• #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • #Pesticides : « Le prochain #indicateur d’#Écophyto va endormir les gens »

    Le nouvel indicateur qui pourrait être utilisé dans le plan Écophyto est « trompeur », défend François Veillerette, de #Générations_futures, pour qui le gouvernement a cédé à une demande de la #FNSEA.

    À la suite des manifestations agricoles de ces dernières semaines, le gouvernement a déclaré le 1er février mettre « en pause » le #plan_Ecophyto de réduction de 50 % des pesticides. L’annonce a suscité l’indignation des associations écologistes ainsi que d’associations d’agriculteurs victimes de ces produits. Cette pause « n’est pas la marche arrière » et doit permettre de retravailler sur plusieurs points du plan, et en particulier sur l’indicateur de suivi, a néanmoins précisé Marc Fesneau sur LCI le 4 février.

    Le ministre de l’Agriculture envisage ainsi de remplacer l’indicateur actuel, le #Nodu (#nombre_de_doses_unités), par l’indicateur actuellement en construction au niveau européen, le #HRI1 (#indicateur_de_risque_harmonisé). Cette évolution, réclamée de longue date par le syndicat productiviste la FNSEA, inquiète les associations écologistes. Si elle paraît à première vue relever du détail technique, elle risque en réalité de ruiner pour longtemps toute efficacité du plan Écophyto, explique François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures.

    Reporterre — Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré que la France allait changer d’indicateur d’utilisation des pesticides au profit, sans doute, de « l’indicateur européen ». Pourquoi le présentez-vous comme trompeur ?

    François Veillerette — L’indicateur HRI1 européen est censé figurer une sorte d’évolution de la dangerosité des pesticides. Le plan Écophyto, lui, a toujours eu comme objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides. Ce n’est pas du tout la même chose.

    En plus, l’utilisation de l’indicateur HRI1 introduit des biais. Le premier, c’est la fausse réduction des pesticides. Quand on regarde l’évolution du Nodu, l’indicateur utilisé actuellement en France dans Écophyto, et du HRI1 entre 2011 et 2019, le premier indique une baisse de 12 % de l’utilisation des pesticides et le second une baisse de 40 %. On voit bien que cette baisse de 40 % est trompeuse. On comprend mieux pourquoi la FNSEA et l’industrie des pesticides aiment bien cet indicateur, qui laisse à penser que l’objectif du plan Écophyto est quasiment atteint.

    Le second biais, c’est une évaluation trompeuse des risques. Pour venir à bout de la tavelure de la pomme, une affection fongique, vous pouvez utiliser au choix de la levure chimique, à faible risque et utilisable en agriculture biologique, ou du difénoconazole, classé plus dangereux. Seulement, il faut utiliser tellement plus de levure que de traitement chimique que le traitement bio obtiendra un moins bon score HRI1 que le produit dangereux. C’est complètement aberrant.

    Enfin, la mesure du risque n’est d’ailleurs pas toujours très précise. Aujourd’hui, on va croire qu’un produit n’est pas dangereux. Dans deux ans, on dira qu’on s’est trompés et qu’il l’était. Ça arrive tout le temps. On se met à retirer des produits du marché parce que la science progresse. Regardez les discussions sur le glyphosate : dangereux, pas dangereux ? Les agences ne sont pas d’accord.

    Il est très étrange que la France se mette à défendre le HRI1, alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé le 6 janvier d’enterrer le règlement SUR de réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides d’ici 2030, déjà flingué par le Parlement européen sous la pression des conservateurs d’extrême droite et des syndicats agricoles. La France avait toujours défendu le Nodu au niveau européen. Cette conversion subite est évidemment liée au mouvement des agriculteurs, alors que cela fait quinze ans que la FNSEA refuse cet indicateur.

    En quoi le Nodu, utilisé jusqu’à présent en France, était-il plus satisfaisant ?

    Le Nodu français compte le nombre de doses standards par hectare. Il a été négocié au lancement du plan Écophyto en 2009, juste après le Grenelle de l’environnement. Il est impitoyable, très robuste. Même si les produits évoluent avec le temps, qu’ils sont actifs à des doses plus faibles, l’indicateur ne va pas baisser si le nombre de traitements reste le même. Il cherche clairement à évaluer l’évolution de l’usage, donc de la dépendance du système agricole aux pesticides. S’il n’y a pas de baisse du Nodu, il n’y a pas de baisse de la dépendance.

    Avec le HRI1, on ne voit rien de tout cela. Si l’on retourne sur l’évolution des courbes entre 2011 et 2019, on voit une augmentation de 25 % du Nodu entre 2017 et 2018. La courbe HRI1, elle, reste plate. On a l’impression que tout va bien. Cet indicateur sert à endormir les gens, à faire croire qu’on a déjà fait le boulot de réduction et qu’on n’a surtout rien à changer. C’est absolument inacceptable pour nous.

    Cet indicateur, c’était une demande dans la liste de courses de la FNSEA. Le gouvernement, qui ne voulait pas se fâcher avec le syndicat, lui a donné raison tout en faisant croire qu’il allait protéger l’environnement et continuer à travailler.

    Si l’utilisation des pesticides en France a légèrement augmenté depuis 2009, le gouvernement tend plutôt à communiquer sur une baisse en se basant sur la quantité des produits épandus…

    Le gouvernement a toujours montré qu’il préférait utiliser l’indicateur qui l’arrange. Il parle de quantités de substances actives, sépare dans les courbes les produits de synthèse et ceux utilisables en bio ou en biocontrôle... Dans les dernières notes de suivi, on a un mal de chien à trouver le Nodu. Il est sournoisement invisibilisé sous la pression de la FNSEA. Quand Stéphane Le Foll était ministre de l’Agriculture [de 2012 à 2017], le syndicat agricole avait tenté un putsch contre cet indicateur, en inventant un indicateur d’impact. Il ne tenait pas la route et n’est pas passé, mais les pressions avaient été énormes et elles continuent.

    Le Premier ministre a notamment annoncé aux agriculteurs la mise en pause du plan Écophyto, alors que des annonces devraient être faites à son sujet d’ici le Salon de l’agriculture, qui débute le 24 février...

    Ce qui nous inquiète, ce n’est pas la mise en pause du plan Écophyto pour trois semaines, mais ce qu’il va devenir ensuite. Un comité opérationnel de suivi est prévu. Je ne sais pas s’ils vont inviter la société civile ou s’ils vont se réunir entre eux. Car les annonces de Gabriel Attal sont également un scandale sur la forme : le Premier ministre a fermé le ban sans concertation avec les parties prenantes, sous la pression de la FNSEA. C’est assez dramatique.

    On attend maintenant que le gouvernement se reprenne en main. De toute manière, dans 20 ou 30 ans, les pesticides ne fonctionneront plus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inrae. On ne trouve plus de nouveaux modes d’action et le vivant s’habitue aux molécules existantes, de plus en plus de résistance apparait. On le voit déjà dans le Bordelais, où plein de fongicides ne fonctionnent plus très bien.

    https://reporterre.net/Pesticides-Le-prochain-indicateur-d-Ecophyto-va-endormir-les-gens
    #Ecophyto #agriculture #industrie_agro-alimentaire

  • #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • [A Question Of Listening] # 033 - Les likes, ça compte, mais pas tant que ça
    https://www.radiopanik.org/emissions/a-question-of-listening/033-les-likes-ca-compte-mais-pas-tant-que-ca

    Selon l’enquête de 2021 de l’International Federation of the Phonographic Industry sur la consommation de la #musique dans le monde, impliquant 43.000 personnes dans 21 pays selon des panels représentatifs au niveau national, nous écoutons, en moyenne, « 18,4 heures de musique par semaine, soit l’équivalent de 368 morceaux de trois minutes » , pour plus de la moitié en streaming (audio, avec ou sans abonnement pour 32 % ou vidéo, y compris les vidéos courtes et les réseaux sociaux, pour 36 %), pour 16 % en radio, pour 9 % via l’achat (sous forme physique ou digitale) et le reste par l’intermédiaire de concerts (2 %, y compris le livestream), d’échange avec les proches ou sur des plateformes de vidéo à la demande (5 %). La tendance au streaming audio est d’autant plus marquée que les auditeurs sont (...)

    #performance #psychologie_cognitive #mesure #indicateur #musique,performance,psychologie_cognitive,mesure,indicateur
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/a-question-of-listening/033-les-likes-ca-compte-mais-pas-tant-que-ca_16804__1.mp3

  • Les universités sommées de faire le #tri dans leurs #formations

    Fermer les #formations_universitaires qui ne collent pas assez aux #besoins_économiques du pays, développer des #indicateurs à cet effet, couper dans les budgets : la feuille de route de rentrée de la ministre de l’Enseignement supérieur, #Sylvie_Retailleau, a des allures de douche froide.

    Après les annonces de #coupes_budgétaires et le discours sur « l’argent qui dort » dans les universités, l’exécutif explique, en cette rentrée, qu’il faut « réfléchir au #modèle_économique des universités ».

    « On souhaite lancer un travail » sur ce sujet, a indiqué ce vendredi la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, lors de sa conférence de rentrée. L’ancienne présidente de l’université Paris-Saclay, qui avait pris des gants pour annoncer les ponctions à venir sur les fonds de roulement à ses anciens collègues, en fin de semaine dernière, a cette fois été beaucoup plus radicale. « C’est notre responsabilité d’utiliser l’argent qui dort, si on veut des solutions pour le pouvoir d’achat des agents. Avec 1 milliard d’euros non utilisés, il faut réfléchir au modèle économique des universités », a-t-elle lancé.

    « Les universités doivent faire beaucoup mieux »

    Ses propos arrivent après ceux d’Emmanuel Macron, lundi soir, dans son interview au youtubeur Hugo Travers. « Il faut avoir le #courage de revoir nos formations à l’université et de se demander : sont-elles diplômantes ? Sont-elles qualifiantes ? » « Les universités, avec leur budget, doivent #faire_beaucoup_mieux », avait répondu le chef de l’Etat.

    « Elles doivent avoir le courage de dire : ’On ne laisse pas ouvertes ces formations parce qu’on a des profs sur ces formations’, ce qui est un peu le cas parfois. Mais plutôt : ’Est-ce que cette formation permet de former des jeunes et de leur fournir un #emploi ?’ » Trop de formations « se passent dans de mauvaises conditions », poursuivait le chef de l’Etat. « Donc on doit réallouer les choses. » L’exécutif veut clairement faire le #ménage dans les formations, à l’université comme dans la voie professionnelle.

    « Plus de #formations_courtes »

    Emmanuel Macron veut « développer plus de formations courtes, entre un et trois ans, au plus près du terrain, dans des #villes_périphériques où le coût de la vie est moins important ». Les universités sont concernées, mais aussi les écoles d’ingénieurs et de commerce. « Avec les moyens qu’on met, on doit faire beaucoup mieux », soulignait-il lundi dernier en brandissant le chiffre de « 50 % de jeunes inscrits en licence [qui] ne vont pas se présenter à l’examen ». Et en pointant « un énorme problème d’#orientation et une forme de #gâchis_collectif ».

    C’est l’un des axes de la feuille de route de Sylvie Retailleau en cette rentrée. La ministre dit vouloir « une accélération de la transformation de l’#offre_de_formation pour mieux former aux savoirs et aux métiers ». « Nous devons offrir à nos étudiants des parcours qui leur permettent de devenir des #citoyens_éclairés, mais aussi d’intégrer le #monde_professionnel, souligne-t-elle. Nous n’avons pas encore gagné la bataille d’une #orientation_réussie pour le premier cycle universitaire en particulier, nous n’avons pas assez avancé sur la formation tout au long de la vie. »

    Des indicateurs pour toutes les #licences, d’ici juin

    Pour « réindustrialiser le pays, le décarboner et adapter les formations aux besoins de la société », cela passe par l’orientation dès le collège et des filières courtes ou des licences « synonymes d’un #parcours_fluide et d’une #insertion_professionnelle_réussie », complète Sylvie Retailleau.

    Des indicateurs sur les #taux_d'insertion de toutes les licences générales vont se mettre en place d’ici à juin 2024. Ils concerneront ensuite, fin 2024, les écoles d’ingénieurs, de commerce et les doctorats, pour couvrir l’ensemble du champ de l’enseignement supérieur.

    Pour investir dans les filières dites porteuses (alimentation durable, numérique…), l’exécutif mise sur les #appels_à_projet du plan #France_2030, avec « près de 20.000 places de formation [qui] seront proposées sur ces enjeux ». Et aussi sur les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance, qui conditionnent l’argent versé aux établissements à la politique menée. Le gouvernement vient d’annoncer deux nouvelles vagues de #contractualisation.

    Dans l’enseignement supérieur, où le vocable d’« insertion professionnelle » faisait encore bondir il y a dix ans, celui de « #performance » interroge. Certains présidents d’université s’étranglent à l’idée qu’on leur ponctionne leurs fonds de roulement et que l’on sanctionne, disent-ils, leur bonne gestion. L’un d’eux, pourtant favorable à cette logique de « performance », pointe aussi « la schizophrénie d’un Etat centralisateur qui veut tout gérer, tout en tenant un discours sur l’autonomie des universités ».

    https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/les-universites-sommees-de-faire-le-tri-dans-leurs-formations-1976647

    #université #facs #ESR #enseignement_supérieur #filières_porteuses #conditionnalité #employabilité

    • La guerre aux universités est déclarée

      Après le cri d’alarme de France Universités au sujet des mesures de pouvoir d’achat et des augmentations du prix de l’énergie non compensées par l’État alors que l’inflation galope, les démissions collectives des fonctions administratives empêchant toute rentrée dans de nombreux départements universitaires (Rouen, Nantes, Paris Cité, Brest, Créteil, Tarbes, etc.), l’alerte santé et sécurité à Université Grenoble-Alpes, la sonnette d’alarme tirée par l’Assocation des directions de laboratoires (ADL) au sujet du Hcéres ou par des responsables de Départements sur la part majoritaire de l’emploi non-titulaire pour assurer les enseignements, les expulsions locatives brutales des étudiant·es logé·es par le CROUS, récemment dénoncées par la Fondation Abbé Pierre, la mise à l’arrêt administrative du CNRS avec la mise en oeuvre dysfonctionnelle de Notilus, après les multiples attaques contre les sciences humaines et sociales, qualifiés d’ “islamogauchiste” ou de “wokistes” y compris par la Ministre Vidal elle-même, et les attaques perlées de l’extrême-droite depuis plusieurs années, on ne peut comprendre la dernière déclaration de Sylvie Retailleau sur le ponctionnement des fonds de roulement universitaire que pour ce qu’elle est : une nouvelle déclaration de guerre.

      Soyez assis quand vous lirez les extraits que nous publions ci-dessous.

      S’agit-il de mettre en œuvre le programme néolibéral de privatisation du secteur de l’enseignement supérieur dévoilé dans les MacronLeaks ? De fermer des départements entiers de sciences critiques (sciences humaines et sociales, études environnementales ou climatiques), sous le feu de procès-baillons ou du courroux du président de la République lui-même ? D’achever une politique de darwinisme social consistant à affamer les plus modestes ? Sans doute tout cela et plus encore. Comment allons-nous résister ?

      https://academia.hypotheses.org/51758

    • Retailleau et le fonds de roulement des universités dans la farine.

      C’est la petite bombe qui occupe donc cette rentrée universitaire. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, vient d’annoncer toute honte bue, ce que même ses prédécesseurs les plus cyniquement et authentiquement libéraux n’avaient pas osé formuler : elle va aller taper dans le fonds de roulement des universités (pour contribuer à l’effort pour réduire la dette de l’état, hahaha, nous y reviendrons).

      Alors pour bien comprendre à quel point cette annonce est mortifère, et cynique, en plus d’être simplement conne, et super conne même, il faut déjà savoir ce qu’est un fonds de roulement. C’est donc, une fois recettes escomptées et dépenses décomptées, le solde de l’argent disponible pour assurer et couvrir les dépenses courantes liées à l’activité d’une entreprise : payer le salaire des employé.e.s, les frais généraux (loyers, assurances), les factures mais aussi les charges fiscales et sociales.

      [mise à jour du soir] Ils avaient déjà fait le coup en 2015 en ponctionnant le fonds de roulement de plus d’une quarantaine d’universités : https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/budget-la-repartition-des-dotations-2015-des-universites.html [/mise à jour]

      Paradoxe de voir qu’alors que depuis le passage à la LRU il y a plus de 10 ans chaque gouvernement somme les universités de fonctionner et d’être gérées comme autant d’entreprises où chaque formation doit être rentable, et que le même gouvernement vient aujourd’hui annoncer qu’il va venir pépouze faire ce que jamais il ne ferait à aucune une entreprise : taper dans la caisse.

      Ce fonds de roulement des universités est estimé par Retailleau à un milliard d’euros. Un milliard forcément c’est un chiffre qui claque. Mais qui doit être divisé par le fait qu’il y a 72 universités en France (parmi au total environ 120 établissements d’enseignement supérieur public). Je vous laisse faire la division (en médiane cela fait 13 millions par université). Ça claque déjà un peu moins. Et ça claque encore moins quand on sait que le budget global d’une université comme celle de Nantes et d’un peu plus de 350 millions d’euros par an, et que dans ce budget, l’état “oublie” de verser environ 290 millions d’euros c’est à dire l’équivalent, pour Nantes, d’environ 400 euros par an et par étudiant.e. Que sur la base de ce constat (largement partagé par l’essentiel des 52 universités françaises), l’actuelle ministre vienne nous expliquer qu’elle va taper dans la caisse du fonds de roulement des universités au motif qu’elles en seraient mauvaises gestionnaires et devraient participer à l’effort national donne quand même envie de lui infliger des trucs que la morale et les émissions pour enfant réprouvent à l’unisson.

      Parce que face à la diminution constante du financement par l’état (voir plus bas), ce fonds de roulement est souvent la dernière poche de survie des universités pour financer les postes “sur ressources propres”, postes qui explosent pour venir compenser ceux que l’état ne crée plus, postes sans lesquels plus aucune université n’est en mesure de fonctionner.

      Ce fonds de roulement c’est également la dernière poche de survie permettant aux universités de financer les mesures bâtimentaires de campus qui souvent tombent en ruine ou sont totalement inadaptés au changement climatique, problématiques dont l’état se contrecogne au motif de “l’autonomie”.

      Voilà donc pour la première salve de celle que l’on imaginait, par contraste avec la précédente, en Oui-Oui Retailleau partageant à chaque Tweet sa vie d’influenceuse campus, et que l’on découvre – sans trop de surprise – en Terminator Retailleau avec un plan de route clair : faire en sorte qu’à la fin du deuxième et dernier mandat d’Emmanuel Macron il ne reste plus que les cendres de ce que fut l’université publique ouverte à toutes et tous. Et c’est là qu’intervient la deuxième lame, balancée dans l’interview que Macron a donné à Hugo Décrypte, interview dans laquelle il annonçait qu’il allait falloir que les universités se concentrent sur les filières rentables et ferment les autres. Et c’est vrai après tout, qu’est-ce que la construction de l’intelligence et du regard critique au regard de l’exercice de la performance et de la rentabilité ?

      Macron veut donc achever l’université publique, la grand remplacer par des formations privées, et limiter le champ des connaissances publiques à quelques cénacles et universités qu’il dit “d’excellence” là où toutes les autres composantes de l’université publique ne tendraient qu’à former cette main d’oeuvre intermédiaire si nécessaire et légitime, mais qu’on ne comprend pas bien de quel droit et au nom de quel projet de société on voudrait priver de la possiblité de s’instruire autrement que dans des compétences purement opérationnelles et définies par les besoins immédiats du Medef. Si Ricoeur était encore vivant et s’il croisait Macron aujourd’hui, il n’en ferait pas son (très provisoire) assistant éditorial mais il le démarrerait illico.

      Le résultat de cette rentrée en mode “défonce-les Sylvie” c’est donc, premier temps : “bon bah on va terminer le travail consistant à vous étrangler financièrement” (ça c’est la ponction dans les fonds de roulement), et le deuxième temps c’est, “bon bah puisque vous n’aviez déjà plus les thunes de l’état permettant de créer des postes, de financer le GVT (Glissement Vieillesse Technicité), et tout un tas d’autres choses initialement “régaliennes”, vous n’aurez pas non plus le peu de liquidités qui vous permettaient de colmater l’immensité des brèches RH, bâtimentaires, stratégiques, et qui achèveront de conduire à votre effondrement.”

      Il y a déjà bien longtemps que l’idée est là, depuis Pécresse et Sarkozy exactement, mais jamais elle n’avait été posée et affirmée publiquement avec autant de cynisme et de mépris.

      Pour Le Monde, cela donne ceci :

      “Mieux gérer leurs fonds et contribuer à réduire la dette publique“. Hahaha, difficile d’être contre. Imaginez : non seulement nous serions forcément mauvais gestionnaires et en plus de cela nous refuserions de contribuer à réduire la dette publique.

      Les Echos font oeuvre journalistique plus sincère en posant le seul et réel enjeu visé par Macron et Retailleau : faire le tri dans les formations.

      Fini de jouer. On garde juste le rentable, le Medefiable, le corvéable et selon des critères définis par … ? Le marché, les intérêts privés, les politiques libérales. Pourquoi pas hein, après tout on ne va pas demander aux libéraux de faire des plans quinquennaux, ni aux étourneaux d’avoir l’acuité des aigles. Nous y voilà, les rentiers et les banquiers sont à table et ne bouffent que du rentable. Et on aura “‘des indicateurs” pour le mesurer. Alors soyons francs, cela fait plus de 25 ans que je suis à l’université, j’ai créé et piloté des formations, j’ai vu et échangé et collaboré avec des collègues pour en créer et en piloter d’autres, il y a toujours eu des indicateurs, et il y en a toujours eu à la pelle. Des études longitudinales sur le taux d’insertion des étudiant.e.s, des indicateurs de “performance” demandés par le ministère ou les conseils d’administration et conseils académiques des universités et concernant, tout à trac, l’adéquation avec le bassin d’emploi, les sources de “flux entrants” d’étudiant.e.s, la redondance avec des formations sur le même sujet, etc. Sans parler des évaluations régulières qui arrivent en moyenne tous les 3 ou 4 ans pour affiner et ajuster la pertinence et l’intérêt des formations publiques. Des indicateurs il y en a donc toujours eu partout à l’université publique surtout depuis la LRU (et même avant), et il faut répondre de ces indicateurs pour ouvrir des formations comme pour les maintenir ouvertes. Là où, rappelons-le aussi, les formations privées à 10 000 euros l’année pour des promotions de 15 étudiant.e.s client.e.s se torchent le cul avec les critères qualité et les constants processus d’audit et d’évaluation auxquels sont soumises les formations publiques. Non franchement, présenter le fait de développer des indicateurs à l’université comme une nouveauté ou comme une solution pour mesurer la pertinence, la légitimité et même l’adéquation au marché de nos formations, c’est déjà être diplômé d’un post-doctorat en foutage de gueule.

      Le problème de cette énième et peut-être ultime attaque frontale contre l’université c’est qu’elle s’aligne avec les différents effondrements déjà vécus par l’université publique depuis l’invention de leur assignation à l’autonomie.

      Effondrement du financement de l’état par étudiant, en baisse de 14% entre 2008 & 2022 (et de 7% rient qu’entre 2017 & 2022).

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan du logement, chaque rentrée universitaire désormais des étudiant.e.s dorment à la rue faute de pouvoir se loger.

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan alimentaire : les distributions et épiceries solidaires explosent et transforment chaque campus en succursale des restos du coeur. Et l’on voit bien ce qu’il advient aujourd’hui aux restos du coeur. Mais si Terminator Retailleau trouve le temps d’aller prendre la pose en train de bouffer des coquillettes au Resto U, on ne l’a toujours pas aperçue dans une file de distribution alimentaire. L’invitation est lancée : la première de cette année à l’IUT de La Roche-sur-Yon aura lieu le 21 septembre. Pour un petit campus d’une petite ville universitaire on attend encore 250 étudiant.e.s. Comme à chaque fois et comme deux fois par mois, depuis déjà 3 ans. Que la ministre n’hésite pas à y passer nous rencontrer.

      Et que dire de l’effondrement de la santé mentale de nos étudiant.e.s, largement corrélé aux deux effondrement précédents.

      Effondrement aussi de la condition des doctorant.e.s et post-doctorant.e.s, bac +8, bac +12, des CV académiques en face desquels celui de Sylvie Retailleau ressemble à la bibliographie d’un rapport de stage d’étudiant de première année, des années à faire des cours avec un salaire indigne, et à la fin … juste rien. Rien d’autre qu’une précarité toujours plus forte, rien d’autre qu’un mépris toujours plus affirmé.

      Effondrement, même, de ce qui devrait pourtant cocher toutes les cases de ces formations courtes et professionnalisantes et rentables tant mises en avant par ce gouvernement de putains de pénibles pitres. Les IUT sont en train de massivement s’effondrer. Ils ne tiennent pour l’immensité d’entre eux que par les financements liés à l’alternance qui représentent parfois plus de 80% du budget global de ces composantes. La moindre variation dans les aides de l’état à l’alternance (qui sont en réalité des aides directes aux entreprises) et c’est la moitié des IUT de France qui ferment au moins la moitié de leurs formations et des dizaines de milliers d’étudiant.e.s qui se trouvent, du jour au lendemain, sur le carreau. En plus de ce modèle si puissamment fragile, vous n’en avez jusqu’ici pas entendu parler dans les journaux mais un nombre tout à fait inédit d’IUT sont cette rentrée “en mode dégradé” comme la sabir libéral managérial nous a appris à nommer les situations de souffrance, de révolte et de mobilisation. En IUT mais aussi en STAPS, dans un nombre inédit de campus, des milliers d’étudiants ont effectué leur rentrée “en mode dégradé”. Comprenez : ils et elles n’ont pas de cours, et/ou pas d’emplois du temps, et/ou plus de directeur des études, et/ou plus de responsables de formation, et/ou plus de responsables de département.

      Les démissions administratives atteignent un volume tout à fait stupéfiant et inédit qui colle à la fois à l’épuisement de l’ensemble des personnels et à l’inéquité mortifère des “primes” ou des revalorisations salariales auxquels ils et elles peuvent prétendre. Angers, Nantes, Niort, Caen, Toulouse, Lorient, mais aussi Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille … Presqu’aucune ville universitaire n’est épargnée par ces rentrées “en mode dégradé”. Demain Lundi 11 septembre a lieu la grande journée de mobilisation de ce qu’on appelle les ESAS (les Enseignant.e.s du Secondaire Affecté.e.s dans le Supérieur). Celle et ceux qui font, avec les vacataires toujours méprisés, tourner tant de filières de formation à l’université. A part quelques articles dans quelques médias locaux, aucun article dans aucun journal national sur cette rentrée universitaire totalement inédite aussi bien dans l’effondrement que dans la mobilisation. A tel point que Terminator Retailleau, pour éteindre un incendie qu’elle sent devenir incontrôlable, se met déjà à balancer des promesses d’aider à hauteur de 14 millions d’euros une quarantaine d’IUT choisis pour être ceux disposant des taux d’encadrement les plus bas. C’est Bernard Arnault et son chèque de 10 millions d’euros aux Restos du coeur. Non seulement cet argent versé (peut-être …) aux IUT leur était dû dans le cadre du passage, “à moyens constants”, d’un diplôme à Bac+2 à un diplôme à Bac+3, non seulement il est largement insuffisant, mais il aurait dû, et de droit, être adressé à l’ensemble des IUT. D’autant que dans le même temps, les universités asséchées sur leurs fonds de roulement annoncent déjà leur intention de venir piquer dans la caisse de l’alternance des IUT non pas “rentables” mais simplement moins misérablement sous-encadrés que les filières non-professionnalisantes. Et c’est là tout le génie libéral d’organiser à tel point ces concurrences délétères au sein d’organismes dont on a construit la fragilité et programmé le délabrement.

      Même les président.e.s d’université. Oui. Même elles et eux, qui sont pourtant à la radicalité ce que Mickey Mouse est aux Snuff Movies, écrivent dans un communiqué que ces annonces se situent entre le rackett et l’escroquerie et appellent l’ensemble des universitaires et des étudiant.e.s à se mobiliser contre cette attaque sans précédent qui pourrait être le coup de grâce, le Big Crunch qui achèvera d’atomiser l’enseignement supérieur public en France. Alors ils le disent certes avec leurs demi-mots de demi-mous adeptes de conversations de salon plus que de Saloon, mais je vous promets que c’est l’idée. Et pour que France Universités (anciennement la CPU, Conférence des Président.e.s d’Université) se fende d’un communiqué de presse critiquant la politique du gouvernement, il faut que celui-ci ait repoussé tous les seuils de la maltraitance et du mépris. Si France Université avait été à bord du Titanic, ils auraient commencé à s’alarmer de la montée du niveau de l’eau le lendemain du naufrage et auraient demandé poliment la création d’un colloque sur l’habitat partagé entre les icebergs et les navires. Qu’ils commencent à gueuler aujourd’hui est peut-être ce qui dit le mieux l’urgence de la mobilisation contre cet effondrement.

      https://affordance.framasoft.org/2023/09/retailleau-et-le-fonds-de-roulement-des-universites-dans-la-fa

  • L’échec de #Shanghai et le pari perdu de #Paris-Saclay

    La nouvelle de ce mois, concernant l’Université et la #recherche, est sans conteste l’#abandon par la #Chine des #classements_internationaux et en particulier de celui dit « de Shanghai ». Accompagnant le déplacement planétaire de la sphère productive vers l’Asie, la création d’établissements universitaires en Chine a été massive : on en compte aujourd’hui plus de 3 000. La Chine est devenue une immense puissance scientifique et se soucie désormais de développer un modèle universitaire original. En visite le 25 avril à l’université Renmin de Pékin, le président Xi Jinping a déclaré ceci : « La Chine est un pays avec une histoire unique, une culture distincte et un contexte national particulier […] Nous ne pouvons pas suivre aveuglément les autres ou nous contenter de copier les standards et les modèles étrangers lorsque nous construisons des universités de classe mondiale ». Cette déclaration a été immédiatement suivie d’effets, avec le retrait de plusieurs universités des classements internationaux, dont l’université Renmin — une décision saluée dans la foulée par le journal gouvernemental, le Quotidien du Peuple, ce qui ne laisse guère de doutes sur le caractère mûrement réfléchi du changement de cap national.

    Plus qu’ailleurs, le modèle normatif promu par le « classement de Shanghaï », créé en 2003 et produit depuis 2009 par le cabinet #Shanghai_Ranking_Consultancy (30 employés), a été utilisé en France comme outil de communication et comme argument palliant à bon compte un déficit de pensée critique et politique. De nombreux articles ont été consacrés à l’ineptie de la méthodologie employée (démontrée par exemple ici - https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03797720500260116 - ou là - https://link.springer.com/article/10.1007/s11192-009-0115-x -), à commencer par ceci : le #score composite fabriqué, mélangeant torchons et serviettes, n’est ni une variable intensive (indépendante de la « taille » de l’établissement mesurée par le budget, le nombre d’étudiants ou le nombre de chercheurs par exemple), ni une variable extensive (proportionnelle à cette « taille »). Il s’agit d’un #bricolage sans rigueur, dépourvu de toute #rationalité_scientifique, « calibré » pour reproduire le #classement_symbolique des grandes universités privées états-uniennes. Du reste, comment la #qualité de la formation et de la recherche scientifique pourrait-elle bien varier à l’échelle d’une année, sauf à se baser sur des #indicateurs délirants ?

    Le concours de circonstances qui a conduit à la #fétichisation de ce classement par la #technobureaucratie du supérieur a été analysé dans les travaux de Christine Barats, auxquels nous renvoyons, ainsi que dans l’ouvrage de Hugo Harari-Kermadec, Le classement de Shanghai. L’université marchandisée (2019).

    La réception de ce classement par l’élite des grands corps de l’Etat fut un dessillement : aucun de ses lieux de formation — ni Sciences Po Paris, ni HEC, ni l’ENA, ni Polytechnique — n’ont de reconnaissance internationale. Seule l’Université, où se situe la recherche scientifique, apparaît dans ce classement. Bien sûr, d’autres classements sont utilisés pour les Master of Business Administration (MBA) et en particulier ceux basés sur le bénéfice financier escompté (salaires des alumni), à mettre en regard du coût de la formation (classement Value for money). Mais cela reste un choc pour la haute fonction publique de découvrir que dans le monde entier, les élites sont formées par la recherche, à l’Université, mais que la France fait exception à l’idéal humboldtien du fait de l’héritage napoléonien des Grandes Ecoles.

    Ce dessillement a suscité des réactions contradictoires chez les tenants de « l’économie européenne de la connaissance » théorisée notamment par M. Philippe Aghion et a conduit certains secteurs de l’Etat à soutenir un projet historique visant à surmonter le legs napoléonien dans la formation des élites : le projet de Paris-Saclay, dans sa mouture initiale.

    Sur le papier, jusqu’en 2015, beaucoup de conditions sont réunies pour un succès de ce projet, à condition bien sûr de se fixer un objectif clair : la construction d’une université expérimentale associant production, critique et transmission des savoirs scientifiques et techniques, en faisant le pari du soutien à l’émergence de PME industrielles à très haute valeur ajoutée, travaillant en bonne intelligence avec l’université. Loin de desservir le projet, le fait que le plateau de Saclay ne soit pas au cœur d’une métropole était un avantage. En effet, sa situation géographique permettait d’imaginer une ville-campus adaptée aux enjeux du XXIème siècle. Saclay pouvait donc être cette université où se rencontrent les élites scientifiques, économiques et politiques qui fait tant défaut au système français. Partant de ce constat partiel mais juste, l’État consacra un investissement de 5,3 milliards d’euros au projet d’université intégrée de Saclay en l’espace de dix ans. Disons-le : Paris-Saclay était alors le seul projet de regroupement universitaire intéressant. Tous les autres regroupements ne visaient qu’à produire des économies d’échelle dans les services centraux et à changer les statuts des établissements pour mettre les structures de décision hors d’atteinte des universitaires. On sait désormais que le surcoût de fonctionnement des mastodontes universitaires est exorbitant, qu’ils ont été dévitalisés et que le pouvoir y a été capté par une nouvelle bureaucratie managériale, au fonctionnement féodal, qui s’octroie une large part des ressources qui manquent à l’enseignement et à la recherche.

    Ce qui, à Paris-Saclay, rendait cette expérience historique d’unification entre Université et Grandes Écoles possible, c’est l’obsolescence de l’École Polytechnique. Deux rapports de la cour des comptes et un rapport parlementaire avaient pointé l’absence de « stratégie » de l’État pour cet établissement, son inadaptation à la « concurrence internationale », sa « gouvernance » défaillante et l’absurdité de sa tutelle militaire. Polytechnique était devenu un boulet aux yeux d’une partie du bloc réformateur. L’humiliation infligée par les classements internationaux avait également mis en difficulté les secteurs les plus conservateurs de la bureaucratie polytechnicienne d’État et leurs relais pantoufleurs du CAC 40. Dans ce contexte de crise, un quatrième rapport, commandé à M. Attali par le premier ministre, préconisait la suppression du classement de sortie, la suppression de la solde et la création d’une nouvelle « École polytechnique de Paris » englobant les grandes écoles du plateau, au sein de Paris-Saclay. La voie semblait libre pour reconstruire à Saclay une formation des élites administratives et industrielles en lien avec la recherche universitaire.

    Mais le 15 décembre 2015, cette expérience historique de dépassement des archaïsmes français tombe à l’eau. Plus exactement, « on » l’y pousse, à l’eau, les deux pieds coulés dans du béton. Quel « on » exactement conduit Paris-Saclay dans cette « impasse », pour reprendre le doux euphémisme de la Cour des Comptes ? Après que M. Le Drian, ministre de la Défense, a annoncé le 6 juin 2015 une « révolution » à Polytechnique, les président-directeurs généraux d’entreprises françaises du CAC 40 issus du corps des Mines s’activent au cœur de l’été.

    Une task-force est constituée autour de M. Pringuet, X-Mines et président de l’AFEP, le lobby des grands patrons français. S’il existe une rivalité entre l’Inspection des finances, nourrie par l’ENA, et le Corps des mines, alimenté par l’École Polytechnique, ENA-IGF et X-Mines partagent un même désir de perpétuation de la technostructure à la française, menacée par le projet d’intégration de Polytechnique dans Paris-Saclay. M. Pringuet, en liaison avec M. Macron depuis 2012 – son action de lobbying a abouti à la création du CICE -, obtient l’aide de celui-ci. Il est vrai que M. Macron, sous la mandature précédente, s’était déjà penché sur les questions d’« économie de la connaissance » comme rapporteur général de la commission Attali. L’enjeu des réformes universitaires, pour lui, n’est en aucun cas de dépasser l’archaïsme bonapartiste : bien au contraire, il s’agit de constituer une poignée de mastodontes internationalisés, dans la plus pure tradition des « fleurons » chers aux Grands Corps. C’est la fatalité des hauts fonctionnaires hexagonaux de rester désespérément français même (et surtout) lorsqu’ils croient singer le MIT… Lors de ce conseil d’administration du 15 décembre 2015, les deux ministres de tutelle de Polytechnique, M. Le Drian et M. Mandon sont accompagnés de M. Macron. Quand « Bercy » vient d’imposer des centaines de millions d’euros de coups de rabot dans le budget de l’Université, et même des milliards de coupes dans le contrat de plan État-régions, M. Macron apporte, ce 15 décembre 2015, 60 millions d’euros d’augmentation de budget à l’École Polytechnique… et consacre l’abandon du projet de Paris-Saclay, malgré son importance et son coût.

    Depuis, de reconfiguration en reconfiguration, Paris-Saclay n’est plus que l’avatar périurbain d’une politique qui n’avait probablement jamais cessé d’être la seule boussole des secteurs dirigeants de la bureaucratie : la différenciation des universités, fondée sur la séparation entre des établissements de proximité et une poignée d’universités-monstres supposément tournées vers la coopération internationale, et les yeux rivés vers des rankings sans substance. Ne reste qu’une question : les apparatchiks ont-ils entrevu ne serait-ce qu’un instant la signification libératrice du projet initial de Paris-Saclay ? Ou avaient-ils élaboré ce projet aussi inconsciemment qu’ils l’ont ensuite liquidé, en jouant à la dînette de Shanghai ?

    Toujours est-il qu’au terme de ce rendez-vous manqué, l’administratrice de la faillite politique et intellectuelle de Paris-Saclay, Mme #Sylvie_Retailleau, a pu se gargariser de la seule chose qui lui reste : une progression de quelques places dans un classement déjà décrédibilisé, arrachée à coups de milliards d’euros qui auraient pu être dépensés ailleurs et autrement. Il y a quelques mois, la dame de Shanghai déclarait en effet : « Cette position dans [le classement de Shanghai] nous renforce aussi dans la conviction de la pertinence de notre trajectoire institutionnelle collective. » Cette faillite valait bien une promotion : Aux innocents les mains pleines.

    Terminons cette histoire par quelques vers à la manière de Mallarmé, tirés de Lingua Novæ Universitatis, que vous pouvez encore vous procurer chez l’éditeur.

    https://rogueesr.fr/20220601

    #Classement_de_Shanghai #classification #comparaison #université #facs #ranking #critique

    ping @_kg_

    • Le Classement De Shanghai. L’université Marchandisée

      « Le classement de Shanghai mesure mal la qualité de l’enseignement supérieur…  » « Ce n’est pas aux étudiants d’évaluer les enseignants…  », « Les universitaires n’aiment pas qu’on les évalue… », etc. Seraient-ils corporatistes, recroquevillés sur leurs supposés privilèges ? Et pourquoi les dirigeants et les gestionnaires de l’Université tiennent-ils tellement à donner des notes et à classer (les chercheurs, les enseignants, les laboratoires, les universités…) ? Une vielle habitude d’enseignants ?

      Hugo Harari-Kermadec montre que l’enjeu principal de cette mise en nombre est de préparer la marchandisation de l’Université. Pour produire du Capital humain et s’insérer dans l’économie de la connaissance, l’Université devrait se transformer en profondeur, et le travail des universitaires devrait changer, coûte que coûte, de forme. Si les classements et les autres dispositifs de mise en nombre sont aussi importants, c’est parce qu’ils jouent un rôle essentiel pour faire du service public d’enseignement supérieur un nouveau secteur marchand producteur de valeur économique et de profits.

      En saisissant un secteur en cours de marchandisation, Hugo Harari-Kermadec révèle un processus qui s’étend bien au-delà de l’Université, de l’hôpital aux tâches domestiques, des compteurs linky aux bigdata. Il donne une nouvelle légitimité aux résistances face à la mise en nombre et invite à retourner l’arme de la quantification comme instrument d’émancipation.

      https://www.editionsbdl.com/produit/le-classement-de-shanghai-luniversite-marchandisee
      #marchandisation #livre

  • La #France crée une « #impulsion_politique » sur la gestion des frontières de l’Union

    Un #Conseil_des_ministres dédié à l’#espace_Schengen sera créé.

    « Nous devons avoir une #vision_politique de l’espace de #libre_circulation Schengen » et l’adapter « à la situation géopolitique actuelle », a plaidé jeudi Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, lors de son arrivée à une réunion informelle avec ses homologues européens à Lille. Ceux-ci ont endossé l’idée, proposée par la France, de créer une structure politique dédiée au pilotage de cet espace de 26 pays sans frontières intérieures, « joyau de la couronne » européenne, selon les mots du vice-président de la Commission Margaritis Schinas, mais malmené par les réactions politiques, parfois désordonnées, des États face à la migration, aux attaques terroristes ou à la pandémie de Covid-19.

    Cet accord constitue une première réussite pour la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE), qui a commencé le 1er janvier 2022 et qui a fait du contrôle des #frontières_extérieures de l’Union une priorité. Même si le grand défi sera surtout d’obtenir des avancées sur la réforme de l’espace Schengen et la politique d’asile européenne.

    Le premier « Conseil des ministres de l’Intérieur de l’espace Schengen » aura lieu le 3 mars prochain. L’objectif est d’en faire un « rendez-vous politique » qui se tiendrait quatre fois par an ou plus, en cas de crise aux frontières de l’Union européenne. Y seront conviés tous les États de l’UE, même ceux qui ne font pas partie de l’espace Schengen (Croatie, Irlande, Roumanie, Bulgarie et Chypre). Ainsi que la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande, membres de l’espace Schengen mais pas de l’Union.

    Pour alimenter les discussions, la France propose d’établir un « #baromètre_Schengen » avec des #indicateurs sur la #pression_migratoire aux frontières extérieures de l’UE, les #mouvements_secondaires des demandeurs d’asile en son sein et la #situation_sanitaire - autant d’éléments qui ont déjà poussé certains pays à rétablir des contrôles à leurs frontières et donc à mettre en suspens la libre circulation des personnes.

    « Ce Conseil, ce n’est pas une révolution institutionnelle et ce n’est pas le but. La plus-value sera d’anticiper les crises et de donner des réponses politiques aux défis qui se situent à nos portes », explique une source française. Fin novembre, la Biélorussie a fait venir sur son territoire des migrants, avant de les pousser vers les pays baltes et la Pologne, afin d’exercer une pression sur l’Union européenne. De manière générale, l’espace « Schengen a été créé dans les années 1990, au moment où il n’y avait pas la déstabilisation qu’on observe en Libye, en Syrie, en Afghanistan ou encore les grands mouvements migratoires que nous connaissons », a souligné M. Darmanin.

    Accord pour essayer la méthode française

    Mais, pour répondre à ces défis, l’enjeu fondamental sera surtout de faire progresser les négociations sur les réformes de l’espace Schengen proposées par la Commission l’année dernière, ainsi que celles sur le Pacte sur l’asile et la migration.

    Sur ce dernier point, le ministre s’est réjoui de l’#accord « unanime » des États membres pour s’essayer à la méthode française afin de tenter de dépasser leurs divisions quant à la gestion de la migration. Paris a invité les Vingt-sept à construire la #politique_d'asile commune étape par étape, en commençant par le renforcement du #contrôle (identité, sécurité, santé…) et du #filtrage des migrants aux frontières de l’UE. Puisque cela représente une charge considérable pour les États membres qui s’y trouvent, les Français mettront sur la table le 3 mars des « formes concrètes » de #solidarité_européenne. Dont notamment une liste d’États « volontaires » - une douzaine selon nos informations - prêts à relocaliser des migrants sur leur sol.

    Ces idées françaises n’ont rien de révolutionnaire par rapport à ce qui a déjà été imaginé, par la Commission ou par d’autres États membres, pour déminer le dossier migratoire. Mais la paralysie européenne face à ce sujet clivant et éminemment politique est telle que relancer les discussions entre les Vingt-sept est déjà une victoire en soi. « J’attendais beaucoup de la présidence française et aujourd’hui vous avez répondu à mes attentes », a carrément déclaré jeudi Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, lors d’une conférence de presse aux côtés de Gérald Darmanin.

    Le risque est cependant que ce dialogue finisse encore dans une impasse. « Il y a toujours l’envie d’aboutir à un compromis », (se) rassurait une source française jeudi, tout en reconnaissant que « chacun des États membres garde ses lignes rouges et ses demandes »

    https://www.lalibre.be/international/europe/2022/02/03/la-france-cree-une-impulsion-politique-sur-la-gestion-des-frontieres-de-luni

    #frontières #asile #migrations #réfugiés #Schengen #relocalisation #Union_européenne #UE #EU

  • La #pauvreté des enfants au niveau local : cartographie communale

    En #Belgique, plus d’un enfant sur six vit sous le #seuil_de_pauvreté, mais cette pauvreté n’est pas répartie de la même façon dans toutes les communes. Actuellement, seule la #Flandre dispose d’un outil de mesure de la pauvreté des enfants au niveau communal : le #Kansarmoede_Index. Afin de mieux cerner le phénomène, la Fondation Roi Baudouin a chargé l’Université de Mons en 2018 de cartographier les facteurs de risque de pauvreté des enfants sur l’ensemble du pays et à l’échelon communal.

    Vous trouverez ci-dessous six cartes représentant la Belgique avec, pour chacune d’elles, les données de chaque commune relatives à un indicateur de risque de pauvreté des enfants. Ces cartes sont interactives : en les parcourant avec la souris, vous verrez apparaître à l’écran les chiffres pour chaque commune.

    Les cinq premières cartes présentent cinq indicateurs indirects de risque de #pauvreté_des_enfants. Ils portent sur l’ensemble de la Belgique et mesurent des facteurs de (haut) #risque_de_pauvreté dans les #ménages avec enfants de 0 à 18 ans, mais pas la pauvreté des enfants en tant que telle. Il faut donc les interpréter avec précaution. Les cartes sont individuelles, mais complémentaires : c’est en prenant en compte plusieurs indicateurs indirects qu’on obtient une meilleure image du risque de pauvreté couru par les enfants de chaque commune.

    1. Les bénéficiaires d’un #revenu_d’intégration_sociale (#RIS) ou équivalent (eRIS) en charge d’un ménage

    Cet indicateur met en évidence le pourcentage de familles bénéficiaires du RIS ou eRIS dans chaque commune et parmi les ménages avec enfants. Plus une commune compte de bénéficiaires d’un RIS ou eRIS en charge d’un ménage, plus le risque de pauvreté des enfants est élevé.

    2. Les revenus moyens par ménage

    Cet indicateur donne une approximation de la richesse des ménages dans chaque commune. Plus l’indicateur est élevé, plus faible est le risque de pauvreté des enfants.

    3. La part des #mineurs vivant dans un ménage sans revenu du travail

    Vivre dans un ménage sans revenu du travail est l’indicateur indirect le plus fiable du risque de pauvreté des enfants. Plus cet indicateur est élevé, plus nombreux sont les enfants à risque de pauvreté.

    4. La part des ménages vivant dans un logement public social

    Cet indicateur doit être interprété avec précaution. Même si les enfants vivant dans un logement public social sont plus à risque de pauvreté, un taux élevé de ménages vivant dans un logement public social peut aussi refléter une stratégie communale active de lutte contre la précarité des familles.

    5. Le type de ménage – focus sur les ménages monoparentaux

    Vivre dans une famille monoparentale, dont le parent est le plus souvent une femme seule, augmente le risque de pauvreté des enfants. Toutefois, cet indicateur doit être interprété avec prudence car certains parents seuls disposent de revenus suffisamment élevés, d’un réseau social ou d’autres types de ressources qui protègent leur(s) enfant(s) du risque de pauvreté.

    6. Le dernière carte présente le Kansarmoede Index (Index de risque de pauvreté), le seul indicateur direct de la pauvreté des enfants développé par l’organisme flamand Kind en Gezin et disponible uniquement pour la Flandre. Cet indicateur fournit le pourcentage d’enfants entre 0 et 3 ans qui vivent dans un ménage défavorisé. Le pourcentage de risque de pauvreté est calculé sur la base de six domaines : le revenu mensuel de la famille, le niveau d’éducation des parents, le niveau de stimulation de l’enfant, la situation professionnelle des parents, la qualité du logement et la santé. Les familles sont considérées comme à risque de pauvreté lorsque leur situation est impactée négativement dans trois des six domaines. Plus cet indicateur est élevé, plus les familles sont à risque de pauvreté.

    https://www.kbs-frb.be/fr/cartographie_pauvreteinfantile

    #cartographie #Belgique #pauvreté #enfants #enfance #visualisation #chiffres #statistiques #pauvreté_des_enfants #communes #indicateurs

    via @suske

  • Baromètre #Science_Ouverte de l’UGA

    Pour suivre la progression de l’ouverture de ses publications, l’Université Grenoble Alpes a produit son premier baromètre de la science ouverte.
    Le Baromètre français de la Science Ouverte, publié en 2019, par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation permet de mesurer l’évolution de l’accès ouvert aux publications en #France.

    L’Université de Lorraine s’en est inspirée pour développer un baromètre adaptable par établissement et a mis à disposition de la communauté son code afin que que chaque université puisse le réutiliser pour produire son propre baromètre.

    Pour le baromètre UGA les sources de données utilisées pour établir la liste de publications sont le Web of Science, HAL, PubMed et Lens.org. Seules, les publications avec un DOI (Digital Object Identifier) sont retenues afin qu’elles puissent être soumises à Unpaywall pour identifier les publications en libre accès. Elles sont ensuite enrichies de la discipline scientifique grâce au jeu de données fournies par le BSO du MESRI.

    Le baromètre a été établi sur le périmètre de l’EPE Université Grenoble Alpes.
    Les données ont été collectées durant l’automne 2020.

    Limites

    la liste des publications utilisées pour produire le baromètre n’est pas exhaustive : seules les publications disposant d’un DOI sont prises en compte. Les sources utilisées et le fait qu’un DOI soit nécessaire peuvent impliquer que les publications en sciences humaines et sociales soient sous représentées.

    https://guide-hal.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/formations-et-evenements-uga/barometre-science-ouverte-de-l-uga-853860.htm?RH=17734

    Pour voir les résultats :


    https://view.genial.ly/601cf90b1892760d0964e30d

    #open_access #baromètre #Université_Grenoble_Alpes #statistiques #chiffres #indicateur

  • De quoi le PIB est la mesure et comment le dépasser
    https://laviedesidees.fr/De-quoi-le-PIB-est-la-mesure-et-comment-le-depasser.html

    Faut-il se débarrasser du Produit intérieur brut (PIB) qui guide actuellement les politiques publiques ? D. Blanchet et M. Fleurbaey invitent à d’abord clarifier l’articulation entre les notions de production, de revenu et de bien-être pour mieux voir comment compléter la comptabilité nationale.

    #Économie #indicateurs
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20210102_pibsoutenable.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210102_pibsoutenable.pdf

  • La #carte_interactive de l’#Observatoire_des_territoires s’enrichit

    L’outil de #cartographie_interactive de l’Observatoire des territoires (https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/outils/cartographie-interactive/#view=map36&c=indicator) c’est plus de 600 #indicateurs_statistiques disponibles à une vingtaine d’échelons territoriaux, de la commune à la région européenne. C’est également un outil d’édition de #portraits_de_territoires qui permet d’analyser les caractéristiques d’une zone géographique (démographiques, sociales, économiques…) en la comparant avec un espace de référence.

    Dans l’optique de mettre à disposition à la fois les #données les plus récentes possibles mais aussi de diffuser des #zonages actualisés et dans la #géographie_communale la plus récente, la carte interactive de l’Observatoire des territoires a récemment fait l’objet d’une importante mise à jour.

    Nouveaux zonages (aires d’attraction des villes, zones d’emploi 2020, ressorts de justice...), nouveaux #fonds_de_carte (AAV 2020, massifs, PNR...), nouveaux #indicateurs (agriculture biologique, accessibilité aux services et niveaux de centralités...), retrouvez le détail de ces mises à jour dans notre actualité :
    https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/actualites/2020-geoclip-maj-ngeo2020-actualite

    #cartographie
    ping @reka @simplicissimus

  • Chronique d’une communication cartographique ratée. Déconstruction critique des cartes du gouvernement français pendant la crise de la COVID-19 au printemps 2020

    Le gouvernement français[1] a montré 40 cartes différentes concernant les enjeux sanitaires de la crise liée à l’#épidémie de COVID-19 entre mars et juin 2020[2]. Le Premier ministre Édouard Philippe, son ministre de la Santé Olivier Véran et le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, ont tour à tour présenté lors de leurs conférences de presse régulières des #cartes représentant les transferts de patients en #réanimation [3], le #taux_d’occupation des services de réanimation [4], les rapatriements [5], les passages aux urgences dus à des suspicions de COVID-19 [6], la couverture des besoins en #tests_virologiques [7], la positivité de ces tests, l’évolution du R-effectif [8], et des synthèses de certaines de ces différentes informations [9]. La quasi-totalité des cartes (93 %) représente l’un de ces #indicateurs à l’échelle de la France métropolitaine et des Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM), selon les mailles départementales (59 % des cartes) ou régionales (37 %).

    Il y a trente ans, les travaux de John Brian Harley sur la #déconstruction des cartes (Harley, 1989), de Dennis Woods sur leur pouvoir (Woods, 1992), ou encore de Mark Monmonier sur les mensonges dont elles peuvent être porteuses (Monmonier, 1991), avertissaient de l’intrication du #pouvoir et des #techniques_cartographiques, du caractère construit et discursif des cartes, et donc de la nécessité d’un #décodage_critique de ces images et des #croyances_positivistes qui y sont associées. Il est aujourd’hui encore nécessaire d’adopter cette démarche critique pour comprendre le statut et la portée des quarante cartes gouvernementales du Coronavirus. Ainsi peut-on mettre en lumière que ces cartes ne sont pas dissociables des #discours qui les accompagnent (ou qu’elles accompagnent) et qu’ensemble ils servent finalement moins à l’exposition de faits scientifiques, qu’à la gestion d’une #crise_politique.

    http://www.jssj.org/article/chronique-dune-communication-cartographique-ratee-deconstruction-critique-des-

    #cartographie #cartes_gouvernementales #France #visualisation #confinement #covid-19 #coronavirus #vert #rouge

    On avait parlé de ces cartes sur seenthis... mais je ne retrouve pas le fil de discussion...

    via @reka
    ping @simplicissimus @visionscarto

  • « Pour un retour au débat scientifique et à l’intelligence collective »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/09/30/pour-un-retour-au-debat-scientifique-et-a-l-intelligence-collective_6054272_

    Soumise à la pression de la publication, et donc de la compétition, la science connaît une crise de crédibilité majeure. L’échange entre chercheurs et le consensus qui s’en dégage sont la garantie des vérités scientifiques, rappelle un collectif dans une tribune au « Monde ».
    […]
    Comment en sommes-nous arrivés là ? Notre thèse est que le débat a peu à peu disparu car la logique de l’évaluation administrative des chercheurs les en dissuade. A partir des années 1960, avec la croissance de la recherche publique, les institutions scientifiques ont voulu se munir d’indicateurs quantitatifs de performance pour piloter leur activité. Il en a résulté un système, devenu mondial, où le but du chercheur, pour obtenir financements ou promotion, est de justifier de publications dans des journaux « prestigieu ». Le bien-fondé et les modalités de calcul de l’indicateur de prestige (le « facteur d’impact ») sont des problématiques bien connues. Cependant, selon nous, sa tare la plus nocive reste encore mal désignée : lorsque la valeur d’une production est conditionnée à la réputation du journal qui la publie, ce n’est plus le chercheur qui est créateur de valeur, mais celui qui décide de la publication : l’éditeur.

    la suite sous #paywall

    • OK, mais cela vaut aussi pour la #Sociologie alors...

      Tribune. L’épidémie de Covid-19 a mis en lumière des dysfonctionnements profonds de la science. On en attendait la connaissance fiable sur laquelle fonder les mesures efficaces et raisonnables d’une sortie de crise. Finalement, chacun aura pu trouver de quoi confirmer son préjugé au milieu d’un chaos de plus de 50 000 articles humainement impossibles à analyser, dans lequel le circuit de publication et les hommes providentiels auront failli à indiquer une direction sûre. Comment parle la science aujourd’hui ?

      La voix de la science est d’essence collective : elle est celle du consensus qui naît du débat au sein de la communauté scientifique. Aussi longtemps et passionnément que nécessaire, les chercheurs échangent arguments et expériences jusqu’à converger vers des énoncés débarrassés des préjugés des uns et des autres, en accord avec les faits observés et qui constituent la vérité scientifique du moment. Or, cette pratique fondamentale du débat a largement disparu du monde académique, au profit d’un succédané profondément différent, le « journal avec relecture par les pairs ». Ce « peer reviewing » est un processus local, interne à une publication, régie par un éditeur, où un chercheur doit se plier aux injonctions de quelques référents anonymes lors d’échanges confidentiels par mail dont le but est d’obtenir en temps compté une décision favorable d’imprimatur. Ainsi les vérités scientifiques ne sont plus des faits collectifs émergents, mais sont décrétées par un procédé analogue à un procès à huis clos. Sous l’effet délétère de ce processus de validation aléatoire, limité, conservateur, invérifiable et perméable aux conflits d’intérêt, la science dans son ensemble est entrée dans une crise existentielle majeure, dite de la reproductibilité : dans la plupart des domaines et dans une proportion alarmante, de nombreux résultats expérimentaux publiés ne peuvent pas être répliqués, et ce même par leurs auteurs.

      Comment en sommes-nous arrivés là ? Notre thèse est que le débat a peu à peu disparu car la logique de l’évaluation administrative des chercheurs les en dissuade. A partir des années 1960, avec la croissance de la recherche publique, les institutions scientifiques ont voulu se munir d’indicateurs quantitatifs de performance pour piloter leur activité. Il en a résulté un système, devenu mondial, où le but du chercheur, pour obtenir financements ou promotion, est de justifier de publications dans des journaux « prestigieux ». Le bien-fondé et les modalités de calcul de l’indicateur de prestige (le « facteur d’impact ») sont des problématiques bien connues. Cependant, selon nous, sa tare la plus nocive reste encore mal désignée : lorsque la valeur d’une production est conditionnée à la réputation du journal qui la publie, ce n’est plus le chercheur qui est créateur de valeur, mais celui qui décide de la publication : l’éditeur.

      Ce renversement engendre deux dysfonctionnements majeurs. D’une part, une minorité d’éditeurs peut contraindre la majorité à s’aligner sur sa vision et ses normes (et par exemple imposer un impératif permanent de nouveauté, faisant l’impasse sur la vérification de résultats déjà publiés ou sur le partage de résultats expérimentaux négatifs). D’autre part, la valeur scientifique devient une denrée rare, que les chercheurs souhaitent s’attribuer en publiant dans les journaux qui la dispensent. Un scientifique qui se distingue dans ce système le fait inévitablement au détriment de ses pairs. L’échange entre pairs, indispensable à la science, devient contraire aux intérêts personnels de ses agents, désormais artificiellement en concurrence. L’intelligence collective étant ainsi inhibée par une gouvernance verticale, la science tend alors à se développer horizontalement : on se cloisonne dans des sujets de niche sans concurrence, les erreurs s’accumulent sans être corrigées, les controverses stagnent, la voix de la science est celle du storytelling qui aura su séduire l’éditeur le plus prestigieux, sans confrontation avec ses détracteurs.

      Pour retrouver un développement vertical de la science, il est indispensable d’en promouvoir une gouvernance horizontale, communautaire, où le but premier du chercheur est de débattre avec ses pairs et de les convaincre. Au contraire de la compétition vide de sens induite par les règles actuelles, une gouvernance horizontale induit une « coopétition », où l’échange est dans l’intérêt de tous et produit naturellement ouverture, transparence et intelligence collective. Dans d’autres écrits, nous détaillons ses modalités concrètes, désormais techniquement possibles grâce à Internet. En résumé, nous avançons que les bonnes valeurs selon lesquelles apprécier une production scientifique sont sa validité et son importance. La validité d’une production s’établit qualitativement par le débat scientifique et peut être raisonnablement quantifiée par le degré de consensus qu’elle atteint à un moment donné. Nous proposons par ailleurs que chaque scientifique tienne librement une revue de presse de la littérature, exprimant sa vision et ses hiérarchies personnelles. L’importance d’une production en particulier se voit et se mesure alors à son degré de diffusion dans un tel écosystème.

      Ces deux mécanismes redonnent à la communauté scientifique la gestion intégrale de la science et peuvent offrir des indicateurs répondant aux besoins administratifs des institutions. Ainsi, une transition vers un tel mode d’évaluation, de plus très économe car sans intermédiaires, est principalement une question de volonté politique. Nous espérons que la France s’emparera assez tôt de ces idées et sera un moteur dans la régénération globale des processus collectifs de la science.

      Michaël Bon, chercheur et consultant ; Henri Orland, chercheur (CEA) ; Konrad Hinsen, chercheur (CNRS, CBM) ; Bernard Rentier, recteur émérite de l’université de Liège ; Jacques Lafait, directeur de recherche émérite (CNRS, Sorbonne Université) ; Tembine Hamidou, professeur assistant (université de New York) ; Jamal Atif, professeur (université Paris-Dauphine-PSL) ; Alexandre Coutte, maître de conférences (université Paris-Nanterre) ; Nicolas Morgado, maître de conférences (université Paris-Nanterre) ; Patrice Koehl, professeur (université de Californie, Davis) ; Stéphane Vautier, professeur (université de Toulouse-Jean-Jaurès) ; Jean-Paul Allouche, directeur de recherche émérite (CNRS) ; Gilles Niel, chargé de recherche (CNRS, ICGM) ; Christine Fleury, conservatrice de bibliothèques (ABES) ; Clément Stahl, chercheur (université de Paris)

      #Science #coronavirus

  • Débat : #Classement_de_Shanghai, un palmarès pas très classe !

    Chaque été sort le 15 août la nouvelle mouture du « classement de Shanghai » – plus précisément le classement de l’Université Jiao Tong de Shanghai. Son but initial était de situer les universités chinoises par rapport à leurs homologues américaines. Il peut d’ailleurs « être considéré comme le symptôme du goût traditionnel de la civilisation chinoise pour l’#ordonnancement et la #classification ».

    Sorti des frontières chinoises depuis sa création en 2003, ce classement est devenu au fil des années un outil de #comparaison universel, non seulement des universités mais aussi des pays entre eux. Cependant, la communication qui l’entoure n’est-elle pas disproportionnée par rapport à sa qualité technique ?

    Une #méthodologie à questionner

    Notons d’abord que ce classement se concentre exclusivement sur l’activité de #recherche des établissements. Certaines disciplines, comme les #sciences_humaines_et_sociales, n’y sont pas prises en compte.

    L’activité d’#enseignement n’y est pas évaluée, pas plus que la #vie_étudiante, les #activités_culturelles ou l’insertion dans les territoires. Autant de dimensions qui sont pourtant essentielles pour un futur étudiant voulant juger de la « #qualité » d’une université. Globalement, ce classement favorise les universités qui sont fortes en #sciences_expérimentales, situées dans les pays où l’on parle l’#anglais.

    Sa méthodologie soulève aussi les critiques, sur le plan de la #bibliométrie, de ses #indicateurs, imparfaits et biaisés, de la difficulté d’homogénéiser les données entre plusieurs pays. C’est le #jugement_subjectif du fournisseur du classement qui détermine les indicateurs les plus importants, sans aucune justification théorique, et qui les impose de fait aux utilisateurs.

    Plus généralement, il est aberrant qu’un classement qui se base sur une seule note globale puisse refléter la #qualité d’une université, structure très complexe et diverse. C’est un peu comme s’il s’agissait de désigner la meilleure voiture du monde. Une Zoé est-elle une « meilleure » voiture qu’une Porsche ou une Kangoo ? Cela dépend bien sûr de l’usage du véhicule, du budget qu’on peut lui consacrer, et aussi de paramètres subjectifs (esthétique, « marque préférée » etc..). Alors pourquoi fait-on pour les universités ce qu’on ne se permettrait pas de faire pour l’automobile ?

    Une #perversité dans les usages

    Même faux, même biaisés, les classements ne poseraient pas un gros problème s’ils n’étaient pas devenus un #produit_de_consommation, une aubaine commerciale et même un dangereux outil de #management stratégique.

    Revenons sur les différentes catégories de « consommateurs » de classements. Au départ, les classements s’adressaient aux étudiants et à leurs familles, afin de les aider à effectuer leurs choix. C’était le cas du premier d’entre eux, celui de US News and World report en 1983, puis aujourd’hui du « classement de Shanghai ».

    https://twitter.com/FR_Conversation/status/1151738587047743489?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E11

    On aboutit ainsi à des sortes de « Guides Michelin » des universités. Comparaison intéressante, car on sait que la légitimité du guide rouge a été fortement remise en cause, à la fois sur des questions de méthodologie (système ancien, flou, manque de transparence), mais aussi d’usage (pression accrue sur les bénéficiaires).

    Mais la comparaison s’arrête là : si je fais confiance à une mauvaise évaluation dans un guide gastronomique, je ferai, au pire, un mauvais repas. Si je n’utilise que les classements pour choisir mes études, je risque de faire un mauvais choix de vie !

    Autres usagers des classements, les #entreprises. Elles embauchent quelquefois plus un diplôme « bien classé » qu’une personne. Dans notre pays, cette tendance existe dans le privé mais aussi dans la fonction publique avec l’exception culturelle des « grands corps », où certaines écoles ont le monopole de certains emplois.

    Les universités elles-mêmes peuvent être tentées de les utiliser pour sélectionner un partenaire étranger. Mais elles peuvent, hélas, aussi construire une stratégie visant à progresser dans les classements, plutôt que se concentrer sur leurs objectifs fondamentaux : qualité des formations, compétitivité des recherches, services rendus à la société. On passe ainsi du classement comme simple « élément d’information et de contexte » à un « élément d’une stratégie ».

    Enfin, l’État a pu considérer la progression dans les classements comme objectif stratégique pour ses universités. De même, le risque existe de voir les classements pris en compte par des organismes de contrôle ou comme variables dans des algorithmes d’attribution de #ressources.

    Du commercial au politique

    Oui, le classement des universités « fait vendre ». Il s’insère dans la passion de la presse magazine pour les #palmarès en tous genres, et est devenu un des principaux marronniers de la presse estivale. L’analyse sémantique montre que c’est paradoxalement la #contre-performance des établissements français qui fait évènement (« les universités françaises piétinent », « les universités françaises restent en retrait »…).

    Comme un club de football, les principaux classements commercialisent aussi de lucratifs produits dérivés : consultance, publicités, congrès, salons, aides à la rédaction de candidatures…

    La manière dont les universités ou les gouvernements communiquent sur ces classements ne peut qu’augmenter ce véritable #cercle_vicieux qui transforme le classement d’un simple outil en un #objectif_stratégique. On ne devrait pas commenter la place de nos universités dans ces classements avec un vocabulaire sportif : les universités ne sont pas dans un championnat.

    Il existe malgré tout un effet positif à cette médiatisation, celui de voir le public s’intéresser à un succès académique. Mais alors, pourquoi aussi peu d’écho à d’autres réussites ? Ainsi, l’attribution à Martin Karplus, professeur à l’université de Strasbourg et à Harvard, du prix Nobel de chimie 2013, est passée quasiment inaperçue en France.

    L’appétence pour les classements ne reflèterait-elle qu’un manque d’information sur la science et l’université ? L’importance prise par les classements comme celui de Shanghai comblerait-elle un vide créé par des universités ne communiquant pas assez avec le grand public ?

    Évaluer, et non classer

    On pourrait dire que tout cela est un argument de « mauvais perdant » : moins bien on est classé, plus on critique les classements ! Or la LERU (League of European Research Universities), qui regroupe les universités européennes les mieux classées, a adopté une position très claire :

    "Les classements sont, au mieux, sans rapport avec les #valeurs de l’université ou, au pire, les saperont. Ils encouragent la convergence vers un modèle dominé par la recherche, réduisant la diversité du système et sapant le potentiel de contribution à la société par d’autres moyens (..) Cela pourrait conduire à une culture obsessionnelle de la #mesure et du #contrôle, et promouvoir l’idée d’« #universités-supermarchés »."

    Mais attention, questionner les classements, mettre en cause leur importance, discuter leur #fiabilité ne veut pas dire que les universités ne veulent pas être évaluées, puisque l’#évaluation est dans leur quotidien.

    Répétons-le, on ne peut pas résumer la diversité et la richesse de nos universités par des chiffres à la fiabilité contestée. Le but de l’université n’est pas de figurer dans les classements. Elle travaille à la réussite de ses étudiants, pour qu’ils approfondissent le plus loin possible leurs savoirs. Elle se consacre à une recherche à la fois désintéressée et tournée vers la société, toute la société. C’est à l’aune de ces objectifs fondamentaux que la qualité de l’université devrait être regardée, analysée, commentée, mais sans classer.

    https://theconversation.com/debat-classement-de-shanghai-un-palmares-pas-tres-classe-142444
    #Shangai #ranking #université #facs #classement #critique

    –—

    Je signalais ici l’entrée de l’#Université_Grenoble_Alpes dans les top 100 du classement :
    https://seenthis.net/messages/871918#message871920

  • Classement de Shanghai, un palmarès pas très classe !
    https://theconversation.com/debat-classement-de-shanghai-un-palmares-pas-tres-classe-142444

    Sorti des frontières chinoises depuis sa création en 2003, ce classement est devenu au fil des années un outil de comparaison universel, non seulement des universités mais aussi des pays entre eux. Cependant, la communication qui l’entoure n’est-elle pas disproportionnée par rapport à sa qualité technique ?
    Une méthodologie à questionner

    Notons d’abord que ce classement se concentre exclusivement sur l’activité de recherche des établissements. Certaines disciplines, comme les sciences humaines et sociales, n’y sont pas prises en compte.

    L’activité d’#enseignement n’y est pas évaluée, pas plus que la vie étudiante, les activités culturelles ou l’insertion dans les territoires. Autant de dimensions qui sont pourtant essentielles pour un futur étudiant voulant juger de la « qualité » d’une #université. Globalement, ce classement favorise les universités qui sont fortes en sciences expérimentales, situées dans les pays où l’on parle l’anglais.

    Sa #méthodologie soulève aussi les critiques, sur le plan de la bibliométrie, de ses #indicateurs, imparfaits et biaisés, de la difficulté d’homogénéiser les données entre plusieurs pays. C’est le jugement subjectif du fournisseur du #classement qui détermine les indicateurs les plus importants, sans aucune justification théorique, et qui les impose de fait aux utilisateurs.

    #Classement_de_Shanghai

  • Les #migrations amènent-elles un « #grand_remplacement » culturel ?
    Ce texte résume la présentation de #Hillel_Rapoport au Collège de France le 20 janvier 2020 de l’article « Migration and Cultural Change », co-écrit avec Sulin Sardoschau et Arthur Silve : https://sistemas.colmex.mx/Reportes/LACEALAMES/LACEA-LAMES2019_paper_274.pdf

    La #mondialisation n’est pas qu’économique, elle est également culturelle. Elle concerne le commerce, les mouvements de capitaux et les migrations tout autant que les #modes_de_consommation, les #croyances et les #valeurs. Ces différentes dimensions de la mondialisation sont étroitement liées : la #mondialisation_économique et la #mondialisation_culturelle sont complémentaires. S’il paraît évident que le #commerce est un vecteur de #diffusion_culturelle, qu’en est-il des migrations ? Les hommes étant porteurs et transmetteurs de culture, ils contribuent par leurs mouvements au changement culturel global. Mais pour aller vers quoi ? La création d’un « village mondial », une américanisation du monde, une polarisation culturelle conduisant à un « choc des civilisations », voire un « grand remplacement », non pas démographique mais, plus insidieusement, culturel ?

    Notre article apporte des éléments de réponse empiriques à ce débat. Nous reprenons la définition usuelle de la #culture (ensemble de valeurs et croyances apprises et transmises) et reformulons la question de recherche de la manière suivante : les migrations rendent-elles les pays d’origine et d’accueil culturellement plus proches les uns des autres et, si oui, qui converge vers qui ?

    Des bases de données très fournies

    Nous évaluons la #proximité_culturelle entre deux pays en construisant des #indicateurs standardisés à partir du « #World_Values_Survey » (WVS), une enquête internationale réalisée tous les cinq ans depuis le milieu des années 80 et qui pose un ensemble de questions identiques à un échantillon représentatif d’individus dans un grand nombre de pays. Les questions (plusieurs dizaines) portent sur les #valeurs que les gens souhaitent transmettre à leurs enfants, leurs priorités dans la vie, leur degré de confiance (envers les autres, leurs gouvernements, les médias) ou encore leur degré de religiosité.

    Nos indicateurs permettent de mesurer la proximité culturelle entre deux pays et d’examiner l’effet des migrations internationales sur l’évolution de cette dernière. Les données sur les migrations proviennent des bases de la Banque Mondiale ou de l’OCDE. La périodicité des observations est de cinq années, correspondant aux différentes vagues du WVS.

    Mais que tester exactement ? On peut chercher à répondre à la question factuelle de la #convergence ou de la #divergence culturelle amenées par les migrations internationales, mais il est encore plus intéressant de comprendre quels sont les facteurs explicatifs derrière tel ou tel résultat.

    Quel pays converge culturellement vers l’autre ? Une question délicate

    Nous construisons pour cela un modèle théorique en partant de l’hypothèse que les individus migrent à la fois pour des motifs économiques (gain économique individuel escompté de la migration) et pour des motifs culturels (désir d’évoluer dans un environnement plus proche de leurs valeurs). Les migrants représenteront un échantillon d’autant plus culturellement représentatif du pays d’origine que le motif économique primera sur le motif culturel, et d’autant plus sélectionné culturellement dans le cas inverse. On identifie par ailleurs trois canaux dynamiques de transmission culturelle une fois la migration réalisée : la « #dissémination » (lorsque les immigrés diffusent leur culture auprès des populations natives du pays d’accueil), l’« #assimilation » (lorsque les immigrés absorbent la culture du pays d’accueil), et les « #rémittences_culturelles » (lorsque les émigrés transfèrent la culture du pays hôte vers le pays d’origine).

    Nos résultats montrent que la migration tend à promouvoir la #convergence_culturelle, ce qui est compatible dynamiquement avec les motifs de dissémination et de rémittences culturelles. Mais qui converge vers qui ? Il est difficile techniquement et délicat conceptuellement de répondre à cette question : imaginez que vous regardez le ciel et voyez deux étoiles à deux moments du temps : vous pouvez dire si elles se sont rapprochées ou éloignées, mais pas laquelle s’est rapprochée ou éloignée de l’autre, parce que la carte du ciel (qui dépend de la position de la terre) a elle-même bougé. C’est ici qu’il est utile, et même indispensable, de disposer d’un modèle théorique pour aller plus loin.

    Notre modèle théorique permet de tester nos prédictions empiriques

    La convergence culturelle induite par les migrations, que nous observons, provient-elle de la transformation culturelle des pays d’accueil, transfigurés (ou défigurés) qu’ils seraient par l’absorption des normes et valeurs culturelles importées par les immigrants, comme le soutiennent les tenants de la théorie du grand remplacement culturel ? Ou sont-ce les pays de départ qui se transforment par adoption de valeurs et normes issues des traditions et cultures des pays de destination de leurs émigrants, ce que soutiennent les sociologues à travers le concept de « #social_remittances ».

    Notre modèle théorique permet de prédire l’intensité de la convergence (ou de la divergence) selon l’importance relative des motifs économiques et culturels de la migration. Si le motif économique est dominant dans la décision de migrer, on peut s’attendre à ce que les migrants représentent un échantillon culturellement assez représentatif de la population du pays de départ. Dans ce cas, la migration est un facteur de convergence culturelle puisqu’elle consiste à mixer dans le pays de destination deux populations culturellement différentes. Si le motif culturel est dominant, les individus culturellement proches de la population du pays de destination seront surreprésentés parmi les émigrants. La migration est alors un facteur de divergence culturelle au sein de la minorité car elle renforce le groupe ou le type culturellement dominant dans le pays de destination.

    Ce que montrent les prédictions dynamiques du modèle, c’est que plus le motif culturel est important, plus la convergence sera forte si le mécanisme sous-jacent de #transmission_culturelle est de type « rémittences culturelles » et faible si le mécanisme sous-jacent est de type « dissémination » ; inversement, plus le motif économique est prévalent, plus on s’attend à ce que la convergence soit forte en cas de dissémination et faible en cas de rémittences culturelles. Il s’agit là de prédictions que l’on peut tester indifféremment à partir de ces deux mécanismes, ceux-ci pouvant donc être différenciés empiriquement.

    La migration concourt bien à la convergence culturelle des pays de départ vers les pays d’accueil

    Notre travail empirique a donc consisté à tester ces différentes prédictions et le résultat principal est que la migration concourt bien à la convergence culturelle des pays de départ vers les pays d’accueil. Autrement dit, le mécanisme de transmission dominant provient des rémittences culturelles. Il s’agit là d’un résultat robuste, significatif statistiquement et important quantitativement. Tous les tests empiriques pointent dans la même direction : c’est le mécanisme de « rémittences culturelles » qui ressort chaque fois vainqueur ; à chaque fois, on trouve une convergence culturelle plus forte lorsque les gains économiques sont plus faibles et/ou lorsque les gains culturels sont plus forts. Ces résultats disqualifient donc le mécanisme de dissémination et les thèses « épidémiologiques » fondées sur l’idée que les immigrés disséminent leur culture vers les populations natives des pays d’accueil (thèses qui, dans leur version complotiste, culminent dans les théories du #grand_remplacement_culturel).

    http://icmigrations.fr/2020/06/08/defacto-020-03
    #culture #changement_culturel

  • Homepage - GHS Index
    https://www.ghsindex.org

    Index de préparation en face d’un problème sanitaire de 195 pays publié en Octobre 2019 : les #états-unis venaient en tête avec un excellent score,

    Or d’après la co-directrice même du site, dans l’épidémie actuelle de #covid-19 plusieurs pays dépassent les Etats-Unis en matière de préparation,
    https://daily.jstor.org/jennifer-nuzzo-were-definitely-not-overreacting-to-covid-19

    Clearly, just given current experiences, there is no evidence that the United States is the most prepared. We are way behind other countries on a number of fronts. And even though the president held up our index at a press conference and said, “Look, you know, Johns Hopkins found that the U.S. is prepared,” that’s actually not what we found. What we found was that no country is fully prepared, and many countries have deficit in their health systems. That is very much playing out across the globe right now.

    #in_retrospect

    • merci ! ce qui est remarquable aussi c’est que les pays « most prepared » sont parmi les premiers touchés et ceux qui merdent le plus : outre les USA, on a les Pays-Bas, la Suède, le Royaume-Uni, la France.

      #indicateurs

    • According to a survey of its members by an association representing 42,000 New York nurses, around 85 percent have already come into contact with COVID patients, but almost three-quarters do not have access to sufficient protective clothing.

      Trump [...] claimed on Jan. 26 at the World Economic Forum in Davos, "We have it under control, it’s going to be just fine.”

      Nothing could have been further from the truth. At the time, the CDC decided to develop its own test for the coronavirus rather than using a functioning one from the WHO. The test quickly turned out to be faulty, and as a result, weeks went by without anyone being able to determine how widely the disease had already spread in the U.S.

      In early February, some state governors began requesting help from Washington, mainly in the form of protective clothing and ventilators from the Strategic National Stockpile. The national reserve was set up in 1999, overseen by some 200 employees at several secret locations. But the reserve has never been properly replenished since the H1N1 pandemic, the swine flu of 2009.

      In one particularly disastrous move, [Trump] abolished the pandemic task force in the National Security Council that President Barack Obama set up after the Ebola outbreak in West Africa.

      Both have tried to sign up for the Cares unemployment program relaunched by Congress to help people make ends meet over the next few months, “but the website keeps crashing,” says Karlin, "everything is totally overloaded.” They’ve also been trying to get through on the telephone hotline, but they’ve had no luck there either. Hundreds of thousands of Americans are going through similar experiences right now. They’re sitting at home in front of their computers trying to figure out what to do with their lives now that they are unemployed.

      https://www.spiegel.de/international/world/the-american-patient-how-trump-is-fueling-a-corona-disaster-a-024a5cc9-2c07-

    • COVID-19 gives the lie to global health expertise - The Lancet
      https://seenthis.net/messages/834810

      Et non seulement l’épidémie est la plus forte chez eux du fait de leur incurie criminelle, mais ils maintiennent leur embargo criminel contre les pays récalcitrants les empêchant de recevoir le matériel médical qui leur permettrait de mieux faire face à l’épidémie de covid-19,

      As the #coronavirus disease 2019 (COVID-19) outbreak began spreading in Europe and the USA, a chart started circulating online showing ratings from the 2019 Global Health Security Index, an assessment of 195 countries’ capacity to face infectious disease outbreaks, compiled by the US-based Nuclear Threat Initiative and the Johns Hopkins School of Public Health’s Center for Health Security. The USA was ranked first, and the UK second; South Korea was ranked ninth, and China 51st; most African countries were at the bottom of the ranking.

      Things look different now. The US and UK Governments have provided among the world’s worst responses to the pandemic, with sheer lies and incompetence from the former, and near-criminal delays and obfuscation from the latter. Neither country has widespread testing available, as strongly recommended by WHO, alongside treatment and robust contact tracing.1 In neither country do health workers have adequate access to personal protective equipment; nor are there nearly enough hospital beds to accommodate the onslaught of patients. Even worse, by refusing to ease #sanctions against Iran, Venezuela, and Cuba, the US has crippled the ability of other countries to respond, continuing to block medical supplies and other humanitarian aid. 2

  • J’ai accès à des données diverses du fait de mon activité. Et là, il s’agit des retraits quotidiens d’EPI (équipements de protection individuelle) dans un certain nombre de sites industriels français. Il y a des constructeurs automobiles, mais aussi des aéroports, et pleins d’autres activités. Et donc, voilà, on arrive à moins de 30% de l’activité habituelle.

  • #Philippe_Lévy : « L’#hôpital va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue »

    Dans une tribune au Parisien - Aujourd’hui en France, le professeur des universités Philippe Lévy « lance une #alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler » à l’hôpital.

    « De tous les centres hospitalo-universitaires (#CHU) et de la majorité des #centres_hospitaliers généraux s’élève la même plainte. L’#épuisement du #personnel, la #perte_de_sens et — c’est nouveau — l’#insécurité_des_soins y sont décriés. L’#AP-HP est emblématique car c’est le plus grand établissement hospitalier d’Europe. Je souhaite par ces quelques lignes lancer une alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler.

    Le personnel non médical — infirmier(e) s, aide-soignant(e) s, psychologues… — est écrasé en raison de #salaires de misère, de plannings sans cesse modifiés, de l’impossibilité de se loger à proximité des hôpitaux, de la destruction des équipes attachées à un service, ne permettant pas une #formation adéquate ni la #transmission_du_savoir ni la #solidarité. Les infirmières n’ont plus les moyens d’accomplir leurs tâches dans le temps imparti… On doit fermer des lits par secteurs entiers, restreignant les capacités d’accueil. Il n’y a plus d’assistantes sociales pour accompagner la prise en charge des patients précaires.

    Dans les hôpitaux, il manque des manipulateurs radio. L’AP-HP remplace les #secrétaires par des #logiciels qui font des courriers. Mais les secrétaires organisent le temps des médecins, sont capables de distinguer l’urgence de l’accessoire, de gérer l’angoisse… L’#encadrement ne contrôle plus le #soin. Il est saturé par la gestion des plannings, les glissements de tâches. L’AP-HP a été sévèrement touchée par la #réforme_des_pôles qui a détruit les #unités_fonctionnelles qu’étaient les #services autour du #chef_de_service. La création des #pôles a généré d’innombrables réunions, des mises en place d’#indicateurs de #performance. Les super #pôles_interhospitaliers ont été inventés avec un responsable médical et un #cadre_paramédical très éloignés des différents services et de leurs préoccupations. Les #super_pôles ont encore moins bien fonctionné que les pôles. Puis on a créé, sans plus de succès, les #départements_médico-universitaires. Les jeunes #médecins sont maintenus dans un état précaire pendant des années. Malgré des besoins évidents de titulaires, ils restent #contractuels et sont renouvelés (ou non) tous les six mois. Ce sont pourtant des bacs +10, responsables de vies humaines !

    Les rapports avec les directions sont de plus en plus difficiles. Elles ne sont plus au service des équipes médicales, c’est l’inverse. Il nous faut remplir des #objectifs, expliquer des déficits, signer des contrats qui n’engagent que le #corps_médical. Il y a à l’AP-HP un #administratif pour deux médecins…

    On le comprendra, le problème de l’hôpital ne se limite pas aux urgences. C’est être aveugle que de le croire, de le dire, voire de le clamer. Voilà, mesdames et messieurs les futurs usagers, rapidement brossé le paysage dévasté de ce qui est fait de l’#hôpital_public censé pourtant assurer les soins au plus haut niveau de tous, pauvres comme riches, et assurer la recherche d’excellence et la formation. Nous sommes à un #point_de_non-retour où l’hôpital public va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue sous le regard avide de l’#hospitalisation_privée. Le #corps_médical et paramédical ainsi que la population doivent dire stop et se lever. Plus que temps ! »❞

    http://www.leparisien.fr/societe/philippe-levy-l-hopital-va-s-effondrer-comme-une-barre-obsolete-de-banlie
    #effondrement #privatisation #macronisme #santé #hôpital_public #accès_aux_soins #soins #précarité #new_management_public #néo-libéralisation #services_publics

  • Les #outils_numériques de l’#humanitaire sont-ils compatibles avec le respect de la #vie_privée des #réfugiés ?

    Pour gérer les opérations humanitaires dans le camp de réfugiés syriens de #Zaatari en #Jordanie, les ONG ont mis en place des outils numériques, mais l’#innovation a un impact sur le personnel humanitaire comme sur les réfugiés. Travailler sur ce camp ouvert en 2012, où vivent 76 000 Syriens et travaillent 42 ONG, permet de s’interroger sur la célébration par le monde humanitaire de l’utilisation de #nouvelles_technologies pour venir en aide à des réfugiés.

    Après plusieurs années d’observation participative en tant que chargée d’évaluation pour une organisations non gouvernementales (ONG), je suis allée plusieurs fois à Amman et dans le camp de Zaatari, en Jordanie, entre 2017 et 2018, pour rencontrer des travailleurs humanitaires de 13 organisations différentes et agences de l’Onu et 10 familles vivant dans le camp, avec l’aide d’un interprète.

    Le camp de Zaatari a été ouvert dès 2012 par le Haut Commissariat aux Réfugiés pour répondre à la fuite des Syriens vers la Jordanie. Prévu comme une « #installation_temporaire », il peut accueillir jusqu’à 120 000 réfugiés. Les ONG et les agences des Nations Unies y distribuent de la nourriture et de l’eau potable, y procurent des soins et proposent un logement dans des caravanes.

    Pour faciliter la #gestion de cet espace de 5,2 km2 qui accueille 76 000 personnes, de très nombreux rapports, cartes et bases de données sont réalisés par les ONG. Les #données_géographiques, particulièrement, sont collectées avec des #smartphones et partagées via des cartes et des #tableaux_de_bord sur des #plateformes_en_ligne, soit internes au camp comme celle du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), soit ouvertes à tous comme #Open_Street_Map. Ainsi, grâce à des images par satellite, on peut suivre les déplacements des abris des réfugiés dans le camp qui ont souvent lieu la nuit. Ces #mouvements modifient la #géographie_du_camp et la densité de population par zones, obligeant les humanitaires à modifier les services, tel l’apport en eau potable.

    Les réfugiés payent avec leur iris

    Ces outils font partie de ce que j’appelle « l’#humanitaire_numérique_innovant ». Le scan de l’#iris tient une place à part parmi ces outils car il s’intéresse à une partie du #corps du réfugié. Cette donnée biométrique est associée à la technologie de paiement en ligne appelée #blockchain et permet de régler ses achats au #supermarché installé dans le camp par une société jordanienne privée. Avant l’utilisation des #scanners à iris, les réfugiés recevaient une #carte_de_crédit qu’ils pouvaient utiliser dans divers magasins autour du camp, y compris dans des #échoppes appartenant à des réfugiés.

    Ils ne comprennent pas l’utilité pour eux d’avoir changé de système. Nour*, une réfugiée de 30 ans, trouvait que « la #carte_Visa était si facile » et craint de « devenir aveugle si [elle] continue à utiliser [son] iris. Cela prend tellement de temps : “ouvre les yeux”, “regarde à gauche”, etc. ». Payer avec son corps n’a rien d’anecdotique quand on est réfugié dans un camp et donc dépendant d’une assistance mensuelle dont on ne maîtrise pas les modalités. Nisrine, une autre réfugiée, préférait quand « n’importe qui pouvait aller au supermarché [pour quelqu’un d’autre]. Maintenant une [seule] personne doit y aller et c’est plus difficile ». Sans transport en commun dans le camp, se rendre au supermarché est une contrainte physique pour ces femmes.

    Le principal argument des ONG en faveur du développement du scan de l’iris est de réduire le risque de #fraude. Le #Programme_Alimentaire_Mondial (#Pam) contrôle pourtant le genre de denrées qui peuvent être achetées en autorisant ou non leur paiement avec la somme placée sur le compte des réfugiés. C’est le cas par exemple pour des aliments comme les chips, ou encore pour les protections hygiéniques. Pour ces biens-là, les réfugiés doivent compléter en liquide.

    Des interactions qui changent entre le personnel humanitaire et les réfugiés

    Les effets de ces #nouvelles_technologies se font aussi sentir dans les interactions entre le personnel du camp et les réfugiés. Chargés de collecter les #données, certains humanitaires doivent régulièrement interroger des jeunes hommes venant de zones rurales limitrophes (qui forment la majorité des réfugiés) sur leur hygiène ou leurs moyens de subsistance. Cela leur permet de créer des #indicateurs pour classer les réfugiés par catégories de #vulnérabilité et donc de #besoins. Ces interactions sont considérées par les réfugiés comme une intrusion dans leur espace de vie, à cause de la nature des questions posées, et sont pourtant devenues un des rares moments d’échanges entre ceux qui travaillent et vivent dans le camp.

    Le #classement des ménages et des individus doit se faire de manière objective pour savoir qui recevra quoi, mais les données collectées sont composites. Difficile pour les responsables de projets, directement interpellés par des réfugiés dans le camp, d’assumer les choix faits par des logiciels. C’est un exercice mathématique qui décide finalement de l’#allocation de l’aide et la majorité des responsables de programmes que j’ai interrogés ne connaissent pas son fonctionnement. Le processus de décision est retiré des mains du personnel humanitaire.

    Aucune évaluation de la #protection_des_données n’a été réalisée

    La vie privée de cette population qui a fui la guerre et trouvé refuge dans un camp est-elle bien protégée alors que toutes ces #données_personnelles sont récoltées ? Le journal en ligne The New Humanitarian rapportait en 2017 une importante fuite de données de bénéficiaires du Pam en Afrique de l’Ouest, détectée par une entreprise de protection de la donnée (https://www.thenewhumanitarian.org/investigations/2017/11/27/security-lapses-aid-agency-leave-beneficiary-data-risk). En Jordanie, les #données_biométriques de l’iris des réfugiés circulent entre une banque privée et l’entreprise jordanienne qui exploite le supermarché, mais aucune évaluation de la protection des données n’a été réalisée, ni avant ni depuis la mise en œuvre de cette #innovation_technologique. Si la protection des données à caractère personnel est en train de devenir un objet de légalisation dans l’Union européenne (en particulier avec le Règlement Général sur la Protection des Données), elle n’a pas encore été incluse dans le #droit_humanitaire.

    De la collecte de données sur les pratiques d’hygiène à l’utilisation de données biométriques pour la distribution de l’#aide_humanitaire, les outils numériques suivent en continu l’histoire des réfugiés. Non pas à travers des récits personnels, mais sur la base de données chiffrées qui, pense-t-on, ne sauraient mentir. Pour sensibiliser le public à la crise humanitaire, les équipes de communication des agences des Nations Unies et des ONG utilisent pourtant des histoires humaines et non des chiffres.

    Les réfugiés eux-mêmes reçoivent peu d’information, voire aucune, sur ce que deviennent leurs données personnelles, ni sur leurs droits en matière de protection de données privées. La connexion Internet leur est d’ailleurs refusée, de peur qu’ils communiquent avec des membres du groupe État Islamique… La gestion d’un camp aussi vaste que celui de Zaatari bénéficie peut-être de ces technologies, mais peut-on collecter les #traces_numériques des activités quotidiennes des réfugiés sans leur demander ce qu’ils en pensent et sans garantir la protection de leurs données personnelles ?

    http://icmigrations.fr/2020/01/16/defacto-015-01

    #camps_de_réfugiés #numérique #asile #migrations #camps #surveillance #contrôle #biométrie #privatisation

    ping @etraces @reka @karine4 @isskein

  • Les #indicateurs de l’UGA :

    - très bien dotée, avec des ressources en nette augmentation,
    – un bon #taux_d'encadrement, mais avec une des plus forte baisse de France,
    – et un taux de titularité bas et qui s’écroule.

    https://twitter.com/JulienGossa/status/1219750402821885958?s=03
    #Université_Grenoble_Alpes #UGA #université #ressources #dotation #comparaison #universités #France #précarisation #statistiques #chiffres