La moitié (49 %) des personnes interrogées affirment ainsi « que la plupart des chômeurs ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi ». Près des deux tiers considèrent même que « les chômeurs ne veulent pas risquer de perdre leur allocation-chômage ».

    Comme les mesures de l’exécutif, les idées reçues et les discours anti-chômeurs passent toujours en force.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/261222/assurance-chomage-pendant-les-fetes-l-elysee-ne-fait-pas-de-cadeaux
    #chômage #durcissement #durée_d’indemnisation #indemnisations #modulation_des_allocations #taux_de_chômage # coefficient_réducteur #allocations

  • In Sri Lanka, old land issues and a new prime minister highlight post-war traumas

    Sri Lanka’s civil war ended nearly a decade ago, but Maithili Thamil Chilwen’s barren plot of land still resembles a battlefield.

    There is only a mound of dirt where her home once stood in Keppapilavu village in the country’s northeast; the rest is just dirt, gravel, and broken shards of doors and windows from her demolished home.

    Sri Lanka’s military occupied thousands of hectares of land during and after the country’s bitter 26-year civil war, which came to a brutal end in 2009 when the military crushed remaining Tamil fighters here in the north. Almost a decade later, rights groups say reconciliation between the country’s majority Sinhalese community and its Tamil minority is at a standstill, and occupied land is one glaring example.

    Thamil Chilwen, an ethnic Tamil, said the military seized her property at the end of the war. It took almost nine years, until earlier this year, for the military to give it back. But by then, her home and fields were destroyed.

    “We were happy when the military told us we could go back to our land. But when I saw the state of the land, I had to cry,” she said.

    The military has been slow to return land to civilians, or to even acknowledge just how much territory it still occupies. It’s symptomatic of wider post-conflict fissures across the country: rights groups say Sri Lanka’s government hasn’t taken significant steps to address rampant war-era abuses – including enforced disappearances and thousands of civilian deaths in the conflict’s final months.

    Hopes for national reconciliation took another blow last week when the country’s president, Maithripala Sirisena, abruptly appointed the controversial former leader who oversaw the 2009 military offensive, Mahinda Rajapaksa, as prime minister. The surprise move has locked Sri Lanka in a political crisis: the ousted prime minister, Ranil Wickremesinghe, has vowed to stay in office; government ministers who support him have denounced his dismissal as “an anti-democratic coup”.

    Human Rights Watch said any return to office for Rajapaksa raises “chilling concerns” for rights in the country. Rajapaksa is accused of widespread rights abuses, particularly in his role overseeing the military offensive that crushed the Tamil insurgency.

    “The current government’s failure to bring justice to victims of war crimes under the Rajapaksa government reopens the door for past abusers to return to their terrible practices,” said the group’s Asia director, Brad Adams.

    For most Tamils, a return to their ancestral land is one key part of finding justice, says Ruki Fernando, a Colombo-based rights activist who has documented war-time disappearances.

    More than 40,000 people remain displaced since the end of the war, mostly concentrated in the Tamil heartlands of northern and northeastern Sri Lanka.

    “It’s about culture and religious life. It’s where they buried their ancestors,” Fernando said. “It’s their identity.”

    Alan Keenan, a Sri Lanka analyst with the International Crisis Group, says land is among a range of issues that have largely gone unresolved over the last decade.

    “Most Tamils don’t feel that they have gotten as much they were promised in terms of dealing with the legacy of war, having their land returned, discovering the fate of their tens of thousands of missing relatives, having crimes committed by the military addressed judicially,” Keenan said. “For a whole range of things, they think they didn’t get what they were promised.”
    Reparations

    Estimates for the amount of land occupied by the military vary wildly. The military last year said it had returned roughly 20,000 hectares of private and state land in the north. In a report released this month, Human Rights Watch said the government claimed the military was occupying about 48,000 hectares of private and state land in the north and east.

    Rights groups say the military has converted some of the occupied land into for-profit businesses. They have set up plantation farms, restaurants, and even resorts catering to tourists, in addition to large military bases.

    An army spokesman did not respond to IRIN’s requests for comment. But in an interview with the Indian newspaper The Hindu this year, Mahesh Senanayake, the Sri Lankan army chief, said 80 percent of occupied land has been returned. He claimed the military had been the only organisation capable of running key services in the north after decades of war.

    “The government machinery was not functioning for decades,” he said. “There was a big gap and our services are needed to address it.”

    Early this month, President Sirisena ordered the release of all civilian land by the end of the year. However, rights groups say such promises have gone unfulfilled for years.

    Sirisena was elected in 2015 on the back of a reformist agenda to boost reconciliation between the divided Sinhalese and Tamil communities. When he came to office, Sirisena broke from his predecessor and promised to set up a national truth commission, an office to investigate missing persons, and provide reparations for war-era abuses.

    The government has held public consultations to solicit feedback on reconciliation, and legislated the creation of an office for reparations. But rights groups say progress has been achingly slow, even before last week’s political crisis. The UN’s special rapporteur on human rights and counter-terrorism last year said government actions on transitional justice have “ground to a virtual halt”.

    Analysts say Sirisena has been reluctant to push a reform agenda too forcefully in the face of resurgent Sinhalese nationalism. Rajapaksa, the former president, is popular among Sinhalese nationalists; the political party he leads nearly swept local elections held in February, seen as a bellwether for the current political mood in the country.

    “The government is afraid the Sinhala constituency will be unhappy that they are giving back the land, that they are shrinking the footprint of the military,” Keenan said.

    In a country that has held an uneasy peace since the civil war’s remarkably violent end in 2009, there are signs of discontent. A Tamil nationalist party, the Tamil National People’s Front, also made significant gains during the February elections here in Sri Lanka’s north, where it took control of the two largest councils in populous Jaffna district.

    In Keppapilavu village, an army tank sits outside an imposing military base surrounded by tall cement walls. A few metres away, a group of men and women have held a protest for the last year, under tents made of tin and tarpaulin.

    Arumuham Weluthapillayi, a Hindu priest, started the protest last year with other displaced families. He says half of his land is still occupied by the army – in addition to homes, places of worship, schools, a cemetery, and numerous shops around the village.

    This area was once a stronghold of the rebel Liberation Tigers of Tamil Eelam, commonly known as the Tamil Tigers. But nine years after the insurgency was routed, Weluthapillayi says he can’t understand why the army hasn’t left.

    “The war is over,” he said. “There are no security issues. Why are they still here?”

    https://www.irinnews.org/news/2018/10/30/sri-lanka-old-land-issues-and-new-appointment-threaten-reconciliation
    #Sri_Lanka #COI #terres #tamouls #déplacés_internes #IDPs #dédommagement #indemnisations #Keppapilavu